Chapter 1: Arc de la résurrection - Chapitre 1 - Introduction
Chapter Text
TO KILL MY MAN
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 1 - Introduction ~ oOoOo
Ligne de Vie de Drago
.
Il y avait quelque chose de vicié dans l'air.
Neville reprit sa respiration avec difficulté. Son souffle était court, irrégulier et ses poumons brûlaient à chaque inspiration.
Merde.
Son dernier sort avait encore glissé sur Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom sans lui causer le moindre dommage.
Rien. Pas la moindre égratignure. Le sorcier, en face, restait intact, peut-être même amusé par ses tentatives désespérées.
Pourquoi n'arrivait-il pas à le vaincre ? Était-ce à cause de sa magie ? De sa faible constitution ? De son manque d'expérience, malgré toutes ces années de guerre ? Ou parce qu'il doutait constamment de pouvoir réussir ?
Mais il n'avait déjà plus le temps de réfléchir : il évita, d'un pas sur le côté, un sort de découpe et rangea vivement sa baguette pour agripper l'épée de Gryffondor. Le métal glacé mordit désagréablement ses paumes dès qu'il en serra la garde.
Il leva les yeux vers son adversaire, sentant la panique monter en lui. Il ne pouvait pas échouer. Pas encore. Pas quand tout le monde… comptait sur lui. Il ne pourrait pas se relever d'un nouvel échec...
Un cri de rage (ou peut-être était-ce de l'impuissance) roula hors de sa gorge et il se jeta en avant, l'épée brandie au-dessus de sa tête, prêt à frapper.
Mais son ennemi ne montra pas le moindre signe d'inquiétude. Il leva la main, lentement, nonchalamment, et arrêta l'arme comme s'il ne s'agissait que d'un jouet. Le choc se répercuta dans tout le corps de Neville et la lame s'immobilisa dans les airs, bloquée par la seule force de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom.
L'enfant de la prophétie vacilla, puis perdit le peu d'équilibre qu'il lui restait. Avant qu'il ne touche le sol, le mage noir le saisit par le poignet, désinvolte, et le maintint debout, juste assez pour l'empêcher de s'effondrer.
Neville, désorienté, tenta de se dégager, mais la poigne glaciale qui s'était refermée sur lui le clouait sur place.
« Regarde-toi. » murmura le Seigneur en approchant son visage pâle du sien.
C'était un vieil homme, fin, élancé, à l'élégance presque obscène tant elle défiait le temps. Rien, dans ses traits, n'avait vraiment cédé à l'âge : juste ce qu'il fallait de creux, de ridules et d'angles pour rendre sa beauté plus inquiétante encore. On devinait sans effort pourquoi tant de Partisans s'étaient jetés à ses pieds. Il n'avait pas besoin de lever la voix pour écraser : il n'avait qu'à être là.
Et Neville, ce pauvre Neville, le sentait. La magie noire lui mordait la peau, comme une fièvre. Ce type puait la corruption à des kilomètres. L'idée absurde que son sang devait être noir, vraiment noir, visqueux de vieux pactes magiques et de transgressions lui traversa l'esprit. Peut-être que quelque chose d'interdit l'avait maintenu debout, si solide, si calme, quand tant d'autres s'effondraient.
Il secoua la tête, paniqué par ses propres pensées. Pourquoi ça tombait sur lui, déjà ? Pourquoi avait-il été l'enfant 'choisi' par on ne savait quel oracle ? Qui avait décidé de ça ? Il y avait forcément, ailleurs, quelqu'un de plus capable, de plus fort, de plus brillant, de plus… moins lui.
Il sentit les doigts du Sorcier se refermer un peu plus sur son col. L'haleine chaude du vieil homme effleura sa joue.
Il ferma les yeux.
À quoi bon lutter ? Peut-être que mourir réglerait enfin cette torture ? Peut-être que ça soulagerait tout le monde : l'Ordre, le peu d'amis qu'il avait, les prophètes de pacotille qui avaient misé le destin du monde sur lui, sans même le consulter...
L'univers tournerait très bien sans l'incompétent Neville Longbottom. Peut-être même mieux...
« Qu'est-ce que ça te fait, de savoir que c'est grâce à toi que je vais gagner cette guerre ? »
La voix du Seigneur Noir, si douce, s'infiltra dans les plis de son âme et la honte lui remonta à la gorge, horriblement acide. Il y avait, sous cette humiliation, quelque chose d'encore plus laid : le sentiment qu'au fond, il ne méritait pas mieux. Qu'il avait perdu avant de commencer.
Il n'eut pas la force de répondre.
« Toutes ces morts... tout ce sang versé... C'est toi, Neville Longbottom. C'est ta faiblesse qui les a condamnés. En as-tu bien conscience ? »
Le cœur de Neville battit furieusement dans sa poitrine. Il voulait hurler, frapper, mais l'épée, si lourde dans sa main, paraissait soudainement si inutile… Chaque seconde lui échappait et le mage le regardait avec ce même mépris glacé qui l'avait toujours terrifié.
Il n'avait rien besoin d'ajouter : Neville savait. Pour lui, il n'était qu'un obstacle insignifiant, un simple fétu de paille, vaguement agaçant. Rien de plus.
Il serra les dents et sentit ses yeux le brûler. La rage et le désespoir se mêlaient en lui. Il leva à nouveau l'épée, mais le Mage la repoussa paresseusement avant de le projeter brutalement au sol. Le jeune homme vola en arrière avant de s'effondrer lourdement dans la boue.
Il n'avait plus ni épée, ni baguette. Désarmé. Et peut-être voulait-il le rester. Peut-être espérait-il, à cet instant, que quelqu'un, n'importe qui, mette un terme définitif à cette humiliation.
Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom le toisa de haut. Une lueur sarcastique brilla dans ses yeux et un sourire, cruel, étira ses lèvres.
« Je ne te tuerai pas, Neville Longbottom. Pas tout de suite. Plus tu vis et plus les autres perdent espoir... »
Neville resta là, assis dans la boue immobile, muet, le regard vide.
Son esprit combatif (si il en avait déjà eu un) venait d'être broyé. Il ne tenta même pas de se relever. Le poids de la défaite l'écrasait. L'épée lui avait échappé, sa magie lui échappait… la victoire... tout semblait lui glisser entre les doigts.
Le Mage Noir lui tourna le dos, l'ignorant comme s'il n'était rien de plus qu'un insecte insignifiant, sans valeur. Sans un regard de plus, il s'éloigna, déjà prêt à se replonger dans le chaos du combat qui grondait autour d'eux.
L'Élu, figé, sentit un vide béant s'ouvrir en lui.
La bataille était perdue.
Les remords le submergeaient, le rongeaient de l'intérieur. Son corps refusait de répondre. Le monde autour de lui semblait flou, distant. L'écho des explosions, les cris, tout se réduisait à un bruit sourd, indistinct.
Un éclair de lumière verte fendit l'air, droit sur lui, et Neville leva les yeux, figé, incapable de du moindre geste.
.
.~oOo~.
.
Drago le tira violemment à lui, l'écartant de justesse de l'Avada qui l'aurait fauché. Il gronda, les yeux rivés sur le champ de bataille en flammes.
« Sois plus attentif, Longbottom ! Tu ne peux pas te permettre de mourir ici ! »
Il dévia brusquement un nouveau sort qui filait dans leur direction.
Neville, les mains tremblantes, essuya la sueur de son front, abattu.
« J'y arrive pas. Tu vois bien que je ne peux pas le tuer ! »
« C'est toi l'Élu. Trouve une solution ou on va tous y passer ! »
« J'ai aucune solution, Malfoy ! Aucune ! »
Drago le saisit par le col et le secoua brutalement, les yeux flamboyants de rage.
« T'as eu Dumbledore comme tuteur toute ta scolarité. Mets en pratique ce que ce vieux fou t'a appris, abruti ! »
« Mais ça ne marche pas ! Rien ne marche ! » hurla Neville, hors de lui.
Drago le relâcha mollement.
Ils étaient foutus. Si l'enfant de la prophétie était incapable de détruire le Mage Noir, alors personne ne le pourrait.
Quelque chose bascula : un battement de paupière, à peine, et pourtant le monde sembla se dérober sous lui. C'était une torsion de l'air, un frisson, comme si le décor se pliait un instant autour d'eux. Sa tempe pulsa violemment et une douleur aiguë, lancinante, le broya de l'intérieur. Il porta une main tremblante à son front. Le bourdonnement dans son oreille monta, strident.
Neville parlait encore, la bouche ouverte sur une autre excuse lamentable.
Puis tout se figea et le sort qui passait au-dessus de leurs têtes resta étrangement suspendu en un long filament de lumière. Qu'est ce que c'était encore que ça ?
« Tr… v… oi… »
Un étrange murmure éthéré flotta jusqu'à lui. Drago cligna des yeux et le monde repartit, comme si de rien n'était. Bruyant, vivant.
Il écrasa la tête de Longbottom vers le sol pour lui éviter un sort qui leur filait droit dessus et ils s'accroupirent tout les deux. Le champ de bataille puait le sang, la mort, le feu.
Il plissa du nez. Le bourdonnement dans son oreille persistait. C'était une vibration étrange, insistante, logée quelque part entre ses cervicales et sa mâchoire.
La voix revint, plus claire cette fois.
« Trouve-moi. »
Drago releva les yeux sur Neville, les sourcils froncés.
« Quoi ? »
Il le dévisagea avec suspicion, mais celui-ci paraissait aussi surpris que lui.
« Quoi, quoi ? »
« Qu'est-ce que tu viens de dire ? »
« Que… rien ne fonctionne ? »
« Non, après. »
« Après ? » Neville semblait perdu. « Je n'ai rien dit. »
Drago scruta les alentours. C'était le chaos le plus total : des éclairs de lumière jaillissaient de toutes parts, rythmés par le vacarme assourdissant des explosions qui éventraient la terre. Le sol était jonché de corps et de débris et les cris des blessés se mêlaient au sifflement des sorts. L'air, saturé de poussière et de fumée, devenu presque irrespirable, ondulait étrangement sous la chaleur des combats et du feu.
Il observa, d'un air morne, les derniers arbres de la plaine crépiter dans l'incendie. Devenir plus noir que le charbon.
Puis, du coin de l'œil, il aperçut un petit groupe s'avancer dans leur direction. En tête, marchant avec une assurance tranquille malgré la débâcle, se tenait Albus Dumbledore en personne.
Un rictus aigre étira les lèvres de Drago. Une délégation. Une putain de délégation…
Le vieil homme s'arrêta à leur hauteur et, sans un mot, tira une cape de sous sa robe. Il la jeta sur l'Élu.
Neville disparut aussitôt.
« Une cape d'invisibilité. », pensa Drago avec un certain mépris. Il en avait déjà entendu parler, bien sûr, mais n'avait jamais eu l'occasion d'en voir une à l'œuvre. Il se releva lentement.
« Drago. » Le Directeur le salua poliment, comme s'ils n'étaient pas au beau milieu d'une guerre. Sa voix calme contrastait violemment avec les Enfers dans lequel ils étaient tous plongés. « Nous allons nous replier. Je mets Neville en sûreté. Retrouve-nous plus tard, au QG de l'Ordre, d'accord, mon garçon ? »
Drago inclina vaguement la tête en réponse. Son regard suivit distraitement le petit groupe qui s'éloignait, lançant sorts sur sorts pour protéger l'Élu.
Le sauveur… qu'il fallait constamment sauver. Pitoyable.
Le sarcasme brûla en lui avec amertume.
Pour être tout à fait franc, il n'avait jamais vraiment apprécié Longbottom. Ce n'était même pas à cause de son appartenance à Gryffondor ; non, Drago connaissait des Gryffondors qui méritaient son respect. Hermione Granger par exemple.
Mais Neville… Neville manquait de charisme, de curiosité, de détermination. D'ambition. Il était maladroit, hésitant, un peu idiot et bien trop sentimental.
Drago n'avait jamais compris comment un garçon aussi terne, aussi insignifiant, avait pu hériter d'un tel fardeau.
L'Élu… Ridicule.
Il secoua la tête, exaspéré.
Pas qu'il le déteste non plus, il ne fallait pas exagérer ; il ne l'avait jamais méprisé au point d'en nourrir une haine personnelle. Mais il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il manquait en Longbottom ce 'quelque chose' qui aurait pu faire de lui un véritable héros. Il n'était pas le leader que l'on attendait. Il était terne. N'avait ni éclat, ni grandeur. Il manquait de flamboyance.
Bref, Neville n'était qu'un garçon frêle, perdu dans des vêtements de héros bien trop grands pour lui. Difficile de croire qu'ils étaient tous adultes depuis longtemps déjà... C'était peut-être ce qui l'agaçait le plus : l'impression qu'ils avaient tous vieilli, qu'ils avaient tous été usés, marqués, façonnés par la guerre... sauf lui. Longbottom, semblait être resté le même gamin de onze ans, timide et gauche, que Drago avait vu débarquer à Poudlard. Le même regard incertain. La même fragilité. Comme si le temps avait glissé sur lui sans jamais le durcir.
Le Seigneur des Ténèbres, lui, en était l'exact opposé : puissant, captivant, orateur hors pair... Tous les sorciers avaient été témoins de son ascension, avaient vu son évolution, lente mais inéluctable, décennie après décennie. Et, même vieil homme, ses troupes l'auraient suivi jusqu'au bout du monde, prêtes à obéir aveuglément, malgré sa violence et la peur qu'il inspirait.
L'idée qu'il avait peut-être choisi le mauvais camp lui traversa l'esprit.
Il se secoua aussitôt, comme un chien mouillé, pour chasser ce désagréable sentiment.
Un sortilège rouge entailla la chair de son bras qui s'ouvrit comme un œil. La douleur fut fulgurante. Drago étouffa un cri et roula sur le côté, s'abritant derrière un muret effondré. Son souffle, court et précipité, lui brûlait la gorge.
L'Ordre allait perdre cette bataille.
Poudlard serait perdu.
Il le sentait au fond de ses tripes.
C'était un désastre, une déroute totale.
Ses doigts se crispèrent sur sa baguette. Il devait maintenant trouver un moyen de filer d'ici et de rester en vie.
Il risqua un coup d'œil par-dessus le muret et observa à la dérobée le champ de bataille : la plaine n'était plus qu'une mer d'éclairs lumineux.
Il se glissa hors de son abri et se précipita dans la mêlée. Il n'avait parcouru que quelques mètres lorsqu'un sort explosa violemment dans son dos. Une impression de brûlure irradia dans sa colonne vertébrale. Il trébucha sur les corps inertes et s'effondra en avant. Sa tête heurta douloureusement le sol et l'impact lui coupa la respiration. Sa vision se brouilla et un nouveau bourdonnement assourdissant remplaça les bruits du combat, engloutissant tout.
Il grimaça.
Bouger.
Vite.
Il tenta de se relever, mais ses membres tremblants refusaient d'obéir. Son corps lui échappait. Il essaya de pousser sur ses mains, de se redresser : ses bras se dérobèrent sous lui et il roula un peu plus loin, dans la poussière. Un autre spasme de douleur traversa son dos, lui arrachant un râle de souffrance.
Son nez fut assailli par un désagréable mélange d'odeurs : le pétrole, le sang... et le pétrichor. Mais c'était impossible, n'est-ce pas ? Car le ciel était d'un bleu azur.
Les premières gouttes de pluie tombèrent sur sa peau et cette sensation inattendue le fit frissonner. Un instant, il crut perdre l'esprit ; le choc qu'il avait reçu avait peut-être déréglé tous ses sens ?
Il releva péniblement les yeux, cherchant à comprendre ce qui lui arrivait.
Autour de lui, les sorciers combattaient toujours avec la même fureur… mais quelque chose avait changé.
Il prit appui sur le sol et ses mains s'enfoncèrent dans une boue épaisse.
Qu'est-ce que… ?
Qu'est-ce qu'il était en train de se passer, bon sang ?
Il se redressa enfin et tituba un instant.
Ses cheveux, plaqués contre son front, ruisselaient sous la pluie battante.
Il sentit le poids d'un regard sur lui.
Il leva la tête… et son souffle se coupa net.
Devant lui se dressait une montagne. Une montagne qui, il en était certain, n'avait jamais été là.
Drago esquiva mollement un sort qui ne lui était pas destiné et avança d'un pas, incapable de détacher ses yeux des flancs escarpés qui s'élevaient vers le ciel. Il n'y avait aucune végétation. Rien qu'un amas chaotique de roches tranchantes.
Son cœur manqua un battement.
Tout en haut, au sommet, une silhouette se découpait sur le ciel bleu : un homme, immobile, observait d'un air désintéressé le carnage qui se déroulait en contrebas.
Quelque chose remua en Drago : une sensation obscure, primitive, comme si une créature sauvage grattait à l'intérieur de ses entrailles, cherchant à se libérer.
Il plissa les yeux pour mieux voir et fut pétrifié. L'homme, jeune, avait les cheveux d'un noir plus profond encore que les ténèbres.
Drago eut la certitude qu'il était en train de manquer quelque chose de capital. Une information, vitale, qui lui échappait.
Ce sorcier (car cela ne pouvait être qu'un sorcier, n'est-ce pas ?) lui était inconnu… et pourtant, il avait la troublante impression de l'avoir déjà vu, quelque part.
Leurs regards se croisèrent et Drago sentit une décharge traverser son corps. Deux émeraudes glacées, lumineuses, le fixaient désormais avec intensité.
L'homme lui sourit.
C'était un sourire froid.
« C'est lui ! » pensa le blond avec véhémence. « C'est lui qui va sauver le monde ! Pas Longbottom. Pas Dumbledore. Lui. »
Il ignorait d'où lui venait cette certitude, mais elle le submergea, fulgurante.
L'homme, au sommet, écarta lentement les bras, jusqu'à former une croix parfaite. Il resta ainsi une seconde, immobile, théâtral. Puis, sans un cri, sans la moindre hésitation, il bascula en avant et se jeta du haut de la falaise.
Le cœur de Drago s'emballa. Il se précipita, instinctivement, les mains tendues vers l'avant, pour le rattraper avant qu'il ne s'écrase, mais ses pieds glissèrent dans la terre meuble et ses doigts ne saisirent que le vide.
.

.
.
Note de l'auteur - nov 2025
Salutation mes p'tit corniauds.
Je SAIS que j'ai commencé cette histoire il y a longtemps (plus d'un an et demi, maintenant), mais je viens juste de rafistoler deux ou trois trucs dans le premier chapitre et (accessoirement) glissé quelques paragraphes supplémentaires. Il reste des coquilles et des redondances (évidemment) mais j'avance, j'ébarbe, je polis, bref, je rends le machin plus présentable.
J'avais besoin d'un peu de distance avant de remettre les mains dedans : à force de vivre le nez collé au texte, on finit par devenir aveugle comme un troll dans une mine de charbon.
Je vais continuer à reprendre les chapitres déjà publiés (on en est au chapitre 13, au jour J). Normalement, je relis et je corrige juste avant de poster, mais je m'étais un peu trop cru invincible pour les tout premiers… Donc je rectifie, je corrige, je me fouette le derrière (Ouiiii) et on repart.
Et là, je suis dans une phase où je m'éclate à faire des illustrations pour accompagner le récit. Un vieux mélange d'IA, de collages numériques et de barbouillage de moi-même sur PaintNet pour obtenir ce que je veux (OUI, j'ai appris à maîtriser les calques !) Bref, un cocktail improbable, mais franchement, ça me plaît. (Parfois, pas tout le temps, des fois j'en chie)
J'ai vu vos likes, vos suivis, vos commentaires, vos questions, vos théories tordues. Je vous répondrai à la fin de chaque arc, dans un petit (très narcissique) 'mot de moi-même', histoire de vous remercier, de faire le point et de causer un peu avec vous.
Merci de suivre l'aventure. J'espère que l'histoire continue de vous embarquer.
On se voit, comme d'hab, les dimanches ou les lundis pour de nouveaux chapitres !
Bisous bisous mes ptits lecteurs préférés !
.
Chapter 2: Introduction - Ligne de Vie d’Harry
Chapter Text
.
oOoOoOo ~ Arc des Enfers - Introduction ~ oOoOoOo
Ligne de Vie d’Harry
.
Les ténèbres.
C’est tout ce qu’il me reste.
Ce n’est pas la nuit. La nuit a ses bruits, ses odeurs et la lune pour guide.
Ici, il n’y a rien de tout ça.
L’obscurité n’a ni fin, ni forme. Elle colle à ma peau, ronge mes pensées.
Au début, j’ai crié pour me prouver que j’existais.
Puis j’ai compté : les secondes, les battements de mon cœur, les souvenirs qu’il me restait.
Mais tout se dilue. Même les noms. Même les visages.
Je me rappelle avoir eu peur.
Mais maintenant que j’ai cessé de bouger, je suis vide et froid.
Je crois que je n’ai plus de corps. Ou qu’il s’est dissout.
Un jour, mes mains ne répondaient plus. Puis mes jambes. Puis mes paupières.
Il n’y a désormais plus rien à fermer. Plus rien à toucher.
Seule la faim est restée.
Sans bouche, sans gorge, elle me dévore. Elle s’étend, gratte, déchire.
Elle exige.
Elle veut remonter, là haut, à la lumière. Retrouver la chaleur de la chair et du monde.
Pour tout engloutir.
Pour les vider jusqu’au silence.
Jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien.
.
Chapter 3: Extrait du journal de Severus S. - Entrée 1.
Notes:
(See the end of the chapter for notes.)
Chapter Text
.
oOoOo ~ Extrait du journal de Severus S. - Entrée 1. ~ oOoOo
.
Il paraît que je suis mort.
Ce n’est ni une métaphore, ni une envolée tragique. L’énoncer ainsi tient de l’absurde, puisque je suis, à cet instant précis, parfaitement vivant : mon pouls bat avec la régularité d’un métronome, mon sang frappe mes tempes, mes mains obéissent à chaque ordre. Comment un mort pourrait-il s’en rendre compte ?
Et pourtant… quelque part, dans une version de ce monde que je ne peux ni confirmer ni infirmer, Severus Snape a succombé à la morsure d’un serpent venimeux. Il a agonisé dans son sang, seul, et personne n’a levé le petit doigt pour lui venir en aide.
Dans ce même monde, Neville Longbottom n’est pas l’Élu et Lily Potter est morte avant d’avoir eu le temps de devenir autre chose qu’une jeune mère. Des affirmations qui, si elles sont vraies, réduisent en cendres tout ce que je croyais savoir.
Mais peut-être ne devrais-je pas commencer ce récit ainsi ; après tout, cela ne saurait résumer ma vie.
Je n’ose imaginer ce que vous espérez trouver en ouvrant ce journal, mais je vous en conjure, refermez-le avant de ne provoquer plus de torts encore que ceux qui ont déjà été causés.
Si vous souhaitiez obtenir ici des réponses à vos questions, ou un baume aux tourments de votre esprit torturé, alors laissez-moi vous dire que vous feriez-mieux d’aller piller un autre homme.
Vous persistez ? Fort bien. Mais que ce soit clair : ce que vous lirez ici n’est rien d’autre qu’un assemblage de souvenirs : ce que j’ai vu, ce que j’ai vécu, ce que l’on m’a confié… ou que j’ai arraché par la force.
Il est certain qu’il existe encore des secrets que j’ignore, des vérités qui m’échappent ; des choses qu’ils auront gardées enfouies, jusqu’au bout, et qu’ils n’auront jamais voulu divulguer.
Je n'ai aucunement la prétention de tout savoir.
Libre à vous de railler chaque mot ou de les graver dans votre mémoire. Moi, je parlerai de pardon et de trahison. De sacrifices absurdes. De rage et de haine inextinguibles. Car leur histoire (notre histoire) suinte l’égoïsme et le remords, l’oubli et la renaissance. Elle parle aussi de mort. Et d’amour, évidemment. De celui qu’on ne comprend qu’une fois qu’il est trop tard.
Il n’y a, ici, ni début, ni fin heureuse. Il y a seulement ce qui a été. Ce qui est. Peut-être, parfois, ce que j'aurais souhaité qu’il advienne.
Voyons, comment pourrais-je…
Peut-être devrais-je commencer ainsi : dans un placard, sous un escalier.
Non.
Non, vraiment pas. Cela serait mentir.
Disons plutôt que cette histoire commence par une épée, dégainée sur un champ de bataille et profondément enfoncée dans le torse de celui qui comptait le plus à ses yeux…
S.S.
.
Notes:
oOoOo ~ Mot de l’auteur à ses petits lecteurs préférés (oui, vous là) ~ oOoOo
.
Merci de lire To Kill My Man.
.
Il y a plus d’un an, j’avais commencé à la poster… puis j’ai tout jeté (sauf l’idée de base) pour tout recommencer. Rien ne me plaisait. Cette fois-ci, c’est la bonne. Ce sera probablement ma dernière fic avant un bon moment – juste de quoi vous faire patienter avant le reboot de la série Harry Potter.
.
Longueur de la fic
Vous vous êtes plaints que mes fics étaient trop courtes. (Un démon sort la tête d’un sac et commence à ricaner en frottant ses pattes griffues.)
Je vous ai entendus. Le seul problème, c’est que je ne sais pas faire dans la demi-mesure. C’est tout… ou rien. Vous aurez donc tout. Je suis désolée pour ça.
.
Le pitch
Imaginez un monde où Harry tue Drago.
Imaginez maintenant un autre monde où Harry Potter n’a jamais existé et où Neville Longbottom est l’Élu.
Enfin, imaginez qu’une porte s’ouvre entre ces deux mondes, les faisant s’entrechoquer, pour qu’une promesse vieille de mille ans puisse enfin être tenue.
->
TKMM, c’est l’histoire de ces âmes qui se croisent, se défient, se sauvent et se perdent. Une histoire de vengeance, d’aventure et de quête d’amour.
Les lignes temporelles se mélangeront peut-être un peu pour vous… mais pas de panique.
.
Les deux lignes narratives
• La ligne de Drago : POV Drago, dans un univers où Harry Potter n’existe pas. Ici, la guerre dure depuis des années et Tom gagne en puissance chaque jour. Jusqu’à une bataille où Drago croise un homme étrange, aux yeux verts, qui promet de débarrasser l’Angleterre de ses tyrans.
• La ligne d’Harry : plus proche des romans, sauf que Voldemort n’est pas mort aussi vite… et que Drago est devenu son bras droit.
.
Deux parties distinctes :
– La quête d’Harry pour ramener Drago à la vie, quitte à se damner aux Enfers.
– Le rapprochement inattendu entre l’Élu de la Lumière et le Bras droit des Ténèbres.
.
Intro de chapitre préférée :
La toute première fois qu’Harry avait revu Drago, il lui avait mis son poing droit dans la figure, puis il l’avait embrassé et…
Non. Attendez.
Il se mélangeait les pinceaux dans la chronologie. Comment ça s’était passé déjà ? Ils se détestaient, non ? D’ailleurs Drago avait… essayé de le tuer. Oui, c’était ça.
.
Les cycles et arcs narratifs
Pour que vous puissiez vous y retrouver, TKMM est découpée en plusieurs arcs, numérotés dans l’ordre du récit :
- Arc de la Résurrection – Drago
- Arc des Horcruxes – Drago
- Arc de la Reconquête de Poudlard – Drago
- Arc de la Roumanie – Drago
- Arc de la Bataille pour Poudlard – Drago
- Arc des Limbes – Drago
- Arc des Enfers – Harry
- Arc To Kill My Man – Harry
- Extraits du Journal de Severus S. – Severus
.
Le narrateur
Vous trouverez aussi des extraits du journal de Severus Snape, ainsi que des mini-résumés en début de chapitre, synthétisant en une ligne ce qu’il s’est passé précédemment.
.
Mise en garde & TW
• TW/TWS indiqués dans les titres (violence ou maturité).
• Rien de “gore” ou de traumatisant, mais certaines scènes peuvent heurter.
• Fic classée “M”/Explicite : couple principal Drarry. Si vous détestez, d’autres fanfictions vous attendent.
• Destinée aux +18 ans.
.
À propos de l’écriture
Cette fic est un divertissement, écrite sur mon temps libre. Rien de trop sérieux : on est là pour le fun et les émotions.
Vous pouvez l’abandonner en cours de route sans crainte de représailles.
Si je n’ai pas inclus certains personnages de la saga… c’est que je les ai oubliés. Les rajouter maintenant demanderait 200 chapitres supplémentaires, et croyez-moi, vous ne voulez pas ça.
.
Remerciements
Merci pour vos commentaires, likes et favoris. Ça me surprend toujours agréablement que vous lisiez mes vieilles histoires.
L’univers d’origine appartient à J.K. Rowling. Le reste est de Votre Serviteur.
(Je suis bavarde, déso-déso.)
.
Bien. Je crois n’avoir rien oublié. Vous êtes prêts ? Leeeeet’s gooo !
.
Chapter 4: Arc de la résurrection - Chapitre 2 - Drago et Hermione
Notes:
.
Le récap de Sev’
.
Précédemment dans - To Kill My Man -
.
Vous tenez entre vos mains le récit de morts, de mensonges, de décisions lamentables. Si vous cherchez du réconfort, fermez ce journal. Sinon, installez-vous : je vais vous raconter à quel point tout ceci a été… pitoyable.
L’Élu s’est encore fait piétiner par le Seigneur des Ténèbres. Albus Dumbledore l’a ramassé en vitesse pour éviter une nouvelle tragédie.
Sur le champ de bataille, un mystérieux inconnu hante Drago : peut-être trouvera-t-on enfin quelqu’un de compétent pour mettre fin à tout ce bazar ? À moins qu’il ne s'agisse d’une énième commotion cérébrale…
.
Chapter Text
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 2 - HG&DM ~ oOoOo
.
Ligne de Vie de Drago
.
« Malfoy ! »
Quelqu'un le plaqua violemment au sol et il eut à peine le temps d'apercevoir un sort mortel fendre l'air à quelques centimètres de son visage.
« Qu'est-ce que tu fous ? »
C'était Hermione. Elle venait de lui sauver la vie.
Il releva difficilement la tête vers la montagne, mais elle n'était plus là. Il n'y avait plus que la plaine du champ de bataille.
« La pluie… » maugréa Drago, désorienté. Pourtant, la terre sous ses pieds était sèche, dure, fissurée et le soleil les baignait d'une terrible chaleur.
Il n'arrivait pas à détacher son regard de l'endroit d'où l'homme s'était jeté, mais il n'y avait désormais plus que le ciel vide.
Hermione le saisit fermement par la main et le traîna avec elle à travers la plaine, zigzaguant entre les corps et les éclats lumineux des sortilèges. Elle tentait de le protéger tout autant qu'elle se protégeait elle-même.
« J'ai vu un homme… »
« Un homme, d'accord. » Grogna la jeune femme en érigeant un Protego autour d'eux, déviant de justesse un sort qui aurait pu les pulvériser.
Drago tourna la tête pour regarder derrière eux. Il hésita un instant : peut-être que le choc lui avait fait perdre toute notion de la réalité. Et pourtant… tout cela lui semblait terriblement familier. Il fit machinalement un pas sur le côté pour éviter un trait rouge.
« Il y avait une montagne aussi. »
« Une montagne, oui… » répondit distraitement Hermione. Elle ne l'écoutait qu'à moitié, trop concentrée à arracher d'un coup sec la porte d'une vieille grange délabrée qui se trouvait devant eux.
Une fois ouverte, elle le poussa fermement à l'intérieur.
« Et il pleuvait. »
La jeune femme soupira en balayant la pièce du regard, visiblement à la recherche de quelque chose. Ses yeux se posèrent enfin sur un grand objet, recouvert d'un voile grisâtre, dans un coin poussiéreux de la grange. Elle s'approcha et tira rapidement sur le tissu, révélant un immense miroir à la surface usée et ternie.
Drago n'y porta que peu d'intérêt.
« Je connaissais cet homme. »
« Vraiment ? » Maugréa Hermione, d'un ton distant, tout en passant une main hésitante sur le cadre du trumeau pour en retirer la couche de poussière accumulée.
Les particules argentées voletèrent en une pluie légère, capturant le rayon de soleil qui filtrait à travers les brèches du toit éventré. Ça scintillait doucement, presque vivant. On aurait dit une nuée d'insectes minuscules, suspendus entre deux battements de cœur. Présents, sans vraiment l'être tout à fait. Visibles et pourtant insaisissables.
Hypnotisant.
Elle tapota méthodiquement les coins du miroir avec ses doigts, comme si elle savait exactement où toucher. La surface miroita un instant avant de retrouver un aspect plus net, plus stable.

« Oui… enfin, quand je dis que je le connaissais, je veux plutôt dire que je pense l'avoir déjà rencontré. » Il se parlait à lui-même, troublé.
« Ha bon. »
Le bras de la sorcière passa à travers la glace, comme s'il ne s'agissait que d'une fine couche d'eau. Un air satisfait éclaira son visage lorsqu'elle le retira.
« Viens ici. »
Drago la suivit sans y prêter attention et elle saisit fermement sa main, l'entraînant avec elle à travers le miroir.
Le paysage autour d'eux se figea un instant, avant de tournoyer brutalement, comme s'il était emporté par une tornade. Quelques secondes plus tard, tout redevint calme : le monde se stabilisa à nouveau et la grange délabrée laissa place à une pièce sombre et exiguë.
Hermione poussa la porte et ils sortirent du placard dans lequel ils s'étaient retrouvés enfermés. Elle s'arrêta sur le seuil pour toiser d'un air mauvais les étagères poussiéreuses, la misérable ampoule nue et pendante ainsi que les vieux manteaux informes suspendus tout autour…
« Franchement… » marmonna-t-elle entre ses dents « Une civilisation magique millénaire, des siècles d'avancées, de théories, d'enchantements sophistiqués… et toujours des passages secrets qui débouchent dans des placards. Des placards ! On pourrait viser un peu plus haut que le cagibi à serpillières, non ? La discrétion, d'accord, mais à un moment… un peu de dignité, quoi. »
Drago n'avait pas écouté ces récriminations et, à dire vrai, il s'en foutait royalement.
« C'est lui qui va tuer Tu-Sais-Qui. » Affirma-t-il en dégageant brusquement sa main de celle de la jeune femme.
Elle se retourna vivement vers lui.
« Drago Malfoy. Je sais que tu n'aimes pas Neville. Je sais que vous n'avez jamais eu d'affinité et que vous êtes loin d'être amis. Mais tu sais parfaitement que c'est lui qui est destiné à… à tu sais quoi. C'est la prophétie qui… »
« Qui quoi, Granger ? » L'interrompit Drago d'une voix acide. « La prophétie n'a jamais été d'une grande précision quant à l'identité du Sauveur. Tu as bien vu, comme moi, que Longbottom est incapable de nous débarrasser de Tu-Sais-Qui. »
Hermione plissa le nez, visiblement contrariée.
« Il est né à la fin du septième mois… »
« Comme beaucoup d'autres ! » répliqua le blond avec un large geste désinvolte du bras.
« Ses parents ont défié Tu-Sais-Qui ! »
« Et alors ? Tu crois que ce sont les seuls ? »
Hermione serra les dents, ses poings tremblaient légèrement.
« Ils sont à Sainte Mangouste ! »
« Oui et j'en suis désolé. Mais la guerre n'a épargné personne, Granger. Tu-Sais-Qui lui-même ne prête aucun intérêt à Longbottom, tu l'as vu aussi bien que moi, n'est-ce pas ? S'il le considérait comme une menace réelle, il aurait tout fait pour le tuer. Et crois-moi, il en aurait eu l'occasion. Il se contente de répondre aux attaques de Neville mais tu sais parfaitement qu'il n'y met aucune intention meurtrière derrière. »
« Mais… l'épée… »
« Quoi l'épée ? Celle de Gryffondor ? Mais peut-être que n'importe qui de votre maison peut la brandir. Pourquoi tu ne tentes pas ta chance ? Pourquoi tu n'essayes pas ? Écoute, on n'appelle pas Tu-Sais-Qui le 'Seigneur des Ténèbres' pour rien, Granger. C'est le sorcier le plus puissant depuis des décennies. Plus offensif même que Grindelwald. Sois sincère, juste une minute : tu penses sérieusement que Longbottom peut le vaincre ? »
Hermione se mordit les lèvres avec colère. Elle ne pouvait pas aller dans le sens de Drago, car reconnaitre que Neville était incapable de battre Voldemort signifiait les enterrer tous. Et puis quoi ? Malfoy avait aperçu un type mystérieux au sommet d'une montagne. La belle affaire. Pendant ce temps, elle, sur le champ de bataille, n'avait vu que Drago, le nez en l'air, en train de se transformer en une cible parfaite pour tous leurs ennemis. Rien d'autre.
Elle écarta les bras, exaspérée.
« Et donc, Malfoy, il est où, ton fameux sauveur ? Parce que tu vois, j'aimerais bien le rencontrer et lui dire deux mots. Alors si tu pouvais lui dire de ramener ses fesses ici, qu'on lui demande pourquoi il n'a pas pris part au combat, ou pourquoi il a mis 26 ans pour apparaître, ça nous aiderait beaucoup ! Mais en attendant, on va soutenir Neville et on va réfléchir tous ensemble à une stratégie pour récupérer Poudlard. »
Drago laissa échapper un rire méprisant. À force de glorifier Longbottom, de le protéger comme s'il n'était encore qu'un enfant, ils creusaient tous leur propre tombe. Ce garçon avait eu les meilleurs professeurs, l'attention indéfectible de Dumbledore et de l'Ordre, il avait été choyé, protégé, élevé sur un piédestal.
Et tout ça pour quoi ? Pour vingt-six années d'échecs consécutifs.
Oh, bien sûr, il n'était pas faible ; ses pouvoirs étaient dans la moyenne et personne ne pouvait nier qu'il avait essayé. Mais ça ne fonctionnait juste pas. Et à chaque nouvelle défaite, le monde sorcier s'interrogeait de plus en plus sur sa légitimité. Car Neville Longbottom, malgré toute la bonne volonté du monde, n'avait jamais eu l'étoffe d'un véritable héros.
Hermione continuait de le fixer, attendant visiblement une réponse de sa part. Drago se braqua et fit un pas en arrière.
« Continue de t'illusionner avec Longbottom, Granger. Moi, je vais trouver cet homme. Et quand je l'aurai fait et qu'on aura sauvé le monde, alors tu pourras revenir en rampant demander mon pardon. »
.
Chapter 5: Extrait du journal de Severus S. - Entrée 7.
Chapter Text
. oOoOo ~ Extrait du journal de Severus S. - Entrée 7. ~ oOoOo .
.
D'aussi loin que je m'en souvienne, Drago n'avait jamais aimé les animaux. Et je dois dire, pour sa défense, que les animaux ne l'affectionnaient pas spécialement non plus. Je ne comptais plus le nombre de fois où, enfant, il était venu à moi en pleurant, griffé, mordu ou même piqué. Il avait beau faire tous les efforts du monde pour se montrer aimable avec eux, la seule chose qu'il récoltait était feulements ou grognements.
Quand l'adolescence l'avait trouvé, il avait fini par comprendre qu'il ne pourrait jamais bénéficier de ce lien privilégié et avait tout simplement laissé tomber. Dès lors, je ne l'avais plus jamais vu en train d'essayer de caresser un chien ou un chat et il avait aussi cessé de parler aux oiseaux et aux hérissons. J'ignore pourquoi il était reçu ainsi car il ne s'était jamais montré brutal ou tyrannique, mais je suppose que l'on doit admettre, parfois, que certaines choses ne s'expliquent pas.
La nature est ainsi faite.
Il avait beau m'affirmer que cela ne le touchait pas, qu'il préférait que tout reste ainsi car cela lui évitait la désolante désillusion de la vie éternelle, (Merlin, que ces bestioles ont la vie courte) il ne pouvait pourtant pas s'empêcher de jeter des regards à la dérobée, le corps toujours très droit, presque rigide, dès que l'un d'entre eux s'approchait.
J'aurai peut-être pu forcer le destin, à l'aide d'un impardonnable, pour enfin permettre à cet enfant de connaître la joie d'un amour inconditionnel, mais je savais que Drago ne me l'aurait jamais pardonné. Il avait peut-être désespérément besoin d'être aimé, mais il voulait l'être sans tricher. Il désirait qu'on l'apprécie pour ce qu'il était vraiment, au fond de lui, et pas à travers une illusion qui ne durerait que le temps d'un sortilège.
Aussi, je l'avais vu grandir, seul, sans attache, sans même qu'il sache ce qu'il avait bien pu faire de mal pour être ainsi rejeté. Et, au fil des années, son cœur d'enfant pourtant si tendre, s'était peu à peu refroidi.
S.S.
.
Chapter 6: Arc de la résurrection - Chapitre 3.1
Notes:
.
Le récap de Sev’
Précédemment dans - To Kill My Man -
Ligne de DragoGranger traîne Malfoy hors du champ de bataille : preuve que le monde est déjà en perdition. Ils débattent de la prophétie autour de Longbottom, Malfoy affirmant qu’un parfait inconnu ferait mieux l’affaire.
Charmante équipe, n’est-ce pas ?
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 3.1 - DM & Chat ~ oOoOo
.
Drago se laissa tomber sur le lit, les bras en croix, et ce simple geste lui fit repenser à l'homme brun de son illusion. Il avait beau avoir fait le fier avec Granger, il ignorait totalement comment le retrouver et, plus le temps passait, plus il commençait à douter de ce qu'il avait vu.
Après tout, avec le stress du combat, la déconvenue de la défaite, l'incompétence de Longbottom, le sentiment d'urgence et d'inquiétude qui le rongeaient constamment depuis quelques années..., il avait tout aussi bien pu rêver la scène.
Il devait peut-être se rendre à l'évidence : il n'y avait ni montagne, ni homme, ni pluie. Juste des sorciers qui s'entre-tuaient. Il était même possible que ça soit sa mémoire toute entière qui avait été altérée.
Peut-être que Granger avait raison et que Neville était le sauveur.
Si c'était vraiment le cas, ils étaient tous foutus.
Il soupira et posa un bras sur ses yeux. Il aurait dû partir quand son père le lui avait proposé. Finalement, la France, ce n'était pas si mal, non ? Ou même l'Italie ? N'importe où sauf ici.
Il soupira de nouveau.
Bon, peut-être pas littéralement n'importe où. Un pays civilisé si possible. C'est-à-dire un endroit tempéré où il pourrait facilement trouver du thé de qualité pour se désaltérer.
Ses pensées se brouillèrent et il sentit que le sommeil l'emportait.
Il fit un rêve étrange.
Un chat le regardait, il en était certain. Depuis combien de temps ? Impossible de savoir. Il ne l'avait pas entendu approcher, mais il sentait sa présence, silencieuse et pesante, comme si l'animal l'épiait depuis un très long moment déjà.
Il s'arrêta un instant, légèrement crispé, et la bête fit de même, quelques pas plus loin, en arrière. Drago se retourna brusquement et le chat détourna la tête, l'air indifférent, pour lécher consciencieusement sa patte et la passer derrière son oreille.
« Je ne suis pas idiot. » grogna le blond en lorgnant méchamment vers son poursuivant. « Vous pouvez arrêter votre petit spectacle. »
Le chat redressa lentement la tête. Ses pupilles fendues, froides, s'accrochèrent au regard acier du jeune homme. Puis il étira sa gueule, dévoilant une rangée de petites dents effilées et Drago frissonna de malaise.
C'était un sourire, n'est-ce pas ?
Ou quelque chose qui y ressemblait. À quoi avait-il donc à faire ? Un animagus ? Il n'en était pas tout à fait certain.
Il se détourna rapidement de l'animal, décidé à l'ignorer, et accéléra le pas, le cœur battant plus vite qu'il ne l'aurait voulu. Mais, quand il baissa les yeux, il vit que la bête trottait désormais à ses côtés.
« J'ai peut-être fait une petite erreur d'appréciation. »
Drago sursauta, marqua un pas de côté. Le chat venait de parler. Littéralement. Les chats ne parlaient pas. Aucun animal ne parlait. Les animagus non plus. Il déglutit et une sensation glacée coula au creux de son estomac.
À quoi diable avait-il affaire ?
Le chat bondit avec agilité sur un muret de pierre. Ses yeux, d'un jaune perçant, étaient braqués sur lui.
« Ne l'écoute pas, Petit. Ça ne ferait que t'attirer des problèmes. »
Drago haussa un sourcil. Il ne comprenait pas : de quoi exactement étaient-ils en train de parler ? Il sentit l'agacement poindre en lui.
« Qu'est ce que vous êtes, au juste ? Et qui est-ce que je ne dois pas écouter ? »
Le chat ne répondit pas, mais sa queue fouetta l'air avec force.
« J'ai été trop laxiste. Aucun vivant ne devrait atteindre le Neuvième Cercle. »
Un chat qui parlait, c'était déjà bien assez. Mais un chat qui lançait des avertissements vagues et cryptiques ? C'était beaucoup trop. Il sentait que la migraine allait bientôt pointer. Il saisit l'arête de son nez entre ses doigts et soupira avec lassitude.
« Stop. Stop, je vous en prie. Si vous voulez vraiment que je comprenne quelque chose, il va falloir être plus précis. C'est quoi, cette histoire de neuvième cercle ? Et c'est qui, cette personne que je ne suis pas censé écouter ? »
L'animal le toisa longuement, en silence. Il resta un moment sans bouger, comme s'il pesait ses mots, ou peut-être ses propres motivations.
« Ce garçon essayera de te contacter. Il va forcément le faire. Pour que tu l'aides. Mais tu ne dois pas l'écouter. Jamais. Il n'apportera ici que le chaos. »
« De qui parlez-vous ? »
Les vibrisses du chat frémirent et Drago eut l'impression que la réponse, à ses yeux, était d'une douloureuse évidence.
« Du garçon. De celui qui a franchi le Neuvième Cercle. »
« Un sorcier ? »
« Il n'est plus tout à fait sorcier. Il n'est plus tout à fait humain. Il est celui qui n'est plus ni vivant, ni mort. »
« Comme un zombie ? »
Le chat se redressa, yeux plissés et oreilles légèrement rabattues en arrière. Manifestement, la remarque l'avait agacé et Drago préféra prudemment changer de sujet.
« Pourquoi essayerait-il de me contacter, moi, et pas un autre ? »
Le chat ne répondit pas immédiatement. Il se contenta d'observer Drago, le regard fixe, sans ciller, comme pour le jauger. Ses yeux renvoyaient un éclat glacé qui n'avait rien d'animal.
« Il ne doit pas traverser. En aucune manière. »
« Et pourquoi vous ne l'en empêchez pas vous-même ? Vous avez l'air de savoir exactement ce que je dois ou ne dois pas faire. »
Le chat poussa un soupir, un son étrange qui ressemblait davantage à un râle las qu'à un véritable soupir humain. Il détourna le regard.
« Nous sommes des observateurs. Nous ne pouvons pas… jouer comme nous le voulons dans le monde des vivants. »
Drago hocha vaguement la tête, pensif. Il n'avait toujours qu'une vague idée de ce dont il était question, mais quelques bribes du puzzle commençaient à s'assembler. Quelque chose… s'était échappé de… quelque part et essayait d'entrer dans leur monde.
Un garçon.
L'image de l'homme au sommet de la montagne fusa dans son esprit. Était-ce lui, celui dont parlait le chat ? Mieux valait ne rien dire de ce qu'il avait vu, plus tôt, sur le champ de bataille.
« Et pourquoi veut-il passer ? »
Le chat leva une patte et la passa lentement derrière son oreille, l'air détaché.
« Parce qu'il est malheureux et qu'il cherche une façon de l'oublier. Mais ne te méprends pas, il n'est pas celui que tu attends. »
L'ombre d'un sourire amer passa sur le visage de Drago.
« Ce que j'attends ? Et que pensez-vous donc que je puisse attendre ? Je suis curieux. Eclairez moi de vos lumières je vous prie. »
Le chat pencha la tête, comme si la question était terriblement ennuyeuse.
« Les humains sont d'une affligeante prévisibilité. Vous aspirez tous plus ou moins aux mêmes fantômes. La rédemption, pour commencer. » Il fit claquer sa queue contre le sol. « Ou la reconnaissance. Être vu, entendu, compris... »
Malfoy leva les yeux au ciel et sa voix se fit plus sèche qu'il ne l'aurait voulu.
« Et la gloire, j'imagine ? »
« Évidemment. La gloire. La lumière. La petite tape sur l'épaule du Destin qui dit 'Toi, tu comptes aux yeux des autres'. Ha ! Le Destin ! » Une sorte de ronronnement moqueur roula dans sa gorge. « Mais dans ton cas… ce n'est pas vraiment ça, n'est ce pas ? Tu veux quelqu'un qui t'arrache à ton apathie. Quelqu'un qui te réveille. Qui te secoue assez fort pour que tu te rappelles que tu existes encore. »
Drago, irrité, détourna brièvement le regard sans réussir à feindre l'indifférence.
« Et ce… cet homme serait incapable de ça ? »
Un rire silencieux vibra autour de lui. Un son étrange, presque humain.
« Incapable ? Oh non. Il en est tout à fait capable. Mais pas dans le sens que tu imagines. Prend garde, Petit. S'il doit t'entraîner quelque part, ce ne sera ni vers la paix, ni vers une quelconque illumination. Ce garçon traîne son propre gouffre derrière lui et s'il t'emporte, ce ne sera certainement pas vers les cieux. »
Drago sentit un froid désagréable remonter le long de sa nuque
« Alors qui est-il ? »
Le chat ne répondit pas.
.
.

Chapter 7: Arc de la résurrection - Chapitre 3.2
Notes:
Le récap de Sev’
Précédemment dans - To Kill My Man -
Malfoy rêve d’un chat bavard qui lui interdit de parler à un certain ‘garçon du Neuvième Cercle’. Je suppose que c’est ce qu’on appelle un avertissement… ou un diagnostic précoce d’instabilité mentale.
Chapter Text
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 3.2 - DM & Styx ~ oOoOo
.
Un étrange clapotis le tira lentement du sommeil.
Quelque chose gouttait régulièrement dans son appartement. Dans la chambre. Non. Dans SA chambre.
Drago ouvrit brusquement les yeux et sa respiration se suspendit un instant dans sa poitrine. Il tendit l'oreille et n'entendit que le battement rapide de son sang qui résonnait à ses tempes.
Il se redressa lentement, balayant la pièce du regard, et l'ombre d'un malaise serra son estomac.
Personne.
Tout cela lui laissait une curieuse impression : chaque recoin paraissait étrangement assombri, comme si la lumière elle-même s'était retirée des murs et du plafond. Et cette désagréable sensation de froid et d'humidité ne le quittait pas.
Il se demanda un instant s'il n'était pas encore en train de rêver.
Quand ses pieds touchèrent le sol, il sursauta ; le parquet sous lui était détrempé, glacé et une fine pellicule d'eau lui colla aux orteils. Elle s'étalait sous la plante de ses pieds, froide comme une mare gelée.
Il regarda autour, cherchant la source de l'inondation : l'eau venait bien de quelque part et il devait trouver d'où.
Il se mit debout et frissonna désagréablement quand le froid s'enfonça sous sa peau, le traversant jusqu'aux os. Il laissa son regard courir sur les plinthes, remontant lentement le long des murs, à la recherche d'une fissure ou de n'importe quoi qui aurait pu être la source de ce désagrément.
C'était un tableau.
Une vieille peinture à l'huile craquelée suspendue en face de lui. Elle représentait un cours d'eau sombre, avec des vagues grises, un ciel lourd chargé de nuages d'encre. Quelque chose coulait lentement du bas du cadre : une traînée d'eau noirâtre, épaisse, presque gluante, qui glissait le long du mur avant de rejoindre le sol.
Il s'approcha, les sourcils froncés. Il en était certain : le froid intense, qui régnait dans l'air comme une brume glaciale, enveloppait cette peinture-là.
« J'ai l'impression d'être au fond d'une grotte humide et profonde. » Pensa Drago avec perplexité en voyant sa respiration former un nuage de buée devant lui.
Il ne ressentait pas de peur, non. C'était un sentiment plus complexe que cela. Presque comme… une nostalgie lointaine, enfouie, qui ne semblait rattachée à aucun souvenir précis. Une émotion ancienne, comme si quelque chose, venu de quelque recoin oublié de sa mémoire, essayait de remonter à la surface.
Il chassa rapidement cette pensée d'un geste agacé du bras : n'importe quoi. Nostalgique de quoi, d'abord ?
Il soupira, puis laissa une main hésitante passer sur le cadre de bois terni. Ses doigts en frôlèrent la surface humide et il sentit des gouttes s'en échapper, ruisselant contre sa peau. Le bois était désagréablement froid, comme s'il avait été laissé dehors sous la pluie durant des années, absorbant l'humidité jusqu'à devenir poreux, fragile.
C'était impossible.
Il recula d'un pas, l'esprit embrouillé.
Son premier réflexe fut de sortir sa baguette et de lancer un sort pour interrompre cette inondation. Il serra fermement le manche en bois dans sa paume, puis l'agita en marmonnant un sortilège de verrouillage.
Une lueur bleutée s'échappa de la pointe pour se disperser sur la toile en une fine pellicule lumineuse. Il retint son souffle, espérant voir le suintement s'interrompre, mais rien ne se produisit : l'eau noire continuait de couler sinistrement hors du tableau.
Frustré, il fronça les sourcils et intensifia son geste. La lumière se fit plus vive, projetant des reflets irisés sur le sol trempé.
Pourtant, rien ne changea et il observa, impuissant, cette infiltration qui défiait sa magie.
Une douleur sourde se glissa derrière son œil. Il se cambra légèrement et porta une main à sa tempe.
Quelque chose se déroba sous lui.
Pas la pièce... lui même : comme si son propre corps manquait une marche et qu'il chutait en arrière, dans le vide. La chambre vacilla à la périphérie de sa vision. L'air vibra puis se contracta en une ondulation qui fit trembler les quatre murs qui l'entouraient. On aurait dit du papier. Le lit, les rideaux, la lampe... tout sembla, un instant, flotter sous ses yeux. Cela ne dura qu'une toute petite fraction de seconde.
Un bourdonnement indistinct emplit l'espace autour de lui. C'était un son étrange, irrégulier, comme le ressac lointain d'une vague qui viendrait s'écraser sur un rocher, ou peut-être le froissement d'un tissu battu par le vent.
« C'est l'eau du Styx. » Murmura une voix grave dans son esprit.
Drago fronça les sourcils, tendant l'oreille. Son regard était rivé sur le mince filet d'eau qui continuait de s'écouler sans discontinuer. Le timbre était trouble, difficilement audible, comme s'il écoutait les fréquences froissées d'une vieille radio, et il dut se concentrer pour pouvoir tout saisir.
« L'eau du Styx. Récupères-en un peu. Tu en auras besoin plus tard. »
Il se figea. Ses doigts engourdis étaient toujours posés contre le cadre du tableau. Le Styx ? Le fleuve des Enfers, le passage des âmes ? Un nouveau frisson le parcourut. Le Styx n'était qu'un mythe. Rien qui puisse réellement se manifester ici, dans sa chambre.
Et pourtant…
Son cerveau tournait à cent à l'heure. Il repensa à son rêve. Au chat. Au garçon malheureux qui essayait de passer.
Un étrange pressentiment monta en lui, si violent qu'il en eut la nausée : il ne savait pas pourquoi, mais il sentait que tout était lié.
Il fit brusquement demi-tour et se précipita vers ses sacoches de potionniste (un cadeau de Severus). Il les fouilla frénétiquement pour en extraire une petite fiole transparente qu'il inclina précautionneusement contre le tableau. Le filet d'eau, qui glissa le long du goulot, crépita au contact du verre, émettant de minuscules éclats sonores, comme une multitude d'étincelles froides.
Quand il estima en avoir assez, il scella méticuleusement le flacon, pressa fermement le bouchon de son pouce et ajouta un sort supplémentaire, juste pour la sécurité.
« C'est bon. » murmura-t-il d'une voix rauque. « Qu'est-ce que je dois faire maintenant ? »
Mais seul le silence lui répondit.
.
~oOo~
.
« Ça doit venir des tuyaux. C'est un vieux bâtiment. »
Hermione croisa les bras, mais son regard, qui passait de la peinture au plafond, trahissait son scepticisme. Elle fronça les sourcils, scrutant la moindre fissure, cherchant désespérément un point d'origine logique. Pourtant, Drago pouvait deviner qu'elle ne croyait pas un mot de ce qu'elle disait.
Il s'enfonça un peu plus dans son fauteuil. Ses doigts tambourinèrent lentement sur l'accoudoir et il lança un regard morne à la jeune femme.
« Ça ne venait pas des tuyaux, Granger, tu le vois aussi bien que moi. »
Elle pinça les lèvres mais ne répondit pas. Son regard se perdit de nouveau vers le plafond, comme si, en l'observant suffisamment longtemps, le mystère allait se résoudre par lui-même.
Drago détourna le regard : devant eux, un elfe de maison, une vieille serpillière en main, essuyait la mare glacée qui s'étalait en une large flaque argentée sur le parquet. Ses petits pieds nus glissaient sur le bois verni et il épongeait l'eau d'un air concentré, ne se permettant aucun commentaire.
Il l'observa un instant en silence, les mâchoires crispées, avant de laisser échapper un murmure agacé.
« Je peux dire adieu à mon parquet… »
Ses doigts effleurèrent distraitement le bois, comme pour estimer l'étendue des dégâts, puis il croisa les jambes et un pli contrarié barra son front.
Et puis après ? Ce n'était même pas chez lui. Juste un manoir décrépit, rafistolé à la va-vite, que l'Ordre avait 'emprunté' (réquisitionné ?) après la chute de Poudlard. Un endroit qui n'avait rien de personnel, un bâtiment transitoire, qui ne méritait pas que l'on s'inquiète pour son satané parquet.
Il n'aurait donc pas dû s'en soucier le moins du monde.
Il le savait.
Il se le répétait.
Ça n'y changeait rien : la contrariété montait en lui comme une vague prête à tout renverser. Il ressentait soudain une brusque envie d'en découdre, de mordre dans quelque chose (ou dans quelqu'un), de jeter sa colère sur le premier objet qui lui tomberait sous la main. Un excès qui ne demandait qu'un prétexte, qu'une étincelle, pour éclater. N'importe quoi ferait l'affaire.
Hermione haussa un sourcil, visiblement peu touchée par les préoccupations du jeune Lord.
« Tu aurais pu le faire toi-même, Malfoy. »
Drago releva lentement les yeux vers elle et son regard acier se planta dans celui de la jeune femme.
« Quoi ? »
Elle haussa sèchement les épaules.
« Nettoyer tout ça. Tu aurais pu le faire toi-même. »
Un sourire méprisant arqua les lèvres du jeune homme.
« Pour quoi faire ? D'autres s'en chargent très bien à ma place. »
Il héla d'une voix traînante l'elfe qui s'activait avec empressement dans sa chambre. « Hé ! Toi ! Tu veux te plaindre de quoi que ce soit ? »
La petite créature se figea instantanément, la serpillière arrêtée à mi-course, et ses yeux s'agrandirent d'inquiétude.
« Oh, non ! Monsieur ! Snagglesnap est très heureux ainsi. Snagglesnap aimerait que, chaque jour, les appartements de Monsieur soient inondés pour qu'il puisse les nettoyer de fond en comble ! » Sa petite voix tremblait légèrement, comme s'il craignait que ses paroles soient mal interprétées.
Hermione roula des yeux, exaspérée, et lâcha un murmure à peine audible.
« N'importe quoi. »
Drago plaça paresseusement son menton sur la paume de sa main, vaguement moqueur.
« Snagglesnap ? Qu'est-ce que c'est que ce nom encore ? Tu as assemblé des lettres au hasard pour le trouver ? »
L'elfe émit un petit grincement qui ressemblait étrangement à un rire, bien que le son soit étrangement aiguë.
« Pas du tout, Monsieur. Ce sont Snigglet et Grumblesnap, les parents de Snagglesnap, qui l'ont nommé ainsi. »
« Ha ? Les elfes de maison ont eux aussi un système parental ? Je croyais qu'ils se formaient dans les amas de moisissures. »
À vrai dire, il se fichait éperdument de la filiation des elfes de Maison, mais Granger, derrière lui, retint un soupir agacé, visiblement en proie à une impatience qu'elle tentait (affreusement mal) de masquer. Aussi, Drago prenait un malin plaisir à la provoquer, sachant pertinemment que chaque mot méprisant l'irriterait davantage.
Snagglesnap, cependant, ne sembla pas le moins du monde affecté par la remarque du sorcier. Il essora la serpillière avec un remarquable professionnalisme et l'eau s'écoula en un fin filet noir dans le seau.
« Pas du tout, Monsieur. Nous sommes simplement un peu plus liés aux pouvoirs de la Terre que vous autres humains. Cela mis à part, la conception et la naissance des Elfes se déroulent presque comme chez vous. Je peux vous donner plus d'explications, si vous le souhaitez. »
Une image désagréable sembla traverser l'esprit de Drago, car il grimaça violemment avant de renifler avec mépris.
« Est-ce que je t'ai demandé des détails, Snagglemachin ? »
« Ça suffit. » La voix tranchante d'Hermione arrêta subitement le débat. « Est-ce qu'on pourrait revenir au problème qui nous a tous amenés ici ? »
Drago haussa nonchalamment les épaules et il désigna mollement, de la main, la toile accrochée au mur.
« L'eau venait de là. » Répéta-t-il, comme si l'évidence ne méritait aucune discussion.
Hermione soupira avec mécontentement et fronça à nouveau les sourcils.
« Drago, je t'en prie. Oui, les peintures sorcières bougent, mais… ce ne sont que des impressions, des images. Rien ne peut en sortir, rien ne peut y entrer. L'eau… ne peut pas venir de ce cadre. »
Ses yeux se posèrent sur le tableau, toujours déformé et craquelé, comme si l'humidité l'avait rongé de l'intérieur.
L'inondation avait cessé peu de temps après que le sorcier eut récupéré l'eau dans sa fiole. Plus rien ne coulait maintenant, comme si la source de cette anomalie s'était tarie. Ne restaient que le sol suintant et quelques traces encore visibles sur le mur, juste sous la peinture, indiquant précisément d'où le débordement avait commencé.
Hermione observa longuement les coulures et son visage s'assombrit.
« Ou alors… C'est quelqu'un qui te fait une blague ? »
« Une blague ? » Drago leva les yeux au ciel. « Rappelle-moi pourquoi je t'ai fait venir, au juste ? Si c'est pour me sortir des théories de ce genre, je préfère encore être en tête à tête avec cet elfe. » Il lança un coup d'œil en direction de Snagglesnap.
L'Elfe tressauta et un léger rosissement colora ses joues.
Hermione pinça les lèvres et répliqua sèchement :
« Je dis juste que ça pourrait être une illusion, un sortilège destiné à t'effrayer. Quelqu'un pourrait vouloir te faire perdre tes moyens. »
Il lui jeta un regard indifférent. « Oui, bien sûr. Les blagues magiques qui transforment ta chambre en marécage, c'est à la mode. Un vrai délice. Et pour info, Granger, je n'étais pas effrayé. Je ne suis plus un enfant de cinq ans. Ce que je voudrais savoir, par contre, c'est comment c'est arrivé. »
Hermione soupira une nouvelle fois, exaspérée, et passa une main sur son front.
« D'accord, admettons que ce n'est pas une blague. Tu es content ? Mais écoute, Malfoy, si ce que tu dis est vrai et que cette peinture… a pris vie, alors je n'ai aucune foutue idée de la manière dont ça a pu se produire. Je peux essayer de me renseigner, mais honnêtement, je n'ai jamais rien lu de tel. »
Drago garda le silence et ses yeux restèrent, un long moment, rivés sur le tableau dont les vagues paraissaient encore onduler légèrement.
.

Chapter 8: Arc de la résurrection - Chapitre 3.3
Notes:
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man -
Malfoy affirme que de l'eau des Enfers a coulé du tableau accroché dans sa chambre. Granger prétend que c'est une fuite de plomberie. Je me demande lequel des deux est le plus irrécupérable.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 3.3 - DM & SS ~ oOoOo
.
Severus haussa un sourcil perplexe et fit lentement tourner la fiole entre ses doigts, laissant la lumière de la lampe traverser le liquide cristallin.
« C'est de l'eau dans une fiole. »
Drago renifla avec mépris.
« Oui. Merci. Je le sais déjà. »
Le professeur de potion reporta calmement son attention sur lui.
« Si tu le sais déjà, pourquoi viens-tu me faire perdre mon temps avec tout ça ? »

.
Drago donna un coup de pied rageur dans le fauteuil à côté de lui et grogna.
« Regarde mieux. C'est toi le spécialiste, non ? »
« Mais regarder quoi, exactement ? Je suis spécialiste en potions et ce que tu viens de m'apporter n'est certainement pas une potion. »
Le jeune Lord grimaça, semblant hésiter sur ce qu'il voulait ou ne voulait pas dire.
Il n'avait rien dit de la voix qu'il avait entendu à Granger, se méfiant d'elle par principe, car entendre ce genre de chose, chez un sorcier, n'avait rien d'une anecdote inoffensive. Ce n'était pas un symptôme banal, ni un caprice d'un esprit un peu trop fatigué. Dans le jargon médicomagique, on parlait de fractures sensorielles, de perceptions dissidentes, parfois d'intrusions. Des termes très polis pour désigner ce qui, dans le fond, terrifiait tout le monde : l'idée que le cerveau, défaillant, puisse dérégler les frontières du réel. Et, quand la magie s'y mêlait, tout devenait alors beaucoup plus instable, plus… dangereux.
Les archives de Sainte-Mangouste regorgeaient d'histoires édifiantes : en 1932, par exemple, un certain Edgar Wycliffe (un jeune sorcier brillant, issu d'une vieille lignée Sorcière) avait commencé par entendre un 'chuchotement au-dessus de son épaule'. Trois semaines plus tard, il jurait qu'une 'présence invisible' le suivait partout.
Un matin, on l'avait retrouvé réduit à un tas de cendres au milieu de sa cuisine. Ses vêtements étaient restés intactes. Seule sa peau et ses organes internes avaient trinqué.
Autocombustion magique.
Le genre de phénomène classé 'accident de surcharge', mais que tout le monde savait lié à ces foutues voix.
Bien entendu, ce n'était pas un cas unique ; c'était seulement celui qui avait le plus marqué Drago et qui lui faisait dire : on ne plaisante pas avec cela.
Ce qui n'arrangeait, en réalité, pas son affaire car, en plus des voix, il avait aussi eut des visions. (Celles de cet homme, au sommet de sa montagne, par exemple...) Et, même s'il se répétait qu'elles n'étaient pas des hallucinations, qu'elles venaient de quelque part, il restait méfiant. Il ne voulait surtout pas finir comme Edgar Wycliffe. Aussi, il surveillait tout : le moindre signe de dérive, la naissance d'un délire, les trous de mémoire, l'angoisse irraisonnée… ou la paranoïa (bon, celle-là, il en avait toujours un peu eu : c'était pratiquement une hygiène de vie, chez les Malfoy).
Il ne voulait pas non plus devenir l'un de ces cas spéciaux que l'on étudiait à Sainte-Mangouste, de ceux qu'on enfermait dans des salles matelassées ou dont on parlait, gêné, comme s'ils avaient été engloutis par leur propre magie.
Drago se surprenait de plus en plus, ces derniers jours, à se féliciter de ne pas être né au XIIIᵉ siècle (une pensée qu'il n'aurait jamais cru formuler un jour).
Il faut dire que c'était le Moyen-Âge et, qu'à cette époque, les sorciers qui 'entendaient' ce qu'ils n'auraient pas dû entendre étaient traités comme des monstres dangereux : on parlait de possession, de maléfice, d'altération du sang... Les familles, terrifiées, livraient leurs proches à des prêtres, à des guérisseurs itinérants ou, pire encore, à ces pseudo-chasseurs de démons qui pullulaient dans les campagnes.
Le plus ironique, dans toute cette histoire, était que les Moldus n'avaient pas le monopole de la chasse aux sorcières. Loin de là. Les sorciers eux-mêmes finissaient par s'entre-tuer, avec un zèle parfois encore plus violent.
Un enfant qui présentait un 'symptôme' pouvait être dénoncé par les siens. Un voisin soupçonné de pactiser avec 'les voix du dessous' disparaissait du jour au lendemain, sans autre forme de procès. Certains villages avaient sombré dans des purges superstitieuses, chacun accusant l'autre d'être l'origine du mal, jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne pour faire quoi que ce soit.
Une époque où l'ignorance servait de loi et la terreur de jugement...
S'il avait osé révéler ce qu'il savait (ou croyait savoir), Drago aurait immédiatement été ficelé à un pieu, les bras tordus derrière le dos, la corde rongeant sa peau jusqu'au sang. Autour de lui, un cercle de villageois aurait brûlé quelques herbes soi-disant purificatrices, avant de psalmodier trois incantations approximatives censées chasser les 'mauvais esprits'.
Puis seraient venues les flammes : rapides ou longues selon l'humeur du bourreau et la qualité du combustible.
Un traitement expéditif pour un phénomène qu'on ne comprenait pas.
L'image aurait dû le laisser froid, mais elle avait, au contraire, quelque chose d'étrangement rassurant : comparée à ces méthodes moyenâgeuses, sa situation actuelle semblait bien plus envieuse. En tout cas, certainement plus civilisée, moderne... supportable. Et il n'aurait jamais imaginé trouver le moindre réconfort dans un bûcher médiéval.
Voilà pourquoi il s'était refusé d'en parler à l'Ordre.
Mais... avec Severus, tout était différent.
Le professeur de potion avait toujours été, pour lui, la figure paternelle qu'il n'avait jamais vraiment eue. Pas un père (il en avait déjà un, Merlin merci, et cela suffisait amplement), mais l'ombre discrète et fiable qui comblait les trous béants laissés derrière lui par Lucius.
Quand ce dernier l'avait lâchement abandonné pour se courber devant son Seigneur et quand Drago avait choisi, lui, de ne pas suivre cette voie, Severus avait été celui qui avait pris le relais. Celui qui lui avait enseigné la discipline, la prudence, la nuance, la survie.
Il soupçonnait évidemment sa mère de ne pas être innocente dans l'affaire : Narcissa avait dû manipuler Severus, d'une façon ou d'une autre, pour qu'il accepte ce rôle. Du chantage émotif, un serment, une dette obscure... allez savoir. Quoiqu'il en soit, le résultat était là : chaque fois que Lucius Malfoy abandonnait ses responsabilités parentales, ce qui arrivait plus souvent qu'on ne voulait bien l'admettre, le potionniste comblait le vide, sans une plainte.
Drago reporta son attention sur la fiole qui scintillait entre les doigts du professeur et finit par lâcher, à mi-voix :
« Elle est noire… »
« Alors c'est de l'eau noire. Passionnant. Vraiment. »
À l'évidence, il ne comptait absolument pas lui faciliter la tâche.
Drago se pencha vers lui, exaspéré.
« Quelqu'un m'a dit… que ça venait du Styx. »
Severus ne cilla pas, impassible.
« Du Styx. » Répéta-t-il d'une voix plate, quasiment inaudible.
Malfoy connaissait ce ton et il savait qu'il se trouvait sur une pente glissante. Il déglutit, mal à l'aise.
« Ouais, du Styx. »
Un silence lourd s'abattit sur le bureau. Il pouvait sentir les yeux du professeur le transpercer comme des lames. Un sourire imperceptible passa sur ses lèvres avant qu'il ne prenne enfin la parole. Son ton dégoulinait de sarcasme.
« Est-ce que Lucius t'a déjà révélé la vérité sur le Père Noël ? Et sur la Petite Souris, aussi ? »
Le teint de Drago, pourtant d'habitude si pâle, pris une furieuse couleur violacée.
« Tu te fous de moi ? »
La voix de Severus devint traînante.
« Absolument pas, mon cher. Je cherche juste à déterminer jusqu'où je peux être honnête avec toi. »
« C'est l'eau du Styx. » Répéta Drago d'un ton plus buté et son vis-à-vis, pour le connaître depuis longtemps, savait déjà qu'il n'en démordrait pas.
Le potionniste l'observa avec un calme glacé. Il pencha légèrement la tête sur le côté.
« Fascinant. Nous en sommes donc à croire en des légendes ? Drago, le Styx est un mythe. » Sa voix était cassante.
« Et qui l'a décidé ? Il y a des Loup garous, des licornes, des fantômes… alors pourquoi mon eau ne pourrait pas être celle du Styx ? »
Severus soupira de dépit.
« Bien, Drago, bien. Imaginons, juste un instant, que ce soit bien ce que tu sembles croire. Trois questions me viennent à l'esprit : où as-tu bien pu te procurer une ressource si légendaire ? Qui t'en a parlé ? Et enfin : que comptes-tu en faire, exactement ? »
Un silence pesant s'installa entre eux et Drago sentit son assurance faiblir. Il avait horreur que l'on prenne ce ton condescendant avec lui. Face à cet homme, il avait l'impression d'être redevenu un adolescent perturbé. Bien entendu, il aurait préféré que le potionniste le croit immédiatement, mais d'un autre côté, il savait qu'il avait raison de poser ces questions, que toute cette histoire relevait d'une folie que lui-même peinait à admettre.
Il prit une inspiration difficile, les doigts crispés autour de la fiole qu'il venait de récupérer.
« Écoute… je sais que toi non plus, tu ne crois pas en Longbottom. » Severus pinça les lèvres mais garda le silence face à cette affirmation. « Toi qui as une vision très précise des deux camps, tu le sais, n'est-ce pas, que Tu-Sais-Qui est le plus puissant. Et Dumbledore, aussi… grand... soit-il, ne fait pas le poids face à une force pareille. »
Drago observa le potionniste entrelacer ses longs doigts sous son nez. Il n'avait jamais été un grand bavard. Si on voulait le comprendre, il ne fallait pas l'écouter, il fallait le lire, le déchiffrer. Et, par ce simple geste, il montrait qu'il doutait, lui aussi, sans l'exprimer ouvertement.
Qu'il doutait et qu'il était prêt à envisager… d'autres possibilités.
« J'ai rencontré un homme, sur le champ de bataille. » Drago se racla la gorge, essayant de mettre de l'ordre dans ses pensées. « Qu'est ce que… qu'est-ce que tu dirais si j'affirmais que Longbottom n'est pas l'Élu ? Que, depuis le début, on s'est trompé ? »
Severus laissa s'écouler quelques secondes avant d'ouvrir la bouche.
« Je dirais qu'il me faut plus de preuves qu'un homme que tu as 'rencontré' quelques secondes pendant une bataille et que… de l'eau dans une bouteille. »
Drago serra la mâchoire, frustré, mais il savait que son mentor avait raison.
« D'accord, d'accord. » concéda-t-il en inspirant profondément. « Mais si… si je t'apportais plus de preuves, est-ce que tu m'aiderais ? »
« Cela serait considéré comme de la trahison, Drago. »
Un sourire sombre apparut sur le visage de Drago.
« Sauf si j'ai raison, n'est-ce pas ? »
Severus se recula légèrement pour appuyer son dos contre le dossier de sa chaise et le toisa un long moment de ses yeux noirs.
« Si je comprends bien, tu essayes de me dire que tu penses que cet homme est le véritable Élu. »
« Oui. »
« Son nom. »
Drago baissa les yeux et un brin d'embarras perça dans sa voix.
« Je ne sais pas. »
Un soupir las échappa au professeur.
« Que veut-il de toi ? »
« Je ne suis pas sûr… »
« Comment entres-tu en contact avec lui ? »
« Je… c'est lui qui me contacte, je crois… »
Le visage de Severus se contracta légèrement, trahissant une pointe de mépris.
« Qu'est ce qui te fait penser que cet homme est celui qu'il nous faut ? »
Drago ouvrit la bouche pour répondre, mais aucun mot ne sortit. Tout ce qu'il ressentait, ce n'était que quelques impressions floues, des certitudes sans fondement solide, quelque chose d'indicible qui lui murmurait que cet inconnu était la clef de tout.
« Je… »
Severus secoua lentement la tête, contrarié.
« Tu crois ? Tu n'es pas sûr ? Tu ne sais pas ? Drago Malfoy, si tu veux renverser le pouvoir en place, il te faudra plus que des certitudes brouillées. Au train où tu vas, tu finiras pendu par ton propre camp si tu n'apportes pas autre chose que tes propres croyances. »
Drago se mordit la lèvre. Le professeur, comme toujours, ne mâchait pas ses mots, mais il avait touché juste.
« Drago, » reprit-il d'une voix plus mesurée, plus douce, « ne fonce pas tête baissée dans un mur. Prends du recul. Réfléchis. Fais toi discret. Ne te fie à personne et garde tout ce que tu viens de me dire pour toi jusqu'à ce que tu puisses prouver ce que tu avances. »
Le jeune homme sentit une vague de soulagement l'envahir.
« Tu me crois… »
Severus leva vers lui un regard fatigué.
« Y a-t-il déjà eu une seule fois où je ne t'ai pas cru ? »
.
.
Chapter 9: Arc de la résurrection - Chapitre 4
Notes:
Le récap de Sev’
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de Drago
Malfoy m’a apporté une fiole d’eau qu’il prétend issue du Styx. Je lui ai aimablement rappelé que les mythes ne sont que des mythes. Étrangement, je crois que le plus dangereux n’est pas l’eau, mais sa conviction bornée sur la légitimité de l’Élu.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 4 - réunion de l’Ordre ~ oOoOo
Albus Dumbledore lissa lentement sa longue barbe blanche.
« Bien. Nous avons concédé cette bataille à Tom, mais cela ne signifie pas que nous ayons perdu la guerre. Il nous appartient de tirer les leçons de nos erreurs et de nous relever, encore plus forts. »
Il se tourna vers Neville, qui, assis à l'écart, semblait vouloir se fondre dans les ombres.
« Approche mon garçon. »
Drago jeta un regard impassible sur le jeune homme recroquevillé sur lui-même. Il retint un soupir d'exaspération. À ses yeux, cet ‘Élu’ ressemblait davantage à un enfant effrayé qu’à un chef de guerre. Pourquoi tout le monde avait été si prompt à suivre un homme qui tremblait comme un lapin pris dans les phares d'une voiture ?
Neville s'avança timidement, évitant les regards des autres membres de l’Ordre. Dumbledore posa une main bienveillante sur son épaule.
« Je sais que cette épreuve a été difficile, mais je crois en toi. Les sorciers ont besoin de leur Élu. Tu es l’espoir de ce Monde. »
Au fond de la salle, Remus Lupin prit la parole d'une voix grave.
« Albus, j'ai vu Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom se relever après avoir été touché de plein fouet par un impardonnable. Comme si de rien n'était. Comment pouvons-nous lutter contre cela? Je pense qu'il y a quelque chose à son sujet que nous ne maîtrisons pas encore. Est-il… est-il possible qu'il soit devenu invulnérable ? »
Un murmure inquiet parcourut l'assemblée. Molly Weasley serra avec anxiété la main de son mari. Dumbledore secoua la tête, refusant d'entretenir l'idée.
« Non, il n'est pas invincible. Il a des faiblesses que nous pouvons exploiter. Neville manque encore de maturité et de concentration. Avec plus d'entraînement, il sera en mesure de se dresser face à lui. N'est-ce pas mon garçon ? »
Neville hocha vaguement la tête, les yeux écarquillés, et Drago se sentit presque désolé pour lui.
Cela faisait vingt-six ans qu'il servait la même rengaine. Vingt-six ans à répéter que « l'Élu manquait d'entraînement », qu'« avec un peu plus de discipline » il serait enfin capable de tenir tête au Mage Noir. À ce stade, ce n'était plus de l'optimisme, c'était du déni pur et simple.
Il y avait manifestement un problème ailleurs, plus profond, plus structurel et, si ce discours avait pu tenir les cinq premières années, quand tout le monde croyait encore à la grande prophétie salvatrice, il avait depuis longtemps dépassé sa date de péremption. À un moment, il fallait peut-être avoir l'honnêteté de changer de disque et d'arrêter de rejeter systématiquement la faute sur leur pauvre abruti d'Élu.
Ho, bien sûr, Longbottom n'était pas totalement innocent non plus. Depuis le temps, il devait, lui aussi, s'être rendu compte qu'il n'était pas ce que les autres prétendaient et qu'il ne le serait jamais. Comment pouvait-il encore jouer le rôle qu'on lui collait sur le dos depuis la naissance ? Comment pouvait-il continuer à hocher la tête, à accepter docilement chaque nouvel ordre, chaque nouvel entraînement absurde qui ne menait nulle part ?
Il aurait dû se rebeller depuis longtemps. Mordre. Griffer. Claquer des portes. Hurler qu'on se trompait de personne. Forcer l'Ordre à regarder la vérité en face au lieu de la repousser discrètement sous un tapis.
C'en était presque aberrant : ils avaient la preuve sous le nez et pourtant certains continuaient à s'accrocher à l'idée qu'un jour, par Merlin sait quelle improbable illumination céleste, Neville deviendrait le héros qu'ils attendaient, celui du Monde Sorcier. Une métamorphose spontanée, du cafard en papillon, comme si le simple fait d'y croire très très fort pouvait transformer cet homme terne en sauveur incandescent. Et ceux là même, à l'instar de Granger, s'obstinaient à pousser ce pauvre garçon vers... Drago leva les yeux au ciel... vers quoi d'autre que la mort, en fait ?
Au fond, l'Ordre n'agissait plus par véritable conviction depuis longtemps. Ils fonctionnaient par peur. Par instinct de survie.
Cet Élu raté était devenu un paratonnerre commode : un bon petit bouc émissaire à brandir devant la population pour en détourner la colère, préserver l'image de l'Ordre, éviter que quiconque ne regarde de trop près leurs propres erreurs.
Un fusible humain, pratique et jetable.
Et, par Salazar, était-il donc le seul Anglais à comprendre quelque chose d'aussi élémentaire ?
Non. Certainement pas.
Simplement, les autres fermaient les yeux. Parce que c'était plus simple comme ça, n'est-ce pas ? Plus confortable de se laver les mains et de laisser le poids du monde reposer sur les épaules du mauvais homme, plutôt que d'admettre qu'ils étaient tous, collectivement, en train d'échouer.
Sirius se redressa, le regard flamboyant.
« Nous devrions frapper vite et fort, montrer que nous ne reculons pas. Nous avons perdu Poudlard, ce qui, si je puis dire, est un véritable désastre. Notre priorité est claire : reprendre le château au plus vite ! »
Il frappa du poing sur la table, faisant sursauter Hermione, assise à côté de lui.
Le rire grinçant de Severus retentit dans la salle.
« Et quoi, Black ? Tu veux tous nous conduire à la mort en fonçant tête baissée, comme un chien enragé ? »
« Oh, bien sûr, tu as sans doute déjà prévu un plan, Snivellus. Peut-être t'enfermer dans ton donjon pour concocter des potions, pendant que nous, nous nous battons et mourrons pour de vrai, dehors ? »
Severus, le dos droit, croisa les jambes avec mépris.
« Frapper sans réfléchir ne nous mènera qu'à davantage de pertes inutiles. Peut-être pourrais-tu avoir un peu plus de considération pour ceux qui sont tombés hier au combat ? »
« De la considération ? »
Sirius, rouge de colère, se leva brusquement et fit un pas menaçant en direction du potionniste. Remus le retint d'un bras, mais il continua, la voix vibrante de rage.
« Tu crois que je ne connais pas la douleur ? Que j'ai oublié ceux qu'on a perdus ? Ces gens-là, c'étaient mes amis, Snape ! Mes compagnons ! Et toi… toi, tu fais semblant d'être au-dessus de tout, de tout savoir, mais tu sais quoi ? Tu es seul. Et tu veux qu'j'te dise ce que tout le monde pense tout bas ? T'es pas là pour nous, Snape. T'es là pour laver ta putain de conscience. C'est ça la vérité ! »
Le nom (celui qu'on ne prononçait jamais) n'avait même pas été dit. Pourtant, il résonna dans la pièce comme un coup de tonnerre. Sirius n'avait pas besoin d'être plus explicite. Tout le monde savait, tout le monde se souvenait : Snape, dans sa jeunesse, avait prêté allégeance au mauvais camp. Il avait suivi les idées de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom avant de faire brusquement volte-face. Encore aujourd'hui, malgré sa loyauté à l'Ordre, cette ombre-là planait au dessus de lui. Indélébile.
Drago jeta un bref regard au Maître des Potions. Il n'avait jamais connu tous les détails (personne ne les connaissait), cependant, il soupçonnait que Lily Potter n'était pas étrangère au revirement soudain de Severus. Ce n'était pas un sujet dont on parlait, mais il y avait des silences, des regards, des absences de démenti... Et c'était largement suffisant.
Ce qu'il savait clairement, en revanche, c'était que son mentor s'était détourné de cette voie juste à temps ; avant que le Mage ne commence à marquer les siens comme un propriétaire le faisait avec son bétail.
La Marque, Drago l'avait vue sur le bras de son père : suintante, boursouflée, pulsant sous la peau comme une bête vivante. Immonde. Une disgrâce incrustée dans la chair. Il savait que c'était un acte d'humiliation pure, une mutilation consentie par servilité, un renoncement volontaire à une partie de son humanité. Et il remerciait Merlin que son professeur n'ait jamais eut à subir la même chose que Lucius Malfoy. La simple idée qu'il ait pu porter cette chose lui soulevait le cœur.
C'était aussi pour cette raison qu'il estimait que Lily Potter, quoiqu'elle ait fait, méritait un respect qu'il n'accordait presque jamais à personne.
Severus s'était figé sous l'assaut verbal de Black et sa mâchoire se crispa douloureusement. Ses doigts, entrelacés sur la table, blêmirent sous la pression. Il ne prononça pas un mot, mais ses yeux sombres devinrent soudain encore plus durs qu'ils ne l'étaient déjà.
Sirius, de son côté, fulminait, jetant des regards furieux sur chaque membre de l'Ordre.
« Combien d'autres ? Combien de sorciers, de familles, de vies devrons-nous sacrifier en attendant ainsi, comme des lâches ? »
Le Maître des Potions finit par lever les yeux, dardant sur Black un regard glacial.
« Les pertes sont inévitables. Nous le savons tous. Ce que tu ne sembles pas comprendre, c'est que l'émotion et la colère ne nous mèneront nulle part. »
Le ton monta et Sirius fit mine d'armer son poing, mais la voix ferme de Dumbledore le coupa dans son élan.
« Assez. »
Son regard clair se posa tour à tour sur les deux hommes.
« Les divergences de stratégie peuvent être utiles, mais pas dans ces circonstances. Nos forces sont déjà affaiblies. Je préfère voir l'énergie que vous dépensez à vous quereller, mise au service de l'Ordre. »
Hermione, qui était restée silencieuse jusqu'alors, prit la parole.
« Peut-être devrions-nous concentrer nos efforts sur l'amélioration de nos sorts de défense et de protection ? Si nous ne pouvons pas l'attaquer de front, peut-être pourrions-nous au moins protéger ceux qui sont menacés ? »
« Et si nous sollicitions l'aide des créatures magiques ? » proposa Arthur Weasley. « Les goblins, les dryades... Peut-être seraient-ils disposés à nous soutenir. »
Dumbledore secoua la tête.
« J'ai essayé à plusieurs reprises de les rallier à notre cause, mais ils sont bien trop imprévisibles. Leur allégeance est changeante et nous ne pouvons pas nous permettre de compter sur des forces aussi instables. Je ne souhaite pas leur donner plus d'importance que nécessaire. Le soutien des sorciers sera suffisant. »
Lupin intervint à nouveau, plus blême encore qu'à l'accoutumé.
« Pourtant, face à un ennemi aussi puissant, nous aurions besoin de tous les alliés possibles. »
« Il a raison. » Ajouta Tonks. « Nous ne pouvons pas nous permettre de rejeter une aide potentielle. »
Dumbledore les regarda tour à tour.
« Je comprends vos préoccupations, mais la sécurité de nos membres prime avant tout. Nous devons avancer avec prudence. J'essayerai néanmoins de recontacter les centaures. Peut être m'écouteront ils, cette fois... »
Drago sentit une pointe d'agacement monter en lui. Le vieil homme ne jurait toujours que par les centaures. Comme si le monde magique n'abritait pas une myriade d'autres créatures capables d'infléchir le cours d'une guerre...
Les géants dissidents, par exemple. Ils en avaient d'ailleurs un représentant dans leurs rangs, n'est ce pas ? Son regard glissa vers la silhouette massive de Rubeus Hagrid, assis un peu en retrait, tassé dans une chaise qui menaçait de rendre l'âme sous son poids.
On oubliait toujours ce type. On ne l'écoutait jamais. On le reléguait au fond de la salle comme un mauvais élève encombrant. Drago trouvait cela étrange.
D'accord, le demi-géant avait des idées stupides. Très stupides. Parfois suicidaires. Souvent illégales. Toujours dangereuses. Il avait cette manie d'aimer des choses qu'aucun esprit sensé n'apprécierait.
Mais de là à lui refuser une vraie place autour de la table ? C'était absurde.
L'homme hirsute avait une force brute phénoménale et il aurait pu, d'une seule main, repousser quatre ou cinq Mangemorts à la fois. Peut-être plus s'il avait eu une mauvaise journée. Et avec son obsession pour les créatures en tout genre, il y avait là un potentiel mortel qu'on aurait pu exploiter.
Mais non.
On le laissait dans son coin, le plus loin, si possible, des négociations.
Si il fallait faire une petite liste des alliés potentiels, il y avait aussi les esprits des forêts, certaines colonies de gobelins, comme l'avait souligné Weasley père, les vampires, les draugar des Hautes-Terres, et même, pourquoi pas, quelques veela ? Toutes ces espèces étaient dangereuses, imprévisibles, parfois hostiles… mais pas totalement inaccessibles.
Bien sûr, elles ne répondraient pas toutes présentes. Certaines demanderaient un prix, d'autres exigeraient un pacte et quelques-unes voudraient probablement un sacrifice que l'Ordre n'oserait jamais admettre publiquement. Mais au moins, elles représentaient des options.
Cette prudence excessive ne faisait que les ralentir. Et pendant ce temps, Vous-Savez-Qui renforçait son emprise.
Il détourna les yeux et son regard se posa sur Neville, qui fixait le sol, abattu.
« Peut-être que Neville a besoin de plus de soutien ? » Lança Ginny, brisant le silence. « Nous pourrions l'aider à s'entraîner, à gagner en puissance ? »
« Une idée louable, Mademoiselle Weasley. » Approuva Dumbledore avec un léger sourire. « Nous devons montrer au monde que nous veillons les uns sur les autres. Molly, avez-vous encore des contacts à La Gazette du Sorcier ? Faites donc passer l'information et organisez quelques séances photos. Et Xenophilius, peut-être pourriez-vous relayer cela dans Le Chicaneur ? Je veux que les sorciers voient à quel point Neville s'investit pour eux. »
Severus soupira discrètement, mais suffisamment pour que Drago le remarque. Il était clair que le Maître des Potions partageait certains de ses doutes.
Une immense chape de fatigue sembla soudainement peser sur ses épaules.
Il avait besoin d'air. D'un peu de solitude. De sortir de cette foutue salle et de penser à autre chose, juste un instant.
Il se leva, discrètement, et quitta la réunion sans un mot.
.
Chapter 10: Arc de la résurrection - Chapitre 5
Summary:
.
Le récap de Sev’
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de vie de Drago
L’Ordre a tenu conseil. Albus continue de transformer Longbottom en mascotte médiatique. Sirius aboie sans jamais mordre et personne ne propose rien d’utile. Pendant ce temps, à Poudlard, le Seigneur des Ténèbres doit bien rire.
.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 5 - DM & miroir ~ oOoOo
.
Drago se pencha au-dessus du lavabo et passa lentement ses mains sous l'eau froide. La morsure glaciale le fit frissonner, mais il laissa, plusieurs minutes durant, le filet couler le long de son visage.
Il se redressa enfin, ferma les yeux, inspira profondément, puis les rouvrit pour se scruter dans le miroir.
Il avait l'air épuisé.
Il était toujours beau, évidemment, mais marqué. Ses traits étaient tirés et d'affreuses cernes violacées le vieillissaient de bien dix ans de plus.
Il détestait se sentir aussi vulnérable.
La réunion n'avait rien arrangé, au contraire. Chaque mot, chaque dispute, avait érodé un peu plus de ce qu'il lui restait de patience.
Sérieusement… est-ce que Black et Severus ne pouvaient pas simplement se foutre sur la gueule une bonne fois pour toutes, puis enterrer la hache de guerre comme deux adultes civilisés ? Ils étaient censés être dans le même camp, non ? Défendre la même cause ? Pas passer leurs réunions à s'envoyer des piques à moitié assumées, des allusions à peine voilées !
« Blablabla, à l'époque tu as fait ceci-cela... » et les deux hommes replongeaient, tête la première, dans leurs querelles d'adolescents. Et bien entendu, les deux autres crétins de la bande (Potter et Pettigrew) trouvaient toujours le moyen d'alimenter le brasier, volontairement ou pas. De véritables soufflets sur pattes.
Des quatre calamités, ne restait que Lupin, qui semblait posséder un semblant de maturité, de calme, de cerveau fonctionnel. Le seul capable de dire plus de deux phrases d'affilée sans envenimer la situation.
Quel enfer.
À ce stade, Drago se demandait si le Mage Noir n'était pas finalement la partie la plus simple de cette satanée guerre.
Il soupira. C'était comme si chaque jour passé ici grignotait une petite part supplémentaire de lui-même.
Il devait se ressaisir.
L'une des rares choses que Lucius lui avait inculquées (et sans doute la seule vraiment utile, si l'on omettait la maîtrise des Impardonnables, l'usage méthodique des Arts Noirs et la manière de tordre la magie pour en faire un instrument de mort), était que l'apparence physique était indissociable de la politique.
Un conseil paternel d'une étonnante, désarmante, simplicité, en vérité. Si l'on devait le résumer à sa substance la plus brute, cela tenait en deux phrases :
'Soyez beau ; soyez entendu.'
Lucius n'avait jamais eu besoin d'aller plus loin. Chez les Malfoy, c'était un axiome, une vérité universelle, une loi naturelle, qui s'appliquait d'office sur eux.
C'était devenu, pour Drago aussi, une règle absolue : même quand on vous détestait, la beauté pouvait faire vaciller les certitudes, taire les préjugés et ouvrir les portes que le reste de votre personnalité (ou de votre arbre généalogique) claquait à votre nez.
Il passa une main dans ses cheveux, repoussa une mèche blonde, presque argentée, qui retomba souplement devant ses yeux.
Ce n'était pas qu'il soit indésirable ici… mais si son nom lui avait sauvé la vie lors de son petit séjour chez les mangemorts, il avait aussi détruit une belle part de la confiance que l'Ordre aurait pu lui accorder. On n'était pas spécialement fréquentable quand on était l'unique rejeton du bras droit du Seigneur des Ténèbres.
Merde.
Ça faisait chier.
Après tout ce qu'il avait fait, tout ce qu'il avait risqué, tout ce qu'il avait sacrifié… ça faisait vraiment chier.
La pensée que c'était la seule raison qui le séparait du garde-chasse de Poudlard l'avait déjà traversé.
Il grimaça, écœuré.
Le demi-géant avait probablement plus de force brute, de loyauté et d'honnêteté que Drago… mais il n'avait aucune des armes sociales nécessaires pour s'asseoir à une table de décision. La différence se trouvait donc ici : l'héritier Malfoy n'avait pas eu besoin de se battre pour obtenir un siège : son beau minois, sa langue acérée, son Sang Pur et ses manières éduquées avaient fait tout le travail.
Pas qu'on l'écoutât beaucoup, évidemment. Mais il était là. Il siégeait, même si c'était d'une manière bancale et frustrante.
Alors qu'il coupait le robinet, une pulsation aiguë lui traversa la tempe. Il grinça des dents : il devrait vraiment consulter pour ça. Ce n'était plus un simple mal de tête, mais une espèce de coup de marteau : sec, précis, toujours au même endroit, qui martelait sa boîte crânienne. Une pression étrangère s'insinua derrière son front. Il avait l'impression que quelque chose forçait le passage, cherchait un interstice, une faille, un accès à l'intérieur de son esprit.
La pièce sembla perdre une ligne, comme si un sort venait d'en gommer un contour. Le miroir se troubla. Le reflet devint voilé, instable, et le lavabo et les carreaux du carrelage semblèrent se décaler d'un millimètre. Cela ressemblait à une membrane fragile qui séparait deux versions superposées du monde.
Il inspira un peu trop vite et pressa ses longs doigts contre son front. Le mal de tête se resserra sur son cerveau.
Soudain, il ne resta plus rien : la douleur se dissipa aussi rapidement qu'elle était venue. Le contraste le laissa vacillant. Il se frotta les yeux, agacé, et battit des paupières. La salle d'eau, autour de lui, retrouva son unité.
Il soupira, résigné, et se détourna.
Un mouvement, dans l'angle de son champ de vision, l'arrêta net. Il revint brusquement vers le miroir et retint son souffle.
Son reflet… souriait.
Pourtant, il en était convaincu, lui ne souriait pas du tout.
Un frisson courut le long de son dos et il passa lentement ses doigts sur les commissures de ses lèvres pour en être certain. Son reflet imita son geste.
Drago fronça les sourcils.
« C'est toi ? » murmura-t-il en effleurant de ses mains la surface glacée du verre.
Son double inclina doucement la tête sur le côté. Drago, déconcerté, recula d'un pas. Il tenta de rompre l'angoisse qui montait en lui avec un sarcasme.
« T'es vraiment flippant. Tu ne peux pas t'y prendre autrement pour me contacter ? »
Il n'obtint aucune réponse, mais, alors qu'il s'observait, quelque chose changea : lentement, ses yeux perdirent leur éclat gris métallique pour se teinter d'une couleur profonde de vert émeraude. Intense, hypnotique. Fasciné, il se pencha en avant pour mieux se détailler et la pensée que cette couleur lui allait presque mieux que ses propres yeux le traversa un court instant.
« Un chat m'a dit que tu n'étais pas quelqu'un de très fréquentable. Tu as un avis là-dessus ? »
Le reflet haussa les épaules, un demi-sourire méprisant accroché aux lèvres, et Drago ne put s'empêcher de lui sourire en retour.
« Qu'est-ce que tu attends de moi, exactement ? » demanda-t-il, tout bas. Il avait la vague impression d'être un schizophrène en plein délire.
Pour toute réponse, son reflet s'avança légèrement pour souffler sur la surface lisse du miroir. Une fine buée se forma et, du bout du doigt, il y traça un dessin.
Drago plissa les yeux.
Les lignes apparurent progressivement : de petits traits incertains, tremblants, formant les contours d'un bâtiment qu'il connaissait bien. Les tours élancées, les larges fenêtres… cela ressemblait indéniablement au manoir de sa famille.
« C'est… chez moi ? » souffla-t-il.
Chez moi.
Le mot resta bloqué dans sa gorge. En réalité, il n'y était plus vraiment le bienvenu : la porte du manoir Malfoy s'était refermée sur lui le jour où il avait choisi la résistance.
Il y retournait parfois, discrètement, à des heures où personne ne pouvait le surprendre. Plus par nostalgie que pour autre chose. Depuis, la demeure n'était plus qu'un lieu qu'il connaissait par cœur mais qu'il traversait comme un fantôme.
Il soupçonnait que son père était au courant de ses intrusions. Les elfes, les tableaux, les sorts de protection… il n'y avait aucun moyen pour qu'il l'ignore. La résidence était une forteresse bourrée d'yeux, d'oreilles et de bouches qui voyaient et répétaient tout. S'il avait voulu l'arrêter, il aurait pu le faire.
Mais non : Lucius restait surprenamment silencieux. Et ce silence, ambigu, était plus inquiétant que sa colère.
Quoiqu'il en soit, il restait à Drago, de son enfance, cette étrange attirance pour ces long couloirs richement décorés, ces tapisseries qui avaient vu passer tant de générations et cet écho familier, quand il arpentait les sols de marbre, qui lui rappelait qu'il avait, un jour, appartenu à quelque chose de plus grand que lui...
Son reflet acquiesça légèrement dans le miroir.
C'était donc bien le Manoir. Comment ce type… pouvait-il connaître leur demeure ?
Il ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais son double souffla de nouveau sur la glace, traçant cette fois-ci une forme plus simple, rectangulaire.
Il fronça les sourcils.
« Qu'est-ce que c'est ? Une brique ? Excuse-moi, mais si tu voulais rejoindre les Beaux-Arts, tu devrais y réfléchir par deux fois. »
Son jumeau haussa les yeux au ciel avant d'ajouter, agacé, une plume à côté du rectangle.
« Oh… est-ce que c'est un livre ? »
L'autre secoua négativement la tête.
Non. Bon. Il fallait donc jouer au jeu des devinettes.
« Un cahier ? »
Cette fois-ci, c'était une oscillation indécise. Drago grogna, légèrement frustré, sentant qu'il approchait du but.
« Un carnet ? »
Même oscillation.
Il soupira.
« Je ne sais pas… un… un journal intime ? »
La main de son double s'écrasa silencieusement contre le miroir. Drago releva les yeux sur lui : il semblait terriblement excité.
« Je vois, alors… il y a un journal intime que tu veux que je trouve… au… Manoir ? Jamais entendu parler. »
Son reflet fronça les sourcils et, d'un doigt, dessina un bonhomme bâton. Drago ricana en le voyant ajouter de longs cheveux.
« Ne me dis pas que c'est mon père… Tu veux que je trouve le journal intime de mon père ? »
Cette fois-ci, ce fut le poing de son double qui s'écrasa sur la glace. Il semblait exaspéré et Drago sentit aussitôt la colère monter en lui.
« Et bien pardon, Monseigneur, mais je n'y peux rien si tes dessins sont merdiques ! Tu m'as déjà parlé, non ? Pourquoi tu n'utilises pas la même méthode ? Tu es juste ridicule ! »
Les deux yeux verts le fixaient, furieux. Il se vit former deux mots silencieux.
« Quoi ? Recommence ! » Il essaya de se concentrer. « Trop… compliqué ? C'est trop compliqué de parler avec moi ? »
Le reflet hocha la tête.
Drago sentit sa colère monter encore d'un cran.
« Et donc ? Est-ce que c'est de MA faute ? Est-ce que tu trouves ça juste de passer tes nerfs sur moi pour quelque chose que TU n'arrives pas à faire ? Je te rappelle que c'est toi qui est venu me chercher, hein ! Moi je ne t'ai rien demandé du tout ! »
Malfoy s'arrêta, essoufflé, et s'observa, d'un air furibond, dans le miroir. Il se trouva soudain insupportable. L'autre pencha lentement la tête sur le côté, interloqué. Il ne semblait pas habitué à ce qu'on lui tienne tête. Un sourire amusé flotta un instant sur ses lèvres et il désigna de nouveau le mini-Lucius dessiné.
Drago soupira. Il voulait en finir avec ces devinettes. Rentrer chez lui.
« Est-ce que le journal appartient à mon père ? »
Oscillation.
« D'accord. Est-ce que mon père est en possession de ce que tu cherches ? »
Un grand sourire naquit sur les lèvres de son double.
Enfin.
Drago laissa échapper un soupir de soulagement. Malheureusement pour lui, son calvaire ne faisait que commencer. Il le sut quand il vit de nouveau ses doigts s'agiter sur la glace. Il leva les yeux au ciel, désespéré.
Cette fois-ci, c'était une sorte d'énorme S. Un S auquel il avait ajouté deux petits crocs. Un serpent ? Son double sembla lire dans ses pensées, car il ajouta soudainement deux minuscules personnages au pied de la bête.
Bon.
« Un énorme serpent alors ? »
Le reflet pencha légèrement la tête, comme s'il était en train de lui dire : « Voyons, Drago, je sais que tu es plus intelligent que ça. » Et, même si aucun son ne circula entre eux, le blond finit par en prendre légèrement ombrage.
« Un dragon ? »
Non. Visiblement, ce n'était pas ça non plus.
Il inspira et reprit, hésitant, les yeux plissés.
« C'est un animal, n'est-ce pas ? »
L'autre se pencha soudainement sur le dessin, impatient, avant d'ajouter dans la buée, sur la tête du S, une couronne.
Un souvenir lointain émergea en Drago. Si c'était bien ce à quoi il pensait, alors il s'agissait d'une créature extrêmement rare : le Roi des Serpents… un basilic ?
Le reflet se redressa et un sourire moqueur flotta un instant sur ses lèvres.
C'était donc bien un basilic… Pourquoi un basilic ? Merlin ! Cette énigme devenait de plus en plus opaque.
Son autre lui traça à nouveau le rectangle tremblant du journal, avant d'y apposer la gueule du basilic, juste au-dessus, comme s'il allait mordre la page.
Drago écarquilla les yeux, incrédule.
« Attends… tu veux que… qu'un basilic morde ce… journal ? »
Son double acquiesça lentement et son sourire s'élargit encore de quelques centimètres, comme s'il savourait le moment.
Est ce que ce type se foutait de sa gueule ? Un basilic ? Rien que ça ?
Il sentit la colère revenir en lui comme une vague brûlante.
« Et comment je suis censé faire ça, exactement ? Au cas où tu l'ignorerais, les basilics ne courent pas les rues. Et même si, par miracle, j'arrivais à mettre la main sur du venin, je ne vois pas comment tout ça peut se corréler logiquement ! »
Il marqua une pause et un rire incrédule lui échappa.
Il voulait bien l'aider, cet homme.
Il voulait bien le porter à bout de bras, le présenter à tout le pays comme la seule alternative valable au catastrophique Élu actuel, le montrer comme celui qui pouvait mener la guerre à son terme.
Il voulait bien se battre à ses côtés, même si cela impliquait de changer d'allégeance.
Il accepterait même, selon les conditions, de le considérer comme une espèce de déité bizarre et de régulièrement lui apporter des offrandes.
Mais un basilic, bordel ! Il y avait des limites au raisonnable !
Quelqu'un frappa à la porte et Drago tourna soudainement la tête. Quand il reporta son attention sur le reflet, ses yeux étaient redevenus orageux.
.

Chapter 11: Arc de la résurrection - Chapitre 6
Notes:
.
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de vie de Drago
Malfoy discute avec son miroir. Le reflet a des yeux verts, un humour discutable, et lui confie une quête ridicule : trouver un journal intime et le faire mordre par un basilic. Toute cette histoire me fatigue, vous n'imaginez même pas…
.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 6 - DM & journal TMR ~ oOoOo
.
Drago soupira, contrarié, et fit tomber, d'un geste de baguette, l'échelle qui menait au grenier du Manoir.
Il avait profité de l'absence de son Père pour s'infiltrer, en toute discrétion, dans la demeure familiale. (Jusqu'à ce qu'un elfe ou qu'autre chose ne le dénonce, bien entendu. Rien ne restait jamais longtemps secret, ici, de toute façon.)
Leurs relations n'étaient pas vraiment au beau fixe depuis que Drago avait décidé de tourner le dos au Seigneur pour rejoindre l'Ordre.
À vrai dire, ça n'allait pas fort depuis longtemps déjà.
Il se souvenait encore de la froideur avec laquelle Lucius avait réagi lorsqu'il avait, en première année, osé se lier d'amitié avec Ronald Weasley : un Gryffondor issu d'une famille honnie par l'aristocratie.
Drago lui-même n'avait jamais su expliquer ce qui l'avait attiré chez ce garçon roux au pull trop grand. Trop bruyant, un peu idiot et affreusement pauvre… bref tout ce qu'un Malfoy était censé mépriser. Et pourtant… c'était arrivé. Comme si une force capricieuse l'avait poussé dans cette direction. Pas qu'il ait regretté, non. Mais il y avait dans ce choix quelque chose d'irrationnel qu'il n'arrivait pas à comprendre.
Il essuya, dédaigneusement, la poussière d'une malle, fit sauter la serrure d'un 'Alohomora' puis souleva le couvercle, si lourd qu'il crut que les gonds allaient céder. À l'intérieur, il trouva des vêtements d'un autre siècle soigneusement pliés : soie, brocart, velours noir.
Sans intérêt.
Il soupira, balaya le grenier du regard ; partout, des malles identiques. Il allait y passer l'après-midi. Parfait.
Quand il avait choisi de suivre Dumbledore, cela avait scellé ce qui restait de sa relation avec son Père. Étrangement, il n'avait pas été renié ou déshérité, mais ce n'était pas pour autant qu'il lui avait pardonné la trahison.
Drago n'avait jamais vraiment compris Lucius.
Il s'était attendu à un drame familial : cris, menaces, hurlements. Il aurait préféré ça. Mais, à la place, son Père s'était simplement contenté de le fixer, longuement, avec une expression qu'il n'avait jamais su interpréter. Une colère froide ? Du mépris ? Ou autre chose ? Puis Lucius lui avait tourné le dos, sans un mot.
Ils ne s'étaient plus vraiment reparlés depuis.
C'était comme si son Père l'avait effacé. Pas comme on raye un nom sur un arbre généalogique, non. Plutôt comme on referme un livre qu'on n'a absolument pas envie de finir. Sans haine, sans passion. Juste avec ce terrible détachement dont lui seul était capable.
Et c'était peut-être ça, au fond, qui faisait le plus mal.
Il s'agenouilla devant une seconde malle, plus basse, cloutée de ferrures ternies. Celle-ci n'avait pas de serrure : le loquet grinça quand il l'ouvrit. L'intérieur exhalait une odeur de camphre et de parchemin moisi. Il écarta une vieille cape d'apparat brodée d'un M serpentiforme, souleva un éventail de plumes grises. Il trouva, en dessous, un assortiment de livres. Des ouvrages anciens, certains sans titre, d'autres marqués du sceau de la famille : généalogies, grimoires, traités sur la magie de sang. Il en prit un au hasard, le feuilleta distraitement, puis le reposa.
Ce n'était pas ce qu'il cherchait. Il se redressa un peu trop vite et ses genoux craquèrent désagréablement sous lui.
Il avait cru, au début, qu'il ne se remettrait jamais de cette séparation. Après tout, il avait toujours été un enfant choyé et il avait horreur de se retrouver seul. Mais, quand il avait constaté que sa Mère lui envoyait toujours, avec constance, des lettres et que son Père continuait de renflouer son compte bancaire chaque mois, il s'était dit que, finalement, un peu d'indépendance ne lui ferait aucun mal.
Et puis il lui restait toujours Severus. Bien qu'il n'en fasse pas partie, Drago l'avait toujours considéré comme un membre de sa famille.
… Bon sang !
Combien de foutues malles avait-il ouvertes depuis qu'il était arrivé ? Dix ? Vingt ? Trente ? Son cerveau refusait de compter, par instinct de survie. Cette tâche était si affreusement ennuyeuse qu'il en venait à douter de sa propre existence.
Et pourquoi, au juste, n'ordonnait-il pas à un foutu elfe de s'en charger ? C'était littéralement leur travail, non ? Il donna un coup de pied rageur dans une boîte, dont le couvercle sauta bruyamment.
De toute façon, il ne savait même pas à quoi ressemblait ce qu'il cherchait. Peut-être que tout cela n'était qu'un immense délire. Peut-être qu'il avait juste eu un AVC en regardant son reflet et que son cerveau s'amusait depuis à lui envoyer des hallucinations à la noix.
Bordel.
Il claqua violemment le couvercle d'une énième malle.
Et ce type, là. L'autre beau gosse aux yeux verts. Est-ce qu'il ne s'était pas foutu de sa gueule, franchement ? Plutôt que de dessiner dans la buée des trucs imbitables qu'aucun être humain normalement constitué ne pouvait reconnaître, il aurait pu, je ne sais pas… ÉCRIRE, par exemple ?
Il ouvrit une autre malle à la volée. Ses gestes devenaient de plus en plus nerveux.
Le type avait de la chance que Drago ait un faible pour les jolis minois, sinon il aurait déjà lâché l'affaire. Non mais sérieusement ! Capable de faire couler littéralement de l'eau des Enfers à travers un tableau, mais pas foutu de venir chercher lui-même un journal ? Il jura entre ses dents.
Il tomba sur une robe de cérémonie noire, brodée d'or et de runes d'apparat, ainsi que sur une collection complète de masques de bal, en cuir de dragon, qui gisait au fond d'un coffret laqué. Il dénicha une montre à gousset en argent terni, qui vibrait étrangement à chaque fois qu'il en refermait le couvercle. Un carnet de bal jauni listait les conquêtes d'un aïeul, avec des annotations terriblement cruelles sur chacune d'elles.
Plus loin, il découvrit une dague cérémonielle en argent, décorée de serpents entrelacés et enveloppée dans du velours noir, une pile de lettres scellées, jamais envoyées, adressées à des sorciers morts depuis longtemps, une plume de paon, jadis utilisée pour signer des traités de sang, des bons du Trésor du Ministère de la Magie, émis pendant la guerre des Gobelins, ainsi qu'une boîte à musique à double fond… contenant une unique photo de Lucius adolescent.
… Mais toujours pas de journal intime.
Drago se redressa, les jambes engourdies, le dos en compote. Il avait l'impression d'avoir vieilli de dix ans. Ses yeux balayèrent une nouvelle fois le grenier et il sentit le découragement le submerger. Il n'était même plus sûr de ce qu'il cherchait. Et s'il se trompait d'endroit depuis le début ? Rien ne disait que ce foutu journal était là.
Rien ne disait qu'il existait, d'ailleurs.
Il rejeta la tête en arrière, les yeux perdus dans l'enchevêtrement poussiéreux des poutres. Un mince filet de lumière filtrait à travers une lucarne sale, rendant l'atmosphère vaguement surnaturelle.
Sa main se posa machinalement sur la besace. Il sentit, à travers le tissu, le petit flacon et une pointe d'inquiétude le troubla un instant. Il en avait bavé pour mettre la main sur ce fichu venin de basilic. Ce truc était introuvable. Dangereux. Illégal. Et Severus l'aurait probablement écorché vif s'il l'avait surpris à fouiller dans ses réserves.
Il serra les dents.
Une seule minuscule goutte pouvait tuer un troll adulte. Et voilà que ce type aux yeux verts voulait en verser sur un vieux journal. Drago baissa le regard vers sa besace, perplexe.
Mais ce n'était que du vieux papier… non ?
Il secoua la tête, rouvrit une malle, sans conviction. Une paire de bottes de chasse, cirées mais jamais portées. Dans la suivante, des piles de linge brodé au fil d'argent, soigneusement empaquetées dans du papier de soie jauni.
Il referma le couvercle un peu plus brutalement que nécessaire.
« J'en ai assez. »
Il se redressa, les mains sur les hanches. Il en avait marre de jouer aux archéologues dans la poussière et l'odeur rance du grenier lui soulevait le cœur. Et si quelqu'un (n'importe qui) osait lui reprocher de ne pas avoir trouvé ce foutu journal, il ferait un scandale. Un vrai. Avec hurlements, menaces et sortie théâtrale.
Il fit un pas vers l'échelle.
Avant de s'immobiliser.
Un picotement venait de lui saisir le bout des doigts. Une sensation si subtile qu'il ne s'en était pas aperçu auparavant. Peut-être la fatigue avait elle fini par éroder ses défenses, par amplifier ses perceptions ?
Il fronça les sourcils, hésita. Quelque chose venait de changer. C'était vague, mais familier. Comme une présence. Discrète, enfouie, poisseuse.
Il porta la main à son nez et laissa ses narines se dilater un instant. Maintenant qu'il se concentrait, il y avait une odeur. Comme un relent de feu éteint depuis longtemps, mêlé à un parfum de moisissure, d'herbes sèches et de décomposition. Une puanteur discrète, camouflée par celle de la poussière, mais qui lui serra brièvement la gorge.
C'était peut-être idiot, mais quelque chose, dans l'air, lui semblait… corrompu.
Il fit lentement volte-face et balaya du regard l'espace qu'il venait de fouiller.
Des malles. Évidemment.
Mais l'une, à l'écart des autres, attira son regard. Elle n'avait rien de particulier. Même taille, même bois noirci, même serrure banale. Et pourtant… quelque chose l'appelait : une pression sourde, quelque chose… qui n'aurait jamais dû être ici.
À mesure qu'il s'en approchait, le malaise s'accentuait. C'était une impression de vide, ou de présence dissoute. Un écho. Le genre de chose que seul un sorcier élevé à reconnaître les traces, les résidus de magie noire pouvait capter.
Et Drago savait la reconnaître : il avait grandi avec elle, avait été instruit, très jeune, à distinguer les sortilèges anciens, les enchantements illicites, les objets qu'on ne touchait pas (ou du moins pas sans précaution).
Ce qu'il y avait là, n'avait rien d'une simple relique maudite.
Il posa la main sur le couvercle. Il y eut une résistance ténue, comme si le coffre refusait de s'ouvrir. Puis il céda enfin.
À l'intérieur, Drago trouva quelques papiers, un flacon vide, un mouchoir brodé et, au milieu de ce fatras, un banal carnet : couverture de cuir noire, coin abîmé, aucune inscription.
Dès que ses doigts effleurèrent la reliure, il sut.
C'était ça. Il ne pouvait pas expliquer pourquoi. Il le savait, simplement.
Et il n'aimait pas ça du tout.
Il déposa précautionneusement le carnet au sol, avant de se redresser d'un bond, le souffle court. Il fouilla fébrilement dans l'une des malles, parmi les objets éparpillés. Ses doigts se refermèrent enfin sur la dague cérémonielle. Elle était parfaite pour le job. Le métal tiédit aussitôt contre sa paume.
Sans plus attendre, il tira de sa besace une paire de gants en cuir de dragon (les plus épais qu'il ait pu trouver) et les enfila avec soin. Puis il dévissa lentement la fiole de venin de Basilic. Une odeur âcre s'en échappa, suffocante. Il n'osa pas la respirer.
Il se concentra pour ne pas que ses mains tremblent. Une goutte. Deux. Le liquide verdâtre coula sur la lame d'argent. Aussitôt, un désagréable grésillement se fit entendre. Une fine vapeur s'éleva et le métal frémit entre ses doigts.
Drago devait faire vite.
Sans hésiter davantage, il brandit la dague et la planta de toutes ses forces au centre du journal. La lame transperça le cuir dans un craquement quasi organique.
La réaction fut immédiate : un puissant souffle jaillit du carnet, repoussant l'air autour de lui. Les poutres en bois du grenier gémirent. La dague vibra, plus fort encore, sous sa main, brûlante malgré les gants. Un instant, il crut entendre un rire ou un hurlement.
Puis… plus rien.
Il relâcha le manche de l'arme, qui frappa le sol dans un tintement funèbre et creux, répercuté dans tout le grenier. Cela lui rappela vaguement ces cloches que l'on sonnait lors des enterrements : une note grave, étirée, qui annonçait le glas.
Le carnet fumait. La reliure noircie s'était fendue par endroits. Et, au centre, là où la lame avait frappé, la marque du venin s'était propagée en veines sombres, comme si le cuir en avait lui-même été infecté.
Drago recula, haletant.
Il ne savait pas ce qu'il venait de faire.
Mais il savait que ça ne serait pas sans conséquence.
.

.
.
Chapter 12: Extrait du journal de Severus S. - Entrée 26
Notes:
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de vie de Drago
Malfoy passe son après-midi à ouvrir des malles pleines de vieilleries inutiles. Après avoir geint, râlé, et pesté, il finit par trouver un journal et y plante une dague enduite de venin de basilic… Tiens… d'ailleurs… il me semblait pourtant que j'en avais, dans mes réserves ?
Chapter Text
.
OoOoO Extrait du journal de Severus S. - Entrée 26. oOoOoO
.
Je n'ai eu le fin mot de l'histoire que plusieurs jours plus tard, et uniquement parce que j'ai menacé Drago de la pire des façons ; celles qu'il savait parfaitement que je mettrais à exécution.
Le fait est que je n'avais, à l'origine, qu'un minuscule soupçon : un flacon avait disparu de mes réserves personnelles. Pas n'importe lequel, évidemment. L'un de ceux qui n'apparaissent sur aucun inventaire et pour cause : il contenait du venin de Basilic.
Il ne m'a pas fallu longtemps pour identifier le coupable. Drago n'a jamais su se montrer discret. Il rôdait, depuis quelques semaines déjà, devant ma réserve. Trop silencieux, trop soucieux de paraître inoffensif. Une erreur de débutant. (Merlin ! Mais que lui reste-t-il de ses cours d'infiltration ?)
À propos du venin de Basilic.
Cet ingrédient est l'un des poisons les plus puissants et les plus instables du monde magique. Une seule goutte suffit à arrêter un cœur en moins d'une minute. Deux, et c'est un corps entier qui se nécrose de l'intérieur.
Son obtention est un processus aussi délicat que dangereux : d'abord, il faut un Basilic adulte. (Ce qui, en soi, réduit considérablement la liste des fournisseurs potentiels.)
Ensuite, il faut prélever le venin avant que la créature ne frappe. Ce qui suppose d'endormir un serpent de quinze mètres doté d'un regard mortel, de crochets capables de percer une armure de titane et d'un instinct aussi prompt que celui d'un Nundu affamé.
Autant dire que seuls quelques fous, ou quelques Maîtres Potionnistes très bien renseignés, s'y risquent encore.
J'en possédais donc quelques millilitres que je conservais précautionneusement à l'abri de la lumière. Et le flacon avait disparu. Drago aussi, mais seulement par intermittence ; des absences brèves, jamais vraiment dissimulées. J'ai attendu son retour et j'ai posé la question, sans détour.
Il a nié, bien entendu. Puis il a esquivé.
Et enfin, lorsque j'ai précisé le nom exact du sortilège que j'étais prêt à employer pour lui faire cracher la vérité, il a fini par craquer.
Je n'ai, bien évidemment, pas l'intention de me lancer dans une biographie détaillée de M. Malefoy (fils), ni de m'épancher, plus que nécessaire, sur ses déboires récents ; il le fait très bien lui-même, à grands renforts de soupirs, de silences tragiques et de remarques passives-agressives.
Quoiqu'il en soit, Drago, après avoir détruit le journal (nous ignorions alors tous de quoi il s'agissait), ne s'en était pas débarrassé. Il l'avait conservé, par précaution. Par instinct peut-être. Caché, avec une prudence maladive, dans un endroit que lui seul connaissait.
(Il n'a jamais voulu m'en révéler les détails et je doute qu'il le fasse un jour.)
Il m'a avoué avoir observé le journal sous toutes les coutures, l'avoir retourné, palpé, flairé, gratté… à la recherche d'un sens, d'une confirmation. N'importe laquelle.
Il n'a trouvé qu'une marque : un filigrane, à peine visible, pressé dans le cuir, au coin gauche de la deuxième de couverture. Trois lettres : TMR.
Et c'est tout.
Puis il a attendu.
Des jours. Puis des semaines. Il espérait un signe. Un mot. Un indice. Une apparition fugace. Mais cet homme au regard fiévreux, que lui seul prétendait voir et que personne d'autre n'avait jamais rencontré, n'a plus donné signe de vie.
Pas un murmure. Pas une ombre dans un miroir. Rien. Silence absolu.
Évidemment, Drago n'a rien dit. Mais je le connaissais : il doutait. De tout. D'avoir détruit le bon objet, d'avoir mal compris les instructions. Il espérait ne pas s'être trompé, mais n'en était pas certain. Et, surtout, il commençait à craindre pour sa propre santé mentale : de finir comme sa tante et d'être dévoré par des visions ou des illusions déviantes.
La guerre, soudain, nous a rappelés à l'ordre. La chute de Poudlard nous avait déjà laissés exsangues, mais ce n'était que le début. Le château avait toujours été plus qu'un bastion : c'était un symbole. Sa perte a provoqué une onde de choc que nous n'avons jamais vraiment pu contenir.
Les défaites se sont enchaînées (pire encore qu'auparavant) et les positions ont cédé, une à une. Dans les Highlands, le petit hameau de Caerforwyn a été retrouvé vidé de ses habitants, les maisons carbonisées, les toits fondus. L'Épine Blanche, un village frontalier pourtant discret, réputé pour ses potionnistes, a cessé, du jour au lendemain, toute communication avec l'extérieur. À Kirklane, c'est une nuée d'Inferi qui a émergé du loch. Nous n'y avons retrouvé que des os, entassés dans les granges comme du bois mort.
Même les sorciers qui s'étaient terrés en dehors du Royaume-Uni n'étaient plus à l'abri. Il ne restait bientôt que des caches. Et même celles-ci devenaient rares.
Le dernier bastion d'Aurors indépendants a cédé à peine une semaine plus tard. Même la réserve de la Banque Nationale d'Angleterre, dont on disait autrefois qu'elle était imprenable, a été siphonnée sous notre nez.
Certains ont déserté. D'autres ont changé de camp. Et ceux qui sont restés… ont été réduits à se battre pour maintenir une ligne de défense que l'on savait déjà condamnée.
Nos réseaux d'information ont été pulvérisés. Nos soutiens politiques se sont évaporés. La situation géopolitique était catastrophique. Même les factions alliées, à l'étranger, ont cessé de répondre.
Nous n'avions plus le luxe de nous attarder sur des énigmes. J'ai fini par passer à autre chose et le journal que Drago avait ramené du manoir Malfoy est tombé dans l'oubli.
Et, alors que je pensais qu'il était, lui aussi, passé à autre chose, il s'est soudain remis en mouvement. Frénétiquement. Comme un possédé.
Il passait des heures à errer dans la bibliothèque commune, les bras chargés d'ouvrages poussiéreux dont la plupart n'étaient plus consultés depuis des décennies. Il laissait derrière lui des piles de grimoires entrouverts, annotés à la hâte, parfois même déchirés par agacement.
Et quand il n'était pas là, il était ailleurs. Disparu. Des journées entières. Sans prévenir, sans expliquer. J'ai fini par cesser de poser des questions : Drago n'est peut-être pas doué pour le mensonge, mais il est parfaitement capable de se taire quand il le veut vraiment.
Il m'a glissé, un jour, d'un ton presque détaché, qu'il avait été « recontacté ». Il n'a pas dit par qui. Il n'en a pas eu besoin.
Son regard suffisait. J'y ai vu cette lueur étrange, fiévreuse, vacillante ; la même qu'avaient ceux qui suivent un prophète que personne d'autre ne voit.
Il m'a dit qu'il allait « ouvrir une porte ». Je me souviens de la manière dont il a prononcé ces mots : lentement, comme s'il récitait quelque chose de sacré, mais sans y croire complètement. Il avait l'air d'un garçon perdu qui traverse une tempête, prétendant qu'il sait nager.
Cela m'a pris du temps, mais j'ai peu à peu compris ce qu'il cherchait : il rassemblait des objets aux propriétés précises. Des ingrédients que seuls ceux qui s'intéressent de trop près à l'invocation savent nommer.
Il a demandé, à voix basse, comme un voleur, s'il existait encore des Portoloins menant vers les montagnes Polonaises.
Et j'ai compris : il allait tenter un rituel.
Un artefact.
Un maléfice.
Un sacrifice.
L'ancienne trinité. Celle que même les plus endurcis évitent, tant elle exige.
Et croyez-moi, j'ai assez pratiqué la magie noire pour le savoir : aucun sort fondé sur cet équilibre ne mène à quoi que ce soit de bon.
On n'ouvre pas impunément une porte entre les mondes.
Pas sans qu'autre chose n'en profite pour passer.
.

.
Chapter 13: Arc de la résurrection - Chapitre 7
Notes:
.
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de Drago
Malefoy a volé du venin de basilic, a transpercé avec une dague un vieux journal, puis l'a gardé comme un rat cache son pain. Des semaines plus tard, il affirme qu'on l'a 'recontacté' et se met à assembler de quoi réaliser un rituel interdit.
.
Chapter Text
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 7 - DM & le rituel ~ oOoOo
.
Le lac frémissait légèrement sous le vent. Sa surface sombre trahissait une eau glaciale. Les chênes centenaires encerclaient la rive et leurs troncs massifs semblaient s'étirer à l'infini jusqu'à une canopée si dense que le soleil lui-même ne s'y risquait pas.
La lumière manquait et l'imposante falaise de la montagne qui le surplombait n'aidait certainement pas.
Tout semblait baigner dans une pénombre constante et humide.
L'air, chargé d'odeurs de mousse et de bois en décomposition, semblait se bloquer dans la gorge de Drago sans vouloir en ressortir. Il avait la désagréable impression de suffoquer dans l'épais silence. (Pourtant, s'il avait tendu l'oreille, il aurait probablement entendu le bruissement distant des feuilles, le bourdonnement étouffé d'un insecte et le cliquetis voilé de l'écorce que le froid contractait par à-coups.)
Le vent glissa sournoisement entre les arbres pour s'insinuer jusqu'à lui et il frissonna en resserrant instinctivement sa besace sur son ventre, les doigts crispés sur la sangle de cuir.
Arriver jusqu'ici avait été un calvaire : il avait pataugé dans des tourbières, glissé sur des racines visqueuses et trébuché plus de fois qu'il ne voudrait bien l'admettre. Ses chaussures de ville, élégantes mais parfaitement inadaptées à une randonnée mortelle en forêt, étaient trempées et couvertes d'une boue puante et collante. Le bas de son pantalon était dans un état lamentable et il n'osait même pas penser à ce que diraient les Elfes de Maison en voyant l'état général de sa tenue.
Il ferma les yeux et inspira profondément, la tête levée vers le ciel. L'air glacé s'engouffra dans ses poumons comme une lame et lui arracha un gémissement étouffé. Sa poitrine se contracta douloureusement et il toussa, le souffle court.
Ses doigts se crispèrent un peu plus sur son sac. Putain. Il y avait intérêt à ce que ça en vaille la peine.
Le tronc de l'épicéa, couché en travers de son chemin, était glissant sous l'épaisse couche de mousse verte qui le recouvrait. Drago y posa une main pour s'équilibrer et passa péniblement par-dessus. Ses chaussures s'enfoncèrent dans le tapis humide de feuilles mortes de l'autre côté et il grimaça d'écœurement. Il avança de quelques pas, jusqu'à ce que ses pieds touchent presque la rive du lac.
L'eau noire miroitait faiblement sous la lumière grise qui perçait à travers la canopée. Le lac tout entier semblait respirer, doucement, délicatement, comme une créature endormie. Il resta immobile un long moment, les yeux rivés sur sa surface lisse.
Il avait longuement hésité à venir ici.
Pour être tout à fait honnête, il n'était pas certain de vouloir savoir si ses visions étaient réelles ou juste le fruit d'une violente commotion cérébrale. La simple idée qu'il obéissait peut-être à une défaillance de son esprit, une qui lui faisait entendre et voir des choses qui n'existaient peut-être pas, le fit frissonner.
Drago soupira profondément et jeta un regard accablé à ses mocassins boueux. Quelle idée stupide d'être venu crapahuter dans une forêt millénaire avec des chaussures si peu adaptées. Il les retira avec précaution, pinçant les lèvres de dégoût lorsqu'un filet d'eau trouble s'échappa de l'une d'elles.
Ses chaussettes étaient détrempées, collées à sa peau comme une seconde chair froide. Affreusement désagréable.
Il fit demi-tour, enjambant maladroitement une racine noueuse pour revenir jusqu'au tronc moussu. Là, il les étendit précautionneusement sur l'écorce humide. Il fixa un instant les morceaux de tissu qui pendouillaient misérablement et pria intérieurement pour qu'aucun insecte bizarre ne vienne y élire domicile.
Quand il eut remonté son pantalon à hauteur de ses genoux, il s'agenouilla au bord du lac et fouilla dans son sac en cuir usé. Ses doigts rencontrèrent d'abord une petite fiole et Drago la sortit avec précaution, la tenant du bout des doigts comme si le verre risquait de se dissoudre à son contact.
L'eau du Styx.
Enfin, prétendument du Styx, se reprit-il intérieurement avec un petit reniflement méprisant.
Un artefact.
Il reposa, avec soin, la fiole sur une pierre plate, puis extirpa de sa besace une petite boîte en bois sombre, nouée par une ficelle grossière. Il l'observa un instant, le nez froncé, avant de la poser à son tour. Il n'avait pas pu se résoudre à tuer un animal. Il n'en avait eu ni le cœur, ni le courage.
Alors, lorsqu'il était tombé sur ce cadavre, au détour d'un sentier, il y avait vu une porte de sortie. Un compromis. Un sacrifice sans culpabilité. Il espérait simplement que cela serait… suffisant.
Un sacrifice.
Il déposa son sac un peu plus loin, à l'abri de l'humidité rampante du rivage, avant de prendre une longue inspiration. Finalement, il s'avança, un pied après l'autre, jusqu'à ce que ses orteils touchent l'eau.
Il ravala un hoquet de surprise. Il s'attendait à ce qu'elle soit froide, bien sûr, mais pas à ce point. Ce n'était plus de l'eau, c'était de la glace liquide, une entité vivante et malveillante qui se faufilait sous sa peau et se lovait sournoisement autour de ses os.
Son cœur manqua un battement, un souffle rauque s'échappa de sa gorge et il recula d'un pas, pris d'un réflexe animal.
« Si ça continue comme ça, je vais mourir d'hypothermie avant même d'avoir commencé… »
Il hésita.
Tout son corps lui hurlait de faire demi-tour pour fuir cette eau noire. Il voulait rentrer chez lui. Se glisser sous une couette et ne plus en ressortir avant trois ans.
Ses pieds s'enfoncèrent dans l'épaisse vase visqueuse et il se força à faire un nouveau pas vers le centre du lac. Ses jambes, ankylosées, protestaient à chaque mouvement.
Il trébucha soudain sur une pierre dissimulée sous un amas d'algues. Il perdit l'équilibre et, dans une maladroite tentative pour se rattraper, lâcha la boîte qu'il serrait contre lui.
« Non ! »
Elle oscilla un instant à la surface, portée par une bulle d'air emprisonnée, puis lentement, elle bascula sur le côté. Le couvercle s'entrouvrit sous la pression de l'eau et le cadavre du lièvre glissa mollement hors de son petit cercueil. L'eau ondula doucement autour du corps inerte, dessinant des cercles concentriques qui s'éloignaient de lui en frémissant.
Les yeux vitreux de l'animal fixaient le ciel gris avec indifférence. Sa fourrure blanche, souillée de taches sombres, s'imbiba d'eau, et le sang qui maculait son pelage s'y dilua lentement, formant de fines traînées rougeâtres à la surface du lac.
Drago resta figé, les jambes tremblantes, incapable de détourner le regard. Une sensation froide et poisseuse s'agrippa à son ventre.
C'était immonde.
Une brise légère frôla sa nuque et il frissonna violemment.
Bien.
Il tira sa baguette. Ses lèvres, bleues de froid, articulèrent péniblement le sort.
« Imitatio Vitae »
Le corps du lièvre tressaillit, agité par de petits spasmes nerveux, et sa tête se redressa d'un coup sec avant de retomber mollement. Pendant un bref instant, ses pattes bougèrent maladroitement sous la surface de l'eau, comme s'il tentait de nager.
Drago retint son souffle. Il savait que ce n'était pas vraiment de la vie, (juste une illusion, une copie grossière) mais il espérait que cela serait suffisant.
Voir l'animal mort se débattre dans l'eau noire lui retourna l'estomac et il sentit une bile amère lui remonter dans la gorge. Il était sur le point de détourner les yeux lorsqu'un bruit sourd, venu du fond du lac, résonna dans ses os.
Quelque chose vibra dans l'air.
Le corps du lièvre fut soudain happé vers le fond : une force invisible l'entraîna brusquement dans les profondeurs, dans une gerbe d'eau glaciale. Les cercles concentriques se multiplièrent, affolés, avant de s'évanouir et une série de petites bulles creva la surface.
Puis tout redevint parfaitement calme.
Drago resta immobile, figé dans l'eau jusqu'aux genoux, le regard rivé sur l'endroit où le cadavre avait disparu.
Il attendit.
Une seconde. Deux. Dix.
Rien.
Une vague d'appréhension serra sa poitrine. La nature entière semblait s'être arrêtée. Son souffle forma un nuage blanchâtre dans l'air glacial alors qu'il baissait les yeux vers la fiole qu'il tenait toujours dans sa main tremblante. Le verre était froid, presque brûlant contre sa peau glacée.
Il déboucha brusquement le flacon. Un léger 'pop' retentit quand le bouchon sauta et une odeur métallique, âcre et stagnante, lui piqua les narines. Il l'inclina au-dessus du lac et y versa son contenu. Les gouttes tombèrent une à une, formant de petits cercles éphémères avant de s'estomper, comme si elles n'avaient jamais existé.
Drago secoua le petit récipient de verre pour en extraire la dernière goutte, puis il le laissa tomber. Il s'enfonça doucement dans l'eau, tournoyant lentement avant de disparaître sans bruit sous la surface sombre.
Le vent s'engouffra entre les arbres, faisant frissonner les feuilles et agitant le lac. L'écho lointain d'une branche qui craquait, quelque part dans la forêt, lui parvint. Mais rien d'autre ne se produisit. Pas d'odeur, pas de vapeur inquiétante. Aucune lumière spectrale, aucune secousse sous ses pieds, aucun grondement venu des entrailles du lac.
Rien.
L'eau resta parfaitement lisse, comme si elle venait d'avaler son offrande avec indifférence.
Elle arrivait désormais au milieu du ventre de Drago, engourdissant chaque parcelle de sa peau sous le tissu détrempé de son pantalon et de sa chemise. Il n'avait même pas remarqué qu'il s'était avancé un peu plus loin. Il sentit quelque chose se nouer dans son ventre, une pointe d'angoisse, un doute sournois, qui rampa jusqu'à ses tempes.
Il fouilla nerveusement dans la poche intérieure de sa veste pour agripper un morceau de parchemin froissé et humide. Il le déplia avec précaution et ses yeux parcoururent l'encre presque entièrement effacée.
Un maléfice.
Heureusement que l'homme l'avait aidé. Sans lui, traduire ces lignes aurait été impossible. Il relut mentalement le sort qu'il connaissait désormais par cœur : du latin, du grec et... et une autre langue, plus ancienne encore, qu'il ne connaissait pas. Il avait pu en traduire une partie et cela ressemblait à quelque chose comme : Viens à moi en traversant les ombres. Vaincre la mort et ramener ton âme.
Rien de bien engageant…
Il inspira profondément pour se donner du courage.
« Ad me transire per umbras. Mortem vincere, animam redire. »
Le cri rauque d'un corbeau déchira le silence, suivi par le battement lourd de ses ailes. L'écho résonna longuement le long des flancs de la montagne et ce ne fut que lorsque le calme revint que Drago comprit qu'il avait retenu son souffle tout ce temps.
L'eau frôlait presque sa poitrine désormais. Il déglutit difficilement et sa voix chevrota légèrement lorsqu'il poursuivit.
« Pros emè dià tōn skiôn badíze. Tòn thánaton nikân, tèn psychèn anakaleîn. »
Le vent s'engouffra violemment entre les branches des chênes et leurs troncs craquèrent sinistrement sous la pression.
Une sensation poisseuse et froide enveloppait ses chevilles, le tirant doucement vers le fond. Drago tenta de reculer d'un pas, de se dégager, mais la boue gluante maintenait ses pieds fermement ancrés au sol. Il mit plus de force dans ses mouvements, mais chaque effort l'enfonçait un peu plus.
L'eau lui arrivait maintenant aux épaules.
Merlin ! Il avait pied lorsqu'il était entré dans ce lac. Comment… ?
Il leva son bras un peu plus haut, pour ne pas mouiller le parchemin. La main tremblante, il prononça la dernière partie du sort.
« Vereu lha'a serann taul'ombra. Morthen quaal, animar drereth. »
Et le soleil s'éteignit.
Cela ne dura qu'un dixième de seconde, mais l'obscurité s'abattit sur la forêt avec une soudaineté terrifiante, comme si une gigantesque main avait recouvert le ciel, écrasant toute lumière sous une chape de ténèbres.
Les ombres s'étirèrent entre les troncs noueux, avalant chaque recoin, chaque fissure, chaque reflet sur la surface du lac. Le vent se tut brutalement et la forêt tout entière sembla mourir en un instant.
L'eau autour de Drago s'assombrit, devenant plus noire que l'encre, et une froideur nouvelle s'insinua en lui. Les vaguelettes qui léchaient son cou s'étaient immobilisées et devinrent aussi lisses qu'une plaque de verre poli.
Puis, aussi soudainement qu'elle avait disparu, la lumière revint.
Mais ce n'était plus tout à fait la même.
Le soleil était toujours là, pâle et blafard, comme filtré à travers une épaisse couche de brume huileuse, pourtant, quelque chose avait changé.
Drago n'osa pas bouger. Il n'osa même pas respirer.
Une tension sourde s'insinua dans ses muscles : une crispation primitive, viscérale, qu'il ne contrôlait absolument pas. Son corps savait avant lui que quelque chose n'allait pas. Un vertige le prit et il eut cette désagréable sensation de se tenir au bord d'un gouffre. Il vivait l'exact exemple de l'attente pénible avant la catastrophe et son instinct animal lui hurlait de tourner les talons, de s'arracher à cet endroit, de courir sans se retourner jusqu'à ce que ses poumons éclatent.
Fuir.
Disparaître.
Survivre.
Et, alors qu'il tergiversait avec lui-même, quelque chose, quelque part dans les profondeurs insondables du lac, répondit à son appel.
.

.
Chapter 14: Arc de la résurrection - Chapitre 8
Notes:
.
Le récap de Sev'Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de vie de Drago
Malefoy s'est enfoncé dans un lac glacial, y a noyé un lièvre déjà mort, marmonné trois langues mortes et, ce faisant, a eu la brillante idée de convoquer quelque chose venu tout droit des abysses. Il est fascinant de voir à quel point l'instinct de survie lui fait toujours défaut.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 8 - DM & la porte du lac ~ oOoOo
.
Une vaguelette froide gifla son visage, laissant une traînée glacée le long de sa joue. Drago inspira brusquement une goulée d'air brûlante et douloureuse et tenta de se dégager de la vase qui emprisonnait ses jambes. Mais ses pieds semblaient comme aspirés par une gueule affamée et chaque mouvement l'enfonçaient un peu plus dans l'eau.
Il pensa au lièvre.
À son petit corps sans vie, englouti dans les ténèbres du lac.
Une terreur pure le traversa.
Il ne voulait pas périr ici.
Pas que l'idée de mourir le révulse tant que ça ; il l'avait souvent attendue, la Mort, parfois même espérée, dans ces heures trop longues où la guerre ne lui laissait que la fatigue et le vide.
Ce qui l'épouvantait, c'était la solitude. Finir englouti dans un lac du fin fond de la Pologne, sans témoin, sans trace. Qu'aucune main ne ferme ses yeux. Qu'aucune voix ne prononce son nom. Qu'on ne retrouve jamais son corps, avalé par cette tombe liquide.
Et il y avait autre chose : il voulait connaître la fin de cette histoire. Aller jusqu'au bout. Comprendre ce que le destin avait encore en réserve pour lui et découvrir si cet homme aux yeux verts valait réellement la place qu'il occupait désormais dans sa vie.
Pas question de disparaître avant d'avoir eu cette réponse.
Il prit une profonde inspiration et plongea. Ses doigts tâtonnèrent à l'aveugle autour de ses chevilles, cherchant à les déloger de la bourbe qui les comprimait. Ses ongles s'enfoncèrent dans la boue visqueuse, tirant, grattant...
Rien ne bougea.
Il força davantage.
Il sentait le souffle prisonnier de ses poumons s'amenuir dangereusement. Finalement, il lâcha prise et se hissa difficilement vers la surface. Il toussa violemment. Il avait l'impression qu'un couteau déchirait sa poitrine. Il chercha l'air avec avidité. Ses épaules étaient secouées de spasmes. Une eau trouble collait ses cheveux à son front, ruisselait le long de ses joues.
Immonde.
Il était désormais immergé jusqu'au menton. Il releva la tête aussi haut que possible. Ses lèvres entrouvertes cherchaient désespérément un peu d'oxygène. Une nouvelle vague, plus forte cette fois, s'écrasa contre son visage et le submergea entièrement.
L'obscurité avala tout. Le silence se fit écrasant.
Il lâcha le parchemin. Le morceau de papier flotta un instant devant ses yeux avant de disparaître dans le néant aqueux.
Ses bras s'agitèrent frénétiquement alors qu'il tentait de remonter, mais chaque geste l'entraînait toujours plus profondément.
Il baissa les yeux et ce qu'il vit le figea d'effroi : là où aurait dû se trouver le fond du lac, il aperçut le ciel. Non. Pas le ciel. La canopée. Elle s'étendait sous lui, comme un miroir déformé de la surface.
C'était comme si le lac avait renversé le monde, le repliant sur lui-même : le haut était devenu le bas, et le bas, le haut. L'effet était vertigineux et Drago sentit un terrible frisson remonter le long de sa colonne vertébrale.
Il leva les yeux : la surface, au-dessus de lui, n'était plus qu'une ombre diffuse, loin, très loin.
Un hurlement muet déchira sa gorge et l'eau s'engouffra dans sa bouche. Elle était épaisse, poisseuse, et remplissait ses poumons comme du ciment liquide. Il suffoqua. Son corps se tordit convulsivement alors qu'il se débattait.
Quelque chose le frôla. Une ombre glissa près de son visage.
Il écarquilla les yeux, mais ne vit rien de plus.
Ses forces s'amenuisèrent. Ses gestes ralentirent : ses membres, lourds et engourdis, refusaient désormais de lui obéir.
Le froid arrêta soudainement de le mordre.
Il ne sentait plus rien.
Plus d'angoisse. Plus de douleur.
Juste une fatigue immense, écrasante.
Il cessa de se débattre.
Son corps flotta mollement, porté par le courant.
Il crut apercevoir une silhouette, une forme floue, immense, qui glissait lentement, silencieusement, devant ses yeux mi-clos. Mais il n'avait plus la force de s'en inquiéter.
Ses paupières s'alourdirent et il se laissa dériver.
Son esprit sombra doucement dans une obscurité confortable.
Drago ferma les yeux.
Et il laissa le néant l'engloutir.
.
~oOo~
.

.
~oOo~
.
Une poigne glacée se referma soudain autour de son poignet et une force surhumaine le tira vers le haut.
Drago sursauta. Un spasme nerveux secoua son corps engourdi. Ses poumons hurlaient désormais, ses oreilles bourdonnaient, tout son être se réduisait à cette traction brutale qui l'extirpait des entrailles du lac.
L'eau céda dans un grand bruit de succion et sa tête émergea enfin à l'air libre.
Le monde explosa.
Un chaos sonore assourdissant le frappa de plein fouet, si brutal, si violent après le silence épais d'où il venait d'être tiré. Chaque son semblait se fracasser contre ses tympans avec une intensité démesurée.
Les chants stridents des oiseaux perchés sur les branches des arbres. Le bruissement frénétique des feuilles agitées par le vent. Le bourdonnement nerveux des insectes. Le clapotis des vaguelettes contre la rive rocailleuse.
Une branche craqua sèchement, quelque part au loin, et ce son résonna jusqu'au fond de son crâne.
Tout était là, partout, en même temps.
Un bras solide et ferme était enroulé autour de sa taille et il s'y agrippa désespérément. Ses doigts crispés s'enfoncèrent profondément dans la chair de son sauveur et ses ongles griffèrent sa peau.
L'homme ne broncha pas.
La tête de Drago tournait, ses yeux le brûlaient, sa vision était floue, striée d'éclats lumineux. Il pouvait vaguement distinguer des mèches sombres, noires, collées contre un visage qu'il ne parvenait pas à discerner.
Son cœur affolé battait à tout rompre dans sa poitrine.
Mais une chose était sûre : cet homme (car c'était bien un homme, il pouvait le sentir à la solidité du torse contre lequel il était pressé, à la fermeté des muscles sous ses doigts glacés) le tenait fermement, sans la moindre hésitation, comme s'il ne pesait rien.
Drago sentit ses jambes flotter mollement sous l'eau. Ses lèvres tremblaient, sa mâchoire était verrouillée par le froid.
Une voix grave, familière, rompit enfin le silence.
« Respire. »
Ce simple mot, presque un ordre, résonna en lui avec la force d'un coup de tonnerre. Drago obéit, plus par réflexe que par volonté, et l'air glacé s'engouffra dans ses poumons en une goulée brûlante, douloureuse.
Il toussa violemment, rejetant des filets d'eau sombres, tandis que ses épaules se secouaient sous l'effort.
Il était… vivant.
Les doigts du brun se resserrèrent un peu plus autour de lui, ramenant doucement sa tête contre son épaule.
Drago ferma les yeux, incapable de lutter davantage contre l'épuisement qui s'abattait sur lui.
Les vagues léchaient toujours son corps ankylosé, mais pour la première fois depuis ce qui lui semblait être une éternité, il n'avait plus peur de sombrer.
.
~oOo~
.
La première chose qu'il entendit fut le battement assourdissant de son sang dans ses tempes.
Puis, lentement, le monde prit forme autour de lui : le bruissement du vent à travers les arbres, le crépitement d'un feu proche, l'écho lointain d'un corbeau...
Une chaleur hésitante caressa sa joue, probablement un rayon de soleil filtrant à travers la canopée.
On l'avait allongé à même le sol. Il sentait ses doigts s'enfoncer dans un tapis humide d'herbe et de feuilles mortes. L'odeur de mousse et de terre saturait l'air.
« Eh bien… j'ai cru que j'allais encore te perdre. »
La voix était grave, posée, avec une pointe d'ironie tranquille. Drago ouvrit brusquement les yeux et il tenta de se redresser, mais le monde tourbillonnait autour de lui et il retomba lourdement contre le sol. Ses bras, tremblants, étaient encore incapable de soutenir son poids.
« C'est bon. Prends ton temps. Je ne suis pas pressé. »
Il tourna difficilement la tête vers sa gauche. Là, assis près d'un feu de camp, se tenait un homme qui fixait paresseusement les flammes qui y dansaient. Ses cheveux noirs retombaient en mèches humides autour de son visage et… et Drago le reconnut.
« C'est toi… » voulut-t-il murmurer, mais sa voix se brisa en un gargouillement inintelligible.
L'homme tourna lentement la tête vers lui et leurs regards se croisèrent enfin. Deux yeux verts, si intenses qu'ils semblaient presque phosphorescents dans la pénombre, se posèrent sur lui. Drago sentit un frisson lui parcourir l'échine.
« Ne parle pas. Laisse ta gorge se reposer un peu. »
C'était bien lui. Celui qu'il avait vu à travers le miroir, cette vision, si proche de la folie, avec laquelle il avait communiqué si longtemps...
C'était pour lui qu'il avait failli mourir.
Cela voulait aussi dire qu'il avait réussi sa mission. De... le faire... venir jusqu'ici.
Une vague de soulagement le submergea aussitôt.
« C'était idiot d'entrer dans le lac, Drago. Je te pensais pourtant plus futé que ça. Je t'avais bien dit, non, que cet endroit était millénaire ? La forêt de Białowieża est primaire et l'eau, ici, provient d'un ancien glacier. À quel moment t'es-tu dit que ce serait une bonne idée de réaliser un rituel aussi dangereux sans aucune précaution ? »
Le ton de l'homme était léger, un peu moqueur. Drago sentit la vive piqûre de l'injustice éclater dans sa poitrine. Ce type se permettait de le réprimander, comme il l'aurait fait avec un enfant, après qu'il ait risqué sa vie pour lui ?
Il attrapa maladroitement un petit caillou à sa portée et le lança en direction du brun, mais la pierre retomba pitoyablement à quelques centimètres de lui.
L'homme haussa un sourcil et un coin de ses lèvres s'étira en un sourire narquois.
« Qu'est-ce que tu espérais accomplir, exactement ? Est-ce que tu tentais de me lapider ? Sois sérieux, tu n'arrives même pas à te lever. »
« Je t'ai sorti de ton trou de merde ! » s'emporta Drago. L'indignation semblait l'avoir revigoré, même si sa voix était encore brisée.
Le brun rit. Un rire grave et vibrant, qui ricocha contre la paroi rocheuse voisine. C'était un son chaud, enveloppant, qui contrastait violemment avec la froideur environnante. Puis, avec une souplesse féline, le type se redressa pour glisser jusqu'à lui. Ses mains se placèrent fermement de chaque côté de sa tête alors qu'il se penchait au-dessus de lui.
Le souffle de Drago se bloqua dans sa poitrine. À cette distance, il pouvait voir chaque détail : la mâchoire carrée, les pommettes saillantes, les mèches de cheveux humides collées à son front. Mais surtout, ses yeux. Deux abysses vertes, comme des pierres précieuses rongées par un feu spectral, divin. Quelque chose d'inhumain y brûlait, une lueur qui semblait vouloir dévorer le monde.
Il sentit sa gorge se serrer sous ce regard et détourna brièvement les yeux, mais ses prunelles revinrent presque aussitôt glisser le long des lignes acérées de son cou, de ses épaules larges, jusqu'à longer l'os de sa clavicule.
L'homme le laissa faire, immobile, un sourire amusé sur les lèvres.
« Ça fait des mois que tu connais mon nom. Mais je ne t'ai toujours pas demandé le tien. » Maugréa difficilement Drago.
Le brun inclina légèrement la tête et son sourire s'élargit, dévoilant une rangée de dents blanches, bien trop parfaites.
« Non, tu te trompes : ça fait des siècles que je connais ton nom. »
« Des siècles ? Qu'est-ce que ça veut dire ? »
Le brun esquissa un sourire narquois.
« Un siècle, c'est cent ans, Drago. Donc je suppose que 'des siècles'… hé bien… »
« Ce n'est pas ce que je demande ! »
Merlin ! Ce type allait le rendre fou ; et il se délectait visiblement de son irritation. Drago le fusilla d'un regard courroucé, mais l'homme conserva un calme imperturbable. Un silence passa entre eux, comme s'il jaugeait s'il devait en dire plus. Enfin, après de longues secondes, il estima qu'il pouvait lâcher quelques informations supplémentaires.
« Quand je dis 'des siècles', je parle de souvenirs qui n'existent pas ici. Parce que je ne viens pas de ta ligne de vie. »
Drago plissa les yeux.
« Pas de ma ligne de vie ? Qu'est-ce que ça veut dire encore ? »
« Imagine un pays étranger… »
« Comme l'Italie ? »
Un rire bref.
« Non. Pas l'Italie. Plutôt une autre Angleterre. »
« Une autre… Angleterre ? »
« Une autre version, oui. Comme un miroir qui refléterait le tien… mais déformé. Dans le mien, les visages sont les mêmes, mais les rôles, eux, changent. »
Drago cligna des yeux, déstabilisé.
« Une Angleterre parallèle ? »
« Si tu veux. Un monde où les choix ont mené ailleurs. Où l'Histoire ne s'est pas écrite de la même façon. »
Le blond plissa légèrement les paupières, incrédule. Ce n'était pas une idée à laquelle il avait déjà songé. Ce n'était même pas une idée qui lui paraissait concevable.
« Attends… Personne n'a jamais entendu parler d'un truc pareil. »
L'homme se pencha doucement vers lui.
« Je parie qu'il y a beaucoup de choses dont tu n'as jamais entendu parler… Drago. »
Il avait fait roulé son prénom au fond de la gorge, comme une caresse, un murmure qui vibrait directement dans sa poitrine. C'était beaucoup trop… intime.
Drago sentit une rougeur sournoise envahir ses joues. Il tenta de reprendre contenance en envoyant une pichenette dans le bras de l'homme.
« Ton nom. »
« Harry. Harry Potter. »
Jamais entendu parler. Le nom flotta un instant entre eux, dans l'air glacé. Il y avait comme une fierté tranquille dans la voix du type, comme s'il souhaitait défier le monde entier rien qu'avec ces deux mots.
« Potter ? » Drago fronça les sourcils. « Comme James et Lily Potter ? »
Maintenant qu'il le disait, la ressemblance était troublante. Harry semblait être une version plus jeune et peut-être plus… aiguisée de James. Une copie aux contours plus nets, à la présence plus écrasante.
Le sourire de l'homme se fana légèrement.
« Oui. Un peu comme eux. Sans être tout à fait ça. »
Drago aurait adoré creuser le sujet, mais une chape d'anxiété s'abattit soudainement sur lui quand il sentit le genou du brun frôler sa jambe. Il se rendit compte qu'il était piégé. L'autre était trop proche : son visage penché vers le sien, ses bras tendus de chaque côté de sa tête, bloquant toute échappatoire...
Si chaque respiration soulevait légèrement son torse, Drago, malgré leur proximité, ne sentait aucune chaleur émaner de l'homme. C'était comme si l'air lui-même refusait de se réchauffer autour de lui. Ou comme si ce type ne faisait pas vraiment partie du monde des vivants.
Un doute absurde traversa son esprit : et si ce n'était pas un sorcier qu'il avait devant lui, mais quelque chose d'autre ? Une créature remontée des profondeurs, vêtue de la peau d'un homme, venue achever ce que les flots n'avaient pas réussi à faire ?
Ou peut-être… peut-être n'était-il jamais ressorti du lac. Peut-être que tout ce qu'il percevait à cet instant n'était qu'un délire, une hallucination fabriquée par un cerveau mourant ?
C'était… trop pour lui.
Un grondement de frustration s'échappa de sa gorge alors qu'il tentait de repousser Harry du plat de la main. Sa paume rencontra la clavicule de l'homme. Sa peau était froide et ferme sous ses doigts. Il réalisa que, malgré sa posture détendue, l'homme ne bougeait pas d'un millimètre.
« Dégage de là. »
Le brun l'observa encore un instant, puis il se redressa enfin, avec une aisance désinvolte. Ses doigts glissèrent brièvement contre le sol, tout près de l'épaule de Drago, avant qu'il ne recule de quelques petits mètres pour retrouver sa place près du feu.
Un lourd silence s'installa entre eux. Il ne restait que le crépitement des flammes et le bruissement du vent dans les feuilles.
Drago reprit lentement son souffle, tentant de calmer les battements affolés de son cœur. Il voulut rassembler ses pensées, mais n'y parvint pas. Ce foutu type ! Ils venaient à peine de se rencontrer et il le rendait déjà fou.
Un courant d'air glacé s'infiltra sous sa chemise et il ne réalisa qu'à cet instant qu'il portait encore ses vêtements détrempés. Il grimaça. Il allait attraper la mort, à cette allure.
Il serra les mâchoires et rampa maladroitement jusqu'au feu. Ses doigts tremblants cherchaient désespérément la chaleur des flammes : il tendit les mains, presque jusqu'à les plonger dans les braises, et la brûlure mordante qui accueillit sa peau engourdie lui arracha un soupir rauque.
Enfin, il se décida, la mort dans l'âme, à retirer son haut. C'était la meilleure solution pour combattre le froid. Il se débattit un instant, maladroitement, avec ses manches, puis, une fois libre, il secoua le tissu détrempé et essaya de l'étendre près du feu.
De l'autre côté des flammes, Harry l'observait en silence. Son visage était éclairé par les reflets orangés de l'âtre, et ses yeux… Merlin… ses yeux verts brillaient d'une lueur indéchiffrable, comme s'il évaluait chacun des gestes du blond avec une évidente curiosité.
« Tu aurais dû enlever tes vêtements mouillés plus tôt. » Remarqua-t-il enfin avec une pointe de sarcasme.
Drago grinça des dents. Ce sale petit… Il prit sa voix la plus douce, la plus mielleuse :
« Je ne sais pas si tu avais remarqué, Potter, mais plus tôt, j'étais dans les vapes. C'est peut-être ça, la raison ? Tout ça parce que j'ai voulu aider Sa Seigneurie. Si j'avais su, je ne serais pas venu du tout. Ça aurait résolu bien des problèmes. »
Harry pencha légèrement la tête et un sourire malicieux effleura de nouveau ses lèvres.
« Si je comprends bien ce que tu es en train de dire, la prochaine fois, tu voudrais que ça soit moi qui te déshabille ? C'est noté. »
La fureur piqua Drago comme un aiguillon. Il s'empara de sa chemise et la jeta, sans réfléchir, au visage du brun. Mais au dernier moment, le tissu dévia de sa trajectoire et disparut dans les flammes dans un froissement désespéré.
« Non ! »
Drago tendit la main pour la rattraper, mais il était déjà trop tard.
Harry haussa un sourcil, faussement consterné.
« Je ne comprends pas trop… pourquoi répètes-tu constamment les mêmes erreurs ? »
C'en était trop.
Drago se releva d'un bond, vacillant légèrement sur ses jambes encore faibles. Il refusait de rester une minute de plus avec ce type. Il jeta un regard fébrile autour de lui, aperçut enfin sa besace, s'en empara, récupéra ses chaussettes et ses chaussures toujours étendues sur le tronc moussu et clopina, du mieux qu'il put, en direction de la forêt.
La voix d'Harry retentit derrière lui, posée.
« Où tu vas ? »
« Je rentre chez moi ! »
« Ce n'est pas la bonne direction… »
Drago s'arrêta net et pivota sur ses talons, à bout de nerfs. Harry s'était levé et l'avait rejoint, aussi silencieux qu'un prédateur à l'affût.
« J'en ai rien à foutre, putain ! J'en ai marre. J'ai froid. J'ai failli mourir. J'ai mal partout et j'ai aucune envie d'être ici avec toi ! Je veux juste me barrer d'ici ! »
Harry inclina légèrement la tête sur le côté.
« Tu n'as aucune envie d'être avec moi ? »
Il semblait soudain terriblement sérieux. Drago, déstabilisé, ouvrit la bouche pour répondre, la referma, la rouvrit, puis secoua la tête avec agacement.
« Oui. Non. J'en sais rien putain. »
Harry hocha gravement la tête, solennel.
« D'accord. Je te raccompagne. »
Et, avant que le blond ne puisse protester, il s'avança et le souleva dans ses bras avec une aisance déconcertante.
« Qu…Quoi? Mais repose-moi tout de suite! » s'écria Drago en battant des bras.
Harry ne répondit pas. Au lieu de cela, il s'engagea calmement entre les ombres de la forêt.
.
.
Chapter 15: Arc de la résurrection - Chapitre 9
Notes:
.
Le récap de Sev'Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de vie de Drago
Drago a presque réussi à se noyer dans un lac avant d'être tiré de là par un inconnu aux cheveux noir et aux yeux émeraudes. Il s'est présenté comme étant Harry Potter. Depuis, l'un tremble de froid, l'autre d'arrogance et, ensemble, ils inaugurent une relation fondée sur l'irritation mutuelle et une fascination à peine contenue.
.
Chapter Text
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 9 - DM & HP forêt ~ oOoOo
.
« Arrête de t'agiter. »
La voix grave d'Harry roula comme une avalanche, s'écrasant contre les nerfs déjà à vif de Drago qui cessa immédiatement ses invectives et replia instinctivement ses bras contre lui, pétrifié.
L'homme avançait d'un pas sûr, souple et silencieux, comme s'il connaissait chaque pierre, chaque racine sous ses pieds. Il ne trébuchait pas, ne glissait pas et se déplaçait avec une surprenante facilité.
Drago se souvint du chemin chaotique qu'il avait lui-même emprunté pour arriver jusqu'au lac : il avait perdu l'équilibre, chuté, râlé contre chaque branche. Et il n'avait même pas eu à porter un autre homme.
La vie pouvait parfois se montrer d'une monstrueuse injustice.
Ses yeux gris glissèrent le long des épaules du brun. Il pouvait deviner les muscles rouler sous le pull sombre, tendus par l'effort mais stables, solides. Il portait son poids avec une insultante aisance.
Drago soupira doucement et passa un bras autour du cou de son porteur. C'était bien plus confortable ainsi. Ses doigts s'accrochèrent timidement à l'encolure de son pull. C'était ce que l'on pouvait appeler : rendre les armes. Il laissa sa tête basculer en arrière, exposant sa gorge pâle à l'air glacé de la nuit. Il était épuisé. Son regard dériva vers les branches épaisses qui s'étendaient au-dessus d'eux. Avec la vitesse quasi-constante d'Harry, les feuillages semblaient se déployer, s'enrouler et se dérouler sur eux-mêmes, comme une mer d'écume verte et brune.
Il cligna paresseusement des yeux et ses pensées s'égarèrent quelque part entre le bruissement des feuilles et la régularité des pas de l'homme.
Il réalisa soudain qu'il était… détendu. Sa respiration s'était apaisée, son cœur avait ralenti et, pour la première fois depuis ce qui semblait être une éternité, il ne ressentait plus le poids du danger imminent. Son regard retomba sur le visage d'Harry, partiellement éclairé par la pâle lueur de la lune qui perçait parfois à travers une trouée dans la canopée.
« Nous allons à l'hôtel Zamek, ou tu veux que je te dépose ailleurs ? »
La voix de son porteur roula tranquillement dans l'air, sortant Drago de son étrange léthargie. Il redressa légèrement sa tête, les sourcils froncés.
« Comment sais-tu où je loge ? »
« Je t'ai observé. » Répondit Potter sans le moindre remord. « À travers les miroirs. »
Drago cligna des yeux. Sa bouche s'ouvrit légèrement avant de se refermer. Il semblait chercher ses mots.
« ...À travers les… Ok. Tu sais que ça ressemble vachement à un truc de serial killer, ça ? » Il leva les yeux au ciel avec exaspération avant de soupirer. « Tu peux marcher encore combien de temps ? »
« Dis-moi juste où tu veux aller. »
Drago hésita une seconde.
« Bon. Tu n'as qu'à nous emmener à Białystok. J'y ai un Portoloin pour Berlin. Puis on filera sur Londres. » Il marqua une pause, avant de continuer d'un air légèrement agacé. « En fait, à l'aller, je suis passé par Bagdad. Mais franchir les frontières, c'était la croix et la bannière. Des papiers, des interrogatoires… une vraie galère. Du coup, je me suis dit : pourquoi pas Grozny ? »
Harry hocha légèrement la tête, mais Drago continua sans attendre de réaction.
« Mais je me suis souvenu que, lors de mes dernières vacances là-bas, un vieil escroc avait essayé de m'arnaquer en me vendant à prix d'or des haggis. » Il leva les yeux au ciel avec un petit grognement. « Alors je préférerais éviter de passer par là cette fois-ci. »
Harry finit par demander :
« C'est quoi, des haggis ? »
Drago se figea.
« Pardon ? Tu ne sais pas ce que sont les haggis ? »
Pas de réponse.
Il cligna lentement des yeux avant de lever la tête vers les branches noueuses au-dessus d'eux, comme s'il s'adressait directement à la forêt elle-même.
« Vous avez entendu ? Il ne SAIT pas ce que c'est ! »
Harry soupira longuement, comme si sa patience venait d'être usée jusqu'à la corde. II n'avait décidément aucune résistance.
« Donc, on va à Białystok ? »
« Oui, Potter. On va à Białystok. Et pour ta gouverne, les haggis, c'est de la panse de brebis farcie. Une tuerie en Écosse. »
« Je suppose que je devrais remercier Merlin que le destin ne m'ait pas envoyé là-bas alors. »
« On sent bien que tu n'as jamais eu affaire à une mère écossaise en colère. Tu serais déjà en train de demander une deuxième portion. »
Les arbres cédèrent soudainement la place à une minuscule clairière. Au centre, serpentait tranquillement un ruisseau dont les eaux clapotaient contre des pierres moussues qui émergeaient de ça et là.
Il était clair et peu profond… mais Drago sentit son estomac se nouer à sa simple vue. Une part de son esprit lui murmurait que cette eau, aussi inoffensive semblait-elle, pouvait à tout instant se refermer sur lui, l'engloutir, le tirer vers le fond.
Il détourna les yeux, incapable de fixer trop longtemps la surface miroitante du ruisseau, et la froide morsure du lac lui revint en mémoire avec une précision glaçante.
Harry s'arrêta au bord, évaluant d'un coup d'œil la largeur et la stabilité de l'autre rive.
« Accroche-toi bien. »
Drago grogna et ses bras se nouèrent un peu plus fort autour du cou du brun.
« Potter, si tu me lâches et que je meurs ici, sache que je te hanterais jusqu'à la fin de tes jours. »
Un nouveau sourire effleura les lèvres de Potter. Il observa le cours d'eau un instant de plus, avant de s'élancer avec aisance. Ses bottes frappèrent brièvement la surface des pierres humides, mais pas une seule goutte ne l'atteignit. Son équilibre était tout simplement parfait. Ils atterrirent de l'autre côté en souplesse et l'homme tourna légèrement la tête pour croiser le regard acier de Drago.
« La Mort ne posera pas ses doigts sur toi. »
Il n'avait jamais eu l'air aussi sérieux, aussi grave. Ses yeux verts, d'ordinaire si vifs, semblaient maintenant aussi sombres que deux abysses profondes.
.
.~oOo~.
.
Ils ne s'étaient pas parlé depuis plusieurs minutes déjà, mais Drago ne prêtait plus vraiment attention à leur progression. Ses pensées dérivaient erratiquement, passant sans repos des ténèbres du lac glacé, à cette allusion sur la Mort que venait de faire Potter.
Une étrange chaleur s'était installée quelque part dans sa poitrine, mêlée à une inquiétude sourde qu'il ne parvenait pas à réprimer. Il secoua mentalement la tête, chassant de son esprit ces images obsédantes. Il avait besoin de se concentrer sur autre chose. N'importe quoi, sauf ça.
« Tes yeux sont vraiment verts. »
Il cherchait désespérément une échappatoire à ses foutues pensées.
Harry ne répondit pas. Il semblait concentré sur le chemin, les lèvres pressées en une ligne ferme, le regard rivé droit devant lui. Drago hésita un instant, puis ses doigts glissèrent distraitement jusqu'à une mèche de cheveux noirs, humide et emmêlée, qui retombait sur son front. Il la fit tourner doucement entre ses doigts, d'un geste absent.
« Ils ont toujours été verts ? »
Cette fois, Harry tourna légèrement la tête pour croiser son regard et sa bouche s'étira en un sourire fugace.
« Non. Je change régulièrement leur couleur. Une fois jaune. Une fois bleu. Une fois rose. Et toi, tes yeux ont toujours été gris ? »
Drago plissa le nez, contrarié. (Une expression typique, héritée d'années d'éducation aristocratique).
« Ha. Ha. Très drôle, Potter. Pour ta gouverne, tous les Malfoy ont les yeux gris. »
Harry lui lança un nouveau coup d'œil avant de demander, d'une voix plus posée :
« Ton père aussi ? »
Les sourcils de Drago se froncèrent délicatement et ses doigts retombèrent faiblement sur sa poitrine.
« Je n'aime pas parler de mon père. » finit-il par dire.
L'autre ne détourna pas le regard.
« Pourquoi ? »
Les yeux du blond se perdirent quelque part au loin et son visage se ferma légèrement.
« Il a fait… des mauvais choix de vie. »
Harry hocha la tête. Une ombre glissa brièvement dans ses yeux.
« Tout le monde fait des erreurs. »
Drago hésita et un souffle franchit ses lèvres :
« Il y en a des plus pardonnables que d'autres. »
Le silence s'étira entre eux.
Drago aurait voulu dire quelque chose, briser ce calme pesant, mais aucun mot ne vint.
.
.~oOo~.
.
Après plusieurs minutes de marche, Harry s'arrêta net. Les muscles de son corps se raidirent alors qu'il redressait légèrement la tête. Il semblait avoir tous ses sens aux aguets, comme un animal traqué. Il balaya rapidement les environs du regard.
« On nous suit. »
Drago tressaillit.
« Quoi ? Qui ? »
Potter ferma les yeux une fraction de seconde, comme s'il écoutait quelque chose que personne d'autre ne pouvait entendre. Puis, il déposa délicatement son précieux colis au sol.
« Reste ici. Ne bouge pas. »
Drago s'accroupit instinctivement, une main crispée autour de sa besace. Son cœur battait violemment contre ses côtes alors qu'il observait Harry s'éloigner de quelques pas, les épaules tendues.
« Qui est-ce ? » souffla-t-il, incapable de retenir sa question.
Son compagnon tourna légèrement la tête. Son regard accrocha un rai de lumière et brilla un instant dans la pénombre. Il avança encore de quelques pas et ses bottes s'enfoncèrent légèrement dans le tapis humide de feuilles mortes.
Il était aux abois.
Un bruit déchira soudain le silence : un craquement sec, suivi d'une série de bruissements rapides, comme si quelque chose ou quelqu'un se déplaçait entre les arbres à une vitesse inquiétante.
Le souffle de Drago se fit douloureux.
« Potter ! »
Mais Harry ne répondit pas. Il avait déjà disparu dans les ombres, avalé par la forêt.
Drago serra les dents et fouilla frénétiquement dans sa besace. Ses doigts rencontrèrent le bois tiède de sa baguette et il la serra fermement dans sa main.
Un autre bruit, plus proche cette fois, fit bondir son cœur dans sa poitrine. Quelque chose… une silhouette informe, sombre, énorme, passa brièvement entre deux arbres, à quelques mètres seulement de lui.
Le silence revint.
Puis, une main glacée se posa sur son épaule.
Drago fit brusquement volte-face, baguette levée, prêt à en découdre. Mais avant qu'il ne puisse prononcer un mot, il fut tiré en avant et trébucha contre son poursuivant.
« C'est moi. » Souffla Harry. « Ils sont partis. Pour l'instant. »
Malfoy sentit ses jambes céder sous lui et les bras fermes du brun se refermèrent sur lui.
« Tu pourrais prévenir avant de faire ce genre de trucs ! » cracha-t-il, venimeux.
Potter semblait toujours à l'affût et son regard scrutait l'obscurité autour d'eux.
« Il faut qu'on parte d'ici. » Murmura-t-il soudain. « Maintenant. » Il se détourna enfin des ténèbres pour planter son regard dans celui de Drago. Pendant une seconde, celui-ci oublia presque de respirer.
« Merlin, mais tu es gelé ! » Une ombre d'agacement passa sur le visage d'Harry. Sans attendre de réponse, il attrapa le bas de son propre pull, le retira rapidement et le tendit à son compagnon. Le vêtement était frais et l'odeur légèrement boisée et métallique qui s'en dégageait était troublante. « Mets ça. »
Drago, surpris, enfila maladroitement le pull, sans vraiment réfléchir. Il était trop grand pour lui : les manches retombaient presque jusqu'à ses doigts, mais il s'en moquait. La chaleur qui l'enveloppait désormais était si réconfortante ! Il eut l'impression de revivre.
Harry s'accroupit légèrement devant lui et tendit une main ouverte.
« Monte. »
« Quoi ? Encore ? »
« Je suis plus rapide. Plus endurant. Monte. Maintenant. »
Le ton ne laissait aucune place à la discussion. Le blond attrapa la main tendue avec un soupir résigné et se hissa contre le dos solide du brun pour s'accrocher fermement à son cou.
« Qu'est-ce que c'était ? »
Harry garda le silence.
« Réponds-moi, Potter. Je sais que tu m'as entendu. »
Un soupir discret lui répondit, mais Drago sentit ses épaules se contracter. Après une brève hésitation, il répondit, désinvolte :
« Je suis un homme très demandé. Et disons que… je suis parti un peu trop précipitamment de là d'où je viens. D'ordinaire, ça ne serait pas un souci pour moi. Mais tu es avec moi… alors… »
Drago fronça les sourcils. Ce n'était pas exactement la réponse qu'il espérait. C'était terrible de s'entendre dire que sa simple présence compliquait les choses. Il ravala une remarque acide, puis laissa sa tête retomber contre l'épaule de Potter, un peu trop brusquement pour que ce soit complètement innocent. Ses cheveux effleurèrent la mâchoire tendue du brun et il garda les yeux rivés droit devant lui, mâchoires serrées.
.
.~oOo~.
.
Ils continuaient d'avancer dans la forêt.
Les pas de l'homme restaient étonnamment sûrs, réguliers, mécaniques, malgré les racines, les creux boueux et les pentes traîtresses. Drago, accroché à son dos, sentait chaque geste se réverbérer sur son torse : les muscles qui se contractaient à chaque effort, la précision et l'équilibre d'un corps taillé pour survivre et ce rythme infernal qui absorbait les chocs, les mouvements, sans jamais faiblir.
Le bois se refermait sur eux comme une mâchoire végétale, inextricable. L'air, complètement saturé d'humidité, était épais au point de coller à leur gorge. Il était lourd de mousse détrempée, d'humus, d'écorce en décomposition, de champignons... Chaque inspiration ressemblait à une bouffée viciée, tiède et moite, et, s'ils ne sortaient pas bientôt d'ici, ils allaient probablement mourir sous la touffeur orageuse, avalés par cette horrible forêt qui semblait digérer tout ce qui s'y attardait trop longtemps.
Drago ne savait pas ce qui les avait suivis, un peu plus tôt. Il ne savait pas non plus quand ça avait commencé, exactement. Le bruit avait été vague, suffisamment flou pour qu'on doute l'avoir vraiment entendu, mais assez dérangeant pour qu'il en garde un frisson dans la nuque. Depuis, il n'avait pas cessé de tendre l'oreille.
Il y avait aussi cette masse ténébreuse, colossale, qu'il avait entraperçu glisser entre les troncs. Pas humaine. Impossible. Beaucoup trop haute, beaucoup trop large. On aurait dit un morceau de nuit découpé du ciel et fondu sur la terre.
Il revoyait la scène, par bribes : la chose s'était déplacée sans un son, comme si les ronces, les talus, les broussailles... s'écartaient pour la laisser passer, comme si tout se recroquevillait devant elle pour ne pas contrarier son avancée.
Malfoy ferma les yeux, fouillant dans sa mémoire, cherchant des détails qui lui échappaient, mais tout se délitait. Impossible de désigner une forme précise. Impossible de dire combien de pattes, combien de membres rampaient au sol. Impossible même d'assurer que ce truc possédait une tête.
Il ne restait, sous ses paupières, qu'une impression d'obscurité profonde striée, constellée, d'éclats verts.
Une traînée d'émeraudes suspendues dans le noir, telle une voie lactée.
Bordel.
Il essayait de ne pas trop y penser, mais un doute l'assaillait : et si autre chose était sorti du lac en même temps qu'Harry ?
Il resserra légèrement sa prise sur lui avant de murmurer, à mi-voix :
« C'était vraiment de l'eau du Styx ? »
« Oui. »
« Je vois. »
Un nouveau silence inconfortable s'étira entre eux. Drago sentait l'étrange fraîcheur du dos de Potter se diffuser à travers son pull. Ce n'était pas désagréable, juste légèrement incongru : une sensation apaisante, qui contrastait avec la moiteur de la forêt. Il ne savait pas si c'était dû à l'altitude, au froid résiduel de l'eau ou à autre chose.
Il préféra ne pas s'y attarder.
Sans trop y réfléchir, ses doigts vinrent jouer avec le col du t-shirt de son porteur, pour s'occuper ou se rassurer, il ne savait plus très bien.
« Alors, si c'était l'eau du Styx… ça veut dire que la porte que j'ai ouverte… était celle des Enfers ? »
Harry ne répondit pas et son silence devint une confirmation. Drago se redressa légèrement.
« N'est-ce pas ? » insista-t-il.
« Oui. »
Il n'y avait eut aucune hésitation dans la réponse. Drago frissonna et il resserra inconsciemment son bras autour du cou d'Harry.
« Alors… tu étais aux Enfers ? »
« Oui. »
« Pourquoi ? »
Aucun son ne franchit les lèvres de Potter. Son visage restait impassible, son regard toujours rivé droit devant lui. Il était clair qu'il n'avait aucune envie de répondre aux questions. Mais Malfoy était tenace et bien loin d'en avoir fini.
« Parce que tu étais… quelqu'un de mauvais ? »
Harry tourna légèrement la tête et ses yeux verts rencontrèrent brièvement ceux, gris, du blond.
« Tu confonds avec les Enfers de la version biblique. »
« Oh. Donc il n'y a pas de feu éternel et les âmes n'y brûlent pas à tout jamais ? »
C'était un sarcasme, mais Potter sembla le prendre au premier degré.
« Non. »
Nouvelle réponse sèche, un peu trop tranchante au goût de Drago.
« Alors… dans ce cas… ça veut dire que tu es mort ? »
Sans prévenir, Harry changea brusquement de direction. Le blond lâcha un cri étranglé et s'agrippa plus fermement à lui.
« Heeey ! Doucement, merde ! »
L'homme ralentit légèrement, mais son expression restait fermée.
« Je ne suis pas mort. Les morts sont morts. Ils ne peuvent pas revenir. »
La voix avait claqué comme un fouet, mais elle ne portait pourtant pas de colère en elle, juste une affirmation dure et sans appel.
Drago mordit sa lèvre, scrutant les moindres détails du visage d'Harry.
« Alors… qu'est-ce que tu es, exactement ? »
Les mâchoires du brun se contractèrent et, pendant un instant, il crut apercevoir une ombre passer dans ses yeux verts.
Il sut qu'il n'aurait pas de réponse. Il laissa sa tête retomber contre l'une des larges épaules devant lui et murmura :
« Tu es effrayant, tu sais. »
Les coins des lèvres de Potter tressaillirent.
« Et toi, tu es épuisant. »
.

Chapter 16: Arc de la résurrection - Chapitre 10
Notes:
.
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de Drago
Entre trois réflexions sur la gastronomie écossaise, les Enfers et les mauvais choix paternels, Harry et Drago, en route pour Białystok, ont réussi à attirer l'attention d'ennemis non identifiés.
.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 10 - DM & HP : Taxi ~ oOoOo
.
À leur grand soulagement, la forêt dense laissa finalement place à une route secondaire mal entretenue, bordée de poteaux électriques, de vieux lampadaires fatigués et de champs noyés dans une brume épaisse.
Harry avait déposé Drago à terre et ce dernier marchait désormais derrière lui, toujours enveloppé dans son pull trop large, les chaussettes à moitié remontées sur ses mollets et son sac en bandoulière négligemment jeté sur son épaule. De toute sa vie, il n'avait jamais été si peu… aristocratique. Il remercia le ciel que personne de sa connaissance ne le voit en cet instant.
Au loin, des phares percèrent l'obscurité et une voiture solitaire s'approcha d'eux en ronronnant doucement. Harry s'arrêta au bord de la route et leva une main, paume ouverte, vers le véhicule. Les pneus crissèrent sur le bitume humide alors qu'il s'arrêtait à leur hauteur.
« Reste ici. » Ordonna calmement le brun avant de s'avancer vers la fenêtre côté conducteur.
Drago croisa les bras, agacé. Il regarda son compagnon échanger quelques mots avec le chauffeur : il était nonchalamment appuyé contre la portière, penché à travers la vitre baissée. Ils parlaient à voix basse. Le visage d'Harry était noyé dans l'obscurité et les mèches sombres de ses cheveux tombaient autour de ses pommettes, presque comme un rideau. Sa silhouette paraissait étrangement longue et déliée dans la lueur tremblotante des lampadaires.
Drago plissa les yeux, cherchant à capter une bribe de leur conversation, mais les mots lui échappaient. Quelque chose grésilla un peu plus haut et il leva la tête. Le réverbère clignota un instant, projetant des ombres nerveuses autour de lui, avant de s'éteindre complètement dans un soupir électrique.
La section de route sur laquelle ils se trouvaient fut soudainement plongée dans un voile de ténèbres épaisses. Seuls les phares jaunâtres de la voiture éclairaient encore les environs. Drago fronça les sourcils et son regard se perdit au loin, là où les autres lampadaires continuaient de briller paisiblement.
« Quel vieux truc miteux. » Pensa-t-il avec une pointe de mépris.
Quand il baissa de nouveau les yeux vers la voiture, Harry se redressait et ses mains quittaient lentement le bord de la fenêtre. Il tourna la tête vers Drago et lui fit un signe du menton.
« Il nous emmène. »
Drago n'hésita qu'une fraction de seconde avant de monter à l'arrière. L'habitacle sentait le plastique chauffé et le tabac froid. Il s'installa sur l'inconfortable banquette, jetant un regard curieux au chauffeur, un homme d'âge mûr, dont les traits disparaissaient dans la pénombre.
« Merci. »
Le chauffeur ne répondit pas. Il ne tourna même pas la tête. Ses mains restaient mollement posées sur le volant et ses yeux refusaient de quitter le bitume qui s'étirait devant eux en une longue langue morne et grise.
Drago lança un regard interrogatif à Harry qui, installé à côté du conducteur, semblait parfaitement détendu.
« Il… il ne parle pas anglais ? »
Harry haussa vaguement les épaules. Son regard était aussi perdu au loin, bien au-delà du pare-brise embué.
« Non. »
La voiture démarra dans un ronronnement fatigué de moteur. Drago fronça les sourcils et se cala un peu plus profondément dans son siège.
Le silence s'installa entre les passagers.
Pour passer le temps, il observa le profil de son sauveur, éclairé par les halos intermittents des réverbères. Ses traits étaient fins mais acérés et ses yeux, même dans la pénombre, semblaient briller d'un éclat émeraude intense, surnaturel. Il avait une présence… écrasante, magnétique.
Ce type… Oui... C'était peu dire que ce type ressemblait à un héros. À un véritable héros. Pas à Neville Longbottom qui peinait à lancer correctement un sortilège de bouclier sous pression. Non, c'était cet homme qui avait le profil. Et ce héros semblait (et Drago le réalisait avec une pointe d'orgueil mal placé) plus intéressé par lui que par le reste du monde.
Une part de lui savait qu'il aurait dû être furieux que Potter l'ait observé, tout ce temps, à travers les miroirs. Que cela aurait dû le terrifier, même. Mais au lieu de ça… il en ressentait une satisfaction presque coupable.
Il savait aussi que tout cela risquait de changer une fois qu'il aurait présenté Harry à l'Ordre. Une fois qu'Albus Dumbledore aurait posé ses yeux perçants sur lui, ou que Longbottom, avec sa maladresse et ses airs de chiot abandonné, essaierait de se hisser à sa hauteur.
Mais pour l'instant, Harry Potter était là. Et il était à lui. C'était déjà amplement suffisant.
Drago finit par détourner le regard. Ses doigts jouaient distraitement avec une couture de son pantalon.
« Je vais te présenter à l'Ordre. On ira au QG. »
Harry détourna légèrement le regard vers la vitre, sans se retourner.
« J'aimerais dormir, avant. » Répondit-il simplement.
Il ne semblait pas pressé de les rencontrer. Drago ne se laissa pas abattre.
« Il faudra que tu fasses bonne impression à Albus Dumbledore. C'est un peu lui qui… préside le groupe. Mais… tu l'as peut-être déjà vu, lui aussi, à travers les miroirs ? »
Harry esquissa un sourire fugace.
« Il ne m'intéresse pas vraiment. »
Drago se redressa légèrement et une pointe de vanité gonfla sa poitrine. Savoir qu'Harry semblait plus intéressé par lui que par Dumbledore flattait étrangement son ego. C'était troublant.
« Tu sais que tout le monde va te poser des questions, une fois là-bas. »
« J'essayerai de leur apporter les réponses qu'ils veulent entendre. »
Drago ouvrit la bouche, prêt à répliquer, mais il s'interrompit et les mots moururent dans sa gorge. Qu'avait-il voulu dire, exactement, par 'ce qu'ils veulent entendre' ? Il reprit, plus hésitant :
« Nous avons perdu notre dernière bataille contre… contre Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. C'est un mage noir. Il est… »
« Je sais qui est Voldemort. » Coupa Harry, désintéressé.
Le nom résonna dans l'habitacle comme une cloche de bronze. Drago se crispa et ses doigts se refermèrent nerveusement sur la sangle de sa besace. Personne n'osait prononcer ce nom. Il leva les yeux vers Harry et observa la lumière des réverbères jouer sur les courbes de son visage.
« L'Élu… » souffla-t-il presque malgré lui.
Harry braqua ses yeux verts vers lui. Pendant un instant, Drago crut y voir une lueur plus vive, fiévreuse.
Une bouffée de colère incontrôlée monta en lui.
« Enfin, ça non plus, ça ne doit pas t'intéresser ! » Lança-t-il avec aigreur.
Harry se pencha légèrement vers lui.
« Ça m'intéresse. »
Drago renifla avec mépris, détournant les yeux pour fixer la route grise à travers la vitre embuée.
« Longbottom est incapable de vaincre Tu-Sais-Qui. »
Harry haussa un sourcil et un sourire en coin, peut-être un peu moqueur, étira ses lèvres.
« Je vois. Alors Neville a récupéré le rôle de l'Élu. »
« Il n'a aucun intérêt. » Grogna Drago, crispé.
« C'est parce qu'il est entouré de personnes incapables de révéler son véritable potentiel. Je trouve qu'il fait un bon sauveur. »
Drago fusilla Harry du regard.
« Il est incompétent. Des années que ça dure ! N'importe qui d'autre pourrait mieux y arriver que lui ! »
« Ce n'est pas Neville le problème, c'est ce qu'on attend de lui. Et ce qu'on lui donne pour réussir. »
« C'est ridicule. »
Harry se tourna complètement vers lui. Cette fois-ci, un véritable sourire narquois éclairait ses traits.
« Est-ce… une crise de jalousie que tu es en train de me faire ? »
Le rouge monta instantanément aux joues de Drago. Ses lèvres s'entrouvrirent pour protester, mais aucun son n'en sortit. Il s'empara désespérément de sa besace et tenta de frapper Harry avec, mais ce dernier arrêta le sac d'une main et ses doigts se refermèrent fermement sur la lanière.
« Il va vraiment falloir que tu arrêtes cette manie de vouloir me frapper avec tout ce qui te tombe sous la main. » murmura-t-il.
Son visage était dangereusement proche de celui de Drago.
Les joues du blond prirent une teinte encore plus vive. Il balbutia quelque chose d'incompréhensible, repoussa Potter du plat de la main et détourna brusquement la tête vers la vitre. Le silence retomba dans l'habitacle. Il pouvait encore sentir le regard d'Harry posé sur lui, lourd, insistant, avant qu'il ne reporte enfin son attention sur la chaussée.
Drago écouta longuement le ronronnement des pneus sur l'asphalte humide. Les phares découpaient difficilement la nuit, projetant des ombres fugaces sur les arbres qui bordaient la chaussée. Il les observa pensivement défiler à travers la fenêtre et l'impression d'être en plein cauchemar le submergea. Par moments, une branche fouettait sèchement la carrosserie et il se surprenait à retenir son souffle, comme s'il craignait que quelque chose cherche à entrer.
Il y avait aussi, dans le paysage, dans la brume qui rampait sur les champs comme de longues langues de serpents, dans ce ciel noir, voilé, et dans les teintes nocturnes de la campagne polonaise, un je-ne-sais-quoi qui le mettait mal à l'aise. Il n'aurait pas su dire ce qu'il redoutait, seulement que tout paraissait figé dans une même étrange attente.
Et puis il y avait le chauffeur. Son mutisme. Cette façon qu'il avait de fixer la route, impassible, absent, vidé de l'intérieur. Drago sentait son estomac se contracter chaque fois qu'il scrutait son profil dans le rétroviseur. Il doutait maintenant que Potter se soit contenté de lui parler, mais il n'avait aucune preuve pour étayer ses suppositions. Rien d'autre qu'une sensation froide et poisseuse qui glissait au creux de sa nuque.
La buée s'épaississait sur la vitre ; il y traça machinalement une ligne du bout du doigt, sans trop savoir pourquoi.
Il était distrait.
Son regard revint se poser sur Potter. Il aurait voulu le regarder autrement (comme un inconnu par exemple, ou n'importe quoi d'un peu plus neutre...), mais il n'y arrivait pas. Il y avait chez cet homme une force tranquille qui effaçait tout le reste. En sa présence, le monde semblait se rétrécir, se concentrer autour de lui, comme si rien d'autre n'existait.
Drago aurait voulu s'en méfier. Il savait reconnaître le danger : il l'avait respiré de bien trop près pour s'y tromper, et Potter en portait définitivement l'odeur. Pas celle du sang ou de la peur, mais quelque chose de plus dense, qui tenait à la fois de la lumière et de l'ombre. C'était peut-être cela qui le troublait le plus : cette impression que l'homme assis à pas même quelques mètres de lui pouvait aussi bien le sauver que le brûler.
Il se surprit à se dire qu'avec lui, il allait devoir apprendre à marcher sur un fil. Et qu'il allait probablement aimer ça. Cela ne serait surement pas la même sensation que sur un champ de bataille. Non. Ici, le danger avait un visage séduisant, une voix qui troublait les sens et un calme qui donnait envie de s'approcher plutôt que de fuir.
Il repensa, avec amertume, à Dumbledore. À cette façon qu'avait le vieil homme de tendre les doigts vers tout ce qui brillait. Il ne voulait pas que Potter entre sous sa coupe. Pas après tout ce qu'il avait fallu faire pour le tirer des... des 'Enfers'.
Et surtout, il ne voulait pas voir le brun devenir un autre Longbottom : peureux, docile, fidèle, refait à l'image d'un maître. Harry méritait mieux. Ou peut-être que Drago avait simplement besoin de croire qu'il méritait mieux.
Et puis, il y avait ce lien qu'il sentait entre eux depuis cette nuit. (Peut-être même depuis bien avant.) C'était lui qui avait ouvert la porte, lui qui l'avait laissé 'entrer'. Alors, il ferait tout en son pouvoir pour que ce fil qui les reliait ne se brise ou ne s'élime pas. Quitte à le re-tisser, à l'épaissir un peu plus chaque jour.
Ce qui était certain, c'est qu'il ne laisserait personne, ni Dumbledore, ni l'Ordre, décider à sa place du moment où ce fil se romprait.
Et Malfoy trouvait cela très juste.
Un éclair roux jaillit des fourrés et déboula sur la route à toute allure ; le renard fila droit sous leurs pneus.
Il y eut un craquement humide répugnant.
Drago sursauta et laissa échapper un cri étranglé. Il se cramponna au siège avant, enfonçant ses ongles dans le cuir usé. Les roues dévièrent légèrement, mais la voiture ne ralentit pas. Le chauffeur, les mains mollement posées sur le volant, ne cilla pas.
« Il… il n'a même pas freiné ! »
Harry haussa vaguement les épaules. Il regardait le paysage monotone défiler et ne semblait même pas avoir remarqué le choc.
Au loin, les lumières d'une petite ville commencèrent à percer l'obscurité et Drago sut que son calvaire allait bientôt se terminer.
.

.
Chapter 17: Arc de la résurrection - Chapitre 11
Notes:
.
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de DragoMalefoy et Potter ont pris un taxi. Potter s'y est distingué par son silence, Malefoy par sa jalousie et le chauffeur par son absence de réflexe. Résultat : un renard mort, une crise de nerfs et toujours aucune info véritablement digne de ce nom.
.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 11 - Arrivée au QG ~ oOoOo
.
Drago jeta sa besace sur le lit dans un soupir résigné. Les ressorts du matelas grincèrent sous le poids du cuir détrempé et une petite gerbe de poussière fut projetée en direction du plafond. Tout puait la moisissure ici.
Le voyage avait été terriblement long et épuisant. Białystok, Berlin, Londres… Il aurait tué pour un Portoloin direct, mais personne ne voulait poser un orteil à Białystok ces jours-ci.
Il fit quelques pas dans la pièce, laissant son regard balayer les murs lépreux. La chambre était minuscule, vaguement humide, vaguement sinistre, avec son plafond bas, son tapis râpé et sa tapisserie défraîchie à motifs floraux qu'on aurait crus volés à une pension de famille pour sorciers séniles.
Une commode instable, un vieux fauteuil, un lit étroit, une table bancale et deux chaises complétaient ce tableau de désolation. Le grand luxe, quoi.
Il aurait préféré Poudlard. Même en ruines. Même envahi par une tripotée de Mangemorts assoiffés de sang.
Mais l'Ordre s'était replié là, faute de mieux : au manoir des Dearborn. Perchée sur les hauteurs du Pays de Galles, isolée, battue par le vent, la bâtisse était désormais envahie par la végétation. Les ronces avaient avalé la serre. Le jardin ressemblait à un cimetière laissé à l'abandon. Et l'intérieur… mieux valait ne pas en parler. Un QG... tu parles !
Un grincement se fit entendre dans son dos : Harry venait d'entrer, silencieux. Il referma la porte sans un mot.
Drago aurait souhaité que Potter ait sa propre chambre. Une, bien à lui, avec un verrou, des murs épais et, idéalement, le plus loin possible de la sienne. Mais l'autre n'en avait pas démordu : il refusait de le quitter. Pas tant par excès d'attachement, il semblait (Merlin merci), mais d'une manière beaucoup plus agaçante : l'homme avait eu ce ton calme et assuré, très doux, qui n'admettait aucune objection. C'était comme s'il avait déjà lu en lui la moindre réplique et décidé qu'elle ne valait pas la peine d'être entendue.
« Je reste avec toi. »
Drago avait fulminé, évidemment. Levé les yeux au ciel, pesté, cherché un contre-argument valable.
« Tu ne vas pas dormir ici, Potter, il y a des dizaines de chambres libres ! »
Harry avait simplement haussé un sourcil.
Pas un mot de plus. Juste ce maudit sourcil, levé avec l'assurance de quelqu'un qui savait déjà qu'on allait lui céder. Et Drago, après quelques secondes de lutte intérieure, avait furieusement fait claquer sa langue contre son palais et ravaler sa hargne, avant d'accepter.
Contre tout bon sens.
Il s'était trouvé une maigre consolation (un pis-aller, à vrai dire) : au moins, cela lui permettrait de garder un œil sur cet homme dont il ne savait rien, pas même l'âge, les origines, ni ce qu'il avait traversé ou comptait faire, maintenant qu'il était là.
Il soupira et tira sa baguette. Son lit, coincé contre le mur de droite, était étroit et grinçant. Il esquissa un triangle agacé dans sa direction, et un second lit apparut dans la pièce dans un 'plop' discret, venant se plaquer contre le mur opposé, à gauche, collé au papier peint défraîchi.
Seule la porte les séparait désormais.
Ce n'était pas la promiscuité qui dérangeait Drago. C'était… le principe. Quand il étudiait encore à Poudlard, il avait fait des pieds et des mains pour que son père lui obtienne une chambre rien qu'à lui. Et, comme souvent, Lucius avait fini par plier, persuadé qu'un Malfoy ne devait pas partager sa couchette avec des sang-purs moins bien nés, ni subir les relents fétides d'un dortoir commun.
Après tout, c'était aussi à ça que servait le privilège de la richesse : à s'acheter de l'espace, du silence et la certitude de n'avoir personne trop près de soi.
Même Albus Dumbledore, malgré ses principes affichés (et son horripilant penchant pour le communisme), n'avait pas su résister à l'argument. Les subventions du Ministère fondaient d'année en année et l'école, pour fonctionner, n'avait d'autre choix que de puiser là où l'argent se trouvait encore : par exemple dans les poches profondes et bien remplies de la famille Malfoy. Un don ici, une aile rénovée là, une bourse 'offerte' à quelques élèves triés sur le volet… et soudain, un élève (Drago Malfoy, si il fallait le citer) obtenait le luxe d'une chambre privée, sans qu'aucun règlement ne soit officiellement modifié.
Plus tard, une fois préfet, cette chambre lui avait été accordée sans même qu'il n'ait à glisser le moindre Gallion sous une porte.
Ce n'était pas qu'il détestait ses camarades, (pas vraiment), mais il exécrait les ronflements, les bruits de draps froissés, les murmures des cauchemars et les reniflements viscéralement répugnants.
Et, pour être tout à fait honnête, il haïssait qu'on puisse le voir dormir. Bien sûr, il aurait pu jeter des sorts d'opacité ou de bulle de silence, mais cela ne changeait rien au fond du problème : il savait que quelqu'un était là, à quelques mètres, et que ce quelqu'un pouvait… regarder.
En grandissant, cette gêne s'était muée en méfiance. Pas juste une précaution, mais une paranoïa aiguisée par la guerre et les trahisons. Il n'avait jamais rejoint les rangs du Seigneur et, chez les Serpentard, cela suffisait à faire de vous une cible.
Même endormi, Drago refusait d'être vulnérable.
Et pourtant…
Pourtant, la proximité avec Potter ne le répugnait pas autant qu'il aurait voulu l'admettre. Cela aurait dû. Il aurait dû ressentir cette crispation familière, ce rejet instinctif qui lui tordait habituellement les tripes quand quelqu'un s'approchait trop près de son espace personnel.
Il aurait dû se méfier. Redoubler de vigilance. Cependant, même s'il ne connaissait presque rien de cet homme, l'idée de s'endormir à ses côtés ne le dérangeait pas. Au contraire.
Il avait cette furieuse impression, tenace et inexplicable, de l'avoir toujours connu. Pas comme on connaît un ami d'enfance. Plutôt comme s'il l'avait rêvé mille fois, sans jamais pouvoir le nommer.
Drago avait confiance. Instinctivement. Irrationnellement. Pas une confiance naïve, pas de celles qu'on accorde à la légère, mais une certitude viscérale qu'il pourrait, s'il le fallait, lui confier sa vie.
Et ça, ce n'était pas dans l'ADN des Malfoy.
Il savait que ce n'était pas non plus à cause de cette main froide qui l'avait tiré du fond glacé du lac. Qui lui avait… sauvé la vie. Ce serait trop simple. Il voulait croire que c'était autre chose. Quelque chose qu'il ne comprenait pas encore, mais dont Potter semblait déjà détenir toutes les réponses.
Du coin de l'œil, Drago l'observa s'allonger sur le lit qu'il venait de dupliquer, les bras en croix, comme s'il s'apprêtait à flotter dans l'océan.
Il y avait, bien sûr, une autre possibilité.
Il s'approcha lentement du brun, jusqu'à ce que ses genoux butent contre le rebord du matelas.
Une horrible possibilité.
Harry tourna tranquillement la tête vers lui. Ses yeux brillaient d'un vert trop net, trop irréel dans la lumière jaunâtre de la pièce. Et ce demi-sourire, Merlin… ce demi-sourire qui flottait sur ses lèvres… comme s'il avait lu dans son esprit…
De la magie noire.
Quelque chose de sournois. Une forme d'enchantement qui se serait insinuée en lui sans qu'il le sente, qui aurait anesthésié ses craintes, ses instincts. Qui aurait désarmé cette part de lui, dressée depuis toujours contre l'inconnu. Contre le danger.
« Tu m'as lancé un sort ? »
Les yeux de Potter se fermèrent avec lenteur. Son sourire resta intact.
« Quel genre de sort ? » répondit-il.
Ce sale type ne faisait aucun effort. Drago sentit la colère monter. Cette façon de répondre à une question par une autre, c'était insupportable.
« Quelque chose d'interdit. »
Le sourire d'Harry s'élargit.
« Interdit comment ? »
Les dents de Drago grincèrent.
« Du genre… » Il hésita. Les mots lui brûlaient la langue. « Du genre qui te fait croire que tu n'es plus tout seul. Qui te fait penser que tu peux faire confiance. Dormir sans sa baguette sous l'oreiller. Ou s'installer dos à une fenêtre. Ce genre de choses. »
Harry rouvrit soudainement les yeux. Il se redressa et s'assit sur le bord du lit. Ses jambes vinrent encadrer celles de Drago, qui était resté debout, figé. La proximité lui brûlait la peau. Il aurait voulu reculer loin du brun, mais son ego le retenait.
« Je suis puissant. Bien plus que tu ne peux l'imaginer. »
Malfoy eut un sourire amer.
« Et modeste. »
La main de Potter, légère, effleura son genoux avant de remonter doucement le long de sa cuisse. Drago réagit au quart de tour et repoussa brusquement son bras.
Son cœur battait plus vite.
« Dis-moi la vérité. Est-ce que je suis sous ton influence ? »
Harry recula un peu pour calmement appuyer ses coudes sur le matelas. Il le toisa un instant, moqueur.
« Laisse-moi te rassurer : si tu ressens un lien, ce n'est pas à cause d'un sort. »
Drago passa la langue sur sa lèvre, troublé.
« Tu ne mens pas ? »
Un sourire provocateur lui répondit.
« Je ne mens pas. Regarde-moi dans les yeux et repose ta question. »
Drago s'inclina lentement vers lui, happé par ce vert irradiant. Il sentit ses pensées se dissoudre, comme si ses propres questions étaient en train de se noyer dans un torrent qui n'existait pas.
« Redis-moi… que tu n'as pas… lancé de sort sur moi. »
Harry ne bougea pas, mais ses yeux s'illuminèrent d'un nouvel éclat amusé.
« Je ne t'ai pas maudit. Si je devais te lancer un sort, crois-moi… ce ne serait pas un de ce type-là. »
Drago recula d'un pas vif, brûlé par la réponse. Un rouge flamboyant lui monta aux joues. C'était un sous-entendu et il n'était certainement pas innocent. Au contraire. C'était… terriblement ambigu. Indécent, même.
Ce n'était pas tant la phrase en elle-même. C'était la manière dont elle avait été prononcée : cette voix basse, bien trop calme, bien trop chaude, ce regard brûlant qui ne vous lâchait pas, cette posture un peu provocante… Tout dans son attitude vibrait d'un double sens dont n'importe qui se serait offusqué (surtout Drago).
Il ne savait pas ce que cet homme insinuait exactement et il ne voulait pas le savoir. Il avait probablement sur-interprété, comme il le faisait régulièrement. Oui ! C'était ça : Harry ne le draguait certainement pas. Il se faisait des idées.
Il inspira brusquement, comme s'il lui fallait désamorcer le feu qui incendiait ses tempes, ou plutôt, pour réoxygéner ses pauvres poumons.
Face à lui, Harry n'avait pas bougé. Il l'observait simplement, paisible, comme s'il venait de découvrir quelque chose d'amusant et qu'il attendait patiemment la suite.
Drago détourna les yeux, pour couper court à tout ce qui venait de se produire. Sa question était morte. Il ne la reposerait plus. Et Potter, il le savait, ne le relancerait pas sur le sujet. Il avait trouvé une meilleure méthode pour le faire taire : le désarçonner.
Et Drago détestait admettre que cela fonctionnait.
.

Chapter 18: Arc de la résurrection - Chapitre 12
Notes:
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de Drago
Drago s'est vu contraint de partager sa chambre avec Potter. Résultat : paranoïa et accusations de Magie Noire. Potter, quant à lui, a prouvé qu'il n'a pas besoin de baguette pour réduire un Malfoy au silence. Consternant.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 12 - HP et LP ~ oOoOo
.
Il devait être tard, maintenant.
Drago, allongé sur le dos, fixait le plafond sans vraiment le voir. Il ne savait pas si Harry dormait, ou s'il était simplement là, étendu en silence sur le lit qu'il lui avait fait apparaître un peu plus tôt.
Il ne bougeait pas, ne disait rien. Seul son souffle, léger et régulier, confirmait qu'il était encore en vie.
Les yeux de Drago se perdirent sur la voûte céleste, visible à travers la fenêtre entrouverte.
Les rideaux n'avaient pas été tirés. Il ne les tirait plus depuis longtemps, en vérité.
Plus depuis sa captivité.
Il ne s'était jamais considéré comme un homme courageux. Pas spécialement lâche, non. Plutôt prudent. Réfléchi. Et s'il pouvait éviter le conflit, il ne s'en portait que mieux. Il n'était pas taillé pour la guerre et ne s'en cachait pas. Ce qu'il aimait, c'était la précision, la minutie et les potions, comme Severus.
Il avait certes un certain talent pour la magie (et il adorait s'en vanter) : ses capacités étaient bien largement au-dessus de la moyenne, mais il préférait de loin passer des heures à chercher un ingrédient rarissime, que croiser la route d'un foutu Mangemort.
Malgré cela, parfois, il n'y avait pas le choix. Il fallait y aller. Le plus puissant devait prendre soin des plus faibles ; c'était une dette morale qu'il s'était imposé, au fil des ans.
Quand l'Ordre avait envoyé sur le terrain, en mission de reconnaissance, des enfants à peine sortis de Poudlard, il avait protesté.
Personne n'avait écouté.
Alors il avait proposé de les accompagner, au moins. Il ne l'avait pas fait par altruisme, plutôt à cause de ce mauvais pressentiment qui lui rongeait les entrailles. Il l'avait dit, répété, insisté : il ne fallait pas laisser des jeunes novices partir sans soutien.
Qu'est ce qui aurait pu mal se passer ?
Tout, évidemment. Il n'y avait pas besoin d'être devin pour le savoir.
Sans surprise, son groupe avait été pris en embuscade par des Mangemorts, un soir de mission mal préparée. Certains étaient morts sur place. Drago, lui, avait eu la 'chance' de survivre.
Il savait très bien que ce qui lui avait sauvé la vie, c'était son nom. Un nom que les Partisans du Mage Noir respectaient, ou qu'ils redoutaient. (Peut-être les deux.) Il détestait cette idée, mais il aurait été hypocrite de la nier : si il avait survécu, cette fois-là, c'était parce qu'il s'appelait Malfoy.
Il avait été fait prisonnier, enfermé, torturé et, quand l'Ordre avait enfin remis la main sur lui, quand ils l'avaient extrait de ce trou immonde où il survivait depuis des jours (ou des semaines, peut-être des mois, il ne savait plus), quelque chose en lui s'était fissuré.
Il en voulait à Dumbledore.
Il ne lui faisait plus confiance. Pas au point de croire qu'il les avait sacrifiés volontairement, non, il n'était pas aussi paranoïaque ; il ne pensait pas que le vieux fou avait prémédité l'envoi à la mort d'une poignée de gosses à peine sortis de l'école. Mais il y avait eu un manquement, une faute, quelque part, dans la chaîne de décision. Une légèreté, une négligence dans le commandement. Et il ne pouvait s'empêcher d'y voir la main d'un vieillard trop habitué à jouer aux échecs avec des pions vivants.
Même si ça n'avait pas été voulu, ça aurait dû être prévisible. Et c'était précisément ce qui le rendait fou.
Le retour au QG n'avait rien arrangé. Les membres de l'Ordre s'auto-congratulaient, exaltés, galvanisés, par ce qu'ils appelaient un sauvetage 'miraculeux'.
Miraculeux. Le mot l'avait frappé comme une gifle obscène. Lui avait donné envie de vomir.
Quant aux jeunes disparus ? Il y avait eut un hommage de circonstance bien sûr. Un recueillement poli, un regret un peu trop tranquille. Bref, les morts s'étaient évaporés des conversations aussi vite qu'ils avaient été envoyés sur le champ de bataille.
« Ils ont fait leur devoir. »
Point. Voilà ce qui en était ressorti. Leur devoir. Et c'était tout. Aucune remise en question. Aucun remord. Aucune pénitence.
Et la rage avait enflé en Drago, comme une fièvre. Qu'est-ce qu'ils étaient, en fin de compte ? Rien d'autre que de la chair à canon.
Il aurait voulu crier, leur hurler qu'il n'y avait rien de miraculeux à survivre quand les autres pourrissaient, six pieds sous terre, dans une gangue de boue sanglante.
Mais à quoi bon ? Ils ne l'auraient pas entendu : ils étaient déjà passés à la mission suivante.
Et, dans l'odieux silence qui avait suivi, il avait réalisé que les cicatrices les plus douloureuses n'étaient pas celles que les Mangemorts avaient gravées dans sa chair. Celles-là, au moins, s'étaient refermées ; les médecins, les potions, les baumes avaient fait leur œuvre. Ils avaient poli la chair, lustré la peau, effacé la souffrance physique. Il n'en restait qu'une fine ligne, quasi-invisible, quelques traces pâles que la lumière accrochait parfois, comme des ombres rampantes.
Les autres blessures, celles qui le torturaient le plus, étaient à l'intérieur, marquées au fer rouge dans son âme, béantes, suintantes, suppurantes, à tout jamais brûlantes. Et celles-là, personne ne pourrait les soigner.
Parfois, Drago se disait qu'il n'aurait jamais dû revenir. Que sa place était là-bas, avec ceux qu'on n'avait pas ramenés, parmi ses compagnons d'armes qui n'avaient pas eu la chance (ou la malédiction) de rentrer.
Il y avait, dans cette idée, un soulagement étrangement doux. Comme si la Mort était la seule issue cohérente à toute cette absurdité.
Depuis, il se sentait creux.
Il mangeait par automatisme, dormait par épuisement, parlait parce qu'il le fallait. Le reste du temps, il errait, sans but précis, prisonnier d'une mécanique interne qui refusait de s'arrêter. Il se demandait s'il restait encore en lui quelque chose de vivant, quelque chose d'autre que ce vide immense qui broyait toute émotion.
Il avait survécu, oui. Mais à quel prix ?
Il se sentait soudain plus vieux, comme si les années s'étaient abattues d'un coup sur lui. Plus sombre, plus sec, moins indulgent. Son regard avait perdu cette lueur nerveuse qui, jadis, trahissait sa peur et sa fureur. Il ne voyait, dans le miroir, plus qu'un gris usé, délavé.
Un éclat de cendre.
Les nuits étaient pires encore. Il revoyait les visages déchirés, les gestes interrompus, les corps qui tombaient avant qu'il ait le temps de les rejoindre. Parfois, dans le noir, il croyait entendre un cri, un hurlement, une phrase coupée net.
Les souvenirs ne se présentaient jamais dans l'ordre, ni même dans la logique. C'était des échardes dans sa conscience, des images sans contexte : un bout de manche déchirée, un flash verdâtre, une mèche de cheveux collée par du sang, un souffle qui s'éteint.
Il se réveillait brusquement, souvent trempé de sueur, les doigts crispés sur les draps.
Il se demandait si les autres ressentaient la même chose. Albus, Minerva, Kingsley, Weasley… Est-ce qu'eux aussi, quand le soleil laissait place à l'obscurité, ils se souvenaient des enfants tombés trop tôt ? Est-ce qu'ils portaient, dans leurs silences, un peu de cette culpabilité poisseuse ?
Il en doutait fortement.
Ils avaient appris à composer avec la mort, à l'intégrer dans leurs plans, dans leurs chiffres, dans leurs récits de victoire.
Lui, non.
Lui, il n'avait jamais su transformer la perte en discours.
Le poids de chaque cadavre qu'il voyait tomber s'ajoutait sur ses épaules. L'écrasait un peu plus. Et Merlin, qu'il en avait vu, des compagnons disparaitre, depuis le temps que durait cette putain de guerre. Parfois, il avait l'impression de les porter tous encore, ces défunts, à bout de bras, et de devoir avancer, les genoux tremblants, le dos courbé sous leurs souvenirs.
Alors il restait là, debout, pétrifié, les yeux perdus quelque part entre deux temps. Coincé entre le passé et le présent. Il ne savait plus trop quoi faire de ce qu'il ressentait et vivait en décalage constant, comme si la réalité avait pris un pas d'avance sur lui.
Et certains jours, les pires, quand son moral était aussi bas qu'une marée descendante, il avait la sensation d'être déjà mort, simplement pas encore enterré.
Drago croisa ses mains derrière sa nuque, pour s'en faire un oreiller.
Les murs semblaient plus étroits qu'à l'accoutumée.
Il écouta.
À quelques tout petits mètres de là, la respiration régulière de Potter fendait le silence. Un souffle tranquille, obstinément vivant. Il y avait dans ce son quelque chose de rassurant, une présence, un rythme qui lui rappelait que tout n'était pas totalement perdu.
Il se surprit à penser qu'il accepterait n'importe quoi pour sortir de cette léthargie. Pour sentir à nouveau. Même si, au fond, il ne voulait pas vraiment oublier. Il voulait juste redevenir un, en accord avec lui-même, ne plus être ce corps étranger à son propre esprit.
Alors, quand Potter… quand Harry, l'avait appelé, lui avait demandé de l'aider à franchir cette porte, il avait accepté. Sans hésiter. Sans réfléchir.
Évidemment qu'il l'avait fait.
Parce qu'alors qu'il s'effondrait, ce type l'avait tiré de l'agonie. Parce qu'à ses côtés, quand il se tenait debout près de lui, la douleur sur ses épaules s'effaçait un instant.
Et c'était déjà infiniment plus que tout ce que quiconque, ici, n'avait jamais su lui offrir.
Mais la confiance, pour Drago, n'était plus un réflexe ; c'était une lutte permanente. Il ne savait plus qui croire, ni même s'il devait encore croire en qui que ce soit. Chaque relation était contaminée par le doute, chaque élan instinctif aussitôt freiné par la peur de se tromper encore.
Alors il oscillait sans cesse : entre l'envie de suivre ce type, les yeux fermés, et celle de se débattre pour ne pas retomber dans une autre forme de dépendance.
Cette hésitation constante le rongeait, aspirait son énergie comme un poison lent.
Et, ce qui l’effrayait le plus, c’était cette sensation absurde de calme qu’il éprouvait près de Potter. Un apaisement si brusque, si profond, qu’il doutait de sa propre santé mentale. Parce que tout en lui hurlait que cet homme était dangereux, imprévisible, porteur d’un chaos dont il avait déjà trop souffert.
Et pourtant, dès qu’il s’approchait, cette alarme se brouillait, se dissolvait. Impossible de raccorder ce qu’il devinait à ce qu’il ressentait. Son corps obéissait avant son esprit, attiré par une forme de relâchement qui tenait presque de la délivrance.
Croire.
Ne pas croire.
Avancer.
Reculer.
S'ouvrir.
Se protéger.
C'était épuisant... et terriblement humain.
Et, puisqu'il fallait parler des rideaux… et bien… il avait passé trop de temps enfermé entre des murs humides, à compter les pierres, les jours, les battements de son propre cœur pour s'assurer qu'il fonctionnait encore. Trop de nuits sans ciel, sans lune, sans autre horizon que celui d'un plafond bas et crasseux, d'une trappe verrouillée, d'une poignée qu'il ne pouvait pas tourner.
Quelque chose s'était brisé, là-bas.
Ou peut-être, au contraire, que quelque chose s'était ouvert.
Depuis, il supportait mal les espaces clos. C'est pourquoi les rideaux n'étaient pas tirés, même la nuit.
Son regard glissa de nouveau vers le plafond, puis vers le lit d'en face. Il resta là, à observer, un long moment, le profil immobile de son étrange colocataire. La lune découpait ses traits avec une netteté dérangeante : son front, recouvert de mèches en bataille, ses cils longs et noirs, la courbe élégante de son nez, la tension latente dans l'angle de sa mâchoire…
Harry Potter semblait sculpté dans quelque chose de plus dur que la chair et Drago ne savait plus très bien s'il regardait un homme… ou quelque chose... d'autre.
Ses pensées refluèrent naturellement vers le début de soirée, quand il avait passé la porte du manoir Dearborn, flanqué de cet homme que personne ne connaissait.
Drago ne s'attendait pas, bien sûr, à être accueilli chaleureusement. Il avait transgressé les règles : déjà en quittant le QG sans l'aval d'Albus Dumbledore. L'Ordre ne fonctionnait pas ainsi. Il fallait de la rigueur, de l'obéissance et surtout, surtout, faire preuve de précaution. On ne partait pas sur un coup de tête (Surtout pas dans un pays étranger comme la Pologne). Chaque déplacement devait être approuvé, consigné, planifié.
Et, par-dessus tout, il avait ramené un inconnu. Un homme adulte, dont personne n'avait jamais entendu parler jusqu'à présent.
Voilà qui allait être difficile à expliquer.
Il avait envisagé plusieurs versions : des constructions bancales, des détours subtils pour masquer l'essentiel. Mais, quand il avait dû choisir, il s'était raccroché à la seule semi-vérité qu'il voulait bien divulguer : Harry l'avait sauvé de la noyade. C'était factuel. Il avait bel et bien sombré dans ce maudit lac et cet homme l'en avait tiré. Il n'avait pas besoin d'en dire plus. Le reste, ils n'avaient qu'à l'imaginer.
Ils étaient donc entrés dans le manoir Dearborn et, à cet instant précis, quelque chose dans l'atmosphère avait changé.
Drago n'avait pas trop su quoi, d'abord. Un détail. Une tension infime dans les épaules de Potter. Ou peut-être avait-ce été le subtile ralentissement de son pas. Il l'avait à peine perçu. C'était une… suspension dans le temps, comme si le cœur du brun s'était arrêté une micro-seconde de trop.
Son visage s'était figé, il avait pâli. Ou non, pas vraiment pâli… plutôt… il s'était adouci. C'était quelque chose dans son expression. Une minuscule fissure dans le masque de contrôle que ce type portait depuis leur rencontre.
Drago avait suivi son regard, curieux ; quatre hommes discutaient bruyamment dans un coin du hall. Black, Lupin, Pettigrew, James Potter : une troupe vociférante, qui passait la moitié de son temps à se disputer et l'autre moitié à s'en souvenir.
Au centre du petit groupe, presque dissimulée derrière le bras levé de Sirius, se tenait une femme menue. Rousse, élégante et furieuse, à en croire le ton qu'elle employait pour réprimander James. Elle avait les bras croisés, le menton haut et les yeux d'un vert qu'on ne croisait qu'une fois dans une vie.
Drago eut une vague sensation de 'Déjà-vu'.
« Tu la connais ? C'est Lily Potter, la femme de James Potter. » Il s'était penché vers Harry pour lui souffler l'information, à mi-voix.
Le brun n'avait pas répondu tout de suite. Il n'avait même pas semblé l'entendre. Son regard restait accroché à cette femme, comme si rien d'autre n'existait. Puis, enfin, il avait reporté son attention sur Drago.
« Je ne l'avais jamais rencontrée. »
C'était une réponse étrange. Pas vraiment une réponse d'ailleurs. Plutôt une esquive. Drago avait froncé les sourcils : il avait l'impression d'avoir raté quelque chose.
Lily avait levé les yeux vers eux pour croiser ceux de Potter et son visage avait changé. La colère s'était soudainement évaporée pour laisser la place à une expression plus incertaine. Son regard, lui aussi, n'avait plus quitté celui d'Harry.
Et Drago s'était soudain dit qu'ils avaient ce même air-là, tous les deux. Ce calme étrange en eux, ce silence profond qui précède l'orage. Quelque chose de contenu. De prêt à rompre.
Comme une faille qui les fêlait exactement au même endroit.
« Hé, Drago ! Qu'est ce que tu nous ramènes là ?! »
La voix sonore de Sirius avait brisé l'instant. Il s'était avancé à grandes enjambées, les yeux rivés sur Harry, et s'était arrêté à moins d'un mètre de lui. Il l'avait dévisagé un instant, avant de siffler :
« Merde. C'est flippant. On dirait le jumeau de James. En plus jeune. »
« Et donc ? Il a un nom ? » demanda Peter, resté un peu à l'écart, les yeux plissés en direction du nouveau venu.
Ce dernier, qui gardait les yeux rivés sur Lily, comme s'il ne voyait qu'elle, murmura d'une voix basse : « Harry. »
Lily esquissa un sourire doux et ouvrit la bouche pour dire quelque chose.
« Un nom de famille, peut-être ? » James s'était approché, les bras croisés, le visage fermé, clairement hostile. Il se posta entre eux, exactement là où il fallait pour interrompre leur échange de regards.
Harry détourna lentement les yeux de Lily pour les poser sur lui.
« Potter. »
Un éclat de rire fusa et Sirius, hilare, tapa de son poing l'épaule de James.
« On a retrouvé ton jumeau, mon pote ! »
James ne riait pas. Il le fixait toujours d'un air mauvais.
« Il n'apparaît pas dans notre arbre généalogique. Si c'est un Potter, c'est un bâtard. »
Harry Potter émit un rire étouffé et Drago fusilla les quatre hommes du regard.
Remus s'éclaircit la gorge.
« Tu es sûr de ce que tu fais, Drago ? On ne sait pas qui il est. Ce n'est pas exactement le moment de faire entrer des inconnus dans le QG… Tu es certain qu'il n'est pas… un Partisan de Tu-sais-qui ? »
Harry tourna la tête vers lui et lui lança un sourire sans chaleur. Sans un mot, il remonta lentement la manche de son pull, dévoilant un avant-bras nu, pâle, marqué seulement par quelques veines bleuâtres.
« Pas de marque. »
Sirius avait déjà dégainé sa baguette.
« Ça veut rien dire, chéri. Les plus vicieux savent où ne pas la mettre. »

Un sourire carnassier se déploya lentement sur les lèvres d'Harry.
« Dans ce cas, tu veux peut-être vérifier par toi-même ? »
Ses doigts glissèrent vers l'ourlet de son pull, qu'il souleva lentement. La lumière effleura la peau blanche de son ventre, révélant la ligne nette de ses muscles tendus.
C'était...
Drago détourna rapidement la tête.
« Tu devrais le dire franchement, si tu veux me voir nu, 'chéri'. » Potter cherchait clairement la mort.
Peter pouffa, étranglé entre le rire et la gêne. Remus, exaspéré, roula des yeux vers le ciel et couvrit aussitôt ceux de Lily d'une main protectrice.
Sirius laissa échapper un rire bref, sec, légèrement incrédule, qui sonnait plus curieux qu'irrité. Sa baguette flancha légèrement, son assurance avec.
Et Malfoy sut que la provocation avait atteint sa cible : pendant une seconde, l'insupportable quatuor semblait avoir perdu de sa superbe.
Seul James ne goûta pas la plaisanterie. Ses yeux s'étaient durcis et il pointa sa baguette en direction de la poitrine d'Harry.
Drago réagit aussitôt. Un grognement lui échappa, rauque, instinctif, et il dégaina à son tour, sèchement.
« Il est mon invité. » Son regard d'acier, tranchant, passa sur chacun d'eux. « Et vous n'avez pas intérêt à y toucher. »
La tension monta d'un cran. Les corps s'étaient raidis. L'air paraissait soudain plus dense, chargé d'électricité.
Lily s'interposa vivement, repoussant James d'un bras, Sirius de l'autre, pour se placer entre leurs armes tendues.
« Ça suffit maintenant ! Où est-ce que vous avez été élevés, bande de sauvages ? James Potter ! Tu vas immédiatement me ranger cette arme ou crois-moi que tu vas en entendre parler ! »
James la fixa, stupéfait. Il renifla avec mépris, hésita… et abaissa enfin, à contrecœur, sa baguette.
« Je vois que vous avez commencé la fête sans moi. »
Tous les regards se tournèrent vers l'escalier. Dumbledore venait d'apparaître en haut des marches, vêtu d'une robe anthracite aux broderies effacées. Il les descendit calmement, les mains croisées dans le dos, suivi de près par Kingsley, dont l'allure massive tranchait avec la fine silhouette du directeur.
Ce n'est qu'à ce moment que Drago réalisa que le vacarme avait attiré plus de monde qu'il ne l'avait cru. Ronald, Hermione, Nymphadora, Neville… Tout l'Ordre s'était massé aux abords du hall, certains prêts à intervenir, d'autres simplement paralysés par une expectative tendue.
« Monsieur Malefoy. » La voix de Dumbledore résonna dans le hall, douce. « J'espère que vous avez une excellente explication pour ce charmant petit moment de chaos. »
.

Chapter 19: Arc de la résurrection - Chapitre 13
Notes:
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de Drago
Quand Drago ramène un inconnu au QG, le chaos est immédiat. Les fauteurs de trouble braillards ? Je vous le donne en mille : James Potter, Sirius Black, Peter Pettigrew et Remus Lupin. Quelle surprise. Résultat : une foire d'empoigne ridicule.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 13 - HP et AD ~ oOoOo
.
Drago se retourna dans le lit. Il faisait désormais face au mur. Ses yeux suivirent machinalement la ligne d'une fissure qui courait le long du plâtre, remontait jusqu'au plafond, puis bifurquait en un Y hésitant.
Il détestait les fissures.
Elles lui donnaient toujours la même impression : celle que, quoi qu'il arrive, tout allait finir par s'effondrer. Que les murs, les toits, les gens… finiraient tous par se briser. Que rien, dans la vie, n'était vraiment fiable.
Il se demanda une nouvelle fois si Potter dormait. Probablement pas. Depuis qu'il l'avait ramené, il ne l'avait jamais vu vraiment dormir. Somnoler, peut-être. Fermer les yeux, en tout cas. Et, même si un souffle discret, apaisant, montait de sa couche, rien ne disait que ce n'était pas une imitation : un de ces faux rythmes qu'on invente pour se faire passer pour une créature vivante.
Il soupira. Il avait envie de parler. De poser les mille questions qui tournaient en boucle dans son crâne. De demander qui il était, ce qu'il savait, ce qu'il voulait. D'exiger des réponses. Il en avait parfaitement le droit, non ? Après tout, cet homme l'avait suivi jusqu'en Angleterre, jusqu'au QG, jusqu'à sa foutue chambre. Il lui devait bien ça.
Une partie de lui envisagea brièvement de le forcer à parler. De le plaquer contre le matelas, de poser sa baguette sur sa gorge, de le menacer, froidement. Juste pour voir. Juste pour provoquer une réaction.
Mais il n'était pas idiot : il savait très bien ce que ça donnerait. Que ça tournerait mal et que lui seul en porterait les conséquences. Et cette bataille-là, il ne voulait pas la perdre.
Il repensa, sans le vouloir, aux montagnes polonaises. À la forêt. Au lac. À l'eau noire. Et il pria Merlin de ne jamais avoir à remettre les pieds là-bas.
Il se retourna encore une fois dans son lit.
Bon sang ! Pourquoi n'arrivait-il pas à dormir ?
En réalité, si on prenait un peu de recul (ce qu'il s'efforçait de faire, allongé là à maudire le plafond), on pouvait dire que ça ne s'était pas si mal passé.
L'arrivée de Potter au QG, il voulait dire.
Quand il avait vu Dumbledore descendre les escaliers, flanqué de Kingsley, l'air plus vieux que jamais, Drago avait vraiment cru que sa fin était venue. Pas une fin glorieuse sur un champ de bataille, bien sûr. Non. Juste un effacement propre, bureaucratique. Une mise à l'écart. Un petit procès informel, une révocation discrète, puis l'oubli.
Mais Potter avait fait pencher la balance.
Il s'était avancé d'un pas lent, contournant Sirius et James comme s'ils n'existaient pas, et s'était arrêté à quelques mètres de la première marche.
Là, il s'était incliné.
Ce n'était pas une courbette de soumission. Encore moins une marque d'allégeance. Juste… un geste un peu désuet, un peu trop calme, qui les dérouta tous. Certains y virent peut-être de la déférence, mais Drago, lui, sentit tous ses poils s'hérisser. Il y lut une moquerie à peine voilée : le salut d'un homme qui sait exactement qui il provoque.
« Je suis venu vous offrir une arme pour vaincre Voldemort. »
Le nom interdit avait réduit tout le monde au silence. Ils avaient frissonné de concert, même ceux qui se prétendaient au-dessus de ces superstitions. Comme si ce seul mot pouvait attirer le malheur sur eux.
Shacklebolt avait le premier retrouvé sa voix. Il s'était avancé, tendu comme la corde d'un arc, et lui avait serré la main avec un zèle bien trop martial.
« Une arme ? »
Harry lui avait souri, poliment.
« Plutôt une explication. »
« Ha. »
L'éclat d'intérêt dans les yeux de l'Auror s'était aussitôt éteint. Ses doigts s'étaient desserrés et son bras était mollement retombé contre son corps. Il avait reculé d'un pas, cligné des yeux. Son visage était redevenu impassible, mais cela n'avait pas échappé à Drago : il était déçu de la réponse de Potter. Les émotions de ce type étaient décidément bien trop lisibles ; n'était-ce pas une réaction un peu problématique pour un militaire haut gradé ?
Dumbledore, lui, n'avait pas encore vraiment réagi. Il s'était approché, les mains croisées dans le dos, curieux. Il s'était arrêté à la hauteur de Kingsley et avait longuement toisé le nouveau venu par-dessus ses lunettes en demi-lune.
« Quel genre d'explication pourriez-vous donc nous offrir, qui ne nous soit pas déjà connue ? »
Il y avait, sous la courtoisie, cette pointe d'ironie professorale dont il ne se départait jamais. Agaçant.
Un grincement rauque roula de la gorge d'Harry.
Tout le monde s'était figé. Cet homme venait-il vraiment de rire au nez du Directeur ? Le regard de Dumbledore s'était durci et Potter avait légèrement incliné la tête sur le côté.
« Eh bien, je pourrais, par exemple, apporter… une explication à vos constants échecs de reconquête. Quelque chose qui pourrait vous aider à reconsidérer votre stratégie de guerre. »
Un murmure parcourut la salle. D'abord ténu, presque contenu, puis plus marqué, plus désordonné, comme si chacun attendait qu'un autre ose parler pour suivre le mouvement.
« Il croit qu'on l'a attendu pour apprendre à faire la guerre ? »
« Qui l'a ramené ici ? »
« Il a dit le nom interdit. À voix haute. Il est cinglé. »
« C'est un des leurs, j'vous dis. »
« C'est un provocateur. Un espion peut-être ? »
« Il est venu nous insulter ?! »
Les remarques fusaient de tous côtés, jamais tout à fait assumées, jamais complètement tues. L'agitation montait peu à peu. Albus Dumbledore leva une main et le silence retomba. Il observa longuement Harry. Il le jaugeait, l'étudiant sans gêne, comme s'il évaluait une pièce rapportée dont il ignorait encore la nature.
« Et vous pensez réellement pouvoir résoudre une crise que personne ici n'a su contenir ? »
Le ton, désabusé, frôlait l'insulte. Quelques rires étouffés montèrent dans le hall.
Harry pivota lentement sur ses talons. Il faisait maintenant face à l'assemblée, tournant ostensiblement le dos au Directeur (un geste qui, à lui seul, fit se raidir plusieurs sorciers dans l'assistance).
« Imaginons un instant, » dit-il calmement, « que je sache exactement ce qui vous manque. Et que je sois venu pour vous le donner. »
Un ricanement bref fendit l'air ; celui de Sirius, sans surprise.
Harry poursuivit :
« Pourquoi ne pas m'écouter jusqu'au bout et juger par vous-mêmes ? Qu'auriez-vous à perdre ? »
Dumbledore s'inclina très légèrement vers l'avant.
« Peut-être pourriez-vous commencer par vous présenter. Je vois mal comment nous pourrions accorder notre confiance à un homme dont nous ignorons tout. »
Harry se tourna de nouveau vers lui
« Je m'appelle Harry Potter. »
« D'où venez-vous ? »
« Nous revenons de Pologne. »
Il n'avait pas exactement répondu à la question, mais le directeur ne sembla pas s'en formaliser. Une ombre passa dans son regard et il se tourna légèrement vers Drago, attendant visiblement une confirmation.
Ce dernier soutint son regard.
« Cet homme… m'a sauvé de la noyade, » dit-il. « Sans lui, je ne serais plus de ce monde. »
Ce n'était pas faux. Pas l'exacte vérité, non plus (ils l'auraient sans doute tous pris pour un fou et brûlé sur la place publique s'ils avaient su ce qu'il s'était réellement passé, là bas), mais au moins ce n'était pas un mensonge.
Potter reprit aussitôt, comme si il ne souhait pas que le sujet soit creusé plus loin par Albus :
« Nous nous sommes rencontrés par hasard. J'étais juste là au bon endroit, au bon moment. »
Dumbledore toisa longuement Harry. Il ne les croyait pas, évidemment. Il semblait vouloir le percer à travers son regard, deviner ses pensées les plus intimes, ses convictions, ses ambitions…
Potter ne cilla pas et lui rendit son regard. Son sourire s'élargit, un brin provoquant, un poil moqueur.
Un froissement soyeux de tissu monta du bout du hall.
« Vous prétendez pouvoir nous sauver ? » Un temps. « Intéressant. »
La voix grave, basse, à peine plus forte qu'un murmure, venait de fendre l'assemblée. Pourtant, elle n'avait pas besoin d'être puissante pour imposer le silence. Tout le monde avait reconnu celle, si caractéristique, saturée de sarcasme, de Severus Snape.
Drago sentit une vague de soulagement lui traverser la poitrine. Si le potionniste décidait de s'en mêler, alors tout n'était peut-être pas encore perdu.
Harry tourna légèrement la tête vers lui et ses yeux glissèrent vers la silhouette noire. Il n'avait pas l'air surpris. C'était comme s'il avait senti sa présence avant même qu'il n'ouvre la bouche.
« Severus. »
Sa voix, jusque-là froide comme la glace, s'était teintée d'une étrange chaleur.
Snape plissa les yeux.
« Vous connaissez mon nom. »
Harry hocha lentement la tête, puis son regard balaya un à un les visages alignés dans le hall.
« Bien évidemment. Je connais chacun d'entre vous. »
Sirius fronça les sourcils. Kingsley se crispa. Tonks recula d'un demi-pas. Même Lupin, d'ordinaire si calme, pinça les lèvres sans un mot.
Harry revint à Snape.
« Mais vous interprétez mes propos. Je ne suis pas ici pour vous sauver. Vous avez déjà un Élu pour cela. »
Les rumeurs reprirent aussitôt, plus acides encore.
« Un élu, c'est vite dit… »
« Il parle de Longbottom ? Sérieusement ? »
« Ce type n'a pas l'air si bien renseigné que ça… »
Au fond du hall, Neville Longbottom se tassa sur lui-même, comme si les mots l'avaient giflé. Ses épaules s'affaissèrent, son regard se déroba. On aurait dit qu'il cherchait une issue pour fuir, ou un trou pour s'y enfouir à jamais.
Drago leva les yeux au ciel.
Pathétique.
Ce garçon l'agaçait prodigieusement. Pas tant pour son incompétence (quoique…), mais pour cette manière systématique de s'effacer. Comme s'il n'était jamais vraiment là.
Il aurait dû les remballer. Lever le menton. Leur rappeler qui il était. Défendre sa place, son nom. Son statut.
Mais non. Il se laissait piétiner, sans même opposer de résistance. Comme une plante à moitié morte, aux racines pourries.
« Alors quoi ? » lança Snape. « Qu'avez-vous à nous offrir pour faire tant de mystère ? »
« Une clef. »
« Qui ouvre quoi ? »
Harry haussa légèrement les épaules.
« Je l'ai déjà dit. Qui vous ouvre les portes de la victoire. À vous de l'emprunter… ou pas. »
Un rire bref, grinçant, fendit l'air.
« Et l'on est censé vous croire sur parole ? »
Harry sourit, complice.
« Non. Bien sûr que non. Je ne suis pas venu les mains vides. »
Snape haussa un sourcil.
« Nous sommes tout ouïs. »
Harry se tourna vers Dumbledore. Son regard s'était légèrement voilé. Sa voix, elle, s'adoucit.
« Mais il est tard et je suis épuisé. Nous verrons ça demain. Et nous le ferons correctement : avec l'une de vos fameuses réunions. »
Un silence.
Remus leva la tête, dubitatif :
« Et où comptez-vous aller, d'ici demain ? »
Les yeux d'Harry s'écarquillèrent légèrement, comme si la question l'avait surpris.
« Moi ? Mais ici, évidemment. »
James s'avança d'un pas, méfiant.
« Comment ça : ici ? »
Harry le fixa un instant, puis désigna Drago d'un bref mouvement du menton.
« Dans ce manoir. Je partagerai la chambre de Drago. »
Le blond tressaillit. Sa mâchoire se contracta.
« Certainement pas. On te trouvera une autre chambre. »
« Non, merci. »
C'était un constat qui n'appelait aucun débat. Il avait simplement énoncé les choses sans attendre qu'on le contredise.
Dumbledore hocha lentement la tête.
« Très bien. Drago vous surveillera. Et si jamais il se passe quoi que ce soit… il en portera la responsabilité. »
Harry ne détourna pas les yeux. Son sourire s'élargit. Il n'était ni aimable, ni goguenard. Juste… étrange.
« Et que pourrait-il bien se passer, Albus ? »
Le Directeur ne répondit pas. Il se détourna, le dos droit, les mains croisées derrière lui.
« Il est tard. Nous verrons tout cela demain. Retournez dans vos chambres, tous. »
Drago soupira. Il se tourna de nouveau dans son lit. Il était certain qu'il ne devait pas être loin de trois heures du matin et ses muscles étaient tendus comme un arc. Douloureux. Il avait besoin de dormir.
Pourquoi est-ce que ce foutu corps refusait de lui obéir ?
Un grincement discret, juste à côté, attira son attention : le matelas du lit voisin venait de protester.
Il se retourna.
Potter était assis, légèrement avachi, pieds nus posés sur le sol, coudes sur les genoux.
Drago grimaça.
« Tu ne dors pas ? »
Harry ne le regarda pas. Sa voix, basse, un peu râpeuse, glissa dans la pénombre :
« Comment ? Ça fait des heures que tu gigotes. »
« Désolé… Je repensais à ce qui s'est passé tout à l'heure. »
Potter se leva sans un mot, traversa lentement les quelques mètres qui les séparaient, puis s'assit au bord du lit. Son poids fit légèrement ployer le matelas. Drago se tendit sous les couvertures, sans trop savoir pourquoi. Sa présence le troublait. Ce n'était pas de la peur. Pas vraiment du désir non plus. Plutôt… un trouble diffus, qu'il n'arrivait pas à nommer.
Harry ne sembla rien remarquer.
« Ça ne s'est pas si mal passé. »
Drago acquiesça.
« C'est ce que je me disais aussi. Je ne pensais pas qu'ils accepteraient aussi vite ta présence. »
Un sourire étira les lèvres d'Harry.
« Oh, ils n'ont pas vraiment le choix. Ils sont désespérés. »
Drago grogna. Il n'avait pas tort.
« Et demain ? Tu vas leur donner quoi ? »
Harry inclina légèrement la tête, comme s'il hésitait à répondre.
« Tu as toujours le journal de ton père ? »
Oh.
Drago se redressa sans réfléchir. Son torse frôla l'épaule d'Harry. Il réalisa, une seconde trop tard, à quel point ils étaient proches.
Il déglutit.
« Oui… là-bas. »
Il désigna vaguement la table de la main.
Harry ne suivit pas son geste du regard, comme l'aurait fait tout être humain normalement constitué. Il connaissait visiblement déjà la réponse, car ses yeux restèrent braqués sur lui sans ciller une seule fois.
Drago dû légèrement glisser sur le côté, s'écarter de quelques centimètres, juste assez pour retrouver un peu d'air.
« Tu n'arrives pas à dormir ? »
Pourquoi la voix de Potter était-elle si douce avec lui ? Pourquoi ne pouvait-il pas s'adresser à lui comme il le faisait avec tous les autres ; avec cette froideur tranchante, ce détachement quasi mécanique ? Pourquoi fallait-il que ce soit… autre chose ? C'était si… si déstabilisant !
Drago haussa les épaules.
« Pas vraiment. »
Harry leva la main. Elle s'arrêta un instant à mi-hauteur, comme pour lui laisser le temps de reculer. Puis ses doigts glissèrent lentement jusqu'à son front, repoussant une mèche blonde.
« Recouche-toi. Je vais t'aider. »
Les ongles de Drago s'enfoncèrent dans les draps.
« Non, merci. »
Mais Harry n'écoutait pas : il avait déjà posé sa paume sur sa peau, juste entre ses sourcils.
« Potter, je ne vois vraiment pas comment tu pourrais… »
« Dors. »
Le mot avait été murmuré, à peine soufflé, mais Drago sombra aussitôt, happé par un sommeil sans rêves.
.

Chapter 20: Arc de la résurrection - Chapitre 14
Notes:
.
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de Drago
Malfoy a ramené un inconnu au QG. L'Ordre a aussitôt sombré dans sa théâtralité habituelle : cris, soupçons, ricanements…
Harry Potter a eu l'audace d'annoncer qu'il détenait « la clef de la victoire » (sans daigner préciser laquelle, naturellement). Puis, comme si cette mascarade ne suffisait pas, il a décidé d'imposer sa présence au manoir, dans la chambre de Drago, rien de moins.
Suis-je donc le seul à considérer qu'accueillir ici un inconnu, qui s'impose sans négociation, relève d'une imprudence suicidaire ?
.
Chapter Text
oOoOo ~ Arc de la résurrection - Chapitre 14 - NL et le journal ~ oOoOo
.
Le visage de Neville se crispa un instant quand ses mains effleurèrent la couverture de cuir usée du journal. Ses doigts parcoururent mollement la déchirure, fine et sombre, qui s'était formée juste après que Drago ait planté la dague encore poisseuse du venin de basilic. Le cuir s'y était racorni, figé comme une cicatrice brûlée, et l'Élu eut un bref geste de recul, sans savoir si le dégoût qui le prenait visait l'objet lui-même ou ce qu'il était censé renfermer.
Harry, impassible, l'observait en silence, confortablement appuyé contre le dossier du fauteuil, un bras négligemment posé sur l'accoudoir.
Drago aurait donné mille mornilles pour connaître ses pensées.
Ses yeux glissèrent le long des contours acérés de ses mâchoires, avant de descendre un peu plus bas, là où une veine de son cou saillait légèrement lorsqu'il penchait la tête.
Il sentit une boule se former dans sa gorge et il détourna rapidement le regard, avant de se laisser attirer de nouveau par l'étrange intensité de l'homme assis à ses côtés.
Ses yeux étaient d'un vert si vibrant qu'ils semblaient féeriques. Il eut l'impression qu'ils capturaient tout ce qui les entouraient, absorbant lumière et ombre sans distinction. Mais il y avait autre chose, un éclat qui n'appartenait ni aux émeraudes, ni au verre poli : c'était une lueur bien plus vive, une braise prête à incendier tout ce qu'elle touchait.
Un long frisson parcourut son échine et il laissa ses ongles s'enfoncer dans la paume de sa main, comme pour rompre l'enchantement par la douleur. Il se força à détourner le regard une seconde fois et son cœur battit un peu plus fort qu'il ne l'aurait voulu.
« Je ne comprends pas. »
Le journal claqua sèchement sur la table basse. Neville l'avait brusquement lâché, comme s'il venait de se brûler les doigts. Ses épaules s'étaient voûtées et son regard fuyait obstinément vers le tapis élimé, évitant soigneusement celui d'Harry.
'Un si mauvais menteur'. Pensa Drago avec un sourire de mépris.
Harry lui avait déjà raconté l'histoire des Horcruxes, de la fragmentation de l'âme, des ignobles sacrifices nécessaires pour forcer la Mort à reculer, de tout ce que le Seigneur Noir avait dû faire pour arracher à l'univers une parcelle d'éternité… et Drago l'avait cru, sans difficulté. Cela ne l'avait pas surpris. C'était même plutôt logique en fait : Celui-Dont-On-Ne-Devait-Pas-Prononcer-Le-Nom avait toujours eu cette obsession du plus : plus de pouvoir, plus de contrôle, plus de terreur, plus de domination...
Alors une vie d'éternité ? Qui ne serait pas tenté ?
Si le prix à payer n'avait pas été aussi élevé, s'il n'y avait pas eu la mutilation de l'âme, la corruption du corps, les chairs rongées par la magie, les esprits dissous dans la douleur... S'il avait existé une immortalité propre, sans contrepartie, sans sacrifice, une éternité élégante, confortable, administrative… même parmi l'Ordre, parmi les plus 'purs', combien auraient accepté une part de ce marché, si on leur en avait offert la possibilité ?
La plupart.
Presque tous, probablement.
Depuis l'Antiquité (peut-être même avant), l'humanité entière avait recherché cela : conserver le corps, l'âme, les fragments d'identité qui font de l'être-vivant 'quelqu'un'.
Les religions promettaient la vie éternelle, la science traquait le secret des cellules… chaque doctrine, chaque empire, chaque croyance, tôt ou tard, finissait par tendre la main vers la même chose : vaincre la mortalité.
Dans cette quête là, c'était, sans aucun doute, la peur qui les gouvernait tous. La simple idée qu'après, il n'y avait peut-être rien. Que la vie entière, les souvenirs, les amours, les triomphes et les humiliations s'éteignaient sans laisser la moindre trace dans l'Univers.
Ou pire : qu'il y avait quelque chose impossible à prévoir : l'Enfer, le Paradis, la renaissance, la réincarnation, un retour sous une autre forme... Qui n'avait jamais voulu savoir ?
Et, alors que tous en palabraient, Vous-Savez-Qui, lui, l'avait fait : il avait franchi la ligne et tendu la main là où tous les autres s'étaient arrêtés.
Alors qu'il se noyait dans sa propre crainte de l'inconnu, il avait bravé l'interdit ultime en réalisant ses horcruxes.
Dans l'esprit de Drago, cela lui donnait un relief inattendu : il lui apparaissait désormais terriblement plus petit (tellement humain, finalement) et, paradoxalement, terriblement plus grand, parce qu'il avait osé là où les autres n'avaient fait que fantasmer.
Et soudain, tout s'éclairait : les manies du Mage Noir, sa paranoïa, sa cruauté, son apparente invincibilité… tout cessait d'être un mystère. Ce n'était ni de la chance, ni du génie militaire : c'était de la technique. L'ingénierie mécanique de l'âme. Répugnante, terrifiante, brillante.
Et, face à ces révélations, la clef que Potter avait promis d'apporter perdait tout à coup ce simple statut. Ce n'était plus une clef, c'était un futur. De l'espérance. Une arme enfin capable d'atteindre cet homme dont plus personne ne prononçait le nom.
Pour la première fois depuis longtemps, la victoire n'avait plus l'air d'une fable.
Il s'enfonça un peu plus dans son fauteuil, les bras croisés, le menton relevé dans une posture de dédain tranquille et observa silencieusement Harry qui récupérait lentement, solennellement, le journal abandonné (rejeté) par l'Élu.
Ses doigts glissèrent avec soin sur le cuir, comme pour en chasser la saleté. Ses gestes étaient calmes, automatiques, mais ses yeux restaient rivés sur Longbottom avec une intensité qui rendait l'air soudain plus épais.
« Ne te fais pas plus bête que tu ne l'es, Neville. Ça ne prend pas avec moi. »
Sa voix était douce, pourtant, quand il releva les yeux, Drago remarqua que le vert de ses iris, si éclatant un instant plus tôt, s'était obscurci : une ombre fugace, liquide, avait traversé son regard avant de disparaître aussitôt.
'Il est agacé…'
L'Élu tressaillit légèrement et ses mains s'agitèrent nerveusement sur ses genoux. Une mèche de cheveux tomba devant ses yeux baissés et il la repoussa maladroitement du bout des doigts.
« Comment… comment tu peux être sûr que ce truc appartient bien à Tu-Sais-Qui ? » Sa voix était aussi ténue qu'un murmure, comme si chaque mot lui coûtait un effort considérable.
« Tu peux me croire sur parole. Il s'agit bien du journal de Tom. Mais tu le sais déjà, au fond, n'est-ce pas ? Tu le ressens, toi aussi... »
Potter tourna légèrement son poignet, faisant jouer le journal entre ses doigts avec une aisance troublante.
« Cet objet est son tout premier Horcruxe. Et Drago vient tout juste de le détruire. »
Drago se redressa légèrement, inconsciemment. Ses épaules s'étaient raidies et son menton s'était levé de quelques millimètres. Harry tapota doucement le cuir du journal du bout de l'index. Le son, feutré, résonna étrangement dans la pièce.
« Les informations que je t'ai données sont vraies. Est-ce que tu comprends ce que ça implique ? »
Le coin de la bouche de Neville tressaillit un instant, oscillant entre le sourire et la tristesse.
« Qu'il… qu'il a divisé son âme ? Que tant que ces morceaux ne sont pas détruits, alors il est invincible ? Mais… ça ne peut pas être vrai… parce que si c'est vrai alors… alors je… » Sa voix s'éteignit dans un souffle tremblant.
« Alors rien de tout cela n'est de ta faute. Ils t'ont placé au centre d'une guerre contre laquelle tu ne pouvais rien faire. Les dés étaient pipés, dès le départ. On t'a répété toute ta vie que tu n'étais pas assez puissant, que tu manquais de concentration, que tu n'étais qu'un bon à rien, responsable des défaites consécutives de l'Ordre. Mais la vérité, Neville… » Harry marqua une légère pose et sa voix tomba d'un ton plus apaisant encore. « …la vérité, c'est que tu ne peux pas vaincre un immortel. »
Les mains de Longbottom tremblaient désormais alors que ses doigts se nouaient et se dénouaient sans répit. Harry se pencha légèrement en avant pour s'en emparer avec délicatesse et les recouvrit avec compassion.
« Tu aurais pu devenir plus puissant que le soleil, rien n'aurait pu te faire gagner. Pas temps que l'on ne te donnait pas les bonnes armes pour combattre. »
Il marqua une pause et son regard glissa lentement sur le visage défait du jeune homme. Ses doigts, toujours posés sur ses mains tremblantes, se resserrèrent légèrement.
« Tu n'es pas responsable de la désorganisation et de la stupidité de l'Ordre. »
Neville sembla s'effondrer sur lui-même, comme si ses os avaient soudain fondu. Ses épaules s'affaissèrent, sa tête se baissa et de grosses larmes roulèrent silencieusement sur ses joues, traçant des sillons humides sur sa peau.
Drago grimaça de dégoût. Tout cela, tout ce cinéma… ce n'était que de la faiblesse.
La voix d'Harry se fit plus douce encore.
« Comme tu as dû te sentir seul, toutes ces années, n'est-ce pas ? Pourtant, regarde-toi. Tu n'as jamais abandonné. Malgré le poids écrasant de leurs attentes, malgré chaque défaite qui t'a été jetée au visage, tu as tenu bon. Dis-moi, combien auraient jeté l'éponge depuis longtemps ? Combien auraient fui, la queue entre les jambes, loin du champ de bataille ? Mais pas toi. Tom t'a raillé, il t'a brisé, encore et encore. Les sorciers t'ont humilié, rabaissé, pointé du doigt après chaque échec… Et pourtant, tu es resté. Tu as fait face. Encore. Et encore. Tu ne réalises pas, n'est-ce pas ? La force qu'il faut pour se relever après tant de chutes. Le courage qu'il faut pour avancer quand tout le monde t'a tourné le dos. Ta résilience est rare. Et ta force de caractère… est admirable. »
Il se tut un instant, comme pour laisser ses mots s'enraciner dans chaque fissure de l'âme de Neville. Puis, d'un geste tendre, il passa une main dans les cheveux du garçon, dégageant ses yeux rougis et son pouce effleura une larme solitaire, la chassant avec une douceur presque maternelle.
Drago se tassa légèrement dans son fauteuil, les doigts crispés sur les accoudoirs. Sa mâchoire se contracta alors qu'Harry se penchait davantage vers Longbottom.
'C'est… presque trop intime.' Pensa-t-il en détournant brièvement les yeux pour fixer un point imaginaire sur le mur. Son souffle était court ; il avait l'impression d'avoir oublié comment respirer normalement.
Il risqua un regard furtif vers Potter. Ses yeux verts, ce vert vibrant, semblaient vouloir dévorer Longbottom tout entier. Une chaleur désagréable, irritante, bouillonna dans son estomac et ses ongles s'enfoncèrent dans le tissu du fauteuil.
Il détourna une fois de plus le regard, incapable de soutenir cette scène une seconde de plus.
« Là, là, voilà. Tout est différent désormais, n'est-ce pas ? » murmura Harry d'un ton caressant. « Tu n'es plus seul. Et je vais faire de toi le héros qu'ils attendent tous que tu sois. Ensemble, nous allons mettre un terme au règne des tyrans. C'est un beau programme, non ? »
Sa main glissa doucement vers les cheveux sombres de Neville. Ses doigts effleurèrent presque sa tempe, mais, avant qu'il ne puisse aller plus loin, une poigne sèche se referma brusquement autour de son poignet.
« Ça suffit. » La voix de Drago était froide, tranchante, sifflante. « Longbottom n'a plus trois ans. Il s'en remettra. »
Les yeux de Potter se posèrent lentement sur le blond et un sourire fin, amusé, étira ses lèvres. Il se cala de nouveau contre le dossier du fauteuil. Ses mouvements étaient délibérément redevenus paresseux, provocants.
« Excuse-moi, Neville, mais mon chien de chasse semble tout particulièrement jaloux de toi. »
Il était légèrement moqueur.
Du bout des doigts, il effleura négligemment le rebord de l'accoudoir, avant de poser son menton dans le creux de sa paume. Son regard perçant ne lâchait plus Drago et un sourire charmeur étirait maintenant ses lèvres en une promesse déstabilisante.
Il ne reçut, en retour, qu'un regard meurtrier.
Un reniflement piteux rompit le silence. Longbottom, le visage rouge et humide, osa enfin lever les yeux vers Harry.
« Tu veux m'aider, mais qu'est-ce que tu y gagnes, toi ? »
Ce dernier ramena son regard sur Neville. Le sourire sur ses lèvres s'estompa légèrement et ses yeux émeraudes se voilèrent un instant.
« L'équilibre du monde, évidemment. Que pourrais-je souhaiter de plus ? »
Quelque chose semblait avoir changé ; une fausse légèreté, une pointe cynique, sarcastique, sous l'amabilité de son ton. Le silence s'étira entre eux. Long. Glacial.
Potter se redressa lentement pour tendre sa main vers l'Élu.
« Tu me fais confiance, n'est-ce pas ? Nous avons un deal ? »
Longbottom se tortilla sur lui-même, mal à l'aise. Son regard allait et venait entre Drago (comme s'il cherchait son approbation), et la main du brun, ouverte devant lui.
La voix d'Harry, plus basse, plus grave, roula dans la pièce comme un grondement profond qui n'invitait plus au refus.
« Nous avons un deal, n'est-ce pas, Neville ? » Répéta-t-il sourdement.
« Oui ? » chuinta le jeune homme en hochant faiblement la tête.
Potter sourit à nouveau. Lentement, ses longs doigts s'enroulèrent autour de la main tremblante de Neville et l'image d'un boa constrictor étouffant sa proie vint à l'esprit de Drago. Un frisson glacé remonta le long de sa colonne vertébrale pour s'accrocher à la base de sa nuque.
« Bien. Bien. Brave garçon. »
Harry s'était radouci, mais quelque chose d'indéchiffrable flottait toujours dans ses yeux.
« Je vais te prouver que c'est le meilleur choix que tu pouvais faire. Ensemble, nous allons changer la face du monde. »
Neville se leva à moitié, incertain, les épaules voûtées, comme si ce pacte signait la fin de l'entretien. Il désigna vaguement le journal du Mage de ses doigts tremblant.
« Est-ce que le Professeur Dumbledore sait… au sujet de… »
La langue d'Harry glissa lentement contre sa canine avant de claquer sèchement.
« Je dirais qu'il y a certaines vérités qu'il a choisi d'enfouir très profondément, dans les tréfonds de sa mémoire. Mais nous allons bientôt… les lui rappeler. »
Ce ne semblait pas être la réponse qu'attendait Neville, car il insista :
« Non, je veux dire… est-ce qu'il savait… que je ne pouvais pas vaincre Tu-Sais-Qui ? »
Les doigts d'Harry pianotèrent distraitement sur le cuir usé du journal posé sur ses genoux. Il semblait réfléchir. Une ombre fugace passa dans son regard, quelque chose entre une lassitude insondable et une pointe d'amusement cruel.
« Il n'avait pas connaissance du journal, ça j'en suis certain. Mais de là à dire qu'il ne s'en doutait pas… »
Il s'interrompit quelques secondes et ses paupières se baissèrent légèrement.
« Albus est intelligent, habile. Un orateur hors pair. Il sait comment tourner les mots pour convaincre les foules. Mais parfois… »
Il mordilla ses lèvres, comme s'il cherchait les mots justes, ceux qui glisseraient sans heurt, sans laisser de marque.
« Parfois, même les plus grands esprits choisissent de détourner les yeux. Par confort, peut-être. Par peur, sûrement. Mais je suis certain qu'il avait une bonne raison. Il sait parfaitement ce qu'il fait. Et je suis convaincu qui ne te ferait pas volontairement... souffrir… pour rien. »
Longbottom resta figé, incapable de trouver quoi répondre. Potter parut remarquer qu'il avait été trop abrupt et tenta maladroitement de le réconforter.
« Quoiqu'il en soit, tu sais que je suis là pour toi, désormais. Si tu as la moindre question, le moindre doute, n'hésite pas à venir me trouver. Je serais toujours là pour t'écouter. Nous pourrons essayer de résoudre ensemble tes problèmes. »
Neville releva timidement les yeux vers Harry qui lui souriait chaleureusement.
« Nous allons veiller à ce que plus personne ne doute de ta légitimité. À ce que plus personne ne puisse te tourner le dos. Tu vas devenir… » Son sourire s'élargit un peu plus, dévoilant une rangée de dents blanches parfaitement alignées. « …sublime. »
Le jeune homme déglutit et ses doigts s'agitèrent nerveusement contre ses cuisses.
« Alors… qu'est-ce que je dois faire ? »
« Pour l'instant ? Rien. Retourne dans ta chambre. Repose toi. Tu en as grand besoin, ça se voit à tes cernes. Je ne suis pas en train de te promettre un miracle, Neville. Tu en es conscient, n'est-ce pas ? Mais tu peux me croire sur un point : les choses vont changer pour toi. » Il marqua un temps de réflexion avant d'ajouter, distraitement. « Pour tout le monde, en fait. »
Neville hocha lentement la tête, visiblement épuisé. Il hésita un instant, cherchant quelque chose à dire, mais finalement, il se contenta de s'incliner légèrement et quitta la pièce sans un bruit.
La porte se referma derrière lui avec un léger claquement et le silence s'installa dans la salle.
Une seconde passa.
Puis deux.
Puis, Malfoy se rua brusquement sur Harry. Ses mains agrippèrent les accoudoirs avec une telle force que le fauteuil bascula légèrement vers l'arrière. Son avant-bras s'écrasa contre la gorge du brun, le maintenant férocement contre le dossier.
« Plus jamais tu ne me traites de chien, Potter. Tu as bien compris ? »
L'homme ne sembla ni surpris, ni inquiet. Pas même mal à l'aise. Il demeura calme, peut-être même ennuyé. Sa tête s'était légèrement inclinée sous la pression du bras, mais son sourire, lui, restait parfaitement en place.
Lentement, avec une déconcertante nonchalance, il laissa une de ses mains glisser le long des hanches du blond et ses doigts effleurèrent le tissu de sa chemise.
Drago se dégagea vivement, comme brûlé, et il recula d'un pas, la mâchoire serrée, les joues rosies par une colère qu'il peinait à contenir.
« Ne t'énerve pas. Excuse-moi. » La voix d'Harry était douce, chantante. « J'ai tendance à oublier combien tu as en horreur ce genre de surnoms. Mais c'était plus fort que moi. Tu aurais dû voir ta tête. »
Le blond fronça le nez, la bouche pincée, visiblement peu réceptif à la plaisanterie. Finalement, un rire bref, sec et sans chaleur, s'échappa de ses lèvres.
« Sublime, hein ? »
Le sourcil d'Harry se haussa légèrement, amusé par la question.
« Qui ? Neville ? Bien sûr. Quoi ? Tu ne me crois pas ? Chaque homme a besoin d'une promesse, d'un objectif, tu sais. Et ce pauvre garçon mérite la sienne. »
Un souffle méprisant passa entre les dents de Drago.
« Et moi ? Quelle promesse tu comptes me faire ? »
Harry inclina la tête et un nouveau sourire glissa lentement sur ses lèvres, envoûtant.
« Mais toi, Drago, ce n'est pas pareil. Toi, tu es mon plus précieux… » Il sembla chercher ses mots un instant. Ses yeux, presque noirs sous la lumière des bougies, se rivèrent profondément dans ceux de Drago. « …compagnon. »
Ce dernier fronça les sourcils. Ses lèvres s'entrouvrirent légèrement comme s'il allait répondre, mais il ne trouva aucune répartie appropriée. Il avait l'impression que Potter pouvait voir jusqu'au plus profond de son âme, disséquant chaque fissure, chaque doute. Lui, par contre, ne pouvait rien lire du tout : il ne savait pas jusqu'où ses ambitions s'étendaient, jusqu'où ses mensonges pouvaient aller.
Et pourtant… il savait déjà qu'il le suivrait jusqu'au bout. Peu importait où cela les mènerait : dans les ténèbres les plus opaques ou vers une lumière aveuglante.
Il détourna brusquement le regard et grommela d'une voix rauque :
« C'est bon. Ferme-la. »
Une lueur prédatrice traversa fugacement les yeux verts posés sur lui et le silence retomba dans la pièce, lourd, brûlant.
.

.
Chapter 21: Extrait du journal de Severus S. - Entrée 39
Chapter Text
.
OoOoO Extrait du journal de Severus S. - Entrée 39. oOoOo
.
Ils étaient tous si curieux.
Bien sûr, ils prétendaient ne pas l'être. Mais il suffisait de voir leurs yeux, leurs gestes un peu trop réglés, la manière dont ils tournaient la tête chaque fois qu'un bruit résonnait dans le couloir… Tous attendaient qu'il reparaisse.
L'invitation à la réunion du matin avait été formulée avec cette mielleuse neutralité dont Albus est si friand. Mais l'ordre était clair : l'inconnu parlerait et nous le jugerions.
Une aide extérieure ? Nous en frémissions de méfiance. Mais en avions-nous encore le luxe ? Après toutes ces années à perdre du terrain, à reculer, à enterrer les morts au petit matin ? Nous aurions écouté un gobelin anarchiste s'il nous avait promis un ersatz de victoire.
Et de toute façon, cela ne nous engageait à rien. S'il décevait, certaines dispositions seraient prises. Je sais ce que ce mot signifie. Je suis souvent celui que l'on charge de les appliquer.
Drago ne mentait pas. Je l'ai observé longuement hier soir. Il y avait dans son regard quelque chose de trop sincère pour être simulé. Il avait certainement une dette de vie envers Potter. Mais j'ai lu également une omission. Il a caché quelque chose. Et je saurai quoi. Quelques en soient les moyens.
Ce matin-là, la salle de réunion était pleine avant même que le soleil ne se soit levé. Albus était là. Plus raide que d'habitude. Moins sûr de lui.
Quand Potter est entré, un vieux journal racorni entre les mains, tout le monde l'a d'abord regardé avec scepticisme et dédain. Le carnet était fendu en son centre, comme si une lame l'avait traversé.
Nous avons ri.
Tous.
Sans exception.
Pas longtemps.
Albus a soudain écarquillé les yeux. Il s'est brusquement levé et a arraché l'objet des mains de l'homme, abandonnant toute tempérance. Il l'a ouvert et je me suis penché sur son épaule.
Il n'y avait rien que des pages vierges. Mais là, juste là, quelque chose remontait. Une fureur noire. Une magie toxique. Une corruption lente et grumeleuse qui m'a saisi la gorge.
J'avais déjà ressenti cela. Je ne voulais pas me souvenir d'où.
Les mains d'Albus tremblaient. Il a relevé les yeux sur Potter.
« Où avez-vous eu cela ? »
L'homme a souri. Un sourire tranquille.
« Est-ce que vous comprenez, maintenant ? »
Albus a soufflé : « Oui. » Et toute la salle s'est tue.
« Savez-vous combien il y en a ? »
« Je le sais. »
« Savez-vous où ils sont ? »
« Je le sais. »
« Comptez-vous nous le dire ? »
Silence.
Il l'a regardé longuement, sans ciller. Son sourire s'est élargi.
« Que m'offrirez-vous en échange ? »
« Que voulez-vous de moi ? »
« Que vous me laissiez rester ici. Avec Drago Malfoy. »
« Rien de plus ? »
Harry Potter a levé la main droite.
« De vous ? Rien. Je le jure. »
Albus a regardé le journal. Il s'est levé. Précipitamment. Il a quitté la salle. Il fuyait, je crois. Et c'est la première fois de ma vie que je l'ai vu fuir.
Neville Longbottom a relevé la tête. Il a fixé Potter un moment sans montrer la moindre émotion.
« C'était donc vrai ? »
Potter n'a pas répondu.
Il n'en avait plus besoin. Il était déjà des nôtres.
.
.
Fin de l'Arc I : Arc de la résurrection
.

Chapter 22: Arc des horcruxes - Le pendentif - Chapitre 1
Notes:
.
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - ligne de Drago
Harry Potter a présenté à l'Ordre un carnet vierge. Vierge, vraiment ? Alors pourquoi cette sensation de malaise nous a soudainement tous envahis ? Il semblerait que nous ayons là, entre les mains, le tout premier horcruxe du Seigneur des Ténèbres. Quant à Potter, j'ai bien l'impression qu'il souhaite s'employer à redorer les lettres de noblesse de l'Élu.
Chapter Text
.
TW - oOoOo ~ Arc des horcruxes - Le pendentif - Chapitre 1 - Chute et Selwyn ~ oOoOo - TW
.
Le sentier serpentait le long des falaises abruptes, mordant le rebord déchiqueté de la côte. La mer, en contrebas, rugissait, déchaînée, s'écrasant inlassablement contre les rochers gris dans une écume mousseuse blanche et glaciale.
Le vent marin fouettait leur visage, portant avec lui l'odeur de l'iode et le goût du sel.
Drago avançait prudemment derrière Harry. La nuit tombait doucement, étouffant les couleurs sous un voile d'encre bleutée et, malgré le paysage grandiose, il ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine nervosité.
Chaque pas était un pari. Une pierre trop saillante, une racine arrachée au sol, un faux mouvement... et il ferait un vol plané jusqu'aux récifs. Il visualisait déjà la scène : sa colonne vertébrale brisée, son corps désarticulé, empalé sur un pic rocheux ou (et il n'arrivait pas à décider de ce qui était le pire) happé par le ressac. Disparu, avalé par les flots, offert aux poissons et aux abysses.
Il avait du mal à détacher son regard des vagues, en contrebas, qui battaient la côte comme un cœur monstrueux. Depuis la Pologne, il n'avait plus confiance en aucune masse aqueuse dépassant la taille d'une petite flaque (Et encore, il se sentait l'âme généreuse). Il ressentait encore parfaitement la sensation de la vase qui aspirait ses pieds, ses chevilles, du froid qui s'enfonçait en lui jusqu'à l'os, de l'eau qui lui remplissait la bouche, la gorge, les poumons... et de l'horrible certitude que la Mort était là, à ses côtés, patiente.
...
Il venait de décider : s'il devait crever aujourd'hui, il choisirait la roche. Une chute rapide, immédiate, sans tergiversation. Il ne voulait plus jamais sentir ce long glissement vers la fin et cette attente suffocante.
Il finit par reporter son attention sur la silhouette de Potter devant lui. Se posait-il seulement ce genre de questions ? L'idée lui avait-elle déjà traversé l'esprit ? Drago se rappelait très bien la vision qu'il avait eue sur le champ de bataille. Harry, debout au sommet de la montagne, s'était jeté dans le vide sans un regard en arrière, sans une hésitation. Ce type n'était pas courageux. Il était tout simplement cinglé. Et probablement, par là-même, très dangereux.
« Je ne comprends pas pourquoi tu as voulu passer par ici. Il y a des chemins plus sûrs à l'intérieur des terres. »
« Ce que nous cherchons n'est pas facilement accessible. Si c'était le cas, d'autres l'auraient déjà trouvé avant nous. »
Harry s'était légèrement retourné vers lui et un sourire amusé étirait désormais ses lèvres.
« Et puis, la vue est belle, non ? »
« Oui, magnifique. Parfait endroit pour mourir. Noyé, la nuque brisée, écrasé sur un rocher, empalé par une stalagmite, dévoré par un calmar géant… il y a tant de possibilités que je ne saurais laquelle choisir ! »
Le rire d'Harry résonna dans les oreilles de Drago et une étrange sensation s'installa dans le creux de son ventre. Quelque chose entre le vertige et une sourde appréhension.
« Et qu'est-ce qu'on cherche exactement ? »
Potter marqua un temps d'arrêt et pointa du doigt les vagues qui s'écrasaient sans relâche contre les falaises abruptes, soulevant des nuages d'embruns glacés.
« Là. Tu vois cette ombre, juste au-dessus de l'écume ? Il y a une grotte. Elle n'est vraiment visible que depuis la mer. Nous n'en sommes plus trop loin. Je pense que d'ici une heure, tout au plus, nous y serons. »
Drago plissa les yeux, cherchant à distinguer ce que l'homme lui montrait. Après quelques secondes, il crut apercevoir une forme sombre dissimulée derrière un voile brouillasseux, mais il n'en était pas vraiment certain. Le vent s'engouffra soudainement entre les roches, sifflant à ses oreilles, et fit voler quelques mèches blondes devant ses yeux. Il grogna en rabattant son col, agacé.
« Génial. Parfait. Si c'est pour crapahuter comme un guignol dans la caillasse, je vais sérieusement commencer à renégocier mon salaire. »
Harry esquissa un sourire en coin.
« Oh, mais tu es déjà grassement payé, Drago. Ton salaire, c'est ma compagnie. »
Malfoy leva les yeux au ciel et souffla bruyamment.
« Eh bien, rappelle-moi de démissionner à la première occasion. »
Harry allait répondre quelque chose de mordant lorsqu'un éclair de lumière incandescente fendit l'obscurité.
Drago le vit arriver comme à travers une brume épaisse, un peu opaque : une gerbe rouge rubis traversa l'espace entre eux, gracieuse.
Pendant une fraction de seconde, il ne comprit pas.
Puis une pluie tiède, poisseuse, éclata en gouttelettes sur sa joue et sur le coin de sa bouche.
Du sang.
Ses pupilles se dilatèrent.
Le sort de découpe avait frappé Potter à l'épaule avec une violence inouïe. Celui-ci chancela un instant, avant de basculer en arrière, déséquilibré. Ses bottes dérapèrent sur le bord humide de la falaise et, dans un ultime geste pour se raccrocher à quelque chose, il tendit une main vers Drago.
« HARRY ! »
Le cri déchira la nuit.
Malfoy bondit en avant, bras tendu. Ses doigts frôlèrent ceux du brun, mais il était trop tard : son manteau claqua une dernière fois dans le vent avant que son corps ne disparaisse dans le vide.
Drago resta pétrifié une seconde, le souffle coupé, la main tendue vers le précipice.
Un deuxième éclair rouge frappa ses omoplates dans un sifflement aigu. La douleur explosa dans son dos, projetant son corps vers l'avant. Il s'effondra sur les genoux. Ses ongles griffèrent désespérément le sol meuble.
Ça faisait mal, putain !
Des rires rauques résonnèrent tout autour de lui et des silhouettes émergèrent des ombres, baguettes pointées dans sa direction. Ils étaient cinq, peut-être six. Des Rafleurs, évidemment. Des pillards. Des braconniers peut-être. Leurs vêtements puaient la sueur et le sang séché. (Probablement pas le leur.)
Leur chef s'avança. Ses cheveux noirs, grossièrement plaqués en arrière, luisaient d'une graisse douteuse et ses yeux sombres brillaient d'une cruauté mal dissimulée. Une cicatrice en forme de croissant barrait sa joue gauche, donnant à son sourire un étrange aspect déformé. Il se planta devant Drago, une main fourrée dans sa poche et un cure-dent coincé entre ses dents jaunies.
« Tiens, tiens, qu'est-ce qu'on a là ? »
Drago grogna. Sa main droite glissa lentement vers sa baguette.
Selwyn s'accroupit devant lui. Ses genoux craquèrent sous son poids. Il saisit brutalement le menton de Drago entre ses doigts osseux et inclina son visage pour mieux le scruter à la lueur du crépuscule.
« Regardez-moi ce joli minois. On devrait pouvoir en tirer un bon prix, vous ne croyez pas ? »
Les rires gras des autres hommes retentirent autour d'eux. L'un des Rafleurs tapotait nerveusement sa baguette contre sa cuisse, tandis qu'un autre se léchait les lèvres avec avidité.
Un frisson de rage glacée traversa la colonne vertébrale de Drago.
« Avant, tu pourrais t'amuser un peu avec lui, hein, Selwyn ? »
Les rires redoublèrent.
« Hey. » Fit un autre type. « Y vous rappelle pas quelqu'un ? »
Mais la main de Drago venait de se refermer autour de sa baguette et il ne leur laissa pas le temps d'en dire plus.
« Expulso ! »
Le sort frappa Selwyn de plein fouet, le projetant violemment contre le tronc d'un arbre proche. Le mangemort s'effondra au sol dans un râle étouffé.
« Attrapez-le bande d'idiots ! J'le veux vivant ! » hurla-t-il avec fureur.
Malfoy bondit sur ses pieds, esquivant de justesse un éclair qui passa à quelques centimètres de sa tête. Il se retourna. « Confringo ! »
Une explosion déchira l'air, projetant deux Rafleurs au sol dans un tourbillon de feu et de débris.
Un autre homme surgit sur le côté, baguette levée.
Drago fut plus rapide. « Stupefix ! »
Le Partisan s'effondra, raide comme une planche. Deux autres surgirent de part et d'autre.
« Protego ! »
Le bouclier argenté repoussa deux sorts qui filèrent plus loin, dans le vide.
Drago fit volte-face, cherchant une issue. Malheureusement, ils étaient partout et avaient coupé toute retraite. Un rayon jaune frôla son visage, faisant grésiller l'air autour de lui. Il sentit la chaleur d'une brûlure au niveau de sa joue.
« Fait chier… » murmura-t-il entre ses dents serrées.
Il tenta de reculer, mais un autre sortilège frôla sa jambe, le faisant vaciller. Il pivotait pour riposter quand un flash rouge le frappa en pleine poitrine.
La dernière chose qu'il vit fut le sourire déformé de Selwyn, accroupi non loin de là, son cure-dent toujours coincé entre ses dents.
Puis les ténèbres l'avalèrent.

.
.~oOo~.
.
Le monde émergea lentement du voile noir dans lequel il avait sombré.
Une douleur sourde pulsait dans son crâne : chacun des battements de son cœur envoyait une désagréable décharge derrière ses yeux clos. Ses poignets le brûlaient, serrés par des cordes rêches qui mordaient sa peau. Une odeur âcre de bois brûlé, de sueur rance et de viande avariée flottait dans l'air.
Il ouvrit lentement les yeux.
La nuit était tombée. Le feu d'un brasier crépitait à quelques mètres, projetant des ombres déformées sur les visages fatigués des mangemorts qui l'entouraient. Drago en compta au moins neuf. Quelques-uns riaient, d'autres le dévisageaient avec un intérêt malsain.
Ce n'était vraiment pas de chance.
Parmi les partisans du Seigneur des Ténèbres, il existait une hiérarchie officieuse que tout le monde faisait mine d'ignorer : les véritables mangemorts, l'élite, les 'historiques', étaient des monstres, certes, mais des monstres raffinés : cultivés, intelligents, disciplinés, capables de torturer avec méthode et d'enrober leurs atrocités d'un vernis politique de pureté idéologique.
Des salauds de première, sans l'ombre d'un doute, mais des salauds bien élevés.
Et puis il y avait… ceux-ci. Ceux qui l'entouraient maintenant.
La lie de l'humanité.
Des coupe-jarrets sans éducation, des trafiquants bas de gamme, des pilleurs incapables de lire trois lignes d'un manuscrit sans s'endormir (Si ils n'étaient pas tous complètement illettrés). Pas de doctrine, pas de vision, pas même de haine structurée : seulement l'excitation brutale d'avoir enfin le droit de faire tout ce qu'ils avaient toujours rêvé d'oser.
Ils ne torturaient pas pour une (noble) conviction, mais pour s'amuser. Ils utilisaient des sortilèges grossiers, des lames ébréchées, des objets rouillés qui infectaient les plaies. Non par manque de moyens, mais parce que la douleur était plus 'drôle' quand elle se faisait lente.
Le responsable de ce groupe là, Selwyn, était l'exemple caricatural de l'espèce. Il n'était ni un grand stratège, ni un fanatique, mais un animal. Le genre de chien errant malade à qui le Seigneur avait offert un collier pour mieux le lâcher sur le monde. La réputation de ce type tenait en une phrase simple que Drago n'avait jamais pu formuler autrement : le pire des fils de pute qu'on puisse croiser dans une vie entière.
Parce que ces gens-là n'avaient jamais rejoint Vous-Savez-Qui par conviction. Ils s'étaient simplement engouffrés dans l'occasion, quand celle-ci s'était présentée : celle de profaner, de voler, de violer, de tuer, sans qu'aucune conséquence ne retombe jamais sur leurs épaules.
Ils n'étaient pas la garde rapprochée du Seigneur. Ils étaient sa vermine plus ou moins utile.
La situation n'était pas, vraiment pas, terrible : Drago était attaché à un tronc d'arbre, les bras dans le dos. Une corde enserrait aussi ses chevilles. Sa joue était poisseuse de sang séché et chaque respiration provoquait en lui une cuisante douleur dans ses côtes.
Il pouvait voir sa baguette jetée au sol. Si loin de lui…
À quelques mètres, à la lisière du cercle de lumière projeté par le feu, il aperçut des cages en fer rouillées, empilées les unes sur les autres. Certaines étaient assez grandes pour contenir un homme, d'autres à peine assez spacieuses pour un petit animal famélique. Les barreaux étaient tordus, parfois encore tachés d'une substance sombre qu'il préférait ne pas identifier. Il se demanda un instant si elles servaient au braconnage ou à la traite d'êtres humains. Peut-être les deux. Dans tous les cas, il savait qu'il ne voulait pas finir enfermé là-dedans.
Il inspira profondément.
Bien. La clé de la liberté était la patience, la discrétion. Et probablement la résilience. Il commença à travailler les liens qui le maintenaient prisonnier de l'arbre. Par chance, ses poignets étaient très fins et la corde bien trop épaisse : les nœuds, bien que serrés, laissaient un infime jeu, une minuscule marge qui allait lui être utile.
Il fit glisser ses mains, doucement, lentement, pour ne pas attirer l'attention. Ses doigts étaient déjà engourdis par la pression, mais il ignora les picotements désagréables qui électrisaient ses nerfs. L'écorce rugueuse contre son dos devenait un précieux point d'appui : il s'y frotta discrètement, cherchant à détendre les fibres qui le retenaient, sans produire le moindre bruit.
Une silhouette se découpa dans la lumière du feu et Drago plissa les yeux pour distinguer Selwyn.
Le chef des Rafleurs avait retiré son manteau, révélant une chemise élimée maculée de taches sombres. Le cure-dent se promenait toujours entre ses dents et ses bottes crissaient sur les cailloux alors qu'il avançait dans sa direction avec une lenteur toute étudiée, théâtrale. Il s'arrêta à quelques pas de son prisonnier et s'inclina profondément devant lui en moulinant une main dans une parodie de révérence.
« Monseigneur... Je m'disais bien que j'avais déjà vu ta petite tête quelque part. Ouais. Maintenant j'te remets… t'es le portrait craché de ton père. »
Il tourna la tête vers ses hommes, un sourire carnassier aux lèvres, et lança d'une voix goguenarde :
« L'héritier Malfoy, en personne, qui nous fait l'honneur de sa présence. Quel plaisir inattendu. »
Il y eut quelques acclamations, quelques sifflements approbateurs et Drago serra les dents. Ses poignets glissèrent d'un demi centimètre de plus dans la corde.
Selwyn ricana et écarta les bras comme s'il s'adressait à une foule imaginaire.
« Mais contrairement à cette petite pute de Lucius, son rejeton a choisi une voie plus noble : celle de l'indépendance ! »
Il marqua une pause et ses yeux sombres se plantèrent dans ceux du blond. Il grimaça avant de porter son index à sa bouche. Drago vit son ongle raz, noir de crasse, racler ses gencives.
C'était tout simplement répugnant.
Il sentit le regard du Mangemort glisser vers sa gorge pâle et il imagina parfaitement ses phalanges s'enfoncer juste là, perforer sa peau, glisser sous les muscles de son cou et remonter le long de sa trachée jusqu'à pouvoir la saisir. C'était exactement le genre de ce type.
Mais le Rafleur releva la tête, impassible.
« Mais vois-tu, p'tit prince, l'indépendance a un prix. Et crois-moi, tu vas le payer jusqu'au dernier Gallion. »
Il se redressa et promena cette fois-ci son regard sur tout le corps de Malfoy. Un sourire cruel étira ses lèvres gercées.
« J'allais dire aux gars : on ne touche pas à la marchandise avant de l'avoir vendue. Mais tu sais quoi ? » Il se pencha légèrement en avant, rapprochant son visage du sien. « Ta petite rébellion m'a fait changer d'avis. »
Selwyn se figea net lorsqu'un crachat s'écrasa contre sa joue.
Les rires s'évaporèrent et un silence glacé s'abattit sur le camp.
Lentement, il passa deux doigts sur sa peau, étalant la traînée humide avant de lever les yeux vers son prisonnier. Il brûlait désormais de rage.
Drago releva fièrement la tête et un sourire tordu étira ses lèvres ensanglantées.
« J'ai entendu parler de toi, Sylvius Selwyn. Tu n'es qu'un clébard galeux qui aboie pour se donner l'impression d'être un loup. Il paraît même que tu lèches les bottes de ton maître en espérant qu'il daigne t'en écraser une sur la tête. »
Un éclair traversa le regard du Rafleur : une fureur froide, meurtrière. Son cure-dent tomba de sa bouche et disparut quelque part dans les cailloux, à ses pieds.
« Tu viens de commettre une grosse erreur, mon agneau. »
Sa main fendit l'air et s'abattit férocement sur la joue de Malfoy. La tête de celui-ci bascula violemment sur le côté et un craquement sec résonna dans ses cervicales. Des étoiles dansèrent un instant devant ses yeux tandis qu'un bourdonnement caverneux retentissait dans ses oreilles.
Ce n'était pas fini : un poing massif s'encastra presqu'immédiatement dans son estomac. L'air s'échappa brutalement de ses poumons. Il se plia en deux, tête pendante. Une nausée brûlante remonta le long de sa gorge, mais il parvint à la ravaler de justesse.
Le choc eut un effet secondaire inattendu : sous l'impact, la corde se détendit un peu plus. Quelques millimètres de jeu. Suffisamment pour que Drago parvienne à en extirper une main.
Il n'eut pas le temps de s'en réjouir : Selwyn l'attrapa par le col et le redressa sèchement. Ses doigts s'enroulèrent autour de sa gorge et serrèrent, bloquant presque entièrement son souffle.
Ses yeux flamboyaient de cruauté pure.
« Sale petit serpent… Peut-être devrais-je commencer par te couper la langue ? »
Il se pencha jusqu'à ce que ses lèvres frôlent l'oreille de Drago et son haleine fétide vint s'écraser contre sa peau.
« Dis-moi… Tu penses encore à ton petit ami, là, celui qui est tombé ? Tu crois qu'il a survécu ? Les vagues sont voraces par ici, tu sais… Elles n'aiment pas laisser de restes. »
Un ricanement rauque monta de sa gorge alors qu'il resserrait encore un peu plus sa prise.
« Si tu es sage, peut-être que je t'enverrai le rejoindre bientôt. »
Les lèvres fendues de Drago s'entrouvrirent légèrement, mais aucune supplication ne les franchirent. Au lieu de cela, un rictus dédaigneux déchira son visage.
Il sentit la pointe d'une baguette s'enfoncer dans son ventre. Le bois froid transperça le tissu et pressa cruellement sa peau.
« Torquo. »
La douleur explosa dans son abdomen, irradia dans ses membres. Ses os et ses articulations semblaient se fendre sous sa peau, comme si tout son squelette se broyait de l'intérieur sans jamais céder. Sa bouche s'ouvrit en un cri muet. Seul un râle étranglé franchit ses lèvres, coincé quelque part au milieu de sa gorge.
Selwyn observa la souffrance le consumer avec un évident plaisir.
« Nous avons toute la nuit devant nous. » Sa voix était douce, tendre. « Allez, mon mignon. Voyons combien de temps tu tiendras avant de supplier. »
Le sort s'arrêta, laissant Drago haletant, le front perlé de sueur froide. Il n'avait pas lâché la corde. Ses doigts restaient crispés dessus, pour qu'on le croit encore solidement attaché. Personne ne devait comprendre : c'était encore trop tôt. Alors il serra les mâchoires et encaissa. La revanche viendrait plus tard.
Le répit fut bref.
« Crucio ! »
Cette fois, un hurlement, arraché du plus profond de ses entrailles, sortit. Le cri fendit l'air nocturne, se répercuta contre les rochers pour se perdre dans les ténèbres environnantes.
Autour du feu, les autres Rafleurs riaient de nouveau, échangeaient des plaisanteries.
Drago sentit son esprit vaciller, glisser au bord du gouffre. Et le goût métallique du sang se répandit dans sa bouche.
.
Chapter 23: Arc des horcruxes - Le pendentif - Chapitre 2
Notes:
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de Drago
Potter et Malfoy se sont aventurés sur une côte battue par les vents, à la recherche d'une grotte dissimulée. Pris en embuscade par le Rafleur Selwyn, Potter a chuté dans les flots et Malfoy a été capturé.
.
Chapter Text
.
TW oOoOo ~ Arc des horcruxes - Le pendentif - Chapitre 2 - Sauvetage ~ oOoOo TW
.
Un hurlement guttural éclata dans la nuit, vibrant à travers la forêt comme le râle d'une créature affamée. Mais cela aurait tout aussi bien pu être celui d'un prédateur en chasse.
Ça ne ressemblait à rien de connu. De quoi se dire qu'une bête rôdait dans les bois. Une bête qui n'aurait jamais dû s'y trouver.
Le cri semblait venir de partout à la fois, reprenant en écho celui qui avait été arraché à Drago sous la torture. Comme si sa souffrance avait invoqué quelque chose… et que cette chose venait tout juste de répondre.
Le vent siffla brusquement entre les branches tordues, faisant craquer les troncs comme des os secs. Les flammes du feu frémirent, puis s'élevèrent soudainement en un tourbillon nerveux, projetant des ombres distordues sur les visages tendus des Rafleurs. Et l'odeur de bois brûlé et d'acier froid qui flottait dans l'air se mélangea à quelque chose de plus aigre : la peur.
Selwyn s'était figé. Ses yeux noirs scrutaient les ténèbres au-delà du cercle de lumière de leur camp. Autour de lui, les autres hommes se raidirent, baguettes pointées vers l'obscurité.
Un bruit brisa le silence : quelque chose venait de bouger à la lisière du feu, juste hors de portée de leur champ de vision.
« Qui va là ?! » aboya le Mangemort d'une voix tranchante.
Un éclair lumineux jaillit d'une baguette, crevant les ténèbres pour se perdre dans le vide.
Rien.
Il y eut un autre son, plus proche cette fois. Un froissement nerveux, bien trop rapide pour être réel.
Drago laissa échapper un rire rauque, cassé, un peu fou. Un rire qui n'avait plus rien d'humain.
« Ferme-la ! » beugla Selwyn à son attention. Il désigna un de ses hommes du menton. « Toi. Va voir. »
Le Rafleur désigné hésita.
Il fit un pas.
Puis un autre.
L'obscurité l'avala.
Quelques secondes s'écoulèrent.
Puis vint le cri. Un hurlement de terreur pure, brutalement interrompu par un craquement sec.
Le silence engloutit à nouveau le campement.
Les Rafleurs échangèrent des regards incertains. Une baguette trembla. Puis une autre.
Selwyn ne bougeait pas. Ses yeux restaient rivés sur un point invisible, quelque part dans les ténèbres.
Drago releva lentement la tête. Son rire s'était éteint, mais ses yeux brillaient toujours d'une lueur étrange.
Tout près, des branches cédèrent sèchement. On aurait dit une colonne vertébrale broyée sous une pression implacable. Quelque chose arrivait droit sur eux avec la brutalité d'une tempête. Quelque chose de rapide. De puissant.
Un souffle d'air gelé balaya le camp au moment où une ombre fondit sur eux.
Un Mangemort hurla.
Son cri s'étrangla lorsqu'il fut arraché du sol et projeté dans les flammes d'un brasero. Son corps s'y écrasa lourdement, dans une gerbe d'étincelles incandescentes.
Les Rafleurs se figèrent, horrifiés. Ils n'arrivaient pas à détourner leurs yeux des restes fumants. Enfin, leur attention se tourna vers le centre du camp, là où l'immense feu se tordait paisiblement vers le ciel.
Harry Potter se redressa lentement, sans un mot.
Les flammes créaient une étrange auréole mouvante derrière lui. Ses épaules étaient droites, sa tête légèrement inclinée sur le côté. Et sa respiration était bien trop régulière pour quelqu'un qui venait de faire voler un homme à travers le camp à la seule force de ses poings.
Ses cheveux humides, qui retombaient partiellement sur son visage, laissaient entrevoir ses yeux. Noirs. Pas simplement sombres, mais d'un noir absolu, sans reflet, sans lumière. Deux abîmes insondables, où semblait s'agiter quelque chose de primitif.
Il semblait plus ténèbres que sorcier.
Plus bête, qu'homme.
Son manteau claqua dans l'air, semblable aux ailes d'un corbeau géant.

« C'est qu'un putain d'humain ! » hurla Selwyn. Sa voix brisa le silence comme le claquement d'un fouet. « Faites-lui la peau ! »
Personne ne fit le moindre geste.
Les secondes s'écoulèrent.
Enfin, un Rafleur (un homme plus brave, ou peut-être simplement plus idiot que les autres) se précipita en avant.
Harry n'attendait que ça : en un éclair, il bondit sur son assaillant. Son pied frappa la mâchoire de l'homme et un nouveau craquement sinistre résonna dans la nuit. L'attaque était d'une violence démesurée et le corps fut projeté en arrière, avant de s'effondrer lourdement au sol dans un nuage de poussière.
Les autres hésitèrent une seconde de trop.
Potter s'était déjà relevé et fonçait dans la masse. Il était rapide, presque trop pour être suivi du regard.
Un deuxième Mangemort se trouva pris dans sa trajectoire : il saisit son poignet, tordit sa baguette hors de sa main et lui brisa le coude. Son hurlement déchira l'air avant de s'éteindre brusquement lorsqu'Harry enfonça son genou dans son plexus solaire.
Un troisième tenta une attaque latérale, mais le brun pivota au dernier moment et son poing s'abattit sur la tempe de l'homme.
Des sorts fusèrent, au hasard, dans l'obscurité, éclairant brièvement la scène de lueurs écarlates et dorées. Mais cet homme ne se battait clairement pas comme un sorcier, non. Il se battait comme un animal, bondissant d'une proie à l'autre. Insatiable. Insaisissable.
Ses poings s'écrasaient contre les visages, ses coudes brisaient des côtes, ses genoux percutaient des mâchoires...
« C'est quoi ce… ce monstre ?! » hurla un Rafleur avant qu'Harry ne l'attrape par le col et ne le projette contre un arbre.
Drago se libéra enfin totalement de ses entraves. Il tomba en avant, s'écrasa durement sur le sol. Ses doigts se refermèrent sur sa baguette. Il se redressa et ses genoux vacillèrent légèrement sous lui.
« Stupefix ! » Un homme tomba raide. Un autre tenta de s'approcher par le côté, mais Drago pivota : « Expulso ! »
Selwyn brandissait désormais sa baguette sur Harry. Son visage était déformé par la peur.
« Dilacero ! »
Le sort fendit l'air pour trancher profondément le bras droit de Potter. Le sang jaillit, éclaboussant le sol. Mais le brun ne réagit pas. Pas un cri, pas une plainte. Ses yeux noirs se posèrent sur le Mangemort, comme deux abîmes sans fond.
Il fonça.
L'homme tenta une autre attaque, mais n'en eut pas le temps. Le poing d'Harry percuta son visage avec une force terrifiante. Le corps du Rafleur s'effondra au sol, mais cela n'arrêta pas son supplice. Les poings continuèrent de frapper, encore, encore, encore. Un bruit humide et répugnant s'élevait à chaque coup.
Le visage de Selwyn n'était plus qu'une masse informe.
« Harry ! » hurla Drago, mais sa voix se perdit dans le fracas.
Il hésita. Comment arrêter cette créature déchaînée ? Cette chose qui portait pourtant le visage d'Harry Potter ?
« Harry, ARRÊTE ! » Il se précipita en avant, tomba à genoux à côté de lui et attrapa son bras, retenant son poing en l'air. « Arrête. Arrête, je t'en prie. Je vais bien ! Je te jure que je n'ai rien ! »
Le poing du brun resta suspendu un instant, tremblant, à quelques centimètres du visage déformé de Selwyn.
« Je vais bien, Harry… Tout va bien. »
Drago plaça ses mains en coupe autour du visage de cet homme aux cheveux fous et ses pouces effleurèrent ses pommettes maculées de sang. Ses yeux, toujours aussi sombres, clignèrent une fois. Puis une deuxième.
Le noir abyssal se dissipa lentement, remplacé par une lueur verte plus familière.
Potter inspira profondément, ses épaules s'affaissèrent et ses poings s'ouvrirent lentement. Ses bras retombèrent le long de son corps.
Drago retira ses mains et souffla :
« Merci. »
Harry détourna le regard, comme s'il réalisait soudain l'étendue du carnage qu'il venait de faire. Le corps inerte de Selwyn gisait à ses pieds, méconnaissable.
« Il n'est pas encore mort. »
Drago hocha la tête.
« Je sais. »
« Je peux le tuer, si tu veux. »
Drago secoua lentement la tête.
« Non, ça ira, merci. Je crois qu'il a eu son compte. »
Les yeux du brun se perdirent un instant dans le vague. Puis il jeta un œil au corps immobile du Mangemort et ses lèvres se tordirent en une expression indéchiffrable.
« Il va me servir. Je peux l'utiliser. »
Drago haussa un sourcil.
« L'utiliser ? »
Un grognement sourd remonta de la poitrine d'Harry alors qu'il se redressait difficilement. Le blond se précipita pour le soutenir, passant un bras sous son épaule.
« Je t'ai cru mort ! »
« Ouais. Moi aussi, je me suis cru mort. » Il avait un rictus fatigué. Il s'appuya contre un tronc et soupira. « Je me suis rattrapé à des foutus arbustes au dernier moment. J'ai bien cru que j'allais devoir tout recommencer, encore. » Ses yeux, brûlants, trouvèrent ceux de Drago. « Je suis désolé d'avoir mis si longtemps à arriver. J'ai eu… un peu de mal à remonter la falaise. »
Il tendit ses mains, écorchées, abîmées jusqu'aux os. Ses doigts n'étaient plus qu'une large lacération sanguinolente.
Drago hoqueta de surprise avant de se précipiter vers sa besace, miraculeusement épargnée par ses tortionnaires. Il fouilla frénétiquement dedans pour en sortir une fiole au liquide violacé.
« C'est Severus qui l'a brassée. Une petite merveille. Extrêmement rare. Viens ici. »
Potter obéit docilement et Drago appliqua avec précaution le liquide sur ses plaies. Le produit adhérait à la peau comme un velours, puis se rétractait en filaments translucides qui suturaient la chair. Il n'en oublia aucune : ses doigts remontèrent le long du poignet, suivirent l'avant-bras, effleurèrent le coude et l'épaule, évidemment.
Des mèches noires, indisciplinées, retombaient sur le front du brun et il en écarta quelques unes du bout de l'index. Il y avait une cicatrice ici aussi. Ce n'était pas une coupure franche, ni une balafre classique. Plutôt un zigzag étalé, un peu étrange.
Il frôla délicatement la marque.
« Ça ne fonctionne pas sur celle-là. » Malfoy plissa des yeux. « Elle a l'air… plus ancienne. »
« Ne t'en fait pas. C'est un vieux souvenir. J'y suis habitué. »
Drago suivit la fine ligne gravée du bout des doigts et Harry ne le repoussa pas. Le contact ne semblait pas le déranger. Il inclina même légèrement la tête pour l'aider.
« Elle te fascine, on dirait. »
« Je ne sais pas. Elle ne ressemble pas aux autres. »
« C'est parce que celle là vient d'un Avada. »
Drago retira vivement sa main.
« … Pardon ? »
Potter se contenta de le regarder, sans répondre.
« Un quoi ? »
« Un Avada Kedavra. Lancé par Tom. »
Silence.
Les mots semblèrent flotter un instant dans l'air et Drago ne sut pas quoi en faire. Un impardonnable ? En pleine tête ? Il sentit sa bouche s'ouvrir. Se refermer.
Puis il réussit enfin à articuler :
« Tu es... en train de me dire... que tu as survécu à un sortilège mortel ? »
« Visiblement. Ça te plaît ? »
Ce type le prenait vraiment pour un con. Drago fulmina, vexé.
« Tu mens. Ou alors tu es en plein délire, Potter. Personne ne survit à l'Avada. Personne. Tu as bien compris ? Ne me mens plus jamais. Plus... jamais. »
Il n'obtenu aucune réponse et prit ce silence pour un accord. Il jeta un œil sur son travail : la peau de Potter s'était déjà refermée. Il ne restait plus, désormais, que de fines cicatrices argentées qui auraient pu passer pour des griffures. L'homme laissa échapper un petit sifflement appréciateur.
« Ça ferme vite. » Harry venait de commenter le spectacle d'une voix distante.
« Tu m'étonnes... » répondit Drago, sans lever les yeux.
« Je sous-estime toujours Snape. »
Malfoy se rengorgea.
« C'est pourtant le meilleur potionniste de toute l'Angleterre. Un Maître dans son domaine, en fait. Tu ne trouveras pas mieux ailleurs. »
L'adrénaline qui avait, jusque là, anesthésié ses blessures retomba d'un coup et la douleur revint brutalement se rappeler à lui : les courbatures, les brûlures, les tremblements résiduels de sa petite séance de torture personnelle…
Il inspira lentement et ouvrit, sous le regard lourd de Potter, un à un les boutons de sa chemise pour appliquer la potion sur ses propres plaies. Elle les brûla au contact, puis en resserra la chair. Enfin la douleur reflua et il ferma les yeux avec une expression extatique.
« Haaa. Cette sensation est fabuleuse. Ça ne répare pas tout à cent pour cent, mais avec ça, on tiendra jusqu'à la prochaine catastrophe. »
Harry prit la fiole de ses mains et le liquide violacé miroita doucement sous les flammes mourantes du feu de camp. Il en restait encore un peu plus de la moitié. Son regard glissa vers le corps brisé de Selwyn.
« Et sur lui… ça marcherait, tu crois ? »
Drago haussa les sourcils, pris de court par la question. Il observa brièvement le visage méconnaissable du Mangemort avant d'hocher la tête, à contrecœur.
« Oui… probablement. Mais vu son état, il ne faut pas s'attendre à un miracle. Il est salement amoché. »
Harry fronça les sourcils et ses yeux dérivèrent de nouveau sur le visage ravagé de Selwyn.
Aucun remord ne sembla le traverser.
« On dirait que je me suis un peu trop laissé aller… »
Drago plissa le nez, incrédule. C'était un euphémisme… Si c'était ça, se 'laisser aller', il n'osait même pas imaginer ce que ça donnerait si il était vraiment énervé.
Un silence s'étira entre eux.
Le blond reprit, plus sérieux :
« Les ingrédients qui composent cette potion sont rarissimes. On raconte que certaines de ses plantes ne poussent que tous les cent ans et seulement dans des conditions très spécifiques. Heureusement que Severus a une réserve personnelle. Une fabuleuse réserve, même… »
Mais Potter n'écoutait déjà plus. Il déboucha calmement le flacon, se pencha et versa le reste du précieux liquide sur le buste et sur le visage brisé de Selwyn. Le liquide violacé s'infiltra entre les meurtrissures béantes et s'écoula le long de sa mâchoire tordue et de ses pommettes défoncées.
« Non. Non, non, non, non ! »
Drago se jeta sur Harry, essayant de lui arracher la fiole des mains. Mais c'était trop tard. Il n'en restait plus une seule goutte.
Il passa une main tremblante dans ses cheveux blonds, secouant la tête d'un air abasourdi.
« Espèce d'imbécile ! Tu viens de… Tu réalises que cette potion valait plus cher que l'intégralité du manoir Malfoy, n'est-ce pas ? »
Le brun ne répondit pas. Ses yeux étaient rivés sur le visage de Selwyn, qui commençait lentement à se reformer, ondulant comme un masque de cire chauffé trop près d'une flamme. Ses os craquèrent alors qu'ils tentaient de se réaligner.
Lorsque le processus toucha à sa fin, Harry s'accroupit, se pencha légèrement en avant et ses cheveux sombres retombèrent en mèches humides devant ses yeux. Sa voix basse, douce, résonna dans le camp désormais dépeuplé.
« Mon ami, je sais que tu m'entends. Je sais que tu es réveillé. Ton pouls, ta respiration… tout me le confirme. Inutile de simuler. »
Aucune réponse. L'homme resta immobile, les paupières closes, le visage figé en une expression douloureuse. Potter se pencha un peu plus près. Ses lèvres étaient presque à hauteur de l'oreille du Mangemort, désormais.
« Tu es vraiment certain de vouloir tester ma patience ? Drago m'a demandé de t'épargner. Une faveur que, crois-moi, je ne serais pas prêt à accorder à beaucoup de sorciers. Je pourrais te briser, puis te soigner encore et encore. Ça serait comme un cercle de souffrances éternelles. Mais je suis un homme pragmatique et je suis certain que nous pourrions trouver un compromis… entre adultes consentants. »
Selwyn frémit : un tremblement, incontrôlable, secoua ses épaules et lentement, péniblement, il daigna ouvrir un œil (le seul encore capable de fonctionner). Son regard croisa celui de l'homme penché sur lui et ce qu'il y vit sembla éteindre toute tentative de rébellion.
« J'avais pas le choix… Vous savez comment ça marche. » marmotta-t-il sans conviction.
Harry roula des yeux et un soupir agacé s'échappa de ses lèvres.
« Ne mens pas avec si peu d'aplomb. Si tu veux me faire croire à quelque chose, tu dois y mettre de la conviction. C'est la clef du succès. »
Le Rafleur ferma les yeux et un gémissement étranglé s'échappa de sa gorge.
« Ne… ne me tuez pas… »
Drago, qui observait la scène, se demanda brièvement où était passé l'homme cruel et arrogant qui l'avait torturé quelques heures auparavant. Il n'y avait plus, à la place, qu'une ombre pathétique, tremblante, recroquevillée sur elle-même.
Harry se redressa et ses doigts s'accrochèrent nonchalamment au col déchiré de Selwyn. Avec une déconcertante facilité, il le souleva du sol et le remit debout sur ses pieds.
« Je ne veux pas te tuer… je veux que tu répares tes erreurs. Tu comprends ce que je te dis, n'est-ce pas ? »
Les yeux du Mangemort s'écarquillèrent et il hocha frénétiquement la tête.
La main du brun n'avait pas quitté son col.
« Bien. Bien. Alors tu vas nous accompagner. Et bientôt, les portes de la rédemption s'ouvriront devant toi. »
.
.
Chapter 24: Arc des horcruxes - Le pendentif - Chapitre 3
Notes:
Le récap de Sev'
Précédemment dans - To Kill My Man - Ligne de Drago
Potter a surgi des flots pour réduire en cendres le camp des Rafleurs qui venait de mettre la main sur Drago. Selwyn a découvert, à ses dépens, qu'il n'affrontait pas un sorcier, mais une bête. Et, tandis que j'aurais préféré le voir définitivement disparaître, Potter, lui, a choisi de le garder en vie au nom d'une improbable rédemption. Un mot qui, j'en suis certain, n'a pas la même signification pour lui que pour nous.
Chapter Text
.
oOoOo ~ Arc des horcruxes - Le pendentif - Chapitre 3 - La grotte ~ oOoOo
.
La barque protesta faiblement lorsqu'Harry sauta dedans, traînant d'une main ferme leur prisonnier pourtant peu récalcitrant.
Drago s'y installa à son tour, le plus loin possible de l'homme, les bras croisés, le regard défiant.
Il n'avait aucune envie d'être là.
Cette embarcation suintante ressemblait à un cadavre centenaire, prête à rendre l'âme au premier remous. Rien qu'en la touchant, il avait cru sentir le bois s'effriter sous ses doigts et il était désormais certain que cette chose refuserait de porter davantage que son propre poids.
Malgré cela, ils étaient (très stupidement) montés à bord.
Il avait dû forcer ses jambes tétanisées à avancer (et, encore maintenant, il sentait chacun de ses muscles noués, contractés, pétrifiés à l'idée d'être là), puis il avait posé sa paume sur le plat-bord spongieux pour enjamber la coque et s'était précautionneusement assis au centre de l'un des bancs vermoulus.
Comment faisait-elle pour flotter avec trois sorciers dedans ? Comment faisait-elle même pour flotter avec une seule personne ?
Merlin seul le savait.
Il détestait chaque idée de leur excursion : la grotte, le lac noir, l'embarcation, l'horrible pénombre qui les entourait… et surtout l'idée de garder ce Mangemort avec eux.
Potter avait dit qu'il allait 'l'utiliser'. Mais l'utiliser comment ? Le faire avouer ? (Quel secret ?) Le sacrifier ? (Dans quel but ?) Lui arracher quelque chose ? (Mais quoi ?) Politiquement et militairement parlant, cette ordure n'avait aucune valeur. Et ce n'était certainement pas non plus pour leur servir de sherpa : ils n'avaient aucune affaire à transporter.
Harry s'était vaguement contenté de le soigner (Drago en avait encore les larmes aux yeux : utiliser ce bijou d'alchimie sur ce type revenait à donner de la confiture aux porcs), puis de le pousser devant lui.
Et le Rafleur avait obéit, sans même être attaché par une corde ou par un sortilège de restriction. Il n'y avait absolument rien pour le retenir et, pourtant, il marchait docilement, tête basse, épaules voûtées, comme s'il avait tout simplement renoncé à l'idée de fuir.
Malfoy observait cette soumission avec un malaise grandissant. Il connaissait les partisans du Seigneur Noir : même les plus lâches, même les plus stupides, avaient une espèce d'instinct de survie qui les faisait se débattre, hurler, supplier…
Celui-là ne bougeait pas.
Potter avait sûrement été extrêmement dissuasif un peu plus tôt dans la soirée : difficile d'oublier qu'il venait de réduire en cendres un camp entier de Rafleurs à lui seul. Mais était-ce vraiment tout ? La peur expliquait la prudence, pas la résignation. Ce n'était pas la terreur d'un animal pris au piège ; c'était l'abandon d'un homme qui venait de comprendre qu'il n'avait plus de chemin devant lui.
Drago avait ouvert la bouche pour poser toutes ses questions. Puis il s'était ravisé.
Mieux valait, parfois, ne pas savoir.
L'eau noire du lac souterrain scintillait faiblement sous le 'Lumos' de sa baguette. Il réalisa une courte prière à tous les dieux possibles (auxquels il ne croyait pourtant pas) pour qu'aucun d'eux ne finisse englouti.
« Tu peux essayer de fuir, si tu veux. » Harry venait de s'adresser, d'une voix douce, au Mangemort. « Mais ce lac est infesté d'Inferi. Si tu fais le moindre mouvement, ils t'arracheront morceau par morceau. Je suis le seul à pouvoir encore te sauver. Tu en as bien conscience, n'est-ce pas ? »
Selwyn hocha frénétiquement la tête. Son nez devait encore être cassé, car sa respiration était sifflante et laborieuse. L'un de ses yeux avait enflé jusqu'à n'être plus qu'une grosse prune violacée et difforme. Il exhalait la sueur froide et l'urine et, pour cette unique raison, Drago avait envie de le basculer par-dessus bord.
Il soupira et scruta craintivement les profondeurs du lac. Il ne vit que les ténèbres. La grotte sentait la pierre froide et l'humidité stagnante et cette odeur le prenait désagréablement à la gorge. Au-dessus d'eux, d'innombrables stalactites menaçants les surplombaient, tels de petits poignard affutés prêts à les transpercer à la moindre vibration.
La barque fendit silencieusement l'eau huileuse, jusqu'à l'autre rive, pour s'échouer contre la roche. Ce n'était même pas une petite île : juste la pointe rugueuse et émergée d'un gros rocher, à peine assez large pour accueillir trois personnes. Et là, au centre, se dressait une immense vasque de pierre jaunâtre rongée par le sel. Elle était remplie d'un liquide noir qui avalait toute la lumière. Drago n'avait pas besoin d'explication pour comprendre que ce qu'elle contenait n'était pas simplement toxique.
Potter descendit de la barque. Ses bottes glissèrent légèrement sur la roche humide avant de s'y ancrer plus fermement. Il tira le Mangemort derrière lui et le projeta sur la vasque.
« Bois. »
« Non… non, je ne veux pas… »
Harry l'agrippa par le col et abaissa son visage jusqu'à ce qu'il frôle le liquide noir. Sa main était fermement plaquée sur son épaule pour l'empêcher de reculer.
« Bois. »
Selwyn se débattit, prenant appui sur les rebords de pierre, pour s'éloigner. Ses doigts glissèrent sans trouver de prise. Harry le laissa faire un instant, puis le tira subitement en arrière pour le propulser en direction du lac. Les eaux frémirent légèrement, comme si elles attendaient avec impatience leur prochain repas.
« Alors tu ne me sers plus à rien. »
« Attendez ! » hurla le Mangemort. « Je… Je vais boire ! Je vais boire ! »
Harry sourit. C'était un sourire sans chaleur.
« Brave garçon. »
Il lâcha Selwyn qui se précipita vers la vasque. Ses mains tremblantes saisirent une coupe usée, posée sur le rebord.
Drago détourna les yeux alors qu'il portait le liquide à ses lèvres.
Lorsque la première gorgée toucha sa langue, le corps de l'homme fut secoué d'un spasme violent. Ses yeux s'écarquillèrent, ses jambes tremblèrent sous son poids et un haut-le-cœur le plia presque en deux.
Potter plaqua sa main contre sa bouche, étouffant ses cris et empêchant le liquide noir de s'échapper. Ses doigts s'enfoncèrent fermement dans la mâchoire du prisonnier.
« Tu ne peux pas recracher. » Murmura-t-il entre ses dents. « Avale. »
Les yeux de Selwyn roulèrent dans leurs orbites. Son souffle siffla contre la paume d'Harry alors qu'il secouait frénétiquement la tête. Ses doigts, crispés, griffèrent le rebord de la vasque, cherchant désespérément une échappatoire.
Harry se pencha longuement à son oreille. Sa voix devint un frisson qui sembla ramper le long de la colonne vertébrale du Mangemort : son visage devint livide, ses pupilles se dilatèrent soudainement et sa respiration se bloqua dans sa gorge, étranglée par une terreur pure.
Il avala.
Un hurlement de douleur fendit l'air, avant de s'éteindre dans un sanglot étouffé.
« Ça brûle ! »
Harry remplit calmement une nouvelle coupe et la lui tendit.
« Tu dois avoir soif. Tiens. »
Selwyn fixa le liquide noir avec crainte, puis, d'une main fébrile, arracha le gobelet et le but d'un trait. Il plongea à nouveau la coupe dans le liquide et porta une troisième gorgée à ses lèvres. Ses mains tremblaient si violemment que quelques gouttes noires tombèrent sur le sol.
« J'ai soif. Ohhhh j'ai si soif. »
Le Rafleur but une autre lampée, puis une autre, puis encore une autre. Il était frénétique, à deux doigts de la folie, comme si un désert brûlant avait pris place dans sa gorge, l'asséchant entièrement. À chaque nouvelle gorgée, un râle douloureux s'échappait de ses lèvres. Pourtant il continuait, encore et encore, poussé par une terrible force qui le maintenait captif de cette soif insatiable.
Drago sentit son estomac se retourner.
Le Mangemort continua jusqu'à ce qu'il ne reste plus rien dans la vasque. Ses doigts lâchèrent enfin la coupe qui tomba lourdement sur la pierre. Il chancela, les lèvres entrouvertes, la respiration rauque et sifflante. Ses yeux, vitreux, se tournèrent vers le lac souterrain.
« De l'eau… »
Il fit un pas hésitant vers le bord, mais Harry attrapa fermement son bras et le retint.
« Ça suffit. Ne touche pas cette eau là. »
Selwyn s'immobilisa. Ses doigts tremblaient au-dessus de l'eau noire du lac. Ses épaules s'affaissèrent lentement et un sanglot étranglé s'échappa de sa gorge.
Drago ne voulait plus voir cette déchéance. Il ne ressentait pas spécialement de pitié pour ce type qui l'avait torturé et avait voulu le tuer un peu plus tôt, mais… mais la décence le poussait à détourner les yeux.
Il reporta son attention sur le fond de la vasque et un éclat de lumière attira son regard : là, au milieu des résidus huileux de la potion, brillait quelque chose. Une forme ovale, métallique, délicate malgré son épaisseur.
Un bijou.
Il hésita, l'espace d'un instant, jetant un coup d'œil furtif vers Harry. Mais ce dernier observait Selwyn, détaché, les bras croisés, comme s'il avait déjà oublié sa présence.
La curiosité l'emporta sur la prudence. Il posa fermement une main sur la pierre lisse pour ne pas perdre l'équilibre et tendit l'autre vers l'objet.
Le bout de ses doigts effleura le métal froid. Il le pinça entre le pouce et l'index et le tira précautionneusement vers lui.
Un médaillon.
Il était lourd dans sa paume, orné d'une fine gravure serpentiforme qui semblait s'enrouler sur elle-même dans un motif hypnotique.
Drago fronça les sourcils. Ce symbole… il l'avait déjà vu quelque part…
Son esprit s'agita, fouillant frénétiquement dans ses souvenirs : une bibliothèque ancienne, des tableaux poussiéreux, des visages sévères accrochés aux murs… Oui ! C'était ça ! Les portraits des fondateurs de Poudlard ! Il l'avait vu autour du cou de cet homme à l'expression si impénétrable : Salazar Serpentard.
La voix chaude d'Harry coula doucement dans son oreille, brisant sa concentration :
« Ne t'y fie pas. Quelqu'un est déjà passé avant nous. C'est seulement une réplique. »
Drago tourna brusquement la tête vers lui.
« C'est… c'est un faux ? »
Harry baissa légèrement le menton.
« Oui. »
« Alors pourquoi as-tu voulu le récupérer ? »
« Pour obtenir un nouvel allié. Et accessoirement, mettre la main sur l'original. »
Drago serra le médaillon un peu plus fort dans sa main et une ombre de frustration traversa son visage.
« Où est l'original ? Et qui l'a récupéré ? Est-ce que c'est chez lui que l'on va aller maintenant ? »
Harry recula d'un pas. Son regard se perdit quelque part au-delà du lac, dans les ténèbres opaques qui les cernaient.
« Il est mort il y a longtemps maintenant. Mais son corps repose encore quelque part ici. Dans l'obscurité. »
Un frisson glacé parcourut l'échine de Drago.
Au même moment, un clapotis sinistre déchirait le silence.
Suivi d'un hurlement. Un cri étranglé, lacéré par la panique.
Harry et Drago tournèrent la tête d'un même mouvement ; Selwyn était déjà à moitié immergé dans le lac, ses bras se débattaient désespérément à la surface et quelque chose semblait le tirer vers les profondeurs.
.
.


Marilyn D. (Guest) on Chapter 7 Wed 03 Sep 2025 11:11AM UTC
Comment Actions
Sombre_Songe on Chapter 7 Mon 08 Sep 2025 11:17AM UTC
Last Edited Mon 08 Sep 2025 11:19AM UTC
Comment Actions
Alexane (Guest) on Chapter 19 Tue 18 Nov 2025 06:32AM UTC
Comment Actions
Sombre_Songe on Chapter 19 Tue 18 Nov 2025 08:58PM UTC
Comment Actions