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Les petits pains pommés

Summary:

Arthur prend le bus

Chapter 1: La souffrance d'un roi

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Arthur bouillait debout coincé entre une vieille dame qui lui faisait les gros yeux, comme si c’était sa faute à lui que le gros con assis sur un siège à sa droite ne lui ait pas proposé sa place spontanément et un gars relativement jeune qui n’avait jamais dû faire connaissance avec le saint déo. A moins que ça soit la vieille qui pue. Ou les deux. Putain tout le bus puait la mort, il savait même pas dire de quel côté ça venait. L'enfer des sens.

Il scandait des « Mais il va avancer. Bouge. Avance. Avance. Avance. Tain mais même à pied je vais plus vite » dans sa tête, le chauffeur s’étant apparemment fait mordre par une espèce de limace radioactive.

Ce qu’il détestait le bus.  

Ses fesses reposaient sur la porte arrière du bus, ce qui était à peu près la pire place du monde, parce que des passagers descendent ou non, il se retrouvait systématiquement le cul dans le vide à chaque arrêt de la bête, et évidemment à retarder le redémarrage de l’engin parce que ces portes des enfers avaient décidé qu’elles ne se fermeraient pas tant qu’elles détecteraient sa présence à lui. Et bon ba, il existait et c’était pas franchement de sa faute. Il s’était pas engendré tout seul. Fin pas qu’il soit au courant en tout cas.

Alors évidemment tout le bus le fusillait du regard, comme s’il était responsable de tous les maux de l’univers. Ok, il aurait fait la même s’il avait vu un type ralentir encore plus – un exploit vraiment - le trajet de ce mollusque sur roues. Mais bon dieu, lui il avait le droit de râler. Il souffrait. Il souffrait vraiment, et pas que du parfum "poubelle et sueur de sport de chambre" du bus.

Il avait envie de faire fondre chaque personne, chaque composant, chaque atome de ce maudit bus avec son regard. Malheureusement, n’étant pas tombé dans de la lave en fusion radioactive quand il était petit, il n’en possédait pas (encore) la capacité. Il était presque sûr que s’il n'était pas autant en train de décéder, il pourrait se concentrer suffisamment pour infliger un peu de douleur avec ses yeux. Ou alors il aurait pu mordre. Ça fait mal aussi.

Bordel de merde. Ils n’allaient jamais arriver à destination. Un peu plus et le bus allait faire du sur place.

Encore trois arrêts. Il n’allait pas tenir. Il n’allait vraiment pas tenir. Ça allait sortir tout seul.  Il crut avoir un AVC en voyant que le gars s’arrêtait pour laisser passer des gens sur un passage piéton. Ils allaient se fossiliser sur place et on retrouverait leur cadavre un peu comme ceux de Pompéi sauf qu’eux n’auraient pas besoin d’une éruption volcanique pour suffoquer. Mais putain y’en a qui se nourrissaient que de cassoulet ou bien ?

Deux. Deux chiasses d’arrêts.

« Allez allez allez le feu là ! » pensait-il, peut-être même jusqu’à le marmonner dans sa barbe naissante.

Un. Plus qu'un. Plus qu'un seul long et interminable arrêt.

Tant pis. Il descendit un arrêt trop tôt, ne pensant plus qu’à son but ultime. Dans un acte qui lui sembla héroïque après coup, il couru du mieux qu’il le put vu la situation qui s'imposait à lui.

C’était là ! Juste au coin de la rue !

Il le voyait maintenant, le café, et il pouvait presque voir la porte qui l’intéressait de là où il était. Il accéléra le pas – un move divin vraiment vu les circonstances et ses petites jambes – et poussa la porte d’entrée.

Il entra dans le café, manquant de faire renverser son latte ou une connerie du genre à un client en courant pour se précipiter derrière le comptoir pour accéder à la porte du trône réservé aux employés qui dieu merci, n’était une fois de plus pas fermée à clé, contrairement aux ordres qu’il donnait lui-même aux autres andouilles qui travaillaient ici. Bénis soient les idiots désobéissants.

Il lui sembla que Lance l’avait salué rapidement en l’esquivant, un plateau de flans à la main, mais il y penserait après avoir accompli sa mission. Il finit enfin par se défaire de sa fichue braguette qui coinçait toujours et de son boxer trop petit pour se soulager.

Ah.

Putain.

Ah.

Il croyait sincèrement que le gars qui avait décrit l’orgasme comme la meilleure sensation du monde avait jamais pissé après être mort - ou presque - dans un bus.

Ah. Quel bonheur. Pfiou. Le fait que le bonheur n’existe que grâce au malheur prenait tout son sens.

Mais bon, vraiment, après avoir remonté tout son débarras et retrouvé un peu ses esprits -et s'être promis une fois de plus de se racheter des sous vêtements à sa taille - , il pensa tout de même que la prochaine fois, il pisserait avant d’aller au boulot et de monter dans le bus. 

Notes:

Alors je sais pas ce qu'il s'est passé.
J'ai pas (encore) vu le film . Je suis frustrée parce que tout le monde en parle mais je veux pas de spoil.
Du coup je souffre et j'écris sur Arthur qui veut pisser ?
Bref, pas ma faute. A la base ça devait être une AU mimi tout plein. Notamment à base de cheveux longs d'Arthur (pas ma faute) et de croissants trempés dans du café servi par un Percy jeune en costume starbucks. Ba non.
A la prochaine pour de nouvelles aventures giga folles dans une AU toute aussi passionnante.

Chapter 2: Les chevaliers du Zodiaque

Summary:

Perceval est aux toilettes

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Karadoc faisait de bons gâteaux.

En tout cas Perceval les aimait bien et ça, c’était pas une mince affaire. Le salé, ça il pouvait en manger des caisses et des bassines, mais le sucré c’était pas la même tambouille. Le même processus. Fin la même chose quoi. Bon bref, il aimait pas trop le sucre et donc les gâteaux et tout ce qui va avec. Mais Karadoc, qui l’avait traité de gros con sans saveur quand il lui avait avoué son dégoût pour la confiture, avait l’art de la spatule. Après il aimait toujours pas la confiture, ce machin visqueux qui collait aux doigts, avec des fois des petits bouts, des fois des gros bouts, des fois pas de bout du tout. A non, ça Karadoc magicien du sucre ou non, il aimerait jamais.

Mais il faisait des bons gâteaux et du bon pain. Ça on pouvait pas lui retirer. Puis il avait une certaine intelligence pour la vie et les interactions sociales que Perceval admirait un peu.

Mais par contre, qu’est ce qu’il pouvait être cruche et borné comme une grosse truite des fois. Du coup Perceval s’était enfermé aux toilettes en attendant que le truiteau arrête d’être complètement bête. Il tapait du pied par terre en essayant de ne pas toucher les lignes du carrelage pour s’occuper, assis sur le couvercle de la cuvette quand il entendit Arthur ronchonner en se lavant les mains. Il espérait ne pas être celui à avoir fait une connerie pour contrarier l’homme récemment. Apparemment il était question d’évier « bouché une fois de plus » et de « vraiment des abrutis je vais tous les virer ». C’était presque routinier de la part d’Arthur à ce stade de râler continuellement. Perceval espérait un jour arriver à le faire sourire. Ça lui irait sûrement bien. Ou alors ça serait sacrément flippant. Et puis au fond, il aimait bien l’entendre rouspéter, c’était un peu rassurant. Il aimait bien.

« Perceval ?! »

« Oui ? » répondit-il, se demandant comment Arthur avait su qu'il était là. L’homme avait un espèce de neuvième sens pour détecter les gens et les choses invisibles. Une fois, il avait réussi à découvrir en moins de deux heures que Perceval avait ramené un pigeon dans le garde manger alors que Karadoc et lui-même avaient vraiment été très discrets pour le cacher. C’était dans l'idée une alternative écologique au passage du balais : le pigeon aurait mangé toutes les miettes par terre quand il y en avait. Plus besoin de faire du ménage donc économie d'énergie donc écologique. Mais Arthur avait dit que les pigeons ça chiait et que c’était pas hygiénique. Après il aurait fallut évaluer la différence de propreté entre les cacas de pigeons et les miettes par terre et voir c’était quoi le mieux mais Arthur avait pas voulu y réfléchir. Du coup ils avaient pas de pigeon auto nettoyeur de sol. 

« Qu’est-ce que tu fous là ? » Arthur soupira. « J’avais pas dit que les employés étaient censés seulement utiliser les toilettes des employés justement ? »

« Oui mais là c’est pas pareil »

« Comment ça c’est pas pareil ? T’es aux chiottes des clients oui ou merde ? »

« Oui mais je fais pas mon affaire »

Perceval entendit Arthur respirer bruyamment. Il faisait souvent ça. Sûrement un problème d’asthme mais comme Perceval voulait pas le gêner en lui faisant avouer cette probable maladie, il ne lui avait jamais demandé. Perceval était poli.

« Sors de là »

« Nan »

« Perceval tu sors de là où je te jure que je te fais récurer les chiottes avec ta langue »

Perceval réfléchit quelques instants.

« Vous savez même pas dans quel box je suis de toute façon »

« Bon merde à la fin ! » il tapa violemment sur la porte des toilettes où se trouvait Perceval. Son instinct de trouveur de personnes et de choses était vraiment incroyable. « Tu vas sortir de là » une inspiration profonde « et tu vas arrêter, parce que vraiment j’en peux plus d’avoir cette conversation avec toi, de me vouvoyer. »

Perceval ne comprenait pas l’obsession d’Arthur à vouloir qu’il le tutoie. Perceval était bien élevé, sa mémé s’en était assuré. On vouvoie les personnes pour les respecter. C’était la règle. Et s’il y avait bien une personne que Perceval respectait plus que tout c’était Arthur. Il lui avait expliqué une fois, quand Arthur avait une fois de plus tenté de le convaincre de le tutoyer. Mais même si l’argument de Perceval était quand même sacrément étanche – forcément, ça venait de sa mémé, on pouvait pas gagner contre mémé - Arthur avait juste marmonné quelque chose en rougissant et puis il avait engueulé Perceval en lui demandant d’aller récurer les toilettes. C'était amusant que les toilettes, Arthur et lui avaient un espèce de lien. Il se demandait si ça signifiait quelque chose. 

« Bon Perceval. Qu’est-ce qu’y a ? »

« Y’a que Karadoc est un gros thon »

« Physiquement ?  »

« Comment ça physiquement? Vous voulez dire au goût ? »

« Quoi ? »

« Il a pas le goût de poisson Karadoc. »

Une expiration forte.

« Nan moi je veux dire que c’est un poisson dans sa tête. Un gros poisson. »

Une forte inspiration. Il faudrait qu’il pense à lui acheter les espèces de machins qui font pshit pshit que les asthmatiques utilisent pour respirer.

« Sors de là. »

une tape sur la porte

« Nan »

« Sors »

une tape

« de »

une autre tape

« là »

encore une autre tape

Puis ce fut un concert de tapes accompagné par Arthur qui lançait des « sors de là sors de là sors de là sors de là » à l’infini. Vraiment parfois il était pas très adulte Arthur.

Il finit par ouvrir sa porte parce que le boucan lui cassait trop les oreilles.

« Oui bon ba ça va, pas la peine de s’énerver »

Arthur, qui n’avait pas l’air très heureux, mais rien d’inhabituel finalement lui dit « c’est quoi ce foutoir ? »

« Karadoc est un gros thon »

« Non mais ça j’ai compris. Mais pourquoi ? »

« Il veut faire des gâteaux étoiles »

Des gâteaux étoiles vraiment stupides.

« Oui, je sais c’est moi qui lui ai demandé. On fait un thème astral le mois prochain, une connerie de Guenièvre qui m’a dit que c’était à la mode ou je sais pas trop quoi »

« Ba voilà »

Arthur ferma les yeux et inspira et expira encore.

« Ba voilà, quoi ? »

« Ba voilà pourquoi je suis en colère »

Arthur se passa les mains sur le visage. Ça, c’était vraiment pas bon signe. Parce que ça voulait dire que Arthur allait pas tarder à hurler et ça Perceval aimait pas trop.

« Tu es en colère parce que Karadoc prépare une recette que je lui ai demandé de faire ? »

« Je suis en colère parce qu’il veut faire des étoiles nulles »

« Je croyais que t’aimais bien les étoiles ? Je m’étais dit qu’avec ce thème ba... »

« Ba quoi ? »

« Ba je sais pas moi, que t’aimerais bien ou une connerie du genre. »

C’est vrai, Perceval aimait bien les étoiles. Il savait pas trop si les étoiles avaient un goût sucré, mais il était presque sûre que si il pouvait en goûter, elles auraient pas le goût de confiture. En tout cas elles poisseraient pas.

« Bon bref on s’en fout ! » reprit Arthur très vite « Pourquoi tu veux pas de biscuits étoiles ? »

« Parce que contrairement à ce que croit cette grosse truite de Karadoc, une étoile ça ressemble pas à cinq triangles qui se battent en duel »

Arthur fit claquer sa langue sur son palais

« Donc là, t’es en train de me dire que tu pètes un câble comme un gamin parce que Karadoc veut faire un design de gâteaux étoiles comme elles sont représentées habituellement iconographiquement parlant »

Perceval savait pas ce que voulait dire iconographiquement parlant, mais il était presque sûr qu'il était pas d'accord. 

« Une étoile » commença à s’énerver Perceval « c’est un gros caillou qui brûle »

Vraiment Karadoc était un gros cornichon qui n'avait aucune culture.

Arthur ne répondit pas et se contenta de le regarder un peu durement. Ou normalement. Perceval savait plus trop reconnaître l’énervement des expressions neutres de Arthur.

« Vous avez déjà vu un caillou en forme de cinq triangles ? Non parce qu’il n’y a que les abrutis de poissons qui pensent comme ça »

Arthur laissa échapper le plus long soupir jusqu’à présent, en gonflant les joues pour qu’il dure encore plus longtemps.

« Ok Perceval ok. On va faire comme ça, toi tu vas aller me chercher l’autre glandu de Merlin qu’il aille déboucher l’évier dans les toilettes du personnel et moi je vais aller voir Karadoc pour lui dire de faire des étoiles plus réalistes. Et après on foutra plus jamais les pieds, ni l’un ni l’autre, ni personne bordel dans les chiottes des clients ok ? »

Perceval ne doutait pas qu’Arthur arrive à faire changer d’avis même son meilleur ami complètement cloche. Déjà il trouvait toujours des solutions même aux problèmes les plus complexes. Arthur savait à peu près tout faire de toute façon. Il était trop classe.

« Merci Arthur ! Vous êtes vraiment trop classe.»

Arthur leva les yeux au plafond avant de s’en aller en ronchonnant, comme d’habitude, un truc qui ressemblait à « des guignols je vous jure »

Perceval, heureux de ce dénouement sorti des petits coins en quête de l'ami Merlin. 

Bientôt, il dégusterait de délicieux gâteaux étoiles qui auraient une forme acceptable et tout ça grâce à Arthur.

Et peut-être un peu aussi parce que Karadoc savait faire de bons gâteaux. 

Notes:

Je sais pas comment j'ai encore fini par écrire un truc de toilettes mais ça n'arrivera plus. J'espère.

Chapter 3: La romance de Lancelot

Summary:

Lancelot se demande pourquoi la vie

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Pourquoi.

Pourquoi est-ce qu’il continuait de bosser ici. Vraiment, il se posait de plus en plus la question. Des incompétents de tous les côtés et des clients qui râlent même quand il n’y a pas de problème, la vraie recette du bonheur professionnel finalement. Lancelot se questionnait sur le sujet pour la énième fois ce mois-ci en essayant de sourire de manière la moins crispée possible à la gentille cinquantenaire mal maquillée qui lui avait demandé de refaire son latte pour la troisième fois parce que « on sent trop le lait ».

Des rats puants qui leurs servaient de gagne-pain ou des incompétents en guise de collègue, quel était le pire, il n’aurait su le dire.

Peut-être les dégénérés qu’Arthur se faisait un honneur à continuer d’employer pour parer à il ne savait trop quel traumatisme d’enfance. Ou pour lui donner à lui même l'impression d’être un peu moins incompétent. Forcément, quand on embauche les plus nuls des plus nuls, on se sent mieux vis à vis de ses propres aptitudes.

Non. Il ne devait pas s’en prendre à Arthur, qui l’avait sorti de la mouise plus d’une fois. Mais y’avait des jours, comme celui-ci, ou franchement il ne pouvait s’empêcher de lui attribuer tous les maux du monde et de questionner ses choix et décisions en ce qui concernait le bon fonctionnement du café.

Il fallait qu’il se calme. Mais c’était carrément impossible avec l’autre vieille loque de Merlin qui n’arrivait pas à se relever parce qu’il glissait continuellement sur la flaque d’eau qu’il avait lui même formée en renversant son seau d’eau. Qu’est-ce qu’il foutait avec un seau rempli d’eau au milieu des tables des clients en pleine journée, ça il ne le savait pas et il ne poserait pas la question. Il soupçonnait que son QI diminuait déjà trop en étant simplement au contact de telles andouilles au quotidien, alors leur parler aurait sûrement eu encore plus d’effets néfastes sur sa pauvre matière grise, et si c’était pour se retrouver avec la vieille semelle usée qui servait de cerveau à Karadoc ou n’importe lequel de ces bons à rien, non merci. Lancelot avait décidé d’ignorer Merlin qui gigotait comme un poisson hors de l’eau. Il aurait presque trouvé ça marrant s’il n’était pas aussi énervé de partager un espace de travail et un uniforme commun avec ce gros balourd.

Mais même si ses collègues – oh ce qu’il haïssait un peu plus sa vie à chaque fois qu’il se rappelait qu’il partageait des relations professionnelles avec ces énergumènes – étaient aussi utiles que les vieux chewing-gum qu’il devait parfois récurer sous les tables, les clients portaient eux aussi leur lot de stupidité impressionnante. En plus d’être idiots, ils se permettaient aussi d’être irrespectueux, ce que ses collègues – vraiment ce mot le dérangeait –avaient l’avantage de ne pas faire. Consciemment ou non, ça c’était une autre question sur laquelle il ne se pencherait pas. Quoi qu’il en soit, un de ses clients sur cinq lui manquait volontairement de respect, se prenant pour meilleur que lui, aimant dire à qui voudrait l’entendre que le « client est roi ».

Lancelot n’avait pas de roi et s’il en avait un, il savait que ce dernier aurait la décence de se laver les dents avant de commander un café avec une bouche faisant questionner Lancelot sur la manière dont ces gens ne s’étouffaient pas eux même en respirant le malheureux air qui avait la malchance de s’aventurer par ce conduit. Et que ce roi ne collerait pas de chewing-gum sous les tables. Parce que déjà il ne mâcherait pas de chewing-gum. Et s’il avait un roi ça lui ferait quelqu’un à admirer. Quelqu’un sur lequel il pourrait sûrement compter inconditionnellement. Mais il n’avait pas de roi, alors la question ne se posait pas.

Le tintement de la clochette au dessus de la porte d’entrée du café indiqua l’arrivée d’un nouveau client et Lancelot prépara son plus faux sourire en ravalant le soupir qui lui venait instinctivement. Il aurait bien aimé qu’Arthur se grouille de gérer la bande de clown qui travaillait là pour venir l’aider à servir les singes munis de petites pièces dorées. Depuis peu ces énergumènes sortaient plus souvent leur téléphones qui pouvaient payer à distance, mais comme ça marchait une fois sur dix et que Lancelot ne savait pas trop si c’était la faute de leur machine capricieuse ou des clients trop stupides pour activer correctement leur application, ils avaient plus régulièrement recours aux pièces et billets qu’au téléphone. Il ressuya une dernière fois le contour de sa caisse enregistreuse afin de se donner une occupation le temps que le client arrive devant le comptoir mais s’arrêta brusquement quand il entendit le son d’une voix qu’il connaissait un peu trop bien.

« Salut Lancelot ! »

Ah. Lancelot n’avait peut-être pas de roi, mais il avait bien une reine. Une reine qui régissait chaque battement de son cœur.

Il essaya de se calmer et de paraître un peu plus naturel que son corps ne le lui permettait dans cette circonstance avant de relever son regard vers Guenièvre qui le regardait en souriant.

« Tu vas bien ? » demanda-t-elle.

Elle était adorable avec ses dizaines de barrettes dans les cheveux qui n’avaient pas l’air d’avoir réellement d’utilité pour les tenir de quelque manière que ce soit. Elle avait des cheveux tellement lumineux, que même la lumière ignoble des LED du café lui faisait de beaux reflets. Il aurait aimé les toucher pour voir à quel point ceux-ci pouvaient être doux. Comment ses doigts seraient magnifiés par la présence de chaque mèche de Guenièvre à travers ceux-ci.

« Allo ? Lancelot ? »

Lancelot se secoua mentalement avant de se concentrer sur la conversation et rien que la conversation. Parler. Distinctement.

« Bonjour Guenièvre »

« ça va bien ? T’es toujours un peu dans la lune toi nan ? »

Il allait rétorquer que non, pas du tout, il n’était pas dans la lune mais elle rit alors il se tu pour l’écouter.

« Ah la la ! Donc ! Je m’étais dit que je prendrais pas de chocolat aujourd’hui parce qu’il faut que je fasse attention sinon je vais servir de décor de pleine lune pour le thème astral du mois prochain et du coup j’avais pensé... » dit-elle en se passant une main en cercle sur le ventre.

Elle avait vraiment un beau ventre. Lancelot avait connu Guenièvre un peu plus fine il lui semblait, mais il n’en était pas vraiment sûr parce qu’il avait passé les premiers mois et peut être même les premières années tellement obnubilé par son visage et ses yeux et sa bouche et ses jolies joues qu’il n’avait pas vraiment fait attention aux détails du reste de son corps. Maintenant il les connaissait tous. Peut-être un peu trop, et peut-être qu’un jour il devrait aborder cette obsession avec son psy. Mais pour l’instant il se contentait de lui parler de ses collègues et c’était déjà un sujet – malheureusement - assez riche à explorer sans qu’il ait besoin de lui révéler d’autres problèmes sur lesquels il n’avait vraiment pas envie de travailler. Son obsession pour Guenièvre lui apportait plus de réconfort que de nocivité dans sa vie. Enfin, c’était l’impression que ça lui donnait. Dans quelle mesure l’admiration emprunte d’une pureté sans égale du beau petit ventre de Guenièvre aurait-il pu lui causer quelconque dommage émotionnel, il ne pouvait le concevoir.

« ...et une part de brioche aux pralines s’il te plaît ! » entendit-il

Il s’aperçut que sa contemplation du corps de Guenièvre lui avait coûté de se concentrer suffisamment pour entendre l’entièreté de son discours. Alors il se gifla mentalement d’avoir manqué à satisfaire pleinement la femme qui méritait toute l’attention du monde et sortit un très courageux « Pardon, tu peux répéter s’il te plaît ? » conscient qu’il commettait un impair en osant lui demander de se répéter.

Il voulu se couper n’importe quelle partie du corps pour l’offrir aux dieux afin qu’ils lui permettent de remonter le temps pour ne pas causer au sourire de Guenièvre de se transformer en triste petite moue. Il ne valait pas mieux que Merlin qui avait sans doute dû réussir à se relever depuis le temps. Il ne savait pas trop, il était trop paniqué par la tête attristée que lui présentait Guenièvre à présent.

« Ah…je vois, toi aussi tu penses que je devrais ralentir sur le sucre »

« Non non non pas du tout ! »

« Je savais que j’aurais dû écouter ma mère, je suis vraiment bête parfois »

« Non ! Non tu n’es pas bête du tout »

« Haha. T’es gentil. Je vais prendre un grand café noir s’il te plaît »

Guenièvre ne prenait jamais de café. En tout cas pas comme composant principal de sa boisson. Elle n’aimait pas ça et il soupçonnait même que les rares fois où ses boissons en avait quelques milligrammes, elle les commandaient uniquement pour paraître plus mature auprès des gens qui étaient présents dans son entourage au moment où elle allait boire sa boisson. Elle était tellement adorable et ça l’attristait qu’elle soit aussi complexée par le regard que des idiots mal intentionnés pouvaient lui porter. Elle alla s’asseoir à sa table préférée avant qu’il puisse trouver de quoi la réconforter.

Devant sa machine, il était coincé. S’il lui préparait sa boisson préférée – un grand chocolat viennois avec du sirop arôme noisette – et la part de brioche au praline qu’elle avait demandée – qui était son troisième choix le plus courant après les petits pains pommés et les éclairs à la framboise – il risquait de la rendre triste en lui apportant un plateau qu’elle aimerait au goût mais qui aurait sans doute le malheur de la faire culpabiliser. S’il lui préparait le café qu’elle avait demandé, elle allait être triste pour le reste de la journée. Quoi qu’il fasse il était coincé et il était paralysé.

« Qu’est-ce que tu fous ? » demanda Arthur, qui enfilait enfin sa casquette complétant le tablier et le reste de son uniforme.

« Rien » répondit Lancelot mauvais. Oh qu’il l’aimait pas dans ces moments là.

« Ba je vois ça »

Arthur vint enfin se poster derrière le comptoir avec Lancelot. Ce dernier aurait préféré qu’il ne vienne jamais en fin de compte.

« Ah mais elle est là l’autre tarte ! »

Lancelot le détestait sincèrement quand il parlait ainsi de Guenièvre. Seuls les quelques restes de sympathie qu’il avait pour ce qui fût autrefois son meilleur -bon d’accord son seul – ami l’empêchait de lui jeter une bouilloire brûlante au visage quand il disait une atrocité de la sorte. Il se contenta de fixer sa nuque méchamment.

« Tu prépares sa commande que je lui apporte s’il te plaît »

« Elle veut qu’un café noir »

« Comment ça un café noir ?  Je parle de Guenièvre hein, pas de la femme qui a l’air d’être tombée dans une flaque de fond de teint vers la fenêtre hein »

« Elle veut un café noir » répéta-t-il contenant sa frustration qui se transformait de plus en plus en colère viscérale

« Mais qu’est-ce qu’elle a encore cette gourde. Bon fais un café et mets un petit pichet de crème sur le côté s’teuplé, je reviens je vais chercher un chausson aux p- » il s’arrêta, ferma les paupières, inspira bruyamment et reprit « un petit pain pommé  en cuisine » puis il disparût dans l’antre des débiles qui étaient aux fourneaux. Ou en train de se toucher la nouille plus certainement. Même s’il était pas sûr qu’ils soient assez dégourdit même pour ça.

Il prépara le café en y injectant le plus de pensées positives et de soutien pour Guenièvre qu’il pût, ignorant totalement les deux nouveaux clients qui commençaient à s’impatienter. Que ça devait être dur de patienter 80 pauvres secondes pour avoir une boisson bien trop chère et moyennement bonne pendant qu’une personne adorable souffrait profondément quelques tables plus loin.

Arthur revint avec une assiette contenant un petit pain pommé et prit le plateau sur lequel Lancelot avait posé la boisson et le petit pichet de crème, ainsi qu’un sachet de sucre sur le côté au cas où. Il le regarda s’avancer vers Guenièvre et sentit sa haine grandir pendant que son attachement pour l’autre homme se dégradait une fois de plus. C'était le cas à peu près à chaque fois qu’il voyait le couple interagir. A chaque fois qu’il voyait Guenièvre sourire quand Arthur approchait. 

Alors il se demandait une fois de plus pourquoi. Pourquoi il restait là. Pourquoi sa reine avait déjà un roi.

Mais au fond il savait pourquoi. Il savait qu’un jour Guenièvre verrait qu’Arthur n’était pas roi. Et que Lancelot lui, serait là. 

Notes:

Hm.
On va dire qu'au moins on est plus aux toilettes.
Vraiment ça me vide de toute mon énergie d'écrire du pdv de Lancelot.
A la prochaine, courageux gens qui avez réussi à lire jusqu'ici !

Chapter 4: L'apprenti sorcier

Summary:

Elias a tout cassé

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

« Mais c’est quoi encore que ce merdier ! » s’énerva Arthur en voyant la banderole déchirée.

« C’est pas ma faute ! » se justifia très vite Merlin.

Ce qui était vrai. C’était pas sa faute si Monsieur Elias n’avait pas arrêté de l’énerver. Et qu’il avait fini par tirer comme le gros débile qu’il était et que Merlin avait forcément tiré à son tour. Et que ça avait fini par faire une grosse déchirure en plein milieu.

« Mais qu’est-ce qui s’est passé bon sang ! On peut pas vous laisser deux secondes tout seul c’est pas croyable ! »

« C’est pas ma faute ! » rappela Merlin, en martelant chacun des mots au cas où Arthur ne l’ait pas entendu la première fois.

« Oh ba non, ça doit être le vent, il a soufflé trop fort et ça a fait un trou. » dit Elias, ce qui n’avait pas pour effet de calmer Arthur. Vraiment ce qu’il était stupide, mais stupide !

« Alors toi hein, c’est pas la peine de ramener ta fraise ! »

« Ou alors un oiseau. Un oiseau suicidaire qui a foncé dedans »

« ça suffit hein ! » commença à s’énerver Merlin

« Ou alors, peut-être plus plausible, un abruti qui se laisse pousser la barbe comme s’il avait 86 ans alors qu’il en a que 40 qui a tiré comme un bourrin en essayant de l’accrocher trop à droite »

«39 ans pauvre débile ! »

« Bon » interrompit Arthur « Vous allez tous les deux arrêter de me casser les pieds avec vos gamineries et vous allez trouver un moyen de me réparer ça avant demain. J’aimerai bien fermer avant minuit donc bougez-vous le train »

« Mais » protesta Merlin

« Mais rien du tout ! Vous vous mettez au boulot, et si j’entends un mot plus haut que l’autre, j’appelle Lancelot pour qu’il gère la situation et vous allez moins rire. »

Après les avoir fixé dans les yeux, que Merlin avait fini par baisser, il s’en alla ranger la salle et sûrement aider aux décorations qui devaient servir le jour suivant. Vraiment c’était injuste. Il avait juste fait son boulot et le voilà puni. On le menaçait même de faire venir Lancelot qui était vraiment pas sympa et qui, si Merlin était un peu honnête, lui faisait un peu peur.

« Beau boulot l’empoté » lança Elias l’abruti.

« Oh ! Le culot ! C’est toi qui arrêtais pas de donner des directions contraires en tirant comme un âne ! C’est de ta faute ! »

« Mais bien sûr ! »

Merlin préféra s’accroupir au dessus de la banderole posée au sol et marmonner quelques insultes que l’autre débile entendrait pas plutôt que de les lui jeter au visage après avoir croisé le regard d’Arthur énervé à travers une des vitres du café. Il avait vraiment pas envie qu’il appelle Lancelot.

« Bon ba on va pas rester là toute la nuit ! Aide moi à transporter ça à l’intérieur qu’on trouve de quoi recoller ou recoudre les deux bouts »

« Mais oui, recoudre du plastique, c’est bien connu »

« Non mais dis donc ! Si t’es pas content t’as qu’à aller travailler et infliger ton inaptitude à faire quoi que ce soit autre part ! Ça nous fera des vacances ! » cria Merlin en chuchotant du mieux qu’il pouvait. Arthur pouvait avoir l’ouïe fine parfois.

« Ridicule » répondit Elias, qui se baissa pourtant pour aider à transporter la banderole à l’intérieur du café.

Ils s’installèrent à une des seules tables où les chaises n’avaient pas encore étaient posées à l’envers pour faciliter le passage de la serpillière de la fin de journée. Il n’avait de toute façon pas encore eu le temps de le faire après qu’Arthur leur ait confié la tâche d’attacher cette foutue banderole qui annonçait « Les petits pains pommés à la conquête de l’univers ! Venez voyager à travers les astres et découvrir notre tout nouveau menu céleste ! » le tout décoré avec un thème bleu nuit, des planètes et autres bizarrerie de l’espace. Enfin, maintenant on en lisait que la moitié de chaque côté quoi et les habitants de ce qu’il supposait être Saturne n’allaient plus pouvoir faire le tour de leur monde en 80 jours.

Merlin avait tout d’abord trouvé l’idée du thème Astral super chouette quand Arthur lui en avait parlé. Maintenant beaucoup moins, parce que s’ils réussissaient à réparer la banderole – qui pesait une vache morte à peu de chose près - et à la placer au dessus de la devanture du magasin avant le lendemain matin, ils devraient quand même aider à la décoration intérieure et à la préparation de la salle. Arthur avait même été jusqu’à commander de la nouvelle vaisselle pour correspondre au thème, ce que Perceval était en train de déballer apparemment.

Elias ouvrit sa bouche une fois de plus -une fois de trop- pour lui lancer un « Bon, tu essayes de pas bouger si c’est pas trop te demander, je vais chercher de la superglue et mon pistolet à colle dans le bureau »

« Non mais ça va bien maintenant ! Je te ferai dire que- »

« Excusez-moi » dit une voix de femme

« Salut Guenièvre » répondit-il

« Bonjour » ajouta Elias avant de s’en aller dans leur bureau commun, un espèce de placard à balais qu’Arthur avait transformé en bureau pour les employés polyvalents dont Merlin faisait parti. Et Elias aussi malheureusement.

« Salut Elias ! Salut Merlin ! » sourit-elle

« Je suis un peu occupé là » Merlin ne voulait pas être méchant, mais il était bien énervé par la situation actuelle et à ce rythme il allait jamais réussir à rentrer avant la fermeture de sa supérette de quartier. Qui dit pas de supérette et un frigo tristement vide, dit pas de whisky-coca et la perte de la joie. Tout ça à cause d’Elias le nul.

« Oh non non ! Je vais pas te déranger, je voulais juste savoir si tu savais où était Arthur. On devait rentrer ensemble aujourd’hui mais ça fait une demie heure que je l’attends sur le parking alors je me demandais s’il m’avait pas oublié et était pas rentré en bus »

« Nan il était là y’a cinq minutes. Peut-être en cuisine »

Guenièvre acquiesça d’un « ah d’accord » puis resta sur place en tripotant sa clé de voiture entre les mains.

« Tu veux que j’aille le chercher ? » lui demanda-t-il, alors qu’il avait vraiment pas envie d’aller le chercher. Mais laisser Guenièvre sans Arthur, c’était prendre le risque d’attirer l’autre tyran de Lancelot. Quoi que au moins il serait plus sympa en sa présence. Comme si Guenièvre lui faisait réaliser qu’il agissait comme un gros con aigri la plupart du temps et qu’il en avait honte devant elle. Ou peut-être bien que juste il la détestait pas, contrairement aux 98 % du reste de l’univers dont Merlin faisait parti.

« Oh nan nan ! Je voudrai pas déranger »

Merlin sortit un « ok » avant de se concentrer sur sa banderole dont les extrémité -et la majorité du truc en fait- traînait par terre et de tenter de recoller les morceaux avec sa pensée. On savait jamais, et ce gros flan d’Elias en serait bouche bée pour une fois.

« Oh mais oui c’est vrai ! » s’exclama Guenièvre, penchée au dessus de l’épaule de Merlin et admirant la banderole « C’est le début du mois sur le thème astral demain ! J’avais complètement oublié ! C’est trop bien ! »

« Ouais ouais. Ça aurait été encore mieux si cet âne d’Elias avait pas saccagé notre banderole. »

« Oh ! J’avais pas vu ! J’ai du verni dans mon sac si tu veux ! » Merlin se demandait le rapport mais Guenièvre lui expliqua sans qu’il ait besoin de demander « J’ai vu ça sur internet ! Quand t’as des collants et que t’as un trou, pouf ! Un petit peu de vernis et ça referme le trou ! C’est magique presque ! »

Elle fouilla dans son sac qui était vraiment très gros et apparemment pas mal en bazar.

« Roh mais où est-ce que je l’ai mis déjà » Elle fouilla un peu plus avant de commencer à retirer des objets petit à petit de l’engin et de les déposer sur la table. Merlin repoussait à chaque fois sur la partie libre de la table ceux qui atterrissaient sur la banderole. Elle finit par trouver ce qu’elle cherchait, un vernis vert pomme qui avait apparemment déjà bien servi vu l’état du machin, elle en dégoupilla le bouchon et dit : « Bon alors on essaie ? »

Elias ne revenant pas parce qu’il avait sans doute dû se perdre sans son propre « rangement ordonné » -Ah ! La bonne blague- Merlin décida que la technique de Guenièvre était pas plus bête qu’une autre. Surtout que sa fusion grâce à ses pouvoirs mentaux ne semblait pas bien fonctionner.

« Ok passe-moi ça »

Elle lui tendit le pinceau et le réservoir du verni qu’il prit dans les mains.

« Tu peux tenir les deux parties de la fissure bien serrées sur la table pendant que j’applique le produit s’il te plaît ? »

Elle s’exécuta et il commença à appliquer du vernis sur toute la longueur de la déchirure. Ils attendirent que la première couche sèche, puis Merlin en ajouta une deuxième, pendant que Guenièvre très concentrée continuait de tenir les deux morceaux bien appuyés.

« Mais qu’est-ce que vous foutez ? » demanda Elias un pistolet à colle à la main.

« On répare ta connerie abruti ! »

« Avec du verni pauvre idiot ? »

« Non mais en fait » commença Guenièvre, avant que Merlin enchaîne rapidement avec « Tu sauras monsieur Elias, que Guenièvre a vu un tuto sur internet pour réparer des collants avec du verni. Et bim ! Dans les dents ! »

« Oh ba oui c’est sûr, les banderoles c’est comme des collants mon con »

« Quoi ?! T’as dit quoi là ?! » que Elias le nul ose le traiter de con c’était la goutte d’eau qui faisait déborder le vase ! Ils étaient dans cette galère à cause de lui et il n’avait même pas la décence de fermer sa grande mouille.

« Bordel ! Il se passe quoi encore » intervint Arthur, appuyant particulièrement sur le « encore ». Il avait les bras chargés de cartons qui étaient remplis de petites planètes en plastique. Il posa les boîtes au pied de la table sur laquelle Guenièvre tenait encore les deux morceaux de la banderole.

« Ba rien ! On répare tout et l’autre casse-pieds d’Elias vient nous emmerder ! » répondit Merlin en agitant les bras, sauf qu’il avait encore le contenant du verni dans une main et le pinceau de l’autre, et oui peut-être que ça en avait fait voler quelques gouttes par-ci par-là. Et dans sa barbe. Bon. C’était lui qui nettoierait de toute façon, pas besoin d’en faire tout un fromage.

Arthur regarda la banderole réparée, que Guenièvre tenait encore pour attendre que la deuxième couche sèche correctement.

« C’est comme neuf ! » lui dit-elle quand Arthur croisa son regard. Elle avait l’air contente d’elle, au moins autant que Merlin de lui-même pour avoir cloué le bec à l’autre débile d’Elias.

« Comme neuf ?! » s’énerva-t-il, « Vous avez rapiécé le truc avec du verni ? Du verni vert ?! »

« Ba oui ! Ba ça fonctionne très bien ! Abracadabra, comme par magie !» Guenièvre n’était pas encore énervée, mais ça n’allait pas tarder si Arthur ne se calmait pas très vite. Ce qui ne risquait jamais d’arriver. Elle enleva ses mains des deux côtés de la banderole pour démontrer son propos. Les deux parties restèrent collées trois petites secondes avant de se séparer en faisant voler des morceaux de verni sec en faisant un petit « pop ».

« Je vois ça »

« Bon ba ça va hein ! J’essaye d’aider et tu t’énerves comme d’habitude »

« Mais vous pouvez pas réfléchir non ? Du verni vert ? Y’en a aucun de vous deux qui s’est dit que ça allait faire une grosse tâche verte en plein milieu d’un machin bleu non ?! »

« Ah les nuls ! » rajouta ce gros plein de soupe d’Elias.

« Oui bon toi, quand j’aurais besoin de tes commentaires je te le dirai. T’étais où pendant qu’ils jouaient à MacGyver ? »

« Parti chercher ça ! » Il montra son pistolet à colle à Arthur, fier de lui cet imbécile. « Mais bon je pense que c’est plus trop la peine maintenant »

« Bon casse-toi. Va laver le frigo de présentation tiens ! »

Ah ! Bien fait pour sa poire !

« Nan mais j’ai rien fais moi »

« Et ba justement ! »

Elias partit en ronchonnant. Merlin aurait bien rajouté un commentaire à son départ, du style qu’il n’avait que ce qu’il méritait cet andouille, mais le regard d’Arthur se focalisa trop rapidement sur lui pour qu’il ose dire quoi que ce soit. Il finit par regarder Guenièvre qui avait commencé à verser quelques larmes. Ça n’avait pas alarmé Merlin car c’était assez banal comme scène quotidienne au café.

« J’ai tout gâché »

« Non mais tu vas pas pleurer maintenant ! » répondit Arthur qui avait balancé ça, comme à son habitude dans son état mélangeant inquiétude et énervement. Un peu comme s’il lui était interdit d’éprouver d’autres émotions que la colère, un peu comme si chaque sentiment devait s’exprimer sur fond de colère. Enfin, ça c’est que Merlin en avait déduis après avoir côtoyé le bonhomme pendant la majeure partie de sa vie. Y’a des moments comme celui-ci où il aurait voulu se ré-approprier son rôle d’homme plus âgé et plus expérimenté pour expliquer deux trois trucs sur la vie et les sentiments à Arthur qui avait été un peu privé d’un développement sur la gestion des émotions pendant son enfance un peu houleuse. Vraiment le gars allait finir par développer des ulcères à répétition à force d’être énervé sans raison.

« Je suis désolée » dit Guenièvre en pleurant pour de bon et en faisant traîner sa dernière syllabe dans les aigus.

« Mais pleure pas » dit Arthur qui semblait démuni à présent. Merlin faisait pas le fier non plus, les gens qui pleuraient ça mettait tout le monde mal à l’aise, même quand c’était habituel. Mais bon, c’était pas sa copine. Bon c’était pas vraiment celle d’Arthur non plus. Fin il savait pas trop, il avait pas trop pigé et il s’en fichait un peu parce que bon, c’était pas vraiment son type. Ni l’un ni l’autre d’ailleurs.

« On en a pas vraiment besoin de la banderole de toute façon » dit Arthur quand il vit que les pleurs de Guenièvre ne se calmaient pas.

« C’est vrai ? » sanglota-t-elle, regardant tour à tour Arthur puis Merlin.

C’était pas vrai du tout. Trois jours qu’Arthur préparait l’installation du machin et leur avait expliqué à quel point ce mois à thème était important pour le développement de la clientèle et de la fidélisation de celle-ci. Et que la banderole était super importante parce que le marketing ça commençait de l’extérieur et que la nouveauté ça s’annonçait bref, il avait dit plein de mots et plein de trucs, Merlin avait retenu : faut pas se foirer. Bon, ils s’étaient foirés, mais c’était de la faute d’Elias.

« Mais oui, t’inquiètes pas. J’étais content d’avoir un design que t’avais créé mais on a pas que la banderole de toute façon ! C’est sur les flyers et tout ! » mentit Arthur, très mal. Ça mettait Merlin encore plus mal à l’aise.

« Mais j’ai pas imprimé de flyers moi quand j’ai fait imprimer les banderoles » Elle avait une petite voix.

« Mais » Arthur réfléchissait à son prochain mensonge « mais moi j’y suis retourné après et j’ai demandé des flyers »

Guenièvre regarda en direction de Merlin pour confirmation. Arthur lui fit clairement signe d’aller dans son sens.

« Ah oui oui des flyers ! On en a plein on en a partout même ! »

« Attends attends » reprit Arthur « T’as dit « les banderoles » ? T’en as fait imprimer combien ? »

Deux secondes de silence passèrent pendant que Guenièvre tentait de faire sens de la phrase d’Arthur puis elle s’exclama « Ah mais oui ! »  elle tapa dans ses mains retrouvant le sourire instantanément, comme si ses larmes n’avaient jamais dévalé ses joues quelques secondes auparavant.

« Je l’ai faite faire en deux fois ! Je voulais en garder une en souvenir parce que j’étais super heureuse que tu me demandes de l’aide sur un projet et que c’était un peu de toi et moi sur un même truc ! Elle est dans mon coffre, j’avais totalement oublié ! »

Oula. Peut-être qu’ils étaient vraiment ensemble. Ou alors que la petite, contrairement à Arthur n’avait absolument aucun filtre niveau expression de ses sentiments. En tout cas Merlin se sentait encore plus mal à l’aise que quand elle pleurait. Ou que quand Arthur mentait. Le sourire qu’elle arborait était un peu trop lumineux et un peu trop dirigé vers Arthur qui avait le même air que s’il venait de se rendre compte que c’était pas une bonne idée de traverser à pieds sur l’autoroute. Il savait pas trop s’il surprenait un échange intime, en tout cas il voulait surtout aller se cacher aux toilettes pour plus goûter à cette étrange atmosphère qui l’entourait et qui lui foutait des hauts-le-cœur.

Alors il s’excusa d’un charmant « je vais pisser si ça vous dérange pas » et se dirigea vers les toilettes, n’attendant pas leur réponse pendant que Guenièvre repliait du mieux qu’elle pût la banderole bonne à jeter, un grand sourire aux lèvres et qu’Arthur grognait un truc qui ressemblait à « donne tes clés, je vais chercher la banderole de rechange » le regard tourné vers le bas, apparemment aussi gêné que Merlin.

Vraiment, après avoir pissé -s’il y arrivait- il faudrait qu’il ait une conversation avec Arthur pour comprendre tout ce merdier. Ou alors il pourrait rester caché aux chiottes dans l’espoir que le reste des gars finissent de tout installer pour le lendemain pendant qu’il tenterait une sieste sur une cuvette fermée. Il y était presque arrivé une fois.

Et puis si ça lui permettait d’imaginer la tête de ce con d’Elias plutôt que de le voir en vrai, c’était pas une si mauvaise idée. Pas qu'il ait envie d'y penser.

Notes:

J'ai vu le film. Ma vie a changé.
J'ai juste envie d'écrire sur Arthur et ses cheveux.
Et sur d'autres trucs aussi.
Mais je me retiens parce que je suis sage.
Oui je sais, on finit ENCORE sur un perso qui va aux toilettes, bon. Faut bien se vider de temps en temps.
Merci de votre lecture gentils gens et prenez soin de vous !

Chapter 5: La fête du printemps

Summary:

Léodagan observe le revenant

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Léodagan savait pas ce qu’il foutait là. Enfin si, il savait ce qu’il foutait là dans le lieu, l’espace quoi. Mais qu’est-ce qui se passait concrètement à cet instant précis, il en avait foutrement aucune idée et c’était bien ça le problème.

Sa cornichone de fille l’avait rencardé avec son cornichon de mec pour qu’il lui refile un boulot. Comme s’il avait besoin de ça, il pouvait très bien se débrouiller tout seul. C’est pas parce que l’autre con d’Uther l’avait renvoyé du Ikea où il bossait à la sécurité parce qu’il avait voulu faire son job correctement qu’il avait besoin qu’on le prenne en pitié. Alors oui, peut-être qu’avec le recul, insister pour qu’une femme enceinte lui montre son ventre en plein rayon parce qu’il avait eu de bonnes raisons de penser qu’il s’agissait d’un stratagème pour voler quelques merdasses qu’on vendait à son ancien boulot avait pas été la meilleure des choses. Toujours était-il qu’au moins lui, il ne tirait pas au flanc. Alors franchement, il avait vraiment pas eu envie d’aller postuler chez Arthur, dans son espèce de mic-mac ridicule moitié boulangerie, moitié café surtout pour un poste de vigile. Il était pas aussi stupide que sa fille pensait le croire. Qui avait besoin d’un vigile dans ce genre d’endroit ? À chaque fois qu’il pensait au fait qu’Arthur lui faisait une fleur en lui donnant un poste bidon, ça lui foutait la gerbe.

Mais malgré tout, il était toujours là une semaine après sa prise de poste. On crache pas sur l’argent, même quand la paye est aussi dérisoire. Alors jusqu’ici, son rôle avait été plus du remplacement de caissier que de la sécurité active. En effet, un gars apparemment tout moisi dont le nom lui échappait constamment – Babar, Babor, un truc du style - avait été en arrêt maladie jusque là. Il avait jamais vu le type. Les rares fois où il était venu dans le boui-boui d’Arthur avant sa prise de poste, il n’était resté que dans la partie café du machin où c’était Lancelot l’espèce de chihuaha qui ne demandait qu’à attaquer, ou l’autre mou du genou d’Arthur qui géraient les clients et servaient la bouffe. Mais bref, il lui avait fallu un remplaçant, et comme il était hors de question que ces gros cons de Karadoc et Perceval s'y collent - les qualificatifs venaient d'Arthur, mais Léodagan partageait le sentiment - ça avait été pour sa poire. 

Il avait cependant été bien content quand Arthur lui avait annoncé le matin même que le gars revenait à son poste le jour même et que Léodagan pourrait se concentrer sur la sécurité du café et des alentours. S’il était honnête avec lui même, il avait un peu hâte de s’y mettre. Il lui faudrait demander un budget pour acheter quelques caméras et écrans de surveillance, et lui donner un bureau ou quelque chose où il puisse s'établir mais il verrait ça plus tard.

Et du coup le gus était revenu un peu après 13h. Au départ il avait pas trop compris que c’était lui. Il avait vu un gars un peu frêle, avec la bonne tête du client bien trop heureux dans sa vie et qui veut le faire savoir en souriant comme un benêt. Alors quand le bonhomme lui avait dit «Bonjour ! » tout sourire, sans marchandise dans les bras à poser sur le comptoir, il avait pas capté.

« Je suis Bohort ! » avait-il dit en tendant sa main au dessus du comptoir qui les séparait.

Léodagan avait regardé sa main, puis ses yeux avant de capter que c’était le nom du bonhomme qu’il remplaçait « Ah mais c’est vous ! »

Bohort avait retiré sa main qui n’avait pas été serrée « Oui, c’est moi Bohort ! » avait-il dit en continuant de sourire, heureux d’exister apparemment.

« Quel drôle de nom quand même »

« Euh ... »

« Nan mais du coup passez de l’autre côté et reprenez votre poste là. J’en peux plus des glandus qui se ramènent avec leur collection de pièces jaunes pour payer 15 euros de pâtisserie »

Et ça avait été à peu près tout ce qu’ils avaient eu comme premier contact, avant que Léodagan le laisse en plan pour partir chier un coup.

Après ça il s’était installé sur une chaise près de l’entrée de la boulangerie, faisant les gros yeux aux gamins qui voulaient toucher à tous les produits comestibles avec leurs mains pleines de germes. Bon à la base, il s’était installé au café mais Arthur l’avait viré. Fin, plutôt Arthur avec ses manières de gentilhomme - qui vraiment l'insupportaient - lui avait fait comprendre gentiment qu’il donnait pas envie aux clients d’entrer et qu’il serait plus utile là où les produits étaient à la portée des clients.

Donc il s’était installé dans le côté boulangerie, dos à la baie vitrée de l’entrée de celle-ci, avec en visuel l’arche qui permettait aux gens du café de passer d’une partie du lieu à l’autre et inversement. Dans son champ de vision, en diagonale, il avait aussi la caisse avec ce gars, Bohort. Et comme y’avait pas grand monde, il s’était ennuyé ferme et avait commencé à étudier le bonhomme. Il lui avait semblé que le gars était assez gêné de sa présence à lui, parce qu’à chaque fois qu’il avait croisé son regard il tournait la tête dans une autre direction. Ça avait eu le don de l’agacer un poil. Mais chaque fois qu’un client était rentré, il avait souri, d’un sourire qui paraissait sincère.

Et maintenant, il se demandait vraiment ce qu'il foutait là. Assis sur une chaise à philosopher sur le sourire et les intentions d'un inconnu qui l'aurait plutôt laissé indifférent dans d'autres circonstances.

Il s’y connaissait en sourire. Il s’y connaissait moins en sincérité d’un point de vue personnel, mais il savait la reconnaître chez les gens. Et là où c’était pas bien compliqué de voir que Lancelot cachait toute son animosité derrière ses lèvres étirées, que l’autre gland de Karadoc souriait plus par défaut que par joie réelle – quoi que les abrutis ne jouissaient-ils pas du bonheur de ne rien savoir finalement - le gars Bohort lui, semblait sincèrement heureux de la présence de clients et des échanges oraux qu’il pouvait avoir avec eux.

Un type bien étrange. Un poil facial bien entretenu. Un peu trop bien entretenu. En tout cas à comparer de Léodagan qui favorisait la technique du « tant que Séli m’emmerde pas, j’y touche pas ». Ils étaient peut-être divorcés depuis une paire d’années, elle restait toujours aussi chiante quand il s’agissait de mettre le nez dans ses affaires. Elle avait d’ailleurs été insupportable quand Léodagan avait tout d’abord refusé catégoriquement la proposition d’Arthur de bosser dans cet endroit. Enfin bref, le gars était plutôt bien entretenu. Physiquement. Quoi qu’il était pas spécialement fort. Enfin d’après ce que l’uniforme laissait voir. Il aurait fallu vérifier en dessous. Il doutait cependant d’y trouver des muscles. Il doutait d’ailleurs de la nécessité de s’interroger sur le sujet.

Il n’avait pas réalisé que le gars s’était approché à son niveau, un plateau de brioches à la main et il fut un peu surpris de l’entendre parler.

« Vous voulez-en goûter une ? » lui dit-il, tendant son plateau dans sa direction.

« Euh non merci. Je bosse là.»

« Oh ! Je vois ! Je ne voulais pas vous déranger, mais comme je ne savais pas trop si vous me regardiez ou si vous étiez perdus dans vos songes je me suis dit que j’allais profiter de la mise en rayon de nos nouveaux produits pour qu’on fasse un peu connaissance. »

Léodagan voulait répliquer qu’il n’était ni en train de le regarder, ni en train de rêvasser. Mais il ne le fit pas. Sûrement parce que c’était faux. La surveillance commençait de l’intérieur, et qui sait, ce Bohort aurait pu être un espion industriel. S’il le répétait assez, il pourrait finir pas y croire. Et puis c’était quoi ce sourire encore.

« Je suis tellement content d’admirer les nouvelles créations de notre cher Karadoc ! Ce thème astral était vraiment une très bonne idée ! » dit il, comme si ça intéressait Léodagan, en souriant de plus belle en admirant ses brioches en forme de nuages.

Il posa le plateau sur un petit chariot et entreprit d’ouvrir l’un des présentoir à la droite de Léodagan, à moins d’un mètre de sa position, pour y ranger les nuages briochés. Il n’y avait alors personne dans la boutique, en tout cas côté boulangerie, et c’était sûrement la raison pour laquelle Léodagan s’était remis à observer le type. Pour la sécurité du lieu. Et des employés.

Le gars n’était pas si petit mais pas si grand non plus. Léodagan avait l’impression qu’il était peut-être de la même taille, mais il ne voulait pas se lever pour vérifier.

« Vous n’aimez pas les choses sucrées ? » demanda Bohort, toujours en train d’arranger minutieusement les brioches dans le présentoir.

« Bof » Léodagan avait fait l’effort de soulever les épaules pour donner un peu plus d’entrain à sa réponse.

« Oh, c’est dommage ! Mais vous avez sans doute dû voir qu’on propose aussi des produits salés depuis que vous êtes là »

Oui, ça il l’avait vu. Il avait déjeuné sur place toute la semaine qui s’était écoulée, et s’il était honnête, il avait beaucoup apprécié chacun des sandwichs maison qu’il avait mangés. Pourtant il était pas trop porté bouffe, mais même si Karadoc était un trou du cul monstrueux, il avait le mérite de lui faire apprécier ses repas.

Il acquiesça silencieusement en guise de réponse. Une fois que Bohort eut refermé la vitre du présentoir et frotté ses mains l’une contre l’autre pour faire partir les miettes de celles-ci, il regarda Léodagan et lui dit « Désolé, j’ai oublié de vous demander votre prénom ! Moi c’est Bohort » et il lui retendit sa main.

« Je sais » répondit-il. Léodagan voyait bien sa main tendue vers lui, mais sans trop savoir pourquoi, il n’avait pas vraiment envie de la serrer. Bohort reprit sa main, qu’il cacha derrière son dos avant de se balancer sur ses talons et de demander « Et vous ? » son sourire se faisant un peu plus discret.

«Léo- »

« Hey pap’s ! » intervint son corniaud de fils qui était apparemment rentré dans la boulangerie sans qu’il s’en aperçoive. C’était presque inquiétant qu’il ne l’ait pas remarqué dans son champ de vision périphérique.

« Mais qu’est-ce que tu fous là toi ?! » s’énerva-t-il en se relevant de sa chaise. Il tenta de dissimuler la douleur que ça représentait de se relever d’un coup après avoir presque fini par fusionner avec cette chaise très inconfortable. Faudrait qu’il en parle à Arthur, qu’on lui refourgue un truc un peu moins ridicule pour que son séant ne souffre pas trop quand il était en surveillance prolongée.

« Ba j’viens prendre mon goûter ! » souriait-il

« Depuis quand tu viens prendre ton goûter ici toi ? Et puis merde, t’as 17 piges nan ? C’est quoi ces manières de gamin ». Vraiment, se rappeler que c’était lui qui avait été à moitié responsable de ses gènes c’était assez désespérant. Surtout quand il avait l’air aussi abruti, son sac de cours sur une seule épaule parce que « ça fait plus classe » et de l’encre partout sur les doigts parce qu’apparemment il savait pas écrire.

« Déjà c’est 17 ans et demi, super mon père qui sait même pas quel âge j’ai, et ensuite je venais voir Bohort ! »

« Bonjour Yvain ! » lança ce dernier, tout sourire.

« Je croyais que tu travaillais plus là d’ailleurs » fit remarquer Yvain à son père.

« Mais, vous vous connaissez tous les deux ? » demanda Léodagan, les pointant du doigt tour à tour.

« Ba oui. »

« Mais comment ça « ba oui » ? » Il était pas encore énervé, mais les conversations avec son fils ne duraient jamais longtemps sans que ça n’arrive au final.

« Ba une fois je suis venu avec Guenièvre parce qu’elle avait oublié je sais pas quoi je sais pas où et comme elle mettait mille ans à parler avec l’autre gars que je sais plus son nom et ba j’ai visité les lieux et comment c’est trop méga cool t’as vu ?! Y’a une boulangerie et un café de l’autre côté, trop la classe quoi. Et voilà !»

« Et voilà quoi ? » la tension montait dans le flux sanguin de Léodagan, il le sentait.

« Ba voilà quoi ! J’ai croqué dans un croissant parce que je croyais que c’était gratuit et Bohort m’a expliqué que c’était payant mais que comme j’étais le cousin de Guenièvre bah il me le payait. Et depuis il me paye tous mes goûters. »

« Le cousin de Guenièvre ? »

« Ba c’est pas ça ? »

Léodagan inspira un grand coup et décida qu’il était meilleur pour sa santé qu’il ignore son fils et se reconcentra sur Bohort.

« Merci d’avoir payé des collations à l’autre guignol » qu’il désigna avec son pouce « mais vraiment, fallait pas. Et surtout faut plus.»

« Non mais ne vous inquiétez pas monsieur Léo, ça me fait plaisir » et il sourit, encore, pour appuyer son propos. Avant que Léodagan trouve quoi que ce soit à répondre parce qu’il avait beaucoup de choses auxquelles penser, Bohort enchaîna « En fait, je croyais que vous étiez le père d’Arthur » rigola-t-il doucement.

« Mais non, c’est mon père à moi ! Et à Guenièvre la conne ! » Léodagan savait pas trop si c’était mieux ou moins pire, mais pour faire bonne mesure, claqua l’arrière de la tête de son fils.

« AÏ-EU »

« Combien de fois je t’ai dit de pas parler de ta sœur comme ça ? »

« C’est pas ma faute si elle est conne aussi » répondit à voix basse Yvain qui se massait l’arrière du crâne.

Léodagan choisit d’ignorer ce dernier commentaire car Bohort les regardait d’un air inquiété. Et il avait perdu son sourire. Ça ne lui allait pas trop finalement, de ne pas l’avoir aux lèvres. Ça le rendait plus petit.

« Pourquoi je t’ai pas vu de la semaine si tu viens prendre ton goûter ici tous les jours ? »

« Bohort m’avait envoyé un SMS pour dire qu’il était malade, et comme Arthur veut jamais rien me payer parce que soit disant je dérange la clientèle, j’ai préféré aller chez Gauvain pour le goûter, mais bon c’est tout pourri l’ambiance chez lui alors dès que Bohort m’a dit qu’il revenait je suis revenu. C’est trop bon les gâteaux ici ! »

« Va te servir mon grand ! » lança Bohort à Yvain, qui n’avait pas vraiment attendu son accord pour se lancer à l’assaut des différents présentoirs, un plateau déjà plutôt bien rempli.

« Il est vraiment adorable votre fils monsieur Léo » reprit-il, siégeant maintenant aux côtés de Léodagan. Son sourire était revenu et il observait avec émerveillement son empoté de fils faire tomber un petit pain par terre et le remettre sur le plateau de la bouffe qu’il allait consommer dans les minutes qui suivraient.

Il ne savait pas trop pourquoi il ne l’avait pas repris la première fois après qu’il l’ait appelé Léo, mais il savait encore moins pourquoi il ne le reprenait pas maintenant non plus.

Alors Bohort se tourna vers lui, et lui tendit sa main pour la troisième fois. Il sourit et lui dit « Heureux de vous rencontrer Léo ». Léodagan serra sa main, remarquant que les yeux du jeune homme étaient eux aussi souriant. Comme si c’était possible que des yeux sourissent. Le bonhomme de l’impossible.

En voyant les lèvres de Bohort s’étirer encore plus – une sorte de miracle - au contact de sa main dans la sienne, il trouva en lui la politesse de lui retourner un « Pareillement »

Notes:

Voilà voilà.
Ce chapitre n'est pas du tout dédié à Yvain (l'auteur de fics Kaamelott que je ne vous encourage pas à lire parce que ça fait mal au coeur).
Merci d'avoir lu ce nouveau chapitre qui n'a, une fois de plus, pas grand sens.
Prenez soin de vous gentils lecteurs !

Chapter 6: Une couronne pour la sagesse

Summary:

Guenièvre souffrait.

Notes:

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Chapter Text

Guenièvre souffrait.

Savoir qu’elle était l’unique personne à blâmer pour sa propre souffrance ne l’aidait pas à se sentir beaucoup mieux. Elle aurait pu blâmer dame nature ou peu importe la chose responsable en charge de l’énigme qu’était le corps humain et ses évolutions. Le fait est qu’elle souffrait.

Elle s’était rendue au café comme à son habitude après ses heures de boulot pour se changer les idées et sortir un peu de chez elle. Travailler comme designeuse graphique en indépendante c’était chouette, ça lui plaisait et ça lui faisait une activité mais ça ne la faisait pas beaucoup sortir de chez elle. Un choix conscient, elle n’était pas très à l’aise avec les interactions sociales seule face à des inconnus et elle était plus à l’aise dans un endroit qui lui appartenait. Toujours était-il qu’elle s’était rendue compte des effets bénéfiques sur son humeur et même son imagination de sortir de chez elle et de voir des gens qu’elle appréciait de temps en temps. Des gens qu’elle appréciait beaucoup. Comme elle ne considérait pas qu’on puisse apprécier en excès une personne, elle ne s’alarmait pas de la grande affection, démesurée à vrai dire, qu’elle avait pour le gérant du café.

Les petits pains pommés était devenu pour la première fois son repaire un soir où Arthur l’avait traînée de force alors qu’elle l’avait appelée, très triste d’avoir raté un stupide examen d’histoire de l’art à l’époque. Il l’avait emmenée devant ce bâtiment en ruines, une ancienne sale d’arcade laissée à l’abandon. Il l’avait alors fait s’asseoir sur le trottoir d’en face, ce qu’elle n’avait pas trop apprécié, salir sa belle jupe aussi bêtement l’avait énervée. Mais Arthur avait ignoré sa mauvaise humeur et à la lumière des lampadaires, il s’était mis comme un gamin à lui montrer chaque extrémité du bâtiment avant de lui annoncer qu’il comptait en faire son chez lui. Il avait racheté l’endroit avec toutes ses économies et elle l’avait trouvé stupide. Elle ne lui avait pas dit mais le ridicule de la situation, sa tristesse de la journée, les nerfs, tout ça, ça l’avait fait pleurer de rire, assise par terre dans de la poussière de trottoir. Et au lieu de se mettre en rogne comme à son habitude, il avait ri avec elle. Ils avaient ensuite passé les deux heures suivantes assis sur ce trottoir côte à côté, admirant l’ignoble façade du bâtiment en décomposition. Il avait tout prévu pour ce bâtiment. Il savait ce qu’il voulait en faire et comment le faire. Il avait entrepris de faire la majorité des rénovations lui même avec ses quelques employés qu’il avait déjà débauchés pour économiser le coût des travaux effectués par des professionnels. Plus il lui en avait parlé, plus elle avait l’impression de rêver. Arthur n’avait jamais montré une attirance particulière pour des lieux de rassemblements sociaux comme les cafés. Mais de le voir en parler avec autant d’étincelles dans les yeux, elle sa tête reposée sur son épaule, leurs jambes se pliant et dépliant après le passages des rares voitures qui circulaient encore à cette heure de la nuit, elle y avait cru. Elle avait eu beau se retrouver dans une situation qui lui avait semblé onirique, elle avait cru Arthur qui n’avait jamais semblé aussi vivant qu’à cet instant. Même depuis cet événement, elle n’avait pas souvenir de l’avoir vu aussi heureux.

Elle regrettait presque d’y être venu à présent. Elle souffrait tellement et si Arthur était dans les parages, il allait s’en apercevoir et lui faire la morale. Elle avait bien assez de sa mère qui passait la voir -plutôt l’insulter- tous les deux jours comme ça. Alors oui, certes, sa mère l’aidait financièrement, elle lui avait acheté un appartement et lui permettait de faire un travail qui lui plaisait – même si elle aurait préféré que Guenièvre se construise une famille plutôt que « faire mumuse sur ton ordinateur » - mais ça ne changeait pas le fait qu’elle sortait lessivée moralement de chaque conversation qu’elle pouvait avoir avec elle. Et pourtant, dans ces moments, elle ne se sentait pas aussi mal qu’à présent. Elle se sentait moins mal quand elle devait passer à proximité de ces horribles animaux qu’étaient les oiseaux. Là, en cet instant, c’était vraiment la fin des haricots.

Comme il avait commencé à faire un peu plus chaud ces derniers temps, la carte du café avait proposé des équivalences fraîches aux boissons de la carte ainsi que des boissons froides exclusives, toujours en lien avec le thème astral du moment. Guenièvre ayant voulu tester une nouveauté qu’Arthur ne lui avait pas fait tester pour une fois, elle avait commandé une voie lactée frappée ainsi qu’un petit nuage aux pralines. Après avoir réussi à laisser 10 euros dans le bol à pourboire – ils ne la laissaient jamais payer ses commandes, ce qui la mettait un peu mal à l’aise - à l’insu de Lancelot concentré sur sa commande et d’Arthur qui était elle ne savait où, elle avait récupéré son plateau et était partie s’asseoir à sa table préférée dont la banquette faisait l’angle du café. Elle y avait posé son gros sac à main, un sac bandoulière qu’elle avait décoré elle même avec des broderies de fleurs de toutes les couleurs, et sa petite veste légère vert d’eau.

Elle avait commencé à déchirer un petit morceau de l’adorable nuage aux pralines puis elle avait goûté la voie lactée qu’elle avait d’abord pris le temps de photographier pour l’instagram du café que personne dans ce magasin ne semblait gérer. C’était dommage parce que la vaisselle réservée pour les clients qui consommaient sur place était vraiment très belle, notamment pour cette boisson en particulier, le verre parsemé de petites constellations finement gravées en or se mariait parfaitement avec son breuvage tout de violet, rose et blanc composé.

En gouttant cette nouveauté, il s’était passé quelque chose. Quelque chose d’horrible. La fraîcheur extrême de la boisson avait provoqué une réaction inattendue dans sa cavité buccale. Une douleur intense était apparue au niveau de ses gencives dans la partie arrière de sa bouche. Et elle savait que ce n’était pas cette douleur anodine qui pouvait parfois lui arriver quand elle croquait dans une glace. Non, elle savait ce que c’était parce que c’était une étape de sa vie qu’elle avait redoutée et repoussée jusqu’à ce terrible instant. Une étape qu’Arthur pensait l’avoir déjà vu franchir. Parce qu’elle le lui avait promis.

Alors elle était à cette table, un bout de petit nuage dans une main, la paille en acier dans l’autre, n’osant plus bouger, priant pour que cette action fasse disparaître la douleur à jamais. Elle souffrait mais peut-être que si elle arrêtait de respirer elle n’aurait plus mal. Ou alors si elle penchait la tête en arrière. Ou bien si elle tournait la tête de droite à gauche. A part avoir l’air étrange pour le reste des clients du café, ces actions n’atténuèrent pas les millions de minuscules petits couteaux qui transperçaient ses gencives. Elle voyait que Lancelot l’observait, ignorant ses clients, alors elle tenta un pouce levé en l’air dans sa direction ainsi qu’un sourire qu’elle voulait rassurant. Ce dernier lui arracha une larme qu’elle s’empressa de dissimuler en baissant sa tête faisant semblant de se préoccuper de son téléphone.

Que faire.
Que faire.
Que faire.

Elle ne le savait point. Il fallait qu’elle se concentre. Le plus important était de faire en sorte qu’Arthur ne soit pas au courant car il allait être imbuvable. Comme sa voie lactée, qui de ce qu’elle avait pu goûter avait l’air d’être excellent pourtant. Et après ? Qu’est-ce qu’elle ferait une fois chez elle ? Attendre que la douleur passe ? Elle savait qu’elle ne partirait pas toute seule ou après une bonne sieste, pas cette fois-ci. Il était inconcevable qu’elle prenne la mesure qui s’imposait. Elle ne l’avait pas esquivée pendant tant d’années pour finir par faire le grand saut. Oh non. Non non. Elle commençait à paniquer. Il fallait qu’elle se reprenne en main avant qu’on découvre ce qui se passait en elle.

Elle fourra sa veste et son téléphone dans son sac avant de le lancer sur son épaule, elle prit son plateau et tenta du mieux qu’elle put et attendit que Lancelot soit occupé avec d’autres clients avant de s’avancer vers le comptoir pour y déposer son plateau. Elle se retourna avec la ferme intention de foncer vers sa voiture mais à la place d’une voie toute tracée pour s’échapper du café, elle rencontra le visage tant redouté. Elle lâcha un petit cri, surprise de le trouver là.

« Qu’est-ce que tu fous ? »

« Hm ? » demanda-t-elle aussi innocemment qu’elle le put.

« Tu t’en vas ? »

« Oh. Oui ! Je viens de me rappeler de, euh, un client ! » elle sourit autant qu’elle le pouvait et ouvrit grand ses yeux pour injecter plus de crédibilité à son mensonge.

Arthur l’observait avec cet air de réflexion qui n’augurait rien de bon étant donné ce qu’elle voulait lui cacher. Alors quand ses yeux dévièrent vers le plateau elle enchaîna :

« Un client de dernière minute » elle força un petit rire « qui veut une commande pressante ! Donc je file ! Désolée je demanderai à Papa de te ramener si t’as besoin d’un trajet chez toi ! Salut » elle fit un salut militaire – qu’elle se morigéna mentalement d’avoir fait l’instant d’après - puis elle dépassa Arthur par la droite et fila à toute vitesse vers la porte d’entrée, faisant tinter la clochette lorsqu’elle la dépassa. Elle faisait de grandes enjambées vers le parking. Vers sa voiture. Vers chez elle. Vers la sécurité de son lit et de sa couette. Là où rien ne pouvait lui arriver.

Elle entendit ses bruits de pas dans le gravier avant de l’entendre parler.

« Qu’est-ce que tu fous ? » demanda-t-il à nouveau.

Elle ne le regarda pas, concentrée à chercher ses clés dans son sac.

« Mais rien je te dis, j’ai du boulot c’est tout »

Comme il n’avait pas l’air de bouger et qu’elle ne trouvait pas ces maudites clés, elle ajouta « Toi aussi d’ailleurs tu dois bosser non ? Allez ! Au boulot fainéant ! »

Elle trouva enfin ses clés et se dépêcha d’entrer dans sa voiture. Malheureusement Arthur fit de même côté passager.

« Mais ? Qu’est-ce que tu fais ? »

« Exactement la question que je te pose depuis tout à l’heure »

« J’ai un client » elle martela chacun des mots, le regardant droit dans les yeux tandis que sa main cherchait à mettre la clé dans le contact. Elle ne le trouvait pas et commença à s’énerver. La situation la stressait trop. Elle avait mal. Arthur ne bougeait pas de son siège et continuait de la dévisager. La clé refusait de rentrer. Elle avait mal. Une larme lui échappa et elle finit par taper sur son volant, regrettant immédiatement son action. Elle était tellement nulle et Arthur allait en être témoin une fois de plus. Elle s’affaissa sur son volant, cachant son visage avec ses bras.

« Va-t'en s’il te plaît » lança-t-elle, les sanglots commençant à la gagner. Elle devait se retenir, ça faisait jouer sa mâchoire et la douleur la relançait un peu plus. Elle tenta de contrôler sa respiration qui ne voulait pas coopérer.

Il attendit un moment avant de parler.

« Guenièvre, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tu pars sans toucher à ton plateau ? »

« Je suis nulle voilà ce qui se passe » le dire à haute voix rendait le tout encore plus réel et ses larmes coulèrent de plus belle.

« Guenièvre »

« Va-t'en s’il te plaît »

« Dis-moi. Je sais que tu n’es pas nulle. Alors dis moi ce qu’il se passe pour que je puisse t’aider »

Guenièvre se concentra sur sa respiration. Elle avait envie de répliquer qu’elle n’avait pas besoin de son aide, mais c’était faux. Elle avait toujours besoin de son aide. C’était vraiment la reine des quiches. Tant pis.

« Tu vas te mettre en colère » renifla-t-elle

« Mais non » commença t-il, déjà énervé. Il respira, se rendant sûrement compte de son erreur et reprit plus doucement « Je te promets que je ne me mettrais pas en colère »

Guenièvre était fatiguée et elle avait mal. Elle voulait rentrer chez elle, prendre une douche, dormir et se réveiller en ayant tout oublié. Alors pour accélérer le processus elle décida de tout avouer. Perdu pour perdu, autant accélérer le moment de sa sentence. Ça serait fait et elle pourrait passer à autre chose. Honteuse, elle tourna la tête côté vitre avant de dire « j’ai mal aux dents »

Deux interminables secondes passèrent avant qu’Arthur rigole.

« Tu as peur que je me mette en colère parce que tu as mal aux dents ? » demanda-t-il incrédule. « Mais des fois je me demande vraiment pour quel genre de personne tu me prends ? Pourquoi est-ce que je t’engueulerai parce que tu as mal aux d- » Il se stoppa net. Il avait sûrement compris. « Attends, tu as mal à quelles dents ? »

Elle tourna sa tête encore plus loin, même si ça ne changeait rien, dans les deux cas elle ne voyait pas son visage plein de colère et de déception, elle n’en doutait pas.

« Tu as mal aux dents de sagesse » Il inspira bruyamment « Parce que tu ne te les as pas fait retirer » Il inspira de nouveau bruyamment « Alors que tu m’as juré l’avoir fait y’a 4 ou 5 ans ? »

Elle s’énerva, le regardant enfin, même si elle avait conscience d’avoir tort « Oui bon ba j’ai peur du dentiste d’accord ! C’est pas ma faute ! » elle avait des larmes et de la morve partout sur la figure et était certainement plus ridicule que d’habitude. Elle s’en fichait. « Toi t’as peur de rien peut-être, monsieur parfait Oulala j’ai un café et plein de clients et puis je suis pas trop gros et puis je suis respecté de tous et puis j’ai plus mes dents de sagesse ». Elle était injuste mais elle s’excuserait plus tard. Elle voulait juste que ce moment s’arrête.

« Mais qu’est-ce que tu racontes » dit-il, sortant des mouchoirs de la boîte à gants avant de lui en tendre un qu’elle prit pour s’essuyer la figure. Son maquillage était définitivement fichu.

« J’ai mal » dit-elle en guise de réponse avant de lui tendre son mouchoir sale qu’il mit dans sa poche avant de lui en tendre un propre.

Ils restèrent un moment dans le silence de l’habitacle. Guenièvre essayait de se calquer sur les respirations d’Arthur et lui devait certainement trouver une manière d’appréhender la situation. Quand Guenièvre fut totalement calmée, il dit :

« Bon, voilà ce qu’on va faire »

Elle le regarda.

« Déjà tu vas me passer le volant parce que je te confie pas ma vie dans cet état. Ensuite on va prendre rendez-vous en urgence chez un dentiste et voir ce qu’il en pense. Et après, selon ce qu’il dit on avisera. »

« Mais » se préparait-elle à le contredire. Elle ne voulait pas aller chez le dentiste, peu importe à quel point c’était irrationnel.

« Guenièvre » la stoppa-t-il « On va y aller tous les deux. Je te tiendrai la main si tu veux. Mais si tu restes comme ça, toutes tes dents vont finir par tomber et adieu les pâtisseries »

« J’ai peur » chuchota-t-elle à son volant.

« Je sais. C’est normal. Mais tu me fais confiance nan ? »

Elle acquiesça en regardant son volant. Oui, elle lui faisait confiance. Toujours.

« Bien, alors on va y aller et je te promets, je te jure que ça va bien se passer »

Elle ne dit rien mais ne protesta pas. L’appréhension et le stress causé par sa futur rencontre avec un dentiste et ses outils de torture, mélangé à la zone de confort qu’était Arthur pour elle créait un mélange étrange en elle.

« Alors je vais me changer, tu passes du côté passager et on y va, Ok ? »

« Ok » dit-elle, pas ravie par la situation se demandant encore si son lit et sa couette n’était pas une meilleure alternative.

Il ouvrit sa portière, toujours assis, et avant de prendre une impulsion pour se lever il se pencha vers elle, l’air très sérieux :

« Si tu pars pendant que je vais me changer, je te jure que je fais un élevage de pigeons devant chez toi »

Guenièvre éclata de rire. Ça relança sa douleur. Ça relança son cœur.

En voyant Arthur s’éloigner vers le café et cacher son propre sourire en essayant de lui faire les gros yeux pour lui faire comprendre qu’il mettrait sa menace à exécution si elle partait sans lui, elle s’émerveilla une fois encore devant la chance qu’elle avait d’avoir le meilleur des amis.

Notes:

Oups la friendzone.
Ce chapitre n'a pas une once d'humour.
Je n'ai pas envie de me moquer de Guenièvre ma reine.
Je préfère souffrir avec elle \O/
Merci d'avoir lu ce nouveau chapitre de cette fic qui ne va nulle part !
Prenez soin de vous (et de vos dents) gentils gens !

Chapter 7: Peau d'âne et le pétrin d'amour

Summary:

Arthur a les yeux qui font la macarena

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Arthur était dans le pâté. Quoi que vu la situation, il aurait été plus à propos de dire qu’il était dans le pétrin. Sauf qu’il était dans le pâté. Raison pour laquelle il était aussi dans le pétrin. Littéralement.

Il avait vraiment passé une semaine compliquée. Entre les gros débiles de Merlin et Elias qui lui cassaient les couilles plus encore que d’habitude parce qu’ils ne savaient pas communiquer autrement qu’en se hurlant dessus et dérangeaient toute la clientèle et ce chieur de Léodagan qui le harcelait à chaque fois qu’il arrivait à le coincer dans un recoin du café pour avoir du nouveau matos, plus d’espace dans son bureau, que c’était essentiel à la sécurité qu’on mette des tapis antidérapants à l’usage des employés, notamment pour celui de la boulangerie ou il savait pas trop quelle autre connerie pour laquelle il dépenserait pas un centime, cette semaine avait été longue. Le fait qu’il se rappelle qu’en cet après-midi où il était dans le pâté (et dans le pétrin par conséquent), ce ne soit que jeudi, ça rajoutait encore plus de fatigue sur les épaules d’Arthur.

Ses insomnies qui refaisaient surface ces derniers temps n’avaient pas arrangé son état de fatigue. Il n’avait pas très bien compris ce qui avait donné à son cerveau l’envie de lui faire revivre des nuits d’angoisse, de frustration à attendre en vain l’heure du marchand de sable, et de vertiges à force de s’énerver à bouger dans tous les sens. Certes, le sommeil n’avait jamais été quelque chose qui lui venait facilement, même quand tout allait bien dans sa vie, mais généralement les périodes prolongées d’insomnies étaient reversées aux moments où il avait été en situation de stress intense. Ce qui n’était pas le cas cette semaine là du moins. La comptabilité était faite, les rentrées d’argent plutôt bonne notamment grâce à l’augmentation du nombre de clients réguliers face au succès des mois à thèmes dont Guenièvre avait eu l’idée. Le café et son infrastructure se portait bien.

Oui, alors Léodagan le saoulait. Lancelot le gonflait. Merlin méritait un coup de pied au cul. Perceval un bon coup de pelle sur le crane. Karadoc était sûrement un cas désespéré. Enfin bref, son équipe de choc était un casse-la-tête incessant, mais ça, c’était tout de même quelque chose d’assez normal. Pas normal dans le sens « ces gens sont normaux » non, ça non vraiment, ils l’étaient pas. Normal dans son monde à lui. Le monde qu’il s’était construit. Donc même si cette semaine là, certains énergumènes lui donnaient plus envie de se taper la tête contre les murs qu’à l’habitude, ça restait une routine assez banale au final.

Malgré cette étrange banalité de la situation, le fait est qu’il dormait mal. Vraiment mal. Et qu’il le payait à présent.

« Mais qu’est-ce que tu fous, t’es malade ?! » s’exclama Karadoc

« Mais tu te doutes bien que j’ai pas fait exprès ! » s’énerva Arthur, retirant sa main du pétrin dans lequel il s’était enfoncé par mégarde quelques instants auparavant, voulant s’appuyer nonchalamment sur le plan de travail pour discuter du prochain menu avec Karadoc.

« Mais t’es complètement zinzin ! T’as même pas les mains propres ! On va devoir le jeter c’est malin ! » Karadoc hurlait à présent.

« Oh mais tu vas te calmer ! » Arthur se débattait tant bien que mal avec la pâte qui lui collait aux doigts, sauf qu’il n’arrivait qu’à s’en étaler un peu plus sur l’autre main « Je te dis que j’ai pas fait exprès ! »

« Ma pâte ! Ma pauvre pâte ! » Karadoc regardait tristement sa préparation, l’empreinte d’Arthur bien visible au milieu de celle-ci.

« Ba c’est quoi ce boucan ? » demanda Perceval, qui venait de rentrer dans la cuisine les bras chargés de bouts de bois. Arthur n’avait pas la patience nécessaire à cet instant pour poser des questions.

« Rien » répondit Arthur qui tenait maintenant ses deux mains en l’air, les paumes tournées vers lui, ayant abandonné l’idée de se débarrasser de ce truc autrement qu’en les plongeant dans un évier.

« Il a détruit ma pâte ! »

« Non mais c’est bon maintenant, tu vas pas pleurer non plus ! »

« Oh mais pourquoi vous avez mis votre main dans la pâte ? » demanda Perceval, la moitié de ses branches tombant par terre quand il se pencha au dessus de Karadoc pour observer le cadavre du pétrin.

Arthur ouvrit la bouche pour commencer à répondre – et tenter une fois de plus de convaincre Perceval d’arrêter de le vouvoyer – avant de se rappeler que ça ne servait à rien de raisonner avec des cons. Il sortit alors de la cuisine, Perceval le regardant comme le poisson mort qu’il était et Karadoc le regard toujours rivé sur sa pâte à pain gâchée. Il poussa le bas de la porte battante avec son pied pour trouver un évier dans un autre endroit que l’enfer de neurones qu’était la cuisine. Il se rendit alors aux toilettes des employés - qui n’étaient une fois de plus pas fermés à clé - les mains toujours en l’air, ignorant Lancelot derrière lequel il passait, qui l’ignorait tout autant.

Après avoir frotté et foutu de l’eau un peu partout dans son énervement et sa fatigue, il prit un instant pour se regarder dans le miroir. Il avait vraiment une tête de déterré. Vraiment il aimerait dormir. Le plus énervant était qu’il ne pensait pas à grand-chose. Les pensées ne se battaient pas dans son esprit tandis qu’il fermait les yeux le soir, tentant vainement de sombrer dans les bras de Morphée. Il pensait juste au fait qu’il n’arrivait pas à dormir. Il refusait de recourir aux cachets, mais si ça continuait il allait vraiment finir par devoir prendre rendez-vous avec un médecin. Il aimait pas ça mais c’était mieux que rien. Et puis c’était pas lui qui faisait la leçon à Guenièvre sur la nécessité de prendre soin de soit qui allait se défiler devant un rendez-vous médical juste parce que ça l’emmerdait d’étaler sa vie devant un inconnu qui le regarderait avec un air condescendant.

« Oh pardon ! » s’excusa Bohort qui refermait la porte des toilettes qu’il avait ouverte un peu trop brusquement.

Arthur retint la porte « Nan nan, t’inquiètes pas j’ai fini de toute façon »

« Ah. C’est gentil » sourit Bohort qui entra alors dans le lieu un peu étroit. Arthur s’apprêtait à le bousculer gentiment pour accéder à la sortie quand Bohort l’interpella.

« Tu vas bien ? » demanda-t-il inquiet.

« Ba comme d’hab pourquoi ? Tu vas pas bien toi ? »

« Si si ! Non mais, en fait, t’as un peu l’air plus, enfin t’as l’air moins, euh comment dire »

« Ba je sais pas »

« Non mais t’as pas l’air en grande forme quoi. Enfin t’as jamais l’air en forme mais là c’est pas comme d’habitude »

« Nan ba je dors mal quoi mais t’inquiètes » répondit Arthur en s’apprêtant à sortir une fois de plus parce qu’il avait pas vraiment envie de parler de ça. A choisir, il préférait en parler avec un inconnu au final. Surtout que c’était pas super passionnant et que les conversations pour passer le temps, c’était pas son truc. Sauf que Bohort avait l’air embarrassé par cette réponse, surtout quand il ajouta « Ah. Je vois. Je suis désolé. », la tête baissée.

« T’es désolé de quoi ? T’es pas responsable de mes cycles de sommeil » Arthur aurait lâché un petit rire s’il avait eu l’énergie de le faire.

« Non c’est pas ça, c’est juste que je suis maladroit, j’avais pas fait le lien avec la rupture, je suis désolé »

Arthur savait pas trop si c’était son propre cerveau qui fonctionnait au ralenti mais il comprenait Bohort encore moins que d’habitude alors que franchement, c’était pas l’employé le plus sot du lot. Alors il le lui dit « Je comprends pas »

« Je suis désolé, je sais que t’as rompu avec Guenièvre la semaine dernière et moi je mets les pieds dans le plat, vraiment je suis un empoté »

Non, c’était vraiment son cerveau qui avait un souci. Devait y’avoir un problème entre la réception sonore et la compréhension du sens des mots, une grève administrative au niveau du système nerveux ou un truc du style. Il imaginait des petits ronds blancs avec des visages humanoïdes et des panneaux « pas content » dans sa boîte crânienne . Ça le fit souffler du nez.

« Je voulais te dire d’ailleurs que tu peux m’en parler ! Je suis là ! Si tu veux une épaule sur laquelle pleurer, prends la mienne. Je savais pas trop comment aborder le sujet mais bon maintenant que c’est fait, autant je me lance ! »

Ou alors il était en train de faire un AVC. Ou peut-être qu’il s’était enfin évanoui de sommeil et qu’il était en train de rêver. Un peu naze le rêve quand même. Il inspira et expira, fermant les yeux pour tenter de se situer dans l’univers. Nan, ça puait trop le savon à la lavande pour que ça soit onirique.

« Mais je tiens tout de même à te dire que je ne choisis pas de camp. Ça me met mal à l’aise vis à vis de Monsieur Léo en fait. Je ne veux pas qu’il me déteste en pensant que je te soutiens toi mais pas sa fille »

Arthur inspira une fois de plus avant de rouvrir les yeux.

« De quoi tu parles putain ? »

« Oh… je vois … tu préfères qu’on fasse comme si de rien n’était ? Je m’en doutais, je voulais juste- »

« Non mais. Sérieusement. De quoi tu parles ? » il commençait à s’énerver et il sentait sa mâchoire qui commençait à travailler. Il rêvait définitivement pas.

« Ba, monsieur Léo m’a dit l’autre jour que vous aviez rompu avec Guenièvre »

« De quoi ?! »

« Vous n’avez pas rompu ? »

« Mais pas du tout. Fin je veux dire, on a jamais été en couple. Oh et puis zut, pourquoi ça vous regarde ma vie privée déjà ? »

Bohort le regarda sans répondre, l’air un peu choqué.

« Vous n’avez jamais été en couple tous les deux avec Guenièvre ? »

« Mais pas du tout » répondit-il, le visage déformé par l’incrédulité que Bohort ait pu croire que ce fut un jour le cas. C’était pas tant que l’idée le répugnait, c’est surtout qu’il n’y avait jamais pensé. Il savait pas trop s’il avait envie d’y penser. Il arrivait pas trop à penser pour l’instant de toute façon.

« Ah »

« Ah quoi ? » il sentait sa tension se remettre à grimper comme si souvent quand il avait une conversation au boulot.

« Je suis désolé mais ça portait un peu à confusion »

« Mais non »

« Non mais je t’assure qu’on pensait tous que vous étiez ensemble. C’est pour ça quand Monsieur Léo m’a dit que sa fille avait un nouveau copain j’ai hésité à venir te voir mais comme je sais que t’aimes pas trop parler de tes problèmes personnels ba voilà »

Ah oui. C’était vrai. Le copain. C’était vrai que ça faisait bientôt une semaine qu’il n’avait pas vu Guenièvre. Qu’elle n’était pas venu au café. Il n’avait pas reçu de sms depuis plusieurs jours et s’était même demandé s’il fallait pas qu’il fasse une descente chez elle. Avant qu’il ne se rende sur place, elle avait posté une story sur insta où elle s’était pris les pieds en talons – type de chaussures qu’il savait qu’elle aimait beaucoup mais ne mettait jamais parce que ça lui était beaucoup trop inconfortable - en photo avec un texte en rose et blanc sur le côté qui disait « En route vers mon prince charmant » le tout entouré de plein de fleurs. Arthur s’était alors souvenu qu’elle lui avait mentionné pendant un de leur trajet de retour du café qu’un client lui avait proposé un rencard après qu’ils aient fait connaissance par mail suite à sa commande.

Il lui avait alors envoyé un « bon courage » suite à sa story. Non, c’était faux. Il s’était d’abord posé beaucoup de questions. Notamment sur le fait que Guenièvre qui mettait parfois 15 minutes à lui détailler chaque élément du petit déjeuner qu’elle avait eu le matin même leur rencontre quotidienne au café, ne l’avait pas plus harcelé par message quant à cet événement. Habituellement quand elle sortait rencontrer des clients, elle lui envoyait cinq à six tenues différentes pour qu’il l’aide à choisir. Même chose quand elle devait voir sa mère dans la journée. Bon elle finissait toujours par choisir une tenue qui n’avait rien à voir avec ce qu’il lui avait répondu, ni avec ses premiers choix personnelles à elle d’ailleurs, mais elle lui demandait toujours son avis. Le fait qu’elle n’ait même pas pensé à lui demander des conseils pour une chose aussi importante qu’un premier rendez-vous amoureux l’avait vraiment étonné. Un peu comme si elle n’avait pas eu besoin de lui. Peut-être qu’elle n’en aurait plus jamais besoin.

« Mais du coup c’est pas pour ça que tu dors moins bien ? » dit Bohort qui le sortit de ses pensées.

« Mais non » en tout cas il ne pensait pas qu’il y ait de lien.

« Ah bon »

La porte s’ouvrit avant qu’Arthur puisse recommencer à analyser le rapport - peu probable – entre la nouvelle relation de Guenièvre sur laquelle il n’avait pas trop cherché à se renseigner et ses insomnies passées.

« Qu’est-ce que vous foutez ? » demanda Léodagan en ouvrant la porte violemment, manquant de la foutre dans la tronche de Bohort, les reluquant ensuite tous deux de haut en bas.

« C’est pas ce que vous croyez » répondit trop rapidement Bohort, l’air d’un lapin face aux phares d’un camion 35 tonnes en pleine nuit.

« Qu’est-ce que je crois ? » demanda Léodagan, un peu énervé. Lui aussi devait pas bien dormir. Après lui ça devait faire 35 ans qu’il devait pas bien dormir vu sa gueule. Il devait maîtriser.

« Qu’est-ce qu’il croit ? » demanda Arthur qui savait pas trop ce que sous entendait Bohort non plus, mais avait l’impression qu’il apprécierait pas de toute façon.

« Rien ! » répondit Bohort, la voix plus aïgue que d’habitude avant de bousculer Léodagan pour sortir des toilettes au pas de course.

« C’est quoi son problème ? » demanda Léodagan qui pointait du pouce la direction vers laquelle s’était rendue Bohort.

« Mais qu’est-ce que j’en sais » Arthur haussa les épaules.

Léodagan secoua la tête, ne comprenant sûrement pas non plus ce qui venait de se passer. Puis il pointa Arthur du doigt.

« Bon je peux aller chier ou t’as pas encore fait ta commission ? »

En guise de réponse, Arthur le frôla le moins qu’il pût en sortant des toilettes. N’ayant pas vraiment la tête à affronter des clients ou d’autres employés sans cervelle pour le moment, il sortit par la porte de derrière, celle par laquelle ils recevaient les livraisons et s’assit à côté de la grosse poubelle. Ça puait la mort. C’était bien, ça l’ancrait dans la réalité. Il tenta de se vider l’esprit mais ce que lui avait dit Bohort lui trottait dans la tête.

Alors au lieu de penser, il ouvrit instagram et se rendit sur sa conversation privée avec Guenièvre. Le dernier message ayant été le « bon courage » qu’il avait envoyé sûrement bien après la fin du rendez-vous. Il n'avait pas reçu d'autre message que le "vu" de Guenièvre. Elle avait sûrement posté beaucoup de story depuis, mais il n’allait jamais sur l’application que pour échanger des photos avec cette dernière, et vu que ça n'avait pas été le cas ces derniers jours, il n’en savait rien. Il alla voir son profil et vit une publication qu’il ne connaissait pas. C’était une photo d’un petit déjeuner, apparemment pour deux vu le nombre de couverts et de verres, et au premier plan on pouvait voir un croissant tenu par les ongles peints de blanc et de fleurs tamponnées de Guenièvre. En description de la photo, Guenièvre avait écrit « Pas aussi bon que chez @lespetitspainspommés 😋 »

Étrangement, cette phrase arracha un petit sourire à Arthur. Il n’avait pas l’énergie nécessaire pour se poser d’autres questions ou pour analyser plus en détail la main de l’autre personne qu’on apercevait sur la photo en arrière plan. Lui tout ce qu’il voyait c’était que Guenièvre avait pensé au café lorsqu’elle avait mangé un croissant. C’était ridicule mais ça ne lui donnait qu’une envie, rentrer chez lui et aller faire une bonne sieste pour laquelle il se sentait prêt. C’est ce qu’il décida de faire, respirant une dernière fois la mauvaise odeur de l’allée de derrière, défaisant son tablier tout en se relevant. Il partait à l'assaut du royaume des songes, le croissant de Guenièvre à l'esprit. 

Notes:

Alors déjà : pétrin c'est illégal que ça s'écrive pas "pétrain". Vraiment quelle ignominie que la langue française.

Ensuite ce chapitre vous a été offert par les siestes involontaires de l'autrice qui dort très mal la nuit et se réveille comme si son corps était composé de compote grumeleuse et qui se dit que c'est une bonne idée d'en faire un chapitre. (Quelqu'un pour être ma Guenièvre ?)

Enfin, j'ai eu la chanson de la recette du cake à l'amour en tête pendant depuis que j'ai commencé à écrire ce chapitre et autant une fois c'est bien, autant comme à la volette, ça devient vite insupportable. Comme je vois pas pourquoi je devrais être la seule à souffrir, c'est cadeau https://www.youtube.com/watch?v=HGFLyfJlxp4

Merci d'avoir lu ce chapitre et prenez soin de vous gentils gens !

Chapter 8: Le dragon du nord

Summary:

Bohort était mal à l'aise

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Bohort était mal à l’aise. C’était assez étonnant vu l’endroit, mais c’était un problème assez récurent ces derniers temps. Non pas qu’il ait jamais été imperméable à la gêne, non il aurait bien voulu mais malheureusement le fait d’être mal à l’aise lui avait toujours été un peu naturel. Mais au café, ou plutôt à la boulangerie, il avait plus ou moins trouvé son refuge à ces sentiments dérangeants.

Il avait une activité professionnelle qui lui plaisait où il pouvait parler avec des clients qui étaient tout aussi heureux que lui de se trouver dans cet endroit merveilleux qui sentait continuellement bon. Il avait des relations amicales avec ses collègues qu’il appréciait beaucoup et il était sincèrement ravi de se rendre sur son lieu de travail tous les jours.

Tous les matins, après avoir profité de son trajet à pied dans la ville silencieuse, il traversait la boulangerie pour se rendre aux cuisines et saluer les joyeux Perceval et Karadoc, puis passait alors le balais - la serpillière ayant été passée la veille par Merlin ou Elias - en chantonnant dans la boulangerie et dans le petit couloir séparant le café de cette dernière. Il remettait alors le petit panneau qui s’y trouvait prévenant les futurs clients de la boulangerie que l’accès à la salle du café ne se faisait qu’à partir de 9h. Il était ensuite temps pour lui d’enfiler son tablier qu’il trouvait fort joli et de remplir les différentes étales des plateaux préparés aux cuisines et qui l’attendaient patiemment. Il avait alors tout le loisir d’admirer les belles créations pâtissières qu’il mettait en avant dans sa petite boutique. Quand l’horloge, en forme de cercle formé de deux croissants qui trônait au mur derrière le comptoir, l’informait qu’il était sept heure moins cinq, il allait retourner l’écriteau sur la porte de la boulangerie qui indiquait alors « Ouvert » à tous les passants qui pouvaient alors se fournir en pain, viennoiserie, pâtisserie et le bonheur qui allait avec. Il se plaçait ensuite derrière le comptoir et clipsait son badge indiquant son nom sur le haut de son tablier et souriait sincèrement à l’attention des clients dont l’arrivée était annoncée par la petite cloche au dessus de la porte d’entrée. S’écoulait ensuite ses paisibles journées de travail où il avait tout le loisir de parler en détail de chaque gourmandise proposée par les petits pains pommés, de conseiller à sa guise les clients en quête de nouveauté gustative et d’entretenir son petit coin de boutique.

Grâce à Arthur, à qui il serait éternellement reconnaissant, il avait réussi à trouver un lieu où il n’avait pas peur d’exister. Un endroit où il était lui même, où il était à l’aise. Enfin, habituellement.

C’était beaucoup moins le cas ces derniers temps. Il avait malheureusement été très malade pendant un temps avec le retour des fleurs et des allergies qui les accompagnaient. Il aimait tellement les fleurs, c’était vraiment dommage qu’elles ne l’aimaient pas en retour. Un amour à sens unique, même pour des fleurs, ça lui fendait le cœur. Arthur avait alors engagé ce monsieur Léo qui l’avait remplacé et qui était maintenant en charge de la sécurité du magasin, boulot qu’il semblait prendre très à cœur. Bohort avait dû forcer un premier contact entre eux, associant beaucoup des comportements de cet homme à ceux d’Arthur, même si à sa grande surprise ils n’avaient pas de lien de parenté. Il avait compris qu’il s’agissait d’un homme assez grognon mais qui n’était pas aussi méchant que ce qu’il pouvait laisser paraître. Un peu comme les gros chiens des voisins qui faisaient peur à Bohort quand il était petit jusqu’à ce que la voisine un peu plus âgée les lui fasse caresser. Il n’avait pas caressé monsieur Léo – même si ses cheveux lui donnaient vraiment envie d’essayer - mais il avait réussi à trouver un petit pont de communication qui arrivait parfois à les faire converser cordialement. Il le trouvait sympathique et un peu amusant. Il avait rarement l’air serein, son visage était toujours plus ou moins dans une contraction de muscles qui laissait penser qu’il était face à un problème épineux. Mais comme c’était aussi souvent le cas d’Arthur et qu’il connaissait bien mieux celui-ci, il ne lui avait pas été très dur de s’adapter au manque de sourire et d’expression de joie de monsieur Léo.

Malgré tout, il arrivait à Bohort d’être mal à l’aise à certains moments de la journée en sa présence. Même si monsieur Léo avait eu le droit à un bureau peu après le retour de Bohort à la boulangerie, il passait une partie de ses journées assis sur une chaise, parfois placée dans le couloir qui séparait le lieu du café, parfois derrière le comptoir quand Bohort s’absentait pour aller au petit coin, parfois à côté de la porte d’entrée. De ce qu’avait vu Bohort, il faisait un peu peur aux clients mais il n’osait pas le lui dire. Il doutait aussi de la nécessité de leur proposer de caresser monsieur Léo pour se rendre compte qu’il ne mordait pas, car il n’était pas sûr que ce dernier ne le ferait pas. Mais il ne faisait pas que peur au client. Ce n’était pas vraiment que lui même en avait rééllement peur, c’était plus que justement, il le mettait un peu mal à l’aise. Monsieur Léo avait une tendance à le suivre du regard quand il réfléchissait. Au début, Bohort pensait sincèrement qu’il le jugeait et se demandait ce qu’il avait pu bien faire de mal pour mériter ces regards insistants. Maintenant qu’il avait compris que son corps servait juste d’outil à monsieur Léo pour qu’il pose ses yeux sur quelque chose pour accéder à sa matière grise, il préférait. Mais qu’il sente que ses moindres faits et gestes soient épiés par monsieur Léo ne l’aidait pas franchement à se sentir confortable dans sa boulangerie.

Dans ces moments où il avait un peu trop conscience de ces yeux posés sur lui, il engageait alors la conversation quand il n’y avait pas de clients potentiels dans les parages. Il faisait l’essentiel du travail mais quand monsieur Léo lui répondait, même par onomatopées, ça le détendait un peu. Ils parlaient surtout du café, des clients, de la pluie et du beau temps. Bohort aimait bien la pluie. Il préférait le beau temps cela dit. Et d’après ce qu’en avait dit monsieur Léo, c’était aussi son cas. Mais là où monsieur Léo était le plus loquace, c’était quand ils parlaient de Guenièvre et de Yvain. Il voyait bien que d’après la manière dont il abordait le sujet, malgré ses phrases un peu sévères, il les aimait de toute son âme et qu’il était quelque part un peu fier d’eux deux. Il lui arrivait en finissant son service de prendre certaines des viennoiseries, qui devaient normalement partir en destruction d’après le protocole sanitaire, pour Yvain qui ne se rendait plus aussi souvent qu’avant à la boulangerie depuis que son père y travaillait. Ce dernier se plaignait beaucoup que malgré les sachets en papier dans lesquels Bohort lui mettait toujours ces restes, il retrouvait souvent des miettes dans sa voiture et que Yvain le gonflait, mais il continuait tout de même de ramener les invendus chez lui pour que son fils en profite. Bohort trouvait ça mignon. C’était étrange d’associer monsieur Léo à ce qualificatif, mais c’était ce qu’il ressentait. Il avait encore plus envie de lui toucher les cheveux dans ces moments là. Ce n’était pas une pensée sur laquelle il voulait se concentrer trop longtemps. Il ne faisait pas trop confiance à son corps pour ne pas agir de lui même s’il se trouvait un peu trop proche de l’autre homme.

Enfin bref, depuis l’arrivée de monsieur Léo dans la boutique, il était un peu mal-à-l’aise, mais pourtant ce n’était pas si dérangeant. C’était une sorte de malaise qui faisait circuler son sang correctement, celui qui lui permettait de connaître un peu de nouveauté dans sa vie, de le sortir de sa routine qu’il affectionnait tant mais qui lui promettait une nouvelle belle amitié en échange. En tout cas, il l’espérait. La gêne qu’il ressentait à présent n’avait rien à voir.

L’horrible scène à laquelle il assistait depuis maintenant quinze longues minutes avait commencé quand monsieur Léo et son ex-femme étaient rentrés de leur déjeuner apparemment commun. Ils étaient alors passés par la porte d’entrée de la boulangerie et le ton était monté très vite dans la boutique. Madame Séli avait commencé par faillir de trébucher sur le nouveau tapis anti-dérapant que Merlin et Elias avaient été en train d’installer. Ces deux derniers avaient l’habitude de se chamailler gentiment en effectuant leurs tâches, Bohort les trouvait adorables bien qu’ils soient plus âgés que lui et il espérait qu’il trouverait un jour quelqu’un avec qui partager une camaraderie aussi amusante. Madame Séli, après les avoir un peu malmenés verbalement – il lui semblait avoir entendu un « gros bouseux » - avait repris une tirade qu’elle avait commencée avant d’entrer dans la boutique. Apparemment monsieur Léo ne répondait pas souvent aux messages que madame Séli lui envoyait et prétendait que c’était souvent parce que son téléphone était défectueux. Plus précisément il avait dit « C’est d’la merde ces engins ». Madame Séli avait usé de mots peu sympathiques pour exprimer à quel point son ancien mari était ignare en terme de nouvelles technologies. S’en était suivi de longues joutes verbales entre les deux qui avaient fait grimper le niveau de malaise que ressentait Bohort. Il s’était plusieurs fois demandé s’il lui fallait sortir de la boulangerie pour les laisser terminer de discuter un peu bruyamment. Il ne l’avait pas fait, ne sachant pas comment bouger ne serait-ce que d’un seul centimètre sans attirer toute l’attention sur lui. Il ne voulait pas non plus laisser de malheureux clients qui seraient entrés dans cette ambiance pesante seuls face à la situation qui s’imposerait alors à eux.

Autant monsieur Léo ne lui faisait pas trop peur – encore une fois l’expérience de connaître Arthur qui était une sorte de double en plus jeune et les cheveux amusants de monsieur Léo aidaient – mais madame Séli c’était une autre histoire. Elle n’était pas très grande mais il en avait tellement entendu parler par Guenièvre et parfois par Arthur qu’il avait rapidement appris à la craindre. Il ne l’avait vu que deux fois auparavant. Quand elle venait aux petits pains pommés c’était souvent pour accompagner sa fille et elles restaient plutôt dans la partie café du lieu. Les deux rencontres qu’il avait vécues n’étaient pas dans son carnet des meilleurs souvenirs de son existence. La première fois, elle avait visité le lieu avec Guenièvre qui découvrait elle aussi la boutique ouverte pour la première fois. Elle avait alors critiqué l’état du magasin qu’elle jugeait un peu « pouilleux ». La deuxième fois elle était venue seule commander un gâteau d’anniversaire pour sa fille qui avait « vraiment mauvais goût » et s’était plainte qu’à son grand malheur, elle ne pouvait plus y faire grand-chose. Elle avait aussi cette manière de dévisager Bohort de haut en bas à chaque fois qu’elle le voyait qui le mettait dans l’embarras. De par son vécu et des récits qu’on le lui en avait fait, Bohort avait conclu qu’il ne fallait mieux pas se frotter à cette dame. Même Elias et Merlin, eux non plus ne faisaient plus de bruitsûrement conscient de la menace qui planait sur la boulangerie en cet instant.

« Je ne comprends pas comment c’est possible d’être aussi tête de mule » s’énervait-elle à présent.

Monsieur Léo s’occupait les mains à ranger un des plateaux tout juste sortis de cuisine dont Bohort avait prévu de s’occuper avant que le non-couple rentre dans sa boutique quelques instants plus tôt. C’était une tâche qu’il ne l’avait jamais vu faire et qui n’était pas vraiment dans ses attributions. Bohort appréciait le geste mais il se doutait que monsieur Léo n’aidait pas par plaisir. S’il ne trompait aucunement Bohort avec sa tentative d’ignorer son ex-femme, il ne devait pas non plus tromper cette dernière si elle se montrait attentive. Il était en train de ranger des satunardes aux pralines sous l’intitulé « Roses des vents » qui correspondait en réalité à des roses des sables revisitées pour correspondre au thème astral qui prendrait bientôt fin. Bohort allait devoir tout changer de place une fois que madame Séli s’en irait mais il n’osa rien dire.


« Tu vas m’écouter oui ou merde ? »

« Merde » répondit-il, se concentrant à placer toutes les petites saturnades de manière à ce qu’elles soient toutes espacées d’un même écart. Peut-être que Bohort ne changerait que les étiquettes au lieu de détruire tout le travail minutieux de monsieur Léo. Quoi que ça allait être embêtant étant donné que les étagères normalement attribuées aux saturnades n’étaient pas réfrigérées. Les futures roses des vents risquaient de fondre.

Madame Séli claqua ses bras sur ses propres jambes et haussa encore d’un ton, ce qu’il ne pensait pas possible à vrai dire.

« Mais tu vas pas te retrouver à 55 piges tout seul et malheureux ! On dirait un cliché ! Il te manque que la boisson et c’est bon t’as le quinté gagnant du père divorcé. T’as déjà la bedaine ça changera pas grand-chose tu me diras »

Bohort avait remarqué le début de ventre de monsieur Léo. Il trouvait ça fascinant. Pas autant que ses cheveux cela-dit.

« Mais lâche moi la grappe cinq minutes, c’est incroyable de foutre son nez dans les affaires des autres comme ça »

« Non mais dis donc- »

« Euh alors c’est pas pour faire ma fine bouche » commença un Karadoc inconscient du danger auquel il s’exposait, sortant de la cuisine tout de farine vétu « mais y’en a qui bossent ici et qui ont besoin de concentration alors je vous prierait de bien vouloir fermer vos clapets » et il s’en retourna aux cuisines sans attendre de réponse des deux concernés estomaqués par la prise de parole inattendue. Il espérait sincèrement qu’aucun des deux ex-mariés n’avait entendu le « et pan dans les dents » que Bohort avait entendu Perceval prononcer lorsque la porte des cuisines s’était ouverte pour laisser rentrer Karadoc.

Il sembla à Bohort que Merlin chuchota un « comment j’aurais pas osé » à un Elias à quatre pattes tout comme lui, pas du tout concentré sur le tapis qu’ils devaient fixer au sol.

Bohort prit son courage à deux mains, ne voulant pas que la situation dégénère encore plus et que l’un des deux sans-voix se mette à la retrouver sur l’un de ses collègues innocents. Il sortit alors de derrière son comptoir, les paumes des mains exposée devant son torse, ce qu’il espérait, aurait un effet calmant.

« Ce que Karadoc voulait sûrement dire » commença-t-il en s’approchant du couple divorcé « c’est que peut-être vous pourriez aller discuter de tout ça dans le bureau privé de monsieur Léo »

Madame Séli le dévisagea de haut en bas, comme à son habitude, comme si elle se rendait compte de son existence pour la première fois puis inclinant légèrement la tête. L’intensité de la colère qu’il pouvait lire dans ses yeux fit regretter à Bohort d’avoir tenté une approche.

« Non mais de quoi je me mêle le gringalet ? On t’a jamais appris à t’occuper de ton cul tout fin au lieu d’emmerder le monde ? C’est pas un coton tige usagé qui va m’apprendre à vivre non mais je rêve »

Bohort avait encore du mal à assimiler toute la rudesse qu’il venait de se prendre à la volée quand monsieur Léo intervint.

« Séli, tu vas te casser, mais vraiment parce que là, c’est mes couilles que tu brises. En plus tu fais fuir la clientèle »

Madame Séli le regarda avec un air d’incompréhension.

« La clientèle ? Mais qu’est-ce que t’en as à foutre de la clientèle ? »

« Mais barre toi, c’est pas vrai ça »

Il donna le plateau vide des pâtisseries qu’il venait de mal ranger à Bohort qui l’attrapa, un exploit qu’il n’expliquait pas étant donné qu’il n’avait plus trop de fonction motrices à l’instant là.

« Tu vas y aller ou pas ? » continua madame Séli qui ignorait totalement ce que lui disait monsieur Léo

« Merde »

« Je te jure qu’elle est sympa. Et vous vous entendriez bien ! Elle est vraiment bête et n’a pas trop de goût, franchement si tu fais le moindre effort y’a aucun doute qu’elle te tomberait dans les bras sans problème »

« ça ne m’intéresse pas » répondit monsieur Léo qui appuya délibérément sur chacun des mots de sa phrase.

« Pas besoin d’une autre godiche dans les pattes c’est bon, j’ai assez donné. J’ai d’autres trucs à faire dans ma vie que gérer des gonzesses qui me gueulent dessus » Il croisa le regarde de Bohort, qui lui ne regardait pas vraiment quelque chose, avant de tourner sa tête dans la direction opposée.

Madame Séli inspira encore plus bruyamment qu’Arthur en était capable. Il craint un instant que l’air qu’elle rejetterait serait trop puissant pour que qui que ce soit se trouvant dans le périmètre de la boulangerie y survive. Elle regarda au plafond, ferma les yeux avant d’expirer par la bouche. Il était encore vivant. A peine vivant.

« Un gros flan. Voilà ce que t’es »

Bohort, dont les entrailles s’étaient dissoutes, se demandait pourquoi sa boulangerie vendait rarement des flans. Il aimait bien pourtant.

Madame Séli remit son sac à main un plus sur son épaule de manière qu’il qualifierait de théâtrale, avant de marteler chacun de ses pas entalonnés jusqu’à la porte d’entrée. Elle se retourna, la poignée de la porte dans une main, le sac maintenu sur l’épaule de l’autre.

« Compte pas sur moi pour abandonner gros débile »

Puis elle partit en claquant presque la porte, ce qui était plus ou moins impossible étant donné la manière dont celle-ci était construite justement pour empêcher qu’elle se ferme de manière trop abrupte.

« C’est pas trop tôt » grommela monsieur Léo qui s’en alla en direction du café, ou peut-être bien de son bureau.

La tempête était passée, réalisa Bohort un peu tard quand un client qu’il n’avait pas vu rentrer le bouscula gentiment pour accéder au présentoir derrière lui. Il se demanda où était donc le beau temps prévu dans ce genre de circonstance mais n’eu pas le loisir d’y réfléchir trop car monsieur Léo qui revenait dans la boulangerie lui lança une bouteille d’eau pétillante qu’il rattrapa avant qu’elle s’écrase sur sa figure.

« J’me suis gouré. Tiens t’as qu’à la boire. J’aime pas l’eau pétillante »

Bohort retrouva l’usage de ses zygomatiques. Il contempla l’idée de rembourser monsieur Léo, mais c’était à présent ce dernier qui semblait gêné dans cette boulangerie. De toute l’après-midi il ne croisa pas une seule fois Bohort dans son champ de vision. Un peu comme les gros chiens qui ont fait une bêtise et qui ne regardent pas leur maître. Bohort trouvait ça vraiment mignon.

Il était heureux dans sa boulangerie. Il était même un peu plus heureux qu’hier encore.

Notes:

Old Xian a update aujourd’hui. Comme chaque semaine en fait. Mais je sais pas pourquoi, cette fois-ci ça m’a détruite un peu plus que d’habitude lol. Ne lisez pas 19days, c’est mauvais pour la santé.
Du coup j’update moi aussi. C’est pas comme si j’avais fini d’écrire ce chapitre y’a deux semaines mais qu’il m’énerve tellement que je savais plus quoi faire de lui. Et que quitte à l’avoir écrit, autant qu’il meurt pas comme mon âme devant le chapitre mille milliard de 19days. Donc je le poste voilà.
J’espère que vos yeux ont été bénis par des pépites plus heureuses en cette fantastique journée des cœurs brisés.
Merci aux courageux’ses d’avoir lu !
Prenez soin de vous !

Chapter 9: La Saint Jean - Partie 1 : Au bûcher

Summary:

Les gâteaux ça crame des fois

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Guenièvre se retenait de paniquer. Il fallait qu’elle se concentre sur la tâche à accomplir. Elle pouvait le faire. Elle n’était pas plus bête qu’une autre ni moins dégourdie. Peu importait ce qu’en disait sa mère. Arthur le lui avait assuré plus d’une fois. Elle n’allait pas se laisser déborder par ses émotions et par l’échec en présence. Un dessert raté et une cuisine inutilisable pour les deux prochaines heures n’allaient pas gâcher sa soirée en perspective.

Sa sonnerie retentit et son corps redémarra, lui qui était figé, les yeux rivés sur le plan de travail où gisait ce qui aurait dû s’apparenter à un gâteau mais qui ressemblait plus à un mélange de pierre volcaniques, certaines encore en fusion. Enfin, de ce qu’elle pouvait en voir. Elle se dirigea vers la porte d’entrée et déverrouilla cette dernière en cherchant la serrure à tâtons. Quand elle l’ouvrit enfin, une forme qui lui paraissait être Arthur lui apparut. Il était sans doute là pour répondre à son appel à l’aide « 007 urgence stp !!!!!! » qu’elle lui avait envoyé via message une dizaine de minutes plus tôt. Elle avait alors déjà longuement observé sa création qui paraissait plutôt avoir été façonnée dans le septième cercle infernal et s’était résolue à demander un coup de main même si ça signifiait prévenir Arthur de son incompétence.

La forme toussa en se reculant et elle reconnu le bruit de gorge de son meilleur ami.

« Mais c’est quoi ce bordel » s’exclama-t-il en toussant de plus belle.

Guenièvre, elle, avait apparemment eu le temps de se construire une résistance à la fumée dans laquelle baignait son appartement, en tout cas pour ce qui était des crises de toux qui s’étaient arrêtées depuis une dizaine de minutes maintenant. Elle pleurait toujours cependant, c’était très désagréable comme sensation, presque plus que de pleurer parce qu’elle en ressentait le besoin.

« Entre vite » lui dit-elle, tendant la main vers l’extérieur en espérant qu’Arthur la prendrait pour qu’elle le guide dans son chez-soi et qu’elle puisse en refermer la porte rapidement.

Il ne le fit pas mais rentra tout de même et Guenièvre se dépêcha de fermer derrière elle.

« Putain mais faut appeler les pompiers là, pas moi ! » dit-il en se dirigeant vers la cuisine.

« Non non, tout va bien » le rassura-t-elle

« Mais comment ça tout va bien ?! T’as pas l’impression que y’a de la fumée partout ? » Il se remit à tousser, comme pour prouver le fait qu’il venait d’énoncer.

« Non mais ça va partir, t’inquiètes pas, c’est pas pour ça que j’ai besoin de toi » lui répondit-elle, vaguement frustrée qu’il commence comme à son habitude par s’énerver sur le contexte qui les entourait avant de l’écouter elle.

Elle avait du mal à le distinguer correctement à travers la fumée qui restait et c’était peut-être une bonne chose parce qu’elle était presque sure qu’elle aurait pu le voir lui faire les gros yeux. Elle aimait bien ses yeux, ils étaient tellement expressifs. Ils étaient la vie et les sentiments qu’Arthur avait du mal à exprimer de vive voix. Elle les aimait quand même moins quand ils avaient l’air de lui signifier qu’elle était empotée, une simple enfant à punir.

« Bon, on va commencer par ouvrir les fenêtre » lâcha t’il après avoir pris plusieurs grandes respirations, ce qui n’avait pas eu pour autre effet que de raviver sa toux.

« Oh ba non ! »

« Comment ça non ? »

« Les voisins vont appeler les pompiers s’ils voient de la fumée ! » elle n’avait vraiment pas envie de causer des désagréments aux pompiers, ni même à ses voisins qui pourraient prendre peur pour leurs biens. Même monsieur Luthien ne méritait pas ça. Ce vieux bouc qui venait constamment lui rappeler le règlement de l’immeuble. C’était à cause de lui qu’elle avait appris que les tapis extérieurs étaient interdits et qu’elle n’avait donc pas pu mettre le très joli paillasson nénuphar que Lancelot lui avait offert à son emménagement devant sa porte. « Imaginez si on trébuche dessus ! » avait râlé monsieur Luthien pendant une bonne demie heure pendant que Guenièvre confuse et frustrée avait regardé le sol en hochant la tête. Peut-être qu’il méritait de se prendre les pieds dans un tapis et de s’aplatir comme la crêpe qu’il était sur le sol, mais pas de penser que tout son espace de vie allait disparaître à cause d’un gâteau raté.

« Mais Guenièvre » la sortit Arthur de ses pensées « la fumée va pas disparaître toute seule ! »

« Et ba pourquoi pas ! Y’en a déjà moins que tout à l’heure ! Je peux presque voir mes doigts de pieds correctement ! »

« Mais c’est parce que tu t’es habituée andouille ! »

« Je ne suis pas une andouille ! » finit-elle par s’énerver

« Quand tu te mets en danger juste pour pas faire peur aux autres, si, t’es une grosse andouille ! » répondit-il encore plus fort. Ça lui aurait presque fait peur s’il ne s’était pas à moitié étouffé pendant la deuxième partie de sa tirade.

« Si c’est pour me parler comme ça tu peux retourner chez toi, j’ai pas besoin de toi. Je peux me débrouiller toute seule ». Elle n’avait vraiment pas envie qu’il rentre chez lui et qu’il la laisse toute seule.

Elle se détourna de ce qu’elle pensait voir du corps d’Arthur et fit mine de s’occuper à ranger la cuisine. Elle n’avait pas pour habitude de s’énerver contre ceux qui lui reprochait sa stupidité. Elle avait l’habitude qu’on lui fasse remarquer qu’elle ne brillait pas par son intelligence, mais de la part d’Arthur, ça faisait encore plus mal qu’avec le reste du monde. Si elle avait un minimum confiance en elle aujourd’hui, elle avait conscience que c’était en grande partie grâce à Arthur. Avec lui elle se sentait bien. Elle sentait qu’elle pouvait exister sans avoir à s’excuser. Mais parfois, il avait un vrai caractère de cochon. Ce qui faisait ressortir son propre caractère de mule. Ils formaient une petite basse cour tous les deux.

En cherchant à remettre en ordre sa pauvre cuisine qui devait plus ressembler à une scène de crime qu’autre chose, elle allait prudemment à la rencontre des objets à sa portée car elle savait qu’elle avait dû laisser traîner un couteau ou deux sur le plan de travail. Elle tendait l’oreille, ayant peur d’entendre la porte d’entrée claquer, signifiant le départ de son ami. Ce dernier ne disait rien et elle ne l’entendit pas bouger pendant quelques temps, puis le son caractéristique des fenêtres qui s’ouvraient se fit entendre.

« Arrête ! » dit-elle en direction du bruit, une spatule dégoulinante de pâte à la main.

Elle entendit et vit une deuxième fenêtre s’ouvrir et tenta de se diriger vers cette dernière pour la refermer. Arthur qu’elle n’avait pas vu sur son passage lui attrapa les poignets, la surprise de ce geste la faisant crier une demie seconde.

« Guenièvre. T’es pas la première personne à faire brûler quelque chose ok ? Tu seras pas la dernière. On va mettre un mot sur la porte pour prévenir que y’a rien de grave et puis c’est tout »

Elle considéra ce plan quelques instants et se rendit compte que pendant ce temps, l’épais nuage dans lequel elle évoluait depuis une bonne demie heure commençait effectivement à se dissiper à vive allure.

« D’accord » soupira-t-elle, tout de même un peu stressée à l’idée de voir débarquer de grands pompiers sur le pas de sa porte et de devoir se confondre en excuses.

Arthur entreprit d’ouvrir le four pour évaluer les dégâts pendant que Guenièvre rédigeait un mot à l’attention des voisins possiblement apeurés. Après l’avoir collé sur sa porte avec un bout de scotch, elle revint en cuisine où Arthur avait rassemblé tous les ustensiles sales dans l’évier et commençait à rassembler tous les déchets du plan de travail dans un même saladier ornés de tournesols dont elle s’était servie pour « battre les blancs en neige » ou en tout cas sa tentative, aidée par un tuto youtube.

« Bon. Du coup j’ai besoin d’aide » dit-elle, un peu moins sur les nerfs maintenant que ses yeux ne piquaient plus et qu’elle pouvait voir clairement chaque coin de son petit appartement.

« Je vois ça » grogna-t-il, lorgnant sur ce qui aurait dû être un « gâteau au chocolat et framboises » d’après les-aventures-romantiques.com

« Il faut que je fasse un repas pour ce soir » l’ignora-t-elle

Il ne répondit pas, jetant le contenu du bol dans la poubelle.

« J’ai un rendez-vous à 19h » continua-t-elle

Il gratta peut-être plus que nécessaire le bol pour faire tomber les déchets restants.

« Où ça ? »

« Ici »

« Avec ton copain ? » dit-il, s’acharnant un peu plus sur des traces d’œufs qui allaient de toute manière partir au lave vaisselle.

Elle réalisa alors qu’elle ne lui en avait jamais parlé. Pas directement. Oh, ils ne se parlaient pas vraiment de tout, mais ils se parlaient tout de même de beaucoup de choses. Enfin, elle lui parlait de beaucoup de choses. Lui le faisait aussi fût un temps. Puis il avait arrêté quand il avait commencé à fréquenter des femmes de manière romantique. Ou sexuelle, elle ne savait pas trop. Il ne lui en avait jamais explicitement parlé et les rares fois où elle avait tenté d’aborder le sujet après en avoir entendu parler par les gars des petits pains pommés, il avait détourné le sujet de la conversation. Elle en avait conclu qu’il était assez pudique concernant la chose et n’avait donc jamais insisté. Elle en avait aussi conclu qu’il n’avait pas vraiment envie d’en entendre parler venant d’elle. Et puis peut-être aussi que l’idée lui paraissait gênante à elle.

« Ce n’est pas encore mon copain » commenta-t-elle en regardant ses mains. Elles étaient sales, pleines de pâte et d’encre du stylo qu’elle venait d’utiliser. Comment était-elle arrivée à se tacher en écrivant un simple mot, elle n’en savait rien.

« Je vois » répondit Arthur qui finit enfin par poser le bol dans l’évier.

« Tu vas m’aider ? » demanda-t-elle après un temps, son regard tour à tour posé sur ces étranges taches d’encre sur ses mains et Arthur qui examinait maintenant la bête monstrueuse de framboises cramée et de pauvre chocolat maltraité dont le cadavre traînait encore dans le plat qui était maintenant bon à jeter.

Arthur poussa le plus long soupir qu’elle avait jamais entendu, ce qui était en soi un exploit.

« Tu peux pas l’accueillir ici. Même les fenêtres ouvertes, ça va puer la mort. J’imagine que tu veux pas non plus reporter le dîner à demain ou un autre jour »

« Oh ba non » répondit-elle, déjà triste à l’idée que sa soirée était définitivement gâchée. Même Arthur n’avait pas le pouvoir de réparer son désastre gastronomique. Elle aurait dû s’y attendre, les initiatives, ce n’était pas fait pour elle.

« Bon. Prend tes affaires et les courses que t’as pas eu le temps de maltraiter. On va chez moi. »

« Pardon ? » demanda-t-elle, pas certaine de comprendre le concept derrière cette proposition

« T’es bouchée maintenant ? » grommela-t-il en commençant à ouvrir le frigo pour prendre ce qu’il restait de comestible à l’intérieur.

« Oh ba » répondit-elle avec éloquence. Elle n’avait pas en elle la force de s’énerver contre cette énième insulte, trop estomaquée par la gentillesse d’Arthur. Ça n’aurait pas dû être aussi surprenant, il avait toujours été foncièrement gentil, avec elle, avec tout le monde. Un peu trop se disait-elle parfois.

« Bon tu te bouges ? On a un peu plus de deux heures pour préparer tout le bordel » lui dit-il, la sortant de son hébétement.

« Oui » répondit-elle, commençant à faire la liste mental de toutes les choses dont elle avait besoin pour sa soirée.

Elle se dirigea vers sa chambre pour sortir sa petite valise et y mettre les tenues qu’elle envisageait pour sa soirée romantique. Heureusement que pour cette partie, elle s’y était prise à l’avance car elle était un peu incapable de penser de manière cohérente à cet instant. Elle était en train de chercher son chouchou préféré qui devait forcément traîner dans les parages quand Arthur passa sa tête dans l’entrebâillement de la porte, deux sacs de courses dans les mains.

« T’as fini ? » demanda-t-il impatient.

« Presque » répondit-elle, lançant le chouchou porte bonheur qu’elle venait de retrouver sous son oreiller dans sa valise avant de la fermer.

« T’es au courant que tu pars pas pour trois mois ». Il avait son air exaspéré.

Guenièvre s’en fichait un peu. Elle était dans un état assez étrange. Beaucoup d’émotions avaient défilé en elle en si peu de temps. Elle se sentait presque hors de son corps. Elle lui répondit pourtant en souriant.

« Non, je viens juste chez toi »

Arthur paru décontenancé avant de marmonner quelque chose qu’elle n’entendit pas tandis qu’elle enfilait ses chaussures et en pris une autre paire sous le bras, juste au cas où. En fermant la porte derrière eux elle songea qu’elle ne l’avait pas remercié. Oh, elle aurait dû le remercier plus d’une fois, pour tout ce qu’il faisait toujours pour elle. Mais cette fois-ci elle y pensait. Elle pensait au déchet immangeable qu’elle abandonnait sur son plan de travail et à la soirée parfaite qu’Arthur lui offrait. Elle le lui dit alors.

« Merci Arthur. Vraiment merci »

« Oui oui oui » répondit-il en avançant dans le couloir avec son air désinvolte, comme à son habitude quand on osait le remercier.

Elle savait qu'il était mal à l'aise face à ce genre de propos. Elle aurait donc à insister jusqu'à ce qu'il accepte toute l'affection et les remerciements que les gens lui donnaient à raison. Il faisait tellement pour elle si en échange elle n'avait qu'à le convaincre de sa propre valeur, ce n'était pas cher payé. Alors elle le rattrapa toujours en tirant sa valise derrière elle, lui agrippa le bras qu'il avait déjà bien chargé de courses, ce qui le fit vaciller d'ailleurs. Elle l'embrassa sur la joue, y posa ensuite sa main comme si elle souhaitait qu'elle préserve cette affection un peu plus longtemps, puis le regarda dans ses grands yeux ouverts, et lui dit une fois de plus, mais jamais une fois de trop "merci".

Notes:

Bonjour chers gens.
Je reviens un petit millénaire en retard avec ce chapitre qui attendait depuis quelques semaines dans mes wip. Je l'aime vraiment pas beaucoup, mais bon j'aime pas grand chose en ce moment. Autant que je le poste pour pouvoir passer à la suite.
J'espère que vous allez bien et que vous appréciez autant que moi le retour de la fraîcheur.
Merci d'avoir lu et prenez soin de vous !

Chapter 10: La Saint Jean - Partie 2 : Pour un feu de joie

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Il arrivait régulièrement à Arthur de se questionner quant à la nécessité de s’entourer d’une pareille bande de connards. Les petits pains pommés avait besoin d’une équipe avec un minimum de neurones pour fonctionner correctement et tenir le coup. Alors oui, il les aimait bien ses gaillards, ça l’énervait d’ailleurs de leur porter de l’affection, mais il y pouvait pas grand chose. Il les aimait bien mais ils étaient pas foutus d’exister sans une constante supervision de sa part et c’en était presque triste. Il se demandait souvent comment ces énergumènes arrivaient à survivre en dehors du café-boulangerie-garderie pour dégénérés. Le fait qu’ils soient capable de marcher 10 mètres seuls sans crever était déjà un exploit qu’il avait du mal à se représenter. Alors ouais, il se questionnait, souvent après une énième engueulade entendue entre le grand barbu et le p’tit chauve qu’était Elias sur le pourquoi du comment il avait fini par amasser la pire faune de débiles du continent.

Il arrivait aussi à Arthur, comme à cet instant, de se rendre compte qu’il était lui même le roi des abrutis finis. Bordel qu’il était con. Pas étonnant qu’il émette des phéromones qui attiraient ses semblables à lui-même.

« Et du coup peut-être qu’on peut faire des crêpes non ? »

Arthur se réveilla de sa flagellation mentale. Il regarda Guenièvre, tout sourire et heureuse de son idée, comme à son habitude. Bordel de merde. Vraiment, elle avait beau sortir la pire des idioties, son sourire et ses yeux qui pétillaient d’émotion auraient donné à n’importe qui l’envie de lui remettre un prix Nobel. Heureusement, bien que se sentant comme le pire des connards, il restait à Arthur assez de rationalité pour faire la part des choses entre ce qu’il voyait et ce qu’il entendait.

« Non mais tu peux pas faire des crêpes pour un dîner galant »

« Oh ba pourquoi pas ! C’est sympa les crêpes ! On peut mettre du chocolat et même des framboises qu’il me reste dedans ! » Elle était réellement enthousiasmée par son idée et Arthur était tenté de la laisser gâcher son dîner romantique pour plusieurs raisons, certaines qu’il s’avouait à peine. Malheureusement, comme il était le pire abruti que l’univers ait jamais créé, il finit par la convaincre d’un autre menu.

Il s’affaira donc à préparer un risotto aux champignons pendant que deux fondants au chocolat individuels cuisaient dans le four. Guenièvre « décorait la table », manière polie de dire qu’elle rangeait son appart de célibataire endurci. Arthur n’était pas vraiment bordélique mais il n’était pas non plus un maniaque de la propreté et du rangement. Quelle chance, ironisait-il, que l’une des seules recettes salées qu’il sache vraiment bien préparer soit la seule réalisable ce soir là, étant donné le peu d’ingrédient et de marge d’erreur qu’avait prévu Guenièvre quand elle avait fait ses courses. S’il avait fallu compter sur son frigo perso qui contenait un bocal de cornichons où il ne restait plus que les petits oignons qu’il ne mangeait jamais et des vieux paquets de ketchup d’une des livraisons qu’il avait passées dans le mois, peut-être qu’effectivement, il aurait considéré les crêpes comme une perspective alléchante.

Le problème avec la cuisson d’un risotto et de la cuisson de pâtisserie de manière générale, c’est que ça lui laissait bien trop de temps pour réfléchir pendant qu’il faisait tourner sa cuillère à une allure constante. Le problème avec le fait d’être le roi des cons, c’est qu’on avait quand même du mal à identifier les émotions et leurs raisons d’être. Alors il faisait le bilan. Il se sentait énervé mais n’avait pas d’exutoire où déverser son trop plein. Il aurait pu s’en prendre à Guenièvre parce quelque part, il lui en voulait, mais ça l’énervait encore plus de s’imaginer le faire. Il aurait pu s’en prendre au risotto mais le gâchis le répugnait. Alors il était condamné à rester là et à remuer le riz délicatement avec son seuil d’énervement qui avait depuis longtemps dépassé ce qu’il lui était possible d’endurer. Peut-être que c’était aussi pour ça qu’il s’entourait de cons finis, pour avoir des gens sur qui gueuler sans mauvaise culpabilité qui s’en suit.

Bon, il était énervé, ça c’était facile à identifier. Maintenant il fallait en chercher la cause. Alors il savait pas trop si c’était parce que Guenièvre s’était mis comme une buse cramoisie en danger tout ça pour pas « gêner » ou si c’était parce qu’elle l’obligeait à se rendre utile et sociable son seul jour de repos. Certes il aimait pas des masses les jours de repos mais il aimait pas beaucoup plus les jours de boulots. Réaliser une fois de plus qu’il était un sombre connard constamment insatisfait l’énervait de plus belle et la casserole vacilla de quelques millimètres quand il fit un mouvement circulaire plus brusque à cette pensée. Il se concentra sur le fait d’expirer et d’inspirer lentement à intervalle régulier tout en continuant de remuer la bouillie de riz.

L’air se fit de nouveau rare dans le corps d’Arthur quand Guenièvre lui lança « Tu as une nappe ? » depuis la partie salon/salle à manger de son appartement. Donc OK, s’il était vraiment énervé c’était à cause d’elle, même son corps le lui criait.

« Dans la chambre y’a une armoire, si tu cherches sous les chemises pendues, t’en trouveras une marron normalement » répondit-il, tournant légèrement sa tête dans sa direction pour que le son porte mieux. Ça le picotait sous la peau. Il avait envie de casser un truc où de hurler, mais il avait conscience d’avoir beaucoup trop de fierté pour se mettre à agir comme un gamin à qui on refuse un jouet. Ça le démangeait presque assez pour qu’il balance la casserole cependant.

Ce qu’il avait pas envie de voir où d’entendre Guenièvre. Ce que ça l’énervait encore plus d’être énervé contre elle sans comprendre pourquoi. C’était lui qui lui avait proposé de venir ici sans vraiment y réfléchir, il avait pas le droit de lui faire une crise.

« C’est ça ? » demanda-t-elle dans son dos et Arthur fit un bond se retournant sur lui même. Il était tellement perdu dans sa caboche qu’il ne l’avait pas entendue arriver. Elle avait sursauté à son tour ce qui l’aurait fait rire habituellement, mais là, il avait déjà du mal à reprendre son souffle. Il aurait dû de toute façon abandonner l’idée de respirer correctement ce jour là.

« Tu m’as fait peur » s’exclama-t-elle, ses mains tenant la nappe contre sa poitrine.

« Hm » grogna-t-il faisant mine de se concentrer sur son riz.

Il entendit Guenièvre chantonner en installant la table au séjour. Il mit la hotte dans l’espoir de ne plus l’entendre. Ça marchait moyen. Il tentait désespérément de se concentrer sur tout sauf sur la présence de Guenièvre. Et il touillait et retouillait ce riz. Mais il entendait chacun de ses pas. Il l’entendit lâcher une petite exclamation et murmurer ses pensées pour elle même. Puis elle se remettait à chantonner. Un rat s’était coincé dans sa boîte crânienne et grattait un peu plus les parois à chaque fois que l’existence de Guenièvre se faisait un peu plus savoir. Il allait finir par faire des trous là haut. Un reboot un peu gore de ratatouille. Ces petits comportements pour lesquels il avait une certaine affection habituellement l’insupportaient au plus haut point ce soir là.

« T’as des verres à pied ? » demanda Guenièvre sortant trois assiettes du meuble à sa droite.

« Nan » répondit-il, aussi courtoisement qu’il s’en sentait capable.

Guenièvre s’arrêta, les assiettes dans les mains, dansant d’un pied sur l’autre tandis qu’elle semblait réfléchir à une solution à ce problème ô combien épineux pour sa caboche.

« J’ai une corbeille pour le pain par contre » finit-il par répondre, la prenant en pitié. Elle pouvait rester longtemps dans cet état de réflexion qui ne la mènerait jamais nul part.

« Donc pas besoin de trois assiettes » ajouta-t-il, changeant de main pour touiller le risotto. Il allait finir par se froisser le poignet à force de se crisper autant autour de la cuillère en bois.

« Je ne vois pas très bien le rapport » répondit-elle un peu perplexe « il faut bien que tu manges patate » continua-t-elle en se dirigeant avec ses assiettes dans le salon.

Arthur arrêta de touiller. Il suivit Guenièvre dans son séjour qui même s’il n’était pas si mal rangé dans ses souvenirs, avait une toute autre allure à présent, ne serait-ce que par la disparition du tas de chaussettes dont il se débarrassait toujours en premier en rentrant chez lui et qui avait commencé à former une petite colline malodorante. Il vit aussi qu’elle avait déplacé la petite table d’appoint sur laquelle il entassait un peu de tout, ses télécommandes, le courrier, la pub, les clés, des clopes qu’il avait achetées même s’il fumait pas, des verres dont le fond était souvent rempli de moisi, bref, une table d’appoint qui était à présent uniquement couverte par la nappe qu’elle avait récupérée plus tôt dans son armoire. Elle l’avait réussi à la mettre au centre de la pièce et à pousser le canapé contre le mur. Elle y avait installé les deux seules chaises qu’il possédait ainsi que le tabouret de son clavier qui avait d’ailleurs disparu de la pièce. S’il n’avait pas été dans un état qui le rendait presque plus abasourdi par la stupidité de Guenièvre que par la sienne, il aurait applaudi le réaménagement et le rangement du lieu qui donnait à l’appartement un air d’adulte accompli, sain de corps et d’esprit. Un inconnu notoire. 

Il ne prit même pas la peine d’inspirer et de se calmer avant de demander « Je peux savoir pourquoi y’a trois chaises ? »

Guenièvre le regarda comme s’il était un peu con – ce qui franchement était assez osé de sa part – tout en mettant les trois assiettes devant chacun des sièges.

« Parce qu’on est trois ? » précisa-t-elle comme si elle s'adressait à quelqu’un qui ne parlait pas sa langue.

La mâchoire d’Arthur joua.

Guenièvre continuait de s’activer à préparer la table en faisant des allers-retours entre la cuisine et le salon.

Arthur ne bougeait pas, mettant un peu de ses joues entre ses dents pour éviter de les abîmer à force de les frotter aussi fort.

Guenièvre mettait à présent un petit verre avec des pâquerettes qu’elle avait trouvées dieu-s’il en existait au moins un Arthur aurait bien voulu lui faire des réclamation au service après vente- seul savait où au centre de la table.

« Et maintenant la musique » murmurait-elle, tout sourire, toujours pour elle même pirouettant sur elle même pour s'attaquer à la petite bibliothèque de CD d'Arthur.

Arthur qui allait finir par se transformer en pierre à force de se contracter de la sorte, eu conscience que le rat dans sa boîte crânienne avait sûrement finit par manger le peu de cerveau qu’il lui restait. Au lieu d’expliquer à Guenièvre que non, vraiment non, on ne fait pas un dîner romantique pour deux personnes à trois. Que si on décide quand même de faire un dîner romantique pour deux personnes à trois, on s’assure que la troisième personne n’a pas des envies de meurtres qui s’intensifient au fur et à mesure que le temps passe. Le petit rat qui l’aidait décidément beaucoup trop facilement à devenir l’empereur suprême de la connerie monumentale, lui fit dire avec le plus grand sourire qu’il avait dispensé à quiconque durant les dernières années « J’ai des grandes bougies si tu veux »

Notes:

Ma psy m’a plaqué et je l’ai mal vécu mdr dsl de l’attente.
A suivre un jour j'imagine !
Prenez soin de vous !

Chapter 11: Guignol au théâtre

Summary:

Perceval est perdu

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Paumé.

Il était totalement paumé. Il aurait bien regardé le ciel pour s’orienter mais malheureusement en levant la tête il ne trouva qu’un plafond un peu creux. Un drôle de plafond. Il s’apprêtait à demander son chemin à la dame qui devait avoir le même nombre de bougies sur ses gâteaux d’anniversaire que sa mémé, quand il entendit avec soulagement la voix d’Arthur.

« Mais pu- » Arthur s’interrompit dans son insulte quand la mémé qui n’était pas la sienne poussa son caddie dans sa direction.

« Vous voilà ! Je vous cherchais ! » s’exclama Perceval, franchement heureux de retrouver Arthur. C’est pas qu’il avait peur de jamais sortir de ce magasin, mais il faisait pas non plus le fier à l’idée de retrouver son chemin jusqu’à la voiture.

« Au milieu du PQ ? » demanda Arthur, les yeux déjà bien grands ouverts. Ça présageait jamais rien de bon. Mais bon, il avait eu l’air énervé avant même de dire bonjour à Perceval ce matin là, alors pour une fois, Perceval était content d’être presque certain de pas être la cause des gros sourcils d’Arthur.

« Mais vous aviez disparu alors j’ai suivi le chemin avec ma main ». C’était une super technique que lui avait montrée Karadoc pour se repérer dans les grottes.

« Avec ta main ? » Arthur souriait mais Perceval savait que c’était pas un sourire d’homme heureux. C’était plutôt le type de sourire qu’il donnait avant de commencer à frapper un peu tout ce qui l’entourait. Le sourire avec le coin des lèvres vers le bas. Heureusement, dans ce cas là, il risquait pas de se faire trop mal en tapant dans du papier toilette. Ou en tapant Perceval avec.

« Oui, pour sortir des labyrinthes ! Il suffit de mettre sa main contre le mur et de se laisser guider comme ça ! » il fit la démonstration pour qu’Arthur comprenne bien en appuyant de nouveau sa main sur le rayon, juste en dessous d’un paquet de 92 rouleaux de lotus.

« Le chemin de la main c’est le chemin de la sortie ! » ajouta-t-il faisant glisser sa main dans le sens qu’il avait commencé à emprunter un peu avant qu’Arthur arrive à sa rescousse. Il continuait sa démonstration, sa main allant d’avant en arrière sur la barrette d’affichage des prix, pas certain qu’Arthur ait compris car il ne répondait pas. Il lâcha un petit « Ouille ! » quand sa main rappât un peu fort sur le « 19e22 »

« Ce sont des îlots » Arthur détachait chacun de ses mots. Perceval ne savait pas si c’était une question ou une affirmation. Sa blessure invisible l’avait distrait.

« Ce sont des PUTAINS d’îlots » ajouta Arthur en tapant son pied par terre. Bon. C’était sûrement une affirmation.

« Tu te doutes bien que- » il soupira et marqua une pause avant de se frotter le front « Non non non tu te doutes de rien du tout parce que tu réfléchis PAS et que tu penses PAS et que tu ne doutes PAS » il s’énervait tout seul à présent, agitant beaucoup les mains, les yeux concentrés sur le vide qu’elles contenaient.

Pendant que Arthur reprenait son souffle, période pendant laquelle Perceval avait appris à retenir le sien, ce dernier se demandait quand même bien comment il ne s’était pas rendu compte que ce supermarché était en réalité sur une île. Peut-être que le fait qu’il avait plu comme chien qui pisse la dernière demie heure de sa vie avait créé une petite marée à l’extérieur l’entourant de tous les côtés ? Mais surtout quel était le rapport avec la technique du labyrinthe ? Ça ne marchait pas sur l’eau ? Il sentait que c’était pas forcément le meilleur moment, quand Arthur était encore un peu plus proche de la tomate que du camembert niveau couleur de visage, pour lui poser la question.

« Bon, de toute façon on s’en fout, tu la fermes et tu me suis on y va » il tourna les talons et Perceval laissa sa main retomber, la maintenant en l’air pour faire passer la douleur que lui avait procuré le prix du PQ ayant fini par s’avérer utile.

Perceval gardait ses réflexions psycholudiques pour lui même concernant l’île sur laquelle il semblait se trouver sans en avoir été conscient plus tôt, suivant Arthur sans vraiment se concentrer sur le reste de son environnement. C’est vrai qu’il avait pas totalement prêté attention à la route et que c’était la première fois qu’il venait à Metro, à ne pas confondre avec le métro comme lui avait gentiment expliqué Arthur, mais il pensait qu’il se serait souvenu d’un pont. Il aimait pas trop la mer alors il l’aurait quand même une peu repéré s’il avait vu un grand étang salé.

Arrivés sur le parking, Perceval en profita pour examiner le contour du magasin. Il n’y voyait pas vraiment assez d’eau pour que l’endroit soit considéré comme détaché du reste du monde terrestre. Ça faisait splosh splosh sous les chaussures, mais pas plus. Perdu dans son cheminement intracranien, il ne vit pas Arthur s’arrêter brutalement et lui rentra dedans ce qui entraîna ce dernier à trébucher un peu en avant. Au lieu de retrouver l’équilibre et de lui lancer le seul regard qui pouvait lui donner aussi froid aux pieds que celui de sa mémé, Arthur tira Perceval vers le bas.

« Mais ... »

« Chut ! » lui ordonna Arthur, s’appuyant au maximum sur la voiture derrière laquelle il était accroupi et intimant Perceval de faire de même.

« Mais j’ai pas fait exprès » continua Perceval

« Mais tu vas la fermer ta mouille ?! » chuchota-t-il en criant à moitié. Un drôle de mélange. Perceval trouvait ça trop cool. C’était un peu comme si Arthur avait réussi à vaincre le son. Il faisait beaucoup de bruit tout en en faisant pas du tout. Le silence bruyant. Comme les ninjas.

« Oh Salut Arthur ! » un homme un peu brun mais pas trop, qui avait l’air pas trop grand mais un peu quand même les regardait. Il avait l’air moyen.

Arthur murmura un « putain » dans la direction de Perceval avant de se retourner et de se relever vers l’homme moyen qui l’avait interpellé. Il savait pas trop lequel des deux méritait cette insulte.

« Salut » dit-il, serrant la main de l’inconnu qui le connaissait, que ce dernier avait tendu depuis le moment où il l’avait salué. Perceval se demandait s’il avait aussi le droit de se relever.

« Tu fais aussi tes courses ici ?  C’est trop chouette on pourra se croiser plus souvent ! » l’homme moyen avait vraiment l’air heureux de vivre moyennement « C’est ton apprenti derrière ? » il se pencha sur le côté, serrant toujours la main d’Arthur, dévisageant Perceval.

« Nan, c’est un employé » répondit Arthur se tournant lui aussi vers Perceval, avec le plus faux sourire qui ne voulait rien dire qu’il ait jamais vu sur son visage. C’était terrifiant. Il n’avait pas peur de Arthur, il avait peur de ce qu’il y avait dans Arthur. Ou plutôt de ce qu’il n’y avait plus.

Perceval se leva pour serrer la main que l’homme moyen, encore plus moyen depuis qu’il pouvait le juger en étant debout lui aussi, lui présenta, lâchant enfin celle d’Arthur. Arthur n’était pas grand, mais il n’était pas moyen. Quelque part, Perceval se disait que c’était mieux.

Arthur lui fit les gros yeux, comme quand il trouvait que Perceval était un peu lent à faire des choses, et finit par soupirer en disant « Perceval. Il s’appelle Perceval. »

« Enchanté Perceval » répondit l’homme vraiment moyen qui devait bien aimer serrer des mains parce qu’il ne lâchait plus la sienne  « Jean Kolaig » lui sourit-il

« Mais ? Je t’ai jamais vu avant ? Tu bosses de nuit ? » c’était sincèrement étonnant. Perceval n’avait aucun souvenir d’avoir vu ce Jean avant de le rencontrer aujourd’hui.

« Hein ? » répondit Jean, apparemment aussi confus que lui.

« Non mais, ignore le » intervint Arthur qui poussa gentiment Perceval sur le côté ce qui eu pour effet d’enfin faire lâcher sa main à Jean.

« C’est rigolo, je pensais justement à toi et à comment faire pour rentabiliser ton business et te voilà, devant moi, juste quand je fais mes courses ! C’est sûrement le destin !»

Et là il se passa un truc. Un truc qui marquerait Perceval d’une pierre rouge pour toujours. Arthur fit un bruit encore plus étrange que le silence bruyant. Il se mit à rire, mais pour de faux. Perceval savait que c’était pour de faux parce que Arthur ne riait pas. Arthur, quand il était content, il grognait. Même quand il buvait il riait pas, il faisait des bruits qui s’apparentaient à des toussotements mais jamais de sa vie il ne l’avait entendu prononcer un « ha ha » si distinctement qu’on aurait pu croire que les lettres sortaient toutes écrites de sa bouche, un faux sourire aux lèvres. Perceval aurait préféré resté coincé au milieu du PQ pour une dizaine d’années plutôt que d’assister à ça. Oh comme il espérait que jamais cette monstruosité ne renaisse.

Perceval était encore sous le choc quand Jean qui ne s’était apparemment pas trouvé dans la même dimension que Perceval quand un esprit malin avait pris possession d’Arthur continua de parler comme si c’était le plus beau jour de sa vie.

« Vous n’avez pas encore fait le tour du magasin ? » dit-il, guettant les mains vides de sacs d’Arthur et Perceval « On peut y aller en même temps je pourrais te montrer les meilleurs produits, y’a largement de quoi t’offrir une meilleure clientèle, suffit juste de s’y connaître t’inquiète pas ! »

« Non, c’est bon je te remercie on a fini » répondit Arthur, son sourire ignoble toujours présent « On venait juste faire du repérage pour le prochain thème du café »

« Oh c’est dommage … j’ai quelques astuces que j’ai appris avec mon expérience à force de faire les grossistes » il avait l’air sincèrement désolé d’être grossophobe. Perceval comprenait pas trop pourquoi il se sentait obligé de traiter sa clientèle de gros.

Arthur refit le bruit horrible du rire de la mort. Il ne savait pas d’où il sortait l’air pour produire ce son car son corps avait à peu près autant d’âme qu’une marionnette dont on aurait retiré la main qui la manipule. Ses yeux étaient aussi cylindriques que deux balles de pétanques peintes en blanc et d’un cercle brun qu’on aurait introduites dans les paupières d’Arthur. C’était pas chouette du tout.

Après s’être dit au revoir mutuellement et souhaité de passer une bonne journée avec beaucoup trop de politesse, Arthur commença à partir dans la direction de sa propre voiture, Perceval le suivant à une distance raisonnable encore assez perturbé de la scène à laquelle il venait d’assister pour la deuxième fois de la journée. Pour la deuxième et dernière fois de sa vie, il l’espérait. Avant d’avoir pu atteindre la voiture, Jean interrompit Arthur une main sur l’épaule. Perceval aurait pu jurer qu’il pouvait entendre la peau d’Arthur sous son T-shirt hurler des menaces de mort dans une langue étrangère. Ce Jean devait avoir de la crotte de biquette en guise de pupille pour ne pas voir la vision d’horreur qui s’offrait à lui.

« S’cuze, j’ai déjà oublié la dernière fois, mais faut que tu me passes ton numéro mon grand ! Guenièvre voulait pas me le passer quand j’ai oublié de te le demander l’autre soir, j’ai pas tout compris pourquoi, mais bon, les filles hein » il tendit son téléphone à Arthur qui le pris et s’exécuta, le sourire et l’air de marionnette toujours aussi présent. Jean quant à lui était toujours aussi calme et presque heureux face à ce Arthur qui n’en était pas un.

« Chouette ! » dit Jean en reprenant son téléphone. Perceval et lui n’avait pas la même définition du mot chouette.

« Je t’envoie un message pour que tu m’enregistre Arturito ! » il tapa gentiment sur l’épaule d’Arthur avant de saluer de deux doigts sur la tempe Perceval qui leva vaguement la main en retour.

Arthur et Perceval restèrent presque immobile devant la voiture d’Arthur pendant ce qui sembla à Perceval au moins 36 secondes. L’air terrifiant d’Arthur n’avait toujours pas disparu et Perceval avait plus qu’un peu peur de s’adresser à lui dans cet état. Puis, tout d’un coup, Arthur expira tout l’air de son corps et sûrement celui de Perceval avec. Sans dire un mot il déverrouilla la voiture et s’installa derrière le volant. Perceval, qui ne voulait pas qu’on l’abandonne sur une peut-être-île-mais-probablement-pas fit le tour rapidement et sauta sur le siège passager au moment où le moteur démarrait.

Pendant le trajet du retour où il préféra agir comme s’il n’existait pas, considérant l’humeur d’Arthur qui marmonnait tout seul des fleurons d’insultes, il se concentra sur les différentes choses qu’il aurait à dire à Karadoc en rentrant. Notamment l’existence de ce collègue dont il n’avait jamais entendu parler.

Notes:

No thoughts. Head empty.
Je m'excuserais bien du demi siècle qui sépare ce chapitre du précédent mais j'ai trop chaud.
Merci d'avoir lu cher(e)s Jean(ne)s.
Portez vous aussi bien que possibles !

Chapter 12: Dumbo et la cigogne

Summary:

Les blessures du passé tragique de Karadoc ressurgissent.

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Lorsque Karadoc avait huit ans, son poisson rouge est mort. Ses parents lui avait mis le décès de ce dernier sur la conscience.

« Non mais on donne pas du fromage à un poisson ! » lui avait alors dit son père pendant que sa mère secouait la tête en découvrant le morceau de brie en décomposition que Karadoc avait eu la gentillesse de mettre dans l’aquarium à côté du cadavre flottant de Petit.

Pourtant, Petit venait souvent ramasser les miettes des derniers repas de Karadoc sur ses doigts quand ce dernier plongeait sa main dans l’aquarium. C’était une manière simple d’éviter de gâcher de l’eau en ouvrant le robinet pour se laver les mains après manger mais aussi une manière d’enrichir le palais de Petit. Karadoc avait eu l'esprit large dès son plus jeune âge.

Son poisson Petit, qu’il élevait pour qu’il devienne goutteur officiel de son futur restaurant, n’avait normalement pour repas que de dégoûtants petits granulés dont Karadoc n’avait vraiment pas apprécié le goût.

Depuis la mort de Petit, qu’il n’avait pas eu le cœur de manger malgré sa promesse envers lui-même de goûter toute chose comestible pour devenir une mamographie vivante connaissant tout du goût, Karadoc n’avait jamais réussi à manger ni cuisiner de poisson rouge. Il avait enterré Petit dans le jardin, sous les plants de rhubarbe dans une vielle boîte de cassoulet avec le morceau de brie funeste. Il ne cuisinait pas de rhubarbe non plus, mais c’était plus parce que la rhubarbe, c’était un peu l’équivalent de la soupe chez les plantes : mauvais, avec un arrière goût sucré qui chatouille la glotte et plein de fils. De toute façon, si c’est pour manger des feuilles comme les lapins, autant manger les lapins. Karadoc se savait intelligent car il était capable de se souvenir de ses meilleurs tournures de phrase des années après les avoir mis au point dans sa cervelle de cigogne.

Enfin bref, Karadoc n’avait pas un très bon souvenir de la mort de Petit, ni de sa tombe sous la rhubarbe qui avait depuis péri elle aussi, quelque part tant mieux pour la bouche de tout le monde.

C’est donc à cause des parents du Karadoc de huit ans que ce dernier, ayant au moins 34 ans – il ne savait jamais trop si les années bissextile comptaient double ou non – se sentait mal à l’aise vis à vis de la demande d'Arthur.

« Je pense pas que ça soit une bonne idée patron »

« ça tombe bien, je t’ai pas demandé de penser, tu le fais et c’est tout » répondit Arthur.

« Nan mais ça me met mal à l’aise en fait »

« Ouais c’est à cause de son traumatisme crânien en fait » ajouta Perceval, à qui il avait raconté la terrible histoire de Petit un soir lorsqu'ils étaient tombé sur la rediffusion de Titanic à la télé chez Perceval.

« Hein ? »

« Ba oui mais quand j’étais petit j’avais Petit et il est mort à cause d’un fromage »

« Ouais même qu’il l’a mis sous la soupe de rhubarbe » acquiesça Perceval.

Arthur resta sans voix quelques instants, sûrement touché par l’histoire bien triste de Petit, le poisson qui était mort parce qu’il n’aimait pas le fromage. Quelque part, ça soulageait Karadoc, parce qu’il n’aurait pas vraiment eu d’utilité à un poisson-goûteur qui n’aurait pas apprécié ses plats fromagers.

Arthur secoua la tête après être resté immobile quelques secondes

« Ok, j’en ai rien à foutre en fait, tu fais ce que je te demande et c’est tout » ajouta-t'il avant de sortir en faisant claquer les portes battantes avant même que Karadoc puisse s’exprimer d’avantage sur cette histoire tragique.

« Non mais ça, mais ça vraiment, mais ça sent mauvais je te le dis ! »

« Ba non je trouve pas » répondit Perceval qui inspirait l’air de la pièce.

« Mais non, je te parle de la situation, pas de l’odeur enfin »

Karadoc aimait bien ce côté un peu bête de Perceval. C’était son meilleur ami et il était très fier de pouvoir lui apprendre plein de chose, toujours grâce à sa cervelle de cigogne. Il aurait plutôt dit que Perceval avait une cervelle de pigeon, mais il pensait qu’un jour, à force de lui enseigner les choses qu’il avait apprises dans sa vie, il arriverait à un cerveau de corbeau. Il ne faisait pas tant d’effort pour les autres membres des petits pains pommés qui franchement, méritaient même pas qu’on les compare à des cervelles d’oiseaux tellement le niveau était bas. Heureusement que la cigogne était là pour superviser les opérations dans le nid !

« Bon ba qu’est-ce qu’on fait alors » demanda Perceval

Karadoc soupira « Nan ba je vais le faire vu que je suis trop sympa mais bon »

« Mais ça va aller ? Ça va pas trop te remuer la compote ? »

Avant que Karadoc, qui n’avait pas encore la réponse à sa question puisse la formuler, Bohort rentra dans la cuisine.

« Combien de fois il va falloir que je le dise, on ne rentre pas dans la cuisine si on a pas été accepté au grade de cuisinable ou qu’on s’appelle pas Arthur nom d’un chien ! » s’énerva Karadoc.

« On l’a répété encore et encore à tue tête ça monsieur !» tapa du pied Perceval.

« Mais - » commença Bohort qui ne savait pas respecter le règlement de Karadoc. La cuisine, c’est sacré. Seuls ceux déterminés comme cuisinables par lui même et ceux qui s’appellent Arthur peuvent rentrer.

« Mais y’a pas de mais ! Tu es un cuisinable ? » demanda Karadoc.

« Euh non je crois pas mais- » continua le béta.

« Et tu t’appelles pas Arthur ? »

« Non mais- »

« Et ba tu dégages ! »

« Les règlements c’est pas que pour les chiens ! » ajouta Perceval, qui lui, avait brillamment passé le test de cuisinable lorsqu’il avait répondu correctement au test concocté par Karadoc.

« Oui mais je veux juste savoir si vous avez vu Arthur »

« Peut-être que oui, peut-être que non, mais de toute façon, même si on l’avait vu on te le dirait pas dans la cuisine ! »

« Allez, rentre dans ton caquet le glandu ! » rigola Perceval, faisant signe à Bohort de reculer dans la boutique.

Bohort, après un temps beaucoup trop long passé à comprendre la simple consigne donnée, recula de trois pas, jusqu’à ce que ses pieds dépassent le seuil de la cuisine et que Perceval arrête de lui faire signe avec la main de reculer.

« Je peux vous poser ma question maintenant ? »

« Oui » dit lentement Karadoc qui avait franchement l’impression de s’adresser à un enfant pas très bien fini « parce que tu n’es plus dans la … »

Il laissa un temps à Bohort pour qu’il réponde de lui même, sinon il n’apprendrait jamais.

« cuisine ? » répondit ce dernier

« Voilà ! » reprirent en chœur Karadoc et Perceval. Vraiment pas fut-fut le gars. Déjà de par son état tout maigrichon, on sentait qu’il savait pas vraiment vivre correctement. Des fois, ça énervait un peu Karadoc que ça soit lui qui serve ses pâtisseries. A quel moment un client un peu intéressé par la bouffe écouterait un gringalet comme lui qui avait pas l’air de savoir mâcher sans se mordre la langue à chaque bouchée.

« Bon il la crache sa pilule le pas cuisinable ? On a pas que ça à faire on a des vrais problèmes de traumatisme crâniens nous » expliqua Perceval, à juste titre.

« Oui euh, est-ce que vous savez où est Arthur ? »

« Il est parti par là » Karadoc montra l’autre sortie de la cuisine qui menait au sas avant l’arrière cour.

Bohort fit un pas en direction d’où était parti Arthur

« Non mais il est bouché du ciboulot ou quoi lui ? » s’exclama Perceval

« On a dit pas dans la cuisine » dit Karadoc en séparant chaque syllabe

« Mais- »

« Oh mais c’est que je vais m’énerver hein ! Faut te retourner la cloche ou bien ! »

« Attention » dit Karadoc le doigt levé pour prévenir Bohort du danger « quand il est comme ça, faut vraiment pas le faire chauffer ! » Perceval se laissait souvent déborder par ses émotions, la faute à son cerveau de pigeon, et même s’il n’avait jamais vu Perceval se battre, il savait qu’il pouvait faire de sacrés dégâts. Tous les deux pratiquaient du Taekwondo mental tous les vendredi soirs devant des films d’arts martiaux. La semaine dernière, ils avaient visionné pour la deuxième fois Shaolin Soccer au ralenti, pour bien intégrer les mouvements et avaient donc appris un tas de techniques qui pourraient être fatales, même sans ballon.

« Mais je veux juste lui donner ça ! » commença à s’énerver Bohort qui n’avait pas conscience des techniques dévastatrices que Perceval pouvait lui infliger s’il l’énervait un peu trop. Karadoc devait bien reconnaître que sur le plan physique, Perceval le dépassait un peu, il aurait même dit qu'il le dépassait de deux pommes et demie à ce niveau, mais c'était surtout parce que Karadoc n'avait souvent pas besoin de se battre physiquement quand il avait juste besoin de réfléchir mieux que son adversaire pour gagner un combat. 

« C’est quoi ? » demanda ce dernier qui tendit la main vers le document relié que tendait Bohort au dessus de la ligne délimitant l'entrée cuisine.

« Un dossier que Guenièvre vient de déposer. C’est pour le thème du mois prochain, camping au bord du lac, elle a fait les graphismes de la promo et tout » expliqua Bohort

« Ah mais c’est pour ça qu’il veut que je fasse des poissons en gaufre » Karadoc comprit enfin l’insistance d’Arthur, penché au dessus de l'épaule de Perceval regardant le dessin de Guenièvre sur la couverture du dossier. Un homme avec un bob et une veste de pêcheur était en train de tirer un poisson gaufré de l’eau d’un lac. Il ressemblait pas vraiment à Petit, ni à un poisson rouge en fait. Peut-être que Karadoc allait pouvoir réussir sa mission sans souffrir de ce mauvais souvenir finalement.

« Euh peut-être, mais du coup vous pouvez lui donner si je peux pas rentrer dans la cuisine pour aller le voir ? Guenièvre voulait que je lui donne les retours d'Arthur, parce qu'il faut un intermédiaire entre eux deux, bref »

« Les retours de quoi ? »

« Les retours sur le dossier »

Perceval et Karadoc se regardèrent et explosèrent de rire. Nan vraiment, il était pas fini au vin blanc ce Bohort.

Les mains sur les hanches Karadoc regardait son ami rendre le dossier à Bohort « et voilà, on te le re-tour-ne » il avait appuyé fortement sur les syllabes de ce dernier mot pour que le cerveau de Bohort ait le temps de comprendre que sa mission un peu débile - comme lui - avait été effectuée.

« Allez et maintenant tu retournes pleurer chez maman le bétos ! » continua Perceval devant Bohort qui tenait le dossier la bouche béante comme celle de Petit à son décès.

Il semblait vouloir dire quelque chose, émit quelques sons incompréhensibles avec sa bouche, tenta de gesticuler avec ses mains et le dossier avant de baisser les épaules et de repartir laissant la porte se refermer derrière lui en grommelant quelque chose qui avait l'air d'un "je vais passer par l'extérieur". 

« Un jour faudra vraiment qu’on demande une augmentation » commença Perceval une fois le calme revenu dans la cuisine « à force de gérer des types comme ça qui ont zéro réflexion on élève le niveau gratuitement »

Karadoc songea que c'était bien vrai et qu'une fois les gaufres poissons qui finalement n'étaient pas assez traumatisantes pour lui rappeler Petit mises au point, il irait en toucher deux mots à Arthur, si tant est que ce dernier comprenne la réflexion bien réfléchie de Perceval et lui-même.

Notes:

On va pas revenir sur le fait qu'il m'a fallu neuf mois pour pondre une histoire de poisson rouge.
En vrai merci beaucoup à la personne qui a commenté sur tumblr, c'est bête mais ça m'a poussé à écrire, même du n'importe quoi. Je ne m'étais sincèrement pas rendu compte qu'autant de temps avait passé depuis la dernière update.
Je sais que c'est pas ce que vous préférez les chapitres où il se passe rien et pas trop centrés sur le développement d'une relation et de personnages mais bon, j'ai écris la première phrase et puis c'était parti pour du rien qui me fait rire et écrire donc tant mieux pour moi et seulement moi \O/
Evidemment merci à toutes les personnes qui commentent, qui aiment ou qui juste lisent (c'est déjà beaucoup !) ces petits bouts de gribouillis scénaristiques sur des persos que j'aime bien explorer.
Bref, en espérant revenir plus vite la prochaine fois avec un chapitre dont je serai plus satisfaite !
Prenez soin de vous !

Chapter 13: Le royaume submergé

Summary:

L'eau ça mouille

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Le soleil caressant ses paupières sortit Guenièvre de sa sieste pas vraiment planifiée. Elle se sentait comme une sorte de compote de pommes pas très lisse en clignant des yeux et en faisant l’inventaire de la mobilité de chacun de ses muscles sans réellement les bouger. Le soleil avait bien baissé dans le ciel, raison pour laquelle l’ombre du peuplier ne la protégeait plus. Elle n’avait pas trop envie de bouger.

En tournant à peine la tête elle remarqua que Lancelot, lui non plus, n’avait pas eu l’air d’avoir envie de bouger de l’après-midi. Assis sous l’arbre à un petit mètre d’elle, c’est comme si elle n’avait jamais même cligné des yeux. Lui non plus d’ailleurs, son regard fixé sur le lac, il avait à la fois l’air extrêmement concentré et extrêmement contrarié.

Quand elle n’avait pas à réfléchir et qu’elle pouvait faire semblant qu’elle n’existait pas réellement comme à cet instant précis où le monde autour d’elle était vivant mais presque immobile, elle se permettait d’apprécier chaque minuscule détail et chaque sensation physique. Le tout petit courant d’air qui lui chatouillait les chevilles, les bras, la joue et faisait des vagues dans sa robe bleu ciel. Le soleil qui créait un contraste agréable en réchauffant sa peau de manière à ce qu’elle n’ait pas froid. Le sol pas très droit, qui même avec la couverture à carreau sur laquelle ils avaient pique-niqué, faisait ressentir ses irrégularités dans le dos de Guenièvre. Les sons des feuilles et de sa propre respiration. Pendant ces quelques instants où elle n’était qu’à peine présente dans son corps, elle n’avait rien à ressentir d’autre que la vie à l’instant présent.

Puis elle eu envie de pleurer. C’était assez injuste comme sensation. Elle s’était sentie en paix pendant un moment si court que ça avait fini par lui rappeler que sa réalité était loin de ce tableau auquel elle aspirait. Elle ne versa pas de larmes pourtant, préférant s’asseoir enfin, histoire de reprendre possession de son corps.

Lancelot tourna alors la tête comme s’il avait lui aussi été surpris par l’existence de Guenièvre.

« Je t’ai réveillée ? » demanda-t-il, presque paniqué.

« Non non, j’ai trop dormi » répondit Guenièvre en forçant un petit rire en faisant rouler sa tête pour détendre son cou. Elle vit alors qu’ils n’étaient plus que tous les deux. Que toutes les personnes présentes étaient parties et que toutes les personnes absentes n’étaient jamais venues.

« Quelle heure est-il ? » demanda-t-elle, pas vraiment intéressée par la réponse. Elle faisait marcher chacun des muscles de son visage ayant l’air de faire des grimaces aux poissons qui devaient passer dans l’eau du lac en contrebas.

« 18h07 » répondit Lancelot après avoir rangé son téléphone dans sa poche.

« Mince » Guenièvre se serait presque réellement sentie mal à l’aise d’avoir dormi pendant la majeure partie du "pique-nique de recherche" qu’elle avait elle même proposé afin que chaque membre de l’équipe se sente inspiré pour le thème du mois à venir. Elle n’avait à cet instant pas l’énergie de se remettre en question. Elle était presque plus fatiguée qu’avant sa sieste et très certainement plus triste qu’avant de venir.

« Tu pouvais y aller tu sais, je passerai au Petits Pains demain aprem pour déposer la couverture » dit-elle en essayant de toucher la pointe de ses pieds avec le bout de ses doigts. L’engourdissement de son corps qui ne semblait pas s’actualiser aussi vite que son esprit lui paraissait maintenant inconfortable.

« Non non, ça ne me gêne pas d’attendre tu sais » répondit Lancelot très vite, se mettant à genoux pour faire face à Guenièvre. Elle le trouvait rigolo ce bonhomme. Il avait jamais l’air très content, un peu comme Arthur mais chez Lancelot, c’était plus comme s’il n’avait aucun doute que le malheur de l’univers venait des autres et non de lui même. Il n’avait pas ces cernes si sombres qu’Arthur avait toujours portées. Il était plus grand et plus sympa au quotidien avec Guenièvre. Elle voyait bien qu’il la traitait différemment des autres clients, des autres collègues. Elle se disait que c’était sans doute par respect pour Arthur. Mais elle ne savait pas trop qui il était au-delà du mec sympa un peu maladroit qui lui souriait bizarrement à chaque fois qu’elle commandait au comptoir.

Cela dit, elle ne savait pas trop qui était Arthur non plus. Juste un gars qui marmonnait dans sa barbe au quotidien. Un gars qui lui avait tenu la main de manière très inconfortable pendant toute une après-midi après l’enterrement de sa grand-mère faute de savoir comment la réconforter autrement. Un gars qui n’aimait pas le thé. Un gars qui chaque année oubliait son anniversaire. Un gars qui chaque année s’en excusait le jour d’après. Un gars qui laissait de ses cheveux par terre à chaque fois qu’il venait chez elle. Un gars avec lequel elle n’avait pas peur d’exister. Un gars qui l’évitait depuis un mois. Un gars qui n’était pas venu.

« C’est gentil Lancelot, mais j’aimerais bien être un peu seule » lui sourit-elle du mieux qu’elle put.

« Ah Ok » répondit-il en se levant doucement. Il se frotta les cuisses d’une poussière inexistante et ajouta « Tu m’appelles si t’as un souci hein ? »

Elle acquiesça.

« Tu sais c’était vraiment chouette aujourd’hui, c’était une super idée de réunir tout le monde, je suis sûr que ça va les faire réfléchir sur le thème du mois »

Elle acquiesça de nouveau en souriant plus expressivement.

« Bon et bien, salut ? »

« Bonne soirée Lancelot, merci d’être venu » elle le salua de la main.

Lancelot se prit dans ses propres pieds et manqua de peu de tomber en voulant rendre son salut à Guenièvre. Il sourit timidement avant de se retourner en direction du petit chemin menant au parking qu'on ne voyait pas du lac.

Guenièvre contempla les reflets du soleil couchant sur l’eau tandis que le bruit du moteur de Lancelot bourdonnait en s’éloignant.

Elle ne savait pas trop pourquoi elle n’avait pas accepté la présence de Lancelot. Elle n’avait pas trop envie de rester seule. Elle avait envie de parler, de se confier. D’habitude c’était avec Arthur qu’elle le faisait, mais ce dernier l’avait apparemment rayé de sa vie. Sans explication. Sans un mot. Elle n’avait vraiment pas envie d’y penser. Pas envie de ressasser les dizaines d'heures qu'elle avait passées à refaire en boucle la dernière fois qu'ils s'étaient vus, à analyser chaque mot de chaque conversation savoir quel faux pas elle avait commis. Pas envie de se souvenir non plus des longs échanges qu'elle avait eus avec chaque connaissance commune, savoir si ce traitement lui était réservé ou si c'était un mauvais moment pour Arthur en général. Non, vraiment, elle ne voulait pas repenser au fait que tout le monde lui affirmait ce qu'elle redoutait : Arthur la détestait elle et seulement elle. 

Elle secoua la tête, comme pour éjecter ces pensées de son corps, se leva et se dirigea vers le bord de l’eau. Elle s’accroupit en prenant garde à remonter sa robe pour qu’elle ne trempe pas dans l’eau. Elle n’avait pas l’air très claire ni très propre mais Guenièvre y plongea tout de même sa main. C’était frais, ça activait ses cellules et l'ancrait dans le moment présent. Elle y plongea sa deuxième main, ajustant ses pieds car son équilibre n’était pas ce qu’elle maîtrisait le mieux. Elle les retira vivement quand un dépôt de quelque chose, un truc bizarre qui flottait se rapprocha du bord.
Elle eu un mouvement de recul si vif qu’elle n’eut pas le temps de se relever et bascula en arrière, atterrissant sur ses fesses. Ses jambes s’étant alors tendues vers l’avant, elle avait maintenant ses tennis blanches dans l’eau moisie et le bas de sa robe qui était trempé également, avait fini par accrocher le bout de truc dégueu qui l’avait fait tomber.
C’est en associant sa douleur du futur bleu qu’elle aurait à la fesse droite, ses mains pleines de terre et ses nouvelles chaussures foutues qu’elle se mit à pleurer sans aucune once de retenue. Elle pleura ainsi, sans bouger de sa position, les mains boueuses levées paumes vers le ciel, les pieds dans l’eau qui frôlait ses genoux, et les larmes qui accrochaient ses cheveux à son visage, pendant ce qui lui parût être un moment suspendu du temps, malgré le soleil qui disparaissait peu à peu de l’horizon.

Elle finit par se calmer quand elle se rendit compte qu’elle avait besoin de trouver des mouchoirs pour continuer à respirer. Elle se releva comme elle le put, les mains toujours en l’air, les rinça en les agitant plus fort que nécessaire dans l’eau croupie avant de les ressuyer sur une partie sèche et à peu près propre de sa robe. Elle attrapa son sac duquel elle sorti des lingettes démaquillantes, elle n’avait que ça sous la main, et se moucha et repoussa les cheveux de son visage. Elle prit son temps pour respirer l’air extérieur en essayant de prendre des bouffées de plus en plus grandes. Elle n'imaginait même pas à quoi elle devait ressembler. Elle s’appliqua à replier l’énorme couverture, coin par coin, pliure par pliure en prenant soin de ne pas marcher dessus avec ses chaussures mouillée. Elle s’efforçait de continuer à se concentrer sur sa respiration pendant l’exercice. Une fois la couverture repliée, elle fit le tour des environs des yeux pour vérifier qu’ils avaient bien tout ramassé et qu’ils n’avaient pas laissé de déchets sur les lieux. Elle répétait à l’oral, tout bas, comme s'il s'agissait de secrets pour elle même, des mots d’encouragements. « Je vais bien. Tout va bien. On respire. Tout va bien. » entre chaque respiration qui pouvait menacer de la faire replonger dans un état de larmes. Elle se battait pour détendre ses muscles et rester calme.

A présent certaine que les lieux étaient identiques à ceux qu’ils avaient rencontrés le midi même, le soleil en moins, elle se dirigea sur le chemin menant au parking, la couverture sous le bras et son sac à l’épaule, se concentrant mentalement sur chaque chose qu’elle faisait à l’instant présent.
Tout allait bien. Elle empruntait le chemin pour retourner au parking. Elle marchait vers sa voiture. Elle cherchait la clé de sa voiture. Elle avait trouvé la clé. Elle la fit tourner dans sa main.
Tout allait bien. Elle pouvait respirer. Ses yeux se posèrent sur ses chaussures sales. Elles étaient encore entières. Elle pouvait encore marcher. Il suffirait de les laver.
Tout allait bien. Elle releva les yeux en arrivant au parking.

Tout n’allait pas bien. Elle se remit à pleurer de plus belle en laissant tomber son sac et la couverture. Arthur était là, les cheveux trempés de sueurs. Il s’était relevé de sa position avachie sur la portière de Guenièvre en voyant que cette dernière avait commencé à pleurer en le voyant. Guenièvre était incapable de faire autre chose que de pleurer en restant à l’endroit où elle se trouvait, à quelques mètres d’Arthur.

Elle sentit que, même sans avoir besoin de s'en persuader, elle irait bien. Elle en fût persuadée quand elle sentit plus qu’elle ne vit, à cause des larmes qui occupaient ses yeux, qu’Arthur pour qui le moindre contact physique était une épreuve au quotidien, la prit dans ses bras en la serrant beaucoup trop fort pour un jour d’été, une robe aussi sale et des pieds mouillés.

Notes:

J'ai vaguement lu de loin le titre (et uniquement le titre) d'un article disant (peut-être) que c'était mieux d'écrire quelque chose de nul que de ne rien écrire du tout. C'est bête mais ça m'a donné envie d'écrire la suite des PPP. Je sais pas pourquoi je me prends la tête alors que j'ai jamais prétendu vouloir écrire une œuvre d'art. Les mystères de mon cerveau.

J'aime beaucoup ce chapitre pas drôle. J'aime pas l'été et je trouve que les journées chaudes et ensoleillées sont toujours plus propices à la tristesse que les journées pluvieuses où on peut respirer. Je suis désolée mais pas vraiment non plus, si vous avez déjà lu n'importe quelle autre ff de ma part, que ça soit Kaamelott ou autre parce que vraiment j'écris toujours les mêmes trucs en boucle.

Bref, merci d'avoir lu comme d'habitude !

Prenez soin de vous et buvez de l'eau !

Chapter 14: La boîte de Pandore

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Arthur avait mal aux jambes.

Il n’était pas vraiment assis, mais pas vraiment accroupi non plus. Un espèce d’entre deux, les jambes à moitié étendues sur le goudron encore chaud malgré la nuit tombante. Des petits bouts de cailloux lui rentraient dans les mollets. La couverture à carreaux que Guenièvre avait fait tomber une bonne demie heure auparavant, qui aurait pu facilement résoudre ce désagrément si elle s’était trouvée sous leurs séants respectifs, gisait à quelques centimètres de leur position tout sauf agréable.

Arthur avait mal aux jambes.

C’était une contorsion étrange qui lui demandait à la fois de contracter ses muscles sans non plus qu’il s’agisse d’un exercice physique. C’était frustrant. Tout comme Guenièvre. Tout comme lui-même.

Arthur avait mal aux jambes, mais Guenièvre avait continué de serrer son tshirt, trempé de larmes, de morve et de sueur dans leur descente vers le sol, quand elle n’eut plus eu la force de rester debout, dans les bras endoloris d’Arthur. Il l’avait tellement serrée, ne sachant pas vraiment comme s’y prendre, ni ou placer ses mains. Alors il avait juste serré de toutes ses forces, tentant parfois de bouger la paume de ses mains de manière circulaire dans le dos de Guenièvre. Maintenant, celles-ci soutenaient le maximum de son propre poids pour que le reste de son corps puisse s’extraire du goudron rugueux avec lequel il était en train de fusionner.

Guenièvre devait avoir encore plus mal aux jambes, qui contrairement à celles d’Arthur étaient nues, sa peau en contact direct avec le sol granuleux. Il failli lui proposer de se lever pour pouvoir glisser la couverture précédemment abandonnée en dessous d’eux deux avant de se rasseoir, mais celle-ci émit une énième inspiration saccadée, tentant de reprendre un souffle normal après la crise de larmes très intense qui avait précédé. Alors il ne dit rien, comme l’abruti qu’il avait été, qu’il était encore et sûrement toujours.

Il baissait la tête, la honte méritée le submergeant un peu plus. Il vit la main de Guenièvre agrippée à son t-shirt comme si sa vie en dépendait. Il tourna la tête de l’autre côté, regardant les lampadaires allumés au bout du parking qui n’étaient certainement pas utiles, car même si la nuit tombait, elle ne serait jamais bien noire en ce début de juillet.

Ils n’avaient pas parlé. Ni l’un ni l’autre. De toute cette rencontre moyennement hasardeuse il n’était pour l’instant ressorti aucun mot. Il ne savait pas quoi dire. Il aurait pu s’excuser mais il n’aurait pas vraiment su de quoi. D’avoir été un con, ça oui, mais c’était une constante à laquelle Guenièvre était habituée depuis un certain temps. De n’avoir pas pu la voir plus régulièrement ces derniers temps peut-être. Ce n’était pas vraiment de sa faute s’il avait été pris par le travail et assez fatigué par les conneries plus monumentales qu’à l’accoutumé de son royaume d’abruti. Pas vraiment sa faute non plus s’il n’avait pas été en capacité physique et mentale de s’occuper des états d’âme de Guenièvre l’amoureuse et de son gars l’immense teubé du siècle avec moins de QI qu’une huître. Pas vraiment de sa faute si la simple présence de Guenièvre dans sa boîte crânienne lui donnait de l’urticaire.

Il se retint de soupirer lorsqu’à cette pensée ses doigts ripèrent sur le sol, ses mains voulant former des poings. Il ferma les yeux et les détendit de nouveau, se concentrant sur un rythme de respiration que Guenièvre pourrait suivre à travers la main toujours enroulée sur l’habit qui couvrait son torse.

Oui, bon, peut être qu’en effet Arthur avait ignoré Guenièvre volontairement comme le roi des débiles qu’il était, peut être, mais pour le reconnaître il lui aurait fallu une raison qu’il n’avait pas. Il avait ruminé tout seul, faisant peur à certains passants dont un couple de petits vieux qui s’étaient écartés de deux bons mètres lors de son passage sur le chemin qui menait au lac. Deux heures et quelques de soleil tapant sans chapeau parce qu’il était trop con et trop énervé pour y avoir pensé, tout ça pour être toujours coincé dans sa frustration personnelle. Il n’avait pas compté trouver la voiture de Guenièvre en arrivant. Il était venu sans réfléchir. Ça l’avait pris d’un coup.

Il était dans son lit, en étoile de mer, bien au frais grâce au ventilo en fin de vie qui tournait à plein régime, son PC à l’autre bout du lit qui passait une série sur laquelle il n’arrivait pas à se concentrer, lorsque son téléphone qu’il avait volontairement abandonné à l’autre bout de la pièce s’était mis à vibrer. Il s’était mis assis, avait augmenté le son du PC et rembobiné l’épisode d’une vingtaine de secondes, avant de se rallonger se persuadant qu’il fallait qu’il continue de se concentrer sur autre chose que le maudit engin qui venait de vibrer. Il allait réussir à passer une journée sans constamment être agacé, que son cerveau inapte à la concentration le veuille ou non.

Son téléphone avait vibré une nouvelle fois. Il avait serré la mâchoire, et comprenant qu’il n’arriverait décidément pas à faire autre chose tant qu’il ne l’aurait pas éteint, il s’était levé rageusement pour mettre un terme définitif à toute notification.

Sur son écran s’étaient affichées deux notes. La première l’informait qu’il perdait des places de rang sur son application de sudoku, la seconde le notifiait d’une rétrospective d’instagram « il y a trois ans déjà ... ». La curiosité l’avait emportée et faisant s’appuyer de plus belle ses dents les unes contre les autres, il cliqua sur le lien instagram. L’application l’avait redirigé sur une story de Guenièvre faite quelques années plus tôt, où on la voyait un grand sourire aux lèvres, son contrat de « Super designeuse graphique » à la main et lui même au deuxième plan tentant d’apparaître blasé par la situation et non extrêmement gêné et peut-être un peu fière de la réaction de Guenièvre comme ce fût pourtant le cas à l’époque. Il avait été tagué par cette dernière dans le message super cringe destiné à ses abonnés qui l’accompagnait « Meilleur ami, meilleur diplôme, meilleur vie »

Arthur était un peu nul en graphisme, en mise en page, en ordinateur et à tout ce qui touchait aux arts plastiques ou numériques à vrai dire, mais il avait bravé sa propre honte pour faire écho à la bataille remportée sur la sienne de Guenièvre qui venait de se lancer dans ce boulot en freelance malgré les nombreux découragements de sa mère à cette période. Arthur aurait presque pu parler de fierté, mais en réalité il avait été estomaqué et sincèrement subjugué par le courage et l’envie de Guenièvre de faire ce qui lui plaisait malgré ce qu’il pensait savoir de sa nature. Alors, un soir où celle-ci avait bu -ce qui lui donnait des joues encore plus rouges que d’habitude, il avait parfois eu envie des les toucher pour savoir s’il se serait brûlé la main à leur contact- et qu’elle remettait en doute ce choix très frais à l’époque de carrière et de vie, il avait pris sur lui et avait rédigé ce bête faux-diplôme en comic sans ms qui trônait depuis dans un cadre beaucoup trop luxueux pour la valeur du bien qu’il enfermait, sur le mur adjacent au bureau où travaillait Guenièvre dans son appartement.

A chaque fois qu’il le voyait du coin de l’œil quand il se trouvait affalé sur le canapé chez Guenièvre, en train de l’attendre telle la limace qu’elle était qu’elle finisse de se préparer pour l’activité la plus banale du monde ou quand elle le forçait à regarder un nanar de plus qu’elle voulait absolument partager avec lui, il avait un peu honte de n’avoir pas mis plus d’effort dans ce bout de papier. Guenièvre méritait mieux.

En revoyant ce moment partagé trois ans plus tôt, une envie de vomir bien comme il faut l’avait alors pris. Le sol s’était comme dérobé sous ses pieds et il n’avait pas vraiment réfléchi avant de se diriger vers sa porte d’entrée en enfilant ses pompes rageusement sans prendre le temps d’aller éteindre le ventilo dans sa chambre qui devait continuer de tourner dans le vide. Il avait son téléphone à la main qu’il avait serré pendant tout son trajet de grommelage intempestif malgré la sueur poisseuse qui dégoulinait de chaque pore de sa main. Il avait fini par arriver sur ce parking, toujours énervé, le dos trempé de sueur et ses cheveux collant à son front.

Et maintenant il était là, et il savait pas trop bien pourquoi. Il était beaucoup moins énervé, sa colère profonde contre l’univers s’était écoulée en même temps que les larmes de Guenièvre sur son tshirt. La frustration, elle, était toujours là. Mais comme Guenièvre avait repris son souffle en écho à celui que Arthur s’était efforcé de maîtriser pour la guider vers un certain calme, ce dernier se rappelait à présent de respirer grâce aux montées et descentes régulières du torse de Guenièvre sur le sien.

Il aurait pu croire qu’elle s’était endormie mais lorsqu’il bougea sa jambe d’un millimètre car il avait peur d’en perdre l’usage dans ce mélange de douleur du goudron qui l’agressait et la sensation qu’il ne sentait plus certaines parties de sa peau ni de ses muscles, Guenièvre se redressa en douceur, s’éloignant du Tshirt d’Arthur où elle avait laissé sa marque.

Elle se releva totalement, essuyant ses yeux avec un pan de sa robe avant de frapper ses mains sur cette dernière ainsi que sur ses mollets pour enlever la poussière et les cailloux de goudrons s’y étant logés. Elle inspira un bon coup en regardant vers la nuit avant de sourire en tendant la main à l’abruti ébahi d’Arthur qui gisait encore et toujours sur ce sol.

Il la pris, se releva, et d’un accord tacite, ils ne se lâchèrent pas, même une fois les jambes d’Arthur ayant retrouvé des sensations plus habituelles, les fourmis défilant dans tous les atomes de ses mollets.

Les doigts de Guenièvre glissaient sur la main d’Arthur, ses yeux rivés sur celle-ci, l’observant comme s’il s’agissait d’un être vivant à part entière qu’elle découvrait pour la première fois. Arthur lui, observait Guenièvre comme l'apparition de sa sentence funeste.

« Merci d’être venu » dit-elle, sa deuxième main venant englober celle d’Arthur que Guenièvre tenait déjà.

Elle l’avait regardé à ces mots, son visage et ses yeux rouges des larmes qui y avaient produites. La respiration d’Arthur resta coincée dans sa gorge et il détourna le regard.

Les mains de Guenièvre finirent par lâcher celle d’Arthur qui restait suspendue en l’air quelques secondes de trop avant qu’il la fasse disparaître dans une poche de son bermuda.

« Je n’ai pas trop envie d’être désolée, parce que je ne sais pas ce que j’ai fait pour que tu m’ignores » dit-elle, ramassant la couverture et le reste des affaires qu’elle avait portées précédemment qui gisaient au sol.

« Mais si tu pouvais m’en parler parce que je crois que je n’aime pas trop ça, quand tu ne me parles pas » enchaîna-t-elle en se retournant vers lui.

Il était immobile. Il ne savait pas quoi dire. Ses cellules tremblaient de l’intérieur. Elle se dirigea vers sa voiture, y déposa ses affaires dans le coffre, tandis qu’Arthur contemplait sa propre débilité dans le néant de la nuit étoilée. Il aurait préféré qu’il pleuve, qu’il y ait de l’orage, qu’il y ait ne serait-ce qu’une brise d'été qui le sorte physiquement de son mutisme.

Il lui avait fait mal. Il avait cassé quelque chose dans leur relation, il le sentait. Il était terrifié, son corps refusait de bouger, son esprit s’embrumait de culpabilité et de la couardise qui le consommait.

C’est alors, qu’une fois de plus, la voix de Guenièvre le ranima.

« Allez, monte ! Je te ramène pendant que tu réfléchis au sens de la vie » rigola-t’elle ouvrant sa propre portière.

La porte claqua avant qu’elle puisse mettre un pied dans l’appareil. Elle sursauta .

« Je » exhala-t-il, sans trop savoir où il allait. Il reprit sa respiration, sa main sur la portière se crispa, essayant de se rattacher à quelque chose de matériel. Alors dans un élan de la pointe de courage qu’il aurait dû démontrer avant de se comporter comme l’empereur de la trouille monumentale qui avait blessé Guenièvre, il inspira de nouveau et s’obligea à fixer les yeux qui avaient trop pleurés se trouvant devant lui.

« Je suis désolé » dit-il, avec toute la sincérité que son âme possédait.

Les lèvres de Guenièvre se levèrent doucement pour aller rejoindre le creux de ses joues et Arthur eu du mal à continuer, mais il le devait.

« Je n’aurais pas dû t’ignorer. Je suis désolé. »

Le sourire de Guenièvre était toujours là, patient, réparateur et accablant. Il lui était si facile de le faire apparaître avec ces quelques mots et il l’en avait privée pendant des semaines. Alors, sans réfléchir, car de toute manière, ça ne lui avait jamais trop réussi, il lui donna l’explication la plus simple qui lui venue.

« Je crois que je suis jaloux »

Notes:

Bon-jour !
J'ai mangé un paquet de 3D goût cacahuète. J'aurai pas dû punaise.
A dans un an (lol) peut-être !
Tchuss et merci (encore) d'avoir lu !