Chapter Text
Né dans une petite maison, sur une île oubliée par le Gouvernement Mondial, Crocodile n’aurait jamais dû faire la rencontre de Dracule Mihawk. Être le fils caché de Rocks D. Xebec a probablement aidé à ce que sa vie ne ressemble à strictement rien de normal, alors il ne sait pas s’il en est véritablement surpris.
Rien qu’avec sa mère pour l’élever pendant les premières années de sa vie sur une île à l’abri des regards extérieurs, protégée par une muraille de roches empêchant les vaisseaux les plus massifs de s’amarrer au rivage, Crocodile n’a probablement jamais été aussi heureux qu’en grandissant dans l’ombre du monde. Une mère aimante le laissant être ce qu’il voulait, une maison calme en périphérie d’une ville paisible, loin de l’agitation trouvable dans les journaux. Sa mère lui a soufflé que c’était son père qui lui avait confié l’existence de cet endroit, et qu’ils ne devaient pas partir d’ici avant qu’il n’ait fini ce qu’il avait commencé.
S’il est parfaitement honnête avec lui-même, Crocodile se fiche bien de ce que son père peut bien faire avec ses pirates, il ne l’a jamais vu et son nom est trop rarement cité dans les journaux pour qu’il s’y intéresse. Il s’est fait à l’idée que son père ne viendrait jamais les chercher, après ses quatre ans, quand sa mère est tombée malade et qu’il a dû apprendre à grandir par lui-même, les regards du médecins lui disant déjà tout ce qu’il devait savoir pour la suite. Rocks D. Xebec n’est jamais venu pendant les deux dernières années d’agonie de sa femme, alors Crocodile a abandonné le D et son nom de famille, pour ne garder que son prénom. Celui qu’il avait choisi par lui-même en voyant la photo d’un Bananawani dans le journal.
Il ne sait toujours pas comment l’information est remonté à la femme qui est venue le chercher, une semaine après que les gens de la ville l’aient aidé avec l’enterrement de sa mère, mais il a pris la mer pour la première fois à six ans. Crocodile n’en a jamais appris beaucoup sur la femme qui s’est présentée à lui sous le nom de Stussy, mais il n’a pas eu d’autres choix que de faire un paquetage de ses affaires à la hâte, avant de la suivre avec beaucoup d’appréhension. Abandonner son île natale n’avait jamais fait partie de ses projets, alors partir vers l’inconnu avec une pirate… Crocodile a juste deviné que son père ne serait pas celui qui le récupérerait au final, quand il a posé des questions sur Xebec et que les réponses l’ont décrit comme le premier venu.
D’une petite île sur Grand Line à une grosse métropole du Nouveau Monde, il n’aurait pas pu faire un plus grand écart, après trois semaines de trajet avec Stussy, ne lui dévoilant toujours rien d’elle-même. On aurait pu croire qu’autant de temps à deux sur un bateau forgerait un lien, mais Crocodile a plus souvent passé les heures vides en observant le ciel et la mer qu’autre chose. La seule chose qui ressort de son expérience sur ce navire, c’est qu’il n’a pas envie de rencontrer son père ; parce qu’il n’était pas là pour lui quand il ne pouvait faire que pleurer sur la tombe de sa mère, et parce qu’il a donné l’ordre à quelqu’un de son équipage de l’abandonner sur une nouvelle île sans oser le voir.
Stussy le laisse seul avec la nouvelle vie dont il ne veut pas après quelques heures seulement. Déposé dans une église où des bonnes sœurs ont eu pitié de lui en l’appelant pauvre fille à tout bout de champ, alors que le prêtre priait pour sa vie sous le regard meurtrier de la pirate. Crocodile n’a pas eu besoin de beaucoup de temps pour comprendre que Rocks avait uniquement demandé à Stussy de l’envoyer quelque part où le Gouvernement Mondial ne pourrait toujours pas mettre la main sur lui, sans rien lui indiquer de plus. Une tâche ingrate pour une femme qui a quand même eu la gentillesse de lui souhaiter bonne chance pour le reste de sa vie. Crocodile lui aurait envoyé un coup de pied dans le genou s’il n’avait pas été dans une église, sous les regards inquiets des religieux.
Aucun d’eux ne sait qu’il est le fils de Rocks D. Xebec, mais ça ne les empêche pas d’avoir peur de lui, parce qu’il a été déposé par une pirate. Crocodile sait qu’il a le sang d’un démon, alors il ne croit pas en ses chances de devenir un bon religieux parmi eux. Il a une chambre à lui tout seul, probablement grâce à la pression de Stussy, et trois repas par jour. Ça pourrait être pire, mais rien qu’après le premier jour, il sait qu’il ne va pas pouvoir passer des années entières—peut-être moins, si Rocks se décide à être un vrai père pour le fils qu’il a abandonné depuis plus de six ans—à jouer au bon petit fidèle. Les bonnes sœurs ne sont pas aussi douces que sa mère, le considérant comme une fille alors qu’il leur a répété une dizaine de fois que ce n’était pas le cas, et le prêtre attend de lui qu’il devienne autre chose qu’un pirate.
Avec des intérêts convergents des deux côtés, et une soif d’aventure depuis qu’il a vu une pirate trancher des vaisseaux ennemis en deux sans trembler, Crocodile s’échappe de ses corvées à l’église et des messes pour explorer la ville qui l’abrite. Il n’a pas besoin d’écouter des heures de serments sur Nika pour savoir que ça ne pourra jamais être sa vie, et avec le sang du diable dans ses veines, Crocodile préfère vivre comme le père qu’il ne connaît pas, pour être sûr d’être digne d’être récupéré un jour. Bien sûr, plus les jours passent, moins il croit que Rocks se souvient vraiment qu’il a épousé une femme sur un coup de tête, jusqu’à lui faire un enfant pour ennuyer la Marine. Rocks est juste une excuse pour proclamer sa liberté loin du vieux prêtre qui lui envoie des regards noirs—ce n’est pas de sa faute s’il n’a aucune envie de nettoyer les pavés tous les jours.
Après un mois d’aventure et de découverte dans les rues de la ville, Crocodile peut affirmer que la puanteur des rues est due aux péchés qui y fleurissent chaque jour. Il n’est peut-être qu’un enfant, mais le regard acéré qu’il a sur les choses lui a déjà montré tout ce qu’il devait savoir—une femme se faisant agresser par un groupe d’hommes, des enfants dévalisant un commerce pour survivre, des pirates perdant leurs têtes après un affrontement avec l’armée locale. Sang, sueur et alcool tapissent les murs de la ville, et Crocodile se sent à sa place ici. Sur son île, il était un ange aimé de tous, et ici, personne ne se doute qu’il est le fils du démon. Son propre regard reptilien le terrifie des fois dans le miroir.
Rocks D. Xebec fait parler de lui dans le journal, deux mois après avoir ordonné à Stussy de l’abandonner ici, et Crocodile ne peut pas plus le détester. Pourquoi est-ce qu’un pirate s’entête autant à libérer des peuples opprimés par la Marine alors qu’il n’a jamais considéré le mal-être de sa femme rien qu’une seule seconde ? Il le haït. Le sourire distordu que le papier affiche ne peut que convenir parfaitement au diable qui terrorise les mers, et assis contre un muret dans un coin perdu de la ville, Crocodile donnerait cher pour le retrouver et le frapper avec ses petits poings—pour lui faire payer la mort de sa mère dans la souffrance, lui faire avaler le stupide espoir qu’il a eu tort d’avoir toutes ces années…
L’église se débarrasserait de lui s’ils n’avaient pas tous peur que chaque pirate de la ville soit là pour veiller sur lui, alors que Crocodile est seul depuis quatre mois. Des fois, il quitte sa chambre pour aller dormir en pleine nature, près de la mare à crocodiles qu’il a repérée lors de l’une de ses ballades. Les Strawberrywanis doivent être communs dans la région, parce que personne n’ose les déranger quand ils se mettent à attaquer les élevages pour se nourrir, et Crocodile n’a jamais rien vu de plus effrayant que leur chasse face aux monstres marins à l’horizon. Mais sa catégorie préférée dans cette espèce reste les Bananawanis, depuis qu’il en a vu une photo dans le journal des années plus tôt.
Surprenamment, aucun des Strawberrywanis n’a encore essayé de le tuer, alors qu’il traîne autour d’eux sans aucun moyen de se défendre, à part le nom de son père si tout devait mal tourner près des habitants. Mais il doute que les animaux qui le fascinent en aient quelque chose à faire du diable et de son rejeton. Il emprunte tellement de livres dans la bibliothèque de l’église qu’il doit être le seul à savoir comment crocheter les cadenas maintenant les chaînes autour des étagères interdites, mais il fera son propre savoir de tout ce que l’église ne veut pas lui apprendre. Lire contre les écailles rouges des crocodiles qui terrifient la population ne fait que renforcer son idée qu’il est l’être le plus maudit de l’île.
Les Strawberrywanis sont bien plus gros et larges que lui, mais Crocodile n’a pas peur d’eux, et ils le tolèrent au point de le laisser grimper sur eux quand ils se reposent près de l’eau. Ils ne devraient pas laisser un enfant humain s’amuser à toucher leurs écailles comme ça, mais ils doivent probablement sentir le sang du démon en lui, au point de le considérer comme un monstre. Crocodile n’est même pas surpris d’être considéré comme l’un de leurs petits, dès que les premiers œufs commencent à faire leur apparition dans des trous près de la mare. Il a lu qu’ils pouvaient en pondre jusqu’à soixante, mais le groupe de crocodiles a l’air d’avoir été raisonnables, avec seulement une vingtaine d’œufs pour toute la tribu. Apparemment, vu comment la cheffe du clan aime attraper l’arrière de ses vêtements pour le garder près d’elle, il doit vraiment faire partie des leurs.
C’est pendant l’une de ses journées à tuer le temps avec les Strawberrywanis que Crocodile fait la rencontre de Dracule Mihawk. Petit, étrange, et effrayant Dracule Mihawk, s’il doit se souvenir parfaitement de son regard jaune le fixant droit dans l’âme, et de ses cheveux plus noirs que les siens. L’espace d’un instant, Crocodile se demande si son père ne lui a pas envoyé un autre fils, pour gâcher un peu plus sa vie. Puis, il remarque la façon dont les Strawberrywanis se méfient de lui sans attendre, et il comprend que ce n’est que l’un des enfants perdus de la ville.
Son livre abandonné dans l’herbe, près de la cheffe de la tribu reniflant lourdement pour faire peur à l’enfant, Crocodile se relève péniblement pour empêcher un meurtre. Ses bras écartés pour prévenir les animaux de l’interdiction de croquer dans la chair, et pour empêcher l’enfant de s’approcher d’un peu plus près des œufs à seulement quelques mètres de lui.
‘’Je ne pensais pas que la rumeur était vraie.’’ Voix froide et posée, malgré la pointe de curiosité derrière l’indifférence
‘’Quelle rumeur ?’’ Crocodile n’aurait pas dû être intrigué et simplement lui dire de rentrer chez lui
‘’Que les crocodiles de l’île étaient gardés par une fillette.’’
‘’Je suis un garçon !’’ Il a tellement l’habitude que ce genre de remarques ne cause que des réflexes maintenant, ‘’Qu’est-ce que tu viens faire ici ? Si tu es là pour les œufs, je ne te laisserai pas les approcher !’’
‘’Vérifier la rumeur, c’est tout. Je suis juste surpris de voir que ces bêtes t’écoutent.’’
Le tapotement subtil de la queue de l’un des Strawberrywanis résonne encore dans ses oreilles, alors qu’il comprend vite où tout ça les mènerait si le garçon ne faisait pas un effort pour s’écarter des animaux le plus vite possible. Il est le premier à frapper, un coup de pied dans les chevilles du plus petit pour lui faire peur et le voir partir, mais Crocodile ne s’attendait pas à ce que l’enfant réponde à ses coups—et à ce qu’il fasse aussi mal… Poings, pieds, dents, Crocodile ne pensait pas devoir se battre de toutes ses forces juste pour déloger un intrus de son endroit préféré.
Officiellement, le combat s’est terminé en match nul. Officieusement, Crocodile aurait perdu si l’un des Strawberrywanis n’avait pas fait résonner sa mâchoire pour empêcher le garçon de le frapper une nouvelle fois, alors qu’il était déjà à terre. Tous les deux couverts de sang et d’ecchymoses, ils auraient fait de délicieux repas pour les animaux ne faisant que les rabattre avec leurs queues pour les abriter de la pluie naissant dans le ciel. Crocodile ne comprend toujours pas comment Mihawk a pu être accepté rien qu’en le détruisant dans un combat singulier…
‘’D’où est-ce que tu viens ? C’est la première fois que je te vois par ici.’’ Sa curiosité prend le dessus sur sa soif de revanche, alors que la pluie bat sur les feuilles au-dessus d’eux
‘’Du dojo d’escrime. J’habite là-bas, et toi ?’’ Au moins, ça explique les marques sur sa peau plus ancienne que celles de leur combat
‘’Le vieux prêtre m’héberge depuis quelques mois, mais l’église ne sera jamais ma maison.’’ Et il ne compte pas y rester longtemps
‘’Je m’appelle Dracule Mihawk, c’est fort impoli de ma part de ne pas m’être présenté.’’ Si Crocodile avait su que ce nom le suivrait aussi loin dans sa vie…
‘’Crocodile.’’
‘’J’aurais dû m’en douter.’’
Mihawk lui offre un sourire, son regard jaune s’échouant contre le sien comme une vague s’abattant sur les rochers, et Crocodile lui rend son sourire en le tolérant toujours un peu plus. Si à six ans, il peut déjà le battre, alors il vaut mieux pour lui l’avoir comme ami plutôt qu’ennemi. Et puis, Mihawk est le seul enfant de l’île qui n’a pas peur de lui, ou qui ne se moque pas pour les parents qu’il n’a plus. Il ne se sent pas si mal à l’idée de partager un peu de sa malédiction avec quelqu’un, encore moins si les Strawberrywanis l’ont accepté aussi facilement.
Mihawk doit bien lui parler pendant des heures des sabres cachés dans le dojo, de tout ce qu’il ferait pour manier autre chose que les sabres d’entraînement, et Crocodile l’écoute en se demandant comment un enfant peut autant lui faire peur par moment. Il se confie lui-aussi un peu, sur l’île où il vivait avant d’être abandonné ici, et sur la malédiction qui le suit partout, à cause du sang dans ses veines.
‘’Je ne peux pas te dire qui est mon père, mais c’est l’un des plus grands pirates des mers.’’ Il en a déjà bien trop dit, il n’y a pas tant de pirates dans les journaux
‘’Comment est-il ?’’
‘’Je ne sais pas, il m’a abandonné avec ma mère avant que je naisse. C’est sûrement un enfoiré, il a sûrement encore oublié mon existence de toutes façons.’’
‘’Vraiment ? Il t’a retrouvé rapidement la dernière fois.’’ Le regard de Mihawk est imperturbable, sondant impassiblement son âme à la recherche d’une réaction qui le trahirait
‘’Coup de chance. Je ne veux pas avoir à faire avec lui, qu’il finisse ce qu’il a à faire et qu’il me laisse tranquille.’’
Ils auraient pu parler bien plus longtemps de leur malheur, mais Mihawk finit par devoir retourner au dojo dès que le soleil commence à tomber, et Crocodile laisse ses amis Strawberrywanis tranquilles pour aller éponger ses blessures à l’église. Toutes ces heures avec deux enfants couverts de sang et aucun des animaux n’a réagi, c’est un vrai miracle, et il ne continuera pas à les provoquer plus longtemps.
Les bonnes sœurs lui font la morale sur les dangers de la rue en le voyant rentrer dans cet état, alors que le prêtre recommence à paniquer que tous les pirates du monde travaillent pour son père et le tiennent au courant, là où Rocks ne doit même pas connaître son prénom. Le sang séché est vite effacé par les éponges qui glissent sur son corps, avant qu’il n’obtienne ses premiers points de suture, là où Mihawk l’a mordu pour le faire lâcher prise. C’était un bon combat, mais Crocodile sait qu’il va avoir mal pendant les prochains jours.
Il revoit Mihawk quelques fois à la mare aux crocodiles—où ils discutent de leur passion, Crocodile volant même pour lui des livres à l’église sur les sabres sacrés—avant qu’il ne se décide finalement à aller le voir à son dojo. Pendant une seconde, il a eu peur d’être forcé à rejoindre le club d’escrime rien que pour voir Mihawk, mais l’entraîneur l’a regardé de haut en bas, avant de le laisser observer les duels, en attendant que Mihawk soit libre. C’est sûr, son ami a un talent pour le sabre, même s’il ne fait que se battre avec une épée en bois. Il est déjà capable de battre des adolescents, alors Crocodile est heureux de savoir qu’il a pu lui tenir tête pendant un bon moment avant d’officieusement perdre.
Les Strawberrywanis ont l’air agité, quelques semaines plus tard, quand Crocodile réussit à échapper à une nouvelle messe pour aller lire avec la tribu. Il a bien lu un livre sur ces animaux, mais ce n’est rien par rapport à la réalité du terrain, et quand ses yeux se posent sur les œufs bougeant dans le trou, la panique monte en lui. Une vingtaine de bébés vont en sortir, et il ne sait pas comment tout ça est censé se passer… Crocodile se serait bien assis sur une branche pour observer tout ça de loin, mais l’un des Strawberrywanis le pousse en avant vers le trou avec le museau, et il comprend qu’il va devoir les sortir un par un pour les aider à éclore…
Ses doigts sont couverts de fluides et de morsures dès que la vingtaine de bébés patauge joyeusement dans la mare, et il ne lui reste plus qu’à ranger du mieux possible pour éviter que les coquilles attirent l’attention d’une mauvaise personne. Avec la rareté d’une telle espèce, il ne serait pas si surprenant que quelqu’un veuille récupérer des bébés pour leur peau ou leur chair. Crocodile ne peut pas laisser les petits qu’il a lui-même aidés à éclore être enlevés, alors il monte la garde aussi tard que possible, la lune et les étoiles tapissant le ciel noir.
Il tient à peine debout, appuyé contre l’arbre, quand le craquement d’une branche réveille ses sens, et il est sur ses gardes avant même de le savoir, ses poings blessés prêts à se battre face à quiconque viendrait déranger la tribu ! Avec les Strawberrywanis occupés à protéger les bébés, il n’y a que lui et la cheffe du clan laissés sans petit, et il ne veut pas qu’elle soit blessée inutilement, alors il va se battre tout seul jusqu’à ce que son corps abandonne.
Son cœur se repose bien vite dans sa poitrine quand ses yeux se posent sur le regard jaune de Mihawk, et ses poings se relâchent sous la fatigue devant son ami. Il préfère ça à un affrontement, même s’il se serait bien passé de la panique… Ses bras passent autour des épaules de Mihawk, trop fatigué pour penser à ce qui aurait pu se passer si ça avait été quelqu’un d’autre, et l’autre garçon n’a pas l’air de lui en vouloir de se reposer sur lui, alors qu’il le traîne à moitié jusqu’à la cheffe du clan pour se reposer contre ses écailles rouges.
‘’Qu’est-ce que tu viens faire ici aussi tard ?’’
‘’J’ai entendu les plus âgés du dojo dire que c’était la saison des éclosions, je ne pensais pas que c’était aujourd’hui que ça avait eu lieu.’’
‘’Tu entends décidément beaucoup de rumeurs.’’
‘’Et je n’en crois pas énormément, mais ce sont toujours des belles surprises.’’
Crocodile rougit comme un idiot en entendant ça, et ça ne s’arrange pas quand Mihawk remarque le massacre qu’ont fait les bébés de ses mains quand il voulait juste les aider à enlever la coquille… Heureusement que la nuit est tombée, parce qu’il ne veut pas que Mihawk soit au courant pour la teinte rouge prenant possession de ses joues, quand il le sent enrouler ses doigts dans des pansements—apparemment, il en a toujours sur lui à cause du bois des épées d’entraînement. Ses yeux se ferment contre son gré, mais Mihawk lui promet de protéger les bébés Strawberrywanis pour lui pendant la nuit, alors il s’endort sans attendre contre les écailles qui frottent son dos…
Mihawk est toujours là au réveil, perché sur le dos de la cheffe de clan, et Crocodile comprend vite pourquoi, quand il voit la vingtaine de bébés prête à leur grignoter les chevilles. Avec un peu de chance, ça ne sera pas toujours comme ça…
Mihawk est au dojo quand il trouve l’œuf qui change sa vie, et Crocodile n’a jamais couru aussi vite entre la mare et le centre-ville pour le prévenir de sa découverte. Un véritable œuf de Bananawani, laissé à l’abandon dans le précédent trou des Strawberrywanis ! Aucun des crocodiles de la mare n’aurait pu le pondre, donc aucun n’en veut, alors c’est à lui de s’en charger, même s’il n’est pas sûr de savoir ce que ça implique pour lui… Il a laissé l’œuf dans le petit fossé déjà creusé, ne voulant pas prendre le risque que son animal préfère ne finisse en omelette si des brigands venaient à mettre leurs mains dessus.
Ses petits poings tambourinent contre la porte du dojo pour que quelqu’un vienne lui ouvrir—il se fiche de ce que les responsables ont à lui dire, Mihawk a le droit de savoir qu’il va enfin pouvoir voir à quoi ressemble les Bananawanis dont il lui en a tant parlés ! Il se glisse sous des mannequins de bois et entre des duels rien que pour repérer son ami, et il n’est pas vraiment surpris de voir ses adversaires reculer face à la maîtrise précoce de Mihawk. Ils ne se sont plus battus depuis ce jour-là, mais Crocodile sait très bien à quel point il est fort.
‘’Crocodile, c’est une surprise de te voir ici.’’ Mihawk essuie rapidement la sueur qui perle sur son front, sa tenue ouverte pour révéler un peu plus de sa peau pâle
‘’Mihawk ! Tu dois me suivre ! J’ai quelque chose à te montrer !’’
Même si rien ne s’affiche vraiment sur le visage de Mihawk, Crocodile sait qu’il a attiré son attention, son regard s’éclairant l’espace d’un instant. Il doit à moitié le traîner à travers toute la ville pour que Mihawk se dépêche de le suivre, la soirée commençant à s’installer et son angoisse que quelque chose soit arrivé à son œuf grandissant. Les Strawberrywanis ont beau être terrifiants pour le reste de la population, ils n’auront pas forcément envie de défendre ce qui n’est pas l’un des leurs…
Il est à bout de souffle dès qu’ils remontent la côte qui monte vers la mare, mais ça ne l’empêche pas de se jeter à corps perdu vers le trou, pour creuser sous la terre où il a enterré l’œuf et le ressortir de là. C’est un œuf bien plus gros que ceux des Strawberrywanis, d’une couleur verte qui diffère franchement des taches rouges de l’autre espèce, et Crocodile sait que son petit sera bien plus gros que tous les membres de la tribu, dès qu’il aura trouvé comment le nourrir efficacement. Ça ne sera clairement pas la première fois qu’il devra voler dans les réserves de l’église de toutes façons.
‘’C’est un œuf—‘’
‘’De Bananawani ! Je l’ai trouvé en arrivant tout à l’heure !’’ Les doigts de Mihawk se posent sur les siens pour tenir l’oeuf
‘’Comment a-t-il pu arriver ici ? Il n’y a pas de Bananawanis dans ce pays.’’
‘’Peut-être que l’un des Strawberrywanis l’a trouvé en chassant dans la mer, mais il a dû dériver tout seul depuis un moment.’’ Son pauvre petit, sa vie est déjà si dure mais Crocodile compte bien le protéger
‘’Tu ne comptes quand même pas l’élever ?’’
‘’Je l’ai trouvé, Mihawk ! C’est mon enfant !’’
Le sentiment est soudain pour lui, il n’est pas habitué à ressentir de la compassion pour un simple œuf en temps normal, mais Crocodile le serre contre son ventre malgré la terre et la mousse toujours présentes sur la coquille. L’œuf lui appartient, et personne d’autre que lui n’aura le droit d’y toucher s’il est le seul à comprendre ce que ça représente… Mihawk hausse les épaules en soupirant, avant de lui redemander l’œuf pour l’observer de plus près. Crocodile a un sourire en coin en le lui tendant—Mihawk est avec lui dans son plan.
Ils passent les deux prochains mois à s’alterner la garde de l’œuf, Crocodile passant bientôt tout son temps à réchauffer la coquille entre ses bras pour s’assurer que son bébé grandisse bien, sous les regards attentifs des Strawberrywanis élevant leurs propres petits. Il ne sait pas encore si le Bananawani sera accepter par la tribu, mais il ne peut pas le laisser seul avant qu’il ne soit capable de chasser des monstres marins par lui-même. Mihawk a proposé un nom pour leur œuf, mais Crocodile a grimacé en entendant sa proposition—Morbio—alors ils ont décidé d’attendre pour choisir. Son petit n’aura pas un nom sorti tout droit de l’imagination étrange de Mihawk.
Pour la première fois depuis qu’ils se sont rencontrés, Mihawk montre de la peur quand la première craquelure apparaît sur la coquille de l’œuf—Crocodile doit lui assurer qu’il ne l’a pas brisé en le tenant trop fort contre lui, alors qu’il peut sentir une première patte tenter de s’extraire de là. Il n’est absolument pas en train de retenir ses larmes quand son petit pousse son premier cri—comme le bruit de ces jeux à la foire—quelques secondes après avoir atteint l’eau de la mare par lui-même. Mihawk a l’air à deux doigts de s’évanouir, du fluide plein les doigts et la coquille sur les genoux.
‘’Il est magnifique.’’ Vert, déjà plus gros que les bébés Strawberrywanis à leur âge, et suffisamment fort pour clapoter à la surface
‘’Tu penses que les autres vont vouloir le manger ?’’ Mihawk finit par s’asseoir à côté de lui, une fois ses doigts propres
‘’Non, ils auraient déjà attaqué, et puis, ils pouvaient le faire quand ce n’était qu’un œuf.’’
Mihawk hoche la tête de manière pensive, ses yeux suivant tout autant que les siens leur bébé remontant la boue qui forme le petit rivage pour venir s’installer contre lui. Crocodile ne sait pas comment le Bananawani peut savoir qu’il a toujours été là pour veiller sur lui, mais il le tient entre ses mains aussi chaudement que possible, ses petits cris résonnant dans le silence de l’après-midi. Les Strawberrywanis tapotent simplement leurs queues contre la terre face au nouveau venu, alors il doit être accepté parmi leur étrange famille.
Crocodile fête son huitième anniversaire avant de s’en rendre compte, l’église le lui souhaitant avec un verset sur l’importance de l’empathie et un petit gâteau. Ils ont toujours peur de lui, mais plus à cause du père qui ne viendra jamais, mais grâce aux animaux avec qu’il passe ses journées. Crocodile aime ça, de pouvoir instaurer la peur par lui-même, de ne plus avoir besoin du sang du démon pour être quelqu’un. Il s’est résigné, Rocks ne finira jamais sa mission, mais ça ne le dérange plus. Il a sa propre famille maintenant, et son petit grandit à vue d’œil. Son brave Ignacio. Mihawk a finit par choisir, après avoir un peu mieux réfléchit.
Ignacio est trop petit pour chasser dans la mer avec les Strawberrywanis, alors à part pour les insectes et les fruits qu’il trouve tout seul, Crocodile s’occupe de lui apporter de la viande provenant tout droit de la cuisine de l’église. Il grossit à chaque repas, mais Crocodile peut toujours le porter dans ses bras pour le moment, quand il fait le trajet jusqu’au dojo pour aller chercher Mihawk après ses entraînements. Il reste l’autre père d’Ignacio, même si leur petit a fait son choix et préfère rester avec lui (il en est évidemment très heureux).
Avec son bébé Bananawani installé sous son t-shirt et Mihawk assis à côté de lui contre la façade du dojo, Crocodile recherche avec angoisse le nom de son père entre les pages du journal. Quelque chose de grave s’est produit, mais il n’a aucune idée de ce que ça peut être, le journal ne parlant que d’une île nommée God Valley où la Marine a mené un combat contre un équipage de pirates. Il n’y en a que pour Garp le Héros, et rien pour Rocks, s’il y était. Si son père y est mort, alors Crocodile espère qu’il n’aura pas prévu de le déloger de sa maison une nouvelle fois, il aime vraiment Mihawk et leur tribu.
‘’Tu penses que c’est grave ?’’ Son doigt pointe la photo de l’île en feu
‘’Si la Marine ne veut pas que tout soit mis dans le journal, alors des pirates ont dû y gagner quelque chose.’’
‘’Mais il y a ce Garp, il a l’air d’avoir gagné son combat.’’
‘’Il faut toujours un vainqueur dans chaque histoire, n’est-ce pas ?’’
Les mots de Mihawk tournent en boucle dans son esprit dès qu’il retourne à l’église ce soir-là, des égratignures des griffes d’Ignacio partout sur ses bras. Crocodile n’a pas besoin de son père, mais s’il était vraiment à God Valley, peu importe ce qu’il s’est passé, il a probablement perdu beaucoup. La pluie a fini de s’abattre alors qu’il était à la moitié du chemin, et maintenant les gouttes s’écoulent en ruisseaux sur les tuiles des toits, comme des perles. Crocodile se sent triste, presque angoissé au point d’en avoir la nausée, dès qu’il pense à son père. Il a un mauvais pressentiment, et rien ne semble pouvoir le faire disparaître, pas même jouer avec le petit couteau que Mihawk lui a offert pour son anniversaire…
Deux semaines plus tard, le bruit court en ville qu’un énorme bateau s’est amarré au port, et que leur capitaine écume la ville à la recherche de quelque chose. Crocodile serait bien tenté d’aller voir ça, mais Ignacio a toujours besoin de protection, et Mihawk lui a déjà suffisamment répété que ça pouvait être dangereux pour lui de s’aventurer seul près des ivrognes de la mer. Il déteste que Mihawk soit plus fort et plus raisonnable que lui, même s’il n’a pas son don avec les animaux.
Son cœur rate un battement dès qu’une légère secousse fait remuer le sol sous ses pieds, quand il est bloqué à l’église avec des corvées qu’il ne peut plus rejeter—c’est soit ça, soit la messe, alors nettoyer le sol n’est pas si mal. Crocodile connaît suffisamment la ville pour savoir qu’il n’y a pas de séisme, et encore moins à cette période de l’année où tout est censé être calme. Un fruit du démon, peut-être, Mihawk lui en a trop parlé pour que ça ne lui vienne pas à l’esprit.
Sa curiosité prend le dessus sur son appréhension, alors qu’il abandonne son seau d’eau derrière lui pour aller à l’entrée du couvent, là où il a entendu la vieille porte grincer en s’ouvrant, là où le vieux prêtre a accueilli celui qui a fait trembler la terre. Il n’est pas stupide au point de se montrer entièrement, alors il reste caché derrière un pilier, en observant et écoutant tout ce qui peut bien se passer. C’est un géant qui est agenouillé devant la porte, mais Crocodile ne peut pas voir son visage là où il est, il remarque juste la lame géante qu’il tient dans son énorme paume, et il sait que Mihawk adorerait poser ses yeux là-dessus.
‘’L’église n’accepte pas les pirates dans son établissement, veuillez partir avant que le Seigneur ne détourne le regard.’’
‘’Mon père, je suis à la recherche d’une enfant. Une femme l’a amenée ici il y a quelques années—elle s’appelle Rocks D. Rebel.’’
Merde. Si le géant connaît le nom qu’il a fait en sorte d’enterrer avec son innocence, sur son île natale, alors Crocodile ne doit absolument pas rester près de lui. Rocks a dû l’envoyer pour lui gâcher la vie une nouvelle fois—non, Crocodile ne peut pas le laisser recommencer ! Il a Mihawk, Ignacio et toute sa tribu ! C’est hors de question de partir d’ici, même si l’église est nulle, ça reste sa maison, et il n’aurait pas la force de se reconstruire un refuge sur une autre île—
‘’Ah, vous parlez de Crocodile. Cet enfant a causé un grand nombre de malheur depuis son arrivée, vous feriez mieux de ne pas vous approcher.’’
‘’Je pourrais m’occuper de ce problème pour vous si vous me disiez où est l’enfant.’’
‘’Venez, je vais vous montrer sa chambre.’’
Merde merde merde—Crocodile ne peut pas aller avec le géant ! D’accord il a volé des livres à l’église, et de la nourriture, et c’est sûr qu’il n’a pas vraiment aidé les bonnes sœurs, mais se faire trahir aussi facilement n’aide pas son cœur à se calmer, alors qu’il quitte sa cachette derrière le pilier pour trouver la sortie à l’arrière de l’église—Il doit retrouver Mihawk, les responsables du dojo pourront le cacher pendant un moment, et puis il doit aller récupérer Ignacio, si le prêtre prévient le géant pour la mare !
Crocodile n’a jamais couru aussi vite de toute sa vie, ses poumons lui brûlant et l’adrénaline l’empêchant de tomber malgré le nombre de fois où ses pieds se prennent dans des racines—il ne peut pas s’arrêter, il doit protéger son petit, et tous les Strawberrywanis. La montée n’a jamais été aussi dure à grimper, mais il s’accroche de toutes ses forces, poussé par une énergie qu’il n’est pas sûr d’avoir déjà connue. Le désespoir, probablement. Il peut sentir des larmes piquer au coin de ses yeux, mais il continue de courir, son cœur martelant un rythme infernal dans sa poitrine, pour l’empêcher de s’arrêter…
Ignacio est sain et sauf quand il s’écroule à moitié devant la mare, ses jambes l’abandonnant sous son poids. Merde, il doit encore aller voir Mihawk pour le prévenir… Crocodile fait de son mieux pour que les Strawberrywanis comprennent qu’ils sont en danger pour le moment, ils doivent rejoindre la mer et ne pas retourner à la mare pour l’instant, pendant qu’il prend Ignacio entre ses bras et se laisse glisser le long de la côte pour aller rejoindre Mihawk. Ses cuisses vont encore être couvertes d’égratignures, mais Mihawk doit savoir que les pirates du port en ont après lui ! Mihawk pourrait aussi être en danger, si quelqu’un donnait des informations sur leur amitié !
Ses doigts tremblent quand il toque avec agitation contre la porte du dojo, son Bananawani toujours bloqué sous son t-shirt pour ne pas qu’il cherche à dévorer les passants, Crocodile n’a pas besoin de ça pour le moment… Il ne sait pas combien de fois il martèle le bois en essayant de presser les escrimeurs, mais il ne peut pas rester à la vue de tous comme si c’était une bonne idée ! Quelqu’un veut le récupérer pour l’envoyer sur une autre île, et c’est hors de question que son père recommence son manège !
‘’Crocodile ? Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce que tout va bien ?’’ Mihawk a dû sentir qu’il était celui qui dérangeait encore l’entraînement, parce qu’il est celui qui vient ouvrir la porte
‘’Non ! Les pirates—ils sont venus pour m’enlever !’’ Crocodile frotte ses yeux pour faire disparaître les larmes qui commençaient à brouiller sa vision, il a encore besoin d’être fort !
‘’Quoi ?! Tu ne peux pas rester ici—je vais te mettre à l’abri.’’
Mihawk attrape son poignet avant qu’il ne puisse résister, et Crocodile le suit sans résister là où il le traîne, en passant à travers tout le dojo pour arriver à l’arrière du bâtiment, là où ils ont l’habitude de lire le journal ensemble. Un tout autre jour, Crocodile se serait senti invincible ici, mais en sachant que le démon qui lui a donné son sang veut le récupérer, il ne peut pas s’empêcher de trembler comme une feuille, le martèlement incessant de son cœur résonnant dans ses tympans… Mihawk a gardé son sabre d’entraînement à la ceinture, et Crocodile trouverait ça adorable s’il pouvait penser à autre chose que le géant à sa poursuite…
‘’Je vais te protéger, Crocodile, mais tu dois me dire ce qu’il se passe. Pourquoi est-ce que des pirates seraient à ta recherche ? Comment savent-ils que tu es ici ?’’
‘’Mihawk—Mon père—Mon père est Rocks D. Xebec…’’ Invoquer un nom si fort tout en étant si faible, ses genoux repliés contre lui alors qu’Ignacio frotte contre ses jambes pour le réconforter, ‘’Il a envoyé quelqu’un me déposer ici il y a deux ans, et maintenant—maintenant il doit vouloir me récupérer, mais ce n’était pas lui à l’église !’’
‘’D’accord—Rocks est ton… Peu importe, il ne doit pas te récupérer. La Marine pourrait très bien être aussi à tes trousses.’’
‘’Quoi ? Qu’est-ce que la Marine voudrait de moi ?!’’ Son cœur continue de battre toujours plus vite, comme s’il allait exploser, et Crocodile a l’impression d’être fou
‘’Doucement, Crocodile… C’est… Tu es le fils d’un criminel notoire, ils pourraient se servir de toi contre lui, tu comprends ?’’
Merde, Crocodile déteste vraiment quand Mihawk a raison… Ignacio lèche ses doigts comme s’il comprenait la gravité de la situation, mais Crocodile ne peut pas lui offrir un peu plus d’angoisse, alors que la fausse paix intérieure de Mihawk ne fait que le faire paniquer ! Il a besoin d’air, et la seule chose qu’il trouve est une boule dans sa gorge, et une douleur dans son crâne, ses tympans se remplissant d’acouphènes désagréables—Que son père aille se faire foutre au lieu de gâcher sa vie comme si c’était facile de survivre dans ce monde !
Mihawk saisit l’épée à sa ceinture et la brandit devant lui soudainement, et Crocodile ne peut que regarder avec horreur la masse blanche qui descend du ciel comme une comète pour s’abattre devant eux—le sol tremblant comme si la terre elle-même était terrifiée du monstre se tenant devant deux pauvres enfants effrayés… Ignacio se refugie entre ses bras quand il se relève, le mur du dojo contre son dos, et Mihawk tenant toujours son épée d’entraînement devant lui comme s’il avait la moindre chance face au géant planant à plusieurs mètres au-dessus d’eux—
‘’Qui es-tu ?!’’ Mihawk a le courage de lui faire face, alors que Crocodile a l’impression qu’il va s’écrouler d’une seconde à l’autre
‘’Edward Newgate.’’ Le géant continue de les regarder de haut, ses yeux fixés sur lui et pas sur Mihawk
‘’Ton nom était dans le journal, tu travailles pour Rocks !’’
‘’Rocks était mon capitaine, mais il est mort.’’
Crocodile a rêvé d’entendre ça toute sa vie, pour enfin pouvoir définitivement abandonner l’idée que son père viendrait un jour le chercher pour faire de lui un pirate, mais maintenant que c’est vrai, maintenant que l’homme qui se tient devant eux l’annonce avec la voix grave et sombre, il ne sait pas si sa journée peut être pire… Son père est mort sans qu’il ne puisse jamais savoir à quoi il ressemblait, comment il était, pourquoi il l’a constamment rejeté sans même chercher à le connaître… La boule dans sa gorge continue de lui couper la respiration, ses larmes franchissant la barrière de ses yeux pour s’écouler silencieusement sur ses joues, contre son gré… Non, ça doit être un cauchemar…
‘’Qu’est-ce que tu viens faire ici ?! Crocodile n’ira nulle part !’’ L’inquiétude dans la voix de Mihawk se fait de plus en plus entendre, et il aimerait bien trouver la force de se boucher les oreilles pour ne plus jamais rien écouter de cette conversation
‘’Crocodile ? Oui, c’est ce qu’a dit le prêtre… La dernière volonté de Rocks était que son seul enfant soit mis à l’abri, je suis ici pour honorer la mémoire de mon capitaine. Maintenant, tu comprendras que j’ai autre chose à faire que de perdre mon temps avec un morveux.’’
‘’La ferme ! Tu ne l’emmèneras pas !’’
L’air se met à vibrer, et Mihawk brandit toujours son stupide sabre en bois face à la lame brillante de Newgate, la terre secouée par son pouvoir étrange, et son sanglot ne semble pas vouloir disparaître, alors qu’il s’écroule contre le mur—respirer devient de plus en plus difficile, et il aimerait pouvoir dire à Mihawk de s’écarter, de ne pas risquer sa vie inutilement, mais sa voix reste bloquée au fond de sa gorge… Il peut à peine voir ce qu’il se passe à travers ses larmes—des bouts de bois volant partout, même si le sabre reste entier une seconde de trop, une énergie étrange gardant Mihawk sur ses pieds comme si c’était facile pour lui—
‘’Un utilisateur de haki aussi jeune… Evidemment, l’enfant de Rocks ne pouvait pas s’entourer de simples morpions…’’
En une seconde, Crocodile sent son monde être chamboulé, au moment où le géant grogne et que sa vague d’énergie inconnue frappe Mihawk—son cœur s’arrête dans sa poitrine en le voyant s’évanouir sur le coup, et ses jambes bougent toutes seules pour venir se dresser devant Newgate et l’empêcher d’en faire plus—Mihawk ne doit pas mourir par sa faute ! Crocodile ne pourrait pas le supporter, encore moins alors que Mihawk a toujours été le seul à le comprendre et tout faire pour ne pas le laisser devenir le démon qu’il était destiné à être à cause de son sang…
‘’Ne lui fais pas de mal ! Par pitié, je ferais tout ce que tu veux, mais épargne mon ami !’’ Avec les larmes et la morve sur son visage, il espère au moins que ce sera la clémence qui motivera Newgate pour laisser Mihawk survivre
‘’Tant que tu acceptes de me suivre, je laisserais ton ami respirer.’’ L’air arrête de trembler, le géant se penchant pour lui parler, sa moustache blanche le surprenant plus encore que son regard amusé
‘’Tu as dit que mon père voulait que je sois à l’abri, mais la Marine ne vient pas sur cette île ! Tu n’as pas besoin de m’emmener avec toi, je suis en sécurité ici !’’ Il essuie son visage du mieux possible dès qu’il n’a plus de souffle
‘’Tellement en sécurité qu’il ne m’a fallu qu’une heure pour te retrouver une fois arrivé ici. Je ne vois pas ce que Xebec a pu attendre de toi, mais je compte bien t’emmener avec moi, le temps que tu puisses te défendre par toi-même sans compter sur un autre enfant.’’
‘’Je peux me défendre ! J’élève des Strawberrywanis, ils veillent sur moi !’’
‘’Ne cherche pas à discuter, mes hommes ont déjà chargé tes affaires sur mon navire. Je t’ai promis de ne pas tuer ton ami, mais je pourrais m’en débarrasser en un clignement d’œil.’’
Newgate continue de se tenir devant lui comme une maison, même agenouillé, et Crocodile peut sentir un frisson parcourir sa colonne vertébrale quand il lance un regard au corps immobile de Mihawk. Il ne peut pas le perdre… Mihawk a un plus grand destin que le sien. Il est beaucoup plus doué que lui, plus fort et plus raisonnable, il va devoir quelqu’un d’important… Et il n’a pas le sang d’un démon en lui…
‘’Je vais te suivre… Mais je dois lui dire au revoir ! C’est le seul ami que j’ai…’’ Le seul qui n’avait pas peur de lui, le seul qui a bien voulu s’occuper de ses animaux avec lui, le seul qui l’a protégé…
‘’Bien sûr, attrape.’’
Newgate lui balance une sorte d’Escargophone entre les mains, et Crocodile peut reconnaître ce modèle—il l’a vu dans le journal quelques mois plus tôt—on peut enregistrer un message vocal dessus. Ses yeux recommencent à lui piquer quand il comprend qu’il ne pourra même pas dire proprement adieu à son seul ami, mais Crocodile sait aussi que le géant ne va pas attendre indéfiniment qu’il ait fini de pleurer pour l’emporter loin de sa famille… Il appuie sur le bouton et laisse tout ce qu’il a sur le cœur occuper le message…
Désolé de ne pas t’avoir dit plus tôt qui était réellement mon père. Je pensais qu’il aurait appris à définitivement m’abandonner, mais à la place, je t’ai mis en danger—Mihawk, deviens le plus grand sabreur de tous les temps, pour moi ! Ton sang n’est pas maudit comme le mien, tu peux faire tout ce que tu veux… Prends juste soin des Strawberrywanis pour moi, je ne pense pas pouvoir un jour les revoir—c’est bientôt la saison de la ponte, ils vont avoir besoin de toi pour protéger les œufs… Au revoir Mihawk—j’espère qu’on se reverra.
Ignacio s’accroche à lui en comprenant que quelque chose ne va pas, et Crocodile le garde entre ses bras au cas où Newgate lui veuille aussi du mal—il a vu comment il s’est débarrassé de Mihawk sans bouger un seul muscle, et il ne veut pas que son petit subisse le même sort… Il a accepté de le suivre, il peut le faire, il peut protéger tout ce à quoi il tient, même si ça veut dire devoir tout reconstruire à un autre endroit, une nouvelle fois…
Le trajet jusqu’au port lui semble interminable, et la nausée qui le secoue devant l’énorme navire qui occupe à la moitié des quais le terrifie—il ne peut pas… Une énorme main le pousse doucement pour qu’il avance sur la planche, et Crocodile doit ravaler toute sa peur en serrant toujours plus fort son Bananawani, pour être sûr de ne pas être seul dans ce nouvel enfer… Ce n’est pas une île ou une ville sur lesquelles il pourrait trouver un nouveau moyen de s’échapper, c’est un navire avec un équipage qui va le surveiller…
Crocodile n’a plus qu’à devenir assez fort pour s’échapper, et pouvoir retrouver Mihawk, et leur tribu. Newgate lui sourit du haut de toute sa grandeur, et il sait qu’il va être un obstacle sur sa route. Son père ne pouvait pas mourir en souhaitant la paix pour son fils unique… Il a une cabine pour lui où Ignacio a le droit de rester avec lui, alors Crocodile ne va pas se plaindre de son enlèvement pour le moment, il va juste espérer que Mihawk reste le plus sage d’entre eux, et qu’il ne se décide pas à devenir le meilleur sabreur juste pour le retrouver…
À suivre
Chapter Text
Tout vibre dans son crâne, quand il réussit à ouvrir les yeux. Mihawk froncerait bien les sourcils devant sa situation précaire, mais sa tête lui fait bien trop mal pour le moment, alors que son cœur bat à ne plus rompre dans sa cage thoracique. Un regard vers son sabre en mille morceaux à côté de son corps lourd lui rappelle tout ce qui s’est passé avant qu’il ne perde connaissance, et Mihawk comprend pourquoi il se sent aussi mal—Il n’est pas blessé, mais son souffle est court, quand il se relève trop vite, son corps luttant contre lui alors qu’il ne veut que retrouver Crocodile !
Il doit se tenir au mur du dojo pour réussir à rester debout, quand tous ses souvenirs reviennent lutter les uns contre les autres dans son esprit—le géant, sa lame mythique, et son regard uniquement concentré sur Crocodile… Mihawk n’a pas besoin de plus que sa solitude pour comprendre ce qui a pu se passer pendant qu’il était évanoui, et vu le ciel se couvrant de différentes nuances d’orange, il est déjà bien trop tard pour espérer pouvoir faire quoique ce soit… Il a été trop faible pour défendre son ami malheureusement, et si même Ignacio n’est pas là, alors le poids de son échec est condamné à s’abattre unanimement sur lui.
Ses yeux s’attardent sur le cratère causée par la chute de Newgate devant eux, quelques heures plus tôt, et ils s’écarquillent en voyant l’Escargophone posé dedans, à même le sol. Mihawk n’est pas entièrement sûr de ce qu’il souhaite, mais s’il a la moindre chance de contacter celui qui a enlevé Crocodile, alors il compte bien utiliser cette infime chance pour retrouver le géant et le forcer à lui rendre son ami. Si Rocks D. Xebec est mort, alors le monde n’a plus d’utilité pour son fils, et Mihawk ne laissera jamais quiconque utiliser Crocodile pour le sang dont il n’a jamais été fier.
Ses poings sont fermes à ses côtés quand il se dirige vers le cratère, ses ongles s’enfonçant dans ses paumes alors qu’il essaie désespérément de se convaincre que ce n’est pas un cauchemar. Mihawk n’avait jamais eu d’ami avant Crocodile—ça ne l’avait jamais intéressé, et tous les autres garçons de son âge au dojo n’ont jamais pris assez sérieusement la voie du sabre pour qu’il puisse leur faire confiance avec ses sentiments. Pendant bien assez longtemps, il a tout gardé enfoui en lui, pour que toute cette énergie ne soit placée que dans la maîtrise du sabre, pour ne plus jamais avoir à ressentir le poids sur son cœur, comme lorsqu’il est arrivé sur cette île…
Crocodile est le seul qui ait jamais réussi à faire craquer l’armure autour de ses si précieux sentiments, et Mihawk l’aurait gardé pour lui-seul, pour le reste de sa vie s’il l’avait pu. Maintenant, le semblant de famille qu’ils avaient pu construire ces deux dernières années a disparu, leur petit lui étant autant enlevé que son meilleur ami. Tout ce qu’il lui reste est cet Escargophone posé de manière visible dans le cratère, un simple Escargophone neutre ne transcrivant aucune identité par rapport à son propriétaire. Sa rage prend le dessus sur le calme qu’il essayait désespérément de garder, quand il appuie sur le bouton trônant sur sa coquille—
Le poids sur son cœur lui revient soudainement dès que la voix de Crocodile résonne à l’arrière du dojo, Mihawk seul pour faire face à la vague de souvenirs qui revient en lui dès que sa mémoire lui fait revivre le naufrage qui a emporté ses parents… Du sang s’écoule de la paume où ses ongles sont toujours enfoncés, quand il entend toute la peur et la peine dans la voix de Crocodile. Tout est de la faute de Newgate, celui qui a l’a enlevé, celui qui l’a forcé à abandonner toute sa vie derrière lui pour le contraindre à rejoindre la mer. Tout ça pour un macchabé qui n’a même pas eu l’honneur d’avoir son nom dans le journal…
Devenir le plus grand sabreur de tous les temps a toujours été son rêve, depuis qu’il a posé les yeux sur un magnifique sabre dans une vitrine, mais Mihawk ne peut pas poursuivre cet idéal, même si ce sont les derniers mots que Crocodile lui a légués—il doit le retrouver, coûte que coûte ! Il range l’Escargophone dans sa poche, avant de s’élancer pour sauter par-dessus la clôture qui a été renversée par l’arrivée soudaine de Newgate—il va fouiller toute la ville s’il le faut, mais il trouvera un indice.
L’église est le premier lieu qu’il inspecte—c’est la première fois qu’il s’y rend, mais Crocodile lui en a trop parlé pour ne pas savoir où elle se trouve. Mihawk n’a besoin que d’un regard à travers la fenêtre de la chambre de son meilleur ami pour savoir que toutes ses affaires ont disparu, comme s’il n’avait jamais séjourné ici, malgré les deux dernières années. Son cœur vibre malgré lui dans sa poitrine quand il sent une présence derrière lui, et il n’a qu’à se retourner pour croiser le regard surpris de l’une des bonnes sœurs. Evidemment, ils doivent tous être au courant de ce qui s’est passé ici.
‘’Tu dois être l’ami de Crocodile, n’est-ce pas ?’’ Sa voix est remplie de chaleur, mais Mihawk refuse de lui faire confiance
‘’Je sais ce qu’il s’est passé—vous l’avez laissé le prendre !’’ Il n’a pas besoin de pitié ou de regards mielleux pour accuser la bonne sœur de ce qui est la vérité, Mihawk vient de perdre son ami et rien ne pourra le lui rendre s’il ne s’en occupe pas lui-même
‘’Mon petit, cet homme est venu pour l’enfant, et il ne serait pas reparti sans lui. Notre bon père a pris la décision de le céder pour éviter que le couvent ne souffre—‘’
‘’Je me fiche de vos excuses ! Mon ami a disparu à cause de vous !’’
Mihawk n’a pas la force d’en entendre plus, alors qu’il aperçoit la culpabilité apparaître comme un éclair dans les yeux de la bonne sœur, avant de s’en aller comme c’était venu. C’est évident, le sort de Crocodile ne les a jamais intéressés, Mihawk n’a pas à s’attarder plus longtemps ici, alors il reprend sa course à travers la ville, ses jambes le portant alors que les battements de son cœur résonne comme une cloche dans ses oreilles—le monde est cruel, Mihawk l’a toujours su, mais il n’espérait pas pire de cette ville…
Il ne s’arrête que quand le poids des souvenirs est trop lourd à porter, ses yeux traçant avec trop de flou l’endroit où il a rencontré Crocodile pour la première fois. Le garçon assis contre un animal bien plus grand que lui, et pourtant tellement en paix avec le Strawberrywani qui le laissait faire sans se plaindre. Mihawk sait qu’il n’a été accepté par les crocodiles uniquement parce que Crocodile lui-même l’a accepté, et les Strawberrywanis n’ont eu qu’à suivre l’initiative du garçon. Même s’ils avaient parfaitement saisi sa force, ils l’ont seulement gardé parmi eux car il apportait de la joie à Crocodile, peu importe à quel point il a été naïf de croire qu’il réussirait à garder ses sentiments précieusement enterrés…
Mihawk essuie rapidement ses yeux lui piquant pour ne pas avoir à affronter ce qu’il a toujours redouté, et il sent ses jambes l’abandonner, se retrouvant bien vite à genoux devant la tribu de Strawberrywanis, le suivant du regard pour comprendre ce qu’il peut bien se passer. Ils comprendront, quand plus personne ne viendra déranger leur mare. Crocodile ne reviendra jamais ici, Ignacio non plus, et Mihawk est tout seul pour porter la culpabilité de n’avoir rien pu faire pour les garder à ses côtés—Un sanglot plus fort que les autres lui échappe, et même le sang qu’il obtient en se mordant la lèvre ne suffit pas pour empêcher ses larmes de se répandre sur la terre.
‘’Il ne reviendra pas—C’est fini. Il est parti, et c’est de ma faute. Crocodile adorait vraiment cet endroit—je suis désolé de ne pas pouvoir autant partager son enthousiasme—‘’ Mihawk doit se mordre un peu plus fort la lèvre pour éviter qu’un nouveau sanglot ne le surprenne, ‘’J’aurais aimé être plus fort pour le protéger, mais il est déjà trop loin pour moi. Désolé.’’
Il se relève du mieux possible, la terre fraîche sur ses mains, et ses jambes tremblotant encore de sa course folle à travers la ville. Mihawk essuie le sang qui coulait le long de sa mâchoire, son regard se posant directement sur la cheffe de clan, et il espère qu’il sera encore le bienvenu ici quand la saison de la ponte commencera. Il respectera les deux volontés que Crocodile lui a léguées, même si ça veut dire affronter le passé et tous les moments partagés ici… Son meilleur ami ne pourra jamais voir la nouvelle génération qui va bientôt naître, et d’ici peu, les petits ne sauront jamais qui a construit la hutte de pierres qui trône fièrement entre les arbres. Crocodile a toujours aimé y lire avec Ignacio contre lui, et c’est aussi ici que Mihawk a exprimé son rêve pour la première fois…
‘’Tu t’entraînes toujours autant au dojo ? Tu as beaucoup de marques tu sais.’’
Avec un refuge pour une seule personne, évidemment qu’ils seraient collés l’un contre l’autre pour essayer de rester abrité de la pluie s’abattant dehors, tombant comme si l’averse n’allait jamais s’arrêter, le bruit assourdissant. Ignacio a au moins la chance d’être assez petit pour tenir dans le t-shirt de Crocodile, là où Mihawk tient du mieux possible entre ses jambes, son dos contre les pierres en essayant de ne pas les faire tomber.
‘’Je souhaite être le meilleur sabreur de tous les temps, évidemment que je dois m’entraîner dur.’’
‘’Vraiment ? C’est ça le rêve de Dracule Mihawk ?’’ Crocodile a ri pendant plusieurs longues secondes en caressant doucement Ignacio
‘’Et toi ? Tu ne parles jamais de ce que tu veux devenir.’’
‘’Mon père va finir par me gâcher la vie, alors je n’espère plus rien.’’ Le sérieux dans la voix de Crocodile surpasse le fond d’amusement qui pouvait être entendu
‘’Tu dois bien vouloir quelque chose ? Je ne sais pas, devenir éleveur de Bananawani peut-être.’’
‘’Eh bien, si tu deviens vraiment le meilleur sabreur de tous les temps, alors je ne dois pas me contenter de ça, n’est-ce pas ? Je vais devenir le plus grand pirate de tous les océans, et plus jamais mon père ne pourra décider de ma vie pour moi.’’
Mihawk ne peut pas rester ici plus longtemps, la nuit tombe et laisser ses sentiments prendre le dessus sur lui un peu plus longtemps ne pourra que lui faire du mal. Il n’a plus qu’à tout enfouir solidement, sous toutes les couches de son cœur pour ne plus jamais avoir à revivre ce genre de douleur intense où la seule solution est de patienter et avancer…
Son corps est encore sous le coup des courbatures de la puissante signature de Newgate, alors rentrer au dojo lui demande bien plus de temps que nécessaire. Son esprit navigue et chavire entre la perte soudaine de son meilleur ami, et les étranges éclairs rouges qui ont surgi l’espace d’une seconde, quand son sabre d’entraînement a rencontré la naginata du géant. Rien de tout ça ne s’était jamais produit au dojo, et quelque chose lui souffle que ce n’était pas normal, encore plus quand les mots de Newgate résonnent comme un écho infaillible—le haki ?
Mihawk passe bien trop d’heures à se poser des questions sur tout ce que ça implique pour lui, s’il possède vraiment ce mystérieux don qui émanait aussi du pirate. Mais s’il a ce fameux haki, alors pourquoi n’a-t-il pas été en mesure de protéger Crocodile ? Avec ses yeux ouverts sur le plafond, et son cœur battant toujours trop vite dans sa poitrine, les questions continuent de fuser pendant encore bien trop longtemps.
Ce n’est donc pas vraiment une surprise qu’il passe toute la matinée à questionner ses professeurs sur ce pouvoir inconnu jusqu’alors, à essayer de comprendre comment recommencer ce qu’il s’est passé dès que les deux lames se sont rencontrées, même si l’une était faite de bois. Mihawk n’a pas eu besoin de plus que l’échange de regards surpris des adultes pour savoir qu’il n’était pas censé découvrir l’existence de cette arme avant encore quelques années. S’il doit s’entraîner toujours plus pour développer cette capacité et enfin être capable de battre celui qui lui a pris Crocodile, alors il le fera.
Mihawk passe plus de temps au dojo qu’avant, et quand il n’y est pas, c’est seulement pour assister les Strawberrywanis avec leurs nouveaux bébés. Toujours plus loin, plus vite, plus fort. Il a le même mantra en tête toute la journée, quand il s’entraîne à trancher un point précis avec son premier réel sabre, ou quand il se détruit les poings en frappant jusqu’à ne plus sentir ses muscles sur les mannequins de bambous installés dans le dojo. Il se fiche du sang qui coule et du nombre de bandages qu’il doit enrouler autour de ses phalanges chaque soir, il se sent devenir toujours plus fort, et c’est tout ce qui compte.
Il sauvera Crocodile, il ne sait juste pas quand ou comment, et s’il arrivera à trouver des informations dans cette partie du Nouveau Monde. Avec ses genoux repliés contre lui, ses bras couverts de pansements enroulés autour de ses jambes, Mihawk suit impatiemment le flot des vagues, ses yeux observant chaque nouveau navire en espérant inutilement revoir son ami. C’est stupide, il ne reviendra pas, il l’a lui-même dit. Mais Mihawk ne peut pas faire taire la voix au fond de son esprit, celle qui lui souffle qu’ils se reverront au beau milieu de l’océan. Il veut y croire, même si plus rien ne le motive plus que de devenir le plus fort, pour abattre Newgate et récupérer Crocodile par lui-même.
Le destin n’est pas son ami, et il se fiche de la malédiction que Crocodile croyait porter à cause de son sang. Mihawk changera tout ça dès qu’il en aura l’opportunité, et rien ne l’empêchera d’atteindre son rêve.
À suivre…
Chapter Text
Avoir son propre Bananawani de compagnie aide beaucoup à ne pas devenir fou, sur un bateau aussi grand où il n’y a que des adultes pour le regarder de haut. Crocodile en voudra toute sa vie à son père pour avoir osé mourir sans avoir eu le courage de venir le voir rien qu’une seule fois, mais il aura toujours plus de remords pour ce stupide dernier souhait avant d’abandonner son existence aux ténèbres. Le fils d’un démon ne devrait pas avoir à lutter pour sa place, alors que son propre enfer personnel a décidé qu’il n’était même pas assez pourri pour être le pire des pirates de Barbe Blanche.
Non, Crocodile n’est pas un pirate. Il n’acceptera d’en être un uniquement quand il aura son propre navire, un équipage dévoué, et le rang de capitaine pour l’accompagner partout où il sera libre d’aller. Newgate ne le voit pas comme un pirate de toutes façons, peut-être même pas comme un mousse. Crocodile sait ce qu’il voit, quand le géant s’abaisse pour le regarder dans les yeux, et ce n’est que de la pitié pour la fille de Rocks D. Xebec, ce qu’il n’est plus depuis qu’il a refusé toute cette identité. Il n’est plus Rebel, il n’est plus un Rocks, et il n’est certainement plus un D.
Ça ne fait que deux semaines de tourmente sur ce navire où les seules choses qu’il a le droit de faire est de garder Ignacio à l’œil pour l’empêcher de grignoter les chevilles des matelots, et aller dans la cabine de Newgate pour suivre des cours. Il aurait pu continuer d’aller à l’école si son père n’avait pas été idiot en le retirant de son île natale, mais ça l’aurait évidemment empêché de rencontrer Mihawk… Il a tellement d’informations à la minute dès que Newgate le laisse grimper sur son énorme bureau pour regarder ses cartes et les avis de recherche, mais tout ce qu’il a le droit d’étudier est l’histoire des différents océans. Ennuyant, par rapport à la tête vaguement familière de l’homme sur qui Newgate pose sa chope de bière. Gold Roger, un autre de ces idiots qui abandonnent leurs enfants pour la mer, Crocodile en est sûr.
Newgate n’est pas un très bon professeur, et Crocodile l’avait deviné dès le moment où il lui a tendu un livre sur les courants marins en lui demandant d’en faire quelque chose. Bien sûr, il l’a lu pour ne pas s’attirer des ennuis dont il n’a clairement pas besoin en terre inconnue—enfin, mer inconnue—mais Newgate est pathétique au point de simplement le laisser choisir un nouveau livre à explorer par jour, sorti tout droit de sa bibliothèque personnelle. Avec Ignacio drapé autour de lui, Newgate puant souvent trop l’alcool ou sur le pont du bateau, Crocodile ne se sent à l’abri que dans sa lecture ; plus il en apprend sur le monde qui l’entoure, plus il se sent petit, alors c’est moins dur de sentir le sang du diable en personne parcourir ses veines.
Rocks D. Xebec n’était qu’un pion de plus parmi l’énorme jeu de plateau qu’est l’univers, et Crocodile n’a pas besoin de lui pour savoir que les règles sont faites par les gens au-dessus d’eux. Le Gouvernement Mondial en fait partie, mais dès qu’il a eu le courage de demander à Newgate qui avait les cartes en main de toutes ces mers, une nouvelle couche de mystère s’est imposée à lui en découvrant le Conseil de vieillards au-dessus des amiraux et de l’amiral en chef de la Marine. Chaque nouvelle chose qu’il apprend ne semble que pouvoir l’éloigner un peu plus de Mihawk…
Rien que de penser à son ami si loin de lui le déprime. Crocodile n’a aucune idée de ce que Mihawk peut bien être en train de faire, s’il continue de s’entraîner pour devenir le meilleur sabreur comme il devrait y être destiné, ou s’il a décidé de tout lâcher pour recommencer autre chose. Si c’était la deuxième option, Crocodile serait encore plus déprimé d’avoir gâché le rêve de son meilleur ami… Peut-être qu’Ignacio sent la tension monter en lui, mais son museau écailleux frottant contre sa joue ne suffit pas pour lui remonter le moral. Mihawk lui manque, et chaque jour de plus loin de lui ne fait qu’accroître le poids sur son cœur…
Après trois semaines de voyage sans que personne n’ait pu lui répondre quand il demandait où ils allaient—donc trois semaines à devoir emprunter des vêtements trop grands pour lui à des adultes pas spécialement motivés pour lui parler—l’équipage prend enfin le temps de faire une escale sur une île hors de portée de la Marine. Crocodile a bien pu voir Newgate prendre une chaloupe à sa taille pour se rendre sur une autre île, mais il s’est juste dépêché de sauter par-dessus bord pour trouver de l’aide, ou au moins une échappatoire.
Le second du navire l’a attrapé avant même qu’il ne puisse faire trois mètres, et la claque qui a résonné sur le port a dû être entendue par tous les passants. La douleur semble remonter dans tout son crâne, pas juste dans sa joue, au fur et à mesure des secondes qui passent, et combattre les larmes qui piquent au coin de ses yeux est une épreuve encore plus dure que de nourrir un Bananawani… Crocodile connaît les règles du navire—pas de violence entre les membres de l’équipage—alors il fera en sorte d’être la parfaite petite fille pour que cet idiot soit envoyé par-dessus bord dès que possible.
Crocodile recommence à courir dès que le second a le dos tourné, après qu’il ait volé sa bourse remplie de Berris, et personne ne peut l’empêcher de filer jusqu’au magasin de vêtements le plus proche. S’il est vraiment bloqué avec eux, alors il ne se contentera pas de vieux chiffons comme habits, et s’il a l’occasion de s’échapper, alors il ne retrouvera pas Mihawk habillé comme un pirate de bas étage. Sa joue brûle toujours quand il dépense la moitié de la bourse du second dans des vêtements, avant de dilapider le reste entre viande de qualité pour Ignacio et livres sur les fruits du démon.
Sa joue doit être rouge, peut-être bleue, quand le second lui remet une claque, comme s’il n’y avait personne autour d’eux pour les voir. S’il avait cru avoir eu une pensée disproportionnée plus tôt, maintenant il est bel et bien sûr qu’il va apprécier regarder Newgate le tuer. Crocodile garde sa vengeance pour lui, sa tête vibrant encore de la claque et du moment où il est tombé au sol, mais il sait qu’il va y avoir un changement d’organisation sur le navire d’ici peu… Un matelot l’aide à se relever et porte même ses affaires jusqu’à sa chambre (en évitant de rester trop longtemps pour ne pas laisser une chance à Ignacio de lui croquer les jambes), et Crocodile n’a plus qu’à attendre le retour de Newgate.
Ignacio a déjà dévoré la moitié du festin qu’il lui a acheté pour son premier anniversaire quand Newgate toque à sa porte, apparemment de retour de son aventure en solitaire. Le reste de l’équipage a dû lui dire ce qui s’est passé, mais Crocodile sait que les blessures sur ses joues suffisent pour que le géant ait pitié de lui. Il le regarde déjà comme si le fantôme de Rocks planait au-dessus de lui en permanence de toutes façons.
‘’Qui t’a fait ça ?’’ Un seul doigt de Newgate suffit pour faire le tour des marques sur son visage, Crocodile ne résistant pas pour le bien de sa vengeance
‘’Melo. Je voulais juste acheter des vêtements, capitaine.’’ Crocodile mordille sa lèvre inférieure pour affirmer son innocence, ses yeux fixant le sol
‘’Est-ce que ça fait mal ?’’ La voix de Newgate est remplie d’une tendresse qui ne lui va pas, et il sait qu’il a gagné, quand il hoche doucement la tête
Ignacio finit de mâchouiller sa viande entre ses bras, quand Newgate envoie son second voler vers un autre océan dans le quart d’heure qui suit, et Crocodile doit résister contre l’envie d’afficher un sourire fier. Mihawk serait sûrement heureux de savoir qu’il a appris à se servir de son charme pour combler la faiblesse de son corps, même si être une fille ne l’intéresse pas le moins du monde. Newgate tapote ses cheveux en passant près de lui, avant de le diriger vers l’infirmerie pour aider avec la douleur. Crocodile refuserait d’y retourner en temps normal—la dizaine de vaccins et de prises de sang qu’il a dû faire le traumatise encore—mais son jeu d’acteur mérite un dernier effort pour être parfait.
Il y a un énorme chien endormi à l’entrée de l’infirmerie, le docteur du navire s’acharnant pour vérifier ses dents, et Crocodile regarde tout ça en laissant les infirmières prendre soin de lui comme s’il était une poupée. Le chien n’était pas là avant, alors il ne lui faut pas longtemps pour comprendre que Newgate a dû aller le chercher pendant son trajet. Le docteur abandonne la vérification qu’il devait faire après un coup de patte, alors Crocodile n’a rien à perdre quand il se relève pour aller caresser le gros chien blanc. Il a passé les deux dernières années avec des Strawberrywanis, ce n’est pas une boule de poils qui va lui faire peur.
Newgate le laisse s’accrocher au pelage du chien—Stefan, c’est étrange comme nom, mais Mihawk aurait sûrement proposé pire—quand il vient le récupérer à l’infirmerie, et Crocodile se surprend à avoir envie de rester dans la cabine du capitaine qui l’a enlevé. C’est pour le chien, et uniquement pour lui, quand il s’endort dans son épaisse fourrure… Il fait semblant de ne pas s’être réveillé, quand Newgate le prend dans son énorme main pour le déposer sous les couvertures de son lit…
L’homme l’aime, ou en tout cas, il l’apprécie suffisamment pour mieux le traiter que les bonnes sœurs, et ça, Crocodile a du mal à le comprendre. Rocks est mort, il refuse d’être son héritier, et son Bananawani terrifie l’équipage, Newgate ne devrait pas prendre soin de lui comme il le fait. Mihawk est le seul à avoir pris soin de lui depuis la mort de sa mère, le seul qui l’écoutait parler avec passion de ses animaux, le seul qui avait vraiment peur pour lui quand il s’aventurait trop loin sur le port. Alors sentir toute l’affection du géant pour lui, Crocodile a peur de ne jamais pouvoir lui échapper s’il tient vraiment à lui, et en retour, de ne plus vouloir s’en aller…
Il a vite compris qu’il était libre de faire ce qu’il voulait de sa place sur le navire—ils ont enfin trouvé un nom, le Moby Dick—à partir du moment où Newgate le voyait toujours comme un adorable enfant innocent. Ce qu’il n’est évidemment pas, Crocodile a volé à l’église dès sa première semaine là-bas, et il aurait tué Mihawk sans hésiter si l’envie lui était venue de s’attaquer à sa tribu. Il n’est pas un ange tombé du ciel, pas avec le sang qui traverse ses veines, mais Newgate n’a pas l’air de se souvenir de la réputation de son père, comme si Crocodile était sur le Moby pour une raison autre que le nom de famille qu’il a renié.
Crocodile est de nouveau assis sur le bord de l’énorme bureau de Newgate, en le regardant essayer de comprendre les différents problèmes mathématiques inscrits dans les manuels qu’il lui a achetés (évidemment, Crocodile a déjà les réponses, c’est juste amusant de le voir hésiter), quand la discussion qu’il n’attendait plus fait surface.
‘’Tu lisais ce livre sur les fruits du démon l’autre jour.’’
Il met vite de côté ses manuels pour répondre au regard curieux de Newgate ; le fameux jour dont il parle, Crocodile s’était autorisé à sortir de sa cabine, la météo enfin agréable pour la stupide région dans laquelle l’équipage s’amuse à naviguer depuis quelques temps. Avec Ignacio nageant paisiblement le long de la ligne de flottaison du navire, il ne lui restait plus grand-chose d’autre à faire que d’explorer un peu plus les livres qu’il avait achetés.
‘’J’essaie d’en trouver un qui m’aidera.’’
‘’T’aider à quoi ? Tous les membres d’équipage sont disponibles pour toi si tu as besoin de quelque chose.’’
‘’Personne ici ne peut faire quelque chose pour mon problème.’’
Il a lu dans l’un des livres de biologie que Newgate lui a achetés que son corps changerait d’ici quelques années, et il ne veut pas avoir à vivre ce moment horrible où plus personne n’aura de doutes sur ce qu’il est vraiment, malgré lui… Le regard de Newgate au-dessus de lui est compatissant, même si Crocodile sait qu’il ne comprend pas du tout de quoi il parle. Le géant doit toujours penser que Rocks a eu une fille, alors qu’il crie haut et fort qu’il est en fait un garçon, ça ne doit pas l’interpeler. Un rire échappe quand même à ses lèvres quand Newgate caresse sa joue avec un seul de ses énormes doigts, son rire secouant le bureau tout entier…
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La dernière fois qu’il a parlé à quelqu’un de son âge, Mihawk était prêt à combattre un Empereur avec un sabre en bois, et Crocodile pouvait sentir chaque cellule de son corps bouillir dans son sang, à la pensée que sa vie changerait du tout au tout une nouvelle fois. Il n’avait vraiment pas tort, mais ce n’est plus si désagréable depuis quelques temps. Ignacio a suffisamment grandi pour chasser des monstres marins sans sa surveillance (il n’aurait rien pu faire pour l’aider de toutes façons, mais maintenant il est rassuré de le savoir en pleine forme), alors il peut aussi l’accompagner à terre pendant leurs escales.
Newgate lui imposerait toujours des gardes du corps s’il n’avait pas Ignacio avec lui, alors Crocodile préfère sentir le sol trembler sous ses pas quand son Bananawani marche à ses côtés sur les îles encore fumantes des combats, plutôt que d’avoir une dizaine de matelots autour de lui pour l’empêcher de faire la moindre chose. Il n’est pas stupide au point de croire que personne ne garde un œil sur lui de loin, mais au moins il n’y a personne près de lui, à part son animal de compagnie.
C’est pendant l’une ses sorties en plein air, durant lesquelles il n’a qu’à récupérer ce qui l’intéresse sur les cadavres laissés par l’équipage ou dans les ruines encore chaudes, que Crocodile pose les yeux pour la première fois sur Marco. Petit et maigrichon Marco, portant déjà avec fierté une mèche le rapprochant plus d’un ananas que d’un garçon. Ignacio veut le manger dès qu’il l’a dans son champ de vision, et Crocodile s’amuse pendant une bonne minute à le regarder essayer de grimper à un arbre pour échapper à la puissante mâchoire de son compagnon de route.
Sa curiosité est piquée dès que les flammes bleues surgissent des pieds du garçon pour menacer Ignacio, et Crocodile commande d’un claquement de langue la fin de sa chasse. Un utilisateur de fruit du démon, et apparemment, pas n’importe lequel. Il n’y avait rien sur ce pouvoir dans tous les livres qu’il a pu étudier ces deux dernières années à bord du Moby, alors Crocodile ferait mieux de le garder en vie le temps qu’il en apprenne plus sur lui, et Newgate aimerait peut-être lui parler de l’équipage qui l’accompagnait avant ce massacre. Le garçon redescend de l’arbre dès qu’il comprend que le danger a été écarté, Ignacio se reposant sur un tas de cadavres pour bouloter la chair encore fraîche.
‘’Hey fillette ! Ton animal n’a pas intérêt à m’attaquer une nouvelle fois !’’ Le doigt pointé du garçon vers lui ne peut que lui rappeler toutes les disputes futiles qui ont lieu sur le navire, mais le rouquin a fait l’erreur de s’arrêter à son apparence
‘’Traite-moi comme une fille encore une fois et Ignacio ne laissera absolument plus rien de toi !’’ Crocodile lui répond en grognant, prêt à claquer sa langue pour soigner l’appétit de son Bananawani
‘’Fillette, peuh !’’
Le garçon à la coupe d’ananas tire la langue pour se moquer de lui, mais son plaisir est de courte durée, alors que Crocodile se jette sur lui pour se venger de son affront—ses mains attrapant les épaules de l’autre garçon pour l’envoyer au sol. Il ne mérite même pas une mort rapide sous les crocs d’Ignacio, mais bel et bien de rendre son dernier souffle le plus lentement possible, pour que ses regrets soient la dernière chose que le monde entende à son sujet…
L’air est expulsé de ses poumons dès qu’un talon rencontre son estomac, le rouquin se relevant en souriant grâce aux flammes bleues commençant à recouvrir certaines parties de son corps. Crocodile ne pensait pas affronter un utilisateur de fruit du démon aussi tôt dans sa carrière de pirate, mais il ne réussira pas à surpasser l’héritage de son père s’il reste à se tourner les pouces sur le Moby ! Avec ses poings dressés devant lui et toute l’expérience qu’il peut amasser de ses précédents combats de rue avec Mihawk près de lui, Crocodile n’hésite pas une seconde de plus avant de charger une nouvelle fois sur le gamin, esquivant de peu une griffe qui visait sa joue pour écraser son crâne contre le sien—
Ça lui a toujours semblé facile quand il regardait les matelots se battre, mais maintenant que son crâne vibre, Crocodile sait qu’il ne refera plus jamais ça—ça fait mal bordel, même si le rouquin est tout aussi sonné que lui… Ils s’accordent mutuellement le temps de pouvoir tenir sur leurs jambes, avant de retourner à leur combat, poings rencontrant mâchoires, et pieds se heurtant au reste. Le rouquin n’est pas un combattant, mais son pouvoir l’aide à esquiver et renforcer ses coups, alors que Crocodile a l’habitude de se battre depuis quelques temps—Newgate le forçant à s’entraîner avec les mousses pour qu’il puisse se défendre au cas où quelque chose finirait mal pendant une attaque.
Sa peau pique à certains endroits, là où la chair est ouverte depuis que les griffes l’ont transpercée, mais Crocodile se fiche de tout ça tant que le rouquin osera encore se tenir devant lui—il le battra, et Ignacio effacera toutes les preuves de sa misérable existence ! Un coup de poing de plus, une gerbe de sang de plus, une plaie de plus… Tout son corps lui fait mal, mais il n’abandonnera pas tant qu’ils tiendront encore tous les deux sur leurs jambes tremblotantes. Leurs souffles sont lourds et résonnent dans la clairière qui abrite leur affrontement, leur sang mélangé sur l’herbe, mais aucun d’eux ne lâche l’autre du regard—leurs petits poings toujours dressés l’un contre l’autre.
‘’Je vais te tuer, fillette !’’ Les flammes bleues du rouquin sont de moins en moins fortes, mais plus localisées autour de ses poings, comme une menace silencieuse du pouvoir qu’il a avalé
‘’Dans tes rêves, l’ananas !’’
Son t-shirt blanc devenu rouge accueille une nouvelle déchirure dès que les griffes de son adversaire manquent de peu de l’éviscérer, mais Crocodile en profite pour lui envoyer son pied dans le genou, observant avec un plaisir non dissimulé le moment où le rouquin se retrouve à terre. Enfin ! Crocodile essuie le sang qui coule le long de sa mâchoire alors que ses dernières forces l’aident à se rendre aux côtés du rouquin, Ignacio arrêtant de gober les restants de cadavres pour le rejoindre, maintenant que le combat s’est arrêté.
Le garçon a l’air beaucoup moins intéressant sans les flammes bleues pour l’entourer, et même la haine illuminant son regard ne suffit pas pour faire trembler son cœur. Son t-shirt violet tacheté de rouge ressort par rapport à l’herbe verte qui les entoure, mais ce qui fait vraiment exception est le bout de tatouage qu’il peut voir, là où le tissu est déchiré. Crocodile connaît ce symbole, après deux ans sur le Moby Dick, il a bien plus appris sur les pirates que n’importe qui à quai. Le rouquin était un esclave pour l’équipage qui a fini son voyage ici, sous la lame de Newgate. Ils cherchent tous les deux à survivre, alors.
‘’Relève-toi.’’
Crocodile le regarde de haut, sans lui tendre la moindre main pour l’aider, parce qu’il n’a connu que ça pendant toutes ces années, et si le garçon veut survivre, alors il doit apprendre à ne compter que sur lui-même. Mihawk l’a épargné là où il aurait pu le battre à la loyale sans aucun soucis, et la leçon que son meilleur ami lui a enseigné ce jour-là doit être la même que celle que le rouquin doit apprendre ; ils sont seuls dans ce monde, et les plus faibles n’ont aucune chance.
La réaction du rouquin n’est pas celle qu’il espérait, quand il finit enfin par se relever pour se jeter sur lui et l’envoyer au sol—ses côtes craquent sous le poids soudain, et la chute réveille les vieilles cicatrices que les combats menés avec Mihawk lui ont laissé… Sale petit enfoiré, Crocodile le tuera de ses propres mains, sentira son souffle mourir dans sa gorge et regardera avec plaisir la vie quitter son regard insolent ! Il a le putain de sang du démon dans ses veines, ce n’est pas un enfant qui va le battre ! Sa bouche se remplit de sang, quand Crocodile mord le bras du rouquin pour le faire lâcher sa prise sur lui, et il est prêt à faire bien pire—
Son sang se glace dans ses veines d’un seul coup, et la terre tremble sous eux. Crocodile n’a même pas le temps de se relever qu’une ombre plane sur eux, la paume gigantesque de Newgate venant l’attraper pour l’éloigner de l’autre garçon, alors que les doigts de son autre main encercle le rouquin pour l’empêcher de s’échapper… Le combat est définitivement terminé, donc. Le ciel commence à se couvrir de toutes façons, c’est peut-être mieux comme ça.
‘’Quel est ton nom, petit ?’’ La voix de Newgate est comme un grondement, sa colère restant cachée alors que son regard analyse la petite forme coincée entre ses doigts
‘’M-Marco—je sais qui tu es…’’ La peur et la haine se mélangent sur le visage de l’autre enfant, son corps luttant inutilement contre la prise du géant
‘’Et qui suis-je, Marco ?’’
‘’Barbe Blanche ! Tu es l’homme qui a tué les pirates qui me retenaient prisonnier ! Ma vie t’appartient désormais, capitaine !’’
Crocodile connaît Marco depuis environ une heure, et il comprend déjà que c’est un idiot loyal, du genre à survivre grâce aux autres, et pour les autres. C’est décevant, mais il n’y aura pas d’autres Mihawk dans sa vie. Son meilleur ami est à l’abri, et il doit déjà être le meilleur sabreur de l’île, maintenant que deux ans ont passé, il a peut-être même développé son haki (Newgate lui a appris ce que c’était, mais ses espoirs de le voir développer la même force brute que Rocks s’amenuisent de jour en jour). Marco est un idéaliste, les yeux déjà remplis d’étoiles à l’idée de servir pour Newgate, et Crocodile sait déjà comment tout ça va se terminer.
‘’Marco, veux-tu rejoindre mon équipage ?’’ Le calme peut s’entendre dans la voix de Newgate, alors qu’il desserre sa prise sur l’enfant pour le laisser se reposer sur sa paume
‘’Évidemment ! Il n’y aurait pas de plus grand honneur que de servir l’homme qui m’a sauvé la vie !’’ Marco s’agenouille comme s’il venait de rencontrer le dieu que les bonnes sœurs de son enfance priaient, et Crocodile ne peut pas s’empêcher de ricaner devant cette image, Newgate est tout autant le diable que Rocks
‘’Alors il y a une règle que tu dois connaître avant de pouvoir rejoindre mon équipage, Marco.’’
‘’Je ferais tout pour la respecter, vieil homme !’’
Le sourire sur le visage de Marco est bien plus éclatant que les derniers rayons du soleil lentement remplacés par les nuages sombres qui trônent sur le ciel, et il aurait dû comprendre que ce n’était qu’un autre de ces signes du destin… Mais à la place, Crocodile a simplement laissé Newgate le déposer sur son épaule, comme s’il n’était que l’un de ces oiseaux espiègles profitant de la chaleur des innocents. Il connaît le plus grand rêve de Newgate—il le lui a avoué en lui montrant une bague abandonnée depuis longtemps—et avoir une famille l’intéresse plus que les plus beaux trésors que ce monde a à offrir. Marco est un idiot de s’agenouiller, alors que Newgate l’a déjà accepté.
‘’Les membres de notre famille ne se battent pas à mort. Ils peuvent se disputer, mais jamais chercher à blesser l’autre, est-ce bien clair, mon fils ?’’
Le doute s’installe dans le regard de Marco, dès qu’il se pose sur Crocodile, les traces de leur combat bien plus qu’évidentes, et le poids des mots de Newgate devant peser sur ses épaules. Crocodile grimacerait presque à l’idée d’être inclus de force dans cette famille alors qu’il s’en était créé une qui lui convenait déjà avec Mihawk, mais Newgate est moins désagréable que les bonnes sœurs. Marco hoche la tête avec réticence en ne relâchant toujours pas son regard, et Newgate doit en être fier, parce que sa main vient le déposer à son tour sur son autre épaule. Un stupide oiseau de plus.
Ils sont de retour sur le Moby Dick en un rien de temps, Ignacio dévorant les poissons qui nagent près de lui, quand Newgate prononce les mots qui changent sa place sur ce navire à jamais…
‘’Marco, voici Crocodile. Je compte sur toi pour protéger ta nouvelle sœur.’’
Au combien savoir que le nom que Rocks lui a transmis est mort et enterré le réjouit, après deux ans à devoir le répéter haut et fort pour que Newgate le comprenne bien, Crocodile ne peut pas s’empêcher de grincer des dents en entendant la fin de la phrase. Sœur, et pas frère. C’est stupide. Tout simplement stupide. Newgate ne pouvait pas utiliser ses neurones pour faire le lien entre le nom qu’il a choisi et toutes les robes qu’il refuse ? Et maintenant, Marco va continuer de le prendre pour une fille…
Ses poings sont toujours fermement serrés à l’infirmerie, quand les désinfectants picotent les blessures qui commencent à peine à se refermer, et Crocodile peut sentir le regard de Marco sur lui, même avec Graves entre eux. Le médecin de bord examine avec attention Marco depuis un moment maintenant, et vu le nombre de notes qu’il prend au fur et à mesure des questions qu’il pose à l’ananas sur son état de santé, Crocodile sait qu’il va entendre l’enfant pleurer face à tous les vaccins à encaisser d’un coup.
En un peu plus de deux ans sur le Moby, Graves est l’un des seuls membres d’équipage avec qui il a réellement pu se lier. Surtout parce qu’il est aussi l’un des seuls qui comprend de quoi il parle, quand il clame haut et fort qu’il n’est pas une fille. Il ne peut pas l’aider autrement qu’en le considérant comme la personne qu’il est réellement là où une majorité échoue dans cette tâche, et Crocodile le remerciera chaleureusement un jour, quand l’affection sera quelque chose qu’il osera partager avec quelqu’un d’autre qu’Ignacio.
‘’Hey, Crocodile.’’
Ses yeux arrêtent de fixer la même planche du parquet quand un frisson de surprise traverse tout son corps en une seconde, et Crocodile croise avec appréhension le regard de Marco, maintenant sur pied malgré les bandages autour des coupures les plus profondes qu’il lui a causées. Ce n’est pas qu’il ne veut pas lui parler, mais Marco n’est pas son frère, même si Newgate va vouloir forcer ce lien, et ils ont tous les deux traversé leur propre lot de merde pour qu’il ait envie d’en parler.
‘’Qu’est-ce tu veux, l’ananas ?’’
‘’Désolé de t’avoir mal parlé tout à l’heure—je veux dire… Le docteur m’a dit que tu ne voulais pas être une fille—‘’ Marco a l’air de regretter chaque mot supplémentaire, et il fait bien, parce que l’irritation gronde en lui
‘’Un mot de plus et mon Bananawani te mangera.’’ Crocodile le fusille du regard, gardant sa colère précieusement sous contrôle pour ne pas attaquer le gamin d’un seul coup
‘’Du calme ! Je voulais juste te dire que c’est super de t’avoir comme frère ! Tu sais te battre, moi je sais soigner avec mes pouvoirs, yoi !’’
L’excitation de Marco semble pouvoir aspirer tout l’air de ses poumons, alors que Crocodile n’en croit pas ses oreilles—est-ce que cet idiot d’idéaliste l’a vraiment appelé son frère ? Il n’est pas bien sûr de tout ce qui est en train de se passer depuis un moment, mais son cœur bat soudainement plus vite dans sa poitrine, et il mourra avant d’admettre que ses joues se sont réchauffées sous ses pansements… Crocodile ne peut pas lui faire confiance, pas après la bataille acharnée qu’ils ont mené là-dehors, ce n’est pas Mihawk—ce n’est pas quelqu’un qui peut possiblement comprendre ce que ça fait d’être né avec une malédiction sur les épaules…
La pression et la fatigue sur ses épaules s’évaporent dès que Marco enroule ses doigts autour des siens, une flamme bleue chaleureuse recouvrant sa peau. Crocodile aurait eu peur d’être brûlé vif en temps normal, mais le sourire du garçon n’a fait que l’apaiser, alors que son mystérieux pouvoir semble faire s’évaporer la douleur qu’il ressentait. D’accord, il doit vraiment se trouver un fruit du démon le plus rapidement possible, pour être aussi fort que Newgate, et aussi utile que Marco.
‘’Alors ? Qu’est-ce que tu en dis ? On peut être frères ?’’
‘’Marco…’’
‘’Ne me donne pas à manger à ton Bananawani par pitié ! Je veux juste être ami avec toi !’’
Marco parle trop par rapport à Mihawk, mais Crocodile peut l’accepter comme substitut le temps de le retrouver, et puis, si l’ananas respecte vraiment son souhait d’être un garçon, alors il peut faire ami-ami avec lui. Leurs doigts sont déjà entremêlés ensemble, alors il n’a qu’à tirer légèrement sur le bras de Marco pour le faire grimper sur le bord du lit où il était assis, en espérant que les infirmières ne raconteront jamais rien à personne, quand Crocodile laisse Marco s’endormir sur lui…
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Marco se fait tatouer le Jolly Roger de Newgate sur le torse pour effacer le symbole de son ancienne vie dès qu’il en a l’occasion, alors que Crocodile recherche toujours désespérément le fruit des hormones pour se débarrasser de son corps ne faisant que le trahir de plus en plus… Il doit cacher la poitrine qui commence à gonfler sous toujours plus de vêtements amples, et son corps ressemble de moins en moins à celui d’un garçon, ses muscles ne se développant pas comme ceux de Marco, et ses hanches voulant déjà le pousser à avoir un enfant. C’est stupide, Crocodile ne voudra jamais avoir d’enfants, ça doit bien trop faire mal, et il a déjà Ignacio…
Onze ans, et Crocodile serait prêt à sacrifier beaucoup de choses pour se débarrasser de l’autre malédiction qui occupe sa vie depuis sa naissance : son corps ne correspondant pas à l’identité qu’il souhaite avoir. Être le fils de Xebec est presque moins lourd à porter, et les regards de plus en plus insistants de certains des nouveaux membres d’équipage à chaque centimètre supplémentaire là où il ne faut pas ne peuvent que le rendre fou. Il n’a pas survécu tout ce temps pour que des alcooliques le prennent pour l’une de ces filles dans leurs magazines ridicules qu’ils échangent dès que la nuit tombe !
Newgate ne peut pas comprendre tout ça—son plus grand rêve, après tout, reste d’avoir une grande famille où tout le monde s’aimerait les uns les autres. Crocodile reste une pièce détachée, forcé d’être dans l’équipage du fait de son sang, là où tous les autres ont eu le choix de rejoindre cette grande fratrie, ou de continuer la vie merdique qui les précède maintenant. Ce qui est amusant, c’est qu’il est le seul à avoir dû abandonner son bonheur pour être ici, mais évidemment, le moustachu et ses rejetons ne pourront jamais comprendre—les autres n’étaient pas là, et ce serait horrible de mordre la main qui les nourrit.
Au moins, Marco et les nouveaux garçons que Newgate continue de recruter pour alimenter sa garderie ne sont pas stupides au point de le considérer comme une fille, même si Crocodile est de plus en plus fatigué de devoir se répéter à chaque fois qu’un nouveau garçon rejoint l’équipage. Il doit avouer que c’est marrant de les voir se tordre de douleur quand il leur envoie son pied entre les jambes, s’il est parfaitement honnête avec lui-même—Vista l’avait cherché ; bien sûr, il a bien essayé de rendre ça romantique en lui offrant un bouquet de rose comme déclaration d’amour pour la fille de ses rêves, mais Crocodile n’est pas intéressé, et il ne le sera jamais.
Vista reste une aide précieuse, quand ils s’entraînent ensemble ; le sabre n’est pas sa passion, mais s’il veut retrouver Mihawk une fois qu’il réussira à quitter Newgate, alors Crocodile doit commencer maintenant à maîtriser cette discipline, pour rentrer plus facilement dans les cercles qui pourraient connaître Mihawk. Enfin, si son meilleur ami a poursuivi son rêve, et si après toutes ces années, il souhaite encore le revoir…
Il n’y a pas de pensée plus terrifiante que celle-ci. Crocodile n’ose pas imaginer la douleur qui résonnerait de son cœur s’il retrouvait finalement Mihawk après autant de sacrifices, tout simplement pour être rejeté après tout ce temps. Il n’est plus un enfant s’occupant de bébés Strawberrywanis pour occuper le temps, mais bel et bien un jeune adolescent cherchant sa place dans ce monde—entre le nom de famille enterré par l’Histoire, et l’identité bousculée par le temps. Mihawk ne voudrait certainement plus de lui s’il ne lui revenait qu’en étant l’ombre de lui-même ?
‘’Croc !’’ Une main se pose soudainement sur son épaule, et Crocodile doit combattre le tremblement qui parcourt son corps sous le toucher
‘’Quoi ?’’ Il déteste la manière dont chaque présence autour de lui le rend mal à l’aise depuis quelques temps, même si Marco est une habitude depuis plus d’un an
‘’Le paternel a besoin de toi, c’est urgent !’’
Son cœur rate un battement en entendant la précipitation dans la voix de Marco—étrange. Newgate ne veut jamais rien d’autre de lui que sa sécurité, alors Crocodile compte bien le suivre aussi rapidement que possible, même s’il n’a pas mangé un fruit du démon mythique qui lui permettrait de voler… Il a passé les trois derniers jours à attendre que le temps passe, le reste de l’équipage se battant face à ceux de Gold Roger, alors que Newgate lui a interdit de se battre. C’est stupide, il s’entraîne tous les jours pour pouvoir définitivement faire disparaître le fantôme de Rocks D. Xebec, ce n’est pas pour rester enfermé dans sa chambre à recoudre ses chemises ! Pire, les autres garçons ont le droit d’aller se battre aussi, alors Newgate n’a pas d’excuse !
Crocodile veut se battre, il veut montrer au moustachu qu’il est tout autant capable que les autres de se défendre, Mihawk ne lui a pas offert un couteau pour qu’il ne puisse jamais s’en servir ! Ses poumons lui brûlent après avoir suivi Marco à travers tout le champ de bataille (l’île tout entière) de ces trois derniers jours, à esquiver les corps évanouis pour ne pas tomber et à passer entre les arbres, pour enfin retrouver Newgate. Marco l’abandonne face à la vision perturbante de Newgate assis paisiblement face à Gold Roger, bien plus qu’une bouteille de saké entre eux, et Crocodile n’est pas sûr de ce qu’il est censé faire. Après trois jours à pouvoir seulement parler aux murs, il vaudrait mieux qu’il ne lui demande pas de débarrasser son bordel !
‘’Ah, la voilà !’’ La voix de Newgate résonne, son ton bien trop joyeux pour qu’il lui demande de faire quelque chose qui compenserait le manque de respect
‘’Qu’est-ce que tu me voulais, Newgate ?’’ Crocodile peut sentir ses jambes flageller sous son poids après autant de course, mais c’est surtout la colère d’avoir été appelé pour ne même pas avoir à se battre qui le rend fou
‘’Tu vois Roger, le même caractère que son père, mais au moins, elle deviendra une belle jeune femme.’’
Ça fait trois ans. Trois ans qu’il lui répète presque tous les jours qu’il ne veut pas être vu comme une fille. Qu’il n’en est pas une, et qu’il n’en a jamais été une. Des heures entières à le supplier de bien vouloir le voir comme les autres garçons de l’équipage, de ne pas le traiter différemment à cause de son traître de corps—toutes ces fois où Marco et Graves ont dû argumenter à ses côtés sur le fait qu’il était bel et bien un garçon… Tout ça réduit à néant une nouvelle fois, par Newgate le présentant à un autre Empereur comme une simple poupée, la création malsaine de Rocks D. Xebec pour laisser une trace dans l’histoire et avoir une lignée forte…
Avec ses ongles s’enfonçant dans ses paumes, quelque chose se brise en lui. Sa patience, probablement.
‘’Écoute vieillard, je ne suis pas une fille et tu n’es pas mon père ! Je suis un garçon et si tu continues de penser le contraire, alors je quitterais ton navire en emportant mon Bananawani avec moi, et les seules nouvelles que tu auras de moi à l’avenir seront celles de ma victoire sur toi !’’
Son souffle est court, ses yeux légèrement plus vitreux qu’avant, et Crocodile sent toujours plus de tremblements de colère prendre possession de son corps, alors que la vérité qui a quitté ses lèvres atteint les oreilles des deux Empereurs—Gold Roger ferait mieux d’aussi prendre des notes, parce qu’il ne compte pas se répéter ! Crocodile n’est pas une jolie poupée avec laquelle on peut s’amuser, et il ne parcourt pas les mers sur le Moby Dick par envie, seulement dans l’espoir de tomber par hasard sur Mihawk. Il aurait pu partir depuis longtemps s’il l’avait voulu, Newgate est juste trop aveugle pour le voir.
Et pour le moment, Newgate est aussi très énervé, son haki pulsant de partout pour lui faire peur—la terre commençant à trembler sous ses pieds, et le temps semblant presque s’arrêter d’un seul coup, par la simple volonté du géant… Le regard de Newgate est dirigé exclusivement vers lui, mais Crocodile ne veut pas reculer ou regarder ailleurs—il est libre d’être qui il le souhaite, peu importe à quel point le moustachu veut lui écrire un avenir dont il ne veut pas ! Il n’est plus la jolie petite fille de Xebec, et il est encore moins une page blanche sur laquelle on peut écrire un destin !
Chaque seconde passe comme une heure, Newgate écrasant un peu plus son haki sur lui, alors que Crocodile continue de le défier du regard, malgré l’air se raréfiant dans ses poumons—un rire trouve un écho dans la clairière, et le haki de Newgate disparaît, en même temps que son attention sur lui—
‘’Newgate ! Tu as entendu ce garçon, il a vraiment récupéré le caractère de Xebec !’’ Gold Roger rit en sirotant le saké, et Crocodile ne peut pas être plus perturbé de ce qu’il entend
‘’Toi—Rocks D. Xebec est peut-être mon père mais je ne le connais pas, et je me fiche de ce qu’il a pu faire ou de qui il a pu être ! Je ne suis pas comme lui, je suis Crocodile !’’
Ça a seulement l’air d’encourager Gold Roger à rire un peu plus fort, sa joie ne pouvant pas être contenue sur son visage, et son rire ne diminue pas le moins du monde, malgré les secondes s’éternisant—il commence à en avoir marre de ces Empereurs et de leur arrogance… Crocodile se promet silencieusement d’être meilleur qu’eux, de devenir le Roi des Pirates par lui-même, et pas grâce à un nom de famille. Mihawk le retrouvera, quand il sera au sommet de la chaîne alimentaire, là où personne ne pourra plus jamais lui retirer son bonheur et essayer de lui écrire la suite de sa vie…
‘’Pas de doute, c’est bien un D. Bonne chance avec lui, Newgate, nous ne sommes pas les plus calmes des océans.’’ Roger a l’air suffisamment calmé pour le moment pour trinquer avec Newgate, et Crocodile ne ressent plus que de la confusion
‘’Tu es au courant pour mon D… ?’’ Personne à part Newgate n’est au courant, et ce n’est pas le genre de choses qu’il crie sur tous les toits
‘’J’en suis un aussi, gamin. Gol D. Roger. Le futur Roi des Pirates.’’
Peut-être que c’est le sourire honnête de Roger envers lui, ou sa compréhension immédiate de ses problèmes, qui le poussent à rester assis près de Newgate pour l’écouter lui parler de Xebec et de ses aventures sur les mers, mais Crocodile ne peut pas détourner son attention de l’aura entourant Gol D. Roger. Il ne peut pas s’empêcher de se demander si Mihawk a aussi trouvé quelqu’un pour lui montrer un nouveau chemin dans sa quête, une nouvelle vision de la vie. S’il sait seulement où aller, et s’il pense toujours à lui…
Ça ne le dérange pas que Gol D. Roger ait le même rêve que lui, qu’il puisse peut-être même l’atteindre avant lui, au moins Crocodile saura si c’est possible ou non, et si un objectif aussi simple mérite toute son attention et tous ses efforts. Devenir éleveur de Bananawanis serait gâcher un potentiel qu’il peut sentir en lui, mais viser le plus haut parce qu’il a fait une vague promesse à Mihawk quand il avait sept ans ne devrait pas non plus être quelque chose pour lequel il devrait perdre la vie. Crocodile n’est pas stupide au point de croire que tout lui tombera facilement entre les mains, il est maudit, après tout.
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Il a treize ans quand Thatch décide de réveiller une vieille blessure. Ce n’est pas rare que les plus jeunes mousses du Moby se retrouvent tous ensemble dans la cale pour discuter et échanger leurs secrets et leurs rêves—rien de bien intéressant, ce ne sont que des gamins—et Marco trouve toujours un moyen pour le traîner avec lui dans ces pertes de temps. Newgate a décidément une capacité incroyable pour adopter toujours plus de jeunes garçons en manque de figure paternelle—Crocodile soupçonne que c’est pour éviter de devoir se remettre en question une nouvelle fois, cinq ans de dur combat, mais Newgate a enfin appris sa leçon.
‘’Alors Croc, il doit bien y avoir quelqu’un qui a réussi à réchauffer ton cœur gelé ?’’
Thatch est comme Marco, une fouine cherchant le moindre moyen d’en apprendre plus sur lui, alors que Crocodile fait de son mieux pour laisser son identité être la plus secrète possible. Il imagine qu’être trop secret, en plus de ne pas être comme tous les autres garçons, ne peut que continuellement lui attirer des regards étranges et des interrogations. Newgate a commencé à simplement le considérer comme l’un des jeunots de l’équipage à partir du moment où il a compris qu’il n’était pas une fille, et presque tout le monde a dû le remarquer, après tout. Crocodile reste spécial, qu’il le veuille ou non ; à part Newgate personne ne sait pour Xebec, mais son corps est un traître.
‘’Pourquoi est-ce que ça t’intéresse ?’’ Ce n’est pas comme si les secrets étaient si faciles à garder sur un navire où toutes les rumeurs circulent comme des maladies
‘’Les gars et moi, on pensait juste que tu serais plus heureux si tu sortais avec quelqu’un. Graves dit que c’est l’âge pour commencer à chercher.’’ Thatch hausse les épaules comme s’il ne venait pas de dire quelque chose d’incroyablement stupide
‘’Les amours ne m’intéressent pas, et puis, aucun de vous ne serait à la hauteur comparé à—‘’
Oh. Crocodile arrête net sa phrase pour ne pas avoir à affronter quelque chose qu’il taisait depuis déjà plusieurs années. Mihawk. Ils ont grandi ensemble pendant plus d’un an et demi, et Mihawk l’a toujours accepté comme il était dès le début de leur amitié… Merde. Ce n’est qu’une amourette d’enfance, il ne devrait pas ressentir autre chose que de la tristesse envers son amitié avec Mihawk—pire, Crocodile ne devrait sûrement pas avoir envie de passer le restant de ses jours avec lui ! Il est devenu pirate, alors que son meilleur ami doit toujours devenir le meilleur sabreur de tous les temps, ils ne pourraient pas rester ensemble avec des carrières si éloignées…
‘’Comparé à qui ?’’
Thatch et Marco commencent déjà à roucouler, et Crocodile sait qu’il va en entendre parler pour le reste de sa vie, s’il ne fait pas quelque chose pour les faire taire—alors il prend un malin plaisir à faire s’entrechoquer leurs crânes l’un contre l’autre, riant en les entendant se plaindre de la douleur. Sa vie romantique est morte le jour où Newgate l’a enlevé, et ce n’est pas aux frères adoptifs qu’on lui a forcés à avoir depuis qu’il a rencontré Marco de décider si oui ou non il doit la faire revivre.
Ce n’est pas comme si Mihawk voudrait toujours de lui depuis qu’il est beaucoup plus pirate qu’éleveur de crocodiles, et puis, ça fait plus d’une demi-décennie, peut-être que son meilleur ami a tout simplement oublié qui il était. Crocodile n’en serait pas surpris, la malédiction sur ses épaules ne semble pas vouloir disparaître, et Gol D. Roger lui a bien expliqué que son destin serait marqué par plusieurs tragédies qu’il le veuille ou non. Il n’est pas sûr de savoir s’il en vivra plus, ou si son enfance a suffi.
Newgate lui tape fort sur le crâne dès qu’il apprend qu’il a frappé Thatch, mais surtout l’apprenti préféré de l’Empereur, Marco l’oiseau sage. Crocodile a probablement hérité de trop de gènes de son père pour vouloir se réduire à être un mousse pour un pirate, il sera son propre capitaine quand il aura trouvé le moyen de s’échapper du Moby Dick sans être rattrapé. Ses tempes battent toujours dans son crâne quand il s’occupe des écailles d’Ignacio, et il ne peut pas s’empêcher de se demander si Mihawk va bien, et s’il fait en sorte de vraiment devenir le meilleur sabreur, comme il le lui avait demandé…
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Il a quatorze ans quand la vie lui offre son premier pistolet. Par vie, il entend Whitey Bay, l’une des seules personnes en qui il a confiance sur le Moby Dick, avec Graves. Crocodile ne saurait pas vraiment expliquer pourquoi il ne ressent pas d’appréhension quand ils se retrouvent tous les deux, mais elle est suffisamment patiente pour le laisser s’exprimer quand il en a besoin. Même si Newgate et le reste de l’équipage respectent son souhait d’être un garçon, Crocodile sait qu’ils ne le font uniquement parce qu’ils veulent aller dans son sens pour le forcer à s’ouvrir un peu plus. Avec Whitey Bay, c’est différent—elle l’aide à choisir des vêtements qui cachent son corps, elle le laisse piocher dans ses bijoux quand il a envie de recouvrir ses doigts de trésor, et surtout, elle l’accepte comme il est.
Il n’est pas une fille, et Whitey Bay l’a compris dès qu’elle a posé ses yeux sur lui. Ce n’est pas pour autant que son corps va avec cette idée, alors Crocodile ne peut pas se permettre de prendre des bains avec ses frères, s’il veut éviter que sa poitrine ne devienne un objet de discussion ou de fascination. Marco l’a peut-être toujours vu comme son frère, mais il n’a pas hésité à lui demander des informations sur le corps féminin pour sa formation de médecin, et Crocodile aurait aimé être assez fort pour l’envoyer jusqu’à la prochaine île. Ils sont tous stupides.
C’est après l’une de leurs nombreuses escales que Whitey Bay lui a trouvé un pistolet. Comme cadeau d’anniversaire ou pour sceller leur amitié, Crocodile n’est pas vraiment sûr de l’occasion choisie. Dans tous les cas, il a un tromblon rien que pour lui, pour dissuader n’importe qui de l’approcher quand il n’en a pas envie, et c’est peu de dire qu’il n’est pas vraiment intéressé par les discussions anodines du Moby Dick ces temps-ci. Newgate continue de rencontrer Roger sporadiquement, et Crocodile donnerait beaucoup pour être sur l’Oro Jackson, au lieu de devoir supporter les punitions parce qu’il n'est pas l’orphelin parfait pour la famille imaginaire d’un Empereur…
Et puis, Roger adopte aussi des enfants maintenant, alors pourquoi pas lui ? Le bambin roux qu’il a porté dans ses bras plus d’une fois pendant les combats—où il a toujours interdiction de prendre part—est précieux aux yeux de Roger, et ce n’est pas juste parce que c’est un enfant. Crocodile n’est pas sûr de comprendre ce qu’il voit en lui, mais il sait que Newgate ne le regardera jamais comme ça. Il n’a toujours été qu’un substitut avant qu’il ne trouve Marco, après tout.
Donc oui, il a un pistolet et il compte bien s’en servir si n’importe qui le dérange, mettre des taches de rouge sur son t-shirt blanc ne le ferait pas perdre son sang froid s’il est même parfaitement honnête avec lui-même. Avec son arme en main, Crocodile se sent plus libre qu’enfermé sur un navire, et chaque cible supplémentaire qu’il touche quand il s’entraîne lui semble le rapprocher—même un minimum—de Mihawk. C’est la dernière pensée qui l’empêche de devenir complètement fou sur ce foutu navire…
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Il a seize ans quand Vista change sa vie à tout jamais. Crocodile pourrait dire que c’est à cause de Vista qu’il se retrouvera avec une cicatrice barrant son visage en deux à tout jamais, ou qu’une de ses mains a fini au fond de l’eau, mais en fait, c’est surtout de sa faute à lui. Il est encore puni et doit nettoyer le pont à la serpillière quand Vista amène l’article de journal qui le convainc d’abandonner une bonne fois pour toutes Newgate et ses idiots derrière lui.
D’habitude, Crocodile ne se donne pas la peine d’écouter ce dont Vista peut parler ; c’est toujours sur des vieux épéistes qui se font attraper par la Marine, ou alors des sabreurs qui prêtent leurs forces au Gouvernement Mondial. Mais cette fois, comme un signe du destin, Vista lui parle d’une jeune pousse d’à peine quinze ans faisant une entrée fulgurante dans le monde de la piraterie par la voie du sabre, et Crocodile reconnaît sans attendre le visage de son meilleur ami, sur l’avis de recherche allant avec l’article.
Dracule putain de Mihawk, quinze ans, vaut quarante millions de Berris ?! Crocodile se fiche des corvées qu’il a encore à faire, alors qu’il fixe ce portrait jusqu’à sentir ses yeux lui piquer—c’est bel et bien Mihawk, il a à peine changer. Bien sûr il a pris quelques années, mais ses yeux le trahissent. Toujours aussi jaunes, toujours aussi distinctifs. Un phare dans la brume depuis sa plus tendre enfance, et Crocodile ne peut pas attendre de le revoir—si Mihawk a déjà pris la mer, alors il doit aussi le faire tout seul, pour le retrouver le plus rapidement possible !
La photo de son meilleur ami est solidement cachée dans ses affaires dès qu’il les prépare. Huit ans qu’il est sur le Moby Dick, et Crocodile ne restera pas un jour de plus. Rocks D. Xebec est mort et oublié, alors Newgate ferait mieux de ne pas lui parler de sa sécurité. Crocodile se fera un nom par lui-même, deviendra le Roi des Pirates, et plus jamais personne ne pourra lui retirer son bonheur…
Il garde cette promesse près de son cœur, dès qu’il sent la naginata de Newgate le transpercer de part en part…
À suivre…
Chapter Text
Prendre la mer à quinze ans aurait été déconseillé par beaucoup de mères de famille, et interdit par moins de pères, mais Mihawk n’a plus personne sur qui compter depuis qu’une tempête a emporté ceux dont il avait besoin. Prendre la mer à quinze ans sur rien de plus que l’équivalent d’une barque avec une voile, même ses instructeurs au dojo étaient prêts à l’empêcher de s’approcher du port. Mais Mihawk n’est pas aussi fou qu’ils peuvent le penser, et s’il quitte l’île qui l’a vu grandir derrière lui, c’est parce qu’il a un rêve et un objectif. Devenir le meilleur sabreur de tous les temps, et retrouver Crocodile. Il ne se berce pas d’illusion, aucun de ses buts ne sera facile à atteindre, mais si c’était trop simple, alors Mihawk ne voit pas l’intérêt de se donner à corps perdu dans une cause.
Maguro-Kiri l’accompagne dans son voyage à travers les océans, et Mihawk n’aurait pas pu avoir un sabre plus fidèle pour l’assister, alors qu’il garde constamment la présence de sa lame dans son fourreau près de lui. Ce n’est pas une lame normale, et même si ce n’est ni la plus forte ni la plus rare, Mihawk ne laissera jamais personne la prendre loin de lui. Depuis qu’il n’y a plus personne pour lui, depuis qu’il a compris que chaque personne à qui il s’attachait était sous la menace du destin, Mihawk a préféré se consacrer entièrement à la voie du sabre pour éviter d’être un peu plus déçu. S’il venait un jour à confier ses sentiments à une nouvelle personne, il sait d’avance qu’un nouveau drame se produirait, et il ne peut pas laisser l’armure autour de son cœur faiblir une nouvelle fois.
Il ne sait pas si c’est un avantage, mais un adolescent se baladant à travers le Nouveau Monde avec rien de plus qu’un sabre à la ceinture n’attire pas spécialement l’attention. Bien sûr, les voleurs de bas étage croient pouvoir lui prendre le peu qui lui appartient, mais Mihawk a travaillé ses sens depuis huit ans, et il est toujours suffisamment aux aguets pour ne plus jamais laisser quelqu’un le battre. Il laisse derrière lui des cadavres tranchés en deux dans les ruelles qu’il traverse, n’ayant qu’à se pencher pour ramasser le butin déjà ramassé par ceux qui voulaient lui réserver le même sort. Une part de lui ne se réjouit pas d’aider la Marine à faire son travail, mais l’autre part lui souffle qu’il ne fait que se débarrasser des insectes sur ce chemin, ceux qui le séparent de ses objectifs.
S’il écume tout aussi bien les tavernes et les ports du Nouveau Monde, c’est bel et bien pour récolter des informations sur Edward Newgate et son équipage. Sur l’enfant qu’il a enlevé une vie plus tôt. Mihawk a fait de son mieux pour rester informé sur Barbe Blanche et ses pirates pendant les huit dernières années, mais ce n’est pas avec le peu qui était réellement dans les journaux qu’il a réussi à avoir des informations sur Crocodile. Rien de plus que quelques indications sur les îles qu’il avait pu visiter, et sur différents combats face à la Marine. Mihawk ne sait toujours pas comment réagir à la disparition totale du nom de Rocks D. Xebec des informations, mais il espère bel et bien que sa lignée vit toujours, au combien le nom n’a plus d’importance.
Il n’est pas un pirate, mais il sait qu’il n’y a rien de mieux que les bars pour récolter des informations, après tout, l’alcool délie les langues, et Mihawk n’est jamais réellement surpris du nombre de criminels et de soldats du Gouvernement Mondial tombant dans le même piège. Mais au final, il est toujours déçu du peu d’informations sur Barbe Blanche—c’est à peine s’il peut réellement le localiser, et il n’espère même plus avoir des nouvelles de Crocodile depuis trop longtemps maintenant. S’il ne le retrouve pas lui-même, alors Mihawk a bien peur de ne plus jamais le revoir…
Après plusieurs mois à voguer entre différentes îles pour obtenir de maigres informations, Mihawk se décide à mettre de côté les bars et les ragots. Que ce soient les pirates ou les soldats, toutes les informations qu’ils partagent ne sont que des bribes qu’ils ont entendu en mer, là où la vérité se fait réellement connaître. Mihawk n’est pas à proprement parler un marin—bien sûr il a son propre navire et il sait quoi faire pour naviguer correctement entre chacune de ses directions, mais il n’oublie pas que c’est cette même mer qui a emporté ses parents, et il a bien trop souvent des cauchemars pour lui rappeler ce qui pourrait lui arriver s’il était imprudent en mer.
Il n’est pas sot au point de croire que la vie lui sourira dès qu’il aura un peu plus confiance en ses capacités de navigateur, mais voler des Log Pose sur des cadavres et des alcooliques ne lui permet pas d’affirmer avec passion qu’il croit en ses chances. Mihawk sait qu’il doit viser plus gros s’il veut avoir de meilleures informations, et des moyens plus adéquats de retrouver son meilleur ami—bien sûr sa voile fait l’affaire pour le moment, mais il commence à accumuler des richesses imprévues, en plus des rares Eternal Pose qu’il dérobe à chacun des capitaines insouciants à qui il tranche la gorge. Comme il change d’île aussi souvent que possible, il ne lui est pas vraiment possible de simplement les déposer à l’abri en attendant d’en avoir besoin, mais Mihawk fera en sorte de trouver une île à l’abri de toute population, pour se protéger des esprits avides.
Dans tous les cas, ce qui l’intéresse pour le moment n’est pas de s’installer de manière pérenne, mais bel et bien de se forger une place parmi les acteurs des océans, pour être au cœur du réseau d’informations prioritaires. Il ne veut plus dépendre des journaux ou des ivrognes, mais véritablement être au courant de ce qu’il se passe dans la minute. C’est pour cette raison qu’il commence à s’attaquer directement aux navires pirates et militaires qui croisent sa route, Maguro-Kiri ne perdant jamais de temps pour se débarrasser des faibles ne résistant pas à sa lame, alors que les navires finissent toujours par couler dès que Mihawk en a fini.
Les pirates lui apportent deux sortes de gain—matériels, bien évidemment, mais surtout réputationnels. Plus il se charge des pirates sur sa route, moins il a de résistance quand il exige des réponses sur l’emplacement de Barbe Blanche. Pour la Marine, c’est une autre forme de récompense qu’il reçoit, dès que les ridicules contre-amiraux ne font que le regarder avec incrédulité dès qu’il leur demande ce qu’ils savent sur l’enfant de Rocks D. Xebec. Mihawk ne sait pas s’il est vraiment surpris qu’aucun de ces incapables ne puisse répondre à une simple question, mais il ne ressent pas l’ombre d’un regret dès qu’il leur prend la vie, Maguro-Kiri aspirant toujours plus d’âmes.
La Marine est inutile, rien de plus qu’un obstacle supplémentaire entre Crocodile et lui, mais ils ont au moins le mérite de le divertir quand sa lame tranche leurs misérables cuirassés en deux. Mihawk commence à les terrifier avant même d’avoir à sortir Maguro-Kiri de son fourreau, alors il ne décroche pas plus qu’un sourire en voyant une prime à son nom dès son retour sur la terre ferme, au coin d’une ruelle sale où il se débarrasse d’un groupe de brigands pensant pouvoir survivre le reste de leur vie avec sa capture. Quarante millions de Berris, c’est une certaine somme, mais Mihawk sait qu’il peut faire mieux que ça : plus il deviendra célèbre, plus il sera craint par la Marine, plus il pourra se rapprocher de Barbe Blanche, et de l’ami qu’il lui a enlevé bien des années plus tôt.
Mais pour l’heure, Mihawk se voit contraint de changer de support de navigation. Sa pauvre voile n’aurait pas pu tenir plus longtemps après avoir supporté autant de richesses imprévues, et malgré ses plus grandes précautions, les courants dangereux et les batailles maritimes ne l’ont pas épargnée. Tout l’argent accumulé pendant ces derniers mois ne sert qu’à payer le meilleur charpentier pour qu’il lui prépare le navire de ses rêves, celui qui apportera la crainte dans le cœur de chacun de ses ennemis… En bois d’Adam, comme ça Mihawk est sûr de ne pas avoir à en changer tous les ans. Hitsugi-Bune, le navire en forme de cercueil qui amènera pirates et marines vers la tombe le plus rapidement possible.
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Ce n’est qu’un peu moins d’un an plus tard que Mihawk entend la rumeur qui le motive vraiment à attaquer la Marine, autrement que pour le divertissement. Ce sont tous des incapables qui ne savent jamais rien de la personne qu’il recherche corps et âme, alors que son ingrat de paternel terrorisait les mers bien avant sa naissance, sans parler du fait que ce qu’il reste de son équipage compose aujourd’hui presque tous les Empereurs. Au combien c’est donc amusant de les entendre supplier pour leur vie alors que Maguro-Kiri se couvre de leur sang, Mihawk ne les attaque plus uniquement pour les informations.
Adossé à un mur crasseux, sur une île perdue en bordure du Nouveau Monde, Mihawk finissait de nettoyer sa lame et de prendre soin de son tranchant, quand la rumeur a atteint ses oreilles pour la première fois. Un vice-amiral de la Marine aurait mis la main sur l’une des douze lames de premier rang pendant un abordage contre un équipage de contrebandiers, et il aurait pour ordre de le ramener à Marie-Geoise pour l’offrir à ses supérieurs, ou aux Dragons Célestes au-dessus d’eux. Il ne sait pas si toute la rumeur est fondée, mais Mihawk sait qu’il doit mettre la main sur cette lame et la faire sienne. Il ne pourra pas être le meilleur tant qu’il ne combattra pas avec la plus fine lame des mers, et ce n’est pas la Marine qui mettra un terme à ses ambitions.
Trouver le bon cuirassé s’est retrouvé être plus difficile que prévu, et Mihawk a dû faire couler une flotte tout entière pour enfin arriver à celui où est caché le sabre sacré. Il a laissé une marée de sang sur le pont du bateau en descendant vers la cale où est précieusement cachée la lame qui l’appelle, au fil des pas qui le rapprochent toujours un peu plus de son but. Mihawk tient solidement Maguro-Kiri dans sa main, alors qu’il sent l’énergie de la lame de premier rang l’attirer vers lui de manière inévitable—c’est sa première fois aussi proche d’une lame aussi mystique, et l’accélération soudaine des battements de son cœur trahit l’appréhension qu’il ressentait déjà avant de se battre à corps perdu contre toute une flotte de la Marine…
Avec son sang se mélangeant à celui de ses ennemis, Mihawk a probablement l’air mal en point pour offrir son âme à une lame aussi précieuse, mais il ne peut pas reculer maintenant, alors que ses doigts défont les chaînes autour du coffre. L’afflux d’énergie est soudain, dès qu’il soulève le coffre, et ses yeux doivent lutter contre l’éclat soudain de la lame noire—Mihawk n’a jamais rien vu de tel. Environ deux mètres de long, entièrement noire, un manche sophistiqué et décoré, une garde en croix. Mihawk aurait donné sa vie pour seulement pouvoir poser son regard sur cette merveille, et il a l’occasion d’être son propriétaire…
Ses mains tremblent dès qu’il vient attraper le manche du sabre, son unique tranchant semblant accaparer toute la mince lumière de la calle pour lui révéler toute la beauté de l’acier damassé recouvert de noir… Ses yeux ne semblent pas pouvoir dévier du kriegsmesser, alors que ses bras se sentent d’un coup de plus en plus faibles—une lame de ce calibre ne peut évidemment pas choisir un porteur faible, et Mihawk est plus qu’heureux de pouvoir baigner dans son propre haki pour prouver à son nouveau sabre qu’il ne fera pas demi-tour—
Son cœur rate un battement dès qu’il sent l’énergie de la lame parcourir son corps, passer dans chacun de ses muscles, dans chaque veine pour faire bouillir son sang, et Mihawk doit lutter contre lui-même pour ne pas s’évanouir sur le coup… Chaque cellule de son corps est en ébullition soudaine, la lame semblant prendre possession de son corps alors qu’il peine toujours un peu plus à tenir correctement le manche—tout son corps est lourd, son cœur battant fortement dans sa cage thoracique, et ses pensées ne sont plus siennes l’espace d’un instant, quand la lame lui parle…
Yoru des douze lames de premier rang ne se laissera pas brandir par un simple enfant.
Au combien c’est déjà un grand honneur que Yoru daigne lui parler, Mihawk sait qu’il va devoir apprendre à la maîtriser s’il veut pouvoir faire plus que de la porter, et il n’a pas d’autre choix pour créer un lien indestructible entre lui et la lame que de sacrifier une partie de lui… En amassant autant d’haki que possible dans un seul de ses bras, Mihawk sent l’emprise de Yoru s’accroître un peu plus sur lui, alors que l’énergie qu’il récupère sur Maguro-Kiri disparaît peu à peu en se fondant dans la masse, pour venir recouvrir Yoru de la garde à la pointe. Rien qu’une décharge d’haki sur la lame, et Mihawk la sent comprendre à qui elle a affaire, alors que la pression sur lui le relâche. Ils sont destinés à faire de grandes choses ensemble, à commencer par récupérer la place de meilleur sabreur de tous les temps.
Mihawk repose Yoru contre le coffre, alors qu’il ressort Maguro-Kiri de son fourreau pour constater avec peine la fissure parcourant maintenant l’entièreté de la lame, sur son dos et sur son tranchant. Il n’en est pas surpris, avec toute l’énergie qu’il a dû lui prendre pour convaincre Yoru de lui faire confiance, c’était évident que son premier sabre ne tiendrait pas la comparaison mais ça n’empêche pas le pincement au cœur soudain, alors que Mihawk doit abandonner une lame pour la première fois de sa vie. Il ira la ranger avec ses richesses quand il sera de retour là où il a posé bagages quelques semaines plus tôt, mais pour le moment, il la garde à sa ceinture, alors qu’il fait de son mieux pour maintenir Yoru sur son dos.
Une lame de cette taille imposera un peu plus la crainte de son nom à la Marine et aux pirates qui osent encore croire avoir une chance contre lui, mais Mihawk va sérieusement devoir trouver un moyen de faire tenir Yoru dans son dos, s’il ne veut pas avoir à la garder attachée autour de lui comme un idiot.
Avec une lame aussi puissante, Mihawk est sûr et certain de faire plier la volonté de tous ceux qui s’opposeront à lui, et il réussira à effacer la seule fois où il a dû faire marche arrière avant la fin d’un combat—Yoru pourrait faire face à deux Logia simultanément, là où Maguro-Kiri n’a pas pu faire mieux que de résister face au magma et aux tempêtes qu’on lui envoyait dessus…
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Trois semaines plus tard, Mihawk a dilapidé la moitié des ressources qu’il a volé à un puissant pirate venu tout droit de North Blue—il a déjà oublié son nom, Yoru l’emportant comme tous ceux qui pensent pouvoir lutter—dans une refonte complète de sa garde-robe. Le plus dur à trouver a été un couturier prêt à travailler en quatrième vitesse pour lui produire un manteau capable d’accueillir son sabre ; Mihawk ne lui a pas laissé plus de temps que trois semaines, pour ne pas laisser une chance à la Marine ou aux pirates de tracer sa position, et le pauvre couturier n’a pas été facilité par la réticence de Yoru à être portée par quelqu’un d’autre que lui. Prendre les mesures pour insérer le sabre a dû être le pire moment de la vie de l’artisan, mais Mihawk était plutôt occupé à rechercher un nom bien précis dans les journaux.
Il semblerait que Barbe Blanche ait recruté quelqu’un capable d’insérer son nom dans chaque article sans même être pertinent, et Mihawk ne peut pas s’empêcher de se demander ce qui a bien pu se passer là où ils sont allés—Wano, un pays où il ne s’aventurera pas pour ne pas risquer l’intégrité structurelle d’Hitsugi-Bune, malgré la dévotion de Yoru pour cet endroit. D’autres lames l’appellent, mais Mihawk ne pourra pas devenir le meilleur s’il cède face à chaque caprice de son sabre, et il passe bien assez de temps à l’apprivoiser pour laisser Yoru choisir son chemin.
De toutes façons, Barbe Blanche a quitté Wano depuis longtemps, et Mihawk sait très bien que ça veut dire que Crocodile n’y est pas non plus. Il sirote passivement le verre de vin qu’il a commandé dans un bar clandestin, ses yeux continuant de feuilleter différents avis de recherche, pour savoir quelle prime il pourra aller demander la prochaine fois qu’il aura envie de rendre la vie de la Marine un peu plus compliquée. Sa présence dans un bar miteux pourrait être dangereuse, mais avec Yoru installée sagement derrière lui, et son chapeau couvrant une partie de son visage, Mihawk s’assure une certaine paix, et puis, il a son kogatana autour du cou, si quelque chose devait vraiment mal se passer. C’est sûr qu’une prime de soixante-dix millions de Berris pour un adolescent de seize ans doit attirer les plus cupides.
Mais à l’heure actuelle, le problème de Mihawk n’est pas la faible chance qu’il a d’être importuné, ou bien même le goût aigre du vin qu’il continue de boire malgré tout. C’est si difficile pour lui de croire ce qu’il a sous les yeux qu’il hésite à envoyer un deuxième regard à l’avis de recherche qu’il tient entre ses doigts—Mihawk aimerait ne pas croire au destin, mais il y a certaines choses qui doivent être écrites, et un sourire faiblard réussit quand même à se glisser sur ses lèvres. Le nom n’est pas le même que celui qu’il a connu, mais le regard est exactement pareil—la même intensité dorée—et Mihawk aimerait être trop alcoolisé et en train de rêver.
Quarante-cinq millions de Berris sur un visage juvénile marqué par une terrible cicatrice le séparant en deux, un sourire fier malgré la lèvre abîmée laissant s’échapper du sang, et un regard intelligent faisant presque oublier la prime marquée en-dessous, ainsi que le nom utilisé—Wani. Bien sûr, Mihawk est satisfait de savoir Rocks D. Xebec bel et bien enterré, mais il aurait préféré voir son ami se faire un nom pour lui-même avec sa propre identité, ça lui aurait facilité la tâche pour le retrouver. Si Crocodile a sa propre prime, il y a de très fortes chances qu’il ait réussi à s’échapper des griffes d’Edward Newgate, alors Mihawk n’a plus qu’à suivre un peu plus l’actualité pour le repérer parmi la foule de pirates.
Il se doute que Crocodile doit toujours être avec Ignacio s’il a choisi ce surnom—ou si quelqu’un d’autre à la Marine l’a fait pour lui, alors Mihawk se réjouit silencieusement de pouvoir réunir la petite famille qu’ils avaient fondé quand ils étaient enfants. Yoru est vite de retour sur son dos, le poster glissé dans son veston pour ne pas le perdre, et Mihawk est prêt à user de son propre surnom, le chasseur de Marine, pour leur extirper le maximum d’informations sur son meilleur ami.
Il semblerait que le destin lui trace un bon chemin vers la réussite de ses objectifs, et Mihawk ne peut pas en être plus satisfait…
À suivre…
Chapter Text
S’il y a bien une chose qu’il a apprise depuis qu’il ne peut plus compter que sur lui-même et son Bananawani, c’est que retrouver un homme bien précis est la chose la plus compliquée à faire. Crocodile ne compte plus le nombre de fois où il a cru avoir eu la chance de retrouver Mihawk, tout ça pour seulement se retrouver à devoir vider son chargeur dans l’abdomen d’un simple ivrogne l’ayant pris pour une femme. Crocodile ne voit pas ce qui pourrait encore pousser les hommes à croire qu’il est toujours la fille oubliée de Rocks D. Xebec, alors que son corps ne reflète désormais plus que ce qu’il a toujours désiré être.
Dès qu’il a pu quitter le Moby Dick, Crocodile a coupé ses cheveux pour qu’ils lui arrivent juste en-dessous des oreilles ; il ne sait pas encore quelle longueur il veut avoir, mais il ne veut plus jamais qu’un homme passe ses doigts dans ses cheveux en espérant réussir à l’amener dans son lit. Que Teach et ses ma jolie aillent se faire foutre, Crocodile a autre chose à faire que de perdre son temps avec des illettrés.
Ce n’est pas la seule chose qu’il a changé depuis qu’il a laissé huit ans de sa vie mourir sur un navire bien trop grand pour lui—maintenant seul dans un monde qui ne lui fera pas de cadeau, Crocodile n’a pas vraiment eu d’autres choix que d’abandonner ses t-shirts préférés derrière lui pour choisir les chemises les plus amples possibles. Jusqu’à ce qu’il trouve l’utilisateur du fruit des hormones, il n’a pas mieux que des bandages à enrouler autour de ce qui le trahit, au combien il n’y a rien de pire que de suffoquer à chaque fois qu’il fait le moindre mouvement. Il n’y a que sur le dos d’Ignacio qu’il peut se permettre de les retirer, car personne ne serait assez fou pour venir déranger un pirate allongé sur un Bananawani.
Abandonner le Moby Dick n’aurait pas dû être si facile, mais dès que Newgate a décidé qu’il ne quitterait pas son navire, Crocodile a su qu’il devait partir le plus loin possible, au risque d’y être enfermé pour le reste de sa vie. Perdre sa main et sentir son visage être tranché en deux ne lui semble toujours pas être un prix juste à payer pour retrouver la liberté qui lui avait été volée, la moitié de sa vie plus tôt qui plus est. Cet enfoiré de Newgate le reverra un jour, quand il sera celui qui le tuera juste après être devenu le Roi des Pirates… Il n’oubliera probablement jamais le regard de dégoût qu’il a pu lire chez ce vieillard, ou la manière dont Marco a à peine argumenté pour qu’il reste quand il était en train de voler une chaloupe à la nuit tombée. Crocodile leur fera payer pour tout ce qu’il a subi dans cet enfer, c’est une promesse qu’il a inscrite au plus profond de son cœur et qu’il ne risque pas d’effacer…
Revenir sur l’un des territoires du vieil homme est une mauvais idée, mais avec un Log Pose déréglé et un mal de crâne impossible à laisser de côté, Crocodile n’a pas vraiment d’autre choix que de laisser Ignacio se nourrir en chassant les Rois des Mers qu’il a aperçus sur le chemin, pendant qu’il s’occupera de se trouver un endroit où dormir. L’avantage avec le fait de naviguer sur un Bananawani est qu’il n’a pas peur de se faire attaquer, que ce soit par les pirates, la Marine ou la faune maritime, mais il y a aussi plusieurs inconvénients non négligeables : ça reste un animal, alors le contrôler pour l’empêcher de manger tout ce qui nage sous ses yeux n’est pas idéal, sans parler du fait qu’il n’a pas d’autres solutions pour garder ses trésors que de les attacher solidement autour des écailles de son Bananawani.
Le dernier clou dans le cercueil est que dormir sur un Bananawani n’est possible que près de climats chauds, et Crocodile n’est pas aidé par son aversion au froid. Dormir dans les villes les plus mal famées de Grand Line avec rien de plus qu’un pistolet pour se défendre n’est généralement pas une bonne idée, et il finit souvent par fuir au lever du soleil, en laissant des cadavres derrière lui. Ça n’aide pas qu’il ait un putain d’avis de recherche avec une prime donnant suffisamment envie : quarante-cinq millions pour le jeune adulte qu’il est. Bien sûr Crocodile n’a pas été bête au point de laisser son nom transparaître quand l’incident s’est produit, mais il ne pensait pas que ce serait ce surnom qui s’accrocherait à lui désormais. Wani. Ridicule, mais au moins ni Newgate ni les derniers fanatiques de Rocks risquent de se soucier de lui pour le moment.
Tuer un contre-amiral n’aurait jamais fait partie des choses qu’il pensait faire avant de trouver un fruit du démon, s’il est parfaitement honnête avec lui-même, mais Crocodile ne peut pas vraiment dire que cet abruti lui en ait donné le choix… Au combien il a toujours su que les bars de Grand Line étaient dangereux, quand Marco, Thatch et d’autres restaient collés à lui comme s’il risquait de s’effondrer au moindre contact avec quelqu’un d’autre, Crocodile ne pensait juste pas que l’amirauté de la Marine pouvait se retrouver à se perdre dans ce chaos.
Il ne pensait pas non plus que cet enflure passerait son bras autour de sa taille pour forcer un baiser, ou qu’il se sentirait suffisamment en confiance pour glisser son genou entre ses jambes—rien d’autre que le mur derrière lui pour l’empêcher de faire. Essayer de couper court au baiser ou d’envoyer sa paume dans la joue du contre-amiral n’a pas suffi, alors Crocodile n’a pas attendu plus longtemps avant de lui tirer dans le cœur, pour voir la vie quitter son regard arrogant. Evidemment, les conséquences ont été immédiates, quand le coup de feu a résonné dans le bar, et que toute sa troupe de Marine a détourné son attention de l’alcool pour le voir, se tenant victorieux sur le cadavre encore chaud de leur supérieur.
La traque à travers la ville l’a épuisé, et même si Ignacio en a dévoré la moitié dès qu’il a atteint le port, Crocodile ne s’attendait pas à voir son visage sur une affiche dès le lendemain matin, avec une prime aussi conséquente, et un surnom ridicule. Si on lui avait demandé d’expliquer son geste, il aurait simplement répondu qu’il était celui qui amenait justice entre eux-deux, mais ça fait bien longtemps qu’il a compris que le Gouvernement Mondial ne cherchait pas à défendre les foules, mais bel et bien à leur faire oublier leur liberté. Newgate a trop fait ça avec lui pour que ça marche encore sur lui. Crocodile ne laissera plus jamais personne lui dicter quoi faire, et il tuera autant de Marines que nécessaire si c’est ce qu’il doit faire pour atteindre son but.
Une part de lui n’oublie pas que c’est aussi pour cela que Mihawk est connu désormais—le chasseur de Marine—alors s’ils ont des activités communes, ils finiront sûrement par se croiser. Pour le moment, il n’y a que la chambre d’hôtel merdique sur Hand Island, et la migraine battant toujours dans son crâne. Crocodile pensait honnêtement que sa vie s’arrangerait un peu en fuyant Newgate et son navire oppressif, mais il n’a toujours pas connu une journée paisible—entre les monstres marins, la Marine et les autres pirates qui pensent avoir affaire à une proie facile… Masser ses tempes avec une seule main est un défi chaque soir depuis plus d’un an, et pas même une douche froide pour rincer le sel de la mer ne fait l’affaire pour calmer ses nerfs fatigués…
La nuit n’est même pas un minimum revigorante, et il quitte l’hôtel par la fenêtre au cas où la Marine ou des pirates l’attendraient au rez-de-chaussée, alors que le soleil est encore en train de s’acheminer vers les nuages. Il n’a pas le temps de s’attarder pour un petit-déjeuner, alors il attrape les premiers fruits qu’il aperçoit sur les stands d’un marché, et ses jambes le ramènent d’elles-mêmes au port, là où Ignacio est déjà en train de mâchouiller un bout de Roi des Mers. Crocodile imagine facilement qu’il y a un lien entre eux qui les connectent, pour qu’ils soient tous les deux si familiers avec les habitudes de l’autre. En même temps, les animaux sont plus faciles à comprendre que ceux qui les entourent.
Il est solidement installé sur le dos d’Ignacio, les vagues lentement brisées par sa vitesse de nage, quand son instinct s’agite sans qu’il ne puisse vraiment le comprendre, son cœur battant soudainement plus vite dans sa poitrine—Crocodile a un avant-goût du problème, quand Ignacio réagit plus vite que lui, dès que des météorites semblent s’abattre sur eux—ses yeux ne ratent pas le moment où les roches tombent dans l’océan pour le faire bouillir, et il ne lui en faut pas beaucoup plus pour comprendre que ce n’est pas normal…
Les trente prochaines secondes auraient pu avoir raison de lui, s’il n’avait pas remarqué l’homme se tenant debout sur un bateau de pêche, l’insigne de la Marine inscrite sur sa casquette, et ses poings levés vers le ciel pour faire s’abattre toujours plus de roches en fusion—un fruit du démon, et pas l’un des plus inoffensifs… C’est avec un peu de chance qu’Ignacio plonge au bon moment pour esquiver le magma qui leur tombent dessus, mais l’apaisement a été de courte durée, quand c’est un autre pouvoir qui a fait irruption, pour faire apparaître une véritable tempête au-dessus du brin de mer où ils se sont croisés.
Deux putains de Logia au même endroit, et tout ce que Crocodile a pour se défendre est un pistolet et de la poudre maintenant mouillée—s’il ne réfléchit pas très vite, il est mort. Pire, Newgate finira par le savoir, et il fera semblant d’être triste en jurant sur la mémoire de Rocks… Ignacio n’a pas d’autre choix que de refaire surface, et il y a maintenant un deuxième homme sur le pont du bateau de pêche, portant une chemise à fleurs—il semblerait presque ne pas faire partie de la Marine, si la veste sur ses épaules ne le trahissait pas…
Ce qui le sauve quelques secondes de plus, c’est que ces deux-là n’ont pas l’air de s’entendre, leurs pouvoirs ne se coordonnant pas suffisamment pour que ce soit impossible de naviguer malgré le vent raflant tout et les vagues s’effondrant sur eux—Crocodile ne s’est jamais autant accroché aux écailles de son Bananawani que maintenant, et il se fiche du danger que ça représente, mais s’il doit rester en apnée pendant un certain temps, alors il est prêt à prendre ce risque !
Enfin, ça c’était le misérable plan qu’il se serait efforcé de suivre du mieux possible, s’il n’y avait pas eu la charge de magma sous-marine, et la rafale soudaine de vent les envoyant rouler dans les vagues continuant de débouler comme des lames—Crocodile est presque sûr qu’il s’évanouit quelques temps, un voile noir s’imposant sur sa vision—peut-être qu’il se noie, ses poumons lui brûlent et son corps ne veut pas lui répondre—l’eau est rouge à certains endroits, quand ses yeux réussissent à s’y retrouver dans le martèlement des vagues, mais il ne sait pas si c’est du sang ou une nouvelle attaque du magma, quand son regard ne lui montre bientôt plus que l’obscurité…
Le soleil est de nouveau au-dessus de lui, dès qu’il réussit à entrouvrir ses yeux, et son corps est caressé par le clapotis agréable de vague s’échouant paresseusement sur le sable où il est allongé. Crocodile ne sait pas comment il peut être encore en vie alors que deux Logia de la Marine étaient contre lui, mais il ne va pas s’en plaindre, alors qu’il se redresse lentement pour observer où il s’est échoué. Une île à première vue, mais rien de plus qu’une grotte et quelques palmiers. Pas de civilisation visible derrière ces pauvres rochers empilés ensemble. La malédiction qu’il traîne avec lui depuis sa naissance ne veut vraiment pas qu’il ait une seule chance d’être heureux, alors.
Crocodile se relève du mieux possible, son corps criant à chaque mouvement supplémentaire, mais il sait que la Marine pourrait le retrouver ici, et il doit trouver un moyen de fuir, ou de se préparer à une nouvelle attaque. Avec rien de plus qu’une grotte minable et le sable sous ses pieds pour le protéger, Crocodile ferait peut-être mieux de s’en remettre au destin, mais il ne peut pas abandonner maintenant, alors qu’il commence à peine à s’habituer à sa nouvelle vie. Son pistolet est toujours à sa ceinture, et il vaudrait mieux que la poudre ne soit pas trop imbibée, s’il tient vraiment à se débarrasser de deux Logia comme ça.
Son cœur manque un nouveau battement, en voyant Ignacio glisser des vagues jusqu’au sable, une large blessure le long de son ventre—son sang imprégnant la mer… Merde merde merde… Crocodile n’a pas de temps à perdre s’il veut pouvoir le sauver, et il cherche dans ses affaires toujours miraculeusement attachées, pour en sortir la trousse de soin qu’il trimballe avec lui depuis les deux hémorragies simultanées que Newgate lui a causées… Appuyer sur les blessures d’un Bananawani est bien plus compliqué que prévu, mais Crocodile n’a pas d’autres choix que de cautériser la plaie du mieux possible, même si le magma a déjà fait une partie du travail.
Tous ses bandages finissent enroulés pour former un seul pansement sur le flan d’Ignacio, et Crocodile ne sait pas comment le remercier de leur avoir sauvé la vie autrement qu’en caressant son museau, une boule dans sa gorge l’empêchant de se réjouir pour le moment… Pourquoi est-ce que la Marine était là, à cet instant précis ? Pourquoi l’avoir attaqué sans même vérifier qui il était ? Sont-ils seulement au courant de son lien avec Rocks ? Avec Newgate ? Pourquoi envoyer deux Logia contre lui ?
Trop de questions qui coupent court dans son esprit, quand ses yeux remarquent la planche de bois flottant à quelques dizaines de mètres de la plage. Il y a un homme dessus, avec des cheveux noirs comme la nuit, et une chemise verte à fleurs. Le Logia du vent. Il n’a pas l’air conscient, à peine capable de flotter, mais Crocodile ne sait pas s’il a envie de lui porter secours—il vient tout juste d’essayer de le tuer après tout… Mais s’il le garde dans la mer, alors ses pouvoirs ne lui serviront plus à rien, et peut-être qu’il pourra lui dire quelque chose sur Mihawk. C’est un risque à prendre…
Il est de retour à l’eau pour aller chercher ce foutu Marine, se débrouillant avec la seule main qu’il lui reste pour le ramener sur la plage, ses poumons lui criant de ne plus jamais recommencer, et son esprit lui répétant en boucle que c’est une mauvaise idée. Au moins, Crocodile sera mort en faisant quelque chose de bien, pour changer. Il dépose l’utilisateur du fruit du démon dans l’écume, avant de s’accroupir à ses côtés pour vérifier s’il est toujours vivant. Si sa propre tempête l’a fait chavirer, alors il mérite sa stupide mort…
Son front est froid, quand Crocodile s’efforce de le faire survivre en basculant doucement sa tête en arrière, avant de lui ouvrir la bouche—ses lèvres bleues sont plus qu’inquiétantes, et Crocodile n’est pas vraiment surpris de ne pas sentir sa respiration, quand il se penche sur lui… Il ne veut vraiment pas faire ça, mais il ouvre sa chemise à fleurs et n’est toujours pas convaincu en ne voyant pas sa poitrine se soulever. Il est vraiment condamné à le sauver ? Le talon de sa main se pose au milieu de sa poitrine, et son autre bras fait pression du mieux possible dessus pour compresser le cœur de cet idiot. Crocodile déteste absolument tout ce qu’il est en train de faire, quand il pose ses lèvres sur les siennes pour lui insuffler de l’air… Pourquoi est-ce qu’il ne peut pas simplement le laisser mourir ?!
Il n’a pas de réponse, mais un peu plus de regrets, quand le Marine revient à lui subitement au milieu du bouche-à-bouche, et Crocodile n’a pas le temps de s’écarter, qu’il est celui qui se retrouve plaqué sur le sable, le Marine au-dessus de lui—visiblement perdu et sous l’effet soudain de l’adrénaline… Dire qu’il a appliqué tous les cours que Marco lui a fait subir, tout ça pour se retrouver trahi par sa gentillesse, le Marine tenant fermement ses poignets, son regard plongé dans le sien comme si toute la science infuse s’y trouvait… Crocodile va mourir, parce qu’il a essayé d’être autre chose que le fils d’un démon.
‘’Tu—Tu es une fille ?’’
Il y a cette confusion dans le regard du Marine au-dessus, alors que ses mots sont tout aussi stupides que son visage. Crocodile n’a pas passé autant de temps à remettre les idées en place de Newgate pour qu’un nouvel enfoiré essaie de le replacer dans une case—un chien de la Marine qui plus est—la justice n’est vraiment pas quelque chose qu’ils maîtrisent chez eux… Son genou frappe entre ses jambes sans attendre, et Crocodile le regarde gémir de douleur avec un plaisir non dissimulé, alors qu’il se redresse pour épousseter le sable que cet idiot a répandu partout sur ses vêtements. Si Ignacio n’était pas aussi amoché, il le laisserait le dévorer sans attendre, mais il ne risque pas le repos de son Bananawani pour le moment, encore moins pour un soldat aussi ridicule.
‘’Quelqu’un t’a donné un Logia à manger, mais ce n’était pas pour récompenser ton intelligence, le Marine.’’ C’est à peine s’il l’a vraiment impressionné depuis qu’il a posé ses yeux sur lui, sans parler de son naufrage à la suite de ses propres pouvoirs selon toute vraisemblance
‘’A-Attends—‘’ Il a l’air plus ridicule que jamais, le teint pâle et ses cheveux longs trempés collant à son visage, ‘’C’est toi l’enfant perdu de Xebec ?!’’
Pendant une seconde ou plus, la seule chose qu’il peut sentir est le martèlement de son cœur dans sa cage thoracique. La seule chose qu’il entend est l’afflux de sang dans chaque veine. La seule chose qu’il voit est le fantôme de Rocks au-dessus du misérable soldat pataugeant encore dans l’écume, et le regard rouge qui le hante dès qu’il s’endort la nuit. Ce n’est pas un nom qu’il pensait entendre de la bouche d’un Marine, alors que le nom de son père a été consciencieusement effacé de l’histoire depuis presque une décennie entière, et Crocodile n’a aucune idée de ce qui pourrait avoir indiqué à un Marine que Rocks avait eu un enfant…
‘’D’où connais-tu ce nom ? Qui t’en a parlé ?! Parle ou je te tue !’’
Crocodile sait qu’il devrait tout faire pour rester calme et garder son sang-froid, mais personne ne devrait être au courant pour son sang, encore moins la Marine ! Ce n’est pas normal qu’il soit au courant de tout ça, il n’y a que peu de personnes qui savent pour son lien de parenté avec Rocks, et Mihawk n’aurait jamais rien dit à personne ! Newgate ne peut pas l’avoir détesté au point d’avoir trahi son secret de cette manière ? Ses doigts sont fébriles autour de son pistolet, mais il ne peut pas le laisser quitter cette île avec la connaissance de son sang et de son visage—ça signerait son arrêt de mort immédiat, dès qu’il préviendra le moindre amiral…
‘’Du calme, Wani. J’étais à God Valley, il y a neuf ans. J’ai vu Xebec combattre Gold Roger.’’
Il ne saurait pas expliquer ce qu’il y a de pire, entre le sourire inexplicable du Marine, et la manière dont son surnom roule sur sa langue comme s’il en savait bien plus que son regard n’osait le montrer. Il a une règle d’or, celle de ne jamais faire confiance à personne, et cet homme vient juste de réveiller cet instinct si précieux—ce n’est pas un soldat normal, pas seulement à cause de son Logia ou de sa connaissance avancée de son arbre généalogique… Crocodile ne baissera pas son arme tout de suite, mais il a besoin d’en savoir plus, et si c’est un Marine qui doit lui apporter des réponses, alors qu’il en soit ainsi.
‘’Explique-toi. Pourquoi rechercher son enfant ?’’ En fonction de sa réponse, Crocodile saura quoi faire manger à son Bananawani
‘’Pourquoi ne pas me donner ton vrai nom pour commencer ? Wani, ce n’est qu’une invention de plus de la Marine.’’ Le Marine a encore ce stupide sourire, et s’il ne risquait pas de mourir, il l’affronterait pour lui arracher sa bonne humeur
‘’Tu travailles pour eux, idiot.’’ Même si, Crocodile est forcé de l’avouer, il ne rentre pas spécialement dans les standards du Gouvernement Mondial, avec sa chemise ouverte et ses cheveux fous
‘’C’est plus compliqué que ça, mais on peut dire que depuis que tu m’as sorti de l’eau, je suis libéré de toutes mes obligations envers la Marine.’’
Crocodile ne sait pas comment il fait pour survivre aux dix prochaines minutes—le Marine se plaignant de son père et de la manière dont il l’a forcé à rejoindre la Marine, avant de devoir travailler avec un gars adorant apparemment l’autorité—Sakazuki, ou quelque chose comme ça. Crocodile a vraisemblablement eu de la chance que ce Marine soit tombé sur lui à ce moment-là, sinon l’homme de magma l’aurait tué sans attendre, alors que le soldat du vent l’a donc défendu au point de risquer de se noyer. Il douterait de ses propos en temps normal, si l’homme en face de lui n’avait pas l’air aussi stupide.
‘’Ça ne m’explique pas d’où tu connais l’existence de l’héritage laissé par Xebec.’’ Un héritage dont il n’a pas besoin, et que Crocodile a renié depuis bien longtemps
‘’J’y venais. Tu vois, Wani, il y a peut-être un an de ça, Sakazuki et moi avons fait la rencontre d’un jeune sabreur qui s’en prenait à tous les cuirassés de la Marine sur son chemin. Comme tu peux t’en douter, il cherchait quelqu’un—le fils de Rocks D. Xebec.’’
Un sabreur qui le cherche ? Crocodile a peur d’être fou ou de faire grimper ses espoirs pour rien, mais celui à qui il pense a bel et bien un surnom coïncidant avec la traque de Marine, sans parler de sa vocation vers les sabres…
‘’Mihawk ? Tu as rencontré Mihawk ?!’’ Crocodile ne devrait pas être aussi excité, mais avoir des nouvelles de son meilleur ami autrement que par les mises à prix lui fait un bien fou
‘’Tu le connais ? Heureusement qu’il s’en est sorti vivant face à Sakazuki alors.’’
Son angoisse ne devrait pas grimper en flèche comme elle est en train de le faire, mais son meilleur ami, son petit Dracule Mihawk avec qui il se battait cœurs-et-âmes contre tous les voyous qu’ils croisaient dans les rues, a combattu deux Logia avec rien de plus qu’un sabre ? Tout ça pour le retrouver ? Il ne sait pas si c’est le bon moment pour être reconnaissant que quelqu’un se soucie vraiment de lui dans ce monde, et pas juste pour son sang, mais sa main vient frotter ses yeux lui piquant soudainement. Mihawk lui manque tellement…
Sa faiblesse temporaire ne l’empêche pas de brandir son arme vers le Marine dès qu’il le sent s’approcher, son visage maintenant neutre et son regard trahissant tous les calculs qui doivent se passer dans son esprit—Crocodile ne le laissera pas le récupérer, plus jamais personne ne pourra se servir de son sang contre lui !
‘’Eh—il va bientôt pleuvoir, on ferait mieux d’aller s’abriter, d’accord Wani ?’’
‘’Ton pouvoir peut créer des tempêtes—‘’
‘’Je ne suis pas mauvais à ce point, et je te promets que je ne te veux pas de mal.’’
Sa réticence à suivre le Marine l’abandonne dès que les premières gouttes commencent effectivement à tomber, et Crocodile commence à peine à sécher de son bain dans la mer froide pour avoir envie d’être un peu plus frigorifié pour le moment. C’est un vrai miracle qu’ils tiennent tous dans la petite grotte qui sert de seule occupation sur cette île déserte, Ignacio dans son dos, et le Marine face à lui.
‘’Je m’appelle Dragon, et toi ?’’ Pour quelqu’un d’aussi stupide, il a au moins un sourire chaleureux
‘’Crocodile. Pourquoi est-ce que tu me cherchais si tu comptes quitter la Marine ?’’ Il ne se sent en confiance autour de personne, mais une sorte d’instinct l’empêche de négliger Dragon, sans qu’il ne puisse l’expliquer
‘’Ça peut paraître improbable, mais j’ai l’intention de défier le Gouvernement Mondial. J’ai toujours eu l’esprit libre, c’est pour ça qu’ils ont dû me faire travailler avec l’un des soldats les plus stricts pour me garder dans les rangs. Mais maintenant, j’en ai assez de faire semblant de ne pas voir les atrocités des élites de notre monde, je veux les voir trembler, voir les cartes être rebattues pour donner les mêmes chances à tout le monde.’’
‘’Et mon rôle dans tout ça ?’’ Crocodile a juste entendu l’utopie d’un adulte idéaliste, et il ne voit pas pourquoi il mettrait un terme à ses propres rêves pour rien de plus que de la poussière
‘’Je me disais qu’avoir l’enfant de Xebec à mes côtés pour créer une révolution serait un beau message, considérant ce que le Gouvernement Mondial a fait à ton père.’’
‘’Je t’arrête tout de suite, Xebec m’a juste transmis son sang. Je me fiche qu’il soit mort comme un martyr—il m’a abandonné avant même ma naissance, m’a ostracisé de mon île natale à la mort de ma mère, m’a fait enlever par l’un de ses lieutenants… Cet homme n’est pas mon père, et je n’ai rien à faire dans une révolution.’’
‘’Crocodile—tu ne te rends pas compte de ce que le Gouvernement Mondial te ferait s’ils te mettaient la main dessus ! Tu as toutes les cartes en main pour changer ce monde !’’ Dragon essaie d’attraper sa main, mais Crocodile la retire dans la précipitation, il ne veut pas être touché, encore moins par un inconnu
‘’Tu sais très bien toi-même que ce n’est qu’un idéal de plus dans ce monde. Les Dragons Célestes, le Conseil Sacré, le Gouvernement Mondial… Rien de tout ça ne va s’effondrer.’’
La déception est plus que lisible sur le visage de Dragon, mais Crocodile ne peut pas porter toutes les attentes du monde sur ses épaules, alors qu’il a déjà bien assez de mal à retrouver un seul sabreur. Rejoindre un projet balbutiant mené par un jeune adulte se convaincant à peine réellement ? Crocodile n’est pas fou, et réduire à néant ses propres chances dans le business de la piraterie n’est pas quelque chose à faire avant même d’avoir réussi à constituer un équipage.
‘’Une révolution ne se construit pas en choisissant les noms les plus importants de ce monde, Dragon, mais en montrant au peuple qu’ils sont dos au mur. Si je peux te donner un conseil, tu ferais mieux de trouver des gars prêts à te suivre jusqu’au bout du monde, plutôt que de supplier les premiers pirates importants qui croiseront ta route.’’
‘’J’imagine que tu as raison… J’espère que je pourrais quand même compter sur toi si l’occasion se présente.’’ Son stupide sourire est de retour sur ses lèvres, malgré l’air sérieux dans son regard, et Crocodile ne peut pas faire autre chose que de sourire en retour
‘’Du calme, Dragon le Révolutionnaire, nous ne sommes ni alliés ni amis.’’ Dragon le regarde comme s’ils avaient tous les deux un avenir ensemble, comme si un bébé pouvait les attendre, et Crocodile a un peu plus envie de se moquer de lui
Si on lui avait dit en portant tôt ce matin-là, en ayant à peine volé de quoi manger sur un marché local, qu’il se retrouverait à passer les trois prochains jours recroquevillé dans une grotte humide avec un désormais ancien Marine—futur criminel le plus recherché au monde—à cause d’une tempête tropicale balayant l’île, Crocodile serait resté à quai pour dormir plus longtemps. Mais Dragon se révèle est une compagnie presque agréable, les récits de l’éducation étrange que son père lui a fait subir l’amusant plus que de regarder les gouttes tomber—qui force son enfant à s’entraîner dans la forêt dès ses trois ans ?—et Crocodile ne ressent plus aucune animosité à son égard, dès qu’ils se retrouvent à dormir l’un sur l’autre, son manteau de la Marine les recouvrant.
Le matin du quatrième jour, après trois jours collés aux écailles d’Ignacio, les bourrasques se sont enfin arrêtées et ce sont des rayons de soleil qui les réveillent. Pas besoin de préciser que Crocodile s’est empressé de dégager Dragon de son espace vital—fin de la trêve, il n’est peut-être plus un Marine ou un ennemi, mais Crocodile s’est promis de ne plus jamais faire confiance à personne, alors un gars suffisamment fou pour défier le Gouvernement Mondial ? Non merci.
Il est en train de vérifier la blessure d’Ignacio pour savoir s’il est prêt à reprendre la mer, quand Dragon revient vers lui avec un cactus jaunâtre entre les mains. Crocodile n’a pas besoin de l’étudier plus de quelques secondes pour savoir exactement ce qu’il a trouvé sur le seul arbre tenant encore debout sur cette foutue île, mais il ne pensait pas un jour en voir un pareil. Il ne se considère pas chanceux, c’est même plutôt l’inverse depuis que Newgate l’a enlevé, mais tomber par hasard sur un Logia après s’être échoué sur cette île ? D’accord, il s’autorise un coup de chance.
‘’J’imagine que le destin nous fait un signe.’’ Dragon lui tend le fruit sans rien lui demander en échange, et Crocodile doit se convaincre que l’accélération soudaine de son cœur n’est qu’un mirage
‘’Tu ne le gardes pas pour ta révolution ? Ça t’aiderait bien plus que de recruter sur la base des noms de famille.’’ Crocodile range quand même le fruit bien précieusement, il le mangera quand il sera à quai, avec un navire et un équipage
‘’Inutile de prôner la violence si ce conflit peut être guéri autrement, alors il te sera sûrement utile pour retrouver celui que tu cherches.’’
‘’Tu es vraiment un idéaliste convaincu, Dragon…’’ Crocodile est obligé de soupirer, il aimerait pouvoir être là quand Dragon se rendra compte que ce monde n’est pas juste, ‘’Dis-moi, tu retournes bien une dernière fois au QG de la Marine pour rendre ta démission ?’’
‘’Exact, je veux voir le visage de mon père quand il comprendra qu’on ne sera plus dans le même camp. Tu veux que j’efface ton dossier ?’’
‘’Ce serait trop simple. Mais si tu pouvais changer le nom sur mon avis de recherche, alors considère que tu auras réglé ta dette.’’
‘’Ma dette ? Le fruit ne suffit pas ?!’’
‘’Je t’ai sauvé la vie ! Je te demande juste d’effacer Wani, ça ne doit pas être si compliqué.’’
‘’D’accord, d’accord… Quel nom veux-tu donc, monsieur le pirate ?’’
Sir Crocodile.
Ils partagent un dernier sourire—et un seul petit baiser qui ne signifie vraiment rien malgré la chaleur qui prend possession de ses joues, et son cœur battant toujours trop vite dans sa poitrine—avant que Dragon ne se volatilise dans l’air, alors que Crocodile reprend la mer en grimpant sur son Bananawani. Un aparté intéressant, encore plus alors qu’il y a ce fruit du démon dormant bien sagement dans ses affaires pour le moment, à côté du seul Escargophone pouvant être relié au futur chef des Révolutionnaires…
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Le sable est un élément amusant à manipuler depuis qu’il a croqué dans le fruit putride. La mer l’a rejeté instantanément, et même Ignacio a senti qu’ils ne faisaient plus partie de la même catégorie. Le destin est vraiment amusant depuis quelques temps, alors que les idiots qui composent son nouvel équipage refont le plein de ressources pour la suite de leur voyage à travers Grand Line. Avec un peu de chance, il tombera sur Mihawk ou l’utilisateur du fruit des hormones avant d’avoir besoin de supplier la Marine de le laisser fouiller dans leurs archives.
Crocodile devrait avoir autre chose à faire que de faire partie de ce projet minable du Gouvernement Mondial—les Sept Grands Corsaires—mais il a pesé le pour et le contre, en fixant le crochet en or occupant maintenant son bras gauche, et se servir de la Marine pour arriver à ses fins est une option à ne pas négliger. S’ils croient le contrôler tout en ignorant qui a un jour couché avec sa mère, alors Crocodile est celui au pouvoir, celui qui se sert d’eux en ayant l’autorisation de dépouiller qui il le souhaite. Il n’y a que des vieux pirates anciennement renommés avec lui, alors en tant que seul jeune de cette bande, il est encore plus sous-estimé, donc c’est toujours de plus en plus facile de se faire une place parmi les marchés souterrains. Les informations se paient cher, alors révéler les secrets qu’il apprend sur le Gouvernement Mondial financent le plan qu’il a en tête depuis quelques temps.
Trouver une arme antique ne ferait que le guider plus facilement vers le trésor qui n’attirent que les Empereurs, sans oublier le fait qu’il pourra définitivement trouver Mihawk, dès qu’il sera au sommet de la chaîne alimentaire…
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Dragon le contacte plusieurs années après leur séjour commun sur l’île, et ce n’est pas comme tous leurs précédents appels. D’habitude, il a besoin de financement pour ses Freedom Fighters, et Crocodile est plus qu’heureux de lui rappeler les taux d’intérêts qu’il lui doit déjà, tout en lui prêtant toujours plus—en secret, bien évidemment, il est satisfait de savoir son avis de recherche gelé à une prime basse. Cette fois, il a un nom pour lui. Emporio Ivankov. La personne qu’il recherche depuis sa plus tendre enfance, sur son île natale…
Il n’y a rien de plus risqué que de se rendre où Dragon l’a envoyé, mais s’il y a bien quelque chose qui les maintient tous les deux en vie depuis la première fois qu’ils se sont rencontrés, c’est leur refus de faire confiance unilatéralement, alors Crocodile sait très bien que Dragon a réfléchi à ce qu’il faisait avant de l’appeler, tout comme lui, avant d’accepter.
Ivankov est exactement ce que Dragon n’est pas. Bruyant, étrange, et le seul recours à un problème qu’il traîne avec lui depuis son enfance. Ce n’est donc pas une surprise qu’il soulève sa chemise pour se faire injecter des hormones moins de cinq minutes après qu’Ivankov et lui se soient officiellement rencontrés, à l’ombre de tous regards. Ils sont venus seuls, après tout.
Ça ressemble à une prise d’otage, après ça. Les hormones font leurs effets et Crocodile se sent lui-même pour la première fois de sa vie, mais Ivankov lui impose une bonne heure pour être sûr que tout se met en place dans son nouveau corps, tout en lui parlant de Dragon—ah Dragon, toujours lui et toujours pour les mêmes raisons… Au combien c’est amusant d’apprendre que Dragon s’est fait un tatouage sur une partie du visage pour montrer son dévouement à sa cause, Crocodile aurait préféré ne pas apprendre pour le changement drastique qu’est en train de prendre sa Révolution. Son idéalisme doit être en train de mourir, s’il construit sa propre armée…
Ce n’est pas surprenant, évidemment, Crocodile le savait déjà, mais si même un rêveur convaincu comme Dragon n’a pas réussi à atteindre son but comme il le souhaitait, alors il ne sait lui-même plus s’il réussira à trouver ce qui le maintient en vie…
Toutes ces pensées meurent au moment où Ivankov lui rappelle qu’il n’est plus le même maintenant—il a le bon corps pour la première fois en vingt-et-un ans—et Crocodile se débarrasse une bonne fois pour toutes des bandages qu’il gardait autour de son abdomen. Il a des objectifs en tête, et si l’un de ses rêves s’est réalisé, alors les autres suivront aussi.
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C’est un an plus tard, quand il lit avec attention la presse en prenant soin de son Bananawani en espérant trouver quelque chose sur Mihawk, que Crocodile mord trop fort dans son cigare en apprenant la nouvelle qui a déjà dû faire le tour du monde. Son navigateur a un nouveau cap dès qu’il a fini de lire l’article, et Logue Town est sa prochaine destination.
Gol D. Roger a été capturé par la Marine et va être exécuté…
À suivre…
Chapter Text
L’âme de Yoru s’assombrit dès que Griffon est près d’elle, et Mihawk ne sait pas vraiment comment expliquer la réaction de sa lame dès que celle de Shanks l’approche. Ce n’est pas un duel entre lames, Yoru est infiniment supérieure à la majorité des sabres de ce monde, mais la manière que Shanks a de manier sa lame en fait un adversaire hors-pair, et bien plus dangereux que la plupart des pirates arrogants pensant pouvoir faire le poids face à lui. Mihawk est toujours surpris que Yoru le déconseille d’approcher le Roux, alors que c’est elle qui l’a mené vers lui, lors de l’averse fatidique de Loguetown.
Un jeune garçon roux pleurant la fin d’une ère, la mort du Roi des Pirates en personne, et un clown pestant après lui. En somme, un bien étrange spectacle devant une exécution ayant déchaîné les foules—Mihawk lui-même rêvant quelques secondes de devenir le Roi des mers. Il n’est pas celui qui a fait la première approche en direction de Shanks, après tout, un simple garçon ne l’aurait jamais intéressé en temps normal, mais c’est Yoru qui l’a remarqué. La lame radiant d’énergie et de promesse pour l’avenir à sa ceinture a attiré sa propre lame, et c’est comme ça que ses yeux se sont posés pour la première fois sur le chapeau de paille trônant sur la tête du Roux. Il s’est pris au jeu des rencontres fortuites, comme quand il était enfant.
Mihawk n’était pas uniquement à Loguetown pour les derniers instants du Roi des Pirates ou pour faire la découverte de son protégé, mais bel et bien avec l’espoir d’enfin retrouver Crocodile. La mer est vaste et ne pardonne pas, alors Mihawk n’est pas l’un de ceux qui s’aventure aux quatre coins du monde après avoir entendu une rumeur—au combien il a essayé de tracer les déplacements de Crocodile, au combien il n’a pas trouvé ça nécessaire de risquer sa vie en se rendant à Marie-Geoise pour seulement quelques minutes avec ce qui était son meilleur ami, quand ils étaient enfants. Crocodile est le capitaine de son propre équipage aux dernières nouvelles, et il est devenu Grand Corsaire grâce à son propre nom.
Il n’a pas la crainte futile que Crocodile ne se souvienne pas de lui, malgré presque deux décennies entières maintenant écoulées depuis leur dernier moment ensemble, à l’arrière de son ancien dojo, parce que Mihawk a eu vent de l’intérêt réciproque de Crocodile envers sa position—grâce à Shanks. S’il avait su que ce gamin avait côtoyé son meilleur ami pendant sa plus tendre enfance, Mihawk se serait intéressé à lui plus vite, au lieu de laisser Yoru faire tout le travail… Dire qu’il n’a pas été surpris d’apprendre que Crocodile ait rencontré l’un des hommes qui a tué Rocks D. Xebec serait un mensonge, mais Mihawk n’est plus tant étonné du destin depuis quelques temps. Il y a juste quelque chose de bien fait avec cette nouvelle époque, et c’est savoureux d’observer les engrenages s’activer.
Shanks fait partie des personnages intrigants de leur époque, et Mihawk est toujours heureux de l’affronter dès qu’il le peut ; pour s’entraîner et toujours être meilleur, mais surtout pour enfin avoir un adversaire à sa hauteur. Shanks n’est peut-être qu’un jeune homme découvrant encore le monde à travers son propre regard, mais il est suffisamment amusant pour que Mihawk apprécie passer du temps près de lui, ainsi que de l’affronter dès que l’appel du défi se fait entendre. S’il est parfaitement honnête avec lui-même, Shanks a ce petit quelque chose qui l’attire ; la fougue de l’innocence peut-être, ou bien la férocité qu’il a dans ses mouvements dès qu’ils croisent le fer.
Yoru a bien essayé de l’en empêcher, mais Shanks est entré dans sa vie comme si ç’avait toujours été une évidence aux yeux du destin, et Mihawk ne peut plus se convaincre que le frisson d’excitation qu’il ressent dans le bas de son dos dès que leurs regards se croisent est dû au pur hasard. Shanks est cet élément particulier qui donne un peu plus d’intérêt aux océans, et Mihawk ne s’aventure dans le Nouveau Monde que pour l’affronter. Ce sont toujours des combats intenses, des rencontres qui laissent des traces et font battre son cœur un peu plus vite. Oh, comme il aime sentir la sueur glisser le long de sa nuque, et voir le sourire de Shanks s’élargir dès qu’il pense pouvoir prendre l’avantage sur lui, après un coup d’estoc esquivé de peu…
Ils ont combattu pendant les trois dernières journées, puis la condition déplorable de leurs corps a décidé qu’il serait préférable de s’arrêter là avant de ne plus pouvoir soulever leurs lames pour le reste de leur vie. Tout ça, sans parler de la faiblesse de l’île sous leurs pieds qui serait prête à céder à la moindre attaque supplémentaire. C’est toujours pareil pendant leurs duels, aucun vainqueur ne peut véritablement être déclarés, mais Mihawk a l’avantage de l’expérience, même si le Haki des rois de Shanks est supérieur au sien. Au final, de leur duel il ne reste déjà plus que la fatigue dans ses muscles, alors que l’équipage du Roux est plus efficace pour apporter l’alcool que pour le laisser mener ses propres combats.
Mihawk devrait probablement commencer à appeler ça une habitude : il fait le trajet jusqu’à Shanks pour passer le temps, ils s’affrontent jusqu’à ce que leurs esprits survivent à leurs corps, et ils enterrent le résultat décevant sous un buffet et de l’alcool à profusion. La légère subtilité depuis quelques temps, c’est que Mihawk réussit à s’incruster dans le lit de Shanks, sans vraiment comprendre si le sentiment de chaleur dans le fond de son estomac est dû à ce qu’il fait dans ce lit, ou à la personne avec qui il partage cette expérience… Bien sûr, Shanks est un jeune homme attrayant, mais Mihawk ne peut pas s’empêcher d’avoir cette pensée au fond de la tête qui lui crie qu’il adorerait faire ça avec quelqu’un d’autre, et il n’y a probablement pas pire pour se convaincre de rester pour la nuit.
Shanks est comme une pieuvre dès que Mihawk ne fait que lui concéder un peu d’attention, et il passe ses nuits à essayer de se déloger de ses bras. Il ne sait pas si le garçon l’aime ou s’il a simplement besoin d’une meilleure compagnie que le second—l’homme à la cigarette toujours perchée entre ses lèvres—mais Mihawk ne se sent pas capable d’être cette personne. Il aspire à la liberté tout autant que Shanks, mais pas spécialement à ce besoin physique, ou aux sentiments qui peuvent fleurir dans l’esprit du jeune homme. La seule chose qui l’attire chez Shanks est le défi qu’il lui propose à chaque fois, c’est lui qui le rapproche constamment du titre de plus grand sabreur de tous les temps, et il ne devrait y avoir rien de plus.
Mihawk ne fait pas partie des personnes qui fuient leurs sentiments pour ne pas avoir à les affronter, mais il n’est pas aveugle face à ce qui lui fait face. Il n’aime pas Shanks comme Shanks l’aime, parce que le Roux n’est pas celui qu’il recherche. Il ne devrait pas y avoir quelque chose de plus simple que ce constat, et pourtant il se refuse toujours à croire entièrement que ce qu’il lui manque pour oser être parfaitement tranquille entre les bras d’un autre est en fait son ami d’enfance… Ce serait quelque chose d’incroyablement injuste de retrouver Crocodile après toutes ces années, et de lui imposer les sentiments qui se sont développés sans qu’il ne le souhaite. Crocodile ne verrait peut-être en lui qu’un vieil ami, alors ce n’est sûrement pas la peine de s’imaginer un futur ensemble, Mihawk ferait mieux d’essayer de le retrouver, avant de croire au miracle.
Le soleil se lève avant que le sommeil ait le temps d’entièrement réparer les trois derniers jours, et Mihawk finit enfin par se déloger des bras de Shanks pour récupérer ses vêtements et couvrir les marques que le jeune homme a pu réussir à lui imposer—que ce soit pendant le combat ou pendant leur interlude sous les couvertures… S’il y a bien une chose qu’il ne pensait pas voir chez le descendant spirituel de Roger, c’est le comportement d’un enfant, mais Mihawk attendait peut-être tout simplement trop de lui. Peut-être que grandir avec Crocodile lui a fait croire que tous les enfants de légendes devenaient quelqu’un plus rapidement que les autres. L’idée du déterminisme a toujours été plus ou moins réconfortant, pour pallier aux surprises du destin.
‘’Tu pars déjà ?’’
Mihawk ne fera pas semblant d’être surpris en entendant la voix encore endormie de Shanks résonner dans sa chambre, alors qu’il remet son chapeau sur sa tête, pour cacher les épis naissant de ses cheveux. Il est temps pour lui de retourner là où il a posé bagages, sur une péninsule éloignée de tout visiteur, sur une petite île proscrite par le Gouvernement Mondial—un manoir abandonné jusqu’alors, son chez-lui a encore besoin de réparation, mais il lui convient très bien pour le moment. C’est déjà mieux que le capharnaüm qu’est la cabine de Shanks, toutes ses affaires traînant partout, et des avis de recherche jonchant le sol.
‘’Je me dois d’aller retrouver quelqu’un.’’ Mihawk a passé bien trop de temps à voguer entre différents océans, à attendre que les flots le mènent directement à son meilleur ami, et il ne peut plus espérer pour que le destin l’aide, pas après tout ce temps
‘’Crocodile ?’’ Shanks est toujours à mi-chemin entre le réveil et le monde des songes, mais il réussit à se redresser dans le lit, ses paupières toujours trop lourdes pour s’ouvrir
‘’Exact.’’ Mihawk ne veut pas en dire plus, au cas où ses sentiments deviendraient trop clairs
‘’Ah. Tu ferais mieux d’agir vite dans ce cas, l’autre jour il avait en tête de tuer Newgate.’’
Mihawk n’est pas un homme qui ressent la peur, mais il n’aurait pas pu entendre quelque chose de plus inquiétant… Shanks ne ment pas, il a toujours eu un lien spécial entre les différents pirates les plus influents de ce monde, et ce ne serait même pas surprenant qu’il soit rentré en contact avec Crocodile uniquement pour lui parler de lui… Mais Barbe Blanche n’est pas un pirate à prendre à la légère, c’est l’un des Quatre Empereurs, l’homme le plus fort du monde, et celui qui lui a enlevé toute chance de créer un équipage avec son meilleur ami. Cet homme est à une distance faramineuse de tous ses rêves, et Mihawk n’est pas sûr de pouvoir estimer l’écart de puissance entre eux pour le moment…
Alors savoir que Crocodile compte l’affronter ? Il est peut-être devenu Grand Corsaire, et peut-être que les rumeurs sur son fruit du démon sont parfaitement fondées, mais Mihawk ne pense pas que quelqu’un soit pour l’instant capable de battre Edward Newgate, à part peut-être l’un des trois autres Empereurs… Le frisson qui traverse ses doigts dès qu’il attrape le manche de Yoru pour installer sa lame sur son dos trahit peut-être les pensées qui traversent son esprit, mais Mihawk ne peut pas laisser son ami d’enfance foncer droit vers une mort certaine—
‘’Tu veux savoir où se trouve Newgate, n’est-ce pas ?’’ Shanks semble d’un seul coup bien mieux réveillé, alors qu’il s’assoit péniblement au bord du lit
‘’Vas-tu essayer de m’en dissuader, Shanks ?’’
‘’Non, je n’arriverais pas à t’arrêter. Crocodile non plus ne m’a pas écouté après tout.’’
Mihawk n’a jamais désamarré Hitsugi-Bune aussi rapidement, dès que Shanks lui a donné la réponse qui a envoyé dans son corps une vague d’appréhension, pour la première fois depuis bien longtemps… Il n’a plus de temps à perdre à jouer avec le Roux, pas alors que Crocodile pourrait être en train de jouer à pile ou face avec la vie. Yoru essaie de lui faire comprendre que s’attaquer à un Empereur n’est pas une bonne idée, mais sa lame ne peut pas imaginer une seule seconde l’ampleur de ce qu’il ressent réellement pour son ami, tout ce dont il ne peut même pas se permettre de penser, au cas où ça l’affaiblirait…
Il semblerait qu’après toutes ces années, l’heure soit enfin venue de retrouver le garçon avec qu’ils avaient commencé à fonder une famille, et Mihawk ne s’est jamais senti aussi anxieux qu’en fendant les flots, pour empêcher un drame…
À suivre…
Chapter Text
Rocks D. Xebec est mort depuis vingt ans, quand Crocodile se décide enfin à venir déposer des fleurs là où il a poussé son dernier soupir. Bien sûr, le Gouvernement Mondial n’a rien laissé comme sépulture pour éviter que ses anciens lieutenants ne le transforment en martyr, échappant ainsi à une nouvelle vague de fascination pour une plus jeune génération de pirates. Il ne reste plus rien de God Valley, si ce n’est une pierre tombale maritime érigée par les survivants de la catastrophe, le dernier bastion de l’île trônant encore faiblement au milieu des flots. Et Crocodile doit probablement être le seul à se souvenir de cet endroit, car son bouquet de chardons, de cyprès et d’asphodèles fait cavalier seul, sur la roche abîmée par le temps.
Crocodile se rallume un cigare avant de laisser trop de place à ses émotions, laissant la fumée étouffer tout ça pour ne plus jamais avoir à sentir des larmes piquer aux coins de ses yeux. Son père n’a fait que lui gâcher la vie sans même l’avoir rencontré rien qu’une seule fois, alors comment pourrait-il seulement lui importer après tout ce temps ? Crocodile n’a que des remords à son sujet, que de la rancœur qu’il ne pourra jamais exprimer. Rocks lui a tout pris avant d’aller se faire tuer par Roger et Garp, et la seule chose qu’il lui a légué est ce foutu D qui ne fait que le garder éveillé durant des nuits entières. Sa vie est censée avoir un dessein particulier, et pourtant, Crocodile ne croit plus un jour avoir un rôle à jouer dans l’ordre de ce monde.
Quand il était encore un enfant sans défense, peut-être espérait-il vraiment que son nom l’amène quelque part où il pourrait donner du sens à l’inconnu, mais depuis qu’il a saisi la profondeur des ténèbres à l’intérieur de lui, Crocodile ne veut plus rien de cet héritage. Il ne veut plus du D, ou des souvenirs de sa mère, ou des personnes espérant trop de lui à cause de son sang… Mihawk, Dragon, Newgate… Aucun d’eux ne pourra jamais comprendre à quel point il n’a jamais été rien de plus qu’un petit garçon brisé essayant inutilement de se reconstruire, face à l’absurdité de son existence. Rien n’a jamais fait sens, ni entouré de Strawberrywanis, ni enfermé sur le Moby Dick, et s’il y a bien un destin, alors il n’a fait que lui planifier plus de naufrages que de réussites.
Mais aujourd’hui tout change. Soit Crocodile réussit dans ce qu’il entreprend et met définitivement de côté les seize premières années de sa vie, soit il meurt en essayant. Il n’y a pas plus simple comme choix pour le moment, alors qu’il laisse les débris en feu de son navire sombrer, rejoindre les décombres de God Valley, et offrir un plus beau bouquet encore à la tombe de son père. Rocks D. Xebec n’aura jamais eu la chance de voir son seul enfant devenir quelqu’un à sa hauteur, mais pour la première fois de sa vie, Crocodile s’en fiche. Son père est mort et ce n’est pas grave—le monde l’a oublié et pourtant tout le monde poursuit toujours la même existence apathique et minable, comme s’il n’avait jamais existé. Tant mieux, son nom est mort et il ne revivra pas. La malédiction s’achèvera avec lui.
La blessure n’a pas encore tout à fait bien cicatrisé—là où son second a essayé de le tuer la nuit dernière, mais Crocodile ira chercher la tête de Newgate, ou alors il aura asséché son équipage tout entier pour rien, au lieu de laisser Ignacio les dévorer un à un. De toutes façons, c’est trop tard pour faire machine arrière—le Baroque Gustave brûle à la surface et coule dans les eaux sombres, alors que les bandages enroulés autour de son abdomen doivent être plus rouges que blancs. Crocodile pensait avoir tout vu sur les mers, mais une mutinerie était inattendue. C’est de sa faute après tout, lui qui s’était promis de ne plus jamais faire confiance à personne, il a fait l’erreur de croire que son équipage aurait le courage de ne pas le décevoir.
Croiser Shanks à East Blue a probablement été le déclencheur qu’il lui fallait pour être bet et bien sûr de devoir tuer Newgate, alors que le déclic a dû être le même pour son équipage—à la différence près qu’ils devaient tenir un peu plus à la vie que lui, malheureusement au point de pouvoir croire en leur chance de l’achever dans son sommeil. Dire qu’ils auraient pu survivre s’ils l’avaient suivi jusqu’à Newgate… L’homme fort l’est encore plus seul, après tout. Il a grandi depuis son île natale, et rien ne pourra l’empêcher de tuer Newgate, si ce n’est la mort elle-même.
Ignacio n’a plus besoin de ses ordres pour comprendre ce qu’il a à faire, alors que Crocodile finit juste son cigare en regardant une dernière fois la tombe de Rocks D. Xebec. Il met fin à tout ça, une bonne fois pour toutes.
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L’avantage d’avoir passé autant de temps sur le Moby Dick, c’est qu’il ne ressentira aucun regret quand il y expirera son dernier souffle. La lame de Newgate est profondément enfoncée à l’intérieur de lui, mais il n’y a aucune trace de son haki, ni sur sa naginata ni dans son regard—comme si Newgate pouvait encore le considérer comme son fils, après ce qu’il lui a fait… Crocodile laisse son sable se répandre autour de sa lame pour se reformer quelques mètres plus loin, le sang autour de sa blessure commençant déjà à se répandre sur le bois du navire. Il n’a plus beaucoup de temps, s’il veut vraiment avoir une chance de balayer toute cette précédente vie par lui-même, sans avoir besoin de faire confiance à quelqu’un une dernière fois…
Crocodile peut apercevoir la stupide coupe de cheveux de Marco du coin de l’œil, et il jurerait qu’il lui a presque manqué, s’il n’avait pas ce goût amer en bouche—Marco n’a été que l’une des pierres sur le chemin le guidant vers son propre enfer personnel, le garçon qui a donné un sens à Newgate, le garçon qui a pris la maigre place qu’il avait réussi à trouver… Cette soudaine douleur poignardant son cœur n’est pourtant pas aussi transperçante que le frisson qui parcourt sa colonne vertébrale, dès que l‘aura familière de Teach l’atteint—évidemment, il doit aussi être ici… Non, ça n’a plus d’importance, il en aura fini bien assez vite.
Newgate le regarde de haut comme il en avait l’habitude pendant les huit ans pendant lesquels il l’a gardé prisonnier ici pour sa propre satisfaction personnelle d’avoir été le moins pire des lieutenants de Rocks, et il n’est pas sûr d’avoir déjà eu la mâchoire aussi serrée, alors qu’il lui fait taire les souvenirs du passé en envoyant une vague de sable s’échouer directement sur la lame de Newgate—Sa blessure l’affaiblit plus qu’il n’aurait pu le croire et même sa vision est floue l’espace de quelques secondes, alors que Crocodile aimerait donner du sens à l’adrénaline qui bout dans ses veines. Les bandages autour de sa taille doivent être imbibés de sang au point de déteindre sur ses vêtements, à la vue de tous, mais la seule chose que Crocodile sent pour le moment est l’inextinguible brasier de la haine ravageant tout à l’intérieur de lui—cette puissante flamme qui l’empêche d’abandonner face au destin qu’il a lui-même choisi…
Si son corps l’abandonne aussi facilement, alors son esprit tiendra jusqu’au bout, peu importe qu’il soit maintenant à genoux face au regard faussement bienveillant de Newgate, face au masque d’empathie qu’il a toujours eu alors qu’il reniait son identité dans ses moindres détails pour lui imposer de devenir quelqu’un qu’il n’aurait jamais pu supporter d’être… Son poing tremble faiblement à force d’enfoncer ses ongles dans sa paume, mais Crocodile ne peut pas mourir avant d’avoir montré le véritable visage d’Edward Newgate à sa petite secte. Il va mourir, mais il emportera bien plus que ses cauchemars avec lui.
Et pourtant, la vie ne semble même pas vouloir lui accorder ce cadeau, malgré tous les sacrifices qu’il a consenti à faire depuis son enfance, alors que Crocodile peut voir Newgate lever la main—comme s’il était l’un de ces animaux de compagnie ne nécessitant que quelques caresses pour être dressés—il connaît suffisamment son tortionnaire pour savoir qu’il ne lui donnera pas la chance d’accéder à son dernier vœu. Pire, il pourrait regretter le temps passé et le garder prisonnier ici pour le reste de sa vie—lui refuser la mort pour conserver l’espoir d’avoir une bonne conscience—
Néanmoins, que ce soit la fin de sa vie ou le début d’un nouvel enfer, aucun ne semble vouloir venir. Utiliser ses pouvoirs n’a dû que renforcer la gravité de sa blessure, le sang atteignant enfin le bois sur lequel il s’écroule avant que Newgate ne puisse le toucher—mais il y a cette aura réconfortante au-dessus de lui, cette sensation familière et cette présence qui lui rappelle vaguement une époque où tout semblait pouvoir bien se passer… La touche d’un haki qui ne le terrifie pas pour ce qu’il pourrait lui faire, mais le rassure bel et bien, l’autorisant à fermer les yeux une dernière fois sans lutter face au frisson qui parcourt chacun de ses os…
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C’est en sursaut qu’il se réveille, une pression soudaine sur son cœur le sortant de son sommeil glacial, et Crocodile aimerait ne pas ressentir le besoin de s’accrocher au moindre de ses souffles, alors que la douleur est présente dans chacun de ses mouvements. Il ne devrait plus rien y avoir—ni souffle, ni douleur, ni rythme cardiaque pour le garder en vie… Et pourtant, il y a des bandages frais autour de sa blessure, quand il soulève la couverture immaculée qui le protégeait de ce qui l’entoure. Une bien étrange chambre ; une collection d’armes blanches accrochées sur le mur qui lui fait face, et des tableaux peignant des scènes morbides sur les deux autres parois qu’il peut apercevoir.
Ce n’est pas le Moby Dick, ou alors les douze dernières années ont eu raison de la santé mentale de tout le corps médical de ce foutu navire… Crocodile n’est pas particulièrement à l’aise dans tous les cas, que ce soit Newgate ou n’importe qui d’autre le gardant prisonnier ici, il n’a pas envie d’être forcé à vivre plus longtemps pour le plaisir macabre de quelqu’un d’autre. Il est au moins soulagé de voir que si son crochet lui a été retiré, c’est seulement pour être déposé sur la table de chevet accompagnant le lit. Au moins, il n’aura pas à se battre pour récupérer tout ce qui lui appartient encore—à moins qu’Ignacio se retrouve dans la même situation, auquel cas, Crocodile regrette d’avoir une énième fois cru pouvoir choisir son destin.
Il doit serrer les dents dès qu’il pose le premier pied en-dehors du lit, la douleur ne souhaitant décidément pas l’abandonner alors qu’il ne doit plus rester beaucoup de traces de l’adrénaline qui l’animait quand il faisait face à Newgate, mais Crocodile ne compte pas simplement attendre de guérir. S’il y a bien une chose qui reste vraie peu importe les circonstances, c’est qu’il est maudit, alors il est à peine surpris de se sentir vaciller quelques secondes, avant de retrouver son équilibre en s’appuyant sur la table de chevet—putain. Crocodile est obligé d’admettre que son second a bien mieux réussi son coup qu’il ne le pensait au début, c’est une sacrée blessure, même pour lui…
Son instinct est aux aguets dès qu’il entend la porte de cette étrange chambre s’ouvrir, et la vague de sable qui part laisser un trou dans le mur comme menace est plus un réflexe qu’autre chose. Crocodile ne s’est jamais autant senti aussi démuni depuis de longues années, et ce n’est pas seulement à cause du poignard qui s’est glissé près de son estomac, ou du frisson glacial de la mort qui n’a fait que le frôler, mais bel et bien à cause du regard jaune qui lui fait face—il n’avait pas vu ces yeux si particuliers depuis vingt ans, et son cœur rate un battement dès que les pièces du puzzle commencent à se remettre en place… Évidemment…
‘’Eh bien, c’est une certaine manière de me saluer.’’ Mihawk ne jette même pas l’ombre d’un regard vers le trou que Crocodile vient de laisser dans le mur, alors qu’il dépose un plateau sur l’une des commodes de la chambre
‘’Ne t’attends pas à ce que je m’excuse pour ça, tu aurais pu toquer avant d’entrer.’’ Crocodile ne sait même d’où il trouve la force de répondre, alors qu’une boule semble s’être logée dans sa gorge
‘’C’est vrai que tu n’as jamais été doué pour les excuses, mais si tu pouvais te retenir d’abîmer un peu plus ma chambre d’ami.’’ Mihawk lui envoie un sourire honnête, et pour la première fois depuis vingt ans, Crocodile a l’impression de pouvoir vivre de nouveau, près de quelqu’un en qui il a réellement confiance
‘’Ta chambre ? On est chez toi ? Barbe Blanche a accepté de te laisser m’embarquer ?’’
S’il y a bien un homme qui ne cède pas facilement, c’est bien Edward Newgate, et Crocodile aurait cent mille fois parié sur le fait que le vieillard l’aurait gardé prisonnier dans l’une des cales de ses navires en attendant le jour où il serait devenu fou, pour le ramener dans sa soi-disante famille. Ses yeux ne peuvent pas s’empêcher de passer en revue le corps de Mihawk pour savoir s’il reste des traces d’une probable altercation, mais tout ce qu’il trouve, c’est la chemise ouverte de son ami d’enfance—et Mihawk a probablement mieux profité de ces vingt dernières années pour s’entraîner que lui… Crocodile espère silencieusement que la chaleur qui se répand sur ses joues ne se verra pas, alors que Mihawk se rapproche lentement de lui, son regard posé sur le sien sans qu’aucune émotion ne soit particulièrement visible.
‘’Te ramener avec moi n’a pas été une mince affaire, entre ton hémorragie et un Empereur voulant te garder en souvenir d’un temps qui n’a dû être bon que pour lui. Je dois bien avouer que je ne suis pas encore à son niveau, alors j’ai profité d’une seconde d’inattention pour m’en sortir indemne, toi et Ignacio à mes côtés, bien évidemment.’’
‘’Ignacio va bien ?’’ Crocodile sent ses joues se couvrir d’un rouge étouffant alors que Mihawk n’est plus qu’à quelques centimètres de lui, leur différence de taille bien plus flagrante que quand ils étaient enfants
‘’Il a passé les trois derniers jours à attendre ton réveil en dévorant les brebis égarées de l’île, mais Newgate ne lui a pas fait de mal, si ça te tracasse.’’ Il y a cette pointe de colère dans le ton de Mihawk, rien qu’un indice sur ses véritables sentiments, et Crocodile a peur de ce qui peut se passer
‘’Tu m’en veux, Mihawk ?’’
Le regard jaune si particulier qui fait en partie la renommée de Mihawk le fixe, imperturbable, sans aucune onde d’émotion, avant qu’une seule impulsion d’haki dans sa main ne le force à retourner s’allonger sur le lit—d’accord, il est plus qu’énervé, si lui réserve le traitement par le silence… Crocodile n’a pas la force de se battre pour le moment, et encore moins avec Mihawk alors qu’ils se retrouvent enfin après vingt ans, mais il ne fait pas partie de ceux qui abandonnent sans au moins essayer, alors ses doigts s’accrochent au veston de Mihawk pour le traîner avec lui sur le lit.
Ou du moins, c’était le plan, parce que Mihawk se retrouve à califourchon sur lui, son visage juste au-dessus du sien et son regard plongeant dans ses iris dorés, comme la première et dernière fois où ils se sont battus, devant la mare à Strawberrywanis… Vingt ans, et Crocodile n’est toujours pas sûr de pouvoir gagner au moins une fois contre lui, alors qu’un petit sourire se glisse sur ses lèvres, dès qu’il remarque le léger rougissement qui s’est invité sur les joues de son ami. Ses doigts retiennent toujours ses vêtements, au cas où tout serait un rêve ou une illusion menaçant de disparaître. Il ne pourrait pas le supporter, alors que pour la première fois depuis un très long moment, Crocodile ne ressent ni peur ni colère—rien de plus que l’apaisement, en écoutant son rythme cardiaque accélérer sous le regard attentif de Mihawk.
‘’Tes bandages viennent juste d’être changés, veille à ne pas rouvrir ta blessure. Il y a un repas sur le plateau, n’hésite pas à te servir, je dois encore aiguiser ma lame.’’ Et juste comme ça, Mihawk cherche à se relever, sa voix toujours aussi calme, comme s’il n’était pas assis sur lui
‘’C’est tout ? Vingt ans que je me tue à te retrouver et tu fuis avant qu’on puisse avoir une vraie discussion ?!’’ Son sang est en ébullition dans ses veines face au dédain inexplicable de Mihawk, et Crocodile resserre sa prise sur son vêtement pour l’empêcher de bouger
‘’Nous venons juste d’avoir une discussion.’’ Mihawk pose ses doigts sur les siens pour le faire lâcher, mais ça ne risque pas d’arriver
‘’Alors tu te fiches de tout ce qui s’est passé ces vingt dernières années ? Un Empereur m’a tranché la main après m’avoir gardé comme jouet pendant huit ans et ça ne te surprend pas ?! J’ai enfin le bon corps et ça ne t’intéresse pas ?!’’ Crocodile n’a peut-être jamais été aussi énervé que maintenant, alors qu’il garde fermement Mihawk où il est
‘’Oh, tu tiens vraiment à ce que l’on discute de ton attaque suicide d’il y a quelques jours, Crocodile ? La manière dont tu t’es rendu sur le Moby Dick en attendant que Newgate te tue ? Que ce serait-il passé si je n’étais pas intervenu à temps ?’’
Ah. Il s’agit de ça alors. Crocodile laisse échapper un soupir en relâchant Mihawk. Il ne pourrait pas comprendre toute la colère qui réside en lui depuis que Newgate l’a presque tué, mourir sous sa naginata une bonne fois pour toutes ou gagner ce duel n’aurait rien changé, s’il est parfaitement honnête avec lui-même. Il n’aurait ni retrouvé Mihawk ni obtenu le titre de Roi des Pirates, mais Crocodile avait besoin de le faire, pour définitivement mettre de côté huit années de mal-être.
‘’Tu m’en veux pour ça ? Vraiment ? Ce n’est pas à toi de me protéger, j’ai appris à me défendre depuis le temps.’’ Au-delà de son titre de Grand Corsaire, son fruit du démon pourrait dessécher toute l’île en un quart d’heure
‘’En faisant des pactes avec le même Gouvernement Mondial qui te tuerait s’ils apprenaient pour ton géniteur ?’’
‘’Une bonne chose qu’ils ne soient jamais au courant, alors.’’
Crocodile a besoin d’un cigare, ce n’est pas comme ça qu’il imaginait ses retrouvailles avec Mihawk, et il en a marre qu’on le traite comme un enfant sans défense. Ils ne sont plus des bambins jouant autour d’une mare infestée de Strawberrywanis, et Mihawk n’a plus à prétendre qu’il est capable de le protéger contre le monde entier. Il a survécu à la Marine par lui-même sans aucun pouvoir pendant plusieurs années, et ce ne sont ni son sang ni ses liens avec d’anciens pirates qui l’ont protégé.
‘’Écoute, Mihawk, je ne vais pas m’excuser de ce que j’ai pu faire et tu le sais tout aussi bien que moi, j’avais mes raisons. Maintenant, si tu ne veux plus de moi, je repars sans attendre avec Ignacio.’’ C’est le seul compromis qu’ils puissent trouver dans l’état des choses
‘’Tu penses réellement qu’après vingt ans de recherche je vais te laisser repartir ?’’
Un frisson a à peine le temps de se glisser tout le long de sa colonne vertébrale que Mihawk pose ses deux mains sur ses joues, et Crocodile sent son cœur manquer un battement dans sa cage thoracique quand deux lèvres douces se posent sur les siennes. Oh. Ce n’est pas vraiment ce à quoi il s’attendait en rouvrant les yeux, mais s’il est parfaitement honnête avec lui-même, rien ne semble se passer comme il l’imaginait depuis quelques temps, alors la seule chose qu’il peut faire est de presser contre les lèvres de Mihawk tout en glissant sa langue contre la sienne…
Il n’a peut-être partagé qu’un seul petit baiser avec Dragon, mais Crocodile a plus d’expérience avec son corps que Mihawk ne peut oser l’imaginer, surtout depuis qu’Ivankov lui a réalisé son miracle. Une pensée naît et disparaît dans le fond de son esprit—quand Mihawk se glisse entre ses jambes—qu’il n’a pas dû être le seul à fantasmer, pendant de longues nuits froides, de la présence de l’autre homme… C’est sûrement une bonne chose qu’Ignacio ne soit pas là, il n’aurait pas besoin d’entendre ce que ses deux parents d’adoption font pour rattraper le temps perdu…
____________________________________________
Crocodile ne pensait pas un jour être dans le même lit qu’un autre homme et se sentir en paix avec lui-même. Mihawk doit probablement aider à ce que son esprit se taise pour le moment, alors qu’il est fermement cloîtré sous son bras, sa moustache frottant contre sa peau. La cheminée projetant la lumière réconfortante des flammes éclaire doucement la chambre pour que Crocodile n’ait pas à se convaincre que ce n’est pas un rêve, mais bel et bien la réalité. Il avait l’habitude de prier à qui voudrait bien l’entendre sur le Moby de retrouver son meilleur ami, et maintenant, ils sont bien plus que ça.
Rocks D. Xebec peut bien se retourner dans sa tombe maritime pour ce qu’il en a à faire, Crocodile ne suivra pas ses traces, encore moins alors qu’il a enfin trouvé ce qui l’intéresse vraiment—la paix intérieure que lui provoque une présence saine à ses côtés…
FIN
Sire_Pirate on Chapter 1 Tue 02 Jan 2024 09:19AM UTC
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