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Le roi est mort, vive le roi.
Claude a beaucoup entendu cette phrase depuis qu’il a vaincu l’empire d’Almyra. Le roi, ou plutôt le prince Shahid, est mort, vive le roi Claude. Il pense à cette phrase et ce qu’elle signifie. Oui, il a vaincu l’armée d’Almyra. Oui, il est le roi de l’Alliance et cette victoire montre à quel point il est un guerrier valeureux qui vainc chacun de ses ennemis. Ses multiples plans, que tous considéraient comme des coups fourrés, sont désormais vu comme des solutions pour remporter n’importe quelle bataille. Chacun a hâte de voir quel sera le prochain tour dans son sac que Claude pourra proposer dans une situation tendue.
Claude est devenu un héros.
Mais Claude n’a pas la sensation d’en être un.
Il est à la fois natif de Fodlan et d’Almyra. Il a toujours eu à choisir entre ses deux origines. Il a toujours été tiraillé entre être l’un ou l’autre, sans pouvoir être les deux à la fois. Quand il était en Fodlan, il sentait les regards sur sa couleur de peau typique d’Almyra. Quand il était en Almyra, il sentait les airs surpris dès qu’il avait un accent trop proche de celui de Fodlan. Tout son être était analysé. Claude était un métis, un mélange de ces deux nations qu’on ne voulait pas voir mélangées. Il s’est toujours considéré comme une incarnation des forces des deux nations. Il avait nourri l’espoir qu’un jour il serait capable de faire tomber ces frontières qui opposaient ces deux nations qui avaient tant de choses à s’offrir l’une à l’autre. Les connaissances en vol sur wyvernes, les thés, les cultures… Claude avait caressé l’espoir qu’un jour ces conflits sans but prendraient fin.
Il a caressé l’espoir que ces conflits prendraient fin avec l’union des nations. Une vie en harmonie entre ses deux patries.
Mais le conflit n’a pris fin qu’au moment où il a fallu faire un choix et qu’une nation en a éliminé une autre.
Claude l’a senti quand il a dû décocher cette flèche en plein milieu du coeur de son frère.
Est-ce qu’il peut encore s’appeler son frère après un acte pareil ? Shahid ne l’a même pas reconnu lors de leur affrontement. Le prince d’Almyra l’a juste comparé à son frère Khalid, en disant qu’il lui ressemble un peu trop. Khalid, hein… Claude a abandonné ce nom depuis bien trop longtemps. Qu’est-ce qu’il lui reste d’Almyra, maintenant qu’il a éliminé le prince ?
Oh, on ne se débarrasse pas de ses origines comme ça. Il le sait, il ne pourra jamais abandonner qui il est vraiment. Mais il voit bien comment les gens commencent à changer. Surtout ceux qui se méfiaient de lui parce qu’il est métis. Maintenant qu’il a défait la nation ennemie, il voit bien comment il est considéré.
« On en oublierait presque qu’il vient d’Almyra. »
Claude entend ça pendant le banquet de la victoire et pour être honnête il n’apprécie pas. Mais il n’a pas l’énergie. Il n’a pas l’énergie d’entendre ce genre de choses. Alors il se lève de table et part dans ses quartiers, lui qui adore les banquets festifs d’habitude. Il a besoin d’un petit moment seul mais il sait qu’il ne va pas rester seul bien longtemps.
Shez l’a rejoint dans sa chambre.
C’est bien le seul qu’il laisse entrer. Surtout à cette heure tardive et encore plus dans cet état-là. Certains diraient qu’être le commandant des armées de l’Alliance donne des privilèges, mais en réalité c’est plutôt le fait qu’ils soient un couple qui permet à Shez d’avoir un tel niveau d’intimité.
« Est-ce que ça va ? »
Finit par demander Shez en voyant le chevalier wyverne dos à lui. Il se doute de ce qu’il se passe, parce qu’il a un autre privilège que ceux cités plus tôt. Il était là au moment où le prince Shahid est tombé. Il a vu la détresse dans les yeux de Claude au moment où il a décoché sa flèche. Il se souvient parfaitement de comment son partenaire hésitait, de comment il avait fini par lui demander s’il voulait qu’il le fasse à sa place et enfin de comment Claude avait décidé que ce fardeau serait le sien et avait donc porté le coup final. À ce moment-là, Claude avait pris sur lui. Il était le roi de l’Alliance, il venait de vaincre un ennemi, il n’allait quand même pas le pleurer non ?
Du moins pas en public. Mais dans leur intimité, Shez permettait à Claude de se lâcher un peu plus.
« Tu peux pleurer tu sais.
- Je n’ai rien à pleurer. Si je dois verser des larmes, ce sont pour les soldats qui ont péri au cours de la bataille.
- Même pas ton… »
Il se demande s’il peut dire « ton frère ». C’est encore douloureux, sans doute. Il vient s’asseoir à côté de lui, inquiet.
« Il était un ennemi.
- Claude… Cette guerre nous a fait nous battre contre des anciens camarades de l’Académie des Officiers. Même si c’étaient nos ennemis, ça a été difficile pour beaucoup de gens de devoir les affronter. »
Il pense à Marianne, la sensible et douce Marianne, qui priait pour le salut des âmes de leurs ennemis.
« Sache que mon épaule est là si tu veux te reposer sur elle.
- Merci, Shez. Je sais que je peux compter sur toi. »
Et ils ne disent plus rien. Ils sont juste là, l’un à côté de l’autre, à ne rien se dire, parce qu’il n’y a pas grand chose d’autre à dire au final. Ils sont juste perdus dans leurs pensées. Claude est perdu dans la brume de ses pensées même, une brume épaisse où il ressasse tout ce qu’il lui est arrivé.
Où il ressasse en boucle cette triste réalisation qu’il se fait, cette triste réalisation où il se rend compte qu’il ne pourra jamais unir Fodlan et Almyra comme il l’a toujours souhaité.
Il est perdu dans cette brume et Shez a dû s’en rendre compte puisqu’il caresse affectueusement son dos.
Ou alors c’est parce qu’il pleure sans s’en rendre compte que Shez est aussi affectueux.
asagiriigen Mon 12 Jun 2023 01:54AM UTC
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Sawcha Mon 12 Jun 2023 10:04AM UTC
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AllenKune Wed 14 Jun 2023 08:17AM UTC
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