Chapter 1: Attendre sur le quai de gare
Notes:
Disclaimer : Les personnages ne m'appartiennent pas.
Note : Recueil d'OS écrits pendant les nuits HPF, les ateliers d'écriture discord ou pour répondre à de brèves idées qui ne sont pas assez détaillées pour devenir des OS solitaires. D'où la taille et les ratings variés.
Univers : Après la troisième saison.
Rating : K+
Bonne lecture.
Chapter Text
Il a l'impression d'être dans l'un de ces fichus films romantiques où le couple d'amoureux se retrouve sur le quai de la gare. Sauf que Will est loin d'être en couple avec Hannibal et qu'il est ici pour l'arrêter, une bonne fois pour toutes. L'attirer à cet endroit n'a pas été si compliqué, il lui a suffi d'envoyer une lettre enflammée à son fou de psychiatre pour lui faire croire qu'il tenait réellement à le revoir. Apparemment, le Docteur Lecter est tombé dans le panneau, ce que Will a quand même beaucoup de mal à croire. Comment quelqu'un d'aussi doué qu'Hannibal pourrait se faire avoir aussi facilement par une ruse si stupide ? La seule solution envisageable pour une réponse est trop tordue pour le brun qui préfère la repousser. Après tout, penser que le cannibale puisse éprouver le moindre sentiment est un peu étrange.
Plusieurs trains passent, sans un signe de la part du psychiatre. Soit ce dernier est déjà descendu et Will ne l'a pas vu, soit il a finalement décidé de ne pas venir, ce qui décevrait quand même le brun. Il n'aime pas se déplacer pour rien, surtout depuis leur petite chute de la falaise. Les fractures ont été très nombreuses, très douloureuses à soigner et il en porte encore le mal lorsqu'il fait trop d'efforts. Les médecins lui ont dit d'attendre un peu, pour laisser le temps aux médicaments d'agir, mais Will déteste l'inactivité. Et il a souvent songé qu'Hannibal a sans doute subi le même sort que lui, qu'il continue à vivre sa vie sans se plaindre. Si l'ancien éventreur peut le faire, il n'y a aucune raison que lui-même n'y arrive pas. Ce serait trop humiliant d'être le seul à souffrir à haute voix alors il se tait, désormais.
Will hésite à prendre son téléphone portable pour envoyer un message à son psychiatre, ou simplement pour l'appeler. Que pourrait-il lui dire de toute manière ? « Bonjour Hannibal, je suis là pour te tendre un piège, j'espère que tu ne tarderas pas trop ». Non, non et non. Définitivement non. Autant être discret pour le moment et pourquoi ne pas en profiter pour replonger dans les souvenirs. Car c'est sûrement à cause de cela que le cannibale a accepté ce qui s'apparente à un rendez-vous. Quoi de mieux que de partager des moments vécus à deux autour d'un bon repas ? En priant bien sûr pour que le repas soit cent pour cent végétarien et pour s'arranger qu'Hannibal ne s'approche pas une seule seconde des plats. Parce que même si c'était bon, Will n'est pas certain d'être prêt à manger à nouveau de la viande humaine.
Les pensées du brun vagabondent vers le passé, à une époque où il n'était qu'une marionnette entre les mains de son fou de psychiatre. Ils en ont vécu des instants étranges, à s'opposer l'un à l'autre, à créer une amitié basée sur le manque de confiance et sur les soupçons. Combien de fois Will a-t-il essayé de prouver qu'Hannibal était bien le meurtrier que Jack Crawford recherchait ? Il avait été interné à la place du cannibale et il lui en voulait toujours. Cette période de sa vie n'était pas franchement la plus joyeuse, seuls ses chiens avaient pu prouver leur valeur. Quant au Docteur Lecter, il avait montré à de nombreuses reprises qu'il manipulait n'importe qui et n'importe comment. Il s'était forgé des alibis solides et avait disséminé des fausses preuves pour accuser son patient.
Puis il y avait eu le Dragon Rouge et quelque chose avait changé entre eux. Leur amitié était devenue ambigüe, à un point tel que Will avait commencé à se demander si Hannibal était capable ou non d'aimer. Le brun avait fini par se convaincre que le cannibale servait uniquement ses propres intérêts et qu'il n'y avait aucune raison d'évoquer le moindre sentiment. Quelqu'un qui tuait les autres en les considérant comme des animaux ne pouvait pas éprouver quelque chose. Mais le doute subsistait, si bien que Will s'était laissé emporter par ce qu'il vivait. Et comme il était trop tard pour faire machine arrière et qu'il avait tué un homme, il n'avait pas trouvé de meilleure solution que d'entraîner Hannibal avec lui, les jetant tous les deux du haut de la falaise en priant pour mourir rapidement.
Avec une grimace, le brun revient dans le présent, repoussant ses souvenirs. La falaise n'était pas du tout une bonne idée, son corps le lui a bien fait comprendre. Il faut dire aussi que la chute a été très dure, le courant était violent et, avec leurs blessures, ce n'était pas très pratique de nager correctement. Pourtant, ils sont tous les deux encore en vie, Will attend Hannibal sur le quai de la gare, comme on peut attendre un ami après une longue absence. Un léger regret commence d'ailleurs à poindre, montrant le bout de son nez alors qu'il se dit qu'il n'aurait peut-être pas dû envoyer cette lettre à son psychiatre. Pourquoi le déranger alors qu'ils pourraient chacun vivre leur existence sans devoir se soucier de l'autre ? Pour ça aussi, Will a une réponse mais, là encore, elle ne lui convient pas, car elle serait elle-aussi synonyme de sentiments.
Un nouveau train fait irruption sur les rails et il s'arrête dans un grincement sinistre. Will dévisage chaque passager, espérant voir ce visage qui n'a pas quitté ses pensées depuis qu'il s'est réveillé à l'hôpital. Pourquoi diable est-il si attiré par Hannibal ? C'est à cause de lui si tout a pris un mauvais tournant dans sa vie, il est là pour l'arrêter, pas pour lui ouvrir les bras en grand. Très vite, son regard croise celui de sa proie mais, tout aussi rapidement, le brun sent qu'il perd le contrôle. Le Docteur Lecter arbore un sourire satisfait alors qu'il le rejoint, toujours aussi impeccablement vêtu d'un costume taillé sur mesure.
« J'ai été surpris de ne recevoir une lettre que maintenant. Je suppose que je suis attendu pour finir à nouveau devant les juges. »
Will comprend que, depuis le début, Hannibal sait la vérité. Mais il a accepté de venir quand même, ce qui retourne l'estomac du brun. Il ne peut pas vendre le cannibale aux forces de l'ordre, il a conscience de son incapacité soudaine. Alors il tente sa dernière carte, une porte de sortie mise en place quelques instants auparavant, avant de quitter sa demeure. Il sort de sa poche deux billets de train, promesse d'un nouveau départ, loin de leurs souvenirs, loin de leur passé.
Chapter 2: Nuit forestière
Notes:
Univers : Après la troisième saison.
Chapter Text
Perdu. Voilà comment se sent Will alors qu'il traverse les bois.
Il n'a pas pensé à prendre son fusil de chasse ou à sortir ses chiens. De toute manière, il est inutile de croire que la présence des canidés à ses côtés serait un frein à un potentiel assassinat de la part d'un criminel. L'être humain n'est plus aussi craintif qu'autrefois, il ne se terre plus dans des maisonnettes en attendant que le gibier soit ramené par ses bêtes. Au contraire, l'Homme s'est transformé en quelque chose de bestial, il n'hésite plus à abattre sa nourriture et peu importe la nature de cette dernière.
Avec une lenteur exagérée, Will avance entre les arbres. Les feuilles crissent sous ses pas, les brindilles cassent et annoncent clairement sa position. Il se moque bien de se faire repérer, il n'est pas en terrain connu. Certains prétendent que tous les terrains forestiers sont identiques mais lui n'est pas de cet avis. Ce nouveau coin où il a emménagé moins de trois semaines auparavant n'a rien à voir avec les bois de Wolf Trap, en Virginie. Ici, tout est plus calme, paisible, détendu. Les lieux n'ont pas encore été souillés par des meurtres et par sa présence, ils n'ont pas dépéri en même temps que lui. Mais même si cette forêt lui semble plus accueillante, il n'y est pas à sa place. Ses illusions de cervidés ne sont plus là, il n'y a plus aucun cri, aucune plainte. Il n'y a plus de cauchemars perturbants où le sang et la viande se mélangent.
Il ne connaît pas encore les gens de son voisinage et eux ignorent tout de son identité. Fuir n'a pas été si simple, les autorités ont fait tout leur possible pour l'arrêter en même temps qu'Hannibal. La presse s'y est donnée à cœur joie pour parler des Amants tueurs et de leur victime commune, pour dresser des portraits peu flatteurs de leurs vies et de leur avenir. La police n'a pas su leur mettre la main dessus alors qu'ils sont restés assez près des lieux du crime. Il faut dire aussi qu'en raison de leur chute brutale de la falaise, courir à l'autre bout de l'Amérique aurait été extrêmement compliqué mais le psychiatre s'est débrouillé pour soigner approximativement leurs blessures afin de permettre un déplacement dans les plus brefs délais.
Will ne se situe plus très bien dans sa relation avec Hannibal. Il y a eu beaucoup de hauts et de bas, de mensonges importants et perturbants, de manipulations. Lui qui est si fier de faire preuve d'empathie et de pouvoir se glisser dans la tête des pires sociopathes, il s'est fait avoir par un cannibale professionnel. Son psychiatre est le plus doué pour embobiner les gens, se forger des alibis et fournir des preuves afin de dénoncer les autres, même s'ils sont innocents. Will en a payé le prix en étant jeté en prison pour des meurtres qu'il n'avait pas commis et il lui arrive de le rappeler à Hannibal, de lui exprimer sa rancœur sur ce temps passé derrière les barreaux d'une geôle dans laquelle il n'aurait pas dû être. Parfois il imagine qu'il prend son téléphone, qu'il compose le numéro d'urgence et qu'il signale la position du Dr Lecter. Mais il ne va jamais jusqu'au bout, parce qu'il a fait une grave erreur.
Il se souvient de ce moment où tout a dérapé, lors de la fin de la préparation de l'un de leurs nombreux repas. Suite à des commentaires appréciateurs de la part de Will sur son filet mignon de porc – sous-entendu d'homme mal élevé venu mettre son nez dans leurs affaires sans leur permission – Hannibal a fait le premier pas. Le baiser a été bref, des lèvres sur des lèvres, avec un arrière-goût de vin qui n'a pas déplu au brun. L'événement n'est pas resté isolé très longtemps, leurs bouches ont fini par s'épouser à merveilles dans des baisers de plus en plus récurrents et de moins en moins innocents. Et les choses étant ce qu'elles sont, leurs corps ont voulu suivre la danse. Même si le psychiatre fait part d'une infinie tendresse envers celui qui lui appartient, Will n'a pas osé franchir le dernier pas. Il connaît bien la dextérité du cannibale, il a eu l'occasion de se retrouver nu entre ses mains, mais jamais encore il ne l'a laissé l'honorer entièrement.
Ce n'est pas la peur de la douleur qui empêche le brun d'accepter l'union de leurs chairs mais plutôt ce que tout ceci implique. Faire l'amour avec Hannibal reviendrait à avouer que les sentiments qu'il éprouve à son égard sont profonds et il n'a aucun romantisme à offrir. Il s'est senti trahi par Alana lorsqu'il a appris qu'elle avait une liaison avec le cannibale mais quand il y réfléchit bien, au plus noir de la nuit, il se demande si ce n'était pas simplement une forme de jalousie.
« Will. »
La voix est grave et envoûtante face à lui. Entre deux arbres, Hannibal est là, l'observant tel un prédateur prêt à se jeter sur sa proie. Le brun ne bouge pas alors que son vis-à-vis le rejoint d'un pas félin qui l'hypnotiserait presque. Quelques secondes plus tard, ils s'embrassent à perdre haleine, comme s'ils ne s'étaient pas vus depuis longtemps. Comme souvent, Hannibal a le dessus et il pousse Will contre le tronc qui le surplombe, humant son odeur au creux de son cou. Le corps de l'ancien consultant réagit en se collant à celui du psychiatre. Ce dernier recule, mettant de la distance entre eux avant d'esquisser un sourire amusé.
« Un lit serait bien plus confortable, murmure-t-il d'un ton rauque. »
Des images fugaces et indécentes envahissent l'esprit de Will. Sa respiration s'accélère alors qu'il tente de maîtriser les battements de son cœur. C'est Hannibal le responsable de son état, c'est lui seul qui a touché, effleuré, caressé des endroits qu'il ne réservait qu'aux femmes. Le désir qu'il éprouve pour le cannibale dépasse tout ce qu'il a pu ressentir depuis son adolescence.
« Tu as raison, rétorque Will, un lit me convient bien. »
Et il compte profiter de cette nuit pour crier son appartenance définitive à Hannibal.
Chapter 3: Saveurs
Notes:
Univers : Après la troisième saison.
Chapter Text
L'invitation est posée sur la table de son salon, bien en évidence, comme pour le narguer. Will ne parvient pas à détacher ses yeux de l'enveloppe, connaissant très bien l'envoyeur sans avoir besoin de l'ouvrir. Ce n'est pas si dur pour lui de comprendre qu'Hannibal est derrière ce morceau de papier, son psychiatre envahit son espace vital de plus en plus. Et le pire, c'est qu'il n'est en rien dérangé par cette intrusion dans son monde déjà bien bousculé par ses cauchemars et ses visions effrayantes. Prenant une grande inspiration, Will sort l'invitation, légèrement déçu en constatant qu'il n'y a qu'une adresse sur la feuille, une adresse bien connue puisqu'il s'agit de celle du Dr Lecter. Non pas que l'idée d'aller chez lui soit si décevante mais il s'attendait à autre chose, surtout depuis qu'ils ont survécu à leur incroyable chute.
À cette pensée, Will grimace. Il a mis des semaines pour se remettre de ses différentes fractures, aussi bien les jambes, les bras ou les autres os de son corps. Hannibal lui a semblé plus résistant, ou alors il n'a pas pris la peine de lui montrer l'étendue de sa douleur. Toujours est-il que Will n'est pas prêt à tirer une croix sur sa longue convalescence et ses souffrances simplement par une petite entrevue dans le manoir de son psychiatre. Un manoir certes moins impressionnant que l'ancien, plus discret, dans l'optique d'échapper à leurs potentiels ennemis. Le FBI n'a pas apprécié que deux tueurs soient encore en liberté et, même si Will a fini par avoir confiance dans les talents cachés d'Hannibal, rien ne leur certifie qu'ils seront protégés éternellement dans cette nouvelle existence qu'ils ont réussi à construire.
Soupirant, Will monte dans sa chambre, choisissant des habits qui pourraient convenir. De toute manière, rien ne lui semble jamais assez bien pour le psychiatre qui est toujours tiré à quatre épingles. Un autre soupir franchit ses lèvres alors qu'il s'observe dans son miroir. Hannibal ne manquera sûrement pas de lui demander s'il dort bien, ses cernes sont si visibles sous ses yeux. Et comme le Dr Lecter ne peut jamais s'empêcher de l'analyser même hors de leurs rendez-vous patient-médecin, il sait d'instinct que la soirée va être très longue. Will ne tente pas de dompter ses boucles, il a perdu patience à le faire pour rien les autres fois. Son apparence ne sera jamais à la hauteur de celle de son hôte, Hannibal est bien trop distingué. Un démon qui ressemble à un ange.
Will est à l'heure au rendez-vous, devant le manoir qui se dresse tel un phare, pour le sauver de ses émotions néfastes. Il inspire longuement avant de toquer à la porte, repoussant le sentiment de malaise qui l'étreint alors que son psychiatre vient lui ouvrir. Hannibal porte son éternel tablier blanc où quelques gouttes de sang ont déjà pris place. Will déglutit nerveusement, avançant, se sentant comme une proie prise au piège lorsque la porte se referme derrière lui dans un bruit sourd. Il réfrène sa brusque envie de s'enfuir, suivant le Dr Lecter jusque dans sa cuisine où les odeurs du repas sont bien présentes. La viande l'attire, comme un aimant, mais son dégoût reprend vite le dessus alors qu'il se souvient d'où Hannibal tire généralement ses ingrédients. Manger de l'être humain n'est pas dans ses habitudes, pas chez lui, en tout cas.
« Je constate que tu vas mieux, lui dit Hannibal avec un léger sourire aux lèvres.
— Et ce n'est sûrement pas grâce à toi, rétorque Will. »
Le tutoiement ne le dérange plus, il s'est vite familiarisé à ce rapprochement. Il s'accoude au plan de travail tandis que le psychiatre prépare les assiettes des entrées, disposant des feuilles de salade sur lesquelles il fait reposer du foie gras. Will en salive d'avance mais il a encore des doutes sur la provenance de tout ceci, doute vite balayé lorsque son estomac lui rappelle qu'il n'a rien mangé. Les deux hommes vont s'installer à la table, où tout est parfaitement dressé, comme souvent. Will est plongé dans son repas dès la première bouchée, tout est si savoureux, à la hauteur des souvenirs qu'il a de tous les plats préparés par Hannibal. Ce dernier s'amuse de voir son invité se détendre juste en mangeant, récupérant les assiettes vides avant d'aller chercher la suite du dîner.
« Pourquoi tenais-tu tant à me voir ? demande Will.
— Tu avais dit que nous devions parler sérieusement. Je t'ai écouté. »
Ce qui est bien nouveau de sa part mais Will ne fait aucun commentaire, préférant se concentrer sur le plat principal qui lui est servi. Ils mangent dans le silence, jusqu'au dessert, dégustant avec délice tous les mets. Ils débarrassent tous les deux la table, puis Hannibal s'occupe de la vaisselle, refusant doucement mais fermement l'aide de Will qui l'attend alors dans un coin de la pièce, les bras croisés. Il ne voit son psychiatre que de dos mais les mouvements de ses muscles le fascinent. Sans même avoir conscience de ses gestes, il se rapproche du cannibale, rompant la distance qu'il y a entre eux, se retrouvant assez proche. Son hôte l'a entendu et il s'est retourné, posant son torchon sur le rebord de l'évier, dévisageant Will. Ce dernier franchit les quelques centimètres restants, goûtant pour la première fois aux lèvres d'Hannibal. Et sans surprise, il les trouve aussi savoureuses que les plats de son fou de psychiatre.
Chapter 4: Madeleines
Notes:
Cet OS a été écrit entre 2h et 3h du matin sur le thème madeleine. Je ne sais pas encore quel regard poser dessus parce qu'on voit bien que je n'avais plus les yeux en face des trous. Je m'excuse par avance pour le texte qui n'est pas à la hauteur des précédents.
Univers : Après la troisième saison.
Chapter Text
Il savoure sur sa langue la douceur de la gourmandise. Ses dents plongent délicatement dans le moelleux de la madeleine, les saveurs éclatent dans sa bouche. C'est un plaisir certain de pouvoir déguster quelque chose d'aussi doux en bouche. Jetant un regard autour de lui pour vérifier qu'il est seul, Will replonge la main dans le plat, récupérant une nouvelle œuvre culinaire d'Hannibal. Qu'il est bon de s'extasier sur un gâteau sans avoir à en redouter la provenance. Pas de médecin trop curieux, de postier impoli ou de voisin excessif. Non, il n'y a pas un gramme d'humain dans les bouchées qu'il vénère avec délices.
Soudain, il doute. On parle bien d'Hannibal Lecter ? Le psychiatre cannibale qui n'hésite jamais à insérer un peu de mortalité à ses plats, même dans les végétariens ? Ce même Hannibal qui, la semaine passée, lui a fait goûter des lasagnes vegan à base de morceaux de vegan ? Avec une moue perplexe, Will observe scrupuleusement la madeleine entamée qu'il tient entre son pouce et son index. Comment peut-il imaginer une seule seconde qu'une telle douceur recèle un peu d'humain émincé et bien cuit ? Hannibal aime aussi les bonnes choses mais pas au point de sacrifier une telle recette au profit d'un peu d'être vivant, n'est-ce pas ?
Dans un très gros doute, Will termine sa madeleine sans attaquer les autres. La découverte de cette saveur lui fait plaisir, il ne pensait pas qu'il se sentirait aussi bien en France à découvrir des merveilles culinaires. Madeleines, baba au rhum, bretzel, quiches, … Des plats déjà préparés par Hannibal mais qu'il sublime plus encore sur le territoire français. C'est entre deux macarons qu'ils ont échangé leurs premiers baisers. C'est suite à une magnifique tarte aux mirabelles que l'ancien consultant a cédé aux mains délicates de son psychiatre.
« Will, je suis rentré. Avec des courses. »
Quelques mots, rien de plus. Il ne faut pas longtemps à Will pour deviner que l'une des courses est sans doute bavarde, bien humaine, et presque prête à être transformée en un délicat jambon braisé.
« Dis-moi, Hannibal, qu'as-tu mis dans tes madeleines ?
— La recette est secrète. »
Voyant que sa réponse ne satisfait pas son compagnon, le cannibale se fait pardonner par un long baiser prometteur. Oubliant les courses et ses interrogations sur les ingrédients, Will embrasse fiévreusement Hannibal, laissant ses mains glisser sur ses flancs avant de venir ouvrir sa ceinture puis son pantalon. Délaissant lui-aussi la nourriture, le psychiatre accueille la nouvelle prise de décisions de son vis-à-vis, gémissant en sentant sa main contre son membre. Ses hanches vont d'elles-mêmes à la rencontre de la main de Will mais, rapidement, il échange leurs positions. Il abaisse le pantalon puis le caleçon du profiler, l'embrassant tout en le préparant. L'instant d'après, leurs corps sont unis contre la table et un concert de gémissements retentit dans la cuisine, uniquement interrompu par un importun.
« Excusez-moi mais j'aimerais sortir d'ici. »
La voix semble réveiller Hannibal alors qu'il atteint l'orgasme. Il se détache de son compagnon, remonte vaguement son pantalon et attrape un couteau sur le plan de travail. Sa prise humaine ne peut pas s'enfuir, car attachée, mais elle crie fortement. Le cannibale tranche la gorge d'un geste sec et essuie son arme improvisée sur la veste du nouveau cadavre.
« Des madeleines salées enrobées de viande, ça te dirait Will ? »
Un grognement lui répond et Hannibal se souvient alors de la situation qui a précédé le meurtre. Il retourne auprès de son Will et achève son travail d'une main de maître.
oOoOoOo
« Des madeleines salées ? Elles sont très bonnes, vous devriez investir dans ce produit. »
Les deux amants tueurs échangent un regard intense. Leurs madeleines aux lardons fumés ont un succès fou auprès du grand public.
Chapter 5: Aux fleurs
Notes:
Le thème consistait à insérer cinq végétaux. Petite explication en fin d'OS.
Univers : Après la troisième saison.
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
La décoration de la table d'Hannibal attire l'attention de Will. Comme à son habitude, le psychiatre a aligné des éléments aux couleurs harmonieuses, sans aucune fausse note. L'ancien consultant du FBI s'en amuse, un léger sourire aux lèvres. Il n'a pas la distinction du cannibale, se contentant d'une table sans fioriture avec des assiettes et des couverts mais il sait très bien que ce n'est pas suffisant pour quelqu'un comme son psy. Hannibal ressent toujours ce besoin d'impressionner, de tout faire en grand, de montrer qu'il est un artiste dans le moindre de ses gestes. Ils ne sont que deux pour ce repas, deux fugitifs qui tentent de se reconstruire dans une nouvelle vie, mais tout rappelle à Will leur existence passée.
Sans bruit, il se rapproche de la table. Les orchidées rouges sont magnifiques, il ne peut pas nier ce raffinement. Quelques roses à peine écloses tiennent compagnie à une fleur de pêcher aux belles teintes rosées. Will se demande s'il y a une signification à ce mélange, question qui lui tire un rictus. Bien sûr que tout ceci a un sens, c'est Hannibal qui en est à l'origine et il ne peut pas en être autrement. Au centre de la composition florale, un monticule de petites pierres et de mousse représente une falaise, ce qui accélère imperceptiblement les battements de cœur de l'ancien consultant. Il fait un pas en arrière, comme touché par un poignard, éloignant son regard de cette œuvre qui est un souvenir trop douloureux.
Déglutissant difficilement, Will finit par quitter la pièce, recherchant Hannibal. Le psychiatre est en train de ranger un peu son frigo pour trouver ce qui lui manque et l'empathe l'observe. Sa présence est vite repérée par le cannibale qui referme la porte du frigo d'une main, l'autre étant occupée à tenir un morceau de viande d'une bonne épaisseur. Il accueille le nouveau venu d'un signe de tête et l'invite à le rejoindre derrière le poste de travail. Un peu mal à l'aise, Will retire son manteau et le pose dans un coin avant de changer d'avis et d'aller le suspendre sur le porte-manteau qui est là dans cet unique but. Il revient ensuite aux côtés du psychiatre et remonte les manches de sa chemise. Il est surpris lorsqu'Hannibal passe derrière lui pour nouer un tablier autour de sa taille.
Le psychiatre retourne ensuite à son morceau de viande qu'il coupe en deux. Il en pose une moitié sur la planche à découper qui fait face à Will. Ensemble, ils taillent la viande, l'un d'une main experte en découpant des morceaux réguliers tandis que l'autre essaye de faire de son mieux avec beaucoup de maladresse. À chaque fois que son couteau tranche la chair, l'esprit de l'ancien consultant divague et les visages des morts viennent hanter son esprit. Sans le vouloir, il repense à tous ces corps sans vie disposés à la morgue, à toutes les enquêtes menées avec Jack Crawford dans l'espoir de retrouver l'éventreur de Chesapeake. Et voilà qu'il est en train de cuisiner avec lui sans la moindre honte, sans le moindre remord.
Comme s'il avait suivi le fil de ses pensées, Hannibal pose son propre couteau à côté de sa planche à découper. Il arrête le mouvement de Will en attrapant délicatement son poignet, le forçant à le regarder, à croiser son regard. L'ancien consultant n'a jamais été à l'aise avec les contacts visuels et il doit se faire violence pour s'obliger à relever les yeux vers son psychiatre. Ce dernier porte une main à son visage, caressant sa joue d'un geste affectueux, avec un sourire aux coins des lèvres.
« Ressasser le passé ne sert à rien, Will. Nous avons un avenir, désormais.
— Je ne sais pas où j'en suis, soupire le susnommé. Nous devrions déjà être entre les mains de la police, ils ne sont pas stupides au point de ne pas avoir retrouvé notre trace.
— J'ai fait en sorte que personne ne puisse remonter jusqu'à nous, proteste Hannibal. Je n'en suis pas à ma première fois et je peux garantir que nous aurons de quoi attendre de longs mois ici.
— Et si je décidais de changer d'avis ? De vous livrer aux autorités locales ?
— Vous ne le ferez pas. Vous auriez pu, les premiers jours, mais vous avez fait votre choix. »
L'ancien consultant n'ajoute rien aux paroles du cannibale. Celui-ci récupère les morceaux de viande et conseille à son compagnon de fuite d'aller prendre place à table. Il obtempère sans poser de questions supplémentaires, s'installant sur une chaise en soupirant. Il reporte à nouveau son attention sur la composition florale, remarquant des détails de plus en plus clairs. Des chrysanthèmes rouges sont mêlés à des acanthes, formant un ensemble qui trouble Will sans qu'il en comprenne la raison réelle.
« Les chrysanthèmes rouges sont une déclaration d'amour, n'est-ce pas ? »
Il parle à voix haute en sachant qu'Hannibal est derrière lui, non loin, à attendre des observations de sa part. Le psychiatre s'avance vers lui, posant ses mains sur ses épaules et se penchant jusqu'à ce que son souffle effleure la joue de Will.
« Leur signification est simple, murmure-t-il. »
Will tourne un peu la tête, suffisamment pour croiser à nouveau le regard du cannibale. Ce dernier n'hésite pas un instant de plus avant de l'embrasser, y mettant beaucoup de légèreté, comme s'il ne voulait pas le blesser. L'ancien consultant est un instant étonné par ce geste mais il le savoure avec délectation, ce qui le surprend lui-même. Il ne laisse pas le temps à son psychiatre de reculer, répondant à ce baiser avec une étrange sensation au creux de son ventre. C'est bien la première fois qu'il embrasse un homme et au lieu d'être dégoûté, il doit bien admettre qu'il en est heureux. Ses lèvres contre celles d'Hannibal semblent avoir enfin trouvé leurs jumelles et il ferme les yeux, transporté tout entier par cette nouveauté qui est loin d'être désagréable.
De toute manière, par ces fleurs que tous associent à la mort, Hannibal lui a fait la plus belle des déclarations. Une déclaration d'amour, l'une de celles qu'il mettra sans doute du temps à entendre vraiment de sa bouche mais qu'il lui offre par une représentation artistique.
Je vous aime.
Notes:
Je ne suis pas une spécialiste du langage des fleurs mais j'ai fait quelques recherches (très) rapides pour ne pas perdre de temps et voilà la signification des fleurs :
- Orchidées rouges : Désir de faire l'amour
- Rose : Amour
- Fleur de pêcher : Je suis votre prisonnier
- Chrysanthèmes rouges : Je vous aime. C'est également un symbole d'éternité.
- Acanthes : Amour de l'art, lien éternel.
Chapter 6: De coeur en coeur
Notes:
Univers : Après la troisième saison.
Chapter Text
La première fois que Will Graham songe à une possible survie d'Hannibal Lecter, l'indice lui parvient par un plateau-repas.
Contrairement aux autres jours, le contenu de l'assiette n'est pas en lien avec le petit menu posé à côté, l'étonnant. Il aurait pu ne pas y faire attention si le plat du jour n'avait pas été composé de poisson, n'ayant plus pour habitude de s'amuser à découvrir quelle sorte de viande se trouve devant lui. Cette fois-ci, il n'y a pas la moindre trace d'un quelconque saumon, la couleur est trop rouge, l'odeur trop forte. D'une main un peu tremblante, Will découpe un morceau de la pièce tendre, le portant à sa bouche avec peine tant il est gêné par les fils de sa perfusion. Le goût éclate dans son palais, ravivant des souvenirs enfouis, lui rappelant les longs dîners en compagnie de son psychiatre. Presque aussitôt, son estomac se tord et sa fourchette lui échappe des mains, tombant au sol dans un bruit de ferraille. Maladroitement, il repousse son plateau mais la douleur le cloue sur place dès qu'il tente de bouger un peu plus.
« Monsieur Graham, le rabroue l'aide-soignante en entrant. Vous savez que vous devez vous ménager. »
Le consultant remarque qu'elle tient dans ses mains un plateau-repas à son attention. Son regard se pose alors sur celui qu'il a près de lui puis revient sur la femme en blouse qui semble confuse.
« Je ne suis pas venue vous voir, n'est-ce pas ?
— L'une de vos collègues m'a porté mon repas, répond Will d'une voix un peu rauque.
— C'est moi qui m'en charge. »
Elle dépose le plateau dans un coin de la pièce et vient reprendre celui auquel il a à peine touché.
« Il n'y a pas de viande au menu aujourd'hui, remarque-t-elle en fronçant les sourcils. Encore moins du cœur. »
Du cœur. Assez explicite et tellement sophistiqué de la part d'un homme censé avoir disparu de la circulation. Ce jour-là, Will comprend que le Docteur Lecter est toujours vivant. Ce n'est que plus tard qu'il apprendra que l'organe est celui d'un médecin incompétent retrouvé mort dans un tiroir de la morgue de l'hôpital.
oooooo
La seconde fois, le consultant vient de rentrer chez lui.
Cette fois, ses chiens ne sont pas là pour l'accueillir avec leurs jappements et leur bonne humeur communicative. Il n'y a que le silence, si lourd, si glaçant. Will se surprend à regretter l'effervescence de l'hôpital, chose étrange pour lui. Il n'aime habituellement pas les contacts humains mais ce calme macabre dans sa maison lui tire des frissons d'appréhension. Il referme la porte derrière lui, allumant ensuite chaque pièce, comme pour vérifier qu'il n'y a aucun fou furieux planqué derrière un meuble. Il se sent stupide d'être aussi craintif mais il n'a pas encore récupéré toute son agilité et ses réflexes. Il a déjà eu du mal à admettre que la police le laisse partir sans l'enfermer dans une prison ou le condamner à mort, alors il se méfie. Et il fait bien d'être attentif car un colis est là, sur sa table de cuisine, signe évident du passage de quelqu'un chez lui. Le consultant serre les dents en s'approchant du paquet, soudain aux aguets.
Le colis ne présente aucun caractère distinctif et Will choisit alors de l'ouvrir. Il y a peu de chances que ce soit un explosif, il ne pense pas qu'une personne aurait eu l'envie de venir le faire sauter. Un couteau lui suffit à ouvrir l'emballage, et il sort ensuite une boîte opaque. Une sensation d'oppression l'étreint doucement alors qu'il a l'impression d'avoir deviné ce que contient le colis. Une fois le couvercle enlevé, il fait face à un cœur, si rouge et si parfait, comme une déclaration. S'il avait un dernier doute concernant Hannibal, c'est fini.
oooooo
La troisième fois, la mise en scène est nettement plus sanglante.
Will est en train de vérifier un message qu'il vient juste de recevoir sur son téléphone portable lorsqu'il remarque le sang qui coule sur les marches du perron. Son portable lui échappe des mains alors qu'un violent besoin de faire demi-tour le saisit. Une pyramide de cœurs est disposée devant sa porte d'entrée, telle une offrande, et même s'il a l'habitude de scènes de crimes plus macabres, la nausée pointe peu à peu.
Il n'est plus question de faire passer un message à la police ou de narguer les forces de l'ordre. Ce n'est pas un règlement de comptes avec des gens impolis. Ou une furieuse envie de remplir un réfrigérateur pour organiser de somptueux repas. Non, il s'agit là de meurtres commis pour lui, pour lui donner ce que les gens ont de plus précieux.
Will sent le parfum délicat du psychiatre dans son dos. Hannibal ne se cache plus, il se montre enfin au grand jour.
« C'est votre cœur que vous auriez dû clouer sur ma porte, murmure le consultant. »
Il aimerait que sa voix soit moins tremblante mais le souffle chaud du cannibale dans son cou le déstabilise.
« Il serait plus compliqué de vous l'offrir, Will. »
Ledit Will se retourne sans geste brusque, croisant le regard si particulier d'Hannibal. Il devrait être dégoûté de le voir là, surtout en raison des actes qu'il ne cesse de commettre, mais une partie sombre de son âme est heureuse.
Chapter 7: Choeur de tomates
Notes:
Petit délire à 1h du matin.
Univers : Après la troisième saison.
Chapter Text
Will doit se faire violence pour ne pas arracher les plants de tomates. Il a suivi scrupuleusement les conseils prodigués par le vendeur mais rien ne pousse. Il n'y a pas le moindre fruit dessus, aucune trace d'une chair ronde succulente.
« Il y a un problème, Will ? »
Il n'a pas entendu les pas d'Alana derrière lui et sursaute donc au son de sa voix, se demandant depuis combien de temps elle est là à l'observer.
« Je crois bien qu'il n'a pas la main verte. »
Cet autre ton est celui d'Hannibal. L'espace de quelques secondes, l'ancien consultant s'interroge sur le nombre de spectateurs. Jack Crawford est-il lui-aussi de la partie ? À le regarder faire et perdre le combat contre une simple verdure ? Ce ne serait pas très glorieux et il risquerait fort de s'en souvenir jusqu'à la fin des temps.
« Que comptais-tu récolter Will ? s'intéresse la femme en le rejoignant.
— Je devais avoir des tomates. »
De belles et grosses tomates assez juteuses pour pouvoir faire une sauce convenable. De quoi accompagner les plats du Docteur Lecteur sans en ôter goût. Ou plutôt pour en cacher l'odeur. Ce n'est pas un souci de senteur, pas vraiment, mais Will n'est pas certain de continuer à accepter de manger de la viande humaine comme si c'était d'origine animale.
« Quelles pensées vous occupent donc ? »
L'ancien consultant peut toutefois admettre que la voix du psychiatre est plus agréable qu'un tâtonnement de feuilles. Et qu'il serait prêt à récolter beaucoup de choses avec lui.
Comprenant que son esprit s'emballe un peu trop et envisage des situations embarrassantes, Will se relève tout en évitant soigneusement les regards des deux autres.
Ce n'est que lorsque le plant de tomates se met à chanter que le brun se réveille, passant une main sur son visage. À ses côtés, dans leur lit, Hannibal dort toujours. Will soupire avant de se retourner, ne sachant pas comment interpréter ce rêve.
Puis un tout petit détail le frappe. Sur le rebord de la fenêtre, un plant de tomates est réellement là. Et elles chantent en chœur qu'elles ont hâte d'être à la récolte.
Chapter 8: Passion
Notes:
Univers : Après la troisième saison.
Chapter Text
Tout brûle, part en fumée, se consume.
Will ne sait plus vraiment ce qu'il doit en penser. Une partie de son esprit frissonne face à ce carnage flamboyant tandis qu'une autre savoure ces flammes grandissantes. Ce n'est pas lui l'artiste de ce chef d'œuvre, il n'a pas assez pris goût au meurtre pour incendier des maisons et en faire flamber les habitants, mais il admet sans remord que le tableau est magnifique.
Le fait que le ciel soit d'un noir d'encre n'est pas étranger à sa vision des choses. L'absence de la lune crée une obscurité plus pesante dans laquelle le rouge des feux de joie se détache merveilleusement bien. Malgré les fenêtres fermées, l'ancien consultant du FBI perçoit les hurlements des victimes, le verre n'étant pas assez épais pour occulter tous les sons. Il imagine sans peine l'odeur caractéristique de la chair qui chauffe à un point inacceptable pour un être humain, se souvenant du fumet de la viande en train de cuire. C'est sans doute la même chose au-dehors, il y a si peu de différence entre ces êtres qui subissent l'assaut des flammes et ceux qui ont terminé leur existence dans son assiette.
« Es-tu sûr que nous n'avons rien à craindre ? »
Tout en posant sa question, Will se tourne vers Hannibal qui l'observe sans un mot. Le psychiatre lui adresse un sourire amusé avant de le rejoindre à la fenêtre, posant une main au creux de ses reins.
« Les pompiers ont été prévenus. Ils sauront endiguer cet incendie.
— Tu sais qui a fait ça, n'est-ce pas ?
— Bien sûr. Et je sais aussi que le diable a murmuré à son oreille. »
C'est au tour du consultant d'esquisser un sourire, parce qu'il côtoie ce diable au quotidien. Hannibal est l'incarnation-même de la justice de l'homme.. et il n'est pas moins séducteur que l'est l'ange déchu mythique. Ses paroles ont souvent le même effet que des techniques de persuasion, tant son charisme est grand, et Will ne peut que confirmer l'impossibilité de résister éternellement à son attrait. Le cannibale est devenu pour lui une drogue amère si tentante et dont il ne se débarrasserait pour rien au monde.
« Je me demande ce que vont titrer les journaux, s'interroge le brun.
— Un nouveau Néron aux portes de Rome, propose le psychiatre avant d'embrasser l'épaule nue de son amant. »
Will aime cette référence antique. Non pas pour l'événement précis auquel il fait allusion ni pour toutes les conjectures qui existent à son sujet mais plutôt parce que c'est une preuve du caractère inchangé de l'homme pour qui il a tout sacrifié.
Certains prétendent qu'il a perdu l'esprit à cause des manigances de l'Éventreur, à cause des expériences traumatisantes vécues alors qu'il travaillait pour Jack Crawford, mais ils font tous fausse route. Will a été séduit petit à petit par Hannibal. Il a refusé d'y croire pendant de longues années, parce que cette hypothèse remettait en doute trop de convictions personnelles. Désormais, il a conscience de l'impertinence de ce refus de voir la vérité. Ce nom d'amants tueurs est celui qui les définit le mieux depuis qu'ils ont assassiné ensemble le Dragon Rouge, depuis leur chute de la falaise. Si l'ancien consultant du FBI n'appréciait pas ce surnom auparavant, il s'en délecte maintenant.
« Néron a-t-il ordonné l'incendie de Rome ?
— C'est une question qui demeure sans réponse, l'informe le psychiatre. Comme toujours, il y a une double vision de l'Histoire. J'aime penser qu'il l'a fait pour sublimer sa ville et lui permettre ensuite de renaître de ses cendres.
— Aurions-nous dû flamber, Hannibal ? Pour recommencer une autre vie ?
— Non, Will. Nous avons eu notre propre évolution. »
Leurs regards se croisent enfin. Dans les yeux de son amant, le brun décèle un autre feu, moins létal mais bien plus brûlant. Ce désir qui les consume et qui les unit n'est que le reflet d'un incendie intérieur plus important. La passion et l'amour ont dévasté leurs vies aussi efficacement que des flammes ardentes mais rien ne les éteindra.
Chapter 9: Hiver Russe
Notes:
Première publication de l'année donc Meilleurs Voeux à tous !
Univers : Après la troisième saison.
Chapter Text
Une boule de neige atterrit sur Will qui jette un coup d'œil en arrière. Des enfants s'amusent dans les rues de Moscou, si heureux que le brun se contente de secouer son manteau en pestant contre l'hiver. Il n'a rien de personnel contre cette saison où le blanc l'emporte sur toutes les autres couleurs mais il apprécie peu la glace qui se forme sur les trottoirs ou les jeux des bambins qui ne respectent rien. Il ne se rappelle pas avoir pris autant de plaisir qu'eux lorsqu'il était enfant et une douce mélancolie l'étreint soudainement. Le passé lui semble si loin, comme si une éternité s'était écoulée depuis qu'il a fui avec Hannibal, alors qu'ils n'ont quitté l'Amérique que quelques mois plus tôt.
Résolu à ne pas se laisser emporter par ses émotions, l'empathe avance d'un bon pas. Ses sacs de courses sont remplis en prévision du réveillon, même s'il manque l'élément essentiel au déroulement du repas. Le psychiatre lui a promis de s'occuper de la pièce maîtresse et il le croit suffisamment pour ne pas se poser de questions. Peu importe qui finira dans leurs assiettes pour les fêtes, il ne s'en préoccupe plus, savourant plutôt la douceur des mets préparés par son amant.
Will a eu le choix, à de multiples reprises. Hannibal lui a offert plusieurs opportunités pour partir où il en avait envie, seul, mais le consultant a refusé à chaque fois. Le meurtre de Francis a été le moment charnière de son existence, celui qui lui a fait prendre conscience de ses propres capacités. Tuer a été si simple, presque comme une évidence, et il n'est pas assailli par les remords. Au contraire, il sait que si on lui proposait de revivre le même instant, il referait les mêmes gestes. À la différence qu'il ne les précipiterait pas dans le vide sans être certain de s'en sortir.
Arrivé à destination, le brun ne peut retenir le sourire qui éclot sur ses lèvres. La porte est à peine poussée qu'un chien vient lui faire la fête, aboyant joyeusement en remuant la queue. Déséquilibré par ses courses, Will vacille mais il est vite rattrapé par le cannibale qui éloigne l'animal avant de récupérer les sacs. Le consultant se débarrasse de son manteau, caresse affectueusement le labrador, puis rejoint son amant dans la cuisine, l'observant sortir les ingrédients.
« Pourquoi du houx ? demande Will avec curiosité.
— Pour décorer la bûche bien sûr, répond Hannibal avec une lueur amusée dans le regard. L'effet est plus beau avec de vraies feuilles.
— Est-ce que c'est utile d'en faire une ? Nous ne sommes que deux et …
— Tu voulais respecter les traditions alors autant le faire jusqu'au bout. »
Il finit de ranger les derniers moules puis entraîne l'empathe dans le salon où un feu brûle déjà, réchauffant la pièce. Les deux hommes s'installent sur le tapis, sans prêter attention aux fauteuils, préférant se serrer l'un contre l'autre en une chaleureuse intimité. Le silence commence seulement à prendre forme autour d'eux lorsque Will le brise par une nouvelle interrogation.
« Tu connais Baba Yaga ? J'ai entendu plusieurs enfants en parler.
— C'est un conte russe. Baba Yaga est une ogresse qui se déplace dans un mortier. »
Face à l'expression incrédule du brun, Hannibal se met à rire, d'un rire doux et un peu moqueur. Le consultant prend un air boudeur qui n'échappe pas à son amant. Le psychiatre se lève en conservant sa mine amusée, se dirigeant vers sa bibliothèque personnelle où sont rangés de nombreux livres, du plus commun au plus coûteux. Il effleure quelques tranches avant de saisir l'ouvrage qui l'intéresse, retournant auprès de Will qui le regarde avec les paupières plissées. Le cannibale passe les premières pages puis montre une illustration à son compagnon.
« Je ne te mens pas.
— Une ogresse dans un mortier, on aura tout vu, marmonne l'ancien consultant. C'est quoi cette habitude de manger des enfants. »
Une autre lueur scintille dans les pupilles d'Hannibal et Will comprend son erreur. Quelle idiotie d'évoquer une créature dévoreuse comme s'il était choqué alors qu'il a déjà mangé bien pire qu'une petite fille. Après tout, leur dernier crime a été mené à coups de houe et de pelles.
Chapter 10: Naviguer
Notes:
Univers : Après la troisième saison.
Chapter Text
Les yeux fermés, Will inspire à pleins poumons l'air marin.
La sensation n'est plus aussi vive que le premier jour de navigation mais il reste ébahi par l'étrange sensation de liberté qui l'étreint. Il n'a plus aucune entrave, physique ou morale, plus aucune cellule pour l'empêcher de devenir celui qu'il est vraiment au fond de lui. Il n'y a que l'océan, si grand, symbolisant tant de choses, tant d'opportunités, si loin de l'hôpital dirigé par Chilton, si loin du service du FBI, si loin de toutes ces victimes qui le hantaient la nuit.
Désormais, c'est fini. Il peut dormir tranquillement, sans se soucier de tout ce passé qui lui faisait du mal. Il est comme un oiseau ayant vécu trop de temps en cage et qui découvre pour la première fois qu'il a la capacité de voler. Il a l'impression qu'il lui suffirait d'étendre les bras pour quitter le pont du navire et s'en aller mais il préfère encore la réalité qui l'entoure. Tout ce qu'il y avait de négatif dans sa vie d'avant n'est plus qu'un mauvais souvenir et il s'estime heureux de profiter de cette nouvelle existence.
Sans doute Hannibal y est-il pour une grande part dans ce bonheur étrange.
Après la chute, ils se sont relevés tous les deux, plus forts que jamais malgré leurs immenses blessures. Ils se sont soignés mutuellement, même si l'ancien chirurgien a été le plus doué pour refermer les plaies. Ils ont longuement hésité sur leur destination, principalement par crainte de se faire surprendre et d'être arrêtés – dans le meilleur des cas – ou d'être tués par des officiers trop zélés. Puisqu'aucun pays ne leur a paru relativement stable sur du long terme, une solution assez imprévue s'est présentée à eux.
« Tu ne t'en lasses pas. »
Ce n'est pas une question, juste une affirmation qui tire un sourire à l'ancien consultant. Il ouvre enfin les paupières alors que son amant s'accoude au bastingage à ses côtés, observant à son tour l'océan et ses reflets.
« Je crois rêver, avoue Will. C'est si différent de ce que nous avons connu.
— Est-ce que tu regrettes ? »
La surprise se lit dans les yeux du brun alors qu'il jette un regard en coin au psychiatre. Jamais encore Hannibal ne lui a posé ce genre de question, pas depuis qu'ils ont décidé d'un commun accord de naviguer autour du monde.
« Comment pourrais-je regretter ? murmure l'empathe. Tu m'as offert tout ce dont j'avais besoin. Nous sommes enfin qui nous devions être.
— Alors tu acceptes d'avoir changé, lui souffle le cannibale en passant une main dans ses boucles brunes. »
Le plus jeune apprécie le geste avec un léger sourire un peu timide qui tire un rire franc à l'autre homme.
« Es-tu en train de te moquer de moi, Hannibal ?
— Il y a des moments où j'ai le sentiment d'avoir en face de moi une partie de l'ancien Will Graham, s'amuse l'éventreur de Chesapeake. Dès que je te touche, tu redeviens gêné.
— Et moi, j'ai l'impression de retrouver le psychiatre qui m'a tant marqué. »
Un échange de regards plus tard et ils s'embrassent comme si leur vie en dépendait, comme s'ils pouvaient mourir en une seconde. L'ancien consultant du FBI est sans doute en train de prendre des décisions qui le mèneront vers les ténèbres mais il ne ferait de marche arrière pour rien au monde.
Naviguer avec Hannibal autour de chaque continent, de chaque île, est une vie presque idéale. Il ne lui reste plus qu'à prier pour que le lendemain ne soit pas un réveil brutal dans une cellule vide de l'hôpital psychiatrique de Frederick.
Chapter 11: Déluge
Notes:
Univers : La chute.
Chapter Text
Tout prend l'eau.
C'est étonnant cette capacité de l'esprit à dissocier autant de choses pour mieux les unir par la suite. Des pièces sans intérêt, presque effacées, oubliées, reviennent sur le devant de la scène avant de s'effondrer par la suite.
Comme un château de cartes qui s'écroule, le palais mental de Will disparaît.
Il y a déjà sa maison de Wolf Trap en Virginie. L'eau la dévaste de tous côtés, emportant avec elle tous les souvenirs qui y sont liés, les bons comme les pires. Chaque parcelle de sa demeure est noyée, chaque meuble, chaque petit détail, y compris le plus insignifiant.
Ensuite, les scènes de crime se succèdent sous le raz-de-marée. Les corps se gonflent puis éclatent alors que les preuves s'éloignent vers un horizon indéfini. Toutes les enquêtes subissent le même sort funeste, avec violence et regret, balayant tous les noms des victimes et des coupables pour ne rien abandonner derrière les flots vengeurs.
D'autres décors s'ajoutent les uns à la suite des autres, si nombreux. Certains sont anciens et remontent à son enfance, d'autres ne sont que le résultat d'un esprit détraqué. Chapelles, rues, théâtres, salles de bals, forêts, sentiers et cabanes s'emmêlent dans la noirceur d'une eau devenue totalement assassine. Adieu les lustres, les cierges, les vergers ou les arbres centenaires. Adieu les paysages rêvés par un enfant qui aurait tant souhaité ne pas comprendre le monde.
Une lumière brille pourtant au travers des ténèbres. Un feu accueillant brûle dans une cheminée et diffuse une chaleur bienvenue. Deux fauteuils se font face et, assis dessus, deux hommes se dévisagent dans le silence. Pas un bruit ne trouble leur quiétude, pas un soupir ne s'échappe de ces bouches qui ont décidé d'être closes. Les yeux parlent à leurs places, si expressifs, si tendres. Regard bleu dans regard fauve, douceur dans douleur.
C'est le seul endroit qui demeure debout et Will s'y accroche comme à une bouée de sauvetage. Que ses souvenirs s'en aillent et périssent sous un déluge s'il le faut mais il refuse qu'on lui enlève cette pièce mentale qui représente tant pour lui.
Une bouffée d'air. Une toux puissante. Des sensations diverses sur l'ensemble de son corps.
L'eau qui s'infiltre dans les blessures ouvertes, la fatigue d'un combat étrange qui l'assomme peu à peu.
Puis cette voix. À la fois connue et inconnue. Proche mais si loin. Aimée mais tant haïe.
« Will, un petit effort. »
Le consultant veut parler mais il se sent partir à la dérive. Même les mains d'Hannibal qui le maintiennent hors de l'eau ne suffisent plus.
« Je veux mourir, souffle le brun. Je veux juste mourir.
— Je ne le permettrai pas. »
Le plus jeune avale un peu d'eau par mégarde alors que le cannibale lutte contre les courants pour les ramener vers la rive. Will devine que le tsunami qui s'est abattu sur son palais mental n'est que le reflet de ce qu'ils sont en train de vivre.
« Hannibal. »
Il ne fait que murmurer avant de sourire. Si son esprit doit se dissoudre à son tour alors il est prêt à laisser une toile vierge où le psychiatre pourra bâtir une forteresse.
Chapter 12: Jalousie
Notes:
Ce texte a été écrit pendant la nuit érotique. OS assez court car thème pris en cours de route. Un petit Margot/Alana cette fois-ci.
Univers : Plus ou moins saison 3.
Chapter Text
« Est-ce qu'il aimait la dentelle ? »
La question de Margot est soudaine, tranchante, presque méprisante. Il y a une certaine douleur aussi, derrière ses mots, ainsi qu'un manque d'assurance qui touche Alana. Cette dernière délaisse son livre pour rejoindre sa compagne, allongée sur leur lit.
« Pourquoi autant de curiosité ? demande la psychiatre.
— Ce n'est pas une réponse, réplique l'héritière Verger. Est-ce qu'Hannibal aimait la dentelle ? Est-ce que tu te faisais belle pour lui ?
— Comme si tu ne le savais pas. »
C'est un soupir qui franchit les lèvres du Dr Bloom alors qu'elle laisse le bout de ses doigts errer sur le dos dénudé de son amante. Ce n'est pas la première fois que Margot fait preuve d'autant de jalousie à l'égard du cannibale et elle ne peut pas le lui reprocher. Lecter et elle ont eu une relation charnelle qui s'est terminée dans le verre et le sang, mais leur passion a été aussi brûlante qu'un feu de cheminée. Alana s'est offerte sans crainte à son ancien professeur et elle admet sans remord qu'il a été un bon amant, même si elle préfère la vie qu'elle mène désormais aux côtés de la sœur de Mason.
« Hannibal aime tout ce qui est raffiné, je voulais seulement attirer son attention.
— Es-tu sûre d'avoir tout eu de lui ? chuchote Margot. Es-tu certaine qu'il ne songeait pas à quelqu'un d'autre lorsqu'il te déshabillait ? Ses regards n'ont jamais été pour toi, Alana. »
La principale concernée ne dit rien mais son expression durcit. Elle sait très bien que l'éventreur n'éprouvait rien à son égard, qu'il cherchait uniquement à assouvir des pulsions tout en ayant un alibi mais l'entendre de la bouche de sa compagne, c'est autre chose.
« Je ne suis pas comme lui, poursuit Margot. Je te désire pour ce que tu es, tu n'as pas besoin de dentelle ou de faux-semblants. À dire vrai, je pense que je te préfère nue. »
En réaction à ses paroles, Alana l'embrasse. Ce n'est pas doux et innocent, plutôt brusque, mais elle l'a bien mérité. Margot se retourne complètement pour faire face à son amante et elle l'aide à se dévêtir, maltraitant les tissus qui recouvrent cette peau tant vénérée. Les lèvres se retrouvent pour un baiser plus langoureux alors que les corps se touchent enfin. Le plaisir les étreint, sinuant dans leurs veines pour embraser leurs sens assoiffés d'amour.
Chapter 13: Plonger dans l'ombre
Notes:
Ce texte a été écrit pendant la nuit érotique, lui aussi. Assez court également, par manque d'éveil, d'où la fin trop abrupte. Pas de Hannigram non plus ici.
Univers : Post-saison 1.
Chapter Text
Moralement, il sait qu'il n'était pas encore prêt.
Il a cru que tout serait si simple, qu'il lui suffirait de se persuader que tout irait bien, mais il a fait fausse route. Le regard que l'on pose sur lui est plus puissant que ce qu'il voulait admettre et il regrette d'avoir osé ce premier pas.
La chambre est plongée dans la pénombre, aucune lampe n'est allumée. La seule lumière provient de l'extérieur et elle éclaire le triste spectacle d'un lit sur lequel repose un homme solitaire. Ses cheveux sont en bataille, sa chemise ouverte expose l'horrible raison de sa solitude. La cicatrice sur son torse agit comme un repoussoir, aucune femme ne peut l'observer sans dégoût. Lui-même déteste désormais l'image que lui renvoient les miroirs alors il ne va pas leur faire la leçon. Après tout, la marque est longue, difforme, et elle rend sa peau nettement moins agréable au toucher.
C'était désespéré de supposer que cette inconnue ferait exception. Il ne se souvient déjà plus de son prénom, il la revoit seulement en train de glisser ses mains fines le long de sa peau puis les retirer comme si elle venait de se brûler. Elle n'a prononcé aucune excuse ni n'a essayé de surmonter son dégoût. Elle est juste partie en claquant la porte derrière elle, l'abandonnant avec son désir et son mal-être.
Frederick est rongé par l'amertume. Oui, il a commis des erreurs mais il n'est pas le seul. Oui, Abel lui a ouvert le ventre pour en extirper des organes mais ce n'est pas ce qu'il cherchait à obtenir quand il l'a persuadé qu'il était l'Éventreur de Chesapeake.
Maintenant il est seul dans les ombres de sa chambre. Un rire sans joie s'échappe de sa bouche alors qu'il retire complètement sa chemise. Il ferme les yeux et effleure sa cicatrice puis d'autres surfaces de son torse. Ses mains descendent à son pantalon qu'il déboutonne avant de le repousser sur ses cuisses. Inutile d'aller plus loin, il se contentera du contact de ses doigts contre son sexe dressé.
Le désir n'a pas disparu et il se mord les lèvres en ressentant les fourmillements familiers du plaisir. Son bassin accompagne inconsciemment les mouvements de sa main, augmentant la sensation.
Une fois encore, il cède à l'ombre.
Chapter 14: Crise de panique
Notes:
Encore un petit Frederick, je n'ai pas pu résister.
Univers : Post-saison 2.
Chapter Text
Le courrier s'est accumulé dans la boîte aux lettres et Frederick bataille pour récupérer les différentes enveloppes. Ses clefs lui échappent à plusieurs reprises et il retient un grognement irrité, inspirant longuement pour se calmer. Ce n'est vraiment pas le moment de perdre son sang-froid alors qu'il peut enfin rentrer chez lui après plusieurs mois de soins aussi éprouvants qu'humiliants. Il n'a plus que quelques pas à effectuer pour se couper de l'extérieur mais ce sont les plus durs à faire.
La serrure de la porte n'a pas été changée et il suffit au psychiatre de la pousser pour rentrer à l'intérieur. Il dépose son courrier sur le meuble de l'entrée, de même que ses clefs. L'angoisse le saisit alors qu'il avance, ayant l'impression de revivre cette journée où tout a basculé pour lui. Il déglutit difficilement mais poursuit son inspection malgré l'oppression de plus en plus pesante.
Crawford lui a affirmé que les corps ont été enlevés, que tout a été nettoyé et qu'il n'y a plus aucune trace de ce qui a eu lieu. Frederick a beau en avoir conscience, son esprit superpose à son regard le souvenir des cadavres des policiers, l'un aux tripes découvertes et l'autre aussi piquant qu'un hérisson avec des instruments de cuisine plantés dans tout le corps. Une vague de nausée le surprend à cette pensée et il se hâte de quitter la pièce pour rejoindre les autres.
Bien malgré lui, ses yeux se posent sur l'escalier en colimaçon qui descend à la cave. Il se rappelle le bip régulier du moniteur cardiaque relié à Abel Gideon et il lui faut beaucoup de courage pour accepter de rejoindre l'étage inférieur. Sa canne claque à chaque marche, comme une marche funèbre l'accompagnant, et son rythme cardiaque augmente au fur et à mesure qu'il approche de la fin de l'escalier. Il n'y a plus aucun bruit hormis sa respiration, contrairement à la dernière fois qu'il s'est tenu à cet endroit.
Du bout de sa canne, il pousse la porte – non fermée elle-aussi – puis soupire de soulagement en remarquant que la pièce est redevenue propre, sans le corps découpé et presque entièrement démembré de Gideon. Cette fois-ci, il ne remontera pas les marches en courant, il n'y aura pas d'Hannibal à l'étage pour l'attendre et l'endormir. Il peut presque considérer que tout va bien, que ce n'est qu'un mauvais souvenir. Pourtant, il ne réussit pas à être optimiste car un éclat sanglant attire son regard dans un angle de la pièce. L'équipe de nettoyage a peut-être été minutieuse dans la cuisine, il reste un détail à la cave.
Frederick s'avance doucement vers cette trace rouge. Ce sang est celui d'un homme qui lui a ouvert le ventre pour retirer certains de ses organes, il devrait être heureux de savoir qu'il ne le reverra plus et qu'il est enfin en paix mais ce n'est pas aussi simple. Ce simple petit détail suffit à déclencher en lui une crise de panique qui le pétrifie. Ses doigts se resserrent autour de sa canne alors qu'il recule, agité de spasmes si violents qu'il craint de tomber. Ses jambes finissent par se dérober et il relâche la canne qui s'écroule au sol en même temps que lui.
Les larmes viennent envahir sa vision tandis qu'il pleure, libérant sa douleur. Il a mis du temps à accepter de ne plus être le même homme, supportant avec peine les expressions dédaigneuses du personnel médical. Personne ne savait qu'il n'était pas l'Éventreur de Chesapeake, au début, et Crawford n'a pas pensé à les prévenir à l'instant où ils ont compris qu'Hannibal était derrière tous les meurtres. Les infirmiers, les médecins, les prothésistes ont tous eu des comportements déplaisants à son égard jusqu'au moment où ils sont venus s'excuser quand la vérité a éclaté. Tout ce temps, Frederick a caché sa souffrance et son chagrin, retenant ses larmes en se promettant de ne pas pleurer à cause de cette situation. Mais c'est fini, cette lutte est perdue depuis le premier jour et il est temps pour lui d'enfin accepter ses émotions.
Recroquevillé contre un meuble, le Dr Chilton sanglote longuement. Il déteste ses larmes qui lui semblent si peu viriles, il haït Hannibal qui a transformé sa vie en Enfer. Il s'en veut aussi terriblement d'avoir joué à l'imbécile sans songer un seul moment à mettre de côté son ego pour faire enfermer la bonne personne. Il a perdu un rein, un morceau d'intestin et sa dignité sous les mains de Gideon mais Hannibal l'a privé d'un œil et d'un morceau de mâchoire, l'obligeant à se maquiller chaque jour pour dissimuler sa blessure. Il aurait pu demander aux médecins de l'achever mais il ne laissera pas son collègue vaincre.
Frederick se remet debout difficilement, s'appuyant sur le meuble. S'il n'avait aucune intention spéciale en arrivant chez lui, il sait maintenant ce qu'il va faire. Un bon torchon et du produit lui seront utiles pour débarrasser sa maison de toute la poussière qui s'est déposée pendant son hospitalisation. Et pour effacer les dernières traces de sang.
Chapter 15: Cicatrices
Notes:
On repart sur du Hannigram.
Univers : Post-saison 3.
Chapter Text
L'eau lui tire une grimace de douleur en passant sur les différentes plaies qui parsèment son corps. Hannibal a insisté pour qu'il prenne une douche afin de se débarrasser de tout ce que sa peau a accumulé en peu de temps : le sang, la poussière, les minuscules cailloux et le liquide en bas de la falaise. Tout cela mélangé risquerait de les conduire tous les deux à une infection sévère, ce qui serait assez ironique après tout ce qu'ils ont affronté ces derniers jours. La Mort elle-même n'a pas su les garder alors autant éviter de passer de vie à trépas à cause d'un oubli de soins.
Will est un peu perdu. Il y a encore quelques mois, il vivait tranquillement avec sa femme Molly et le fils de cette dernière. Puis Francis Dolarhyde a fait irruption dans son existence avec sa folie. Il aurait pu ne pas aller voir Hannibal et se débrouiller avec ses propres moyens mais il a tout à fait conscience de son incapacité à ignorer le cannibale. Il supposait que refuser de lui rendre visite suffirait à l'oublier mais il faut croire qu'il s'est trompé. Le psychiatre a pris possession de ses rêves sans aucune douceur et il l'a entraîné dans un monde où tuer lui a été profitable. Éliminer définitivement le Dragon Rouge ne l'a pas perturbé, il s'est senti enfin lui-même.
L'ennui, c'est qu'il a essayé de ne pas devenir comme le Dr Lecter. Molly était d'ailleurs un bon choix, comme un traitement qui l'empêchait de sombrer face à la drogue qu'était Hannibal. Mais cette parodie de cure de désintoxication n'a servi à rien parce qu'ils sont unis par quelque chose de plus fort. Bedelia a confirmé son soupçon et les mots du cannibale avant leur chute ont eux-aussi été révélateurs.
« Will, je peux entrer ? »
Cette étrange politesse tire un sourire las à l'ancien consultant. Ils sont tous les deux en fuite, sans doute recherchés par le FBI, mais Hannibal se comporte encore comme l'homme bien élevé qu'il est. Le brun donne son assentiment tout en fermant le robinet de la douche. Il tâtonne un peu pour trouver un peignoir qu'il enfile avant de sortir de la cabine de douche. Le tissu rêche et l'air un peu plus frais agressent sa peau, lui tirant un gémissement de douleur qu'il ne parvient pas à retenir.
« La guérison risque d'être un peu longue, l'informe le cannibale. Il n'y a pas assez de matériel de soin ici.
— Il doit y avoir une pharmacie dans le coin, suppose Will.
— Ce n'est pas le moment de se faire voir.»
L'empathe ne rétorque rien, ignorant certaines informations sur l'endroit où ils ont trouvé refuge. Il dormait plus ou moins dans la voiture lorsqu'Hannibal les a conduits ici et il n'a pas pensé un seul instant à lui demander le nom de leur destination. Son corps souffrait beaucoup trop en raison de leur chute de la falaise et il s'interroge encore sur le niveau de résistance du psychiatre. Ils étaient tous les deux dans un état pitoyable mais le Dr Lecter les a sortis de l'eau, menés au rivage et volé une voiture alors que le consultant a su uniquement piquer un somme pendant le trajet.
« Je vais devoir examiner tes blessures, reprend Hannibal. »
Will ne relève pas le passage au tutoiement. Il se contente de détailler son vis-à-vis, remarquant les blessures fraîches qui viennent d'être soignées. Le cannibale l'a laissé dormir un peu pendant qu'il s'occupait de lui-même mais même le talent du psychiatre ne peut cacher les marques profondes de la lutte contre Dolarhyde puis contre les flots.
« Est-ce que c'est vraiment prudent de ne pas aller voir quelqu'un de qualifié ?
— Je suis un ancien chirurgien et j'ai de bonnes capacités. Aurais-tu des doutes à mon propos ? »
L'espace de quelques secondes, Will s'imagine répondre par l'affirmative dans le but de le tester mais il réussit seulement à hausser les épaules. Hannibal pose sur son épaule une main autoritaire et il l'entraîne vers la cuisine. Sur la table reposent des pinces, quelques seringues, des compresses, des bandes, des pansements et des désinfectants. Aux yeux du brun, c'est déjà un bon début, il s'attendait à moins de matériel par rapport à ce qu'a annoncé le psychiatre.
Alors que le cannibale désinfecte ses mains, l'ancien consultant se sent soudainement exposé. Il n'a rien en-dessous de son peignoir et il n'est pas préparé à se montrer dans son plus simple appareil aux yeux d'Hannibal. Il ne résiste toutefois pas lorsque le Dr Lecter ouvre le nœud qui le tient fermé et fait tomber le morceau de tissu à terre. Will frissonne en raison de l'intensité du regard de l'autre homme et il se fait violence pour ne pas partir en courant lorsque le cannibale effleure sa peau délicatement.
Les doigts d'Hannibal sont posés sur son ventre, là où il l'a transpercé avant de partir en Italie. La cicatrice est parfaitement visible, comme un sourire sur sa peau, comme un rappel de cet instant où leurs chemins se sont séparés dans le sang.
« Tu aurais pu me tuer ce jour-là, murmure Will.
— Ce n'était pas mon but, répond le psychiatre sur le même ton. »
Il délaisse le ventre pour l'épaule, là où Chiyoh a tiré sans le louper. Le brun se souvient encore de la douleur ressentie lorsque la balle a pénétré sa chair.
« Elle est douée, déclare le plus jeune. Elle sait viser.
— Chiyoh est pleine de ressources. »
Le Dr Lecter passe ensuite au front où une légère cicatrice témoigne de son intention d'entrer littéralement dans la tête de Will. Un instant coupé par l'arrivée des hommes de main de Mason.
« Est-ce que tu comptais véritablement me tuer ? »
Il n'y a aucune réponse de la part d'Hannibal. Il se détourne pour récupérer ce dont il a besoin alors que le consultant tente d'oublier le fait qu'il est complètement nu. Afin de briser le silence, Will se met à parler, conscient d'être vulnérable, y voyant là un moyen d'avoir un peu plus d'assurance.
« Je n'ai pas honte de mes cicatrices, Hannibal. Elles m'appartiennent et sont là pour me rappeler que je dois être fort.»
Chapter 16: L'ombre du cannibale
Notes:
J'ai hésité à poster ce texte parce qu'il est assez court (et j'avoue qu'en fait, j'ai bêtement été prise par le sommeil).
Univers : Post-saison 3.
Chapter Text
Il n'y a plus la moindre trace d'innocence dans l'âme de Will. Tout a été délicatement noirci sous la plume aiguisée d'Hannibal, jour après jour, semaine après semaine, le transformant en un amas de ténèbres. La lumière qui berçait son esprit s'est éteinte sous le flot incessant de l'ombre du cannibale, le plongeant au sein d'un monde obscur où rires et joies se mêlent à la mort.
Le consultant du FBI ne sait plus depuis combien de temps il s'est laissé aller face à l'appel envoûtant des émotions néfastes de son psychiatre. Un mois ? Un an ? Ou plus encore ? Combien de nuits ont agité son corps endolori de cauchemars morbides ? Combien de jours se sont levés sur son regard assombri par les tourments ? Il ignore exactement quelle réponse apporter à ses propres interrogations, il a uniquement conscience de la réalité de ce qui l'entoure et du fait qu'il n'est pas en train de rêver ou de délirer. Tout est parfaitement réel : la maison aux trois étages, le magnifique jardin fleuri ou encore l'odeur bien présente du parfum personnel d'Hannibal.
Sans réfléchir, Will inspire l'oreiller de son amant. Ce dernier est parti dès les premiers rayons du soleil, sans donner la moindre indication concernant sa destination, se contentant d'un baiser sur les lèvres de l'être aimé. Le brun ne sait pas s'il devrait en profiter pour s'extirper hors de son ombre, afin de faire revenir la lumière dans sa vie, ou s'il vaut mieux être sagement allongé à attendre le retour d'un homme capable de tuer un autre individu sans le moindre remord.
Tout lui a plu chez le cannibale, de sa mortelle habitude qui consiste à se débarrasser des éléments gêneurs à sa culture artistique sans faille. Chaque tableau est longuement critiqué par Hannibal, avec le détail de la composition jusqu'à la réception par le public. Will est comme une terre desséchée parce qu'il n'a pas plu depuis un moment et qui voit venir l'eau salvatrice. Ainsi, les connaissances du psychiatre sont des touches de couleur dans son horizon ténébreux.
Le consultant admet sans honte qu'il a pris plaisir à tomber dans les filets d'Hannibal et qu'il ne renoncerait à sa présence pour rien au monde.
Chapter 17: Demande lettrée
Notes:
Texte basé sur une image avec des lettres de scrabble et une bague.
Univers : Post-saison 3.
Chapter Text
Will siffle ses chiens, heureux de les voir s'amuser dans le jardin. Il ne pourra jamais assez remercier Hannibal pour avoir fait une entorse à leur besoin de s'éloigner de leur ancienne vie. Un matin, le cannibale est parti en lui promettant de revenir vite et, lorsqu'il a franchi le seuil de leur maison, les chiens l'accompagnaient. L'ancien consultant du FBI n'a jamais été aussi content de retrouver ses animaux de compagnie et de constater qu'ils allaient bien malgré son absence auprès d'eux. Son amant lui a assuré avoir pris toutes les mesures nécessaires pour éviter que le lien soit fait entre les bêtes et leur nouvelle demeure mais le plus jeune ne peut s'empêcher d'éprouver un peu d'angoisse à l'idée que leur existence à deux soit brisée par les autorités locales.
L'empathe se baisse pour caresser ses chiens avec un sourire. Son bonheur n'a jamais été aussi complet, même quand il faisait son travail avec empressement ou qu'il passait des instants complices avec Molly. Il se croyait capable d'accomplir son devoir mais désormais, auprès de l'Éventreur de Chesapeake, il se sent prêt à grimper jusqu'à la lune. Il est enfin lui-même, sans avoir le sentiment d'être caché derrière de faux-semblants, grâce à la présence libératrice d'Hannibal. Ce dernier l'a accepté dans son entièreté et a fait en sorte de le sublimer.
Tout en rentrant chez lui, Will continue de sourire avec légèreté. Il aime leur nouvelle vie en Autriche, loin de l'Amérique, de Crawford, de tous ceux qui ont croisé leur route par le passé. Il ne se rend plus malade en découvrant des cadavres mutilés – même si hypocritement, il donne des coups de main à Hannibal pour s'occuper de ses victimes – et il n'a plus à rendre des comptes sur sa santé mentale puisque tout va pour le mieux. Alana lui dirait sans doute qu'il a perdu l'esprit en poursuivant sa route avec le cannibale mais il sait qu'il est enfin à sa place.
Les chiens se précipitent dans la cuisine où les attendent des gamelles d'eau et de la nourriture. Will leur jette un coup d'œil amusé avant de passer par le salon. Il n'y a personne dans la pièce et il n'entend aucun bruit provenant de l'étage supérieur. Ce silence est étrange, d'autant plus qu'habituellement, à cette heure-ci, Hannibal prend le temps de jouer sur son clavecin. L'empathe ne s'en préoccupe pas, pensant simplement que son amant a eu autre chose à faire ou qu'il se repose, même si cette hypothèse lui paraît totalement contraire au comportement de l'Éventreur. Le brun pose son manteau dans l'entrée avant de monter au second étage, curieux.
« Hannibal ? »
Aucune voix ne lui répond et il fronce les sourcils, un peu surpris par le manque de vie. Les battements de son cœur s'accélèrent légèrement mais il se reprend, supposant que son amant ne l'a pas entendu. Will passe finalement la porte de leur chambre, remarquant qu'une fois encore, il n'y a personne. Son regard s'arrête sur sa table de nuit où sont posées des lettres de scrabble. Le mot « forever » est nettement visible, avec une alliance à la place du « o ». L'émotion saisit l'empathe lorsqu'il comprend le sens caché de la mise en scène. Il ne sursaute pas quand des bras l'enlacent et qu'une tête familière se pose sur son épaule.
« Oui. »
Ce n'est qu'un murmure de la part de Will mais son amant n'en perd pas la moindre sonorité. Le sourire du cannibale n'échappe pas au plus jeune qui ferme les yeux en se laissant aller contre son torse. L'amour qui les lie grandit jour après jour et il lui semble naturel d'accepter cette demande en mariage peu conventionnelle.
Chapter 18: Une question d'estime
Notes:
Texte basé sur une citation : "L'amour peut se passer d'estime, pas l'amitié" d'Arletty. Premier essai sur ce pairing particulier.
Univers : Sorte d'UA de fin saison 2/début saison 3.
(See the end of the chapter for more notes.)
Chapter Text
« Hannibal a joué avec tout le monde, soupire Will. J'ai fini par lui accorder mon amitié alors qu'il ne représentait rien pour moi et que je ne voyais en lui qu'un psychiatre comme un autre. »
Debout devant la fenêtre du bureau du Dr Chilton, Will observe d'un air absent la pluie qui tombe en continu. Les derniers jours ont prouvé à chaque personne proche de Lecter qu'il n'était pas cet agneau innocent qu'il faisait semblant d'être. Le loup s'est caché derrière un masque de mensonges en semant des cadavres sur son chemin, sans rien laisser paraître. Le consultant du FBI n'a pas digéré son passage comme patient à l'asile psychiatrique pour criminels instables de Baltimore et il aimerait passer lui-même la corde au cou de l'Éventreur.
« Votre instinct était le bon, Will. Mais vous vous êtes fait berner comme chacun d'entre nous. Vous avez essayé de trouver quelque chose digne d'estime en lui, pour justifier un potentiel rapprochement, alors que votre empathie savait déjà qu'il ne fallait pas l'approcher.
— Êtes-vous encore en train de sous-entendre que j'ai délibérément ignoré les signaux d'alerte de mon cerveau pour développer une amitié avec le Dr Lecter ?
— Je tiens à vous montrer où se situe votre erreur.
— Parce que vous êtes assez parfait pour tout connaître, Chilton ? Je pense que vous avez payé aussi votre inconscience. »
La lueur qui brille dans les yeux de Frederick tire un sourire froid à Will. Les éclats de voix sont devenus presque quotidiens entre eux, à chaque fois qu'ils se voient dans le cadre de la nouvelle thérapie du plus jeune. Ce dernier a dû accepter de confier une fois encore ses pensées tourmentées à un psychiatre afin de poursuivre son boulot. Crawford a insisté sur ses moments d'instabilité puis a rappelé que le danger n'est jamais loin, avant de préciser qu'il veut désormais un réel suivi pour ne pas avoir de mauvaises surprises. Chilton a sauté sur l'occasion en se proposant comme thérapeute, faisant de l'empathe son unique patient en-dehors de ceux de l'asile.
Will ne nie pas que les débuts ont été compliqués. Il ne communiquait pas avec Frederick et gardait le silence à chaque séance, jusqu'au jour où le plus vieux l'a mis face à ses démons en le conduisant devant la cellule qu'il avait occupée à cause du cannibale. Le consultant du FBI a alors commencé à s'ouvrir un peu en évitant le sujet principal. Puis le nom d'Hannibal est venu dans leurs discussions et a fait évoluer leur relation d'une façon imprévue. Les piques acerbes du plus jeune et l'ego de l'aîné se sont heurtés en formant un mélange surprenant. Après les batailles verbales, ils sont passés à un aspect plus physique auquel ils n'auraient jamais songé.
« Crawford m'a demandé si ma thérapie avançait, reprend Will.
— Et qu'avez-vous dit ?
— Que je n'étais pas un bon juge. Preuve en est que nous discutons seulement maintenant de mes erreurs.
— Sûrement parce que vous ne m'écoutez jamais. »
Le consultant se met à rire. Il apprécie un peu plus Chilton pour sa franchise, pour ses baisers aussi, ainsi que leurs quelques corps à corps brûlants. Mais il ne voit pas un ami en lui, il ne l'estime pas assez pour ça et il sait que si l'amour peut s'en passer, ce n'est pas le cas de l'amitié.
Notes:
Le Frederick/Will m'est venu pour ce texte et j'ai découvert que ça me donne des idées pour un futur OS ou une fic à chapitres
Chapter 19: Entre rêve et réalité
Notes:
Promis, je n'abandonne pas l'Hannigram, c'est juste que j'ai une fois de plus eu de l'inspiration sur du ChillyWilly.
Univers : Plus ou moins UA saison 2.
Chapter Text
Le sang est omniprésent, sur ses mains, sur ses vêtements, sur l'ensemble de son corps. Ses chaussures sont noyées par le liquide carmin, l'odeur ferreuse envahit la pièce entière. Autour de lui, les cadavres s'amoncèlent. Ils ont tous des visages inconnus mais Will se sent nauséeux, terrifié et perdu. Dans l'une de ses mains, il tient un long couteau qu'il ne se rappelle pas avoir pris. Il peut percevoir dans son dos l'ombre du Wendigo, cette créature mythique qui le poursuit de plus en plus et qu'il associe au Dr Lecter. La ramure de la bête s'étend au-dessus de sa propre tête, telle une malédiction qui le transforme en un meurtrier qu'il n'est pas censé être.
En essayant de reculer, le consultant se heurte à un mur qui n'était pas là auparavant. Il se tourne vers la surface dure et remarque avec surprise qu'un miroir s'étend sur toute la surface. Son reflet lui fait peur, il décèle dans son regard la lueur qu'il voit habituellement dans celui du cannibale. Il n'y a pas un centimètre de son corps qui ne soit recouvert du sang de ses victimes et son estomac se contracte furieusement. Tous les corps vus au sein du F.B.I ne sont rien à côté de ceux qui gisent à ses pieds. Les autres fois, il se contente de chasser les tueurs, de plonger dans leur tête pour les comprendre et les retrouver, mais là, c'est lui le bourreau. C'est à cause de lui si le sol de la pièce peine à absorber le sang, si des organes sont dispersés çà et là, presque en attente d'être récupérés. C'est uniquement de sa faute si des familles vont être en deuil dès qu'elles apprendront la terrible nouvelle.
Dans le miroir, son reflet se met à sourire avec cruauté. Will se demande si tout est réel ou si ce n'est qu'un effet de son imagination. Peut-être est-il encore plongé dans une mauvaise séance d'hypnose sans s'en rendre compte. Peut-être a-t-il son encéphalite qui revient sans signe avant-coureur. Ou peut-être a-t-il enfin deviné qui il est vraiment.
La bouche sèche, l'empathe se détache de son reflet pour refaire face à l'horreur sans nom qui s'étale à ses pieds. Le sang lui paraît être plus important, les cadavres plus nombreux. Là où il n'y avait que des inconnus apparaissent désormais des visages familiers. Crawford, Bloom, Lounds, Katz. Ils ont leurs membres tordus dans des positions étranges, si improbables. Une nouvelle nausée s'empare de l'homme. Il craint d'être en train de devenir fou car tout est réaliste. Les odeurs, les couleurs, les sons qui proviennent de cette voix qui l'appelle.
Là encore, Will s'interroge. Ses rêves sont toujours remplis de meurtres, de douleurs et de monstres tirés des cauchemars de son enfance. Pourtant, ce pourrait être une autre réalité, une de celles où il serait l'homme qu'Hannibal cherchait à faire de lui. Crawford lui a dit qu'il lui fallait se reposer, prendre un peu de vacances mais ce n'est pas naturel pour lui. Il a essayé des séances de psychiatrie, autres que celles avec l'Éventreur de Chesapeake, mais rien ne s'est passé comme il l'espérait. La première femme ayant tenté d'entrer dans son esprit lui a reproché son travail, son empathie et tout ce qu'il considère comme un avantage. Les autres lui ont dit qu'il finirait par perdre pied et par se muer en un assassin. Il le sait parce qu'ils ont transmis des rapports à Crawford. Quelqu'un d'autre que Jack aurait pu l'envoyer directement dans un hôpital psychiatrique.
« Will ? »
Le brun croit entendre cette voix une fois encore et un rire faux s'échappe de ses lèvres. Ses paupières – qu'il ne souvient pas avoir fermé – s'ouvrent sur une autre pièce, plus lumineuse. Son regard croise celui inquiet de Frederick.
« Tu parlais dans ton sommeil, marmonne le psychiatre. J'ai préféré te réveiller. »
N'étant pas habitué à être autant surveillé par quelqu'un, Will est un peu étonné et se demande une fois de plus s'il rêve ou non. Le sourire de Frederick est chaleureux lorsqu'il presse sa main dans la sienne, si bien que l'empathe se sent en sécurité.
« Merci, murmure le plus jeune. Tu as bien fait, c'était sûrement la meilleure solution. »
Chapter 20: Rêve de famille
Notes:
On revient sur du Hannigram.
Univers : Post saison 3.
Chapter Text
La tête posée contre le torse d'Hannibal, Will laisse le silence envahir leur chambre. Aucun des deux hommes ne parle, ils n'ont pas besoin de longs discours pour savoir ce que l'autre pense et ils apprécient tous deux ce calme ambiant. Seules leurs respirations témoignent d'une présence humaine dans la pièce, nul bruit ne brise leur cocon de bien-être. L'une des mains de l'Éventreur de Chesapeake caresse légèrement les épaules de son amant tandis que ce dernier garde les yeux ouverts, un sourire aux lèvres. Ses membres sont alourdis par une fatigue bienvenue qui résulte de leurs ébats et qui le plonge dans une brume apaisante. Jamais il n'aurait pu croire à une telle scène par le passé mais tout a changé entre eux, pour le meilleur mais sans doute aussi pour le pire. Le consultant du FBI n'ignore pas qu'il a plus ou moins signé sa perte en acceptant d'embrasser ce qu'il y a de plus noir en lui mais il ne parvient pas à le regretter.
La maison dans laquelle ils ont trouvé refuge est une demeure secondaire que le cannibale a achetée autrefois sous un nom d'emprunt. Le FBI ne manquera pas de mettre la main dessus un jour ou l'autre, ils en ont conscience, raison pour laquelle ils profitent de tout le confort qu'elle leur apporte. Autour d'eux, il n'y a pas le mouvement incessant de la vie urbaine, la circulation intempestive des véhicules ou les cris des fêtards. Il n'y a que le silence de la campagne profonde, un calme tel que celui que Will a connu dans sa maison en Virginie. La surface qui leur appartient pourrait contenir une demi-douzaine de fois son ancien chez-lui et l'immense espace extérieur est un vrai terrain de jeux pour les chiens. Car après des semaines à insister auprès d'Hannibal, l'empathe a réussi à le convaincre d'adopter quelques animaux, en souvenir de la vie qu'il menait avant leur explosive rencontre. Si le Lituanien a cédé, il a tout de même imposé des conditions : pas de chien dans leur chambre ni dans la cuisine, ni même sur le canapé ou les fauteuils ; une pièce entière a été réservée pour leurs compagnons canins mais Will agit parfois contre la volonté de son amant, sachant pertinemment qu'il ne fera jamais de mal aux bêtes.
« Alana et Margot ont adopté une petite fille, remarque le brun. »
Sa voix paraît assourdissante dans le silence qui a précédé et il grimace en craignant avoir brisé le charme de l'instant.
« Oublie ça, murmure-t-il.
— Es-tu en train de me dire que tu veux un enfant, Will ? rétorque toutefois le cannibale en cessant ses caresses. »
Sans se concerter, ils se séparent l'un de l'autre et s'installent de façon à se regarder dans les yeux. Les iris couleur havane d'Hannibal déstabilisent une fois de plus son compagnon qui met de longues secondes à se ressaisir.
« Je ne sais pas vraiment ce dont j'ai envie, soupire l'empathe. Nous avons déjà cette maison, les chiens, notre nouvelle vie. C'est un sacrifice de ta part de mener une existence paisible à la campagne et je ne tiens pas à t'imposer autre chose.
— Souviens-toi de ce que nous avions décidé, lui rappelle le cannibale. Pas de mensonge entre nous, pas d'hésitation à parler de tout ce qui pourrait être important pour notre vie.
— Ce n'est pas comme pour tout le reste, Hannibal, proteste Will. Il n'est pas question de nous mettre d'accord sur un menu ou une visite amicale. Un enfant demande des responsabilités et ...
— Tu ne crois pas être capable de l'élever, même avec moi, poursuit le psychiatre. Walter a-t-il obscurci ton jugement ?
— Ce n'était pas mon fils. Et je savais déjà au fond de moi que mon mariage avec Molly était voué à l'échec. »
Will a le sentiment de perdre pied dans cette discussion. Ses rêves sont souvent composés de photos de famille où son amant et lui entourent deux enfants, avec une telle fierté qu'il est certain qu'ils sont les leurs. À chaque réveil, tout s'efface au chant lointain d'un coq. Qui accepterait de confier des orphelins aux Amants Tueurs ?
Chapter 21: Ignorer les apparences
Notes:
Et un nouveau petit ChillyWilly.
Univers : UA saison 2.
Chapter Text
Le souffle de Will est régulier dans son dos et son bras repose contre le sien. Les yeux ouverts, Frederick ne parvient pas à dormir, l'esprit tiraillé entre le bonheur d'une nuit supplémentaire auprès du consultant et l'effroi de ce qu'il est devenu. Avant l'empathe, Chilton se souciait déjà de son apparence car elle lui ouvrait toutes les portes : un sourire et il était accueilli avec plaisir, un clin d'œil et il recevait une invitation pour une réception privée. L'aspect extérieur de sa personnalité - costume, sourire hypocrite - était un atout dont il se servait à outrance.
Puis il y eut Abel Gideon et son terrible scalpel, marquant pour la première fois la chair du psychiatre d'une longue cicatrice verticale sur son abdomen. Frederick aurait pu ne pas s'en soucier et l'arborer comme un trophée, une preuve de sa survie face à un médecin fou, mais il a flanché légèrement avant de se reprendre. Nul ne pouvait deviner l'empreinte de Gideon sous ses costumes hors prix alors il a repris le cours de son existence comme s'il n'avait pas failli mourir sur une table d'opération improvisée, les tripes à l'air, un rein et un morceau d'intestin en moins. Sa dignité supportait encore ce petit changement physique.
Et Myriam Lass fit feu. Une simple balle suffit à le défigurer à vie. Une lentille verte sur son œil gauche désormais aveugle, une prothèse dentaire pour remplacer une partie de sa mâchoire et du maquillage à outrance pour dissimuler l'impact du projectile au niveau de sa joue. Les costumes et autres parures n'ont aucune utilité pour cacher cette nouvelle apparence, c'est ancré en lui, sur son visage. Chaque matin, il répare soigneusement les dégâts occasionnés par la balle, chaque soir il affronte son aspect qu'il juge repoussant.
Mais Will n'a pas tenu compte de ses cicatrices. Il a pris Frederik sous sa protection malgré tout ce que le psychiatre lui a fait subir au sein de l'asile psychiatrique. Le consultant ne l'a pas repoussé à cause de son physique marqué par les blessures, il a regardé au-delà. Les premières nuits ont été les plus fastidieuses pour Chilton, parce qu'il refusait d'enlever ses prothèses, son maquillage, malgré les demandes tendres de l'empathe. Puis petit à petit, Will a vaincu sa résistance et lui a permis de se libérer de son apparence. Les caresses ont eu raison de sa peur de se montrer nu sous le regard d'un autre et les baisers ont su lui rendre son orgueil brisé.
« N'es-tu pas fatigué ? demande Will dans un murmure. »
À l'entente de la voix de son amant, Frédéric devine qu'il est plongé dans un état entre veille et sommeil.
« Je pensais à moi, rétorque le psychiatre sur le même ton. »
Il passe par l'égoïsme pour ne pas révéler qu'il n'est plus entièrement le même homme bien qu'il ne puisse plus berner son compagnon. Comme réponse, le consultant embrasse son épaule nue et laisse leurs doigts s'entrelacer. Le silence refait surface mais Chilton n'est pas attiré par le sommeil. Il se tourne maladroitement pour faire face à Graham, séparant leurs mains dans la manœuvre, mais plongeant son regard dans celui de l'homme qui sait le mener jusqu'à la mort la plus douce. Will caresse son visage, s'attarde sur ses pommettes inégales, effleure ses lèvres, descend le long de son torse et s'éternise sur la cicatrice léguée par Gideon. Frederick est à la fois gêné et désireux d'aller plus loin, surtout maintenant que le consultant est bien éveillé. Répondant à son appel informulé, Will l'embrasse tandis que l'une de ses mains se charge de lui faire perdre pied.
Pour beaucoup, les deux hommes n'avaient rien de commun, hormis le fait d'avoir été tous les deux suspectés d'être l'Éventreur de Chesapeake. Ils auraient pu rester éloignés, ne pas garder contact, mais Will ayant pour habitude de recueillir les bêtes les plus démunies, il a accordé à Frederick le droit d'avoir un autre foyer. Malgré les apparences, ils s'acceptent l'un et l'autre, puisant un réconfort mutuel dans le bonheur qu'ils construisent pas à pas.
Chapter 22: Pour un zeste
Notes:
Ce texte et les quatre qui suivent ont été écrits pendant une nuit spéciale qui durait 24h avec des contraintes de régions du globe en plus, d'où les différents pays visités au fil de ces textes.
Région : Moyen-Orient
Univers : Post saison 3.
Chapter Text
Seulement vêtu d'un bas de pyjama, Will observe par la fenêtre la valse des passants. La chaleur de la Turquie mêlée aux rayons du soleil fait miroiter le paysage et agresse ses pupilles qui s'habituent doucement à la lumière. Les réveils à Istanbul sont les plus doux de ceux qu'il a connus depuis leur fuite loin de l'Amérique et il donnerait n'importe quoi pour y passer le restant de ses jours. Hannibal a su faire fondre toutes ses réticences à l'aide de baisers et de promesses, en lui assurant que la grande ville turque lui plairait. Une fois de plus, le cannibale avait raison et ils coulent tous les deux des jours heureux en savourant la moindre seconde. Même si l'ancien consultant du FBI ne parle pas la langue du pays, il s'habitue à cette ambiance bien différente de celle de sa Virginie. Tout est si démultiplié : les odeurs, les sons, les couleurs, les émotions. Il est libéré de toutes les contraintes qu'il s'imposait dans son métier et il s'en sent bien mieux. Il ne porte plus de masque, il n'a plus à dissimuler son véritable ressenti, il est lui-même et cela grâce à son compagnon.
Une main chaude se pose sur sa hanche et il sourit avant de tourner sa tête vers l'Éventreur de Chesapeake. L'homme tant recherché par l'équipe de Crawford lui rend son sourire avant de l'embrasser doucement. Will effleure l'une des pommettes du cannibale avant de plonger son regard dans ses yeux couleur fauve. La lueur prédatrice habituelle brille dans les pupilles du Lituanien tandis qu'il joue avec l'élastique du pyjama de son amant. Une chaleur beaucoup plus forte envahit le corps de l'empathe qui s'empresse de ravir à nouveau la bouche de celui qui partage sa vie. Hannibal doit ralentir le rythme en sentant sa chair réagir au contact du brun et il met une distance de sécurité entre eux. Face à l'expression interrogative de son compagnon, le tueur arbore un air amusé.
« Je n'ai pas préparé le petit-déjeuner pour rien, Will.
— Il n'y a rien de bien urgent, marmonne le plus jeune. Et puis ce sera une bonne occasion de prendre des forces.
— Ou ce serait bien mieux de dépenser notre énergie après, susurre le Dr Lecter. J'ai ajouté un zeste d'orange à ton thé, fais-moi le plaisir de venir le partager avec moi et nous reprendrons notre … activité. »
Pour le zeste d'orange, Will accepte sa défaite. Il aime les délices culinaires de son amant mais son corps enflammé souhaite une autre sorte de délice.
Chapter 23: Entre deux camps
Notes:
Ce texte et les trois qui suivent ont été écrits pendant une nuit spéciale qui durait 24h avec des contraintes de régions du globe en plus, d'où les différents pays visités au fil de ces textes.
Région : Europe de l'Est
Univers : UA début saison 3.
Chapter Text
« Qu'avez-vous dit ? s'étonne Jack en observant le Dr Chilton.
— Will Graham est parti pour la Lituanie. C'est le pays d'origine de Lecter, cela ne devrait pas vous surprendre.
— Mais dans quel camp est-il ? persifle le chef d'unité. Je ne le paye pas pour qu'il parte en voyage !
— Will n'est pas un traitre, rétorque Alana en fusillant du regard Frederick. Si vous pensez qu'il est allé là-bas pour avoir un lien avec Hannibal alors …
— Alors quoi ? la coupe le psychiatre. Vous êtes en train de laisser vos émotions dicter vos paroles, Dr Bloom. Vous savez pourtant que l'agent Graham a une certaine proximité avec l'Éventreur de Chesapeake.
— Une certaine proximité ? répète la femme avec ironie. Ai-je besoin de rappeler avec qui Will a passé ces dernières semaines ? »
Un combat visuel s'engage entre les deux psychiatres et Jack se demande un instant s'il lui faut prendre le parti de l'un ou de l'autre. Il n'ignore pas que Chilton a sans doute raison lorsqu'il dit que le consultant a fait la route jusqu'en Europe de l'Est afin d'avoir des informations sur Hannibal mais, en même temps, il soutient aussi la thèse de Bloom. Certes, Will Graham a eu des comportements suspects pendant plusieurs jours mais de là à imaginer qu'il puisse être dans le camp de l'assassin ? Crawford se pose lui-même la question, c'était d'ailleurs sa première réaction face à la réponse de Frederick, mais il revient sur sa propre impression. L'empathe les aide énormément pour leurs nombreuses enquêtes et ce serait presque improbable qu'il soit du côté de l'un des pires meurtriers du pays. Déconnecté de la réalité durant quelques minutes, Jack ne reprend pied qu'en entendant le ton d'Alana qui monte de plus en plus.
Crawford soupire en voyant que les deux psychiatres ne cessent de se disputer. Il les a déjà vus en désaccord mais jamais de cette façon. Il pourrait presque compter les points entre eux, par amusement, mais il préfèrerait qu'ils redeviennent plus sérieux pour reparler tranquillement du cas « Will Graham » sans entendre l'un ou l'autre hausser la voix. Cependant, le Dr Bloom ne semble pas de cet avis puisqu'elle se lève brusquement en dévisageant son confrère qui reste à sa place avec sa nonchalance habituelle.
« Vous ne vous souciez pas de Will, attaque Alana. Il n'est qu'un petit jouet pour vous, un cas intéressant à détailler sous toutes ses facettes.
— Je ne suis pas le plus à blâmer, chère consœur. Vous l'avez rejeté alors ne venez pas vous plaindre s'il trouve le bonheur ailleurs. »
Chapter 24: Des courges au menu
Notes:
Ce texte et les deux qui suivent ont été écrits pendant une nuit spéciale qui durait 24h avec des contraintes de régions du globe en plus, d'où les différents pays visités au fil de ces textes.
Région : Amérique centrale
Univers : UA fin saison 2.
Chapter Text
« Combien de temps resterons-nous ? s'enquiert Will en entrant dans la cuisine. »
Hannibal relève la tête vers lui, une légère lueur de surprise dans son regard havane. Ils sont partis de Baltimore quelques semaines auparavant avec une escale au Canada pour tromper Jack sur leur destination puis ils ont fait demi-tour afin d'atteindre l'Amérique centrale. Les connaissances linguistiques du psychiatre leur ont permis de se fondre rapidement dans la foule et de passer pour de simples touristes sans avoir l'air de fugitifs. Si le questionnement du consultant étonne autant le plus vieux, c'est en raison de la mélancolie qui transparaît dans la voix de son cadet. Will a eu l'occasion de montrer sa tristesse quand ils ont quitté tout ce qui a fait son foyer pendant des années mais c'est la première fois qu'une telle expression prend place sur son visage.
« Nous n'avons aucune raison de partir si personne ne vient nous voir pour nous arrêter.
— Jack nous retrouvera, il réussit toujours. Le cadavre d'Abigail ne joue pas en notre faveur.
— Elle ne pouvait pas nous accompagner, remarque le cannibale en délaissant sa préparation culinaire. Tu le sais, Will.
— Nous aurions dû être une famille. Tous les trois. Tu m'as volé tout ce que j'avais, semaine après semaine, pour devenir ma seule attache. Dans quel but ? Qu'ai-je bien pu faire pour attirer autant ton attention ?
— Combien de fois me poseras-tu ces questions ? »
Ils s'affrontent visuellement, comme à chaque fois que Will revient à l'attaque. Il ne nie pas être heureux dans cette nouvelle vie mais il est toujours lié à son passé, à son boulot, à ses espoirs d'avoir un jour une existence aussi normale que celle des autres. Son empathie a précipité sa perte et l'a doucement entraîné vers les bras de l'Éventreur de Chesapeake. Sans lui, il n'aurait pas pris l'avion pour s'enfuir, il n'aurait pas payé des billets vers les Honduras afin d'échapper à la vigilance de l'agent Crawford. S'adapter à une autre culture n'est pas si difficile mais il lui arrive de plus en plus régulièrement de s'éveiller la nuit en se demandant s'il a fait le bon choix.
Pour briser la tension installée, Will s'avance dans la cuisine. Cet espace est presque entièrement réservé au Lituanien et il le lui cède volontiers mais il y a des moments pendant lesquels le brun aime franchir les limites et envahir son territoire. Hannibal le regarde sans un mot, un léger sourire prenant place sur ses lèvres. Il retourne à ses légumes qu'il découpe délicatement tandis que son amant s'approche jusqu'à se tenir de l'autre côté du plan de travail.
« Que prépares-tu ?
— Des courges locales, répond le psychiatre.
— Mais ce ne sont pas ... »
Will s'interrompt, conscient de sa propre bêtise. En effet, les légumes sous le couteau d'Hannibal ne sont pas des courges, mais il devient évident que le cannibale ne parlait pas de l'accompagnement, plutôt de la viande. Un rictus déforme son visage quand il se rend compte que le dégoût n'est pas au rendez-vous. Il devrait avoir en horreur cette habitude de prendre les gens pour de la nourriture mais il a fini par s'y faire. Si Crawford le voyait, il ne le reconnaîtrait sans doute pas mais il est un peu responsable de cette situation. S'il ne l'avait pas poussé jusqu'à ses ultimes retranchements en l'emmenant sur toutes ces scènes de crime, il aurait encore toute sa tête et Hannibal serait sous les barreaux.
« Quel pays te plairait le plus ? l'interroge son amant en reposant son couteau.
— Je ne souhaite pas partir maintenant, rétorque le brun. Je me demandais seulement combien de temps la chance nous laissera-t-elle vivre en paix. J'aime cet endroit, Hannibal, et je n'ai pas commencé à apprendre l'espagnol pour fuir si vite. »
Il ne lui manque que ses chiens dont la présence rassurante était apaisante. Mais son compagnon a su calmer ses peurs à sa façon, par des moyens détournés et des preuves d'amour qu'il ne s'attendait pas à avoir de sa part.
« J'espère que ces courges seront savoureuses, conclut Will. »
Chapter 25: Douleur
Notes:
Ce texte et celui qui suit ont été écrits pendant une nuit spéciale qui durait 24h avec des contraintes de régions du globe en plus, d'où les différents pays visités au fil de ces textes.
Région : Amérique du Nord
Univers : Post saison 3.
Chapter Text
Douleur. Douleur. Douleur.
Le même mot, en permanence. Dès qu'il se réveille, ses blessures se rappellent à son souvenir et il hurle.
Douleur. Douleur. Douleur.
Son corps n'est plus qu'un amas de souffrances continues. Le moindre frottement sur sa peau brûlée est un enfer duquel il ne peut se soustraire.
Douleur. Douleur. Douleur.
Il entend le personnel médical qui parle autour de lui. Il est toujours dans le Maryland, seuls ses rêves ont migré ailleurs. Il aimerait demander des nouvelles de Will Graham, par curiosité, par inquiétude aussi. Ils ne se sont pas quittés en bons termes et cela lui fait du mal.
Douleur. Douleur. Douleur.
Rien ne sera plus comme avant, il n'est qu'un homme mort à l'intérieur.
Chapter 26: Pots aux fleurs
Notes:
Ce texte a été écrit pendant une nuit spéciale qui durait 24h avec des contraintes de régions du globe en plus, d'où les différents pays visités au fil de ce texte.
Région : Asie de l'Est et du Sud (ici sous forme de fleurs)
Univers : UA fin saison 2.
Chapter Text
« Je dirais que c'est un cerisier du Japon, constate Jimmy Price. »
Il observe attentivement les fleurs ramenées par Will Graham, détaillant la forme des pétales, l'odeur et la couleur. C'est sans nul doute l'élément le plus beau et le plus parfumé de la morgue, ajoutant une petite note colorée face au gris des tiroirs réfrigérés et des tables d'examens. Sur l'une d'elles repose un corps à moitié décomposé, sujet de leur nouvelle enquête, au-dessus duquel Brian Zeller est penché pour récupérer un morceau de verre fiché dans la chair. Son collègue reste en admiration devant les fleurs japonaises alors que Will, mal à l'aise, garde ses mains dans les poches.
Le consultant du FBI a trouvé plusieurs assemblements de fleurs dans la cuisine de sa maison après s'être réveillé. Il sait déjà qui a déposé ce cadeau chez lui puisque rares sont les personnes qui osent venir jusqu'à sa petite demeure perdue à Wolf Trap, en Virginie, et encore moins pour entrer alors qu'il est là à dormir. À vrai dire, il n'a qu'un seul nom en tête mais ce qu'il cherche avant tout à connaître, c'est la signification de ces fleurs. Il n'a pas hésité à les embarquer pour les montrer à ses collègues de Quantico et il regrette un peu sa démarche. Zeller et Price sont des petits génies qui seraient capables de l'assaillir de questions embarrassantes sans même avoir conscience de l'état dans lequel ils pourraient le mettre. Pourtant, il n'a pensé qu'à eux pour l'éclairer et il est satisfait par la rapidité d'esprit de Jimmy.
« Saviez-vous que le sakura ne représente pas seulement le printemps ? s'enquiert Price en détachant enfin son regard des fleurs de cerisier.
— Il a un caractère éphémère, répond Brian en délaissant quelques secondes le cadavre, et rappelle la brièveté de la vie. Les militaires japonais en emportaient des branches avec eux avant le combat. »
Le renouveau. La brièveté de la vie. Will s'isole mentalement de la discussion entre les deux scientifiques pour imaginer Hannibal en train de composer ses pots de fleurs. Il n'a pas choisi cette espèce végétale au hasard, il y a toujours un sens caché derrière chacun de ses gestes. Le consultant a quitté l'hôpital une semaine auparavant, le ventre barré par une cicatrice infligée par le cannibale, et voilà que son psychiatre entre chez lui pour fleurir sa cuisine. L'empathe a cru que l'Éventreur de Chesapeake était parti pour échapper à Crawford et à son équipe mais il semblerait qu'il soit encore dans les parages. Il lui a délivré son message, tel un appel à une trêve et à un nouveau départ mais le brun n'est pas certain de vouloir prendre ce risque.
« Merci pour les renseignements. »
L'après-midi se déroule tranquillement, le corps décomposé retenant leur attention. Jack les rejoint au bout de plusieurs heures et ils lui transmettent leurs découvertes. Pendant tout ce temps, Will ne cesse de songer à ces fleurs, à leur symbolique, aux multiples trahisons d'Hannibal. Il ne peut plus lui accorder sa confiance, pas après le meurtre d'Abigail, pas après son séjour en hôpital psychiatrique, pas après tous ses mensonges. Il est trop tard pour envisager de recommencer. L'empathe supposait avoir construit une sorte d'amitié avec le cannibale mais il a fait fausse route.
La nuit n'est pas loin de tomber lorsque Will quitte enfin le FBI. Les fleurs sont dans son coffre et embaument l'habitacle de la voiture. Au lieu de rentrer chez lui, il conduit longuement jusqu'à Baltimore. L'envie d'aller jusqu'à l'ancien cabinet d'Hannibal l'effleure mais il se reprend et poursuit sa route. Il n'y a plus beaucoup de véhicules sur le parking de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés et il espère ne pas être arrivé trop tard.
Il retrouve machinalement quels couloirs emprunter jusqu'au bureau du Dr Chilton. Ce dernier est en pleine conversation téléphonique mais il raccroche en le voyant.
« Que me vaut le plaisir de votre visite, Graham ?
— Je viens en paix, Frederick. Et je vous demande pardon. »
Chapter 27: Fuite
Notes:
Univers : Plus ou moins UA saison 2.
Chapter Text
Les corps semblent incrustés dans la rétine de Frederick. Dès qu'il ferme les yeux, il ne peut s'empêcher de les revoir, ensanglantés, éventrés, hérissés. Hannibal a amené la mort chez lui et l'a transformé en suspect idéal. Le sang imprègne ses vêtements, son estomac se serre à chacun de ses gestes en une nausée difficile à retenir. Sa gorge est nouée, tant et si bien qu'il se demande s'il pourra reparler un jour ou l'autre. Il a conscience d'avoir réagi un peu trop vite en quittant sa maison et en emportant les bagages préparés par l'Éventreur de Chesapeake mais il n'a pas réfléchi, choqué par ce qu'il a découvert. Il ignore quelle destination choisir, il conduit automatiquement en espérant que rien n'est réel.
Ce n'est pas très glorieux de sa part. Il fuit le danger, il fuit la scène de crime, il fuit la probable venue des autorités judiciaires. Il fuit également le courage qu'il n'a jamais eu et qu'il n'aura sans doute jamais. Chilton ne voit que cette unique solution à son problème, une solution imposée par un cannibale meurtrier qui a lui-même rempli ses sacs. Pour l'équipe de Crawford, ce sera une preuve de sa culpabilité, une de plus. Il a le profil idéal pour correspondre au tueur recherché par Jack, il le sait parfaitement. Personne ne voudra croire qu'il puisse être innocent, ils ne verront pas plus loin que le bout de leur nez et il finira dans les journaux sous la forme d'une photographie où il aura des menottes aux poignets.
Poussé par un soudain pressentiment, Frederick prend la prochaine sortie. Il doute d'être bien accueilli là où il se rend mais ce ne sera pas pire que de croiser la route d'Hannibal. Il arrête sa voiture, inspire longuement puis récupère ses sacs avant d'avancer vers la porte de la maison de Graham. Les chiens sont les premiers à venir vers lui puis Will apparaît. Chilton n'aperçoit aucune surprise dans le regard de l'empathe et il s'interroge longuement.
« J'imagine que vous avez besoin d'aide ? ironise le consultant.
— Est-ce que je peux utiliser votre douche ? marmonne le psychiatre avec une gêne évidente. »
Il veut se débarrasser de tout ce sang qui semble s'incruster dans la moindre de ses cellules. Graham l'autorise à entrer et lui montre l'emplacement de la salle de bain. Au lieu de le laisser seul avec ses pensées tourmentées, l'empathe se repose contre le chambranle de la porte, observant Frederick qui croise son regard. Les deux hommes se dévisagent l'un l'autre, attendant de voir qui reprendra la parole le premier.
« Vous appréciez de savoir que je suis dans les ennuis jusqu'au cou, n'est-ce pas ? déclare Chilton avec amertume.
— Je ne profite pas de la détresse des autres, je ne suis pas le Dr Lecter, réplique Will. Je constate juste qu'il a réussi à piéger tous ceux qui le démasquent. Qu'a-t-il fait pour que vous soyez dans cet état ?
— Il a mis Abel Gideon dans ma cave, découpé, et il a tué deux policiers.
— Et vous avez pris la fuite … Crawford ne vous loupera pas, Frederick.
— Vous croyez que je l'ignore ? Je ne pouvais pas attendre, pas avec tous ces corps. »
Chapter 28: Les sens en éveil
Notes:
Univers : UA saison 2.
Chapter Text
Légèrement en retard sur l'horaire prévu, Will espère pourtant ne pas être le dernier arrivé. Il déteste les réceptions bondées, les échanges de salutations et de regards, les effluves qui se mêlent, la cacophonie produite par l'accumulation des invités. Il ne sait pas pour quelle raison il a accepté de venir au repas organisé par Hannibal, encore moins en ayant conscience de la provenance de ses aliments. Il ne fait aucun doute que le psychiatre a pris des morceaux de choix sur des victimes humaines, selon son habitude la plus cruelle.
Le consultant boutonne sa chemise à la hâte puis enfile son manteau avant de claquer la porte derrière lui. Le chemin jusqu'à la demeure du cannibale a beau être aussi long que les autres fois, Will a l'impression d'avoir mis seulement dix minutes tant il est stressé par le peu de ponctualité dont il fait preuve ce jour. Il a la main posée sur la portière de sa voiture lorsque de la lumière provient de l'intérieur et l'éclaire. Le Dr Lecter est debout contre le chambranle de la porte à l'observer avec attention. L'empathe se racle la gorge puis rejoint son hôte en s'excusant platement pour son retard. Hannibal ne lui en tient pas rigueur et le laisse passer devant lui.
Le plus jeune a la surprise de ne voir personne d'autre et il se retourne vers le Lituanien. Ce dernier soutient son regard avant de l'entraîner vers la cuisine en se permettant un contact prolongé qui met Will mal à l'aise. Il ne se soustrait cependant pas à ce toucher inattendu, essayant de se détendre en calquant sa respiration sur la musique calme qui provient de la pièce. L'odeur de la nourriture parvient à ses narines et réveille sa faim. Le psychiatre se remet à ses fourneaux et rallume le feu en-dessous d'une casserole. Pendant que la sauce se réchauffe doucement, Hannibal s'empare d'une cuillère à soupe pour faire goûter sa cuisine à son invité. En une bouchée, le consultant est transporté ailleurs.
Chapter 29: Retrouvailles
Notes:
Univers : Post Saison 3.
Chapter Text
Will avait peur. Ce n'était pas une crainte rationnelle, il en avait pleinement conscience, mais il ne pouvait s'y soustraire.
Depuis plusieurs jours, il ne dormait presque plus, envahi par le sentiment que quelque chose se passerait forcément mal. Son corps portait toujours les cicatrices du combat contre le Dragon Rouge ainsi que de la longue et douloureuse chute, comme un rappel permanent de ce qu'il avait traversé en embrassant sa véritable nature. Chaque matin, devant son miroir, il observait les marques qui ornaient sa peau en se demandant si tout était réel et si Hannibal avait vécu les mêmes souffrances que lui. L'ancien consultant du FBI n'avait jamais osé lui poser la question, même par l'intermédiaire de leurs échanges téléphoniques, et le cannibale n'avait pas abordé le sujet.
L'odeur de la viande en train de cuire tira l'empathe de ses réflexions. Il avait tenté de faire de son mieux pour accueillir le psychiatre mais il fallait se rendre à l'évidence : la cuisine n'était pas du tout sa passion et le résultat était pitoyable. Les morceaux d'osso buco gisaient dans la poêle de manière désastreuse, complètement brûlés, et les légumes étaient désormais trop cuits. Will éteignit le feu et essaya de débarrasser la poêle de la nourriture immangeable mais la viande collait. Comble de malchance, son téléphone portable choisit ce moment pour sonner et le nom d'Hannibal s'afficha sur l'écran. Le brun décrocha en se retenant de pester et indiqua l'adresse exacte de son nouveau domicile. Par mesure de sécurité, ils avaient gardé le silence sur leurs lieux de résidence, même s'il s'agissait sans nul doute d'une précaution inutile puisque personne ne semblait les rechercher.
Délaissant sa cuisine, Will alla ouvrir à son invité qu'il détailla sans la moindre gêne. Comme à l'accoutumée, Hannibal était tiré à quatre épingles dans un costume sur mesure. Les deux hommes se regardèrent longuement, savourant ces retrouvailles prévues depuis des semaines. Contrairement à ce que l'empathe pensait, il n'y eut aucune intervention musclée de la part de la police locale. Ils n'étaient que tous les deux, perdus dans leur propre monde, et le plus jeune comprit à cet instant que l'Éventreur de Chesapeake avait pris de l'importance dans sa vie, bien plus que ce qu'il avait cru. Il attira à lui le cannibale, refermant la porte derrière lui, avant de le plaquer contre l'un des murs pour l'embrasser. Ce n'était pas prémédité, encore moins de sa part. Lui qui évitait si souvent les contacts se retrouvait à lier sa respiration avec celle d'un homme qui lui avait fait beaucoup de mal.
Lorsqu'ils se séparèrent enfin, les deux hommes se sourirent. Hannibal reprit possession des lèvres de Will tout en glissant l'une de ses mains sous sa chemise. Le plus jeune s'embrasa sous ce toucher et décida de remettre à plus tard le repas. Le désir qui brûlait en lui avait plus de force que son appétit et il devinait que c'était également le cas du Lituanien qui ne lui offrait plus la moindre échappatoire.
Chapter 30: Omettre ou mentir
Notes:
Univers : UA saison 2.
Chapter Text
« Les pistes nous mènent vers plusieurs profils, commence l'agent Crawford. Si on les suit alors il est probable que l'Éventreur soit l'un des psychiatres que nous côtoyons pour nos affaires.
— Quand comprendrez-vous enfin qu'il s'agit d'Hannibal ? demande Will. Il se joue de vous, Jack. Toutes les preuves vont designer quelqu'un d'autre, une fois de plus. Il a déjà essayé de me condamner à sa place - avec une certaine réussite à court terme - et il désignera une autre victime.
— Mettez de côté vos propres sentiments, Graham. J'ai besoin d'un raisonnement objectif et clairement sincère. Nous suspectons le Dr Chilton, il correspond en tout point au profil.
— Un profil qu'il a lui-même dressé, rappelle le consultant. Ne trouvez-vous pas étrange que tout concorde soudainement ? Un jour tout est nébuleux et le lendemain, vous pouvez l'accuser car les preuves coïncident ?
— Ne me dites pas que vous avez envie de disculper Chilton ? s'étonne Crawford. Je pensais que vous le détestiez.
— Je ne fais que réfléchir à notre affaire. »
Will se retrouve dans une situation délicate qu'il n'avait pas prévue. Au sein du BAU, il n'y a personne au courant de sa relation avec Frederick et c'est bien mieux ainsi. Jusqu'à présent, il a aussi su le dissimuler à Hannibal, ce qui relève presque de l'exploit par rapport aux déductions rapides auxquelles parvient le Lituanien habituellement. L'empathe a préféré être discret sur sa vie privée afin de ne pas mettre son compagnon dans l'embarras. En soi, Chilton ne fait rien de mal puisque le consultant n'est plus son patient mais les rumeurs se propagent rapidement et ils se sont accordés pour ne pas étaler leur relation au grand jour. Le plus jeune se demande s'il a raison de ne pas en parler avec Jack. Si Frederick est suspecté et que leur lien venait à être découvert, ils risquent gros. Mais en parler n'est pas quelque chose que Will veut vraiment dans des moments aussi tendus.
Omettre la vérité serait-il pire que mentir ? Il n'a pas dit à Jack qu'il n'a aucun contact avec le Dr Chilton, ou qu'il se désintéresse complètement de son cas. Il omet juste de le prévenir de l'importance que Frederick prend dans sa vie jour après jour, ce qui n'est pas un mensonge.
« Will ? »
Le brun croise l'expression inquisitrice de l'agent Crawford. Ce dernier attend sans doute la suite de ses propos mais il ne sait pas jusqu'où il peut aller. Il a promis à Frederick d'éviter tout problème qui aurait des répercussions sur eux et il veut tenir cette promesse. Toutefois, cacher certaines vérités à Jack n'est pas chose aisée, surtout lorsque des enquêtes sont concernées.
Un coup toqué à la porte du bureau retentit. Crawford donne son autorisation d'un ton maussade avant de regretter sa décision. Sur le seuil de la pièce se tient l'un des principaux concernés dans l'affaire de l'Éventreur. À la vue de Frederick, Will sent son anxiété monter d'un cran. Dans son esprit, il visualise une balance bien équilibrée sur laquelle il fait soudain reposer deux poids : l'un est l'omission tandis que l'autre est le mensonge. Les deux sont à parfaite égalité avant l'intervention du psychiatre.
« Freddie Lounds vient de faire paraître un article, agent Crawford. Je ne suis pas très admiratif de son travail, c'est vrai, mais j'admets que j'aurais préféré apprendre autrement que je suis suspecté d'être l'Éventreur. »
La balance penche alors vers l'omission. Will n'a pas le droit d'abandonner Frederick à son sort. Jack ne saura pas tout de suite qu'ils partagent bien plus qu'une discussion dans un bureau de l'hôpital psychiatrique. L'empathe choisit d'omettre en espérant qu'il ne finira pas par mentir. Même si pour les beaux yeux verts de son amant, il serait prêt à tout.
Chapter 31: Une amertume passagère
Notes:
Univers : Saison 3.
Chapter Text
Margot observe avec indifférence l'ancienne maison de Will Graham. Rien n'a changé, la disposition des meubles est toujours la même, l'odeur persistante des chiens n'a pas disparu et la lourde empreinte de l'empathie du consultant pèse dans l'air. Elle pourrait presque croire qu'il est là, à attendre le bon moment pour venir lui parler, le regard posé n'importe où sauf sur ses propres yeux. L'homme qui a été emprisonné comme l'Éventreur de Chesapeake par le passé lui a souvent semblé distant, à la fois dans son comportement vis-à-vis de tous les êtres humains que dans cet instant qu'ils ont partagé ensemble. Elle savait qu'il ne ressentait rien à son égard tout comme elle n'éprouvait rien non plus pour lui et, désormais, elle a percé certains de ses secrets. Il aurait fait un bon père si l'enfant avait survécu, c'est l'une de ses convictions, sauf que l'avenir en a décidé autrement.
Un léger sourire aux lèvres, l'héritière Verger envoie un message à sa compagne. Elle imagine Alana à l'hôpital psychiatrique, en train d'attendre que la journée passe, à surveiller régulièrement son téléphone. Son amante va avoir une belle surprise et cette idée ravit Margot. L'arrestation d'Hannibal, le nouvel emploi d'Alana, la mise en couple de Will, le livre de Frederick ont été des étapes vers un autre futur. La sœur de Mason n'imaginait pas que ce serait aussi simple de s'offrir une vie de famille et voilà que son rêve est concrétisé. Son mariage avec celle qu'elle aime et la naissance de leur fils ont ramené une joie qu'elle pensait ne plus jamais ressentir. Son frère lui a enlevé tant de bonheur, encore et encore, en lui promettant mille souffrances, et voilà de quelle façon elle se venge.
« Tu me provoques, Margot ? susurre Alana en la rejoignant plusieurs heures plus tard. »
La concernée sent les mains de sa femme se poser sur ses hanches et elle ferme les yeux en reposant sa tête contre son épaule. Jamais elle ne se lassera de la présence de la psychiatre et elle bénit le jour où leurs routes se sont croisées.
« Je t'avais bien dit que je finirais par t'inviter dans un lieu insolite, répond la sœur de Mason en riant.
— Je m'attendais à plus romantique, rétorque sa compagne en l'embrassant dans le cou. Un dîner aux chandelles, un pique-nique dans une zone champêtre ou …
— Ou un bon repas accompagné de musique classique avec des mets cuisinés à la perfection. »
Le ton de Margot est devenu froid, elle se dégage de l'étreinte de la psychiatre avant de plonger son regard dans le sien. Sans pouvoir s'en empêcher, l'héritière Verger songe à Hannibal et à tout ce qu'il a pu faire pour satisfaire Alana à l'époque où ils ont été ensemble. Le cannibale a des qualités culinaires insurpassables, il est cultivé, doué dans l'art de la musique et charme les gens par ses paroles. Face à lui, Margot se sent faible et peu sûre d'elle, ce qui transparaît actuellement dans sa position incertaine.
« Je ne voulais pas aborder ce sujet, reprend Alana avec douceur.
— Je le sais, admet sa femme en acceptant de se détendre. Je n'avais pas envie d'être trop prévisible, je tenais à te surprendre. »
Chapter 32: Déclaration
Notes:
Univers : UA Saison 2/3.
Chapter Text
De : Will
À : Frederick
Ne viens pas ce soir.
Le message est clair, pourtant Frederick lit derrière les mots tout ce que le consultant lui tait. C'est la même rengaine depuis des mois, un inlassable jeu du chat et de la souris sans savoir qui finira par l'emporter. Ils s'enlacent et se repoussent en sachant pertinemment que leur comportement risque de devenir destructeur. La frustration est d'autant plus présente que le psychiatre a l'impression que ce qui n'était qu'une simple attirance physique se transforme en quelque chose de plus puissant — pour lui tout du moins. Il ignore à quel moment exactement tout cela a basculé, il se contente de subir ses propres passions en essayant de ne pas se poser trop de question.
De : Frederick
À : Will
Je ne te laisserai pas seul.
Les multiples trahisons d'Hannibal ont été le ciment de leur rapprochement. Frederick s'est réveillé à l'hôpital borgne de l'œil gauche, avec une douleur immense dans la mâchoire et dans la tête. Quelques semaines plus tard, il a pris son courage à deux mains pour aller rendre visite à Will, après avoir appris qu'il avait lui-aussi subi les manipulations du cannibale. Ils auraient pu reprendre leurs querelles avec cette distance glaciale que l'empathe a longtemps maintenue entre eux mais ils ont tissé un lien malgré eux. Paradoxalement, en tentant de tous les briser, l'Éventreur de Chesapeake a créé un pont entre leurs deux existences.
Avec des automatismes acquis au fil de ses visites, Frederick suit le chemin menant à Wolf Trap, en Virginie. Il gare sa voiture sans se soucier de la place qu'il occupe puis il toque à la porte. Will lui ouvre sans un mot, sans l'empêcher d'entrer, et leurs regards s'accrochent aussitôt. Toute hésitation semble avoir disparu chez le consultant qui l'embrasse en l'entraînant à l'intérieur. Le psychiatre sent son cœur se gonfler de joie même s'il sait une fois de plus que ce sera éphémère.
L'empathe n'est pas le seul à l'accueillir, les chiens aussi célèbrent son arrivée en fanfare. Les truffes humides viennent se glisser contre ses mains, son pantalon et son manteau sous l'œil amusé de Will. Frederick sourit à son tour en caressant les animaux domestiqués puis il reporte son attention sur son amant qui ne lui parle toujours pas. Le consultant finit toutefois par siffler ses compagnons à quatre pattes qu'il dirige dans une autre pièce tandis que le psychiatre retire enfin les couches de vêtements inutiles maintenant qu'il est au chaud. Il est train de poser ses affaires sur le portemanteau lorsque le plus jeune réapparaît. Les deux hommes se dévisagent sans oser prononcer un mot qui briserait la douceur du moment. Ils n'ont jamais pris le temps de définir réellement leur situation et c'est une erreur aux yeux de Frederick qui a peur d'avoir mal interprété chacun de leur tête-à-tête. Les lèvres de Will qui retrouvent leur place sur les siennes lui font oublier ses doutes mais il se reprend rapidement en instaurant une certaine distance physique entre eux.
« Que se passe-t-il ? s'enquiert l'empathe en fronçant les sourcils.
— Nous devons parler sérieusement, répond son vis-à-vis. J'ai besoin de savoir ce que tu penses de tout ceci. »
Un murmure termine sa phrase alors qu'il prend conscience de l'anxiété qui le broie lentement. Lui, qui se croit si souvent beau-parleur, est paralysé face au regard de son amant. Frederick songe qu'il aurait dû rentrer directement chez lui sans chercher à rejoindre Will mais l'éloignement est de plus en plus difficile à supporter. Il veut pouvoir s'éveiller plusieurs matins à la suite aux côtés du consultant, lui préparer un petit-déjeuner sans avoir l'impression d'être un imposteur, tenir sa main sans cacher ce qu'il éprouve vraiment dès qu'ils sont ensemble. C'est compliqué à cause de l'ombre d'Hannibal qui plane sur eux, à cause d'Alana qui le méprise, à cause de Crawford qui ne l'apprécie guère plus, à cause de lui-même qui agit comme un enfant en se pavanant dans les couloirs de son hôpital. Will mérite bien mieux que ce qu'il a à lui offrir mais, intérieurement, Frederik se sent prêt à tous les sacrifices.
Une fois encore, le plus jeune le détourne de ses pensées par un baiser. Ce n'est plus aussi chaste qu'auparavant, il le devine à la précipitation qui guide les gestes de son amant, à cette passion qui embrase son corps, à cette bouche qui quitte la sienne pour se poser sur son cou. Un gémissement lui échappe, puis un second. Les mains de Will ont poursuivi leur œuvre en lui retirant sa chemise. Envahi par le désir de retrouver un contact plus étroit avec l'empathe, Frederick se hâte de l'aider à les dévêtir. Ils ne prennent pas le temps d'atteindre la chambre, les corps se lient contre un mur, peau contre peau, enfiévrés. Les coups de rein de l'un, les coups de main de l'autre, ce sont les actes qui les consument. Les bouches se dévorent, les chairs s'unissent sous les respirations erratiques, dans un ballet érotique. L'un soupire, l'autre gémit, et les deux glissent plaisamment vers la jouissance.
« Je t'aime, avoue Frederick. »
Un simple plaid recouvre leur nudité, leurs souffles aspirent encore l'air d'un ciel sans nuage. Le psychiatre n'a pas su attendre, il se dévoile enfin sans réfléchir aux conséquences de sa déclaration.
Chapter 33: Mille feuilles d'une romance à la Hannibal Lecter
Notes:
Meilleurs voeux à tous pour cette nouvelle année !
Univers : Post saison 3.
Note : Le défi proposait de faire un texte sous la forme d'une recette, d'où le format particulier.
Chapter Text
Ingrédients :
- Un empathe instable entier
- Votre psychiatre
- Un chef de section du BAU
- Une fille qui va bientôt perdre son père
- Une psychiatre amoureuse
- Un éleveur de cochon et sa sœur
- Un directeur d'hôpital psychiatrique
- Un patient un peu violent
- Un dragon rouge
- Une affaire qui tourne au meurtre
- Une encéphalite
- Une pincée d'amitié
- Un verre d'amour
- Du sang, des cadavres et de la nourriture en quantité illimitée
Préparation :
- Après la découverte de cadavres, accueillez chez vous le chef de section du BAU.
- Répondez à l'invitation de ce dernier pour psychanalyser l'empathe.
- Appelez un homme pour qu'il tente de tuer sa propre fille.
- Allez sur la scène du crime avec l'empathe.
- Sauvez la vie de la fille du meurtrier.
- Devenez le psychiatre officiel de l'empathe.
- Cuisinez de temps en temps de la viande humaine.
- Poussez l'empathe dans ses retranchements en prétendant être son ami.
- Faites condamner l'empathe à votre place pour meurtre.
- Rendez-lui visite à l'hôpital psychiatrique pour détenus de Baltimore.
- Rencontrez un éleveur de cochon et sa sœur.
- Entretenez une relation avec la psychiatre qui était amoureuse de l'empathe.
- Faites accuser le directeur dudit hôpital à votre place.
- Laissez le chef du BAU dans votre cellier avec un morceau de verre dans la carotide.
- Tuez la jeune fille du début après avoir planté l'empathe.
- Fuyez en France puis en Italie avec votre psychiatre.
- Retrouvez l'empathe dans un musée.
- Laissez l'éleveur de cochon se faire tuer par sa sœur et l'amante de cette dernière.
- Faites-vous arrêter pour que l'empathe puisse savoir où vous êtes.
- Tendez un piège au dragon rouge.
- Enlacez l'empathe.
- Acceptez de tomber de la falaise.
« Tu as oublié notre fuite en Amérique du Sud, remarque Will en regardant par-dessus l'épaule de son amant. Et notre emménagement en Irlande.
— Je n'en suis qu'au début, rétorque le cannibale en reposant son stylo. »
Sa belle écriture décore une feuille avec quelques dessins simples. Ils ont prévu d'accrocher la recette dans leur salon comme témoignage de leur histoire. Ce n'est pas la décoration la plus artistique mais elle reste celle qui résume le mieux l'amour qui les lie et les brûle depuis qu'ils ont partagé l'assassinat de Francis.
Chapter 34: Ceci est son dessein
Notes:
Univers : Fin alternative saison 3.
Chapter Text
Le grand Dragon Rouge s'effondre sur le sol. Le sang qui coule de ses plaies dessine deux ailes dans son dos, donnant à Francis Dolarhyde cet aspect qu'il recherchait tant. Il lui a fallu mourir pour se métamorphoser et quitter sa chrysalide, offrant un spectacle macabre et poétique aux deux hommes encore vivants. Will a le goût du sang dans sa bouche, ses vêtements en sont également imbibés et, d'un coup d'œil, il peut voir qu'Hannibal est dans le même état que lui. Le plus jeune vacille longuement avant de se remettre debout, glissant sur la terre détrempée. Il entend le fracas de l'eau qui provient du bas de la falaise et il songe que ce serait si simple de s'y précipiter pour mettre un terme à ce qu'il devient. Il n'en ressent toutefois plus l'envie et s'éloigne de l'étendue noire pour rejoindre le cannibale.
« Il a évolué, murmure le consultant en désignant le cadavre du Dragon Rouge.
— Il n'est pas le seul, rétorque l'Éventreur de Chesapeake sur le même ton. »
Leurs regards se perdent l'un dans l'autre avec une intensité particulière et les derniers murs dressés entre eux s'effondrent. Will s'accroche à la chemise d'Hannibal pour l'embrasser, goûtant pour la première fois aux lèvres de son psychiatre. Ce n'est pas comme avec Alana ou Molly, il ne recherche aucune douceur, seulement la preuve qu'il est en vie et qu'il a fini de se mentir. Contre sa bouche, celle du cannibale se fait plus pressante, comme s'il aspirait son âme. La douleur les sépare et les ramène à l'urgence de la situation, leur rappelant qu'ils sont blessés, que leur sang s'écoule toujours, qu'un cadavre n'est qu'à quelques pas d'eux, que la police peut arriver d'un moment à l'autre. Mais malgré tous ces détails qui devraient le pousser à agir, l'empathe se repose contre le torse de l'autre homme, savourant le bruit précipité des battements de son cœur, son souffle quelque peu irrégulier, sa main venue se perdre dans ses cheveux.
« Nous devons partir, décrète Hannibal en le prenant finalement par les épaules pour l'éloigner de lui. »
Will aimerait refuser et rester ainsi dans les bras du cannibale mais il se raisonne enfin. Son corps endolori peine à le supporter jusqu'à l'intérieur de la maison. Le sang et le vin se mêlent sur le sol en une mare pourpre qui évoque à elle-seule le tournant de son existence. Lorsque le verre a éclaté entre les mains d'Hannibal, le consultant a su que plus rien ne serait comme avant. Il a vu le liquide se répandre en une annonce de la suite des événements puis Francis a fait irruption et a noyé leur avenir dans des flots sanglants. L'empathe tressaille en entendant les morceaux de vitre crisser sous les pas de l'Éventreur et il voit dans son regard presque carmin le plan qu'il esquisse peu à peu pour leur fuite. Tout le bâtiment doit s'effondrer dans des flammes rougeoyantes pour ne laisser aucune trace de leur passé, pour rendre aussi un dernier hommage au Dragon Rouge qui gît sur l'herbe ensanglantée.
Le feu qui dévore la maison éblouit Will un court instant. Hannibal a fait ce qu'il fallait pour que tout s'enflamme plus rapidement et les voilà à l'écart de ce bûcher funéraire, deux ombres dans la nuit. Leurs blessures sont dissimulées derrière des bandages improvisés tandis que leurs vêtements sont encore teintés de ce rouge si caractéristique. Il ne fait aucun doute qu'un vol s'impose pour qu'ils soient plus présentables mais l'empathe ne s'en soucie pas. Il embrasse enfin sa vraie nature parce que cela a toujours été son dessein.
Chapter 35: Respiration
Notes:
Univers : UA saison 2.
Chapter Text
La panique gagne peu à peu Frederick, accentuée par l'obscurité de la pièce. Son cœur tambourine dans sa poitrine, sa respiration devient difficile et il est obligé d'allumer la lampe pour se ressaisir. Son pyjama est trempé par la sueur et ses mains tremblent furieusement alors qu'il se force à s'appliquer ses propres méthodes pour se calmer. Cependant, il ne parvient pas à oublier le cauchemar qui vient de le réveiller et, dès qu'il ferme les paupières, c'est le visage de Gideon qui apparaît dans son esprit. Le psychiatre se débat avec ses draps pour sortir du lit et il trébuche maladroitement contre la table de nuit, se cognant une jambe dans le tiroir en produisant beaucoup trop de bruit dans le silence de la nuit. Il retient de justesse un juron avant de traverser la pièce pour rejoindre la porte. Son pas est lent, peu assuré, il a peur que son rêve soit trop réel.
En sortant de la chambre, il a un instant d'arrêt. Ses pensées se remettent peu à peu en place et il se souvient avec amertume de son départ de chez lui. Frederick sent un certain chagrin l'envahir et il renifle pour retenir des larmes qu'il refuse de verser. Il avance vers la cuisine pour boire un coup afin de quitter cet état d'anxiété qui croît de minute en minute. Il n'a pas le temps d'ouvrir le placard qu'une main saisit la sienne pour l'empêcher de faire un geste de plus. Le directeur de l'hôpital psychiatrique pour détenus plonge son regard vert dans celui du consultant du FBI qui l'observe avec une certaine inquiétude. Will l'a entendu lorsqu'il a heurté le meuble de la chambre et il a aussitôt décidé d'aller voir ce qu'il se passait.
« Respire, Frederick, lui souffle l'empathe en serrant ses doigts entre les siens. »
Puis remarquant que le psychiatre est au bord du gouffre, le plus jeune l'enlace et le serre fortement contre lui en percevant ses sanglots. Il le berce longuement sans un mot, pour ne pas accentuer son embarras, même s'il aimerait pouvoir le réconforter avec les bonnes paroles.
Chapter 36: Ananas
Notes:
Note : Le défi était lié à de l'ananas sur une pizza et voilà ce que cela a donné pour moi.
Univers : UA saison 1.
Chapter Text
La table de la cuisine était envahie d'ingrédients variés, assez pour préparer de la nourriture pour de longs festins. Les bols débordaient de viande blanche et rouge, de sauce tomate, de crème fraîche, de fromage, de morceaux de fruits, de champignons, de poisson, d'herbes diverses et d'olives dénoyautées. Tous les contenants étaient triés en fonction des contenus, formant une palette de couleurs qui attirait l'œil dans un mélange agréable pour la vue. L'odorat aussi était mis à contribution dans la pièce, cela était inévitable avec une telle profusion de nourriture. Un fond musical produisait un peu de bruit dans le salon mais c'était léger, comme un souffle d'air, comme un simple accompagnement qui ne froissait pas les oreilles. Tout semblait presque parfait, ce qui n'étonnait plus vraiment Will après autant de temps à côtoyer Hannibal. Le psychiatre parvenait à rendre de la beauté dans tout ce qu'il faisait, y compris à des moments où cela paraissait presque impossible. Il dressait ses plats comme un artiste mais, plus encore, il lui arrivait de faire de sa cuisine une pièce précieuse où chaque élément était à sa place, comme dans une fresque de haute valeur.
« Bonsoir Will, murmura la voix grave du Lituanien dans son dos. »
Un frisson parcourut le corps du plus jeune pour remonter dans sa nuque. Hannibal l'avait invité pour sa réception, le priant de mettre de côté sa phobie sociale pour profiter de cette soirée particulière. L'ancien chirurgien avait choisi de centrer son menu sur les pizzas, ce qui pouvait surprendre, mais il avait bien entendu revisité les célèbres mets ronds avec son style personnel. Il était évident pour Will que son psychiatre allait transformer une simple reine en une impératrice.
« Les invités sont en retard, commenta le consultant en tentant de garder un ton neutre.
— Je vous ai invité avant eux, répliqua le plus vieux. Vous aviez dit vouloir cuisiner un peu avec moi, je vous en donne l'occasion. »
Hannibal contourna l'empathe et alla chercher les pâtes vierges d'ingrédients, faisant ensuite signe à Will de le rejoindre derrière la table. Le brun obéit et se plaça à ses côtés pour préparer les pizzas, essayant d'éviter les combinaisons un peu trop audacieuses. Son regard fut toutefois attiré par l'une des créations du psychiatre sur laquelle des morceaux rectangulaires d'une teinte jaune prenaient place comme des petits îlots à l'abandon dans une mer blanche.
« Est-ce que c'est de l'ananas ?
— Bien sûr, je n'ai rien contre ce pauvre fruit. Les gens sous-estiment ses bienfaits. »
Chapter 37: Manipulation
Notes:
Univers : Saison 1.
Chapter Text
La chaleur de son corps devient insupportable, ses mains tremblent avec fièvre.
Will ne sait plus exactement pour quelle raison il est venu voir Hannibal, son esprit atteint par son encéphalite lui expose des images de plus en plus incompréhensibles. Il sent le poids d'une arme dans sa main, il voit l'homme qu'il pointe avec le canon et perçoit aussi la présence proche de son psychiatre.
« Vous le voyez ? demande le consultant dans un souffle. »
Le plus vieux nie en bloc chacune de ses paroles suivantes. Il prétend qu'il n'y a personne dans le salon, que la chaise est bien vide alors qu'Abel Gideon les observe avec intérêt. Le Lituanien prend le visage du plus jeune entre ses mains, il pose une main sur son front et vérifie consciencieusement l'état de l'empathe. Il esquisse un très mince sourire en constatant que Will est en pleine crise, ce qui l'arrange.
Il lui souffle quelques mots pour guider ses prochains actes, sur un ton complice mais très bas, gravant dans l'esprit du consultant des idées qu'il croira ensuite être les siennes. Comme souvent lors de ces moments où le plus jeune perd pied, Hannibal s'empresse d'écrire un autre chapitre sur les pages vierges de son cerveau.
Chapter 38: Interruption
Notes:
Univers : post saison 3.
Chapter Text
Hannibal dépose le plat principal au centre de la table sous le regard intrigué de son amant. Will observe la viande en se demandant qui a trouvé un ultime repos dans la cuisine du cannibale puis il éloigne cette pensée. Même après des mois de vie commune en compagnie de l'Éventreur, l'ancien consultant a encore des remords à certains moments. Il lui arrive de se poser des questions sur ses choix mais, bien souvent, ses doutes sont balayés par les paroles du psychiatre. Le Lituanien ne lui a rien imposé, le plus jeune s'est débrouillé avec son propre dessein en acceptant sa part la plus noire. C'est pour cette raison qu'il ne dit rien lorsque Hannibal découpe un morceau du rôti de bœuf pour le placer dans son assiette.
Toutefois, ils n'ont pas le temps de commencer à déguster le plat préparé par le psychiatre. Des coups toqués à la porte viennent interrompre leur repas, si violemment qu'ils devinent sans mal que ce n'est pas un simple voisin qui attend. Will voit le sourire du cannibale disparaître et lit dans ses yeux une lueur fugace d'inquiétude qui attise la sienne. Ils ont pris des précautions pour échapper au FBI et aux nombreuses forces d'autorité lancées à leurs trousses mais ils ont fini par lâcher du lest en remarquant qu'il n'y avait personne pour les déranger. L'empathe se lève sans un bruit tandis que son amant s'avance vers la porte d'entrée comme si tout était normal. Hannibal est à peine parvenu devant l'espace vitrifié du battant que ce dernier s'ouvre brutalement. Des armes sont aussitôt pointées sur l'Éventreur alors que des hommes en tenue noire avec des casques et des fusils partent à la recherche de l'ancien consultant qui se rend de lui-même.
Son unique regret à cet instant est de ne pas savoir quel goût aurait eu la viande savoureuse du dîner.
Chapter 39: Des pancakes au réveil
Notes:
Note Bis : Pour ce défil, il fallait qu'un mot de chaque phrase revienne dans la suivante (un nom, verbe, adjectif, ...) d'où le style un peu répétitif.
Univers : UA Saison 2.
Chapter Text
L'odeur de cuisson des pancakes réveille Will qui ouvre brusquement les yeux. Étonné par cette odeur qui ne devrait pas envahir sa maison, le consultant se lève et quitte la chaleur de ses draps. C'est presque avec regret qu'il quitte sa chambre pour rejoindre sa cuisine où un curieux spectacle l'attend. Décoiffé, vêtu d'un boxer et d'un haut de pyjama, Frederick s'occupe de faire la cuisine pour leur petit-déjeuner. Le psychiatre entend le plus jeune entrer dans la cuisine et il se tourne vers lui avec un sourire gêné.
« Je me suis permis de faire comme chez moi, commence le Dr Chilton en gardant cet air gêné.
— Tu as bien fait, réplique Will en le rejoignant avec un air amusé. »
Le consultant fait le tour de la table avant de regarder les pancakes par-dessus l'épaule de son nouveau colocataire. Les pancakes sont dorés, rien ne semble avoir brûlé dans la poêle et il ne peut qu'admettre que Frederick a des talents culinaires. Même si les talents du directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels instables de Baltimore ne sont pas aussi délicats que ceux d'Hannibal, Will reconnaît qu'il apprécie cette simplicité. Il n'y a pas de recette grandiose, d'arrangement des mets ou de musique en fond sonore mais la simplicité des gestes du psychiatre vaut toute la grandiloquence du cannibale.
« Je pourrais presque m'y faire, remarque l'empathe en passant une main dans les cheveux du psychiatre.
— Ne t'habitue pas, j'ai seulement faim et il était plus facile de faire à manger que de t'attendre, rétorque Frederick en essayant de ne pas sourire face au geste du consultant. »
Les deux hommes s'observent longuement l'un et l'autre, le psychiatre et le consultant sont dans leur bulle, sans personne pour briser un instant unique. Mais est-il vraiment unique ou n'est-ce que le début d'une série de réveils charmants ?
Chapter 40: Banana split
Notes:
Univers : Post saison 3.
Chapter Text
« Un banana split ? »
L'interrogation d'Hannibal semble flotter un long moment dans l'air alors que Will le regarde sans détourner les yeux. Le plus jeune sait de quelle manière jouer avec le psychiatre et il ne manque pas de lui demander des folies culinaires pour découvrir certaines de ses limites. L'éclat qui luit un court instant dans les pupilles du cannibale ne diminue en rien le sourire de l'ancien consultant du FBI. Ce dernier s'accoude au plan de travail avec une expression mutine qui tire un rictus amusé au Lituanien. Sans se départir de son incomparable élégance, l'Éventreur de Chesapeake sort les ingrédients nécessaires au dessert commandé par son amant. Par un curieux hasard, le congélateur dispose des parfums de glace utiles à la préparation tandis que des bananes ont aussi fait leur apparition au milieu des pommes.
Les gestes d'Hannibal sont empreints de précision, comme souvent. Will est fasciné de voir que son compagnon réussit à être majestueux pour un simple banana split qui n'entre pas dans ses exigences. Le psychiatre cuisine pour deux et dresse son dessert d'une manière peu commune, pour se démarquer des présentations banales habituelles. Les assiettes donnent envie au plus jeune de déguster tout de suite le résultat du travail du cannibale et ce dernier lit sans mal sa faim dans son regard. Le meurtrier tend son plat à l'empathe qui s'empare aussitôt de sa cuillère pour goûter le fameux dessert. Un gémissement de contentement s'échappe de sa gorge, tirant un sourire à Hannibal qui cache son expression en buvant une gorgée de café. Cependant, cela n'échappe en rien à Will qui met un point d'honneur à garder cette information dans un coin de son esprit.
« C'est délicieux, finit par déclarer le plus jeune.
— En doutais-tu ? s'enquiert le psychiatre.
— Non, répond sincèrement l'ancien consultant. Mais ce genre de plat n'est pas dans tes habitudes. »
Le cannibale admet que son amant a raison. Il est bien plus habitué à des recettes raffinées, voire parfois compliquées. Ses desserts sont souvent des œuvres d'art, aussi bien visuellement que gustativement, mais il a fait au plus vite son banana split pour répondre au désir affamé de son compagnon. Will repose la cuillère sur le bord de son assiette et contourne le plan de travail pour se rapprocher de l'autre homme.
« Que me réserves-tu la prochaine fois ?
— J'hésite entre un hamburger et des bretzels. »
La grimace qui s'étire sur les traits de l'Éventreur fait rire l'empathe.
« Je plaisantais, rassure-t-il son amant. Je préfère une fondue, j'aimerais voir ce que tu peux en faire. »
Hannibal répond par un léger baiser qui réchauffe le cœur du plus jeune. Peu importe ce que son compagnon lui cuisinera – ou peu importe qui il lui cuisinera – du moment qu'ils sont là tous les deux.
Chapter 41: L'épée au rocher
Chapter Text
Will faisait le même cauchemar depuis plusieurs semaines. Chaque nuit, il plongeait dans les ténèbres de la forêt et découvrait des corps sans tête dispersés entre les arbres, comme les cailloux du Petit Poucet. Il suivait inlassablement la trace laissée par le meurtrier, en sachant par avance qui il trouverait au bout du chemin. Souvent, il n'y avait que la silhouette familière d'Hannibal, une épée à la main reflétant la lumière de la lune et du sang, son visage caché par les ombres. Le bruit de l'eau agitée ponctuait ses hallucinations qui se changeaient alors en souvenir d'une chute presque mortelle du haut d'une falaise érodée. Le paysage breton cédait la place à celui qu'ils avaient quitté en partant de l'Amérique et d'autres cauchemars prenaient alors le relais. Il se réveillait ensuite avec la sensation d'être en équilibre sur un fil invisible qui risquait de se rompre d'un instant à l'autre.
Si les rêves liés à leur chute volontaire étaient là depuis le début, ceux relatifs à la Bretagne avaient débuté dès le moment où Hannibal leur avait trouvé un refuge dans l'Ouest de la France. L'empathe ignorait si l'idée était bonne ou non puisque la police savait très bien que le cannibale avait voyagé dans le pays. Pourtant, l'Éventreur lui avait assuré qu'ils n'auraient rien à craindre puis il lui avait fait visiter la région, jusqu'à cet endroit symbolique où reposait une épée symbolisant Excalibur. Will s'était pris au jeu et avait tenté de l'extraire du rocher sous l'œil moqueur de son amant. La journée avait été radieuse et très paisible mais dès la tombée de la nuit, le plus jeune avait été assailli par de nouvelles images sanglantes. Le passé meurtrier d'Hannibal expliquait sans mal la vision des cadavres ; quant à l'épée, elle était le reflet exact de celle du rocher.
L'ancien profiler du FBI n'en avait pas touché un mot à son compagnon. Leur chute, leur fuite puis leur installation en Bretagne avaient assez bousculé leurs habitudes respectives. Hannibal s'accommodait de cette nouvelle vie avec plus de facilité que Will qui devait déjà accepter les sentiments qu'il éprouvait pour le cannibale. L'amour qu'il portait à l'Éventreur n'était pas si récent – s'il était honnête avec lui-même, il aurait même dit qu'il aimait Hannibal depuis des années – mais il lui fallait se faire à ces réveils auprès d'un homme qu'il avait accusé tant de fois. Il préférait ne pas lui raconter ses cauchemars pour ne pas voir l'inquiétude sur son visage et pour ne pas non plus lui inspirer la tentation de rendre réels ces meurtres illusoires.
« Will ? »
L'empathe comprit, au ton d'Hannibal, que cela faisait plusieurs minutes qu'il ne répondait pas. Il était tant perdu dans ses pensées qu'il n'avait pas fait attention à ce qu'il se passait autour de lui. Entre ses mains, son café avait refroidi et il se demanda depuis combien de temps il songeait à ses rêves sanglants. Ce qu'il lut dans les yeux du cannibale suffit à lui prouver que son amant était parfaitement au courant pour ses cauchemars.
Notes:
Petite précision : l'épée qu'Arthur tire du rocher pour devenir roi et Excalibur sont deux épées différentes dans les légendes. Ici j'ai choisi de brouiller les pistes, Will ne sait plus trop ce qui est vrai ou non et il se laisse bercer par son propre symbolisme.
Chapter 42: Cauchemar
Notes:
Note : Le défi consistait à faire commencer toutes les phrases par un M.
Univers : Pendant la saison 3.
Chapter Text
Margot serre dans ses bras le corps inanimé du fœtus, pleurant sur cet avenir qui lui a été volé avant même qu'elle ne prenne conscience de son existence. Malgré la présence réconfortante d'Alana, malgré les mots doux de son amante qui cherche à la consoler autant qu'elle le peut, l'héritière Verger est dévastée. Mason lui a pris une nouvelle fois une promesse de bonheur en agitant devant son nez l'espoir d'une famille qu'elle n'aura jamais. Même si son frère est un monstre qu'elle déteste plus que tout, elle a cru en ses paroles doucereuses, en cet enfant qu'elle pourrait voir grandir. Maintenant, elle n'a plus qu'un goût de cendres dans sa bouche, mêlé à ses larmes qui cascadent sur ses joues avant de finir leur course sur le cadavre qu'elle tient encore contre elle. Mourir est désormais son seul souhait pour échapper à la vision d'horreur qui s'offre à elle dans cette chambre : une truie éventrée qui portait en son sein un fœtus à cause de la folie de Mason.
« Margot ? »
Murmure qui glisse sur sa peau en une caresse et lui fait ouvrir les yeux. Mille et une pensées traversent son esprit tandis qu'elle comprend que ce n'était rien de plus qu'un souvenir, un cauchemar qui ne devrait plus l'agiter puisqu'elle a enfin la vie qu'elle méritait. Mais son cœur saigne encore, la cicatrice du passé se rappelle bien trop souvent à elle pour la faire sombrer dans ses idées noires. Mason est mort, elle l'a tué elle-même, mais il continue de hanter ses nuits comme un fantôme sinistre qui lui promettrait de la faire souffrir. Margot retient ses pleurs et se glisse dans les bras d'Alana qui la berce contre elle, comme à chaque fois qu'elle se réveille en pleine nuit en raison d'un cauchemar trop douloureux.
« Margot, tout est fini, lui souffle sa femme avant de l'embrasser sur le front. Mason ne te fera plus jamais de mal. »
Mais elle n'ajoute pas ce qu'elles savent toutes les deux, elle ne rappelle pas ce détail important qui maintient leur famille sur un fil trop fin : leurs vies sont sous la coupe du bon-vouloir d'Hannibal et il suffirait d'un rien pour qu'il leur reprenne tout ce qu'elles ont bâti.
Chapter 43: Heure
Notes:
Univers : les trois saisons.
Chapter Text
La pendule dans son esprit est complètement détraquée.
Will a perdu le sens des réalités à l'instant même où Jack Crawford a franchi la porte de l'amphithéâtre, amenant avec lui la mort et la folie. L'empathe est désaxé, l'aiguille qui recule habituellement pour l'aider à remonter intérieurement le temps est figée entre deux minutes. Il a l'impression que les secondes ne s'égrènent plus, que les heures sont désormais mêlées comme les pièces d'un jeu sans fin. Lorsque le psychiatre lui demande de dessiner une horloge et d'inscrire l'heure, le consultant craint une mauvaise plaisanterie. Cependant, le regard d'Hannibal n'est pas moqueur, il y a un sérieux désarmant dans ses yeux couleur havane. Le stylo glisse sur la feuille et trace un contour circulaire puis l'encre s'étiole en forme de chiffres et de traits figurants l'heure que Will vient de vérifier à son poignet.
Il ignore en cet instant que l'œuvre sur le papier ne ressemble plus à une horloge, que les heures ont trébuché dans son cerveau rongé par une encéphalite qui croît peu à peu.
Les heures reprennent leurs cours sous les mains du marionnettiste qui les avait arrêtées. Avec la maîtrise due à son art, le Dr Lecter fait évoluer la maladie puis la stoppe avant le point de non-retour. Les horloges de Will gisent dans un dossier qu'il garde précieusement et il admire ce temps qui n'est plus celui d'un être sain d'esprit. Hannibal accapare les secondes, les minutes et les heures du consultant, occupant son temps perdu en manipulant ses pensées et ses gestes. Le cannibale sait que, bientôt, l'heure de la vérité sonnera et dévoilera ce qu'il est mais, en attendant, il poursuit sa pièce. Encore quelques répliques bien placées avant le grand final.
Et quand viendra l'heure du grand Dragon Rouge, sa vie et celle de Will seront enfin liées.
Chapter 44: Oublier la raison
Notes:
Note : Texte écrit par rapport à la citation : "Je n'écouterai pas la raison. La raison traduit toujours les pensées de quelqu'un d'autre." de Elizabeth Gaskell.
Univers : Pendant la saison 2.
Chapter Text
Will arrêta le moteur de sa voiture et sortit en claquant la portière derrière lui. Le soleil était déjà couché depuis un moment mais les lumières du bâtiment prouvaient qu'il y avait encore du monde à l'intérieur. L'empathe en était rassuré, il n'avait pas fait le chemin entre la Virginie et le Maryland pour se retrouver face à une porte close. Il franchit l'entrée en saluant les gardes avec un sourire amer ; ils le connaissaient bien, il avait fait partie des individus internés dans l'hôpital psychiatrique et il pouvait presque nommer chacun d'entre eux. Il dépassa les premières salles sans un regard, s'engagea dans un couloir et effectua un chemin qu'il avait emprunté à de multiples reprises – et cela comme visiteur, non comme patient. Le temps d'arriver à destination, il songea à sa première rencontre avec le Dr Chilton. Le directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels instables de Baltimore ne lui avait pas fait bonne impression en raison de son air trop sûr de lui et de ses manières qui montraient clairement qu'il aurait voulu l'avoir dans l'une de ses cellules. Si le souhait du psychiatre s'était réalisé, Will avait toutefois eu l'occasion de changer d'avis sur lui, sans même s'en rendre compte.
L'empathe ne prit pas la peine de toquer au bureau de Frederick, il savait que ce dernier devait déjà être au courant de sa venue grâce à ses gardiens et à tous les micros dissimulés un peu partout dans le bâtiment. Le plus jeune ne s'embarrassa pas de politesse, oubliant les salutations d'usage, déposant simplement son manteau sur le dossier d'une chaise alors que le psychiatre relevait la tête vers lui.
« Mr Graham ? L'hôpital vous manque déjà ? »
L'ironie dans le ton de Chilton ne passa pas inaperçue mais Will ne s'en formalisa pas. Il avait quitté les lieux le matin-même, persuadé qu'il n'aurait plus aucun contact avec le directeur. Mais il avait sous-estimé son esprit qui l'avait tourmenté toute la journée en lui imposant le regard vert hypnotique de Frederick. L'empathe avait décidé d'envoyer au diable Crawford et ses enquêtes, Lecter et ses manipulations, Bloom et ses trahisons. Il en avait eu marre de suivre une route tracée à l'avance par tout ce petit monde qui s'occupait de lui comme s'il n'était qu'une poupée en chiffon facilement malléable. Pour une fois, il n'allait pas laisser la raison le guider, préférant agir sans trop se poser de questions.
« Vous comptez me répondre ? s'enquit Frederick avec une expression à la limite de l'agacement.
— Vous travaillez encore à cette heure ? »
Will se maudit pour son interrogation. Il n'avait pas ce genre de discussion en tête tout le long de la route qui menait à Baltimore et il se reprochait d'être incapable d'aligner deux mots qui sonneraient plus juste que ses dernières paroles. Chilton lui répondit vaguement qu'il avait eu du boulot à terminer mais le léger tremblement qui agita ses doigts suffit pour l'empathe. Il sut à cet instant que le psychiatre avait peur, sans doute à cause de la menace qu'Hannibal représentait. Pour échapper à l'œil vigilant du consultant, Frederick se leva mais le plus jeune lui coupa le passage.
« Ce n'est pas en restant ici que vous l'empêcherez de vous atteindre.
— Je ne vous comprends pas, Graham, répliqua le psychiatre en fronçant les sourcils. Vous débarquez dans mon bureau en pleine nuit alors que vous vivez en Virginie. Avez-vous perdu votre raison ?
— Je n'écoute plus ma raison, elle traduit toujours les pensées de quelqu'un d'autre. »
L'étonnement dans le regard vert de Chilton fit sourire Will. Si l'autre homme était surpris, ce n'était que le début parce que l'empathe prévoyait bien plus que quelques mots échangés entre quatre murs. Il s'avança d'un pas assuré avant d'embrasser le psychiatre, savourant la douce chaleur qui naissait en lui. L'une des mains de Frederick vint se perdre dans les cheveux du plus jeune alors qu'il accentuait le baiser.
« Quel revirement de situation, murmura le plus vieux.
— Tais-toi et embrasse-moi, ordonna Will. »
L'autre homme obéit aussitôt, scellant à nouveau leurs lèvres. L'empathe défit la cravate de son ancien médecin puis s'attaqua aussi vite à sa chemise, déchirant presque le tissu. Il eut une pensée soudaine pour Jack, songeant que son supérieur serait sans doute outré de le voir dans une telle position.
Chapter 45: Sur la plage
Notes:
Univers : Post saison 3.
Chapter Text
Les yeux bandés, Will se laisse guider par la main ferme et chaude d'Hannibal. Il sent la douceur de l'air matinal et perçoit les embruns de la mer. Hormis quelques oiseaux qui laissent entendre leur chant, il n'y a aucun bruit, comme si la circulation elle-même s'était arrêtée pour leur fournir un cadre idyllique. L'empathe ne dit rien pour ne pas briser ce moment mais il trépigne intérieurement. Le cannibale lui a promis une surprise et il tient toujours ses promesses, ce qui est suffisant pour que le plus jeune soit curieux.
Ils ont emménagé à Cuba quelques semaines plus tôt, dans un petit coin tranquille sans voisins proches qui risqueraient de les déranger. Will s'est habitué à une vie à deux avec le Lituanien, bien plus vite qu'il s'en croyait capable. La présence du psychiatre est son point d'ancrage dans la réalité mais aussi la preuve de ses choix. Il a tourné le dos à Crawford et au FBI pour embrasser sa noirceur, ce qu'il ne regrette pas. Fuir en compagnie d'Hannibal s'est révélé moins difficile que sa comédie grotesque avec Molly et Walter, ce qui en dit long sur ce qu'il est au fond de lui. S'il n'a tué personne dans son périple – et c'en était un puisqu'ils ont dû éviter les nombreuses forces de police qui auraient pu leur barrer le chemin – l'ancien consultant n'en demeure pas moins un complice et il est sur la liste noire du FBI.
Tout à ses pensées, il ne remarque qu'au dernier instant que son amant a ralenti. Le sol sous ses pieds devient plus instable, l'air marin plus présent. Toujours accroché à la main d'Hannibal, Will avance dans l'obscurité. Sa vision lui est rendue lorsque le cannibale retire le bandeau pour lui offrir le droit de regarder le paysage. La plage est déserte, accueillante, bien réelle. Le plus jeune reste hébété en se demandant s'il n'aurait pas abusé du vin favori de l'Éventreur mais ce dernier le ramène sur terre par un baiser.
« Ma surprise te plaît ?
— Une plage privée ? Juste pour nous deux ? Comment as-tu fait ?
— Il suffit de connaître les bonnes personnes, d'avoir de l'argent et de bons arguments.
— Et un bon couteau ? »
Hannibal ne mord pas à l'hameçon et se contente de sourire avant d'ôter son haut sous le regard appréciateur de Will. Ce dernier comprend mieux la raison pour laquelle son amant lui a recommandé de mettre son maillot de bain et il se déshabille également avant d'entrer dans l'eau. La fraîcheur le fait frissonner légèrement mais ce n'est rien comparé à la chaleur qui le gagne lorsque le cannibale le rejoint. Les lèvres du psychiatre viennent se poser sur sa gorge et Will émet un soupir de bien-être, ses doigts allant se perdre dans les cheveux du Lituanien. Il est heureux.
Chapter 46: Brisé
Notes:
Post saison 3.
Chapter Text
La vitre est la première à se briser. Elle éclate en morceaux, brusquement, sans signe avant-coureur. Alana réagit en se jetant au sol mais Frederick n'a pas autant de chance. Ses poignets sont reliés à la table par des menottes et il ne peut que sentir la balle qui perce sa chair avant de se ficher dans le mur. Sa tête tombe, son corps entier subit la douleur. Le psychiatre a l'impression que son cerveau se fracasse sous le coup, il entend à peine les voix autour de lui, ne ressent pratiquement pas les mains qui le palpent pour s'assurer qu'il est vivant. Il ferme seulement les yeux et se laisse sombrer.
Le réveil n'est pas mieux. Il a mal, terriblement mal. Il ne voit qu'à moitié mais suppose que ce n'est qu'un effet de la douleur. Sa mâchoire est aussi une source de souffrance, de même que l'arrière de sa tête. Frederick se rappelle la dernière chose vue avant de s'évanouir et il espère que ses souvenirs ne sont pas ceux qu'il a à l'esprit. L'infirmière le détrompe lorsqu'elle s'aperçoit qu'il a ouvert les yeux. Elle lui parle de balle, de nerfs, de vision, d'os et de sang. Il ne comprend pas tout ce qu'elle lui dit – ou plutôt, il n'a pas envie de comprendre – et il oublie presque aussitôt les mots entendus. Malheureusement, le chirurgien fait irruption dans sa chambre et la vérité revient à la charge. Son cœur se serre et se brise, presque aussi facilement que la vitre dans la salle d'interrogatoire. Il ne verra plus jamais avec ses deux yeux mais ce qui est le pire pour le moment n'est qu'une étape de plus dans sa descente aux Enfers.
Le cours de sa vie reprend dans la normalité la plus totale. Frederick travaille, tente de se trouver des alliés et essaye d'oublier tous ses problèmes. Le maquillage est devenu un rituel chaque matin et chaque soir mais il ne s'en préoccupe presque plus. Lorsque Hannibal est enfin capturé, il jubile et délaisse son boulot pour son livre. Il a le sentiment que son cœur brisé s'est enfin recollé. Mais surgit le Dragon Rouge et c'est sa vie entière qui tombe en éclats acérés. Ses lèvres n'ont plus de consistance, sa chair brûle sous le feu devenu bien plus qu'une simple métaphore. Les sanglots échappés n'ont pas apaisé Francis, le meurtrier est allé au bout de ses plans.
Frederick reprend conscience dans le caisson. Sa peau n'existe presque plus, elle le démange. Il songe à tout ce qu'il a loupé, à toutes ces occasions perdues. Son existence n'est plus qu'un puzzle aux pièces éparpillées par un marionnettiste.
Chapter 47: Je vais t'aimer
Notes:
Note : Le défi était d'intégrer les paroles d'une chanson au début du texte. J'ai choisi un couplet de "Je vais t'aimer" de Michel Sardou.
Univers : Post saison 3.
Rating : E
Chapter Text
« À faire cerner, à faire fermer nos yeux, à faire souffrir, à faire mourir nos corps, à faire voler nos âmes aux septièmes cieux. À se croire morts et faire l'amour encore, je vais t'aimer. »
Will savait qu'Hannibal connaissait le répertoire français et il n'aurait pas dû être surpris de l'entendre chanter dans cette langue. Il n'y avait pas que de la tendresse dans les paroles, le consultant en était certain. Il ne pratiquait pas beaucoup la langue de Molière qui lui paraissait complexe mais quelques sonorités résonnaient en lui. L'amour et la passion n'avaient pas de barrières linguistiques, c'étaient des émotions fortes qui se passaient de mots et vivaient à travers le corps. Le plus jeune attendit la fin du morceau pour en demander une traduction, et il se sentit rougir face à l'intensité du regard de l'Éventreur de Chesapeake. Le désir à l'état brut brillait dans les yeux du cannibale et effaça de l'esprit de Will toutes les questions qu'il se posait. Au lieu de se tenir tranquillement à sa place, il rejoignit son amant sur le banc devant le piano.
L'empathe accueillit avec plaisir les lèvres du criminel contre les siennes. Le baiser n'était ni doux ni maladroit, il réclamait plus qu'une simple bouche, plus qu'un souffle mêlé à un autre. Hannibal l'obligea à se lever pour quitter l'espace restreint du banc puis reprit ses baisers, accompagnés de caresses appuyées dans le creux de son dos. Will n'attendit pas plus longtemps pour déboutonner la chemise du psychiatre, tout en veillant à ne pas déchirer le tissu fragile. Ses doigts traçaient des lignes imaginaires sur le torse de l'autre homme et il descendit sur son ventre puis s'arrêta à la limite de son pantalon. Il sentit que le désir du cannibale était aussi fort que le sien et il ne parvint pas à retenir un sourire satisfait. Ses mains défirent la ceinture puis réussirent enfin à faire glisser l'habit jusqu'au sol. Hannibal, qui s'était laissé faire sans un mot, inversa la tendance. Il dévêtit à son tour le consultant, lui rendant sa nudité originelle.
Il avait fallu plusieurs mois à Will pour s'habituer au contact du cannibale. Il n'avait jamais aimé les hommes et redoutait l'intimité qui se créait entre eux. Si sa timidité s'était peu à peu estompée, il lui arrivait encore d'être pudique au moment où il s'y attendait le moins. C'était la raison pour laquelle ses joues devinrent cramoisies sous l'œil appréciateur d'Hannibal qui se délectait de la vision qui s'offrait à lui. Le plus jeune se retint de cacher son érection, affrontant bravement le regard de l'Éventreur qui n'était pas complètement nu mais dont l'ultime vêtement ne dissimulait en rien son état physique. Will combla l'espace entre eux pour un nouveau baiser puis se mit à genoux pour débarrasser son amant de son boxer. Joueur, il effleura délicatement le sexe de son partenaire, conscient de l'effet qu'il produisait. Sa bouche prit le relai pour une autre forme de caresse et il sentit la main d'Hannibal venir se perdre dans ses cheveux en l'incitant à changer de rythme. Le consultant aimait ces instants pendant lesquels le psychiatre perdait son masque et devenait juste un homme animé par le plaisir.
Les doigts de l'Éventreur tirèrent doucement sur ses boucles pour le forcer à délaisser sa tâche. Will accepta l'étreinte de son amant, leurs corps serrés l'un contre l'autre, pris par le désir qui embrasait leurs sens en leur faisant tout oublier. Il ne protesta pas lorsqu'ils se retrouvèrent allongés sur le tapis devant le canapé, leurs bouches scellées par des baisers presque voraces.
Chapter 48: Dans l'antre du cannibale
Notes:
Note : Dans mon esprit, ce texte était plus long mais à deux heures du matin, je n'ai pas été assez rapide pour écrire tout ce que je voulais. Il devait y avoir un lemon assez malsain intégré, peut-être que je tenterai d'en faire un OS véritable.
Univers : Plus ou moins saison 2.
Chapter Text
La musique classique envahit l'air, entoure les convives et s'infiltre dans les oreilles. Le volume est assez fort pour être entendu de tous mais pas trop élevé pour ne pas déranger les invités. Des serveurs passent avec des assiettes dans les mains, proposent des mets délicats ou remplissent les coupes de champagne. Dans un coin de la pièce, Frederick observe avec anxiété la foule qui bavarde et déguste les plats sans se douter de ce qui pourrait les composer. Intérieurement, il est heureux d'avoir une excuse pour échapper à la viande dont la provenance est de plus en plus douteuse. Même si le FBI ne le croit pas lorsqu'il accuse Hannibal de servir des morceaux de chair humaine, il n'est plus assez fou pour se risquer à en manger.
« Vous comptez faire tapisserie ? »
La voix doucereuse du Dr Lecter lui tire un involontaire mouvement de répulsion. Frederick n'a pas remarqué l'approche de son confrère et il peut difficilement se soustraire à sa présence sans révéler ses pensées. Il tente une pointe d'humour pour dissimuler son anxiété.
« Rien ici n'est végétarien, n'est-ce pas ?
— L'Homme ne s'est pas contenté de la cueillette, la chasse est dans notre nature, réplique Hannibal. Mon boucher sait s'y prendre pour m'épargner la corvée de la traque. »
Le directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés est encore plus tendu par cette réponse. Depuis plusieurs jours, il soupçonne le Lituanien de choisir et tuer lui-même des proies humaines. Il rétorque que changer son régime alimentaire n'est pas une honte pour le genre humain tout en guettant du coin de l'œil une possible issue de secours. Les convives ne semblent pas leur prêter une grande attention et Frederick se demande nerveusement ce qu'il se passerait s'il venait à disparaître. Sans doute que les invités ne verraient pas son absence.
Hannibal lui offre une coupe de champagne et trinque avec lui. Le regard havane le déstabilise, comme toujours. Frederick résiste à l'envie de prendre ses jambes à son cou et se contente de le remercier avec un sourire crispé. Il boit une gorgée du liquide et engage la conversation sur un terrain plus neutre. Ils discutent ainsi d'alcool, d'Histoire mondiale et un peu de psychiatrie. L'esprit de Frederick est légèrement embrumé par les coupes qui se succèdent et il finit par refuser une goutte de plus. Il n'a pas été assez prudent alors qu'il est censé veiller à sa consommation.
« Vous devriez vous asseoir un peu, lui conseille son confrère en l'emmenant vers la cuisine. »
Frederik craint l'humiliation d'être conduit par le maître des lieux mais les convives sont trop occupés à parler entre eux. La cuisine est vide et fraîche, apportant un calme bienvenu. Il retient un soupir de soulagement en voyant Hannibal s'éclipser et il passe une main sur son visage. Combien de coupes de champagne a-t-il donc bu pour ne plus être sobre ?
Le volume sonore des invités diminue progressivement jusqu'au silence. Frederick devine qu'il n'y a plus que lui dans la demeure du possible cannibale, ce qui déclenche en lui une certaine forme d'angoisse. Il se lève pour quitter la pièce mais Hannibal surgit dans son champ de vision à la vitesse d'un prédateur affamé. Affolé, le directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés recule. Dans la précipitation, il en oublie l'endroit où il se trouve et heurte le plan de travail de la cuisine. Il se reproche l'abus de champagne et son manque d'instinct de survie tandis que le Lituanien se rapproche. La peur accélère les battements de son cœur et lui rappelle que la vie peut être très brève face à un cannibale.
Chapter 49: Un instant dans la vie de Winston
Notes:
Note : Le défi était de prendre un animal comme personnage principal, d'où Winston.
Univers : Plus ou moins UA saison 2.
Chapter Text
Winston attendait au coin du feu, son regard canin fixé sur les flammes de la cheminée qui vacillaient doucement. Son maître s'était endormi sur l'un des fauteuils, les traits tirés par la fatigue. Les autres chiens avaient suivi l'exemple et il ne restait plus que lui, éveillé, presque à l'affût. Il aimait cette maison, si chaleureuse pour son espèce, avec un terrain assez vaste pour pouvoir courir sans limite jusque dans les bois. Il n'avait pas connu d'aussi grand bonheur dans son ancienne vie, il ne se souvenait que des niches et des colliers, des soirées froides attaché à l'extérieur, des cris des bipèdes qui ne s'occupaient jamais de lui. Puis il y avait eu l'abandon et sa rencontre avec Will, son sauveteur, celui qui lui avait offert sa nouvelle famille.
Un bruit de portière claquant devant la maison attira son attention. Il bondit sur ses pattes puis alla secouer la main pendante de son maître avant d'aboyer pour le tirer de son sommeil profond. Will émit un grognement, ouvrit les yeux et l'observa un court instant avant de caresser sa tête. Les pas sur le perron de la maison suffirent à l'humain pour reprendre ses esprits et il se dirigea vers la porte, Winston sur les talons. Les chiens endormis vinrent à leur tour entourer leur maître et se précipitèrent à l'extérieur dès qu'ils sentirent l'air frais sur leurs poils. Un individu qu'ils ne connaissaient pas se tenait sur le seuil de la demeure mais cela ne les empêcha pas d'aller lui faire la fête. Winston alla même jusqu'à lécher la main de l'homme un peu hébété qui le gratifia d'un coup d'œil surpris. Les deux humains retournèrent au chaud, loin de la neige et de sa température glacée, rejoints par les animaux qui ne demandaient qu'un peu de tendresse.
Avec sa curiosité naturelle, Winston s'approcha de l'inconnu et flaira son parfum. Il y avait une odeur particulière qu'il avait déjà sentie plusieurs fois par le passé, y compris dans la maison de son maître. L'homme qui était arrivé chez eux avait du sang en grande quantité sur ses vêtements et le chien recula un peu avant de regarder Will. Son bipède préféré le caressa une nouvelle fois en lui murmurant de ne pas s'inquiéter puis il s'occupa de l'individu, le conduisant jusqu'au canapé où il l'invita à s'asseoir. Dès que l'homme, un certain Frederick, fut installé, Winston grimpa à ses côtés et posa sa tête sur ses genoux. Il ressentait le chagrin que dégageait l'humain et, s'il pouvait gagner quelques câlins au passage, il n'allait pas refuser de se comporter comme un bon chien avec lui.
« Je crois que vous avez été adopté, s'amusa Will.
— Votre chien n'est pas farouche, contra Frederick. »
Winston ne comprit pas leur dialogue, il se contenta de fermer les paupières et d'apprécier les caresses du nouvel humain. Il lui fallut plusieurs heures pour laisser le dénommé Frederick partir prendre une douche mais, lorsque son maître proposa à l'autre homme de dormir sur le canapé pour la nuit, le chien vint se blottir contre lui. Il ignorait à cet instant que ce nouveau venu ne serait pas un étranger longtemps et finirait par devenir un habitant à part entière de la maison.
Chapter 50: Fantasmes
Notes:
Note : AliceJeanne m'a lancé un défi : faire du - 16 avec des phrases à caser dans le texte (ce sont les métaphores d'Hannibal). Le résultat est proche du -18.
Univers : Hors saison, je ne vois pas où je pourrais le placer.
Rating : E.
Chapter Text
Will ne savait plus à quel moment il avait perdu tout contact avec la réalité. Il lui semblait que quelque chose n'allait pas, même s'il peinait à mettre le doigt dessus. Il sentait sous sa peau la douceur des draps, ce qui était déjà un indice d'une grande importance. À sa connaissance, il n'était pas nu lorsqu'il était rentré chez lui et il ne se rappelait pas s'être déshabillé avant d'aller se coucher. De plus, ses propres couvertures n'étaient pas aussi agréables au toucher et, s'il réfléchissait bien à la sensation, il devait être dans l'antre d'une personne qui possédait de la soie dans sa chambre. Son esprit lui imposa le nom d'Hannibal mais il repoussa cette possibilité, incapable de considérer son thérapeute comme étant son ravisseur.
Le jeune homme voulut bouger mais se rendit vite compte que ses poignets étaient liés à la tête de lit et sa bouche recouverte d'un bâillon qui l'empêchait de parler, réduisant à néant ses efforts pour se faire entendre. Seules ses jambes étaient libres d'entraves mais cela ne l'avançait pas beaucoup dans sa quête désespérée pour s'échapper. Les paupières plissées, il essayait de voir si quelqu'un se tenait dans l'ombre mais il n'y avait que la faible clarté de trois bougies disposées à des endroits stratégiques.
« Bonsoir Will. »
La voix de velours le fit frissonner. Peur ou désir ? Il l'ignorait totalement et préférait ne pas s'attarder sur cette pensée. Son psychiatre attitré entra enfin dans son champ de vision, faisant faire un salto à son estomac. L'homme avait quitté ses costumes hors de prix, uniquement vêtu d'un boxer qui ne cachait rien de ses atours et exposait une assez grande quantité de chair. Le consultant dut se faire violence pour ne pas laisser son regard devenir trop curieux. Il n'avait jamais eu l'occasion d'apercevoir le Lituanien sans ses habits luxueux et il était obligé d'admettre que la vue ne le rendait pas indifférent. Il n'avait pourtant jamais accordé d'importance aux corps des hommes mais Hannibal avait quelque chose d'unique qui déclenchait une chaleur inattendue dans le creux de ses reins. Il tressaillit à peine lorsque Lecter s'avança au point de monter sur le lit. Will sentit sa gorge s'assécher en ressentant la peau du psychiatre contre la sienne, plus encore quand l'autre homme posa ses lèvres sur son cou avant d'embrasser sa pomme d'Adam.
Le plus jeune avait envie de s'exprimer, même si ses pensées n'étaient pas d'accord. Voulait-il repousser Hannibal ou l'inciter à aller plus vite ? Il bougea légèrement son corps dans l'intention de mettre de la distance mais il ne fit que renforcer le contact entre eux. L'homme aux yeux couleur havane finit par s'asseoir sur les genoux de l'empathe et effleura sa chair du bout des doigts.
« Je vais vous manger, Mr Graham, avec du pistou et des petites patates. »
La réponse de Will ne vint pas. Il aurait aimé protester mais le bâillon était définitivement bien placé. Il s'interrogeait sur le sens des paroles de Lecter. Était-il sérieux ou était-ce plutôt une métaphore à vocation humoristique ? Hannibal ne faisait jamais de plaisanteries au niveau de la cuisine et, à cet instant, son regard sérieux était des plus alarmants.
« Je sucerai chacun de vos orteils après y avoir appliqué une épaisse couche de béchamel. »
La seule pensée qui traversa l'esprit du consultant fut que la béchamel ne serait pas bonne après le pistou. Il tenta d'ignorer le souffle de son psychiatre qui se rapprochait de son torse mais plus le temps passait et plus son corps réagissait.
« Je croquerai vos lobes d'oreilles comme je me délecte des curly. »
Le cerveau du plus jeune disjoncta en entendant les derniers mots. Il n'aurait jamais imaginé le Lituanien en train de manger ce genre de nourriture. Il oublia vite son doute lorsque les dents de l'autre homme vinrent mordiller sans force ses oreilles. Will avait de plus en plus chaud, il tentait de parler mais en était tout bonnement incapable. Ce n'était plus le bâillon qui faisait effet, seulement ses propres cordes vocales qui n'étaient plus en état de communiquer et transformaient ses protestations en gémissements peu glorieux.
« Et je glacerai votre cœur avant de vous le servir, entouré de bouquets garnis. »
Les baisers d'Hannibal dérivèrent sur son torse, jusqu'à l'emplacement de son cœur. Le consultant pouvait sentir son organe en train de battre la chamade, comme s'il allait s'échapper, et il ne doutait pas que son psychiatre l'entendait aussi sous ses lèvres. Will songea qu'il était prêt à donner lui-même son myocarde au Lituanien s'il lui demandait autrement que pour le geler.
« J'aspirerai votre âme à la paille, comme je me délecterais d'une menthe à l'eau. »
Hannibal et une menthe à l'eau ? L'idée était étonnante mais, une fois de plus, l'esprit de l'empathe perdit contact avec la raison. La bouche vorace de Lecter avait poursuivi son chemin et, s'il aspirait bien, il ne s'agissait pas de son âme qui tressaillait entre les lèvres rougies. Will avait l'impression de redécouvrir le plaisir, son sexe était la proie consentante de la langue experte du thérapeute. Un regard vers le Lituanien embrasa plus encore le plus jeune. Jamais encore une fellation ne lui avait fait voir autant d'étoiles en si peu de temps.
Il grogna de mécontentement lorsque le psychiatre retira sa bouche. Will avait envie de retrouver la chaleur humide autour de son érection, même si c'était difficile à avouer. Il avait besoin de le dire, de le faire comprendre d'une manière ou d'une autre mais seul un « humpf » peu sonore traversa ses lèvres. Hannibal lui sourit avec amusement avant de venir murmurer à son oreille.
« Vous serez à moi, Will Graham. De corps et d'esprit. »
L'empathe perçut la détermination dans les paroles, ainsi que le désir de l'autre homme. Il vit les gestes du psychiatre alors qu'il enlevait le seul tissu qui recouvrait sa nudité. Ils étaient à égalité, nus, presque sans remparts, vulnérables. Will en oubliait ses liens, son ancienne colère. Il recherchait tellement plus qu'il remua contre le corps d'Hannibal, en un mouvement si explicite que les yeux du Lituanien semblèrent rougeoyer d'un contentement non voilé.
L'une des mains du psychiatre tâtonna vers la table de nuit et en ressortit un lubrifiant. Aussitôt, Will fut pris entre de l'inquiétude et une nouvelle vague de désir. Les doigts de l'autre homme étaient doux sur sa peau, mais ce n'était pas suffisant pour le rassurer dans cette expérience inédite. Il y eut des grognements de douleur lorsque Lecter le considéra prêt et le pénétra puis, alors que sa chair s'habituait peu à peu, le plus jeune sentit le plaisir envahir ses veines. Il ne lui manquait que la voix pour hurler son bien-être.
Brusquement, ses yeux s'ouvrirent sur l'obscurité. Will était seul, dans sa chambre, dans son lit. Si son pyjama était trempé de sueur, comme souvent, la cause en était différente. Ce n'était pas un cauchemar ni la survenue d'une encéphalite. Pour la première fois, Hannibal avait envahi ses rêves sous une forme intime et, en rougissant, le consultant se demanda si son inconscient lui envoyait un message.
Chapter 51: Liaison dangereuse
Notes:
Univers : Hors saison.
Rating : Explicite.
Chapter Text
Un geste brusque. Un gémissement prononcé. Deux corps enlacés dans le noir. Les baisers sont voraces, les peaux brûlantes. Les doigts caressent, osent.
« Je te déteste, murmure Will à l'oreille de son amant. »
Ses ongles s'enfoncent dans la chair qui lui est offerte. Frederick se cambre sans le vouloir, cherchant un contact plus approfondi. Le lit grince sous leurs ébats, seul témoin d'une danse presque non désirée. Le consultant mord l'épaule blanche, laissant sa trace en ignorant le cri étranglé du psychiatre. Ils reprendront leur vie tranquillement dès qu'ils se quitteront, sans un mot.
Le dos de Will heurte le mur. Contre sa bouche, celle de Frederick est possessive. Le plus jeune tire les cheveux de l'autre homme pour le faire reculer. Leurs regards se croisent, s'affrontent, en un duel où aucun sentiment pur n'est visible.
« Je te méprise, souffle l'empathe. »
Le psychiatre ne répond pas à son attaque verbale, il repart à l'assaut de ce corps qui se tend vers le sien. Les ceintures se défont, les pantalons tombent. Ils ne prennent pas le temps de se déshabiller pour se découvrir, ils baisent seulement dans le couloir. Peut-être les caméras sont-elles branchées. Peut-être leur égarement sera-t-il enregistré. Peut-être, oui, mais ils s'en moquent.
La langue de Will trace son chemin, savoure, glisse langoureusement. Mutine, elle se pose sur le membre érigé de Frederick puis les lèvres la rejoignent. Il suce, taquine, aspire. La main du psychiatre guide le rythme, plus vite, plus fort. Le plus jeune se relève subitement, un sourire hypocrite sur sa bouche humide, repoussant les doigts de son amant.
« Je te haïs, déclare-t-il en reculant d'un pas. »
Il tourne les talons, délaissant Chilton qui reste là, assis sur le canapé blanc, les cuisses ouvertes et son sexe en attente d'une délivrance.
Un coup de rein. Un soupir de plaisir. Will a les deux mains posées sur le bureau, les doigts crispés sur le meuble. Derrière lui, Frederick s'active, vigoureux, saisissant ses hanches avec une délectation évidente. Les gardiens de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés pourraient les entendre mais cela ne fait que redoubler leur ardeur.
« Je t'exècre, gémit le plus jeune. »
Ils ne s'arrêtent pas pour autant. La jouissance les fauche bientôt, l'un et l'autre. Puis les habitudes reviennent et ils se séparent encore.
L'eau ruisselle sur leurs peaux. Frederick et Will s'embrassent à perdre haleine, chacun voulant dominer l'autre. Le plus jeune prend le dessus, pousse son amant contre le carrelage froid et caresse son sexe. Leurs regards ne se quittent pas alors que les gestes sont presque automatiques. Chair conter chair, doigts qui enserrent, bouches qui laissent s'échapper des gémissements indécents. L'empathe mène l'autre homme jusqu'à l'orgasme, laissant la douche effacer les traces de sa jouissance. Il n'y a pas d'amour, rien de réellement tendre. Rien de bon ne sortira de cette relation malsaine, ils en sont parfaitement conscients.
Chapter 52: Tempus non fugit
Notes:
Univers : Post saison 3.
Rating : K+
Chapter Text
La mine du crayon glissait sur la feuille, dessinant courbes et muscles en des gestes familiers. Hannibal écoutait d'une oreille distraite les paroles de sa patiente, se focalisant sur les mots les plus importants en acquiesçant de temps en temps. La voix de la femme se faisait parfois plus aigüe avant de retomber dans un ton monotone qui n'arrangeait rien. Même si son métier le poussait à ne pas avoir de favori parmi sa patientèle, le psychiatre n'arrivait pas à oublier l'irritation croissante qui l'étreignait à chaque fois que Mrs Barnes venait le voir. Elle avait de sérieux problèmes qui requéraient son aide ou celle de l'un de ses collègues mais elle passait son temps à lui poser des questions sur sa vie privée, questions qu'il évinçait d'un regard neutre.
Peut-être aurait-il été plus patient un autre jour mais il lui semblait qu'il était arrivé à son bureau la veille. La journée s'écoulait bien trop lentement à son goût, il voyait la trotteuse de sa montre qui avançait avec le rythme d'un paresseux malade. S'il parvenait à ne pas afficher son agacement, son chef d'œuvre était de plus en plus le reflet de ses pensées vacillantes. Le visage de Will, qu'il avait dessiné de mémoire, avait les traits marqués par une expression qui oscillait entre cruauté et impatience. L'empathe tenait dans l'une de ses mains une montre brisée qui paraissait fondre doucement, comme celles très célèbres du peintre Dali. Avec un œil attentif, il était possible de lire l'heure dessus, une heure que le cannibale espérait bientôt voir apparaître sur son propre cadran.
En percevant le début d'un silence bienvenu, Hannibal referma son calepin pour échanger quelques mots avec sa patiente. Il la reconduisit ensuite jusqu'à la porte puis soupira de soulagement lorsqu'il fut enfin seul. Il alla s'installer derrière son bureau pour reprendre son esquisse, sachant qu'il avait encore plus d'une heure avant son prochain patient. Il n'avait pas eu le temps de se composer une patientèle aussi étoffée que celle qu'il avait à Baltimore mais il prenait peu à peu ses marques dans sa nouvelle vie. Il ne lui avait fallu que quelques mois pour se construire une identité sans faille, en intégrant Will à son avenir, ce qu'il n'avait pas cru possible jusqu'à leur chute de la falaise. En embrassant sa noirceur, le jeune homme avait enfin accepté le cadeau que le Dr Lecter lui avait offert et ils avaient fui ensemble jusqu'en Amérique du Sud avant de partir vers d'autres pays. Ils avaient bâti leur futur en Angleterre, entre deux crimes, et ils coulaient désormais des jours heureux.
Cependant, entre deux moments de bonheur, il y avait ces journées interminables durant lesquelles Hannibal regrettait de ne pas avoir pris la décision de faire autre chose. Il aurait pu s'engager dans un domaine lié à la gastronomie ou à l'art mais ses anciennes pratiques dans son cabinet du Maryland lui manquaient parfois. Une partie de son esprit lui soufflait souvent, sur un ton ironique qui lui rappelait désagréablement celui de Chilton, que s'il avait autant de mélancolie face à son métier, c'était simplement parce que sa profession lui avait permis de rencontrer Will.
Un grincement de porte, très léger, lui fit relever les yeux. Un sourire fleurit sur ses lèvres en découvrant la silhouette tant désirée de l'homme qui vivait avec lui. L'ancien consultant du FBI referma la porte derrière lui avant de rejoindre son amant, jetant un coup d'œil par-dessus son épaule pour regarder le chef d'œuvre qui s'étalait sur le carnet.
« Tu t'ennuies ? demanda le plus jeune. Tu en es à ton troisième calepin ce mois-ci.
— As-tu déjà eu l'impression que le temps s'allongeait ? Jusqu'à devenir insaisissable ?
— Le temps est déjà insaisissable, Hannibal. Tu m'as fait dessiner des horloges pendant nos séances, tu te souviens ?
— Ce n'était pas une question métaphysique, à l'époque, s'amusa le cannibale. Je tenais à vérifier ton intégrité mentale. »
Chapter 53: Visite hivernale
Notes:
Univers : UA saison 2.
Rating : K+
Chapter Text
Enroulé dans un plaid, Frederick regardait la télévision avec une mauvaise humeur croissante. Il aurait dû changer la chaîne et arrêter de se focaliser sur ces fichus films de Noël qui passaient en boucle depuis des jours en lui rappelant que la fin de l'année approchait à grand pas mais il en était incapable. Il mettait ce comportement étrange sur sa fièvre et les médicaments, pestant contre l'hiver qui le rendait malade pour la première fois depuis bien longtemps. Jamais encore il n'avait été forcé de quitter son boulot parce qu'il ne pouvait pas assurer son travail et il ronchonnait contre ce temps qui l'affaiblissait. Sa dernière absence remontait à l'intervention d'Abel Gideon sur ses organes internes et il s'agissait alors des actes d'un médecin un peu trop fou, pas d'un virus qui aimait le froid et le vent.
Tendant la main vers sa tasse posée en équilibre sur la table basse, il poussa un autre soupir irrité en remarquant qu'aucune goutte de thé n'était présente dans le récipient. Il repoussa son plaid, frissonna sous le manque de chaleur et se leva maladroitement pour aller se verser une nouvelle dose d'eau chaude. Tandis que la bouilloire émettait tranquillement le bruit caractéristique de son bon fonctionnement, Frederick se tourna vers la fenêtre sur laquelle une fine couche de givre prenait place. À côté de la vitre, sa plante favorite captait les rares rayons de soleil, dressant ses feuilles d'un vert intense qui tranchait clairement sur le blanc du reste de la pièce. Le psychiatre s'approcha du pot et plissa les paupières, se demandant quel ange gardien veillait sur lui pour laisser à ses plantes une meilleure santé que la sienne.
« Tu te plais bien ici, toi, grogna Chilton en adressant un regard noir au bégonia. Tu trouves ta place dans cette maison, au moins. »
Son expression passa de la colère à la tristesse, en une fraction de seconde, ranimant ses noires idées et son chagrin insupportable. Il se surprit à renifler et songea que ce n'était, une fois de plus, qu'un effet de sa grippe. Il se rendit à l'évidence lorsqu'il se retrouva à cligner des paupières afin de chasser les larmes qui s'accumulaient au coin de ses yeux.
« Tu as vu dans quel état tu me mets, accusa-t-il la plante. Et pourquoi je te parle déjà ? Hein ? »
Il connaissait la réponse mais le silence fut tout aussi révélateur. Sa solitude en cette période où il se sentait mal devenait plus pesante qu'à l'accoutumée. Personne ne se souciait de son congé à l'hôpital psychiatrique, aucun employé n'allait s'inquiéter pour lui. En un sens, il y avait veillé avec son caractère invivable et ses manies hautaines mais il regrettait de ne pas avoir su se lier d'amitié avec plus de gens.
Le déclic de la bouilloire le tira de ses pensées et il se remplit sa tasse avant de permettre à son thé d'infuser tranquillement. Il jeta un coup d'œil à son bégonia, avant de marmonner que sa plante avait au moins la possibilité de grandir à sa guise et de profiter du soleil sans avoir envie de se mettre sous la couette. Frederick récupéra son breuvage et retourna s'installer sur son canapé, à l'instant même où les protagonistes du film s'avouaient enfin leurs sentiments sous du gui, avec des bonnets d'hiver et des gros pulls de Noël. Son cœur se serra douloureusement et il éteignit l'écran, encore plus morose qu'en son début de journée. Il remonta le plaid jusqu'à son menton et ferma les yeux, bercé par l'odeur de son thé de Noël qui lui parvenait. Il faillit s'endormir lorsqu'un coup retentit à la porte de sa maison, lui faisant froncer les sourcils. Il n'attendait personne, il le savait pertinemment et il eut soudain peur de voir apparaître un autre psychopathe.
Chilton décida de ne pas aller ouvrir, jugeant préférable de rester en sécurité dans la chaleur de sa maison. Cependant, l'individu de l'autre côté de la porte ne semblait pas de son avis et recommença à taper contre la partie vitrée. Il se dirigea vers l'entrée d'un pas lourd et fut surpris de découvrir Will Graham qui parut aussi gêné que lui.
« J'ai appris que vous étiez malade, se justifia le plus jeune en évitant de croiser son regard.
— Comment l'avez-vous su ? demanda Frederick sur un ton suspicieux. Personne n'est au courant.
— Le personnel de l'hôpital le sait, répondit le consultant du FBI avec un rictus. Je devais vous parler pour une enquête.
— Elle attendra, je suis en congé et je n'ai pas de temps à perdre. »
Il ponctua sa phrase d'une toux prononcée avant d'esquisser le geste de fermer la porte. Will l'en empêcha avec un air sérieux et entra à sa suite. Le psychiatre lui proposa à boire, plus par politesse que par réel intérêt mais le plus jeune refusa avant de revenir sur sa décision. Étonné par ce revirement si rapide, Frederick se tourna vers l'empathe qui détaillait son salon avec la même expression que celle qu'il arborait lorsqu'il menait ses enquêtes et observait des scènes de crime.
« La décoration vous dérange ? lâcha Chilton avec un agacement évident.
— Vous êtes seul, constata Will.
— Pas besoin d'être doué d'empathie pour s'en rendre compte, répliqua le psychiatre en sentant une fois de plus sa respiration devenir laborieuse. »
Il était au bord des larmes mais ne voulait rien montrer à l'autre homme. Il lui fit couler un café, sans chercher à savoir ce qu'il faisait, et il fut ainsi surpris lorsqu'une main amicale se posa sur son épaule.
« Si vous avez besoin d'une personne à qui parler, je suis là. »
Sans lui répondre, Frederick se dégagea de son contact, les joues en feu, avant de lui donner son breuvage. Il l'accompagna jusqu'au salon, en silence, l'esprit agité. Il aurait voulu trouver un prétexte pour le faire partir et replonger dans sa solitude mais il devait avouer que sa présence avait déjà un effet bénéfique sur lui. Will était censé être le plus fragile des deux et il dépassait ses propres faiblesses pour accepter de venir le voir.
« Que puis-je faire pour vous ? s'enquit finalement Chilton.
— Je vous l'ai dit, j'ai une enquête en cours. Un criminel rôde en Virginie et il se pourrait que ce soit l'un de vos anciens patients. »
Le plus jeune lui transmit ainsi le nom de leur suspect et lui expliqua dans quel état ils avaient retrouvé les derniers cadavres, tout en rapportant également les prises de tête avec l'agent Crawford. Will était en train de raconter que son supérieur avait failli virer Price et Zeller à cause d'une mauvaise plaisanterie impliquant une pomme de pin et une couronne de houx lorsque Frederick fut pris d'une nouvelle quinte de toux. Il s'excusa un instant avant de boire une gorgée de son thé, toussant encore en raison de l'irritation. L'éclat d'inquiétude dans le regard du consultant était une nouveauté pour le psychiatre qui s'interrogea sur leur relation. Ils n'avaient jamais été plus loin que des sourires hypocrites, sans vraie cordialité, et il n'arrivait pas à comprendre cette soudaine évolution.
« Que disiez-vous sur la pomme de pin ?
— Zeller a des sapins dans le jardin de sa résidence et il a pris l'habitude d'en ramener à la morgue pour préparer Noël, raconta Will. Price était en train de jongler avec les pommes quand Jack est arrivé, sans remarquer celle qui était à terre. »
Frederick dut boire une autre gorgée pour étouffer son rire dans sa tasse. Il n'appréciait pas l'agent Crawford et était plutôt heureux d'apprendre que même le grand chef du BAU pouvait se rendre ridicule devant son équipe. L'empathe ne manqua pas sa réaction et lui offrit un sourire sincère, si différent des autres jours. Chilton sentit une chaleur bienvenue envahir ses organes, loin de la fièvre qui le tenait entre ses griffes, et il baissa les yeux sur son thé, troublé par les sentiments étonnants venus s'emparer de lui. Il connaissait cette émotion qu'il haïssait pour toute la douleur qui l'accompagnait. Il s'était promis de ne plus s'attacher à quelqu'un mais il fallait croire que son cœur était en train de se moquer de sa raison.
Chapter 54: Plaisir matinal
Notes:
Univers : Saison 3.
Rating : TMeilleurs voeux !
Chapter Text
Alana n'avait pas fermé l'œil de la nuit, occupée à aller et venir entre sa chambre et celle de son fils. Si son bébé s'était endormi aux alentours de quatre heures du matin, elle n'avait pas réussi à céder à l'appel du sommeil. Le pédiatre lui avait assuré qu'il n'y avait rien d'inquiétant dans l'état de son petit, qu'il ne s'agissait que d'un rhume qui pouvait être rapidement soigné. Cependant, la psychiatre avait veillé sur le nourrisson, par peur de voir ses symptômes s'aggraver sans signe avant-coureur.
« Tu as mauvaise mine, lui indiqua Margot en caressant son épaule du bout des doigts.
— Tu serais dans le même état si tu avais dû rester debout toute la nuit, répliqua Alana. »
La sœur de Mason ne rétorqua rien malgré une envie de faire comprendre son point de vue. Elle avait proposé son aide mais sa femme avait refusé le moindre coup de main en prétextant pouvoir se débrouiller seule. Les cernes sous ses paupières et la fatigue dans son regard témoignaient de sa nuit blanche et accentuaient son air naturellement pâle.
« Tu devrais appeler l'hôpital, lui conseilla Margot.
— Pour poser un jour de congés ? Il n'en est pas question ! »
Un soupir s'échappa des lèvres de l'héritière Verger alors qu'elle songeait au fait que la discussion allait sans doute être très longue.
« C'est encore ton besoin d'être supérieure à Chilton ?
— Il a toujours été fidèle au poste, il ne s'est absenté que lorsqu'il a été éventré et lorsqu'il a été considéré comme coupable. Je vais lui prouver qu'une femme peut faire mieux que lui.
— Tu n'as rien à prouver, Alana ! »
La psychiatre allait répondre mais Margot crut bon de mettre un terme à ce sujet en pressant ses lèvres contre les siennes. Il n'y avait pas de meilleure méthode pour faire taire sa femme, d'autant plus que la situation avait de grandes chances de déraper. Alana résista pour la forme puis s'abandonna à ses baisers, laissant leurs bouches mener la danse. Sa main — taquine — glissa sur la hanche de Margot avant de terminer sa course entre ses jambes.
« Je croyais que tu voulais aller travailler.
— J'ai une autre occupation, souffla Alana en bougeant ses doigts sur la vulve de sa femme. »
Un gémissement résonna dans leur chambre, bientôt suivi par d'autres sons émis par Margot. La dextérité de la psychiatre n'était plus à prouver mais leurs ébats semblaient sans cesse se renouveler, comme si leurs corps oubliaient chaque fois leurs étreintes précédentes.
« Tu es démoniaque, murmura la sœur de Mason entre deux halètements.
— Je suis juste sous le charme. »
Alana guida sa femme jusqu'à l'orgasme avec un sourire amusé. Ce n'était que le début d'une longue partie de plaisir.
Chapter 55: L'origami
Notes:
Univers : Post-saison 3.
Rating : K+
Chapter Text
Ce fut l'absence de présence à ses côtés qui réveilla Will. Il ne parvenait jamais à se rendormir lorsqu'il constatait qu'Hannibal n'était plus dans leur lit et il partait bien souvent à sa recherche pour se rassurer sur sa survie. Leur chute après le combat contre le grand Dragon Rouge avait laissé des traces dans son esprit et le faisait régulièrement paniquer dès qu'il se retrouvait seul car il craignait alors avoir rêvé tout ce qui avait suivi cet instant douloureux. L'empathe avait décidé de lâcher prise en comprenant qu'il bridait sa véritable nature, il avait ouvert les bras à tous ces sentiments tempétueux qui cognaient à l'intérieur de son cerveau et lui hurlaient de céder enfin. Il avait ainsi accepté l'amour qu'il portait à son psychiatre et, tous les deux, ils avaient fui loin de Crawford, des forces de police et de tout ce qui les séparait. Depuis lors, l'ancien consultant du FBI profitait de la chaleur des étreintes de son amant et s'accrochait à lui comme à une bouée de sauvetage.
« Hannibal ? souffla Will en s'aventurant dans la cuisine. »
La pièce était sans nul doute celle qui appartenait le plus au cannibale. Non pas que le plus jeune n'y mettait jamais les pieds mais il reconnaissait aisément les talents de l'autre homme aux fourneaux. Seul le silence lui répondit, accompagné par la vision d'une table vide. Will se rendit ensuite dans le bureau du docteur où il le découvrit, occupé à plier une feuille de papier pour en faire une figure familière. Un sourire étira les traits de l'empathe lorsqu'il reconnut un cœur anatomique qui ressemblait à s'y méprendre à l'un des cadavres que Lecter lui avait laissé comme pardon dans une chapelle italienne. Cette forme n'était pas à prendre à la légère, il ne faisait aucun doute qu'Hannibal avait une idée bien précise en tête pour lui rappeler ainsi un souvenir de leur passé.
« Je t'ai réveillé ? s'enquit le psychiatre sans relever les yeux de son œuvre.
— Pas vraiment, murmura Will en se rapprochant. Tu as une envie soudaine d'origami ?
— Sais-tu quel jour nous sommes ? »
Le plus jeune réfléchit un court moment, le temps pour lui de se resituer mentalement dans le calendrier. Il comprit l'allusion de son amant et se pencha vers lui pour lui voler un baiser. Deux ans plus tôt, jour pour jour, ils avaient filé hors de l'Amérique pour s'établir dans un ailleurs qui leur convenait à merveille. Will n'avait pas prêté d'attention aux dates des derniers jours et il se reprocha de ne rien avoir à offrir à son compagnon. Peut-être aurait-il dû franchir la porte du marchand d'antiquité qu'il avait découvert la semaine précédente. Ou peut-être pourrait-il se rattraper d'une manière plus physique et nettement moins subtile. Son regard parla pour lui car Hannibal mit de côté son pliage afin de l'attirer contre lui.
« Je t'aime, déclara l'empathe en posant son front contre celui de son amant. »
Leurs lèvres se retrouvèrent aussi vite et se fondirent dans un baiser peu innocent. Assis sur les genoux du psychiatre, le plus jeune sentit ses mains se glisser sous son haut de pyjama, caressant le bas de son dos avec délicatesse. Il sourit contre la bouche d'Hannibal et effleura sa nuque, retenant un gémissement lorsque les doigts du plus vieux vinrent se crisper sur ses fesses. Will eut un hoquet de surprise lorsque le cannibale finit par le pousser sur le bureau avant de lui retirer son pantalon et de s'installer entre ses cuisses. Rapidement, l'ancien consultant fut pris par le plaisir violent que lui procurait son amant.
Chapter 56: Se découvrir
Notes:
Univers : Saison 3.
Rating : M
Chapter Text
Alors que les mains d'Alana glissent sous son peignoir, Margot sent son corps se tendre vers elle. Le toucher de la psychiatre est léger, presque volatile sur la peau marquée de sa jeune amante. La sœur de Mason savoure ce contact avec des frissons, un nœud d'appréhension croissant cependant dans son estomac. Elle a beau cacher sa douleur sous une apparence froide et dédaigneuse, elle n'en demeure pas moins une femme dépossédée de sa féminité à cause de la jalousie obsessionnelle de son frère. Elle tressaille lorsque les doigts fins d'Alana effleurent ses cicatrices, cherchant à éviter la pitié qu'elle risquerait de lire dans ses yeux.
« Tu es belle, souffle le Dr Bloom. »
Surprise, l'héritière Verger croise son regard compréhensif. La brune délaisse sa peau brûlante un instant, défaisant son chemisier pour révéler une chair avec des traces blanchâtres qui s'étendent sur de longs centimètres. Le pantalon qui tombe au sol dévoile des marques similaires, en un nombre si grand que l'esprit de Margot se remplit de mille et une interrogations. D'une main tremblante, elle caresse les cicatrices de l'autre femme puis arrête sa main près de sa gorge où les battements de son cœur cognent à une vitesse folle. Le désir qui brille dans les pupilles de la psychiatre suffit à faire céder toutes les barrières érigées entre elles, tous ces doutes qui planent dans le silence.
Leurs lèvres se rencontrent avec délice, entamant une danse passionnée où les langues s'emmêlent dans leurs respirations hachées. Margot pousse Alana jusqu'au lit où elle l'allonge, baisant sa peau avec délicatesse, honorant chaque aspérité de sa chair. Elle guette la moindre réaction de l'autre femme, apprenant à déceler le plaisir qu'elle ressent au fur et à mesure qu'elle l'embrasse. Elle retient un gémissement appréciateur lorsque ses doigts rencontrent l'intimité humide de sa partenaire. Cette nuit, la première entre elles, promet d'être intéressante et plaisante.
Chapter 57: Céder
Notes:
Univers : Saison 1 plus ou moins.
Rating : M
Chapter Text
« Vous n'êtes rien pour moi. »
Will tente d'insuffler toute sa conviction dans ces quelques mots, le regard fixé sur un point à quelques millimètres au-dessus de l'épaule gauche du cannibale. Son cœur bat trop vite, il le sent qui frappe ses tempes, résonne dans ses oreilles et fait trembler sa cage thoracique, comme s'il cherchait à briser ses côtes pour montrer à quel point il a peur. Il s'est promis d'être franc pour ne plus sombrer dans les ténèbres des mensonges et de la trahison mais il vient de commettre son premier faux pas. Sous son air méprisant, il dissimule cet aveu qu'il ne prononcera pas, pour ne pas laisser les commandes de son esprit à l'un des pires criminels de ce siècle. Mentir n'aurait jamais dû devenir sa seule alternative, pas alors qu'ils sont seuls dans une pièce où l'unique issue est trop loin pour tenter une fuite désespérée.
L'expression amusée qui se peint sur les traits d'Hannibal désarçonne l'empathe. Il ne comprend pas pour quelle raison l'Éventreur de Chesapeake le dévisage avec autant de satisfaction. Son arme, pointée sur la tête du tueur, ne semble pas terrifier son opposant qui s'avance vers lui avec défi. La main de Will tremble, il se sait incapable de presser la détente pour enfin débarrasser la Terre d'un être à abattre. Son bras retombe le long de son corps tandis que Lecter arrive à sa hauteur, tendant ses doigts gantés vers le pistolet qu'il récupère. Le consultant l'observe faire, sans un mot, malgré les hurlements dans son crâne qui lui crient d'agir.
« Vous êtes comme moi, Will, déclare le psychiatre sans hausser le ton.
— Je ne suis pas un monstre, proteste le plus jeune. »
Sa conscience se rit de lui, lui susurrant avec ironie qu'il ne doit pas raconter de mensonges. Il aimerait se défendre, plaider la folie passagère, mais la vérité est bien plus simple. Hannibal et lui sont les deux côtés d'une même pièce, liés par une envie sanglante que l'un assume plus que l'autre.
« Ne reniez pas celui qui dort en vous, reprend le cannibale. J'ai vu ce que vous pouviez devenir. »
Will ne rétorque rien, ses pensées agitées par un flot de doutes. Il abhorre l'individu qui lui fait face, mais il voudrait connaître le goût de ses lèvres et se tendre sous son corps. Son regard s'attarde sur la bouche de l'Éventreur puis dévie sur sa silhouette ferme qui l'obsède jour et nuit. Il ne peut pas voiler ses émotions et jouer à l'autruche en cachant sa tête dans le sable de ses certitudes. S'il peut faire croire à Jack qu'Hannibal est son grand ennemi et qu'il l'arrêtera, ce n'est pas le cas avec son propre esprit. Depuis leur rencontre, il passe son temps à mentir, certain que repousser la vérité le protégerait de la chute. Ce n'était qu'une illusion car il est déjà tombé du haut de la falaise pour heurter les parois escarpées de l'âme du meurtrier. Chaque heure qui s'écoule diminue le fossé entre eux et trace un écho dans leurs cœurs.
« Cédez, Will. »
Le timbre est léger, le souffle de Lecter se perd contre ses lèvres. L'empathe initie le baiser avec férocité, s'agrippant à Hannibal comme il le ferait avec une bouée s'ils étaient en pleine mer. Leurs bouches s'épousent, leurs langues se découvrent. Le plus jeune dresse le drapeau de la reddition en pressant son corps fiévreux contre celui de son thérapeute, caressant à travers les vêtements le renflement produit par son désir. Will gémit lorsque les mains du Lituanien se frayent un chemin à l'arrière de son pantalon pour empoigner ses fesses.
Les vêtements s'ôtent dans la précipitation, les tissus s'emmêlent sur le sol en formant un tapis contre lequel le dos de Will repose soudainement. Il tressaille lorsque la bouche du cannibale se referme sur son membre, ses pensées associant le geste au régime particulier de son psychiatre. Il n'y réfléchit pas longtemps, ses lèvres s'entrouvrent pour délivrer des sons où la luxure est reine. Il mentirait s'il disait ne rien éprouver sous l'effet du savoir-faire d'Hannibal.
Chapter 58: Fougue
Notes:
Univers : UA Saison 2.
Rating : -12
Chapter Text
Frederick avait été surpris par le premier baiser que Will lui avait donné. Il ne l'avait jamais considéré comme un ami proche – pas même comme un ami d'ailleurs – et cela n'avait fait qu'empirer après l'arrestation de l'empathe. Le consultant ne le tenait pas en haute estime mais Chilton n'avait aucun reproche à lui faire à ce sujet étant donné qu'il se comportait réellement comme un idiot. Ils avaient discuté entre deux barreaux d'une cellule, l'un étant sous le contrôle du bon vouloir de l'autre, ce qui n'était pas une situation propice pour établir une relation de confiance. Il avait fallu une manipulation de la part d'Hannibal pour les réunir de manière impromptue.
Will lui avait ouvert sa porte et offert son aide, le dissimulant quelques jours aux yeux de l'Éventreur et du FBI. Frederick ne s'était pas attendu à autant de clémence de sa part, bien que les premiers temps fussent difficiles puisque leurs caractères ne s'accordaient pas sur de nombreux points. Ils avaient su mettre de côté leurs divergences pour éviter des disputes inutiles. L'ego surdimensionné du psychiatre n'avait pas facilité les échanges mais le plus jeune avait été d'une patience à toute épreuve avec lui, sans doute parce qu'il avait l'habitude de ne pas céder du terrain sur ses chiens et qu'il adoptait le modèle sur ses interactions humaines. Une étincelle d'amitié avait eu le temps d'éclore, lentement mais sûrement, puis, lorsque Crawford avait trouvé des indices assez significatifs pour emprisonner Lecter définitivement, ils avaient gardé contact.
Cependant, Frederick n'avait pas songé un seul instant que l'empathe éprouverait pour lui des sentiments amoureux. Sentir sur ses lèvres celles de Will l'avait étonné tout en lui redonnant l'impression d'exister pour quelqu'un d'autre que lui-même. Le baiser, empreint de tendresse et d'une certaine hésitation, avait été le premier d'une longue série. Derrière la timidité du consultant, Chilton avait découvert une fougue insoupçonnée qui le laissait bien souvent pantelant. Il n'avait jamais autant désiré un homme, de corps et d'esprit, et il aimait les réveils dans les bras de Will, tous les deux enlacés.
Certains jours, le psychiatre n'avait qu'une envie : quitter son poste à l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore et partir vivre avec son amant dans une maison éloignée de toute vie humaine. Ils pourraient s'aimer sans avoir à cacher la vérité à certaines de leurs connaissances. Frederick se reprochait parfois de ne pas permettre à Will de montrer leur amour à la face du monde mais il craignait les réactions de Crawford, Bloom et tous ces gens qui avaient confiance en lui. Chilton n'était pas l'homme le plus apprécié et il avait conscience qu'il subirait des insultes si tout cela arrivait aux oreilles du FBI.
« J'espère que tu ne comptes pas partir, lui lança Will en entrant dans la chambre et en avisant la valise ouverte sur une chaise.
— Je suis un fardeau pour toi, souffla Frederick avec un sourire triste. Tu devrais … »
Le consultant l'interrompit par un baiser, le plaquant contre l'un des murs. Il lui murmura qu'il n'aurait pu rêver meilleur fardeau puis l'embrassa à nouveau, l'entraînant doucement vers le lit. Le psychiatre rendit les armes sous les lèvres habiles de son amant, laissant le désir et le plaisir inonder ses veines pour chasser tous ses doutes.
Chapter 59: Julep
Notes:
Univers : Indéterminé.
Rating : Entre M et E.
Chapter Text
L'odeur de menthe demeure malgré les tasses vides, embaumant l'air d'une fragrance apaisante qui fait perdurer le souvenir du mint-julep. Frederick n'en a jamais bu d'aussi bon — une partie de son esprit est par ailleurs agacée par cette certitude — et il se demande s'il existe la moindre recette qu'Hannibal ne saurait refaire à la perfection. Le dîner a été à la hauteur des habitudes de Lecter, de l'entrée au dessert, dressé à la manière des plus grands chefs, entre saveurs et visions exquises de produits cuisinés d'une main de maître. Nulle fausse note ne se glisse jamais dans la partition culinaire, les goûts s'harmonisent, les plats se répondent dans une explosion gustative intense. Plus qu'un simple repas, c'est de l'art à l'état pur que le Lituanien offre à ses invités et, cette fois-ci, Chilton a pu en profiter seul.
Il ne remarque le retour d'Hannibal qu'à l'instant où ce dernier réapparaît dans son champ visuel. Frederick ne se souvient pas l'avoir aperçu quitter la pièce mais il ne s'interroge pas longtemps sur ce détail, remarquant avec un intérêt non dissimulé que les tasses sont à nouveau pleines. La fine volute de fumée qui s'élève des récipients trahit leur chaleur, ravivant son impatience. Il tente d'engager la discussion, évoquant la dernière affaire en date du FBI, sachant pertinemment que son confrère travaille avec Crawford. Les mots s'emmêlent dans sa bouche, les voyelles se lient aux consonnes pour former des sons peu compréhensibles. Il marmonne quelques excuses en prétextant la fatigue, constatant vaguement que l'expression de son hôte est devenue plus curieuse et avide. Cherchant à se redonner un peu de tenue, Chilton avale une gorgée de liquide, emporté une fois de plus par la menthe pilée du mint-julep.
« N'avez-vous aucun défaut ? déclare-t-il soudainement.
— Où voulez-vous en venir ? s'enquiert à son tour Hannibal.
— Vous êtes doué dans tout ce que vous entreprenez mais il doit bien y avoir un domaine qui vous échappe. »
Il termine sa tasse et la repose sur la table basse avant de dévisager son collègue. Il pousse un soupir puis ajoute que ce n'était rien de plus qu'une question rhétorique, se levant pendant qu'il parle afin de partir sans paraître grossier. Son mouvement est interrompu par la silhouette de Lecter et par ce sourire amusé qui étire les lèvres de son confrère. Le Lituanien lui chuchote à l'oreille qu'il connaît quelques façons de vérifier ses qualités, tirant un frisson de désir au directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore. Frederick est perturbé par la présence proche d'Hannibal, par cette main qui se pose sur sa nuque, par cette bouche qui vient à la rencontre de la sienne, par cette langue au goût de menthe.
Sa chemise glisse de ses épaules alors qu'il ne se rappelle pas l'avoir ouverte. Son esprit tout entier est obnubilé par les baisers de Lecter, il se perd dans la sensation enivrante des lèvres de son collègue. Sa ceinture heurte le sol, suivie par le bruit étouffé de son pantalon, alors que les doigts d'Hannibal caressent son sexe à travers son boxer. Frederick gémit, mélange de surprise et de désir, son membre présentant le début d'une érection honteuse. Il s'empresse d'agir à son tour, ses mains déshabillant l'autre homme avec fièvre, découvrant un territoire inconnu à ses yeux et à son toucher. Il ne proteste pas lorsque le Lituanien l'allonge sur le canapé et lui retire son sous-vêtement, permettant à leurs corps nus de s'étreindre sans barrière. Chilton a l'impression qu'Hannibal est partout à la fois, sa chair est prise d'assaut par les lèvres de son hôte. La bouche qui entoure son sexe lui fait perdre la tête, les doigts qui glissent sur ses hanches lui tirent des frissons d'anticipation.
Combien de fois a-t-il fantasmé ce genre de situation ? Aucune n'a été aussi satisfaisante que cette réalité où Lecter le mène jusqu'à la jouissance après l'avoir possédé. Frederick voulait soumette l'esprit d'Hannibal mais il s'est incliné sous ses coups de rein.
Chapter 60: S'abandonner
Notes:
Univers : Milieu saison 3.
Rating : Entre T et M.
Chapter Text
Will avait tenté à de nombreuses reprises d'oublier Hannibal. Il avait cru que le savoir enfermé dans l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés suffirait à apaiser son esprit et à lui ouvrir la voie de la reconstruction mais il s'était trompé. Le moindre détail lui rappelait sans cesse le cannibale, le plongeant dans un cauchemar éveillé dont il était un prisonnier à moitié volontaire. Crawford lui avait conseillé une thérapie pour se remettre des longs mois passés à côtoyer l'Éventreur de Chesapeake mais l'empathe avait refusé, ayant accordé à trop de gens la possibilité d'entrer dans sa tête — et cela presque au sens littéral lorsqu'il s'agissait de Lecter. Confier sa santé mentale à un nouveau psychiatre n'était pas dans ses projets, il avait assez souffert entre les mains de spécialistes qui imaginaient tout comprendre de son mode de fonctionnement atypique.
Reprendre une vie normale semblait être impossible. Dès qu'il entrevoyait un élément familier, ses pensées retrouvaient leur danse troublante pour le mener à des associations d'idées désagréables. Une bouteille de vin dans la main de quelqu'un et il ressentait alors le goût du liquide pourpre glissant sur sa langue. Un morceau de musique classique et il était emporté dans le cabinet du Lituanien, à entendre Vivaldi égrener le temps au fil des saisons. Une odeur de viande et son estomac se serrait, anticipant un plat qui ne portait pas la marque délicate de l'art du cannibale. Graham voulait arracher les fils qui le retenaient à toutes ces sensations, il avait besoin de sa liberté, celle dont il avait été si longtemps privé lorsqu'il avait commencé à accorder sa confiance à la mauvaise personne.
S'il avait hésité à tout envoyer paître pour quitter le continent, Will avait au final pris des décisions tout à fait discutables. Il savait qu'il était capable de se perdre dans des bras inconnus, il l'avait expérimenté avec Margot — et il gardait un souvenir mitigé de cette expérience depuis qu'il avait perdu un rêve de famille — et il s'était mis à flirter avec la personne la moins évidente de son entourage. Frederick Chilton n'était pas un homme avec qui construire une relation saine alors qu'ils avaient partagé des discussions houleuses et qu'il y avait toujours ce résidu de lien qui subsistait entre un thérapeute et son patient. Cependant, l'empathe ne s'était pas arrêté à cet obstacle, il avait imposé ses conditions sans supposer un seul instant tomber dans son propre piège.
L'ancien directeur de l'hôpital psychiatrique agissait sur lui de la même façon qu'une drogue. Les lèvres de Frederick connaissaient ses faiblesses, jouaient avec sa chair frissonnante et l'emmenaient inlassablement vers la jouissance. Il gémissait sans honte entre les mains du plus vieux, se donnant à lui avec un plaisir qui se renouvelait à chaque fois qu'ils se retrouvaient. Graham aimait les sensations procurées par ce corps contre le sien, par cette peau qui glissait sur la sienne. Si, au début, il venait pour trouver l'abandon dans le sexe, il lui était de plus en plus dur de repartir.
« Je ne peux plus continuer, déclara-t-il un beau matin alors que les doigts de Frederick erraient sur ses cuisses.
— Que veux-tu dire ?
— Je refuse de m'attacher. Et il m'est impossible de rester uniquement pour coucher avec toi.
— Tu es un sacré enfoiré, Will. Tu me sors de mon isolement pour mieux m'y refermer parce que tu as peur. L'emprise de Lecter était une bonne excuse mais elle ne marche plus, tu ...
— Je suis en train de tomber amoureux de toi, Frederick, l'interrompit le plus jeune. Mais je ne suis pas fait pour les relations durables. »
Il était au carrefour de son avenir, à devoir prendre un chemin entre un bonheur qui lui paraissait impossible à atteindre et une solitude qui avait toujours été la sienne.
Chapter 61: De lames en larmes
Notes:
Univers : Fin saison 2 et 3.
Rating : Entre K+ et T.
Chapter Text
De nombreuses fois, Hannibal avait eu l'occasion d'utiliser des lames. Le calibre importait peu, du moment qu'il convenait à l'instant où il s'en servait. Il alignait les couteaux dans sa cuisine, pour se défendre contre de possibles importuns, ou pour mettre en pièces tous ceux qui finissaient dans ses plats. Il en cachait quelques-uns à des endroits stratégiques, y compris lorsqu'il sortait se promener, ayant peu de raison de partir sans s'assurer qu'il avait le moyen de lutter contre un potentiel assaillant. Si poser l'une de ses lames contre la gorge d'un individu ne le gênait pas, il avait eu une seconde de remord en plongeant son couteau dans le ventre de Will.
D'un geste maîtrisé, le psychiatre dessina un sourire sanglant dans les entrailles de son patient, faisant bouger la lame avec assez de force pour déclencher le début d'un saignement. Contre son épaule, Graham tressaillait déjà, pris par la douleur qui ne manquait pas de l'étreindre, serrant ses doigts sur le tissu de sa chemise. L'Éventreur de Chesapeake aurait aimé remonter le temps, réparer ce fil tenu qui s'était brisé entre eux, retirer son arme et faire comme si rien n'avait eu lieu. Il n'avait pas prévu de faire du mal à Will – sans doute espérait-il que son instinct se fût trompé – et il regrettait d'être forcé de le poignarder pour conserver sa liberté. Avec douceur, il caressa la chevelure de son ami puis il l'aida à se reposer contre le meuble. Leur discussion ne fut pas houleuse, il n'y eut rien de plus que quelques aveux, et de la souffrance, pour chacun d'entre eux.
Alors que la pluie battait férocement le béton devant sa maison, Hannibal leva les yeux vers le ciel, autorisant les gouttes à laver son visage et son corps couvert de sang. À quelques pas de lui, Alana gisait sur le sol, telle une poupée désarticulée, encore vivante mais peut-être bientôt dans un état proche de la paralysie. Le psychiatre s'éloigna sans faire demi-tour malgré la tempête irréelle qui couvait dans son crâne. Il avait abandonné son couteau dans sa cuisine, refusant d'emporter ce souvenir pointu d'un drame qu'il n'avait pas voulu se voir produire. Son palais mental gardait déjà la trace de ce coup, de cette trahison, de ce rêve qui s'était changé en déception lorsqu'il avait senti le parfum de Lounds sur les vêtements de Will. Il n'y aurait pas de fuite possible pour eux, vers l'Europe et ses secrets, vers les cultures dont il raffolait tant.
À Florence, il n'avait pas réussi à oublier le consultant du FBI. Devant le Printemps de Botticelli, il avait cru le revoir auréolé de fleurs et de parfums, l'imaginant à la place des personnages du tableau. Puis il avait senti sa présence, bien réelle, près de lui. Les regards, les sourires, les accords. Ils avaient quitté le musée d'un pas un peu maladroit, chacun portant des blessures – pour Will il s'agissait d'une chute de train tandis qu'Hannibal ressortait d'un combat contre Crawford. Dans la main du plus jeune, une lame comme un pardon incisif, un couteau prêt à l'emploi mais qui ne servirait pas. Entre eux, ce n'était qu'une histoire tranchante et sanglante.
Chapter 62: S'éloigner du froid
Notes:
Univers : UA Saison 2.
Rating : Entre K+ et T.
Chapter Text
La neige a fait son grand retour dans le Maryland, noyant le paysage sous plusieurs centimètres blancs qui encombrent les routes. Derrière la fenêtre de sa chambre, Frederick observe la danse des flocons d'un air songeur, le menton en appui sur une main, son regard allant et venant sur le mouvement irrégulier des points blancs dans le ciel qui s'obscurcit. Il frissonne, comme à chaque fois que l'hiver vient, replongeant sans le vouloir dans l'un de ses pires souvenirs, lorsqu'il a dû fuir de chez lui pour sauver sa vie, à cause d'Hannibal Lecter qui avait laissé trois cadavres dans sa maison tout en s'arrangeant pour l'accuser à sa place. Il se rappelle encore la peur dans ses veines, son trajet jusqu'en Virginie, chez Will, où il pensait trouver une sécurité toute relative avant d'être rattrapé par Crawford et son fusil. Il a beaucoup perdu ce jour-là, que ce soit son œil gauche, une partie de sa mâchoire ou sa dignité, et il n'a jamais pu oublier la sensation de terreur quand il s'est réveillé à l'hôpital. Depuis lors, il peine à supporter la simple vue de la neige, pris par des crises de panique qu'il ne maîtrise pas encore très bien malgré des mois à essayer de s'en défaire.
« Arrête de te faire du mal, murmure Will en venant l'enlacer. »
Le psychiatre se perd dans l'étreinte chaleureuse, savourant la présence de l'empathe derrière lui. Alors que le froid envahit peu à peu la maison, il n'a pas besoin de prendre une couverture, le consultant du FBI lui servant de radiateur ambulant dès qu'ils s'étreignent. Frederick se sait chanceux d'être avec Will, il savoure chaque instant avec la peur de rêver et de se retrouver seul un beau matin, en constatant que rien de tout cela n'est vrai. Il estime ne pas mériter la tendresse qu'il lit dans le regard du plus jeune, ni cet amour qui s'est tissé entre eux alors que rien ne les prédestinait à vivre l'un avec l'autre. L'empathe est venu habiter chez lui de manière définitive, amenant avec lui ses chiens – dont deux supplémentaires qu'ils ont trouvés ensemble et qu'ils ont appelés Bolivie et Carotte – et revendant sa maison. Cette marque de confiance a rendu Chilton plus joyeux, plus calme et nettement moins hautain avec ses employés.
Si leur rapprochement paraît toujours être un miracle pour le directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés, Will semble s'y accommoder bien mieux que lui. Ils n'ont pas encore officialisé auprès des collègues de Graham car ils ont conscience du mépris que certains ont à l'égard de Frederick – et il ne peut pas les blâmer pour cela, au contraire – sans compter le risque que Lecter finisse par le découvrir à son tour. Chilton est persuadé que c'est déjà le cas car le cannibale est bien trop perspicace pour passer à côté d'une telle information, bien que ce soit surprenant qu'ils n'aient pas été visités par l'Éventreur de Chesapeake.
« J'aimerais parler de toi à Jack, lui souffle Will en le tirant de ses pensées.
— Tu es sûr ? s'enquiert Frederick en fronçant les sourcils. Tu ne crains pas les remarques de Price et Zeller ? Ou de Crawford lui-même ? Tu sais qu'ils ne m'apprécient pas, aucun d'entre eux.
— Ils devront pourtant s'habituer, je ne tiens pas à te cacher toute ma vie. Et ils verront bien que je ne suis plus chez moi, ma maison appartient à quelqu'un d'autre. À moins que tu ne préfères que je parte. »
Le ton de Will est soudain incertain, alertant le psychiatre qui se retourne pour lui faire face, prenant son visage entre ses mains.
« Tu crois que c'est ce que je pense ? Je … je t'aime, Will. Et je ne veux pas que tout s'arrête, je n'y survivrais pas.
— Je t'aime aussi, sourit l'empathe avant de l'embrasser. Mais je me pose des questions sur nous et notre entourage. Sortir en s'assurant d'être seuls n'est pas une vie, Frederick. J'aimerais prendre ta main dans la rue sans avoir peur des regards de nos collègues, pouvoir montrer au monde entier que nous sommes heureux. J'en ai assez de me dissimuler derrière des prétextes, je n'ai pas honte d'être avec toi. »
Le plus vieux sent ses yeux s'humidifier sous l'afflux soudain de larmes. Il ne pleure pas à cause d'un chagrin quelconque ou d'une possible douleur, non, il sanglote parce qu'il est touché par les mots de son amant. Il n'a jamais connu une aussi grande douceur à son égard et il s'accroche à Will, serrant son haut de pyjama entre ses mains, sa tête trouvant sa place contre l'épaule de l'empathe. Les doigts du plus jeune se glissent sous le tissu de son haut, caressant sa peau avec tendresse, alors qu'il lui murmure qu'il l'aime, encore et encore.
Frederick finit par se calmer dans les bras de son compagnon, apaisé par son contact. Will l'embrasse sur la tempe puis sur la joue avant de trouver ses lèvres. Leurs baisers les entraînent vers leur lit où ils s'allongent l'un contre l'autre, poursuivant leur embrassade sans empressement. Le psychiatre en oublie le monde en-dehors, la neige qui continue de tomber, ses angoisses nocturnes qui ne reviendront pas ce soir. Il se contente de profiter de la chaleur du consultant, de sa peau contre la sienne, de sa bouche qui glisse sur son corps et le noie dans un plaisir qui l'électrise.
Chapter 63: Pars
Notes:
Univers : Moitié saison 3, post manoir Verger.
Rating : Entre K+ et T.
Chapter Text
« Pars. »
Will ne veut pas croiser le regard d'Hannibal, il sait que s'il le fait, il ne pourra plus prendre de décision sensée pour son avenir. Son corps est encore endolori par les injections qui lui ont été faites chez les Verger mais son esprit est à nouveau fonctionnel. Il ignore combien de temps il lui faudra pour s'en remettre, ni s'il trouvera l'occasion d'oublier qu'il a failli être défiguré par Mason et ses sbires, tout cela à cause du psychiatre. Crawford ne tardera pas à arriver, il en a l'intime conviction, et il aimerait que le cannibale soit déjà loin, comme s'il n'avait pas remis les pieds chez lui, comme s'ils n'avaient pas échappé ensemble à un destin qui s'annonçait un peu trop cruel.
« Pars et ne reviens jamais. »
Sa voix n'est qu'un murmure mais il ne fait aucun doute que le tueur l'a entendu, lui qui perçoit tout. L'empathe tente de se persuader que son ton n'est pas tendu, ni plaintif, ni quoi que ce soit d'autre qui laisserait penser qu'il se soucie vraiment de la survie de celui qu'il prenait pour son ami. Son prénom est soufflé par le cannibale, si doucement que Will cède à cette tentation grandissante. Ses yeux plongent dans ceux couleur havane de Lecter, il se noie dans les ombres des morts, dans l'appétit du Wendigo, dans ce lien qu'ils partagent depuis leur rencontre. Les doigts du plus jeune se posent malgré lui sur la blessure qui rougit le visage d'Hannibal, effleurant la peau meurtrie avant de descendre jusqu'à son cou où pulsent les battements de son cœur dans un calme apaisant.
L'instant suivant, ce sont ses lèvres qui touchent le psychiatre, scellant leurs bouches en un baiser bien trop pressant. Si dans sa tête flotte le visage désapprobateur de Jack, en un rappel de son retour imminent, Will est bien trop préoccupé par le brasier qui l'enflamme. Il brûle pour l'Éventreur d'un amour un peu fou, piégé dans un feu que rien ne saurait éteindre.
« Pars, dit-il contre les lèvres du cannibale. »
Mais ses gestes trahissent des pensées contraires, ses mains se glissent sous la chemise du psychiatre, caressent la peau, découvrent un corps qui aurait dû rester inconnu à ses doigts aventureux. Il reprend contact avec le présent lorsque sa gorge émet un bruit de contentement qui le fait rougir de honte. Avec brusquerie, le consultant du FBI repousse l'autre homme, tout en évitant de sombrer dans le flot de désir qui serpente dans ses veines.
« Pars, reprend-il avec plus de sérieux. Loin de moi, loin de Jack et du FBI. Disparais, longtemps, et ne reviens jamais. Mais ne meurs pas en chemin. »
Un sourire amusé étire les lèvres d'Hannibal qui le saisit par le col de sa veste avant de lui offrir un autre baiser au goût d'au revoir. Will se fait violence pour ne pas le retenir, pour ne pas le serrer à nouveau dans ses bras, pour ne pas l'étreindre jusqu'à ce que sa soif s'éteigne. C'est à regret qu'il lui tourne le dos, effaçant son bref instant de faiblesse. Il ferme les yeux et entend les bruits de pas derrière lui alors que son imagination écrit un autre scénario. Bientôt le soleil se lèvera et Lecter sera un fantôme perdu dans le vaste monde.
Chapter 64: Par un sourire
Notes:
Univers : UA moitié saison 2.
Rating : Entre K+ et T.
Chapter Text
Frederick avait toujours cru que son sourire ravageur pouvait lui ouvrir toutes les portes, il lui suffisait d'étirer les lèvres en essayant de ne pas montrer qu'il se moquait ouvertement de tous ceux qu'il rencontrait. Si cela avait été suffisant pendant ses études de médecine puis lors de son entrée comme directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore, il s'était rapidement rendu compte qu'il était tout à fait désarmé face à Graham et Lecter – le premier parce qu'il n'aimait pas être vu comme un cas intéressant à étudier et le second car il dégageait un charisme qui paralysait quiconque s'approchait de lui. Le Dr Chilton avait dû revoir ses habitudes et se construire d'autres plans pour briller, conscient qu'Hannibal l'ornait de son ombre aux dents trop pointues, presque animales.
Il avait perdu son sourire entre les mains chirurgicales de Gideon mais avait su le retrouver en considérant qu'il avait au moins eu la chance de s'en sortir alors qu'il aurait pu mourir comme tous les autres psychiatres qui s'étaient occupés du cas du chirurgien. S'il ne s'attendait pas à avoir Graham sous les barreaux de son hôpital, il ne pensait pas non plus que l'empathe lui proposerait un tête-à-tête dès sa libération. Frederick avait cru à une mauvaise passe, à une plaisanterie qui s'éterniserait, parce que Will aurait décidé soudainement de lui faire payer tout ce qu'il avait subi en étant accusé à la place du véritable Éventreur. Mais ce n'était pas le cas, le jeune homme était sincère avec lui et semblait apprécier sa présence, qui était une nouveauté pour Chilton qui avait le sentiment de retrouver un peu d'humanité.
Ce n'était donc pas pour rien si Frederick avait choisi de conduire jusqu'à la maison de l'empathe lorsque le corps de Gideon avait été mis dans sa cave. Will l'avait accueilli sans poser de question et lui avait offert une place sur son canapé où le psychiatre avait passé une nuit terrifiante, sans parvenir à dormir car dans l'attente d'un crime à son encontre de la part du tueur en série que chacun savait être Hannibal sans parvenir à le prouver. Il s'était levé avec l'envie de retourner se terrer sous les couvertures, errant quelques minutes entre les différentes pièces d'une maison qui n'était pas la sienne et à laquelle il n'était pas habitué – Will et lui se voyaient le plus souvent à l'hôpital psychiatrique, à discuter de tout et de rien comme des amis qui se rapprochaient mais refusaient de voir qu'ils partageaient des émotions passionnées.
« Est-ce que tout va bien ? souffla le plus jeune en le rejoignant à l'extérieur de la maison. »
La neige n'avait cessé de tomber depuis la veille, le froid s'infiltrait sous leurs vêtements, rendu plus glacial en raison d'un vent qui ne faiblissait pas. Frederick frissonnait mais ce frais lui permettait de se remettre un peu plus les idées en place. Il remarqua la tenue plus légère du consultant du FBI – un simple tee-shirt et un short de nuit – et haussa un sourcil, surpris de le découvrir dehors par ce temps.
« J'ai entendu la porte d'entrée, se justifia le propriétaire des lieux en le détaillant de la tête aux pieds. Tu vas attraper la mort si tu restes là.
— Beau choix de mots, remarqua le psychiatre avec un rictus amusé. Et excuse-moi de te contredire mais tu seras le premier malade.
— Tu ne crains rien ici, souffla Will en posant une main sur son épaule. »
Doucement, comme s'il cherchait à ne pas le brusquer, le plus jeune laissa ses doigts glisser le long du bras du psychiatre avant de saisir sa main dans la sienne, caressant ses phalanges. Frederick fut surpris par le contact, d'autant plus qu'il savait que l'empathe n'en était pas friand, et il releva les yeux vers lui, plongeant dans son regard comme s'il n'existait plus rien d'autre que l'homme à ses côtés. Will serra ses doigts entre les siens avant de lui faire signe de rentrer, ce à quoi Chilton acquiesça, de plus en plus conscient de ce froid qui ne faisait que geler sa peau et claquer ses dents. Ils savourèrent ainsi le retour à une température plus clémente et, dans un geste de gentillesse qui ne lui ressemblait pas, le plus vieux prit l'un des plaids pour en couvrir le consultant et le réchauffer.
« Tu n'es pas obligé de faire ça pour moi, commença Frederick alors qu'ils s'asseyaient sur le canapé.
— Je sais ce que ça fait d'être considéré comme meurtrier lorsque l'on est innocent, lui rappela le plus jeune en tendant le plaid vers lui pour l'inviter à le rejoindre. »
Le psychiatre eut une seconde d'hésitation avant de se glisser contre Will, refermant la couverture autour de leurs corps. Avec un peu de maladresse, ils tentèrent de trouver une position plus confortable, l'empathe bougeant ses bras afin de permettre à son invité imprévu de se rapprocher plus encore, l'enlaçant. La tête de Frederick vint se placer contre le torse du consultant, écoutant le rythme un peu précipité de son cœur, sans se souvenir de la dernière fois où il avait été aussi près de quelqu'un. Contre la chaleur de Graham, il avait le sentiment d'être en sécurité, oubliant presque la menace que représentait Hannibal ou le cadavre découpé de Gideon qui avait dû être déjà débarrassé par le FBI.
« Tu pourras rester autant de temps que tu le voudras, murmura Will en laissant distraitement ses doigts se perdre sous le haut de pyjama de Frederick. Je ne suis pas forcément de bonne compagnie mais …
— Tu seras sûrement plus aimable que les prisons du FBI, ironisa le psychiatre avant d'arborer son sourire ravageur. Et pour être honnête, j'apprécie beaucoup ta compagnie.
— Peut-être aurais-tu besoin d'un psychiatre, ce n'est que folie de s'attacher à moi.
— Tu m'ouvres ta porte alors que je suis poursuivi par le FBI et par Lecter, je crois que tu as besoin d'un psy, et je ne parle pas d'Hannibal. »
Il allait ajouter une autre touche d'humour mais il fut vaincu par son manque de sommeil, sombrant dans les bras de Will.
Chapter 65: Idolâtrer
Notes:
Univers : UA saison 1. Fin abrupte.
Rating : K+.
Chapter Text
Rien ne semblait pouvoir échapper au regard affuté de Will lorsqu'il était question des personnes avec qui il travaillait. Il avait depuis longtemps compris que Crawford manipulait les gens avec assez de discrétion pour leur faire croire que leurs décisions venaient d'eux-mêmes. Il lisait dans les yeux d'Alana qu'elle hésitait entre le séduire ou le considérer comme un cas très intéressant pour des études de psychiatries. Il voyait à quel point Lecter était bien plus que ce docteur aimable qui feignait parfois la timidité. Il décelait aussi un intense désir dans les expressions de Chilton qui ne parvenait pas à dissimuler tout ce qu'il éprouvait en sa présence. Il reconnaissait la curiosité de Katz, mêlée à un peu de distanciation à laquelle il était habitué. Puis il y avait Zeller et Price qui paraissaient détendus sans vraiment l'être lorsqu'il se tenait à leurs côtés dans la morgue du FBI.
À force de les voir s'échanger des remarques, terminer les phrases l'un de l'autre, se regarder comme s'ils étaient seuls au monde, l'empathe avait deviné que leur amitié cachait une autre réalité qu'eux-mêmes ne semblaient pas remarquer. Will ne comptait plus le nombre de fois où il avait observé le comportement des deux hommes, notant que Zeller idolâtrait Price à chacune de leurs enquêtes. Il en avait été amusé les premiers jours, guettant mentalement les changements qui se produisaient autour de lui, détaillant la moindre interaction en se demandant s'ils finiraient ou non par enfin se rendre compte qu'il était temps pour eux de franchir cette limite qui les séparait d'une relation amoureuse. Il n'avait pas vu d'hommes plus aveugles à leurs sentiments que ces deux-là, ils travaillaient presque main dans la main, se souriaient avec une tendresse si caractéristique, se souciaient beaucoup l'un de l'autre, mais considéraient qu'ils étaient les meilleurs amis que le FBI eût connus.
Avec l'affaire de l'Éventreur de Chesapeake qui prenait une ampleur déplaisante et creusait des sentiers obscurs devant chaque personne, Will avait dû se concentrer sur les meurtres, les minuscules traces laissées par leur criminel et la tension permanente qui flânait dans l'air. Price et Zeller s'étaient peu à peu rapprochés, de manière très subtile, tandis que l'empathe sombrait dans ses terreurs nocturnes, transporté par des cauchemars qui le laissaient pantelant à ses réveils, lui donnant l'impression d'être à deux doigts de se noyer dans ce monde qui s'enténébrait d'heure en heure. Là où les deux scientifiques trouvaient du réconfort dans la présence de l'autre, le consultant du FBI avait délié les attaches qui le retenaient à tous ces individus qui tentaient d'entrer dans sa tête. Il avait arrêté ses consultations avec Lecter, avait mis fin à l'amitié précaire qui le liait à Alana et avait voulu s'assurer un garde-fou en trouvant un autre thérapeute. Crawford lui avait passé un savon lorsqu'il avait appris que son élément le plus symbolique avait poussé la porte du cabinet de Chilton.
Will n'avait pas eu une bonne opinion de Frederick lors de leur première rencontre à cause de cette avidité presque malsaine qu'il avait lue dans les yeux verts du psychiatre. Puis petit à petit, il avait remarqué que derrière l'expression du thérapeute vivait une certaine timidité qui résonnait avec la sienne. Chilton avait paru surpris de le découvrir sur le pas de son bureau, un beau matin, mais ils avaient ensuite convenu de se fixer des rendez-vous pour les consultations de Will avant de se retrouver chez l'un ou chez l'autre pour des dîners ou des discussions qui les mettaient à l'aise.
Tandis que sa propre relation avançait avec Frederick, le consultant avait constaté avec un sourire qu'entre Zeller et Price, un nouveau pas avait été fait. Puis encore une fois, tout avait basculé dans le chaos dès l'instant où le FBI avait subi l'attaque d'un tueur fou qui avait pénétré dans les locaux du Bureau fédéral d'investigation afin de faire le plus de victimes possibles.
Will en était secoué, les secours allaient et venaient dans les couloirs en passant d'un endroit à l'autre pour s'assurer que tout avait été inspecté dans les moindres détails. Plusieurs cadavres jonchaient encore le sol, dont certains familiers qu'il aurait préféré ne jamais voir dans cette position. Dans la morgue, les sanglots de Zeller perçaient le silence, signe indubitable de la catastrophe qui avait ravagé la pièce blanche et ôté la vie à l'un des deux scientifiques.
Chapter 66: Demande posthume
Notes:
Univers : UA saison 2 plus ou moins.
Rating : K+.
Chapter Text
Frederick reste un long moment derrière la double porte, incapable d'aller plus loin, comme si son cerveau et son corps venaient de se déconnecter l'un et l'autre. Sa main est posée sur la clenche, ses doigts sentent le froid qui passe dans le métal, mais il n'esquisse aucun geste, pris d'une nausée qui lui hurle de s'enfuir. Une voix bourrue lui indique qu'il n'est plus seul et il recule en baissant les yeux, pour ne croiser aucun regard, laissant la silhouette imposante et familière de Crawford se glisser de l'autre côté, sans échanger une parole. La porte se referme derrière le chef de la section des profilers, produisant un petit bruit qui semble se répercuter contre les murs et dans le crâne du psychiatre.
Il ne sait plus vraiment ce qu'il fait là, il a le sentiment de ne pas être à sa place, lui que tout le monde méprise en raison de son caractère difficile à supporter et de son air hautain. Il mérite tous ces murmures à son sujet, toutes ces accusations à son encontre, tous ces coups d'œil dégoûtés qui glissent sur lui comme autant de gouttes de pluie venues le noyer sous sa propre culpabilité. Sa gorge est nouée d'avoir trop pleuré, son corps tremble encore, il n'est qu'une loque vivante qui pourrait s'écrouler au moindre coup de vent.
« Chilton, aboie Crawford en surgissant à nouveau dans son champ de vision. Vous pouvez venir. »
Le ton s'est imperceptiblement adouci, surprenant Frederick qui le remercie d'une voix crispée. Il prend une grande inspiration avant de pousser la porte, assailli par le courant d'air frais qui se dégage de la pièce, et par la vue douloureuse d'un corps étendu sur une surface bien trop dure. Price et Zeller sont de l'autre côté du lit mortuaire, ils l'accueillent avec un sourire hésitant et lui font signe de s'avancer. Le psychiatre déglutit puis esquisse un dernier pas, affrontant ce qu'il redoute depuis qu'il s'est levé. Il commence par regarder le drap, s'attardant sur les plis, avant de remonter vers le visage livide qui n'exprimera plus d'émotion, figé à jamais dans une expression de souffrance qui lui coupe la respiration. L'une de ses mains se tend vers le front froid mais il se ravise, retenant un sanglot.
Will Graham est mort en service, pour le compte de Crawford. Ils avaient enfin mis la main sur des preuves solides afin d'incriminer Hannibal mais la situation a très mal tourné, donnant l'avantage à l'Éventreur de Chesapeake qui a décidé qu'éliminer son adversaire serait sa meilleure porte de sortie. Frederick a voulu empêcher l'empathe de se rendre chez son collègue, il l'a supplié de laisser l'affaire à quelqu'un d'autre, mais Will est resté borné jusqu'au bout. Il se sent coupable de ne pas avoir su le retenir, il a l'impression d'avoir son sang sur les mains, conscient qu'il était devenu la personne la plus proche de lui. Si leur relation n'était pas une évidence, elle s'est construite peu à peu, avec des rendez-vous et des sentiments, avec des rires et des baisers, des rapprochements et des promesses.
Frederick plonge la main dans la poche de son manteau, ressortant une fine alliance en or blanc. Il aurait dû s'y prendre plutôt au lieu de repousser cet instinct, bien trop incertain sur un amour qui était pourtant des plus solides. Il se penche légèrement et saisit la main glacée de Will, caressant délicatement ses phalanges comme s'il risquait de les briser.
« Veux-tu m'épouser ? murmure-t-il d'un ton rempli de tristesse. Will, je … je t'aimais. »
Sa phrase se termine dans un sanglot alors qu'il dépose l'anneau sur le drap blanc, ses larmes brouillant sa vision déjà embrumée. Il entend à peine les condoléances de Zeller et Price, il s'échappe de la morgue avec précipitation, bousculant Crawford qui attendait encore derrière la porte, sans s'excuser. Il quitte les locaux au pas de course, trébuchant dans les escaliers qui mènent vers l'extérieur, tombant au sol. Il ne se relève pas, secoué par ses pleurs, maudissant Lecter de lui avoir pris celui qui avait redonné des couleurs à son existence. Recroquevillé contre le bitume, Frederick voudrait disparaître à son tour et devenir ce souvenir que Will est déjà.
Chapter 67: La belle au bois dormant
Notes:
Univers : Saison 1/2 plus ou moins.
Rating : K+.
Chapter Text
Éveillée. Endormie. Nauséeuse. Perdue dans un autre monde.
Elle oublie son nom la première fois qu'elle reprend conscience dans un endroit qu'elle ne connaît pas. Son dernier souvenir est un peu vague, elle entrevoit l'éclat d'une lame argentée dans son champ de vision, sans savoir exactement à quoi elle peut servir. Puis après, il n'y a que le noir, si sombre, rempli de ténèbres qui glissent sur sa peau.
La fois suivante, elle remarque une sensation qu'elle n'avait pas aperçue avant, un élancement un peu particulier qui secoue le côté de sa tête sans lui faire de mal. Elle passe ses doigts sur l'endroit et découvre avec stupéfaction, puis avec horreur, que son oreille a été coupée. Un nom surgit dans son esprit, aussi tranchant que le couteau qui lui a ôté une partie de sa chair. Hannibal Lecter.
Le néant. L'oubli, encore. Les perfusions qui sont liées à son bras. Le liquide qui coule dans ses veines et la maintient dans un état de dépendance qui lui est inconnu.
Abigail ignore si elle est dans un rêve ou dans la réalité. Elle entend des sons discordants, elle voit des couleurs qui se chevauchent. Parfois, elle croit apercevoir Hannibal dans l'encadrement de la porte mais la seconde suivante, il n'y a qu'elle et sa solitude, elle et ce cathéter posé sur sa peau, elle et l'écho lointain d'une voix aux accents lituaniens.
Dormir. Se plonger dans le passé. Entrevoir la lumière.
Elle découvre la chambre dans laquelle elle repose, cet endroit si inconnu qui est différent de la maison dans laquelle elle a grandi. Elle devine que la décoration plutôt sobre vient du psychiatre, de même que les livres qui s'alignent sur l'étagère de la grande bibliothèque qui occupe un pan de mur complet. Elle n'est pas encore en mesure de se lever pour inspecter le reste de la demeure mais elle se doute que tout doit être bien tenu, comme souvent avec Lecter.
Liberté. Ailes ouvertes au vent. Souffle d'air glacé qui l'effleure.
Jamais il ne lui vient à l'idée de quitter les murs de ce repaire dans lequel Hannibal l'a enfermée. Elle déambule dans les pièces avec un livre à la main, sans vraiment le lire. Elle voit passer les saisons, observe le changement des feuilles des arbres, se perd dans la contemplation d'un lieu qui devient peu à peu un tombeau pour elle. Elle n'en sort pas, n'en éprouve pas l'envie, et se plonge dans sa coquille.
Certains jours, elle fixe le miroir de la salle de bain, penche un peu la tête et capte le regard que son reflet lui renvoie. L'Abigail qui lui fait face esquisse un rictus des plus cruels, puis un murmure venu d'ailleurs enfle autour d'elles.
« Tu mérites ce que tu subis, Abigail, persifle la voix féminine qu'elle reconnaît comme étant la sienne.
— C'est faux, répond la prisonnière en tentant d'oublier ce nœud qui se forme dans son estomac et qui lui donne envie de vomir. Je … je n'ai pas demandé à être enfermée ici.
— Oh, je t'en prie, cesse de te mentir. Tu as été l'appât de ton père, tu as entraîné des filles de ton âge à la mort, tu as tué un homme. Que te faut-il de plus pour comprendre que le purgatoire t'attend, si ce n'est l'Enfer ? Tu n'essayes pas de sortir d'ici parce que tu sais bien qu'il n'y a pas d'échappatoire pour toi, pas de lieu où trouver le repos. »
Un sanglot secoue Abigail alors qu'elle s'effondre sur le sol glacé de la salle de bain, serrant ses mains contre son torse. Elle se souvient des crimes de son père, des photographies des victimes étalées à la une des journaux, de ce surnom qui a été donné. La pie grièche du Minnesota. Elle est complice des meurtres de son paternel, elle est complice de tous ces corps disparus à jamais, elle est complice des tueries de Lecter car elle a compris qui il est et ce qu'il a fait.
Plaquée contre la paroi de la baignoire, la jeune fille se noie dans les pires morceaux de sa courte existence. Personne ne pourra la ramener hors de l'eau, elle est déjà à la dérive et suit le mouvement de la folie d'un psychiatre que nul ne saura arrêter.
Chapter 68: Sinistre
Notes:
Note : OS écrit dans le cadre de la nuit du FOF de février sur le thème "Sinistre".
Univers : UA saison 3.
Rating : K+.
Chapter Text
Le manoir des Lecter s'offre au regard de Will, bien plus grand qu'il ne l'aurait cru mais aussi dans un état de décrépitude qui l'étonne. Il s'attendait à trouver l'endroit entretenu, ce qu'il se reproche immédiatement ; malgré les moyens financiers dont dispose Hannibal, il n'a sûrement pas le temps d'aller et venir continuellement entre la terre de son enfance et Baltimore – sans compter que désormais, le moindre pas dans ces lieux viendrait à le mettre en danger alors que les autorités le recherchent pour meurtres et tentatives de meurtres. L'empathe ignore depuis combien de temps l'Éventreur de Chesapeake n'a pas mis les pieds dans la demeure de sa famille, il tente d'entrer dans la tête d'un Hannibal enfant, en train de courir dans la propriété avant de se faire réprimander gentiment par une mère aimante.
Avec la gorge nouée, Will franchit le lourd portail qui proteste un long moment avant d'enfin s'ouvrir en grinçant. Le jeune homme traverse les jardins où les roses ont laissé la place à des ronces, où les arbres sont si chargés qu'ils ploient sous le poids de leur feuillage. Il pourrait presque entendre le souffle d'un vent invisible entre les branches, comme un murmure glacé qui serait là pour l'accueillir. Il frissonne un instant avant de reprendre sa marche, se moquant de sa propre peur. Puisque l'endroit est à l'abandon, il n'a rien à redouter de la part de Lecter, bien qu'il soit tendu par la possibilité infime de rencontrer des rôdeurs dans la vieille bâtisse.
Il lui faut toute la journée pour faire le tour des différentes pièces et constater, avec un brin de chagrin, que les lieux portent encore les traces de ses derniers occupants. Will perçoit presque les éclats de rire de la famille d'Hannibal, les jeux des deux enfants, les regards doux des parents ; plus d'une vie ont été détruites. Il termine sa visite par la bibliothèque où s'alignent des étagères recouvertes de livres variés. L'empathe reconnaît là l'amour de la culture et de l'art du cannibale, il comprend désormais d'où cela lui vient. Du bout des doigts, il effleure les tranches des ouvrages, avant d'en saisir un au hasard, rédigé dans une langue qu'il ne parle pas. Il est en train de reposer le livre à sa place lorsqu'il croit entendre du bruit derrière lui, le poussant à se retourner pour détailler la silhouette qui s'avance vers lui.
Grâce aux réflexes accumulés pendant ses années passées à traquer les pires criminels, il ne crie pas. Pourtant, il sent son cœur battre la chamade, et il recule d'un pas en regrettant d'avoir laissé son arme de service dans son véhicule, à l'entrée de la propriété. Il songe ensuite avec ironie que ses balles n'auraient sans doute aucun effet sur la mystérieuse apparition qui le dévisage en silence. Will constate qu'il ne s'agit que d'une enfant, une fillette nébuleuse au regard triste qui ne cherche pas à l'effrayer ou à l'attaquer.
« Mischa, murmure-t-il en comprenant enfin.
— Will, répond-elle. »
Il est surpris de voir qu'elle connaît son nom alors qu'elle est morte depuis bien longtemps – et il pense avec angoisse au côté sinistre de cette rencontre : lui, le consultant du FBI, face au fantôme de la petite sœur de l'Éventreur de Chesapeake.
« Hannibal ne parle que de toi, annonce-t-elle avec au fond de la voix ce qui ressemble à un trait de reproche. Il m'a dit que tu es son ami. »
Will reste muet un long moment, il ne sait pas ce qu'il pourrait répondre à cette fillette, son esprit peine à s'adapter à cette situation des plus étranges.
« Pourquoi tu es ici ? demande Mischa avant de pencher légèrement la tête. Hannibal est tout seul.
— Tu sais où il est ? ne peut-il s'empêcher de dire. J'ai besoin … »
J'ai besoin de lui. Les mots ne franchissent pas ses lèvres mais la fillette paraît le comprendre car elle hoche la tête et se dirige d'un pas léger vers le globe terrestre qui orne l'unique bureau de la bibliothèque. Elle lui montre un pays tout en déclarant que son frère fait beaucoup de cauchemars depuis qu'il est parti là-bas. Will en est étonné, il a cru qu'Hannibal tournerait facilement la page de sa vie passée dans le Maryland, qu'il s'habituerait à un nouveau décor, lui qui a tant de masques à porter. Mais le jeune homme a laissé une part de lui sur le cannibale, comme une empreinte qui a altéré son âme. Les deux faces d'une même pièce.
« Il ne doit pas être tout seul, Will, ajoute ensuite Mischa. Lui, il peut encore vivre. »
Il y a tant de maturité dans le regard de la fillette que l'empathe en est troublé. Il lui promet de rejoindre Hannibal au plus vite et, alors que ses paroles résonnent dans l'espace feutré de la bibliothèque, il devine que son chemin n'est plus celui qu'il s'est tracé. Il est venu là pour obtenir des informations sur l'Éventreur avant de lui porter le coup fatal mais ce n'est plus cet avenir qu'il espère pour lui. Will compte bien sauver son psychiatre – son ami, son ennemi, celui qu'il aime – et ne rien révéler à Jack Crawford ni aux autres figures de l'autorité à laquelle il a été soumis trop souvent. Hannibal Lecter ne finira pas en prison ou entre les mains de la mort, pas dans l'immédiat.
Quand il veut remercier Mischa, la jeune fille a disparu. Il se demande un instant s'il n'aurait pas rêvé tout cela, fatigué qu'il est par le voyage et le décalage horaire, mais l'empreinte fantomatique laissée sur le globe terrestre lui confirme que rien n'est né de son imagination. Il repart sur ses pas, quitte le manoir et franchit enfin les limites de la propriété, accompagné par le rire joyeux d'une fillette et le troublant sentiment que son futur sera bouleversé. Aussitôt, il allume le moteur de sa voiture et s'empare de son téléphone portable où il rentre sa prochaine destination.
Florence, en Italie, verra bientôt s'illuminer le Duomo sous le feu ardent de la passion de deux amants.
Chapter 69: Une nouvelle vie
Notes:
Univers : UA saison 2.
Texte écrit pendant un atelier de la Bibliothèque de fictions, sur des contraintes données par Almayen ♥
Chapter Text
Autour de son annulaire, la bague est absente, mais la sensation demeure, fantôme et bienvenue. Will ne dit rien, il avance dans la pièce, comme à l’accoutumée, sans croiser les regards de ses collègues, son attention se focalisant immédiatement sur le corps qui repose là, entre Price et Zeller. Le consultant du FBI les salue à peine, il touche inconsciemment l’endroit où devrait être son alliance, esquissant un sourire ironique en se rappelant que, malgré les qualités de Crawford, ce dernier n’a toujours rien remarqué. Pourtant, s’il prenait le temps de fouiller un peu ou de se renseigner, il apprendrait que l’empathe est désormais marié, et pas à n’importe qui. Will Graham-Lecter, voilà comment il se nomme, et il savoure la douceur de ce nouveau nom ainsi que tout ce qui va avec.
« Qu’avons-nous ? s’enquiert-il sur un ton professionnel. »
Commence alors l’habituel match entre Price et Zeller pour savoir lequel des deux prendra le dessus sur l’autre. Price assure que la victime n’est pas la première du tueur alors que Zeller conteste son point de vue. Will observe les blessures de loin puis il met des gants afin de soulever le bras du cadavre, découvrant des cicatrices sans doute datées du passé de la victime.
« Elle n’est pas la seule à avoir ce genre de marque, l’informe Price en lui montrant l’ordinateur qui tourne en fond dans la pièce. Trois autres femmes ont été retrouvées assassinées et elles avaient aussi de vieilles blessures.
— Est-ce qu’elles vivaient au même endroit ? demande Will en reposant le bras. Un orphelinat ? Une maison d’accueil ?
— Non, pas que l’on sache, répond Zeller. Le seul point commun est leur dossier médical : elles ont toutes été admises aux urgences pour des ennuis dans leur enfance.
— Notre coupable travaille à l’hôpital. »
Il est certain de ce qu’il affirme, le dessein du criminel se trace un chemin dans son esprit, aussi clair que s’il était là avec lui. Il déclare alors à ses collègues de dire à Jack qu’il ferait mieux de compiler les casiers judiciaires de tous les médecins urgentistes et de voir si ces femmes ont toutes été en contact ou non avec la même personne.
« Mais les modes opératoires sont différents, proteste Zeller.
— Brian, le reprend Price avec un regard appuyé.
— Quoi ? J’ai raison, la première a été étranglée, la seconde a eu son estomac perforé et la troisième s’est pris un coup à la tempe. Ce n’est pas possible que …
— Il n’y a qu’un seul coupable, l’interrompt Will en remontant ses lunettes. Il essaye de brouiller les pistes en changeant de modus operandi à chaque fois mais le passif de ces femmes montrera qu’elles étaient les mêmes. Il est possible que l’assassin soit un homme qui ne supporte pas la vue des femmes blessées parce que sa mère était dans le même cas et qu’il considère que ce sont des faibles. »
Il frotte une fois encore l’endroit où son alliance est présente lorsqu’il ne travaille pas. Il répète ce qu’il vient de dire afin que les deux scientifiques en fassent part à Crawford puis il quitte les lieux aussi vite qu’il est arrivé, sachant que Price et Zeller ne s’en formaliseront pas, habitués qu’ils sont à ses allées et venues. Will jette un coup d’œil au bâtiment une fois qu’il est dehors, sentant poindre une étrange mélancolie. Il n’a pas dit à Jack qu’il comptait mettre un terme à son travail de consultant pour s’évader dans la nature avec Hannibal, il préfère s’en aller sans un mot, comme un nuage balayé par le vent.
Alors qu’il marche dans le parking, des feux éclairent les alentours puis une voiture s’arrête à côté de lui. La vitre du côté passager s’abaisse, révélant un visage avenant, des yeux havane, et un sourire où pointent quelques dents proéminentes. Le cœur de Will s’emballe, ses propres lèvres s’étirent et il s’accoude à la vitre, feignant un air ennuyé.
« Vous voulez quelque chose, Dr Lecter ?
— Je viens récupérer mon mari, vous l’avez vu ? »
Mari. Will aime ce mot, il lui convient et résume à la perfection les sentiments qu’il a développés pour le psychiatre. Il se glisse sur le siège passager puis se penche vers le cannibale, déposant sur sa bouche un baiser rempli de passion et de tendresse. Hannibal y répond, effleure du bout des doigts la nuque de son compagnon puis recule un peu, dardant sur lui une expression pleine d’émotions embrasées. Il est surprenant pour l’un et l’autre de songer au fait que, quelques mois plus tôt, ils en étaient presque à s’entretuer. Will a quitté l’hôpital psychiatrique pour criminels aliénés avec l’envie de se débarrasser de l’Éventreur mais, une fois chez lui, son cœur a parlé à la place de sa raison.
Au lieu de pointer son arme sur Hannibal et de faire feu, Will a plongé dans son regard et a découvert dans les pupilles du psychiatre un reflet de ce qu’il est vraiment. Ce premier soir a jeté la première pierre des fondations de leur relation, ils ont cédé à l’appel des corps, ont caressé les chairs, ont rempli la chambre de bruits évocateurs et se sont aimés jusqu’à tomber de fatigue. Au petit matin, la décision de l’empathe était prise et il a accepté la noirceur de son âme. Il a fallu deux mois de plus pour qu’Hannibal le demande en mariage, comme si tout était naturel entre eux, et il n’a pas hésité avant de dire oui.
« Toi et moi … c’est pour toujours, souffle Will en se penchant pour un nouveau baiser. »
Pour toujours, à jamais, loin du FBI, de Quantico, de la Virginie. Ils vont s’établir ailleurs, non seulement pour s’offrir une vie à deux où Will n’aura pas à entrer dans la tête des criminels, mais aussi pour avoir un ticket de survie pour le jour où Crawford et ses troupes comprendront que, depuis le début, le consultant avait raison. La voiture se remet en route, pour un voyage qui ne les emmènera ni à Wolf Trap, ni à Baltimore, mais bien vers ce futur qu’ils ont tant recherché et qu’ils trouvent enfin. Will reprend son alliance, l’enfile, et observe les mouvements de son mari tandis qu’il conduit.
Bientôt, le véhicule s’enfonce dans la circulation puis elle disparaît des radars, emportant avec elle les cœurs passionnés des deux amants.
Chapter 70: Un monstre dans la nuit
Notes:
Univers : UA.
Chapter Text
Will ne sait plus à quel moment il a commencé à avoir des doutes sur la nature d'Hannibal. Peut-être dès leur rencontre, ou peut-être à l'instant où le psychiatre est venu le voir chez lui, lorsqu'il lui a demandé s'il pouvait entrer. Il n'a jamais cru à ces légendes d'un autre temps, parées de créatures effrayantes aux traits humains, ces échos des peurs les plus profondes de chacun, ces esquisses d'un passé où il était bien plus difficile de discerner la vérité, où la magie et le surnaturel paraissaient être les seuls mots acceptables. S'il est capable de se mettre à la place des pires criminels, grâce à son empathie, il considère cependant qu'il n'est pas encore assez fou pour donner foi à ces histoires. Et pourtant, il lui a suffi de quelques semaines pour que son point de vue évolue sur ce sujet.
Zeller et Price sont penchés sur le corps, à la morgue. La peau noire de la victime ressort sur le blanc de la pièce, des blouses, du drap, comme un encrier renversé là. Will remarque assez vite que le teint est bien plus pâle qu'il ne devrait l'être, il aperçoit quelques détails qui agitent dans son esprit une clochette invisible et qui lui imposent un visage qu'il repousse d'un clignement de paupières. Les deux scientifiques l'accueillent d'un air lointain avant de reprendre leur inspection, marmonnant que c'est la première fois qu'ils ont un tel cadavre entre les mains.
« Qu'avez-vous ? demande Will en se tenant dans l'encadrement de la porte.
— Cette femme a été plus ou moins vidée de son sang, répond Price avec une expression qui oscille entre étonnement et dégoût. »
Le consultant sent les battements de son cœur s'accélérer, une scène se joue dans sa tête, familière, habituelle. Il songe au cabinet de Lecter, à ses fauteuils l'un en face de l'autre, à cette ambiance feutrée, et à ce flacon, posé sur l'une des tables en verre, bien en évidence. Will n'a eu de cesse de se dire qu'il ne s'agissait que de vin puisque le psychiatre en raffole pour accompagner ses mets. Mais à ce moment précis, il comprend que le liquide est d'une autre nature.
« Il a bu son sang, murmure l'empathe sans se préoccuper des coups d'œil des deux autres hommes. Il l'a vue comme une réserve personnelle, il l'a mise en bouteille pour son propre plaisir gustatif. »
Les gestes se jouent dans son esprit, le flacon qui s'incline et déverse son contenu dans un verre. Les lèvres d'Hannibal qui se posent sur le rebord tandis que son nez en hume le liquide avec délectation. Le sang qui coule enfin dans la gorge pour en tapisser les parois avant de faire son œuvre dans l'ensemble de son corps, alimentant son organisme. Will se souvient de cette lueur animale dans les yeux du psychiatre, de ce sourire amusé, de ce clin d'œil complice.
« C'est un vampire, annonce le consultant.
— Il se prend pour un vampire, corrige Zeller avec un haussement de sourcils significatif. Je sais qu'Halloween approche mais … »
Le scientifique se tait en avisant le regard plus que sérieux de Will. Cette révélation tire un frisson à l'empathe, sans qu'il ne parvienne à définir si c'est de l'angoisse ou de la curiosité. Hannibal Lecter est un vampire, un vrai, et personne ne va le croire.
« Graham ? tente Price avec un brin d'inquiétude. »
Will devine qu'il a dû parler tout haut en avisant les expressions gênées de ses collègues. Il s'excuse avec un sourire qui ne remonte pas à ses yeux, arguant qu'il est simplement fatigué. Il salue ensuite les deux scientifiques en leur promettant de revenir le lendemain, quittant la morgue et les locaux du FBI. Une migraine fulgurante vient le saisir à l'instant où il s'éloigne du parking, délaissant sa voiture pour marcher un peu et s'aérer. Tout s'embrouille dans son esprit, il ne peut s'empêcher de penser à Lecter et à cette révélation qui trotte dans sa tête.
Un vampire. Hannibal est un vampire. Pas de ceux qui brûlent au soleil et fuient tous les humains, mais plutôt de ceux qui arpentent le monde avec un sourire mesquin aux lèvres. Will se rend compte que cette découverte, bien qu'elle soit surprenante, ne le terrorise pas autant que cela le devrait. La relation qu'il entretient avec Hannibal n'a jamais été à l'image de celle qu'il a avec les autres, il y a beaucoup d'ambiguïté, de non-dits, d'éléments qui tanguent entre eux, noyés sous un déluge d'émotions refoulées.
Il ne remarque pas immédiatement qu'il a franchi depuis longtemps l'enceinte du FBI, ni qu'il s'est aventuré dans une ruelle bien trop sombre. Will ne craint rien, il a eu l'autorisation de porter une arme depuis qu'il a été rappelé à la rescousse par Crawford mais il reste sur ses gardes. Savoir qu'Hannibal est un monstre, c'est un fait acquis, mais il y a le risque que d'autres créatures se promènent. Il avance en cherchant son téléphone, pour trouver un filet de lumière, surpris que les lampadaires ne soient pas fonctionnels. Il active la lampe-torche de son portable, juste à temps pour voir passer devant lui une silhouette à l'affut.
Comme si un coup de vent venait l'interrompre, son téléphone tombe au sol, s'éteint, et un bruit d'écran brisé retentit. Will se retourne mais n'aperçoit plus rien, sa vision n'a pas le temps de s'adapter à l'obscurité que quelqu'un le saisit par son manteau et le cogne contre le mur le plus proche. Un hoquet s'échappe de la gorge de l'empathe, il brandit une main en avant pour attraper son agresseur mais ses doigts ne rencontrent que du vide. Son assaillant revient à la charge, le soulève du sol, incline sa tête vers le côté, pour atteindre sa gorge. Will comprend tout de suite ce que cette personne a à l'esprit, il pourrait en rire s'il n'était pas sa prochaine victime.
Je vais mourir, songe-t-il. Je vais mourir parce qu'un vampire aura bu mon sang.
Un cri retentit à quelques pas de lui, un grognement qui se termine dans un étranglement. Ses pieds touchent à nouveau le sol, il longe le mur sans savoir où il va, se guidant du bout des doigts pour en percevoir la solidité sous ses paumes. Will n'essaye pas de saisir l'étrangeté de la situation, il s'éloigne, un peu maladroit, et sursaute lorsqu'une main serre son épaule et le tire vers l'arrière.
« Bonsoir Will, susurre une voix familière à son oreille. Vous n'avez plus rien à craindre. »
Dans l'obscurité de la ruelle, dans les ombres de la nuit, dans les ténèbres qui environnent toujours ce maudit psychiatre, Will cède à sa propre noirceur en fermant les yeux et en acceptant la douce morsure qui se perd sur sa chair.
Chapter 71: Velouté
Notes:
Drabble écrit dans le cadre des ateliers drabbles de La Fabrique à Plumes
Chapter Text
Douce saveur qui glisse sur la langue rosée, tapisse le palais, frotte les dents blanches, dévale la pente vers un chemin obscur. Jamais sauce n'a été plus délicate, satinée, veloutée, drapée dans les plus belles étoffes. Un écrin de soie pour une viande des plus bavardes, imposant le silence d'une cuisson raffinée afin de contrer un babil impétueux.
Une gourmandise cannibale ourle les lèvres rougies, pétille dans les yeux couleur havane, résonne au creux d'un estomac affamé. Taquine, la bouche quémande une autre part, s'en délecte, à la recherche de tous les ingrédients.
Ce chef d'œuvre gustatif est une perfection.
Chapter 72: L'esprit de l'hiver
Notes:
UA saison 2 plus ou moins.
Rating M pour la présence du sang.
Chapter Text
À peine les portes sont-elles ouvertes que les chiens se précipitent dans la neige, leur queue battant la mesure de leur joie. Will les observe se rouler dans la couche blanche, se poursuivre en jappant avec bonheur, s'éloigner vers les arbres dont les branches, dénudées, laissent passer le froid. Déjà l'hiver a amené ses parures sur Wolf Trap, recouvrant les alentours de blancs flocons, givrant les fenêtres et rafraîchissant l'air ambiant. Dans quelques jours, Noël et ses festivités seront là pour apaiser les cœurs et rallumer les flammes dans les foyers anxieux. Il est facile d'oublier, l'espace d'un instant de paix, qu'un monstre cannibale rôde dans les environs, tueur sans visage que la presse a surnommé l'Éventreur de Chesapeake ; il est ironique de constater qu'il n'a aucune identité aux yeux des autorités tout en ayant revêtu deux noms différents.
Un sifflement rappelle à l'ordre les canidés qui retournent auprès de leur maître. Will les gratifie d'une caresse, aux aguets, l'œil fixé vers l'horizon. Trois jours se sont écoulées depuis qu'il a été libéré de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore, trois jours à guetter les environs en craignant voir apparaître l'ombre d'un tueur, trois jours à ruminer une vengeance contre Hannibal, sans jamais la mettre à exécution. Son cœur est aussi glacé que ce temps infernal, comme si une tempête d'incertitudes et de colère grondait à l'intérieur de sa tête, comme si cet hiver s'était glissé sous sa peau pour ramper dans ses veines et le transformer en une statue de glace. Chaque pensée est froide, tranchante, auréolée d'un gel corrosif, à la manière d'une arme qu'il brandirait pour enfin blesser celui qui n'a de cesse de lui faire du mal depuis qu'ils ont partagé leur première discussion.
L'un des chiens vient se glisser à ses côtés alors que le reste de la meute est déjà rentré. Will effleure distraitement ses oreilles, l'esprit tournant à plein régime, ses yeux dans le vague. Il croit voir les flocons de neige se mélanger pour former des silhouettes cruelles, délirantes, illusoires. Il entrevoit la mort à chaque nouvelle apparition, un mauvais présage qui lui siffle à l'oreille que le malheur n'est pas loin, que l'Éventreur trouvera toujours un moyen d'agir à sa guise. Puis dans les bruits forestiers étouffés par la neige, il lui semble entendre un cri, lointain et familier, un appel à l'aide qui ne devrait pas résonner à Wolf Trap mais qui perce ses réflexions. Mû par une étrange vision, le consultant retourne chez lui, s'empare de son manteau et prend à peine le temps de refermer sa porte avant de se précipiter dans sa voiture.
Conduire est automatique, les gestes se font dans le silence pendant que son esprit s'évade. Il a assez côtoyé Hannibal Lecter pour anticiper certains de ses actes et il a le sentiment, en ce moment précis, de savoir exactement ce que le psychiatre pourrait vouloir faire. Il ne se souvient plus de quelle manière il a pu obtenir l'adresse vers laquelle il se rend, il a sans doute dû l'apercevoir un jour dans les dossiers du FBI. Dans ces rues plus animées que celles où il vit, la neige est aussi présente, mais moins blanche, victime des promeneurs et de la pollution. Ce détail n'échappe pas à l'œil de Will, il songe qu'il serait mieux chez lui, dans la solitude de sa demeure, loin des manipulations d'Hannibal mais un étrange besoin de se rendre utile le pousse à poursuivre sa route – un besoin d'utilité qui se mêle à une violente envie de mettre des bâtons dans les roues du tueur cannibale.
La maison, raison de son voyage, s'élève sur deux étages. Will ne s'arrête pas pour la contempler, son regard accroche immédiatement la porte entrouverte. À l'intérieur, il s'avance dans les pièces, dépassant l'entrée et la cuisine où il affronte face à face un macabre spectacle. Deux hommes, des policiers, ont été tués ; l'un d'eux a le corps hérissé d'objets tranchants tandis que l'autre est éventré. Aucun dégoût ne pare ses traits, il est habitué à l'horreur, et il poursuit son inspection jusqu'au salon vers où s'étend une traînée rougeâtre. Il y découvre, affalé sur un fauteuil, couvert de sang, le propriétaire des lieux ; Frederick Chilton est dans une mauvaise passe et Will l'avait prévu.
« Chilton, réveillez-vous, ordonne l'empathe en secouant énergiquement le psychiatre. »
Ce dernier marmonne quelques mots et ouvre péniblement les yeux. À l'instant où leurs regards se croisent, Chilton fronce les sourcils, se redresse dans son fauteuil et lâche maladroitement un pistolet présent dans l'une de ses mains. Le bruit de l'arme qui heurte le sol semble tirer le directeur de l'hôpital psychiatrique de son état et il déglutit, affolé, avant de quitter son siège et de reculer.
« Lecter, lâche le psychiatre. Lecter est ici !
— Il n'y a personne d'autre, lui assure Will sur un ton calme. Juste vous et moi. »
Et les cadavres de deux hommes exposés dans la cuisine mais Chilton n'a pas encore besoin de le savoir. Will reste cette figure de glace, figé dans son manque d'émotions – ce qui est ironique pour un empathe. Peut-être pourra-t-il aider Chilton à combattre les cruels objectifs d'Hannibal, ou peut-être sera-t-il celui qui précipitera leur chute à tous les trois. Pour l'instant, il s'érige en figure salvatrice, ange de Noël en avance, miracle hivernal qui dépose son froid sur les blessures de l'âme.
Chapter 73: Létal
Notes:
Univers : post Saison 2
Rating : M
Chapter Text
Une balle, une seule, qui traverse un visage et manque de tuer. Une balle tirée par une marionnette, apeurée, manipulée, certaine de faire feu sur la bonne personne.
Un morceau de verre, un seul, qui s'enfonce dans la gorge et tranche les bons vaisseaux. Un morceau de verre tenu par une main experte, vivace, cruelle, une main dont les doigts ont déjà tué encore et encore.
Une jeune fille, une seule, qui pousse cet obstacle devant elle et l'envoie valser dans les bras langoureux d'un ange déchu. Une jeune fille, effrayée, perdue, au regard écarquillé lorsqu'elle voit la silhouette féminine choir dans la nuit.
Un couteau, un seul, qui marque la chair et transperce les organes. Un couteau à la lame efficace laissant derrière lui un sourire défendu, un sourire mélancolique, un sourire amoureux.
À des étages différents, les quatre s'éveillent, avec les stigmates d'une rencontre brutale. À petite dose, Hannibal leur a permis de s'habituer à sa présence, doux poison qui s'est coulé dans leurs veines, qui s'est glissé dans leur quotidien, qui a déversé son fiel au goutte à goutte. Il n'a pas porté le coup fatal, pas encore, pour aucun d'entre eux, parce qu'il les a élevés au rang de Mithridate en les accoutumant à sa substance toxique, ce qui a effacé son effet létal.
Les premières nuits sont les plus difficiles, pour tous. À cause des souvenirs, à cause de la douleur, à cause de la trahison aussi. Parce que l'ennemi n'a pas le visage du démon, il n'est pas l'étranger aperçu au coin d'un couloir, il n'est pas l'inconnu qui lève une arme pour commettre un délit et fuir la réalité quelques minutes plus tard. Non, Hannibal est l'artiste, le créateur, le poète, l'ami, le confident, il est le pire adversaire.
Alana ne peut plus bouger, son corps tout entier est devenu un puzzle qu'il faut reconstituer, ses os en miettes hurlent en elle mais les sons ne franchissent pas sa bouche ; sans doute les médicaments qui tapissent son organisme l'empêchent-ils de réveiller tous les patients de son étage.
Jack a l'impression de voir rouge, sur les murs de sa chambre, sur ses mains, sur les draps, sur tout ce qui passe sous ses yeux. Rouge, comme le vin qu'Hannibal servait dans ses verres hors de prix. Rouge comme la viande juteuse si savoureuse dans les assiettes. Rouge comme son sang qui n'avait cessé de couler sur ses doigts alors qu'il luttait pour rester en vie.
Frederick n'a plus qu'une moitié de champ visuel, amputé de l'autre. Il ne parle pas, il n'a pas encore de prothèse au niveau de sa mâchoire pour retrouver sa mobilité. Dans son esprit, le nom d'Hannibal tourne en boucle, accompagné par les images fugaces des cadavres abandonnés chez lui, autant de pantins destinés à la condamner à une peine qui n'est pas la sienne.
Will préfère se réfugier dans la douceur de l'eau léchant ses chevilles, sa casquette sur la tête, sa canne à pêche dans les mains. Tout plutôt que ce décor désormais trop familier d'une chambre d'hôpital, comme une prison qui se tisserait autour de lui afin de lui montrer qu'il n'a aucun autre avenir que la souffrance.
Ils ne sont encore que des corps allongés sur des lits, aux mains de médecins et d'infirmiers. Mais leurs esprits, eux, sont vifs et esquissent les premiers traits d'une vengeance. Qui fera tomber Hannibal, ils l'ignorent encore. Mais dans leur utopie, l'Éventreur de Chesapeake est enfin à sa place, six pieds sous terre.
Chapter 74: Falaise
Notes:
UA saison 3.
Rating : -12
Chapter Text
Will entend les flots, en contrebas. Il peut imaginer les vagues qui se jettent contre les roches, encore et encore, en érodant la falaise un peu plus chaque jour. En fermant les yeux, il se replonge dans la chute, sa chute – celle qui a fait de lui un ange déchu, éloigné de sa lumière pour tomber dans les ténèbres qu'Hannibal a tissées autour de lui. Sa peau se rappelle le choc contre le courant, la sensation d'étouffement, la douleur de ses membres meurtris et le liquide en train de s'infiltrer dans ses plaies. Il a souffert, physiquement et mentalement, noyé dans un brouillard des plus épais, incapable de penser correctement, piégé dans un univers où rien n'avait de sens.
Un an s'est écoulé depuis qu'Hannibal et lui ont tué le grand Dragon Rouge. Cinquante-deux semaines pendant lesquelles Will a été placé sous surveillance – un peu moins, sans doute, s'il doit compter les quelques jours entre la vie et la mort, avant d'être repéré par une équipe du FBI. Il est passé par tous les statuts, celui de bourreau féroce à celui de victime innocente, prisonnier de ses actes et de ses paroles. Il a fallu plusieurs mois à Crawford pour accepter que plus rien ne serait comme avant, pas seulement parce que l'empathe a tué un homme et a pris plaisir à le faire mais aussi parce que dans cet instant où les deux corps ont basculé dans les eaux au pied de la falaise, le destin funeste de l'un d'eux s'est joué. Cette nuit-là, alors que le sang semblait noir sous la lune, alors que Francis étendait des ailes sombres sous son cadavre, auréolé de légende, un autre souffle s'est éteint. Si Will a survécu à l'impact de la chute et aux tourments qui l'ont suivi avec ténacité, ce n'est pas le cas de l'Éventreur de Chesapeake.
Dans les premiers temps, Will n'a pas su de quelle manière réagir à l'annonce de Jack et des autorités. Il leur a ri au nez – en grimaçant de douleur, avec des côtes brisées et une difficulté certaine à respirer – tout en songeant qu'une fois encore, Hannibal les avait dupés. Mais le corps froid étendu à la morgue, sous les mains gantées de Price et de Zeller, a confirmé que le monstre de Florence ne viendrait plus rôder. Il n'y a pas eu de funérailles avec une cérémonie grandiose, le FBI s'est contenté d'une autopsie avant d'incinérer le cannibale et d'envoyer son urne dans le caveau familial en Lituanie. Will n'est pas retourné en Europe, il a laissé Crawford se charger du sale boulot, d'autant plus que son état ne lui permettait pas encore de sortir très longtemps de sa chambre d'hôpital.
Vivre sans Hannibal est étrange, mêlant tristesse et soulagement. Will a perdu un ami très cher à son cœur tout en se sauvant de ses griffes. Le psychiatre a toutefois eu le temps de poser son empreinte sur lui, de semaines en semaines, en creusant son esprit jusqu'à la lie et en le poussant au bord d'une falaise métaphorique. Cruelle ironie de savoir que tout cela s'est terminé d'une façon plus littérale, comme Holmes et Moriarty. Mais dans leur histoire, il n'y a pas de bon détective, seulement deux assassins, dont l'un est désormais pendu au fil de ses incertitudes, apercevant dans chaque miroir le reflet de l'homme qui l'a conduit à la folie et qui l'a mené vers un dessein sanglant.
Des cailloux roulent sous des semelles, des pas se font entendre dans son dos. La démarche est familière aux oreilles de Will, il s'est habitué à ce rythme lent, accompagné par le bruit d'une canne. L'empathe ouvre les paupières mais ne se retourne pas, il attend qu'une silhouette se dessine à côté de lui, dans un long manteau brun, une écharpe autour du cou.
« Qui aurait pu croire que ce paysage serait le dernier que Lecter verrait de son vivant, remarque Frederick Chilton en se penchant légèrement vers l'avant pour observer un peu mieux le mouvement des flots contre les pierres. »
Will ne réplique rien, il se contente d'un coup d'œil en coin vers l'ancien directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore. Chilton a subi des traumatismes aux mains de Francis, il a eu les lèvres cousues pour le faire taire – elles en portent encore la marque, en de fines cicatrices qui ne disparaîtront jamais – et le Dragon Rouge l'a ensuite enflammé pour le conduire vers la renaissance. Par chance, les plans du criminel ont été repérés à temps et les brûlures ont pu être soignées rapidement ; si elles n'étaient que superficielles, Will peut parier que le psychiatre doit être hanté par la chaleur du feu et l'ombre menaçante de Francis.
« Hannibal se prenait pour Dieu, il a terminé comme Lucifer, murmure l'empathe.
— Son seul enfer est celui qu'il nous a fait subir. »
Il y a un tremblement perceptible dans la voix de Frederick, dévoilant ses faiblesses et ses craintes. Will tend une main vers lui pour saisir la sienne, celle qui ne tient pas sa canne, et entrelacer leurs doigts. Ce simple geste apaise aussitôt le psychiatre qui adresse un remerciement silencieux à l'empathe. Ce dernier a toujours été avare de contact, autant envers sa famille que ses amis, créant une barrière entre lui et le reste du monde. Pourtant, à sa propre surprise, il a découvert qu'il se sent plus calme auprès de Frederick, alors même qu'il n'a eu de cesse de détester le psychiatre pour ses combines peu scrupuleuses et son caractère invivable.
L'affaire Dolarhyde les a rapprochés, peu à peu, tout d'abord à l'hôpital puis au téléphone et enfin autour d'un café. Will est encore confus dans ses sentiments, il sait qu'il éprouve quelque chose de concret pour Frederick mais il redoute de s'attacher à la mauvaise personne pour de mauvaises raisons. Hannibal a joué avec son cœur avant de le briser et l'empathe se demande s'il peut encore le recoller ou si les morceaux épars ne seront que des miettes jusqu'à la fin.
« Le FBI a décidé de faire détruire la maison, annonce Will.
— Mais tu ne partages pas leur avis.
— Pour une fois, si. Si quelqu'un souhaite reconstruire un jour, autant bâtir sur des bases plus saines. Ce sera le commencement d'une nouvelle vie. »
Il ne parle pas seulement de la demeure qui se tient debout derrière eux mais aussi de sa propre existence. Lui-même peut renaître de ses cendres et repartir de zéro.
Chapter 75: Maman
Summary:
Univers : saison 3.
Rating : -12.
Chapter Text
Maman.
Le mot sonnait étrangement aux oreilles de Margot. Elle avait rêvé de devenir mère, pour des raisons déraisonnées, pour se sortir de la spirale infernale qui la raccrochait à son ordure de frère, pour retrouver une liberté qui s'éloignait chaque jour un peu plus. Elle avait souhaité si fort avoir un garçon, pour récupérer une partie de l'héritage des Verger et envoyer paître Mason comme elle le désirait depuis si longtemps.
Elle avait failli y arriver, la première fois. Juste une nuit en compagnie de Will, au bon moment, afin de sentir une vie germer dans son ventre. Sans son frère si possessif, sans Lecter et son étrange jalousie, elle aurait mené à terme sa grossesse, elle n'aurait perdu ni son fils, ni ses organes – ils n'étaient pas perdus, tout lui avait été arraché, contre son gré, en une punition qu'elle ne méritait pas. Elle avait pleuré à son réveil, tant et tant qu'elle s'était fait la promesse que plus jamais Mason ne serait responsable de ses larmes.
Lorsqu'elle avait rencontré Alana, elle avait hésité à se livrer à elle. Margot avait développé de vrais sentiments pour la psychiatre, elle ne voulait pas lui faire croire qu'elle ne voyait en elle qu'un ventre à remplir. Elles avaient longuement parlé, s'étaient aimées, avaient envisagé l'avenir sous les esquisses d'un plan macabre. Devant un juge, aucun argument n'aurait pu tenir, mais elles avaient reporté tant de fautes sur Lecter avant de prendre la fuite.
Désormais, tout semblait différent. Chaque fois que Margot posait son regard sur l'arrondi perceptible sous les robes d'Alana, son cœur se gonflait d'espoirs particuliers. Elle ne serait jamais la génitrice de l'enfant, elle n'en avait plus la possibilité, mais elle allait être une maman, pour cet ange qui grandissait à quelques pas d'elle. L'idée la séduisait autant qu'elle l'effrayait, amenant dans son sillage des « et si » qui n'en finissaient pas.
Et si elle ne parvenait pas à oublier son passé ? Et si elle venait à reproduire sur son enfant tous les malheurs qu'elle avait vécus ? Et si elle se montrait une mère bien trop protectrice ou au contraire tyrannique ? Et si la violence de Mason coulait aussi dans ses veines, cachée sous des faux-semblants ?
Margot avait été actrice à de nombreuses reprises. La fillette qui souriait à son père alors que ce dernier estimait qu'il n'avait qu'un héritier. La sœur qui subissait les assauts immondes de son frère en revenant à chaque fois auprès de lui. La patiente timide du Dr Lecter qui ne révélait qu'une fausse pudeur. La femme presque compréhensive qui débarquait chez Graham pour assouvir son désir insensé de maternité.
Il n'y avait qu'avec Alana qu'elle avait su être honnête. Alana qu'elle avait rencontré dans des circonstances assez dramatiques, Alana qui lui avait permis de redevenir une femme après l'opération prévue par Mason, Alana qui portait un enfant rien que pour elles, Alana qui avait accepté de l'épouser, avec des témoins inconnus, en une cérémonie si restreinte que ce jour aurait pu être une date comme toutes les autres.
« Tout ira bien, lui souffla sa femme en croisant son regard.
— Tu avais promis de ne pas m'analyser comme tu le fais avec tes patients, reprocha Margot avec un rictus.
— Je n'ai pas besoin de mes connaissances en psychiatrie pour comprendre ce qui se passe dans ta tête. Si tu savais combien de futurs parents se posent des questions. Et j'ai vu les cicatrices laissées par Mason, je ne suis pas idiote. »
Dans un geste répété tant de fois qu'il devenait inconscient, Margot se referma sur elle-même, serrant ses bras autour de son corps comme si cela pouvait la protéger des dangers de l'extérieur. Combien de temps, au juste, lui faudrait-il pour se détendre et accepter qu'elle était enfin en paix ? Combien de temps avant d'assimiler la mort de son frère et, avec lui, la fin de toute cette maltraitance incestueuse ?
« Margot. »
Alana lui tendit une main, en une invitation qui valait mille mots. Margot secoua la tête, des larmes dans les yeux, avant de se réfugier entre les bras de sa femme, pleurant sur son épaule tandis que les doigts de la psychiatre massaient son dos.
« Ne crains pas l'avenir, murmura Alana. Tu te souviens de ce qu'on avait dit ? Toi et moi, contre le monde entier. »
Un rire silencieux et amer mourut dans la gorge de Margot. Contre le monde entier. C'était une réalité comme une autre, pleine de promesses, qui lui annonçait un futur radieux auprès de la famille qu'elle avait choisie. Mais les ombres tournaient encore autour d'elles, des ombres aux sourires cannibales, des ombres cloîtrées derrière des barreaux mais qui attendaient, à l'affût. Hannibal Lecter avait annoncé à Alana qu'elle ne serait jamais en sécurité tant qu'il vivrait, il laissait de temps en temps planer des menaces à demi-mots. Margot n'était pas rassurée de savoir que sa femme était directrice de l'établissement psychiatrique dans lequel était reclus l'Éventreur de Chesapeake, elle redoutait un coup d'éclat digne des exploits du tueur.
Ses sanglots mirent de longues minutes à se tarir. Elle pleurait sur sa vie, sur ses envies, sur la fillette terrorisée qu'elle avait été. Elle devait tourner la page, sans quoi elle ne réussirait pas à profiter de chaque instant auprès de sa femme et de leur enfant. Il lui fallait dire adieu à Margot Verger, au profit de Margot Bloom.
« Je t'aime, déclara-t-elle à la psychiatre. Je t'aime. »
Elle le répéta, en une litanie presque pieuse. Elle survivrait à tout cela, comme elle l'avait toujours fait depuis sa naissance. Margot serait une mère, une maman, elle agirait de manière à ne jamais perdre son enfant dans les ténèbres de l'existence. Alana et elle avaient affronté le diable en personne, chacune droit dans les yeux, et elles avaient gagné la bataille.
« Je t'aime, assura-t-elle avant de briser leur étreinte. »
Ce fut un baiser posé sur les lèvres de sa femme qui scella cet accord muet. Margot ne serait plus la proie de la peur, il était temps de renverser les règles du jeu.
Chapter 76: Il n'y a pas d'amour heureux
Notes:
Post saison 3.
Chapter Text
Son corps est jeté et rejeté par les flots, allant et venant, sous l'eau, à l'air libre, en autant de mouvements contre lesquels il ne peut lutter. Will est à la dérive, il ne s'accroche à rien, ni aux forces qui lui restent, ni à son instinct de survie qui lui hurle de résister. La douleur a fini par disparaître, il ne ressent rien, ni ses blessures à vif sous la pression de l'eau, ni son esprit électrisé par le meurtre qu'il vient de commettre. Il n'y a que le temps qui passe, l'horloge habituelle qui coule, coule, coule.
Une secousse le ramène à la surface, une main puissante le maintient la tête hors de l'eau, une voix lui souffle de garder les yeux ouverts. Will n'a pourtant pas envie d'affronter le monde extérieur, il est bien mieux dans ses pensées, là où le courant est calme, où il attend d'attraper les poissons. Et il y a la tasse, si fragile, en équilibre sur le coin de la table, prête à tomber et à se briser, prête à revenir en arrière et à se reformer ; une tasse en morceaux, une tasse qui n'a fait que chuter et se reconstruire, encore et encore, une fois de plus, sous l'éclat de la lune, assombrie par le sang si noir dans la nuit.
Il tousse longuement, sans remarquer qu'il n'est plus malmené par les eaux, sans noter que sous son corps, la terre ferme a remplacé les flots. Il tousse, recrachant bien trop de liquide, portant une main à son torse en ayant l'impression de se noyer. Il tousse, jusqu'à ne plus avoir que de l'air à expirer, jusqu'à ce que son estomac se serre dans ses entrailles. Il tousse, jusqu'à entendre cette voix, si familière, lui conseiller de se calmer.
Des doigts viennent frotter son dos en de larges caresses apaisantes mais Will est encore ailleurs. Il voit le cadavre de Dolarhyde en haut de la falaise, il voit ses propres mains couvertes de sang, il voit le regard havane qu'il a appris à détester et à aimer.
Quelle ironie pour lui de n'avoir trouvé aucun bonheur dans ses affaires romantiques. Alana a refusé toute relation, sous prétexte qu'elle ne voyait en lui qu'une personne instable et dangereuse – quelques mois avant de tomber dans les bras de l'Éventreur de Chesapeake. Molly a voulu lui offrir un semblant de foyer, il s'est marié, il a adopté ce fils qui n'était pas le sien mais pour quel résultat ?
Le seul qui a su lire en lui, le seul qui a franchi ses barrières, c'est Lecter. Lecter qui s'est joué de son esprit en le poussant jusqu'à la folie, Lecter qui l'a abandonné sur le sol de sa cuisine, Lecter qui a essayé de lui ouvrir la tête au sens le plus littéral, Lecter qui a lancé un monstre contre sa famille. Hannibal, enfin, qui a tué avec lui le grand Dragon Rouge, qui lui a avoué avoir toujours souhaité ce spectacle pour lui, pour eux.
Et la seule solution a été de le précipiter par-delà la falaise, pour mettre un terme à cette histoire, parce qu'il sait qu'il ne peut pas vivre avec lui mais qu'il ne pourra plus vivre non plus sans. S'il existe une Fortune, une Chance, un Sort – peu importe qui, peu importe quoi – alors ils se moquent de lui en le gardant en vie, lui dont le cœur ne bat que pour un criminel, lui qui pense ne jamais avoir d'amour heureux puisque ce n'est pas pour eux.
« Will, souffle Hannibal en essayant de le remettre sur pied. Debout, nous devons partir. »
Partir. Pour aller où ? Pour guérir leurs blessures ? Pour échapper au FBI qui ne manquera pas de déclencher une nouvelle chasse à l'homme ? Son portrait sera bientôt affiché à côté de celui d'Hannibal, il sera un tueur comme les autres.
« Will, répète l'Éventreur.
— Laisse-moi, déclare difficilement l'empathe. »
Je veux mourir, songe-t-il. Je veux mourir pour ne plus être cet homme qui ne désire que toi. Je veux mourir pour ne pas risquer de te perdre et de me perdre en même temps. Je veux mourir parce que je t'aime et que tu es le plus fidèle ami de la Camarde.
Sans ménagement, Hannibal finit par le relever, en le portant presque. Will boite un instant, nauséeux, le corps endolori. Ses pensées s'égarent, migrent, s'effilochent, se rassemblent, disparaissent dans le silence bienvenu d'un sommeil mérité. Il ne sait pas pendant combien de jour il oscille entre veille et éveil, il aperçoit parfois la silhouette du cannibale penchée sur lui pour refaire ses bandages puis plus rien, le calme plat, avec des rêves en noir et blanc.
Deux semaines plus tard, Will ouvre enfin les yeux pour quitter le matelas où il gît depuis trop longtemps à son goût. Il étire ses muscles, grimace quand ses blessures se rappellent à lui, puis se lève. Ses pieds nus ne font pas beaucoup de bruit sur la moquette, il savoure le contact pelucheux sur sa peau, et tente de se repérer dans cet endroit inconnu.
« Bonjour, Will. »
L'empathe s'arrête dans l'encadrement de la porte, dévisageant le criminel assis à une table, des feuilles à dessin étalées devant lui, dont une en train d'être peu à peu remplie par la main adroite du psychiatre.
« Bonjour, répond le plus jeune. »
Il s'avance jusqu'à distinguer les esquisses, reconnaissant ses traits sur la feuille. Ce n'est pas la première fois qu'il se voit dans les dessins de l'autre homme mais cette fois-ci, il n'en ressent ni gêne ni honte. Il réduit la distance entre eux, pose une main sur l'épaule d'Hannibal et plonge son regard dans celui havane du Lituanien.
« Merci. »
Un simple mot qui signifie tant. Un sourire sincère étire les lèvres du cannibale, puis celles de Will. Peut-être l'ancien consultant du FBI a-t-il eu tort, peut-être peut-il encore espérer un amour heureux, bien loin de celui auquel il a tant songé. Lorsqu'Hannibal quitte sa chaise pour le serrer dans ses bras, l'empathe s'imprègne de sa chaleur, de son contact, de son odeur, se promettant de ne plus jamais le fuir.
Chapter 77: Nuit
Chapter Text
Une fois le jour endormi, bercé par la lueur des étoiles, le Dr Chilton redevient Frederick. Il ôte le masque de dédain, le sourire hypocrite, le costume sur mesure qui vêt son apparence si fragile et brisée.
D’aucuns craignent l’obscurité où se dissimulent les monstres. Lui ne redoute pas la nuit, elle le protège de cette lumière aveuglante qui auréole Hannibal, lui permettant de ne pas succomber à l’appel entêtant de la flamme, pauvre papillon aux ailes blessées.
Mais au petit matin, il sait inlassablement que son corps finira par trouver une place de choix dans la porcelaine du cannibale.
Notes:
Je suis en train de tomber dans le piège (tordu) de shipper aussi Hannibal et Frederick, ce n'est pas la première fois et ce ne sera pas la dernière x)
Chapter 78: Roue de la gourmandise
Notes:
La première partie a été écrite dans le cadre des roues de l'infortune du forum HPF. Le but : faire tourner des roues pour avoir des contraintes au hasard. En ce qui me concerne : une châtaigne et quelques marrons, de l'oseille, le beurre et l'argent du beurre, roulé dans la farine.
UA S2.
Chapter Text
Participer aux symposia laissait toujours à Frederick un goût de douce amertume. Aux yeux des non-initiés, les convives ressemblaient à un rassemblement de grands esprits qui discutaient de leurs connaissances et tissaient l’avenir à la force de leurs idées. Mais en réalité, ils se trouvaient bien loin de cette image idyllique. Médecins, chirurgiens et psychiatres rivalisaient de fourberie, s’attardant plus facilement sur les échecs des confrères tout en brandissant avec fierté leurs propres réussites. Des oreilles indiscrètes traînaient toujours à la recherche de l’information la plus croustillante – plus encore que les plats présentés sur les nappes immaculées – tout en surveillant l’apparence de tel ou tel grand nom ; le moindre changement devenait source de longues logorrhées sur la modification du salaire ou du rythme de vie dès que la montre ou le costume étaient moins clinquants que lors des précédentes réunions.
Frederick était dans un entre-deux, à sa place sans tout à fait y être. Il n'était pas le meilleur des psychiatres mais il ne se considérait pas comme le pire, conscient qu'il n'aurait jamais atteint la direction de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore s'il n'avait été qu'un imposteur. Toutefois, ses récentes déconvenues aux mains d'Abel Gideon avaient entraîné une chute de sa popularité – déjà peu élevée – et l'accroissement des moqueries de ses collègues. Son seul point positif, qui permettait à tous les regards d'accrocher sa silhouette ce soir-là, tenait en l'incarcération de Will Graham dans son hôpital, après que le FBI avait démontré qu'il s'agissait de l'Éventreur de Chesapeake.
Peut-être aurait-il dû en éprouver une fierté incommensurable mais les mots de Graham, sans cesse répétés depuis qu'il avait été admis dans sa cellule, le hantaient jour et nuit, faisant peser sur lui un sentiment de malaise. À quelques pas de lui, engagé dans une conversation animée avec un chirurgien viscéral, Hannibal Lecter ne semblait pas remarquer à quel point Frederick le fixait. Ce dernier avait toujours éprouvé une pointe de jalousie envers son collègue à qui tout réussissait mais seule demeurait l'angoisse de savoir si oui ou non, Lecter était le véritable Éventreur, comme le clamait Graham haut et fort. Si c'était le cas alors le FBI avait été roulé dans la farine avec brio, chaque profiler avait été trompé, du chef de la section du BAU aux hommes de laboratoire.
Ses pensées furent interrompues par le discours de l'organisateur du symposium. Frederick ne l'écouta que d'une oreille, prévoyant déjà les longues louanges hypocrites sur leur besoin de faire évoluer le monde. Le directeur de l'hôpital psychiatrique aurait bien pris la poudre d'escampette s'il ne s'était pas trouvé si loin de la sortie. Il se rapprocha à pas de loup du buffet, jeta un œil aux différents plats et arrêta son choix sur des marrons chauds, accompagnés de quelques châtaignes.
« Vous êtes au centre des conversations, Frederick, susurra Lecter en lui tirant un sursaut. L’homme qui garde au sein de son hôpital l’Éventreur de Chesapeake. »
À la manière dont son confrère prononça le nom du criminel, Frederick ne put s’empêcher de frissonner. Son regard croisa celui de l’autre psychiatre, où brillait une lueur amusée qui valait mille mots.
« Vous savez que Graham refuse d’avouer sa culpabilité, remarqua Frederick en espérant paraître assez détendu.
— Le croyez-vous ? »
Avouer qu’il avait des doutes reviendrait à être au même point qu’un équilibriste débutant et nerveux. S’il admettait devant Lecter qu’il avait confiance en Graham, il risquait de devenir une cible privilégiée pour l’Éventreur, le réel, celui qui échappait au FBI depuis des années. Mais mentir face à son confrère n’était pas aisé, Lecter avait le don pour déceler les affabulations.
« Je pense que Graham est encore perdu, répondit-il. Son encéphalite a eu des conséquences malheureuses sur lui, Crawford affirme à qui veut bien l’entendre que son protégé n’aurait pas pu faire de mal à ces victimes s’il avait eu toute sa tête.
— Nous savons l’un comme l’autre qu’il est facile de prétexter un problème psychiatrique pour éviter la chaise électrique. »
Le ton était devenu légèrement sarcastique. Frederick préféra mimer l’ignorant, profitant d’un silence de Lecter pour observer les groupes qui allaient et venaient, entre rires surjoués et compliments faux. Il y avait bien plus d’oseille dans les conversations que sur la table, l’argent semblait être plus intéressant pour les convives que les avancées médicales. Le directeur de l’hôpital psychiatrique n’aurait pas pu nier qu’il avait été comme eux, à une autre époque, lorsqu’il désirait le beurre et l’argent du beurre, croyant à tort que la renommée viendrait en même temps que l’accroissement de son compte en banque.
Conscient de la présence presque insistante de Lecter, Frederick retourna son attention vers lui, esquissant un rictus. Fidèle à sa réputation, Hannibal ne manquait pas d’inspecter les plats, plus particulièrement ceux composés de viande ; en d’autres circonstances, Frederick en aurait ri si son esprit ne l’avait pas assailli d’images dérangeantes de cannibalisme. Graham avait été clair à ce sujet, l’Éventreur de Chesapeake prélevait des trophées sur ses victimes afin de les manger.
« Le Dr Bloom ne nous honore pas de sa présence, constata Frederick en repoussant loin dans ses pensées les possibles habitudes alimentaires de son confrère.
— Alana a décidé de prendre ses distances, elle accuse tous les proches de ce cher Will ; Jack, le FBI tout entier, moi-même. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne vous ajoute à sa liste.
— Je n’ai aucun lien avec l’arrestation de Graham. Contrairement à vous, je n’ai jamais eu sa santé mentale à ma charge.
— Mais vous avez assuré que Gideon était l’Éventreur de Chesapeake. Ai-je besoin de rappeler quels événements se sont produits la dernière fois que vous avez sous-estimé l'un de vos patients ? »
Inconsciemment, Frederick porta une main à son ventre, là où, cachée sous les épaisseurs des tissus, la cicatrice s'étalait. Les doigts de son autre main se serrèrent sur sa canne, cet objet désormais indispensable tant qu'il ne serait pas tout à fait remis de l'opération sauvage de Gideon. Il essayait de ne pas y penser, quand il était à son bureau à traiter des dossiers, quand il rentrait chez lui pour retourner à la solitude de sa maison mais le moindre pas était un rappel cuisant de cette affreuse journée. Lecter ne choisissait pas ses mots au hasard, il frappait là où la douleur était la plus vive, ravivant les braises, attisant le feu qui ne demandait qu'une flamme supplémentaire pour redémarrer l'incendie.
« Vous êtes venu pour me ridiculiser, souffla Frederick en dissimulant sa colère et l'humiliation qui couvait en lui.
— Je suis là pour une invitation, répliqua son confrère. Nous pourrions prendre le temps de discuter de tout ceci autour d'un bon repas. »
Surpris, Frederick haussa un sourcil. Il n'avait pas mangé chez Lecter depuis des semaines – depuis son agression – mais une telle invitation ne se refusait pas. Il accepta, notant la satisfaction dans le regard de Lecter, puis fut soulagé lorsque la soirée prit fin ; toute cette mascarade lui donnait mal à la tête.
*.*
Une douce odeur s'échappait de la cuisine. Frederick n'y avait pas mis les pieds, laissant Lecter s'occuper du repas, peu certain de vouloir en franchir la porte. Il n'était pas censé se poser de questions sur le contenu des assiettes puisque la viande restait pour le moment prohibée dans son nouveau régime alimentaire forcé – avec un rein en moins et des morceaux d'organes tout autant absents, il lui fallait réduire son taux de protéines – mais la pensée de l'Éventreur ne le quittait pas.
Tout au long du repas, ils discutèrent de Will Graham et des enquêteurs du FBI. Frederick ne vit pas passer le temps, savourant les plats, bien meilleurs que ceux qu’ils avaient eus au symposium. Il n’entendit pas Lecter revenir après qu’il eut débarrassé les assiettes, sursautant en sentant deux mains puissantes se poser sur ses épaules tandis que le souffle de son confrère faisait frissonner sa peau.
« Vous avez le même raisonnement que Will, murmura Lecter au creux de son oreille. Vous pensez que je suis l’Éventreur de Chesapeake. »
La voix n'était pas menaçante mais Frederick eut le sentiment que sa vie ne tenait plus qu'à un fil. Il revit l'enlèvement dont il avait été victime, la silhouette de Gideon penchée sur lui alors qu'il lui ouvrait le ventre avec un scalpel, le poids de ses propres organes sur ses mains.
« Vous allez me tuer, souffla-t-il. »
Il aurait aimé avoir un ton plus confiant, beaucoup moins tremblant, mais c'était impossible. Graham avait dit vrai, Lecter était l'Éventreur de Chesapeake depuis le début.
« J'y ai songé, murmura le cannibale. Laisser votre corps à la vue de tous, éventré, votre deuxième rein en train de cuire dans ma cuisine. »
Ce fut une nausée particulièrement dérangeante qui secoua Frederick. Il n'avait pas d'arme sur lui – il possédait bien un pistolet chez lui mais ne s'en était jamais servi – et savait que contre Lecter, il n'aurait aucune chance. Il n’avait qu’une petite cuillère à portée de main, rien de bien utile dans ces conditions, pas contre son collègue.
« Que comptez-vous faire de moi ? s’enquit le directeur de l’hôpital psychiatrique.
— Rien. Ou plutôt … je vais vous observer évoluer, Frederick. Vous savez la vérité à mon sujet, à vous d’agir comme vous l’entendez. »
Le poids sur ses épaules disparut dans la seconde. Il n’eut pas le cœur à terminer son dessert, se levant de sa place avant de récupérer ses affaires. Il n’était pas encore parvenu à la porte d’entrée que Lecter le héla, un sourire amusé étiré sur ses lèvres.
« Je suis certain que nous finirons par trouver un terrain d’entente. »
Le retour jusque chez lui fut long et stressant. À chaque fois qu’il craignait d’apercevoir Lecter en train de le suivre, il s’arrêtait sur le côté de la route, manquant de créer des accidents. Il redoutait les nuits à venir, celles qui seraient remplies de cauchemars, celles qui le feraient hésiter. Qui était-il pour pouvoir dénoncer le criminel ? Personne n’avait cru Graham alors que l’empathe était l’un des meilleurs éléments du FBI. Donc lui, Frederick Chilton ?
Seul le silence viendrait lui sauver la vie. Il nierait l’avoir su quand Crawford frapperait à sa porte un soir en lui indiquant que Graham n’était pas l’Éventreur et que le FBI cherchait le criminel ; il nierait encore le jour où les profilers franchiraient la porte de sa maison pour lui apprendre qu’ils avaient un plan afin de coincer Lecter.
Et ces mensonges, l’un après l’autre, seraient son avenir, pour le matin où Hannibal surgirait dans sa cuisine, couvert de sang. Frederick ne trouverait pas la mort des mains de l’Éventreur de Chesapeake, mais il recevrait bien plus.
Chapter 79: Dernière nuit
Notes:
UA S3.
J'ai retrouvé ce texte par hasard, il date de 2023 pendant un atelier discord.
Chapter Text
Will est incapable de fermer les yeux, les derniers jours imprègnent son esprit par vagues successives, noyant toute pensée rationnelle sous un flot d’images macabres. À ses côtés, Molly est déjà endormie, peut-être apaisée par sa présence, sans comprendre qu’elle passe ses nuits auprès d’un homme trop instable, d’un criminel en attente du geste fatal, d’un être qui pourrait lui faire du mal si l’envie lui en prenait.
Autour de son annulaire, son alliance ressemble à une mauvaise comédie, elle le nargue dans un éclat de lumière, captant les rayons de lune. Il n’a jamais envisagé de se marier autrefois, encore moins dans ces conditions, encore moins à une femme qui élève un enfant. Mais à quoi rêvait-il donc ? Il n’est pas quelqu’un avec qui vivre une existence facile, il n’est que l’ombre de lui-même, et la seule personne qui parvient à voir en lui, à véritablement discerner ce qu’il est, est actuellement en fuite.
Se retournant sur le dos, l’empathe tente de dessiner dans son esprit les constellations qui parsèment le ciel. Il en connaît un bon nombre, après toutes ces nuits passées à voyager avec son père, de port en port. Un rictus s’étire sur ses lèvres à la pensée que Lecter peut sans doute en nommer bien plus que lui ; le psychiatre a une culture supérieure à la plupart des gens que Will côtoie.
« Will, vas-tu te décider à me parler ? »
Il sursaute, n’ayant pas perçu le réveil de Molly. Sa femme tend la main vers l’interrupteur de la lampe de chevet, illuminant la pièce. Sur le visage de son épouse, Will lit une myriade d’émotions dont la plus perceptible est la résignation. Elle pince les lèvres avant de soupirer, cherchant à accrocher le regard fuyant du consultant du FBI.
« Je sais à quoi tu penses, reprend Molly. Je … j’ai discuté avec Crawford, je ne suis pas idiote au point d’être aveugle à ce que tu désires le plus. »
Ce qu’il désire le plus ? Will en a-t-il seulement eu conscience un jour ou l’autre ? Auparavant, il croyait désirer être comme les autres, puis être lui, puis ensuite, il a tenté d’ouvrir les portes de son univers à Molly, afin d’avoir une vie des plus classiques. Il a tenu bon, pendant trois ans, à délaisser le FBI et les enquêtes, à profiter de la pêche avec Molly et son fils, à être quelqu’un qu’il n’a jamais été.
Au fond, il a surtout envie de partir en chasse, de suivre les traces laissées par Hannibal, de retrouver cet homme qui a fait de son existence un enfer tout en lui permettant d’entrevoir les marches du paradis.
« Lecter a toujours été au premier plan, déclare Molly avec amertume. J’aurais dû m’en douter, n’est-ce pas ? Son nom est sur tes lèvres en permanence, Will.
— Je suis désolé, murmure l’empathe. Tu … »
Il ne parvient pas à terminer sa phrase. Que dire ? Qu’il s’excuse de lui avoir menti, qu’il s’excuse de s’être servi d’elle pour apaiser un désir à jamais inassouvi, qu’il s’excuse de lui avoir volé tant d’années de vie ? Will n’a en effet qu’un seul nom dans la bouche, il n’a qu’un homme qui habite ses nuits une fois que les ténèbres le recouvrent, il n’a qu’Hannibal dans le creux de ses pensées. S’il avait su, le matin-même, qu’il prendrait une nouvelle décision pour son avenir, il aurait sûrement vu tous ces instants sous un autre angle. Cette nuit est la dernière pour Molly et lui, à cause de lui et de ses œillères, à cause de lui et de ses incertitudes, à cause de lui et de ses sentiments si ambigus.
D’un geste maladroit, il retire son alliance, la pose entre eux puis quitte leur lit. Il entend un sanglot dans son dos mais ne se retourne pas, saisissant simplement ses vêtements avant de regarder au-dehors. Le ciel est d’encre, les étoiles parsèment les pages de la voûte céleste, et il est temps pour Will d’écrire sa propre histoire.
Chapter 80: Éros et Psyché
Notes:
Post-Saison 2.
Chapter Text
Le silence qui régnait dans le bureau du Dr Lecter portait la marque de son absence. Will avait déjà connu le calme, lorsque leurs esprits réfléchissaient ensemble sans un mot, lorsqu’il n’y avait plus que le bruit des bûches dans l’âtre, en train de se consumer doucement, lorsque la pluie battait son rythme naturel sur les fenêtres. Mais depuis le départ du psychiatre, les meubles étaient devenus de simples spectateurs froids et muets, dépossédés de leur âme, en un arrière-plan à peine familier.
Will savait qu’il pourrait fouiller longuement dans les tiroirs sans rien y trouver, il était présent le jour où Hannibal avait jeté au feu les dossiers de ses patients, brûlant feuille après feuille pour éviter qu’elles ne tombassent aux mains du FBI. Le consultant ne parvenait cependant pas à s’empêcher d’effleurer les nombreux livres de la bibliothèque, certains si anciens qu’il se demandait s’il s’agissait d’originaux ; plus rien ne le surprenait vraiment concernant le Dr Lecter. Peut-être Will avait-il cessé d’être étonné depuis qu’il avait compris que son psychiatre était un tueur en série cannibale, celui-là même qu’il avait été accusé d’être par Crawford et ses collègues. Puisque l’Éventreur de Chesapeake se dissimulait sous des couches d’érudition et de bienséance, il avait sans doute d’autres secrets.
Dépassant des pages bien alignées d’un livre de contes européens, une feuille à dessin attira le regard du jeune homme. Will saisit délicatement l’ouvrage, récupéra le papier et crut être projeté ailleurs, quelques semaines plus tôt, à une époque où Hannibal dessinait devant ses yeux, illuminé par les flammes de la cheminée. L’empathe avait déjà pu admirer les talents artistiques de son psychiatre ; Lecter les avait dessinés tous les deux en réinterprétant le tableau Achille se lamentant sur la mort de Patrocle. Cette fois-ci, il reconnaissait l’inspiration d’une sculpture, célèbre dans le monde entier, et il dut admettre qu’Hannibal ne s’embarrassait plus d’ambiguïté.
Lecter avait redonné vie à Psyché ranimée par le baiser de l’Amour en se figurant à la place d’Éros et en esquissant Will en position de suppliant. Les deux corps exposés, aussi nus qu’au premier jour, révélaient les deux hommes, chacun regardant l’autre, avec une telle intensité que Will s’étonna de ne pas sentir le papier brûler sous ses mains. Contrairement à la sculpture visible au Louvre, il n’y avait pas d’ailes dans le dos de l’Amour, mais des bois qui surmontaient la tête d’Hannibal.
« Le Wendigo, murmura Will. »
Sa voix se perdit dans le silence du bureau, soufflant sur les tranches des livres. Il releva les yeux, poussé par la crainte inutile d’être épié, avant d’admirer à nouveau l’œuvre de Lecter. Un léger drap dessiné couvrait le bas du corps de Will mais le reste de son anatomie était assez visible pour prouver à chacun que ce couple était formé de deux êtres masculins, amoureux.
Achille et Patrocle. Éros et Psyché. Hannibal avait mis à nu ses sentiments, il les lui avait montrés sans se cacher derrière de faux semblants mais Will n’avait pas compris. Il était pourtant l’atout majeur du FBI, l’homme qui entrait dans la tête des tueurs et parvenait à penser comme eux pour mieux les enfermer derrière les barreaux. Qu’il eût pu ainsi passer à côté d’une telle évidence ne lui paraissait pas normal. À quel moment Lecter avait-il commencé à tomber amoureux de lui ? Au fil des enquêtes et de leurs rendez-vous ? Après l’avoir poussé à bout avec son encéphalite ? Après l’avoir fait juger et interner à l’hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore ?
Et lui, Will Graham, que pensait-il de tout cela ? Il avait cru qu’Hannibal n’était rien de plus qu’un psychiatre comme les autres, un homme qui se rêvait au-dessus du commun des mortels parce qu’il possédait les diplômes nécessaires. Mais à force de discuter avec lui, à force de se sentir écouté, l’empathe avait peu à peu changé d’avis. Il était devenu l’ami d’Hannibal, il aurait été prêt à le défendre contre vents et marées si cela s’était révélé nécessaire. Et pourquoi au final ? Pour manquer de mourir dans la cuisine de son ami ? Pour être opéré d’urgence parce que le cannibale avait planté un couteau dans sa chair en l’abandonnant dans une flaque de sang ?
Quelle ironie de constater que malgré leurs différends, malgré la souffrance que Will avait ressentie, il pensait encore à Hannibal. Il s’était menti à lui-même pendant des mois, en se berçant de l’illusion de l’amitié. Mais ce dessin, sous ses yeux, était plus réel que tout ce qu’ils avaient traversé. Il voulait connaître la douceur des doigts du psychiatre sur sa peau, se perdre dans ses bras, s’éveiller à un amour qui sublimerait tant de non-dits.
D’un geste rageur, il déchira la feuille, troublé par sa propre réaction, par son cœur qui battait la chamade, par ses pensées qui vagabondaient vers des terres inexplorées. Il n’avait pas le droit de désirer Hannibal, ils étaient le chat et le souris, le loup et l’agneau, le prédateur et la proie ; Will était censé échapper à cet homme qui avait tué, encore et encore. Dans une autre vie, ils auraient pu s’aimer, de tant de manières, avec l’espoir de voir fleurir des lendemains enchantés. Mais le sang qui rougissait les mains d’Hannibal ne pouvait teindre l’avenir de Will.
Il n’y aurait pas d’Éros et de Psyché pour eux, seulement les ruines d’un amour qui n’aurait jamais vécu.
Chapter 81: Venise, la cité des masques
Notes:
Mi-saison 3.
Chapter Text
Venise n'est pas aussi resplendissante qu'Alana l'espérait. Les rues sont vides, l'eau charrie la misère, et les gondoliers restent adossés à leurs murs, en attendant les touristes qui ne viennent pas. L'idyllique image véhiculée par les cartes postales n'est qu'une trahison, un arc-en-ciel qui dissimule le gris de la vérité en vantant des merveilles invisibles. Sans le carnaval pour animer ses ruelles, colorer ses ponts et remplir les restaurants d'une ribambelle de rires, la ville n'est qu'une carcasse en train de pourrir, déversant sa décomposition dans la lagune. La cité des doges semble figée à une époque lointaine, noircie par les mouvements des flots, si bancale, sans fondations assez solides sur lesquelles miser un avenir serein.
Deux touristes s'extasient devant le pont des soupirs, leur appareil photo mitraillant les édifices. Alana passe devant eux, perçoit leur admiration et esquisse un sourire teinté de mépris. Ce sont encore des gens qui imaginent que le pont porte le nom des soupirs des amoureux, sans comprendre que ce sont les râles des condamnés qui perçaient la voûte, entre la prison et les salles de tortures. Le pont en lui-même est à l’image d’un sarcophage, couvert sur les côtés et sur le dessus, pour que personne ne puisse voir ceux qui passaient là.
À quelques pas du pont, un marchand tente d'attirer l'attention de la psychiatre en lui montrant des masques, ceux qui recouvrent complètement le visage, peints en blanc, avec des décors qui évoquent des personnages tristes. Elle s'arrête pour les observer mais s'en éloigne aussi vite ; elle est mal à l'aise face à ces yeux creux et ces larmes dessinées, elle préfère les loups qui ne dissimulent que les yeux.
Enfin, elle atteint l'hôtel où elle loge avec Margot pour quelques jours. Le hall d'accueil est splendide, paré de lumière, exhibant des lustres plus chers qu'une année de travail. Alana traverse la pièce et s'engouffre dans l'un des ascenseurs, lissant un pli imaginaire sur sa chemise, plus anxieuse qu'elle ne l'était au réveil ; la boîte dans sa poche semble peser une tonne. Son allure ralentit à l’approche de la porte de leur suite, elle prend une grande inspiration, plaque un sourire détendu sur ses lèvres et entre, son regard venant aussitôt chercher la présence de sa compagne.
« Tu en as mis du temps, remarque Margot en haussant un sourcil et en avisant ses mains vides. Pour quelqu’un qui devait faire des courses, tu n’as pas l’air d’avoir trouvé ton bonheur.
— Mon bonheur, c’est toi, réplique Alana en venant poser un baiser sur sa bouche. »
Elle prend la main de Margot pour l’entraîner sur le balcon de leur suite. En bas de l’hôtel, un enfant passe en courant, mais il n’y a personne d’autre dans les environs. Alana aurait aimé une ambiance plus festive – elle ne voulait pas venir au moment du carnaval mais elle s’attendait à plus de tourisme, de couleurs, de vie – et elle regrette de ne pas avoir choisi une meilleure ville dans laquelle se ressourcer.
Après la mort de Mason, la psychiatre a tenu à prendre ses distances avec l’Amérique, pour quelques jours. Il leur fallait un endroit qui ne leur rappellerait pas ce qu’elles avaient vécu, pour délivrer Margot de l’ombre du fantôme de son frère et lui permettre d’être libre, pour aider Alana à oublier qu’elle avait traversé la fenêtre de la maison d’Hannibal et qu’elle aurait pu y perdre l’usage de ses jambes. Elles ont survécu, toutes les deux, ensemble, et elles ont besoin de délaisser un instant leur passé.
« Veux-tu m’épouser ? souffle Alana. »
Dans le regard de Margot, la psychiatre lit la surprise. Alana n’a pas mis genou à terre, ni tiré de sa poche la boîte où repose la bague achetée un peu plus tôt. Elle sait que sa relation avec Margot n’est pas à l’image de celle des autres ; il y aurait tant à dire sur elles, sur leur rencontre, leur amour, leurs peurs.
« Tu n’es pas obligée de faire ça, murmure Margot avec gêne. Je ne veux pas que tu t’enchaînes à moi.
— Je t’aime, rétorque Alana. Je n’étais pas là seulement pour être une main secourable, je suis amoureuse de toi. »
Si la réaction de Margot n'est pas celle qu'elle espérait, Alana comprend cependant les doutes et la crainte qu'elle lit dans ses yeux. Une fois Hannibal parti en emportant Will avec lui, Alana et Margot ont appelé les autorités policières afin de débarrasser rapidement le manoir des nombreux cadavres qui y gisaient. L'adrénaline a coulé dans leurs veines avant de s'épuiser et de ne laisser qu'une étrange torpeur dans laquelle elles ont baigné pendant deux semaines. Pendant ce temps-là, elles ont vécu chez Alana, pour permettre à la police d’effectuer son travail et pour ne pas croiser quotidiennement des traces de sang. La psychiatre a même embauché une entreprise de nettoyage pour éviter de s'en occuper, peu séduite par l'idée de balayer les méfaits d'Hannibal ; il a commis assez de crimes dans son existence, elle ne veut plus rien avoir à faire avec lui.
Doucement, Alana reprend la main de Margot afin de la poser sur son ventre, encore plat, mais déjà porteur d'une étincelle de vie qui ne se devine pas sous ses vêtements. Leur plan qui consistait à utiliser la semence de Mason est une réussite, la fécondation a marché, à la grande joie de la psychiatre qui craignait de devoir annoncer une mauvaise nouvelle à sa compagne.
« Tu es ... tu es enceinte ?
— L'héritier Verger est là, affirme Alana avant de sourire avec tendresse. Je ne me suis pas jouée de toi, Margot, jamais. »
De sa main libre, elle sort enfin l'écrin où repose la bague.
« Veux-tu m'épouser, mon amour ? demande-t-elle.
— Oui. Oui, Alana. »
Avec un air espiègle, la psychiatre glisse la bague à son doigt. Elle a rusé pendant des jours pour prendre la mesure et s'assurer de recevoir la bonne taille. Heureusement pour elle, Margot dort désormais d'un sommeil de plomb et Alana a profité de la nuit.
« Je t'aime. Je vous aime, toi et notre enfant. Mason m'aura tout pris sauf notre amour.
— Plus aucun homme ne se dressera entre nous, chérie. Je te le promets. »
Elles s'enlacent, puisant un réconfort mutuel. Le soir-même, les deux femmes sillonnent les rues de la Sérénissime, main dans la main, chacune portant un masque vénitien orné de plumes et de dentelles. Alana connaît les vieilles traditions de la ville, sait que le carnaval était là pour mêler les riches et les pauvres, pour inverser les identités et les classes sociales. Ce qu'elle souhaite, alors qu'elles traversent l'un des innombrables ponts de Venise, c'est leur prouver à tous – Graham, Lecter, Chilton, Crawford et le FBI – que derrière son beau visage, elle est une femme qui se bat pour ceux qu'elle aime.
Elle ignore quel nom donner à cet enfant qui va croître dans son ventre mais elle le défendra contre le monde. Son fils – parce qu'il faut que ce soit un garçon afin de libérer Margot de son héritage familial – leur fils, vivra, entouré de l'amour de ses mères.
Chapter 82: Comme une demoiselle en détresse
Notes:
UA saison 1.
Tout public.
Chapter Text
Un bruit de verre brisé résonna dans le silence de la maison, réveillant Frederick. Il vivait seul, chez lui, et il savait pertinemment qu'aucun animal ne pouvait être à l'origine d'un tel raffut. Apeuré à l'idée de comprendre ce que cela signifiait – Abel Gideon s'était échappé un peu plus tôt et semblait s'en prendre à tous ses thérapeutes – il s'empressa de quitter sa chambre, son téléphone portable en main. Il ignorait s'il devait appeler le 9-1-1 ou fuir avant de finir entre les mains de son patient.
La sonnette de la porte d’entrée vint ajouter une couche d’horreur à son cauchemar. Frederick s’arrêta dans le couloir, hésitant entre descendre à sa cave et se retrouver face à un criminel ou essayer de voir qui se tenait en embuscade devant chez lui. Son instant de doute lui sauva la vie, il fut tiré en arrière par une forte poigne, une main venant se poser sur sa bouche pour l’empêcher de crier.
« Gideon vous attend dehors, souffla la voix de Graham. »
Ce fut la surprise qui l'étreignit en premier. Graham et lui n'étaient pas vraiment amis – leur première rencontre avait été désastreuse en raison de son propre caractère avide – et ils ne partageaient rien. Que le consultant du FBI fût présent pour l'aider avait de quoi étonner Frederick mais il se sentit rassuré ; Graham était armé, il pourrait repousser plus facilement Gideon.
« Nous allons patienter un peu, poursuivit l'empathe en retirant sa main de sa bouche. Si vous ne lui ouvrez pas, il passera par l’arrière et nous partirons par l’avant. »
Frederick retint un commentaire acerbe, peu certain de la bonne marche de cette idée. Graham était là pour l’empêcher d’être mis en pièces par Gideon, il n’allait pas se plaindre. Quand ils n'entendirent plus la sonnette, ils avancèrent en silence vers l'entrée de la maison. Frederick percevait les battements de son cœur, ses oreilles bourdonnaient sous l'angoisse. Il tourna la clef dans la serrure, ouvrit doucement la porte et s'engouffra à l'extérieur ; il n'y avait plus personne sur le seuil. Graham murmura qu'il avait garé sa voiture deux rues plus loin et le psychiatre hocha machinalement la tête en le laissant passer devant lui. Ils atteignirent le véhicule en vitesse, sans se retourner, et Frederick ne s'autorisa un soupir de soulagement qu'au moment où ils franchirent le panneau de la ville.
« Comment avez-vous su ? s'enquit le directeur de l'hôpital psychiatrique en observant la route qui défilait derrière la vitre.
— Gideon s'en est pris à ses précédents psychiatres. Vous étiez au courant mais vous n'avez pas demandé de protection au FBI.
— J'ai cru qu'il ... qu'il m'épargnerait, qu'il avait assez tué. »
Le rouge lui monta aux joues alors qu'il se rendait compte de son incroyable crédulité. Pourquoi Gideon aurait-il fait une exception rien que pour lui alors que c'était lui, Frederick Chilton, qui lui avait mis des mensonges dans le crâne en essayant de le convaincre qu'il était l'Éventreur de Chesapeake. Inconsciemment, Frederick serra ses bras sur son ventre, en une recherche absurde de réconfort ; dans cette histoire, il était le principal coupable et ce n'était que justice pour lui d'être puni pour ses actes.
Ils roulèrent encore une vingtaine de minutes puis Graham s'arrêta sur une aire de repos. Une station-service était ouverte, trois véhicules étaient garés sur le parking. Le consultant fit le plein d'essence pendant que le psychiatre s'enfermait dans les toilettes, en proie à une nausée malvenue. Les lieux n'étaient pas propres, l'air puait l'urine et la cigarette, accentuant son malaise. Enfermé dans l'une des cabines, dos à la porte, Frederick tentait difficilement de ne pas céder aux larmes qui s'accumulaient dans ses yeux. Il refusait d'être vu ainsi par Graham, il n'avait pas besoin d'une humiliation supplémentaire dans la même soirée.
Plusieurs fois, les portes claquèrent, les chasses d'eau déversèrent leurs réservoirs. Frederick ne bougeait pas, perdu dans ses pensées et sa détresse, incapable de s'ancrer dans ce monde qui avait basculé en une fraction de seconde. Il ignorait ce qui lui semblait le plus fou entre l'arrivée de Gideon et le sauvetage opéré par Graham. Dans les deux cas, rien de tout cela n'avait été au programme du psychiatre qui avait décidé d'aller se coucher comme tous les autres soirs. À cette pensée, il baissa le regard sur ses vêtements et fut secoué d'un rire muet ; il était encore en pyjama, ce qui expliquait les coups d'œil suspicieux des autres personnes quand il était rentré.
« Chilton, tout va bien ? Vous êtes là depuis trente-cinq minutes.
— Laissez-moi tranquille, marmonna Frederick.
— Gideon doit avoir compris ce qui s'est passé chez vous. Si je ne vous conduis pas en lieu sûr, ça n'aura servi à rien. »
Frederick inspira longuement, se retourna enfin et ouvrit le verrou de la porte. Graham lui adressa un sourire un peu fuyant puis ils repartirent dans la voiture. L'empathe avait profité de l'attente pour commander des cafés et des viennoiseries, ce dont Frederick lui fut reconnaissant ; il n'était pas affamé puisqu'il avait dîné dans la soirée mais cela le réchauffa.
« Merci, souffla-t-il avec timidité.
— Je ne fais que mon travail.
— Vous avez dû maudire Crawford de ne pas avoir envoyé l'un de vos collègues.
— Je me suis proposé, avoua Graham avec une étrange lassitude. Vous savez que je ne vous porte pas vraiment dans mon cœur depuis notre rencontre mais je ne souhaite à personne de finir entre les mains de Gideon.
— C'est toujours mieux qu'entre celles de l'Éventreur.
— Vous vous sentez coupable. Vous pensez que vos collègues seraient encore vivants si vous n'aviez pas joué avec le feu. »
Frederick ne répondit pas, le regard fixé sur le paysage. Il ne connaissait pas vraiment les victimes de Gideon – des noms parmi tant d'autres dans la profession – mais il avait l'impression que leur mort le hanterait. Il pouvait singer la désinvolture, jour après jour, cependant sa carapace ne le protégeait pas de ses émotions. Il était le prochain sur la liste, il le savait, et il ne comprenait toujours pas pourquoi un ange gardien avait décidé de se pencher sur lui pour lui envoyer Graham.
L’empathe tourna dans une allée, ouvrit le garage avec une télécommande et rangea la voiture à l’intérieur. Frederick fronça les sourcils et lui demanda pourquoi il ne l’avait pas emmené au FBI. Graham lui répondit, sur un ton moqueur, que c’était exactement là que Gideon le rechercherait.
« Gideon n’arriverait pas à entrer dans vos bureaux, remarqua le psychiatre. Ou il faudra revoir votre sécurité.
— Il peut attendre le moment opportun. Autant rester ici, Crawford et les autres ne tarderont sans doute pas à l’arrêter. »
À l’étage, le refuge ressemblait à n’importe quelle maison. Pourtant, Frederick ne pouvait s’empêcher de se sentir enfermé ; il n’était pas chez lui, tout était beaucoup trop impersonnel, et la pensée d’un tueur dans la nature ne l’aidait pas à se détendre.
« Il y a une chambre en haut, je resterai dans le salon, annonça Graham.
— Non, je préfère prendre le canapé. »
Face à l’expression curieuse de l’empathe, Frederick marmonna qu’il aurait au moins l’avantage d’entendre la télévision ou la radio.
« Je ne veux pas … je ne veux pas être seul.
— Je suis là, Frederick. »
Graham posa une main sur son épaule. Le directeur de l’hôpital psychiatrique cligna des paupières, surpris de l’entendre prononcer son prénom. Mais cela eut un effet apaisant sur lui et il esquissa un premier vrai sourire. La nuit serait longue, il en avait conscience, il leur faudrait patienter jusqu’à apprendre l’arrestation de Gideon, mais Frederick ne redoutait plus le lever du jour.
Chapter 83: L'article de trop
Notes:
UA saison 2.
Chapter Text
Un nouvel article venait de paraître dans Tattle Crime, déversant des mensonges à profusion. Installé à la table de son petit déjeuner, Hannibal buvait son café, en savourait le goût tout en ressentant une profonde amertume qui ne provenait pas de son breuvage. Il n'avait pas besoin de regarder les initiales présentes à la fin de l'article pour comprendre que Freddie Lounds en était à l'origine. Cette fois encore, elle avait frappé fort dans la dénonciation calomnieuse, assurant que Will Graham – récemment libéré de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore – avait versé une somme conséquente afin d'être lavé des crimes qu'il avait commis. Lounds poursuivait ensuite en listant des noms de prétendues victimes par dizaines, prétextant posséder des preuves de ce qu'elle avançait.
Une fois sa tasse terminée, Hannibal passa sa langue sur sa lèvre supérieure, recueillant les dernières notes de café. Il commençait à perdre le peu d'intérêt qu'il éprouvait pour la journaliste et regrettait de ne pas lui avoir réglé son compte le jour où elle avait fait irruption à son cabinet. Tout en se levant, il se promit de rattraper cette erreur et de débarrasser l'humanité du déchet roux qu'était Freddie. Si certains articles avaient pu amuser le psychiatre, il s'agaçait de voir la liberté de Will être remise en question par quelqu'un dont le comportement n'avait jamais été professionnel. D'autant plus qu'Hannibal se considérait comme l'unique personne capable de marquer son empreinte dans la vie du consultant du FBI ; c'était lui qui avait condamné Will et s'était ensuite arrangé pour le libérer, il ne laisserait personne lui ôter le droit qu'il possédait sur cet homme.
Ce fut sans surprise qu'il découvrit la silhouette familière à l'orée des bois qui bordaient Wolf Trap, là où vivaient Will et ses chiens. De sa position, Hannibal pouvait entendre les bêtes s'ébattre dans la neige, ainsi que la voix de l'empathe qui les rappelait parfois à l'ordre si les animaux s'éloignaient. En s’approchant d’un pas, il put déceler l’appareil photo dans les mains de Lounds, ses cheveux roux formant une flaque d’automne dans le paysage d’hiver. Le psychiatre prit le temps de rejoindre la journaliste, sans un bruit malgré la neige, en prédateur habitué à toutes les saisons, capable de tenir sa proie entre ses griffes en échappant à tous les obstacles de la nature.
Freddie n’eut pas d’opportunité d’hurler quand elle comprit qu’elle n’était plus seule. Son appareil photo s’échoua dans la neige, son corps se retrouva pris au piège de celui d’Hannibal, son cri s’étouffa dans sa gorge avant de s’éteindre. L’Éventreur de Chesapeake esquissa un premier sourire, l’une de ses mains écrasant la trachée de Lounds tandis que la seconde l’empêchait de s’esquiver ; il avait l’habitude de surprendre ainsi ses victimes, il avait fini par parfaire le geste.
« Votre journal est un véritable torchon, souffla le psychiatre. Il est temps de vous remettre à votre place. »
D’un mouvement sec, il lui brisa la nuque, regardant choir le corps sur le tapis blanc. Un grognement proche lui fit relever le regard vers un chien qui patientait à quelques mètres, les babines retroussées sur ses crocs. Hannibal maintint le contact visuel et attendit, sachant pertinemment de quelle manière se produiraient les prochains événements. Il n’eut pas besoin de patienter longtemps, Will apparut dans son champ de vision, accompagné par le reste de la meute, ses yeux s’écarquillant sous l’étonnement.
« Docteur Lecter, le salua l’empathe.
— Will. »
Le consultant jeta un œil au corps de Lounds et s’accroupit, sans la toucher.
« Vous voulez ajouter l’un de ses organes à votre collection, déclara le plus jeune sur un ton parfaitement neutre.
— Je ne voudrais pas me rendre malade, répliqua Hannibal. Avez-vous lu ses derniers articles ?
— Contrairement à vous, docteur, j’essaye de me tenir éloigné de tout ce qu’elle écrit. Lounds a la fâcheuse manie de me mettre dans l’embarras. Certains doutent de mon innocence, elle ne fait rien pour arranger les choses.
— Crawford vous défendra, vous êtes son joker, Will. Lorsqu’on possède une carte aussi précieuse et qu’on la récupère, on la garde jusqu’au bout de la partie.
— Je ne suis pas une carte à jouer, s’agaça l’empathe. »
Il se releva et rappela ses chiens qui avaient commencé à se disperser. L’un d’eux quitta la meute pour s’approcher d’Hannibal, venant renifler ses gants avant de repartir auprès des autres. Will tourna le dos au psychiatre mais l’invita, à voix basse, à prendre un verre chez lui. Aucun des deux ne semblait se soucier du corps de Freddie – ils s’en occuperaient plus tard, à deux, en dissimulant ce meurtre avec une certaine satisfaction – et ils laissèrent la neige reprendre ses droits. Les chiens furent les premiers à atteindre la maison de Will, remuant la queue en grattant la porte que l’empathe poussa doucement, ne l’ayant pas fermée au moment où il avait décidé de sortir ses animaux de compagnie.
Sans un mot, les deux hommes entrèrent. Hannibal remarqua que rien n’avait vraiment changé à l’intérieur de la maison, comme si Will n’avait pas été enfermé à l’hôpital psychiatrique, comme s’il revenait simplement d’une journée de travail.
« Allez-vous encore m’accuser d’être l’Éventreur de Chesapeake ? s’enquit le psychiatre après avoir essuyé ses pieds sur le tapis de l’entrée.
— Allez-vous encore nier l’évidence ? répondit Will en haussant un sourcil.
— Crawford cherchera un nouveau coupable. »
Il avait déjà tout prévu pour ne pas être pris par l’équipe du FBI. Depuis des mois – des années – il avait semé quelques cailloux afin de tracer de fausses pistes. Ce n’était pas difficile pour lui de mener les enquêteurs là où il le désirait, il lui suffisait de poser les bonnes questions aux bonnes personnes et de jeter un œil aux avancées du FBI pour savoir exactement où se rendre et comment agir. Cela était devenu encore plus simple en ayant Will comme patient et en se rapprochant de toutes les enquêtes. S’il avait placé des preuves chez l’empathe, il en conservait d’autres derrière une porte cachée, à l’abri des regards inquisiteurs, pour le jour où il devrait désigner un coupable idéal ; son choix s’était porté sur Chilton, il était sa victime parfaite.
Hannibal ne mentirait plus à Will à ce sujet, d’autant plus qu’il avait été découvert. Être vu par les yeux de l’empathe lui apportait un sentiment nouveau, exaltant, incomparable. C’était une chose d’avoir ses victimes sur les tables grises de la morgue, c’en était une autre de côtoyer un esprit sensible qui perçait son dessein et sombrait avec lui.
« Vous ne comptez pas me lâcher, n’est-ce pas ? Vous allez me pousser au-delà des limites, jusqu’à ce que je saute.
— Je ne vous souhaite ni la mort, ni la folie, Will. Votre encéphalite était … une occasion, une belle opportunité médicale, mais j’ai mis un terme à votre tourmente avant que les frais ne soient trop élevés.
— Vous avez mis un terme à ma tourmente ? répéta le plus jeune en arborant un air ahuri. J’ai passé des jours et des jours dans une cellule à cause de vous !
— J’admets que mon plan comportait quelques failles. »
Il pensa à ces soirées dans son cabinet, à être seul à un horaire où il accueillait habituellement Will et ses réflexions. Il avait poussé les choses bien trop loin mais il y avait toujours un moyen de réparer cette tasse brisée, en recollant les morceaux.
Un léger sourire vint fleurir sur les lèvres du plus jeune lorsqu’il se tourna vers le psychiatre. Ils échangèrent un regard prolongé puis Will s’avança, tendant la main vers la veste de l’Éventreur, effleurant le tissu avant de glisser ses doigts vers la nuque du criminel, rapprochant leurs visages.
« Ne recommence jamais, souffla l’empathe.
— Convaincs-moi de ne plus le faire. »
Ce fut un baiser qui scella leur accord. Un accord qui les emmènerait se noyer dans des rivières de sang et de plaisir.
Chapter 84: Noël sanglant
Chapter Text
Du sang gouttait lentement sur la neige.
Rouge sur blanc, en un contraste saisissant. Rouge sur blanc, rupture de l’innocence. Rouge sur blanc, où vie et mort commençaient doucement à se mêler, à s’emmêler.
Fébrilement, une main tenta d’endiguer le flot, rejointe par une seconde aussi tremblante que la première. Un souffle chaud formait de la condensation dans l’air, à côté d’un corps qui ne tarderait pas à se refroidir – en raison de la mort, en raison de ce froid de décembre qui glaçait la chair. Déjà, le cœur ne battait plus, il avait fini sa course folle, avait franchi le dernier virage avant de s’effondrer, arrêté par une lame, une lame qui patientait dans la neige, une lame rougie par le sang, le sang, le sang …
Frederick sentit la panique monter d’un cran. Il venait de tuer un homme, sans le vouloir, et il ignorait de quelle manière il devait réagir. Il ne possédait pas le calme froid d’un tueur en série, ses mains ne cessaient de trembler, et la vue du sang déclenchait en lui une nausée difficile à contenir. Il finit par quitter le cadavre, reculant de quelques pas en se demandant comment il allait pouvoir expliquer tout cela aux autorités policières sans passer pour le coupable idéal. Bien sûr, il était le coupable, il avait lui-même planté la lame dans le ventre de cet inconnu mais ce n’était pas désiré, il cherchait juste à se défendre.
Un nom s’imposa à lui, si facilement qu’il retint un rire jaune. Hannibal Lecter. Évidement. Qui d’autre était en position de le comprendre ? Frederick s’éloigna du corps, retourna dans sa voiture – en espérant que le sang, ce sang désagréable, ce sang trop rouge, ne tâcherait pas ses sièges. Il roula sans s’arrêter, ses mains serrées sur le volant, son regard fixé sur la route qui défilait, sur les lampadaires qui s’allumaient peu à peu en projetant des ombres sur le bitume. Il ne cilla pas en notant le panneau d’arrivée à Baltimore, dans le Maryland, et il tenta de réfréner sa panique.
Devant la porte close, les mains moites et tremblantes, Frederick trouva une pointe de courage qui le poussa enfin à frapper. Lecter vint lui ouvrir et le détailla de la tête aux pieds, ses yeux s’attardant sur le sang – le sang, si rouge, le sang, qui lui donnait la nausée, le sang, le sang, le sang – avant de remonter à son visage.
« J’ai … j’ai besoin d’aide, murmura Frederick. »
Sa voix perdit en éclat, son regard s’égara sur le côté. Il savait au fond de lui qu’il s’adressait à la bonne personne ; il avait toujours deviné qu’Hannibal n’était pas le simple collègue au sourire avenant – mais parfois inquiétant – et à la notoriété impeccable. Dans son esprit, un nom s’imposa à lui, si effrayant, porteur de cadavres et de terreur, un nom que le FBI traquait, un nom qu’il aurait dû éviter : l’Éventreur de Chesapeake.
« Entrez, vous ne voudriez pas être vu dans cet état. »
Frederick hocha la tête et franchit la porte, la gorge nouée. Avec sa délicatesse légendaire, Hannibal le conduisit à sa salle de bain, lui sortit des serviettes propres et lui apporta des vêtements. Le directeur de l'hôpital psychiatrique remercia faiblement l'autre homme, conscient qu'il aurait sans doute une dette envers lui. Quand son confrère ferma la porte de la salle d'eau, Frederick souffla longuement ; son cœur palpitait encore, et un violent mal de tête vint le saisir. Il se déshabilla et entra dans la douche, posant quelques secondes son front contre le carrelage frais du mur, son corps frappé par le jet d'eau.
Il se reprit et se savonna, tentant d'effacer de son esprit l'image du cadavre qu'il avait abandonné dans la neige. Frederick frotta jusqu'à en avoir la peau rouge – aussi rouge que le sang qu'il avait fait couler, aussi rouge que le sang présent sur ses vêtements, aussi rouge que le sang qui allait l'engloutir. Désemparé par la vision qui s'offrait à lui, il glissa dans la douche et se retrouva à terre, le jet d'eau couvrant entièrement son corps et son visage où des larmes commençaient à poindre.
« Frederick, vous vous sentez bien ? »
La voix de Lecter était déformée, l'eau donnait aux sons extérieurs une nuance particulièrement troublante. Frederick ne répondit pas, recroquevillé, secoué de sanglots. Il entendit à peine la porte s'ouvrir, découvrit une haute silhouette humaine, percevant ses gestes sans voir ses traits ; c'était Hannibal, il le savait, mais la crise de panique l'empêchait d'être rationnel. Le débit de l'eau ralentit puis fut coupé, rendant leur clarté aux bruits, couvrant la peau de Frederick d'un frisson dû au froid soudain. La chaleur se présenta à lui sous la forme d'une épaisse serviette de bain, enroulée autour de son corps tremblant ; Lecter l'aida à s'asseoir sur le rebord de la baignoire, non loin de la douche.
« J’ai tué un homme, balbutia Frederick en croisant le regard de son confrère. Il … il m’a agressé. J’ai retourné son arme contre lui et …
— Vous auriez dû appeler la police, vous étiez en état de légitime défense. Maintenant que vous avez abandonné le corps et fui la scène de crime, vous passerez pour le coupable. »
Le ton d’Hannibal n’avait pas bougé, si neutre, factuel. En un sens, il avait parfaitement raison, ce que Frederick savait déjà. Il connaissait les procédures, il devait les suivre aussi à l’hôpital psychiatrique pour criminels aliénés mais il lui semblait que tout avait disparu de ses pensées, laissant l’instinct de survie et de conservation prendre le dessus. Frederick resserra la serviette autour de lui, enfin conscient pour la première fois de sa nudité sous le tissu.
« Il faut que je m’habille, murmura-t-il. Le cadavre …
— Je vais m’en occuper, le coupa Hannibal. »
Dans les yeux de son confrère, Frederick lut enfin une émotion qui lui tira des frissons – d’effroi cette fois-ci – et qui lui rappela qu’en effet, l’autre homme était un prédateur. Par réflexe – par peur d’être une victime, par peur de connaître le vrai visage d’Hannibal, par peur d’être l’un de ces noms exposés dans les colonnes des journaux – Frederick répondit à toutes les questions de l’Éventreur : où était le corps, comment avait-il été attaqué, comment s’était-il défendu, qu’avait-il fait de l’arme ?
Lecter quitta la pièce, silencieux, et Frederick attendit, attendit, attendit. À aucun moment, il ne songea à se lever, à s’habiller, à réfléchir plus sérieusement à sa situation. Il avait froid, faim, il était terrifié, autant par ce qu’il avait fait que par la personne chez qui il s’était réfugié. Comment avait-il pu espérer que tout se passerait bien en fuyant chez Hannibal ? Comment avait-il pu …
« Frederick ? »
Hannibal était de retour, impeccable. Il n’y avait aucune trace de sang sur lui, il ressemblait juste à un homme revenu de ses courses, un homme normal, un homme qui n’avait pas dissimulé un corps. Lecter se rapprocha, d’un pas, un nouveau, puis un autre et se pencha vers lui.
« Joyeux Noël. »
Et dans les prunelles de Frederick, il n’y eut plus que du rouge, et la sensation d’une chaleur inédite, étrange, bienvenue.
Notes:
Alors, Frederick, vivant ou mort ?
Chapter 85: Repas
Notes:
Je viens de retrouver des participations de nuits que j'avais oubliées. Attention, déluge de publications en approche !
Post Saison 3.
Chapter Text
« Je ne sais pas cuisiner comme toi, proteste Will alors qu’Hannibal passe un tablier autour de sa taille. Je ne vais pas préparer le repas po…
— Tu seras parfait, le coupe le cannibale avant de l’embrasser. Il te suffit de suivre mes instructions. »
Le regard havane de l’Éventreur luit de contentement lorsque son amant rend les armes et accepte de prendre le couteau de boucher qu’il lui tend. L’ancien consultant du FBI commence par découper soigneusement la viande que le Lituanien a déposée sur une planche en bois tout en écoutant ses recommandations. Ce n’est certes pas la première fois qu’il se met à trancher des morceaux de bœuf mais le psychiatre a une façon bien à lui de l’attendrir et de la présenter. Will essaye de ne pas penser à l’origine du foie qu’il a sous les yeux, conscient d’être autant responsable que son compagnon. En fuyant avec le cannibale, il est entré dans son monde sanglant par une autre porte, différente de celle qu’il empruntait auparavant. Il ne voit plus ses meurtres par l’œil d’un membre du FBI mais bien par celui d’un homme amoureux qui serait prêt à tout pour son amant.
Will termine sa découpe puis fait revenir la viande dans une poêle. L’odeur qui se dégage de la cuisson ouvre son appétit et il regrette un instant de ne pas avoir pris le temps de manger quelque chose à son réveil. Il garde un air stoïque pendant que les morceaux grillent par la suite mais l’ajout des herbes aromatiques conseillées par Hannibal ravive la douleur dans son estomac qui gronde longuement. Un sourire amusé étire alors les lèvres de l’Éventreur qui se rapproche de son amant, assez près pour pouvoir percevoir qu’il est mal à l’aise.
« Tous ces arômes donnent faim, n’est-ce pas ? murmure le cannibale. »
Le souffle d’Hannibal fait naître des frissons sur la peau de l’empathe qui hésite entre céder à ses pulsions alimentaires et son appétit sexuel.
Chapter 86: Défiguré
Notes:
Saison 2.
Chapter Text
Will avait hésité à prendre le chemin menant à l’hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore. Il avait fait de son mieux pour ne pas y retourner depuis qu’il avait été libéré mais sa conscience lui envoyait des signaux depuis quelques jours, l’implorant d’aller rendre visite au nouveau pensionnaire. Il avait reculé cet instant le plus possible puis, ne trouvant plus aucune excuse pour ne pas y aller, il avait mis en route sa voiture et avait franchi la frontière entre la Virginie et le Maryland. Il s’était senti mal à l’aise en entrant dans le hall de l’hôpital, avait gardé la tête haute pour ne pas montrer son ressentiment puis avait avancé entre les cellules jusqu’à atteindre la plus éloignée de la porte.
« Mr Graham, siffla une voix fatiguée. »
Le consultant aperçut un mouvement puis distingua la silhouette de l’ancien directeur des lieux. Grâce à son habitude d’apercevoir des cadavres dans des états déplorables, il n’eut aucun geste de recul devant le spectacle qui s’offrit à lui mais il nota dans un coin de son esprit que Chilton avait perdu de sa superbe. Le psychiatre était défiguré par un trou dans son visage, sous son œil gauche. Le plus jeune était presque sûr que l’autre homme avait perdu la vue de ce côté, il le remarquait par l’absence de lueurs dans son regard autrefois pétillant.
« Vous venez admirer l’œuvre d’Hannibal.
— Je suis désolé, murmura Will avec une boule dans la gorge. »
Il aurait dû mieux le protéger lorsqu’il était venu chez lui pour demander son aide et il regrettait peu à peu de ne pas avoir su le soustraire à la fureur du FBI. Il aurait également dû prendre son courage à deux mains plus tôt, afin de ne pas le laisser seul dans la solitude des cellules de l’hôpital.
« Ne vous excusez pas, Mr Graham. Nous savions tous les deux de quelle manière tout cela allait se terminer. Hannibal y a veillé, n’est-ce pas ? »
Chapter 87: Aidez-moi
Notes:
Saison 2.
Je me rends compte qu'il y a un paquet de Frederick/Will en attente :D
Chapter Text
Frederick sent l'odeur du sang avant d'ouvrir les yeux. Aussitôt, les souvenirs l'assaillent, la nausée gronde dans son estomac, l'horreur de la situation lui saute au visage. Son regard semble vouloir fuir le champ de bataille qu'est devenue sa maison, passant sur les corps des policiers sans réellement les voir, glissant sur les entrailles qui gisent dans une marée écœurante de liquides organiques. Un haut le cœur le secoue mais il tient bon, l'esprit focalisé sur la seule solution qui s'impose désormais à lui. Il trébuche jusqu'à ses valises, les dépose dans le coffre de sa voiture et enclenche le moteur sans un coup d'œil en arrière.
La route vers Wolf Trap est bien trop longue. Chaque kilomètre avalé par la voiture renforce le sentiment de terreur qui étreint le psychiatre. Malgré la conduite sur laquelle il se concentre, il ne peut enlever de ses pensées l'image persistante qui s'est imprimée sur sa rétine. Sa maison est une scène de crime, un véritable théâtre de l'horreur où les cadavres et les preuves s'accumulent pour pointer un doigt accusateur dans sa direction. Peu importe qu'il soit innocent, le FBI n'a aucune raison de le croire maintenant que tout est contre lui. Frederick espère que l'homme chez qui il se rend saura démêler mensonges et vérités sans le conduire directement à l'échafaud. Will a connu ce problème avant lui, ils sont tous les deux les marionnettes d'un spectacle auquel ils n'auraient jamais accepté de participer en connaissant celui qui l'a écrit et monté.
Chilton se gare devant la maison et manque de tomber dans la neige, tremblant encore. Il récupère l'un de ses sacs, va frapper à la porte et attend avec anxiété que le couperet lui tranche la tête. Le consultant lui ouvre sans paraître surpris, lui faisant signe d'entrer avant de l'amener directement à sa salle de bain. Le psychiatre est soulagé de ne pas avoir à parler, il observe les gestes du plus jeune tandis que celui-ci lui montre les endroits où poser ses affaires. Frederick ne réagit pas, figé par la stupeur d'avoir dû quitter le confort de sa maison à cause d'un malentendu qui ne tardera pas à revenir le happer comme le ferait un boomerang. Il sent à peine les lanières de sa valise qui rougissent ses doigts, n'entend que vaguement l'interrogation inquiète de Will qui envahit son champ de vision. Seule la main que l'empathe pose sur son front parvient à le tirer de sa léthargie et à le précipiter tête la première dans la réalité qui l'entoure.
« Que s'est-il passé ? s'enquiert Graham en le forçant à lâcher prise sur sa valise.
— Hannibal est venu chez moi, murmure le directeur de l'hôpital psychiatrique avant de laisser échapper un rire nerveux. Deux policiers ont été éventrés dans ma cuisine ! Gideon est en pièces détachées dans ma chambre d'amis ! »
La panique gagne en puissance puis déverse en lui un flot d'hystérie. Il sent les larmes couler sur ses joues, perçoit les battements précipités de son cœur qui s'affole et croise le regard douloureusement compréhensif de Will. Ce dernier cherche à l'apaiser en l'appelant par son prénom, en esquissant un mouvement amical à son encontre mais Frederick prend peur et recule. Il heurte le lavabo derrière lui, se retourne et détaille avec horreur le reflet que le miroir lui renvoie. Son costume taché de sang le désigne comme coupable là où son expression terrifiée le renvoie à l'état de victime.
« Vous devriez prendre une douche, lui conseille Will sur un ton empreint de douceur. »
Chilton ne dit rien, ne bouge pas. Il pourrait être une statue dans un musée des horreurs, avec son air hagard et son apparence où le rouge domine. Le consultant fait un pas dans sa direction et le force à se détourner du miroir pour oublier sa déchéance. Le psychiatre laisse l'autre homme le débarrasser de sa veste et de sa chemise ensanglantées. Il entend sa ceinture qui heurte le sol, ressent le tissu de son pantalon qui glisse le long de ses jambes. Lorsque Will a enfin terminé de le déshabiller, il n'a plus que son boxer et les morceaux brisés de sa dignité.
Chapter 88: Wendigo
Notes:
UA S1, un brin de fantasy.
Chapter Text
Will savait qu’il perdait l’esprit. Il en avait pris conscience à l’instant où son cerveau avait associé le visage d’Hannibal à celui d’un Wendigo. L’empathe connaissait les mythes anciens, les symboles liés à ces créatures cannibales, la peur humaine très profonde qui se cachait derrière la figure de la bête sanguinaire. Depuis qu’il avait entrevu cet éclat criminel dans le regard de son psychiatre, le plus jeune ne parvenait plus à dormir, partagé entre la terreur d’avoir raison et celle d’avoir tort. S’il ne faisait que rêver alors il devait être en train de sombrer dans les méandres de sa propre folie mais s’il s’agissait de la vérité, le Dr Lecter était donc une personne bien plus maléfique qu’un simple tueur en série.
Occupé à faire les cent pas dans son salon sous l’œil attentif de ses chiens, Will n’entendit pas le bruit de moteur devant sa maison. Il sursauta lorsqu’un coup fut frappé à sa porte et il fronça les sourcils, tendant une main vers son arme de service. Il hésita quelques secondes puis s’en empara, la glissant à sa ceinture avant d’aller ouvrir à la personne qui patientait de l’autre côté. Il eut la surprise de découvrir Chilton, pâle et tremblant, sur le pas de sa porte. Le consultant du FBI l’invita à entrer, étonné de constater que le psychiatre semblait bien moins sûr de lui qu’à l’accoutumée, perdant de sa superbe et de son orgueil au profit d’une mine quelque peu craintive.
« Lecter est un monstre, lâcha Frederick sans le moindre bonjour.
— Ce n’est pas une nouveauté, marmonna Will en croisant les bras.
— Je parlais au sens littéral, remarqua le plus vieux. »
L’empathe put lire dans l’expression de l’autre homme qu’il paraissait être réellement terrifié. Il se demanda un bref instant si Chilton avait eu les mêmes visions cauchemardesques que lui et, avant d’avoir pu y réfléchir à tête reposée, les mots franchirent ses lèvres. Le directeur de l’hôpital psychiatrique pour criminels aliénés lui confirma qu’il avait des doutes sur la nature d’Hannibal et ils échangèrent un regard entendu. Derrière sa carapace d’homme et de culture, derrière ses airs raffinés et ses plats gastronomiques, Lecter dissimulait un appétit sanglant.
Chapter 89: Témoin
Notes:
UA S2.
Chapter Text
Les coups frappés à la porte le sont violemment, avec une force qui ne trompe personne. Encore endormi, Frederick lutte avec ses draps avant de rejoindre l’entrée. La silhouette qu’il distingue à travers l’ouverture vitrée ne le rassure pas et suffit à le réveiller à une vitesse phénoménale. L’angoisse le saisit alors qu’il déverrouille la porte, faisant face à l’agent Crawford. Ce dernier le dévisage longuement, comme s’il cherchait à trouver un quelconque signe de culpabilité sur ses traits, puis il lui demande s’il peut entrer. Le psychiatre hésite un court instant à lui dire qu’à cette heure il aimerait mieux retourner au lit car il sait que Jack n’apprécierait pas ce genre d’humour.
« Que voulez-vous ?
— Nous enquêtons toujours sur l’Éventreur de Chesapeake.
— Et vous pensez encore que c’est moi ? Vous devriez vous renouveler, agent Crawford.
— Vous n’avez aucun alibi, Chilton. Personne ne peut justifier que vous n’étiez pas sur la scène du dernier crime.
— Moi je le peux. »
Will sort de l’ombre, surprenant l’agent. Frederick est un peu gêné, il n’imaginait pas que le consultant prendrait le risque de faire savoir qu’ils ont une relation. À un autre moment de la journée, ils auraient pu offrir une autre excuse mais là, l’empathe est torse nu, les cheveux ébouriffés et son regard n’est pas celui d’un homme venu pour une simple visite de courtoisie.
Chapter 90: Une nouvelle case
Notes:
Post saison 2.
Chapter Text
Frederick ne sait plus combien de fois il a dû faire une croix dans la case correspondant à son humeur. Sa psychologue, une femme charmante et compréhensive, travaille avec une ardoise sur laquelle sont représentés trois smileys de trois couleurs différentes : un vert qui sourit si tout va bien, un orange avec un visage neutre pour les jours où il n'y a rien de particulier et un rouge qui grimace pour les mauvais moments. Il se contente des deux derniers, principalement parce qu'il n'a aucune raison d'être heureux.
Son existence a connu des bouleversements trop importants pour lui permettre de garder un air jovial en toute circonstance. Ce ne sont pas seulement la douleur physique et les altérations de son apparence qui justifient son changement de sociabilité mais c'est avant tout sa responsabilité. S'il avait su voir ce qu'il avait sous les yeux au lieu de jouer à l'ignorant ou de se pavaner avec son air suffisant, rien de tout cela ne se serait passé. Cette prise de conscience a eu un effet dévastateur sur son moral et il s'est résolu à consulter une psychologue pour s'ouvrir sur son ressenti. L'ennui, c'est qu'il ne fait aucun effort parce qu'il ne trouve pas de raison suffisante pour remonter la pente
Le rendez-vous ne s'éternise pas et il quitte le cabinet avec le sentiment d'être un raté. Gideon lui a prouvé qu'il est encore et toujours un incapable tandis qu'Hannibal s'est servi de lui pour ralentir le FBI. Entre le scalpel de l'un et le coup de feu du pantin de l'autre, il estime avoir payé de sa personne pour ses méprises et cela, suffisamment. Son corps ne lui semble plus lui appartenir mais il a gardé son travail, ce qui est mieux que rien. L'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore n'est sans doute pas l'endroit le plus joyeux au monde mais il reste sa forteresse, le seul lieu où il gouverne sans crainte. C'est d'ailleurs pour cela qu'il y retourne toujours après ses séances avec la psychologue, comme pour retrouver un calme qu'il ne possède pas.
Ce jour est toutefois différent. Devant son bureau, quelqu'un de familier l'attend. Frederick est tenté de l'ignorer comme s'il ne l'avait pas aperçu mais ce serait se ridiculiser devant lui. Will Graham n'a pas beaucoup changé, hormis les cernes encore plus visibles sous ses paupières. Chilton n'ignore pas qu'il a lui-même été blessé par le cannibale et il se surprend à compatir à sa douleur, ce qui n'est pas habituel. Il l'autorise à entrer dans la pièce avec un sourire de circonstance, remarquant l'air détendu du consultant. Pour une victime de l'Éventreur, il est très tranquille et c'est cela qui agace prodigieusement le plus vieux.
« J'ai besoin d'un nouveau psychiatre, annonce l'empathe sans la moindre hésitation.
— Et vous voulez savoir qui je peux vous recommander, termine Frederick.
— Non, ce n'est pas mon intention. J'aimerais que vous deveniez mon psychiatre, Dr Chilton. Vous connaissez mes problèmes et l'impact d'Hannibal sur mon esprit, je n'irai pas ailleurs. »
Frederick entend nettement les raisons véritables derrière cette demande. Choisir un autre psychiatre reviendrait pour Will à devoir exposer toutes ses faiblesses et toutes les manipulations du cannibale. Même pour l'équipe de Jack, ce serait très mauvais et leur vaudrait des enquêtes internes.
« Venez boire un verre avec moi, Graham, et je vous donnerai ma réponse. »
Ce n'est pas ainsi qu'il envisageait les choses au début mais il a parlé avant de réfléchir et l'amusement dans les beaux yeux de Will est presque moqueur. Le consultant accepte, à la plus grande surprise de Chilton. Ce dernier songe un court instant que viendra peut-être l'occasion de tracer une croix en face du sourire vert.
Chapter 91: Sous l'oeil de l'appareil photo
Notes:
Le titre de ce recueil a changé, il passe de Nuits cannibales à Pêle-mêle cannibale. A l'origine, c'était un recueil de textes composés pendant les nuits du forum HPF mais j'ai quitté le forum et la communauté, et il y a déjà quelques OS écrits pendant des ateliers discord (ateliers écriture, atelier drabbles, etc.). Je pense m'arrêter à la barre symbolique des 100, peut-être qu'il y aura un autre recueil plus tard.
Bref, nouvel OS, nouveau duo :D
Post-Saison 2.
Chapter Text
Tandis que les vapeurs d’eau montaient autour d’elle, Alana faisait de son mieux pour ne pas croiser l’expression de Freddie Lounds. Elles ne se côtoyaient pas vraiment, un monde les séparait, mais Alana avait eu besoin de se sentir rassurée après l’accident, pour reprendre possession de ce corps qui l’avait trahie à de trop nombreuses reprises. Alana avait essayé d’effacer les dernières traces de timidité qui parsemaient ses joues. C’était la première fois qu’elle posait nue pour quelqu’un, c’était d’autant plus la première fois qu’elle laissait une personne l’observer depuis qu’elle avait traversé la fenêtre de la maison d’Hannibal – une personne qui n’était pas le personnel de l’hôpital.
Certaines nuits, elle ne dormait pas, envahie par les douleurs et l’effroi. Il lui semblait parfois revivre cet instant insensé pendant lequel elle avait failli mourir. Que lui était-il donc passé par la tête ? Elle avait voulu affronter l’Éventreur de Chesapeake, cet homme qui ne cessait d’échapper au FBI et qui avait réussi à accuser deux personnes à sa place. Elle aurait pu en rire si les dommages qu’elle avait subis ne l’avaient pas paralysé. Il lui avait fallu de longues semaines avant de pouvoir se lever correctement et marcher ; elle n’oubliait pas le fauteuil roulant et l’humiliation de dépendre de quelqu’un au quotidien pour aller mieux. Désormais, elle ne se déplaçait plus qu’avec une canne mais la douleur était toujours présente.
Un jour où elle revenait de courses, les bras chargés, l’équilibre précaire, elle avait croisé Freddie. Elles avaient discuté, avec cette distance qui se dressait inévitablement entre deux personnes qui ne s’appréciaient que peu. Alana avait une mauvaise opinion de Freddie en raison de ses trop nombreux articles de presse de Tattle Crime mais après Hannibal et le massacre qui avait eu lieu chez lui, elle aurait pu s’adresser à n’importe qui.
« Lève les bras au-dessus de ta tête, ça mettra ton corps en valeur, lui intima Freddie. »
Alana s’exécuta, prenant une position de danseuse avec les mains croisées à quelques centimètres de ses cheveux noirs. Elle jeta un coup d’œil à la photographe qui changeait son objectif pour s’adapter à l’humidité ambiante. Elles se trouvaient dans une clairière particulièrement accueillante où un bassin avait été créé, rempli d’une eau claire aux reflets irisés. Quelques arbres assombrissaient l’ensemble, projetant leurs ramures ombreuses sur la margelle du bassin et sur la peau d’Alana. Le rose aux joues, elle ne cessait d’observer ce qui l’entourait, en évitant le plus souvent de planter son regard dans celui de l’autre femme.
Elle avait le sentiment que toute sa peau la brûlait, comme si les yeux de Freddie pouvaient l’enflammer avec autant de chaleur que la vapeur qui l’entourait. Elle déglutit en contractant son ventre, se demandant pour la millième fois ce qui lui était passé par la tête tant elle avait l’impression de ne pas être à sa place. Sa peau était couverte d’un fin film de sueur, provoquée par la température ambiante, et ses jambes commençaient peu à peu à trembler ; sans sa canne, elle ignorait combien de temps encore elle tiendrait.
Freddie finit par annoncer une pause, éteignant son appareil photo. Alana se secoua pour se libérer de la sensation de fourmillement qui l’étreignait. Elle descendit prudemment les quelques marches de l’escalier en marbre qui la séparaient du bassin puis s’immergea dans l’eau pour échapper à l’œil inquisiteur de Freddie. Elle fut surprise de la découvrir en train de se déshabiller pour venir la rejoindre sous l’eau.
« J’espère que je ne te dérange pas, la railla la photographe avant de faire quelques brasses vers elle. »
Alana nota le passage au tutoiement mais ne dit rien. Elle reprenait peu à peu confiance en ce corps qu’elle détestait, celui où s’étendaient des cicatrices qu’elle aurait pu éviter si elle avait eu un brin de logique. Elle avait eu si mal et si honte ; la colère qu’elle avait sentie contre Hannibal avait fini par se loger au centre de son ventre, en une boule de culpabilité dirigée uniquement contre elle-même. Il lui avait laissé le choix de fuir et elle avait refusé, avec un peu trop d’inconscience, avec un ego un peu trop sûr ; personne n’était en mesure de s’opposer aux plans de Lecter.
Freddie se rapprocha d’elle, jusqu’à la toucher, ses cheveux roux mouillés éparpillés sur ses épaules et descendant jusqu’à ses seins à peine cachés par le liquide transparent. Alana était hypnotisée par cette peau d’albâtre qui se présentait à elle et ranimait l’envie d’un corps à corps qu’elle essayait pourtant de repousser de son mieux. Freddie suivit son regard avant d’arborer un sourire goguenard, tendant les mains vers le visage de la psychiatre, posant son front contre le sien.
« Eh bien, Dr Bloom, tu aimes ce que tu vois ? souffla Freddie.
— Tu ne sais pas à quel point, riposta la concernée avant de céder et de réduire la distance entre leurs lèvres. »
Le baiser était volatile, chacune effleurant l’autre sans insister. Ce fut Alana qui s’autorisa la première des gestes plus intimes, glissant ses doigts fins contre les flancs de Freddie avant de descendre sur ses hanches. Elle attendait l’autorisation de l’autre femme, un consentement qui lui ferait comprendre qu’elle n’allait pas trop loin. Freddie saisit l’une de ses mains dans la sienne avant de la poser sur son bas-ventre, lui murmurant d’être un peu plus aventureuse. Encouragée par l’ardeur de la journaliste, Alana la caressa, ses doigts jouant avec son intimité, découvrant sa vulve gonflée de désir, titillant son clitoris. Freddie s’accrocha à elle pour se maintenir hors de l’eau, venant embrasser son épaule puis sa gorge avant de recueillir des baisers sur ses lèvres.
Prise dans cet élan inattendu, Alana laissa sa main libre glisser vers son propre sexe qu’elle caressa en rythme avec celui de Freddie. Elle mena la rousse jusqu’à l’orgasme et la rejoignit peu de temps plus tard, ses lèvres entrouvertes en un cri muet.
« J’aimerais te photographier dans l’extase, lui souffla Freddie sur un ton rauque alors que leurs corps s’effleuraient encore dans l’eau. »
La peau d’Alana brûlait toujours, elle avait envie de se blottir contre son amante, de réitérer ce qu’elles venaient de faire, de prendre son temps, de se loger entre ses jambes pour lui procurer une autre forme de caresse mais elle n’avoua rien. Elle ignorait de quoi serait fait son avenir mais elle doutait d’avoir un jour la possibilité de s’offrir une forme de paix loin du chaos provoqué par Lecter.
Chapter 92: Will terrassant le grand dragon
Notes:
UA Saison 3.
Chapter Text
« Chilton a été enlevé. »
L'estomac de Will se tordit en entendant la voix de Jack. Il n'était pas censé s'étonner de la nouvelle, c'était prévu dans leur plan d'origine : la photographie où il posait sa main sur l'épaule de l'ancien directeur de l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés de Baltimore devait envoyer un message au tueur et l'inviter à se montrer. Pourtant, l'article paru dans Tattle Crime lui semblait désormais d'un mauvais goût, en une plaisanterie douteuse à laquelle il n'aurait jamais dû participer.
Le jeune homme prit sa tête entre ses mains, assis face à Crawford et son regard inquisiteur. Il ne pouvait que songer aux tortures perpétrées par la Petite Souris à l’encontre de Chilton, il avait suffisamment vu les scènes de crimes, les morceaux de vitres sur les yeux ; il eut le sentiment que tout cela n’était rien à côté de ce dont le Dragon était capable.
« Graham ?
— Qu’est-ce que j’ai fait ? murmura Will. Je l’ai envoyé à la mort. »
Il eut une vision fugace du corps de Chilton, embrasé par le feu d’un tueur en série, et il se leva brusquement. Il avait demandé son aide au psychiatre sans penser à ce qu’il risquait de subir mais il le regrettait. Combien de vies allait-il mettre en jeu désormais ? Will n’était pas Hannibal, il ne balayait pas les autres d’un simple mouvement pour son bon plaisir.
« Je dois y aller. »
Il récupéra son manteau sans prendre le temps d’en dire plus à Jack. Il se sentait si coupable, sans comprendre pour quelle raison. Will ne comptait plus le nombre de jours qui le séparaient de sa rupture avec Molly – il l’avait perdue depuis plus longtemps encore, sans même être sûr de l’avoir jamais aimée comme il l’aurait dû – et il se voyait comme un bourreau qui sacrifierait n’importe qui sans hésiter. Aurait-il envoyé sa femme et son beau-fils à l’abattoir ? Aurait-il souri face à la photographe avec le même air dédaigneux ?
La pluie avait décidé de s’inviter, noyant le paysage sous un déluge importun. Will s’en contrefichait, il s’était glissé derrière le volant de sa voiture, pour prendre le chemin qui lui paraissait le plus logique ; il n’avait aucune idée de l’adresse précise de leur criminel mais il ne doutait pas de sa chance. Il n’en était pas à sa première enquête, il avait déjà résolu des situations extrêmes et recommencerait avec la même facilité.
Ce fut la nuit qui l’accueillit. Éteignant les phares de son véhicule, Will passa devant plusieurs maisons et s’arrêta en trouvant une demeure qui rentrait dans les esquisses de profil du meurtrier. Il fit sauter la sécurité de son arme avant de se glisser par une fenêtre mal fermée, espérant ne pas se faire remarquer. Son espoir fut de courte durée. Une main le tira par le col de sa chemise avant de le jeter contre le sol. Will n’avait pas aperçu la silhouette du tueur et il grimaça en se frottant la gorge.
L’autre homme le saisit à nouveau par sa chemise et le traina jusqu’à la pièce la plus proche. Will avisa Chilton, attaché presque nu à un fauteuil roulant, les yeux bandés. Le tueur ne lui laissa pas le temps d’en voir plus, il le frappa au visage, si violemment que l’empathe fut sonné par le coup.
« Vous avez de la visite, Dr Chilton. Votre ami du FBI.
— Will ? »
L’entente de son prénom surprit l’ancien consultant ; il y avait tant de soulagement dans la voix du psychiatre qu’il se sentit peiné. Jamais il ne parviendrait à les sortir tous les deux de là, le criminel était beaucoup trop fort. Will avait perdu son arme la première fois où l’autre individu l’avait attrapé, il était les mains vides, impuissant.
« Un spectateur est toujours le bienvenu, susurra le tueur.
— Qui êtes-vous ? s’enquit Will en essayant de se redresser. »
Il n’obtint aucune réponse. Le tueur se rapprocha de lui, révélant un visage déformé par un bec de lièvre ainsi qu’un lourd regard qui parut voir à travers lui.
« Je suis le dragon, siffla finalement l’homme. »
Sans se soucier de savoir s’il serait attaqué ou non, le tueur se détourna de l’empathe pour rejoindre Chilton. En voyant la main de l’homme saisir un bidon, Will réagit ; il n’avait pas besoin de plus pour comprendre ce que ferait le criminel. Il parvint à surprendre le tueur, le faisant tomber au sol où l’essence se déversa, répandant une odeur désagréable. Will frappa au hasard, cassant le nez du tueur qui grogna avant de le cogner dans les côtes. L’empathe roula, réfrénant sa douleur ; à la moindre preuve de faiblesse, l’autre aurait le dessus.
Lorsque le tueur se jeta à nouveau sur lui, le plus jeune était prêt. Will plaqua son adversaire contre le sol et frappa sa tête – une fois, deux fois, trois fois – jusqu’à le rendre inconscient. Rapidement, il se mit debout et détacha Chilton, avant de remplacer le psychiatre par le tueur sur le fauteuil roulant.
« Sortez, intima Will en jetant un coup d’œil à l’ancien directeur de l’hôpital psychiatrique.
— Pas sans vous, protesta ce dernier. »
Malgré son état, Chilton vint aider l’empathe à nouer la corde autour du corps du tueur. Ensuite, Will partit à la recherche de son arme et tira, visant au mieux pour blesser le meurtrier sans le tuer ; il tenait à ce qu’il fût pris vivant par le FBI.
À l’arrivée de Crawford et de ses hommes, Will et Chilton les attendaient sur les marches de la maison, assis dans le noir, à peine éclairés par le portable du plus jeune. Will avait récupéré une couverture à l’intérieur pour couvrir le psychiatre, et il avait aspergé ses propres vêtements avec de l’eau pour diluer l’essence.
« Il s’appelle Francis Dolarhyde, les informa Jack. Il a vécu chez sa grand-mère pendant son enfance, et c’est ce qui a déclenché son traumatisme.
— C’était son dentier à elle, comprit Will. »
Il y avait des marques de dents sur les victimes mais sans ADN. Crawford acquiesça puis entra enfin dans la maison, derrière ses hommes. Will ne tenta pas de les rejoindre, il tendit plutôt sa main vers le bras de Chilton, un peu hésitant, se décidant ensuite à poser ses doigts contre le poignet tremblant du psychiatre.
« Je suis désolé, commença l’ancien consultant. Je n’ai aucune excuse.
— Vous avez arrêté un criminel, ironisa Chilton. C’est votre boulot, je ne vais pas vous faire la morale ou hurler.
— Vous devriez, pourtant. Je vous ai … Je vous ai désigné comme victime. »
Des serpents auraient pu sortir de sa bouche en cet instant, comme dans le conte de fées. Chilton le voyait peut-être comme un héros qui l’avait sorti des griffes du monstre mais Will n’était que le méchant qui l’y avait envoyé.
« Je veux juste rentrer chez moi, murmura le psychiatre. »
Mais leur journée n’était pas encore terminée. Ils durent suivre les membres du FBI pour rentrer – Will fut obligé de céder ses clefs de voiture à quelqu’un d’autre, il n’avait pas l’autorisation de reprendre le volant – et subirent des examens rigoureux pour déterminer si oui ou non, ils avaient le droit de retourner chez eux. Ils furent également contraints de passer par les douches et reçurent des vêtements pour se couvrir – ceux de l’empathe, couverts d’eau et d’essence étaient considérés comme des preuves – avant d’obtenir enfin le droit de quitter les lieux.
Will se proposa pour ramener Chilton chez lui. Il ne connaissait pas sa destination et laissa ainsi le psychiatre l’orienter ; de cette manière, cela rendait à Chilton les rênes de sa propre vie. Ils ne discutèrent pas pendant le trajet, l’empathe était encore étreint par une certaine culpabilité et il se doutait que l’autre homme n’était pas dans un meilleur état que lui. Mais à sa grande surprise, Chilton l’invita à boire un verre pour le remercier.
« Vous n’étiez pas venu ici, n’est-ce pas ? lui demanda le psychiatre lorsqu’ils entrèrent chez lui.
— Non, je n’ai eu accès qu’aux preuves. »
Il avait vite compris de quoi parlait Chilton. Quelques années plus tôt, Hannibal avait déposé de faux indices pour faire croire que FBI que son collègue était l’Éventreur de Chesapeake. À l’époque, Will, qui savait que Chilton était innocent, avait refusé de participer à la mascarade de Crawford et s’était contenté de regarder tous les éléments récupérés chez le psychiatre. Il n’avait cependant aucun mal à se figurer les différents corps retrouvés là, l’un hérissé d’instruments tranchants, l’autre éventré.
« Je suis sincèrement désolé.
— Vous l’avez déjà dit, Will. »
Encore une fois son prénom. L’empathe aurait aimé s’excuser une troisième fois mais il devina, au regard du psychiatre, que c’était inutile. Chilton sortit deux bières du frigo et les décapsula sous l’œil amusé de Will ; il s’était presque attendu à un vin coûteux et ancien mais l’autre homme semblait avoir décidé de ne plus se cacher derrière un masque. L’instant était paisible, bien plus que ces longues minutes passées chez Dolarhyde, à craindre un échec cuisant.
« Quand Lounds nous a photographiés tous les deux, j'attendais avec impatience les agissements du tueur, murmura Will. Je vous avais choisi pour cible, j'étais ... »
Formuler ses pensées était un acte complexe, non pour leur contenu mais parce qu'il risquait de révéler cette peur sournoise tapie en lui. Will avoua finalement qu'il s'était cru dans la peau de Lecter pendant quelques minutes, à décider de la vie et de la mort d'autrui, à désigner une victime comme si son sort importait peu. Il percevait encore cette exaltation qui l'avait saisi pendant qu'il dictait son profil devant Lounds, appuyant sur les mots que devaient éveiller la colère du dragon ; il avait vu juste, sur tous les fronts, mais le résultat aurait pu se changer en une catastrophe lourde de conséquences. Il ne fallait pas être profiler pour savoir que l'homme allait enflammer Chilton et le servir en une métaphore de sa propre métamorphose.
Malgré le fait qu'Hannibal fût enfermé à l'hôpital psychiatrique pour criminels aliénés, désormais dirigé par Alana, Will avait eu le sentiment d'une présence à ses côtés pendant qu'il avait tendu la perche au criminel. L'Éventreur de Chesapeake aurait sans doute apprécié son petit jeu devant la caméra de Freddie, et il l'aurait d'autant plus savouré en raison de son inimitié envers Chilton. Lecter avait déjà tenté de piéger son collègue – une plus ou moins réussite au vu de l'état dans lequel Chilton s'était retrouvé – et il aurait été naturel pour lui de recommencer.
« Lecter n'est jamais sorti de votre tête, n'est-ce pas ?
— Il n'a jamais quitté nos vies, Frederick. »
Will s'autorisait lui-aussi un rapprochement, léger, qui ne tenait que dans l'utilisation du prénom du psychiatre. Il lut de la confiance dans les yeux de Chilton, et des remerciements multiples dont le plus jeune estimait ne pas être digne.
« Je me suis marié, indiqua l'empathe en retenant un rire. Molly se moquait bien de mon rôle de consultant du FBI, elle était amoureuse de moi. Elle a déjà un fils, suffisamment grand pour comprendre le monde qui nous entoure. Je pensais ... je pensais que cette parodie d'existence normale m'irait.
— Il est plus facile de faire semblant, soupira le psychiatre. Si vous saviez combien de fois j'ai rendu visite à Hannibal à l'hôpital psychiatrique. Le voir derrière des barreaux procure un sentiment de puissance.
— Le lion en cage que chacun peut admirer. Mais ne sommes-nous pas des singes effrayés, à peine en liberté ?
— Pour lui nous serions surtout des porcs. »
Le ton employé par Chilton fit sourire Will. Bien sûr qu'ils étaient des porcs aux yeux de Lecter, il en avait toujours été ainsi. Qui aurait cru que les deux proies gagneraient à la fin ? Lecter, Dolarhyde, ils étaient deux tueurs du même acabit, sûrs d'eux, au point d'oublier qu'ils restaient des êtres humains avec des faiblesses.
« Nous pourrions devenir amis, marmonna Frederick sans le regarder.
— Oui, nous le pourrions. »
Qu'y avait-il de mieux qu'une amitié forgée dans la souffrance ? Il n'était plus question de griefs passés, ils avaient chacun tourné la page. Les deux monstres étaient en cage, désormais. Et eux ... eux avaient survécu.
Chapter 93: Se reprendre en main
Chapter Text
Alana ignorait ce qu'elle espérait trouver en venant sur les lieux du crime. La pluie avait dilué depuis longtemps le sang de Dolarhyde, ne laissant qu'une vague trace plus foncée là où le cadavre avait reposé. Elle n'avait pas vu de ses propres yeux l'état dans lequel la police avait découvert la scène, se contentant des photographies prises par Lounds pour Tattle Crime. Si les clichés n'avaient pas la netteté d'un travail bien accompli, ils avaient au moins le mérite de révéler ce que le FBI avait maladroitement tenté de taire. Dolarhyde n'avait pas simplement été tué par un agent qui se défendait, il s'agissait d'un combat où l'un des protagonistes flirtait outrageusement sur la ligne qui séparait le bien du mal.
Lorsqu'elles avaient appris la fuite d'Hannibal, Alana et Margot avaient quitté la maison familiale avec leur fils, cherchant un endroit où se terrer en toute sécurité. Alana avait cru sentir se tordre autour de son cou une corde de pendu, se rappelant les propos du cannibale quand il lui avait annoncé que sa famille lui appartenait. Effrayée à l'idée de perdre le bonheur qu'elle s'était construit auprès de sa femme et de son enfant, la psychiatre avait filé loin, en Europe de l'est, où elle savait pouvoir compter sur des personnes bienveillantes et discrètes.
Les premiers jours avaient semblé durer des siècles. Alana n'avait pas réagi en apprenant la mort de Will et Hannibal, pensant à une mauvaise farce avant de devoir admettre que tout était terminé. Avec eux, c'était son épée de Damoclès qui s'envolait, lui rendant une liberté qu'elle avait saisie avec avidité avant de rentrer chez elles. Crawford lui avait raconté ce qu'il supposait être une sorte de vérité, incapable de déterminer ce qui s'était passé ; les trois individus impliqués dans l'affaire étaient morts. Ne subsistaient que des corps, en attente d'une sépulture, et une maison au bord de la falaise.
« Tu as le droit de pleurer, mon amour. »
Margot avait insisté pour l'accompagner, confiant leur fils à une nourrice avant de partir avec elle jusqu'à ce coin reculé. Alana n'était pas certaine de mériter autant de dévotion de la part de quelqu'un alors qu'elle n'avait jamais soupçonné la nature d'Hannibal. Combien de fois avait-elle défendu Lecter et Graham ? Combien de fois avant de voir Will être enfermé à l'hôpital psychiatrique ? Combien de fois avant d'être précipitée à travers l'une des fenêtres de celui qu'elle pensait son ami – et qui avait été son amant – et piégée dans un corps qui ne bougeait presque plus ? Elle aurait dû s'en apercevoir et empêcher la descente aux enfers de chacun d'eux. N'était-ce pas à cause d'une idée soufflée par Hannibal que Mason s'était rendu compte de la grossesse de Margot et l'avait blessée ?
Des larmes vinrent perler à ses paupières. Alana portait une culpabilité immense, née de tant d'années à ressasser ce qui avait été ou aurait pu être. Elle avait pleuré et crié en apprenant que Will avait été arrêté et suspecté d'être l'Éventreur de Chesapeake. Elle avait tremblé en voyant Hannibal couvert de sang alors qu'elle pensait l'aimer ; elle avait été sa couverture pendant tout ce temps. Mais après sa propre chute, elle n'avait plus rien ressenti durant des semaines, devenant plus froide, plus incisive. Seule Margot avait su traverser les murailles élevées autour de son cœur.
« Je suis tellement désolée, sanglota Alana. Si j'avais ... »
Elle ne termina pas sa phrase, n'en eut pas le temps. Margot la prit dans ses bras, caressant sa nuque avec douceur en lui soufflant que rien n'était sa faute. Alana pleura encore, accrochée à sa femme comme à une bouée de sauvetage, craignant de se réveiller à l'hôpital ; et si tout cela n'avait été qu'un rêve ? Et si Margot n'était qu'une invention de son cerveau fatigué ? Et si ce bonheur volatile n'existait pas ?
« Tu devrais aller à la morgue, remarqua sa femme en brisant leur étreinte et en séchant du bout des doigts les larmes échouées sur ses joues. Peut-être que si tu les vois, ça ira mieux. »
Il y avait encore quelques mots que Margot ne prononçait pas mais qu'Alana devinait derrière ce silence. Lorsque Mason avait été tué, il avait fallu beaucoup de temps à sa sœur pour accepter que le calvaire fût enfin terminé. Seules les obsèques avaient permis de la libérer du poids invisible de Mason, ouvrant des poumons à un air plus frais, débarrassée des exigences perverses de ce frère qui avait tout pouvoir sur elle.
Alana hésita, le regard vague. Puis elle acquiesça et accepta la main tendue de sa femme, rejoignant avec elle la voiture qu'elle avait garée à quelques pas de là. Derrière elles résonnait le bruit de l'eau se fracassant sur la falaise, là où Will et Hannibal avaient péri, là où leurs cadavres avaient été récupérés par les autorités. Elles quittèrent ce lieu maudit et prirent le chemin menant au siège du FBI. Alana conduisait, les mains serrées sur le volant, attentive à la circulation. De temps en temps, la main de Margot venait se poser sur sa cuisse, lui rappelant sa présence et son soutien.
Le long des couloirs, Alana ne prêtait pas attention aux gens qu'elles croisaient. Margot ouvrit la porte la première lorsqu’elles reçurent l’autorisation d’entrer. Sur les tables froides, trois corps recouverts d’un drap blanc ; Alana ne jeta pas un œil à celui de Dolarhyde. Après une grande inspiration, elle regarda les deux autres défunts et sentit, dès l’instant où ses yeux accrochèrent les peaux blafardes et sans vie, une intense impression de délivrance.
Elle avait gagné. Contrairement à Will et Hannibal – deux corps désormais, deux corps qui ne vivraient plus, deux corps qui gisaient là sous son regard – elle était là, bien vivante, avec le cœur qui battait fort, pour elle, pour Margot, pour leur fils. Elle ne serait plus la femme éplorée d’avoir aimé les mauvais hommes, la femme qui défendait les pires criminels, la femme qui aurait dû voir et avait été rendue aveugle. Alana était bien plus que cela, elle était celle qui avait survécu à l’Éventreur et à ses manigances, à Graham et son empathie tordue.
Un sourire aux lèvres, Alana se pencha vers le corps de Will et murmura un adieu qui résonna dans la salle.
Pages Navigation
APastandFutureNerd on Chapter 1 Mon 06 May 2019 01:54PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 1 Mon 20 May 2019 07:44PM UTC
Comment Actions
Blackbutterfly207 on Chapter 1 Fri 24 Nov 2023 09:21PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 1 Mon 04 Dec 2023 09:54PM UTC
Comment Actions
Blackbutterfly207 on Chapter 3 Sun 03 Dec 2023 11:12AM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 3 Mon 04 Dec 2023 10:13PM UTC
Comment Actions
le_dessinateur on Chapter 4 Thu 14 Apr 2022 06:09PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 4 Mon 06 Jun 2022 10:25PM UTC
Comment Actions
Blackbutterfly207 on Chapter 4 Sun 03 Dec 2023 12:17PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 4 Mon 12 Feb 2024 03:12PM UTC
Comment Actions
Blackbutterfly207 on Chapter 5 Sun 07 Jan 2024 04:42PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 5 Mon 12 Feb 2024 09:22PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 6 Sat 20 Oct 2018 01:39AM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 6 Thu 01 Nov 2018 08:48PM UTC
Comment Actions
Blackbutterfly207 on Chapter 6 Sun 07 Jan 2024 04:52PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 6 Mon 12 Feb 2024 10:17PM UTC
Comment Actions
LilithGrace99 on Chapter 7 Wed 02 Jun 2021 03:50PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 7 Wed 02 Jun 2021 06:59PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 8 Sun 16 Dec 2018 12:45AM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 8 Thu 27 Dec 2018 09:57PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 9 Sun 06 Jan 2019 08:59PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 9 Sun 06 Jan 2019 09:10PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 10 Sat 19 Jan 2019 11:36PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 10 Sun 03 Feb 2019 08:22PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 11 Sat 19 Jan 2019 11:51PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 11 Sun 03 Feb 2019 08:23PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 12 Mon 04 Feb 2019 08:58PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 12 Mon 04 Feb 2019 09:26PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 13 Mon 04 Feb 2019 09:14PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 13 Mon 04 Feb 2019 09:28PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 14 Sun 24 Feb 2019 10:03PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 14 Sun 24 Mar 2019 09:42PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 15 Sun 24 Feb 2019 10:23PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 15 Sun 24 Mar 2019 09:46PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 16 Sun 03 Mar 2019 10:12PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 16 Sun 24 Mar 2019 09:49PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 17 Wed 27 Mar 2019 03:16AM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 17 Sun 31 Mar 2019 07:48PM UTC
Comment Actions
Jessie+Landes (Guest) on Chapter 18 Mon 22 Apr 2019 08:23PM UTC
Comment Actions
AlenaAeterna on Chapter 18 Mon 22 Apr 2019 08:35PM UTC
Comment Actions
Pages Navigation