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Language:
Français
Stats:
Published:
2022-09-21
Completed:
2023-01-29
Words:
16,027
Chapters:
3/3
Comments:
14
Kudos:
77
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10
Hits:
1,306

Imbroglio Horizontal

Summary:

Voldemort avait suffisamment de recul et de lucidité pour percevoir que parmi toutes les idées à la con qui avaient jalonné son existence, celle-là était
Vraiment
La pire.

Notes:

Je pense sincèrement que je n'ai jamais rien écrit d'aussi con haha. Vous êtes prévenus, c'est sans aucun doute la fanfiction la plus débile qui ait jailli de mon pauvre cerveau. Rien de ce qui suit n'est sérieux: il ne s'agit que d'un piètre divertissement.

Cette courte fanfiction est supposée être un "three-shot" (pas encore sûre de continuer) provoqué par un Bingo Tomarry. Ceci rempli le premier prompt : Harry et Tom/Voldemort sont répartis à Poufsouffle.

Je réitère que c'est complètement absurde. Le but est juste d'être divertissant. J'avais besoin d'écrire quelque chose de léger parce que je galère sur un chapitre drama/angst/dépression HAHAH

Chapter 1: Voldemort

Chapter Text

 

Il en avait eu, des idées à la con, dans sa longue vie. Voldemort supposait que c'était un peu le cas de tout le monde. Impossible qu'il existât un être capable de n'avoir que des idées brillantes. Parce que si ça avait été possible, ça aurait forcément été son cas.

Il n'était pas un génie et le plus grand sorcier de tous les temps pour rien. Et même si son intellect ne pouvait généralement être décrit que par des qualités, il n'en restait pas moins (plus ou moins, il devait le reconnaître) humain. Mais il avait suffisamment de recul et de lucidité pour percevoir que parmi toutes les idées à la con qui avaient jalonné son existence, celle-là était

Vraiment

La pire.

Elle lui était venue un jour tout à fait banal. Il faisait les cent pas dans la chambre qu'il occupait dans le manoir Malfoy, frustré de ne pas avoir encore mis la main sur Potter. Le garçon s'était tout simplement volatilisé. Elle gonflait dans sa poitrine, sa frustration, et il avait fini par se dire qu'il ferait mieux de ne pas la garder simplement pour lui. Il s'était alors figuré que persécuter Drago serait la solution à tous ses problèmes. Il avait d'abord écarté cette envie avant de l'examiner avec plus d'attention. Non seulement il pouvait entreprendre de terrifier le fils de son hôte mais, en plus, il pouvait en profiter pour en apprendre plus sur la vie de Potter. Peut-être y trouverait-il des informations qui lui permettraient de le localiser.

Et bon sang, c'était plus que des informations, qu'il avait trouvé dans la caboche à moitié vide de Drago. Il avait été témoin d'événement qui, s'ils étaient banals dans la tête de sa victime, de simple souvenirs d'écoliers, prenaient une tournure complètement folle, complètement insensée, une fois confrontés aux siens. Quelque chose de si complètement ahurissant qu'il s'était demandé s'il ne s'agissait pas là d'une manigance de Dumbledore.

Mais il était mort et même pour lui, un plan aussi – dérangé, c'était impossible. Mais les faits étaient là et ils expliquaient la raison pour laquelle Potter était absolument introuvable. C'était qu'il ne se trouvait tout simplement plus en Grand-Bretagne. Ou plutôt si, mais plus maintenant.

Il avait vu dans l'esprit de Drago Harry Potter tel qu'il ne l'avait jamais vu (parce que Potter était plutôt terrifié en croisant sa route, ce qui était tout à fait compréhensible et pardonnable). Furibond, arrogant voire parfois carrément impertinent, toute une palette de visages qui avaient brutalement fait ressurgir des souvenirs auxquels Voldemort n'avait plus pensé depuis des décennies.

Parce que Potter terrifié, il n'avait jamais vu ça de sa vie avant qu'il n'attache le gosse à la tombe de son père.

Potter en colère, par contre, il y avait eu droit pendant environ trois mois, alors qu'il avait dix-huit ans, et qu'un adolescent débarqué de nulle part et réparti à Poufsouffle n'avait de cesse de le fixer comme s'il était l'incarnation du mal.

Il avait consulté ses souvenirs et reconsulté ses souvenirs. Et il ne voyait qu'une seule possibilité. Potter était en ce moment même dans le passé, en train de lui jeter des regards assassins. Peut-être espérait-il l'arrêter avant même qu'il ne commette son premier crime ? (Vaine entreprise de la part du survivant, il avait déjà commis un certain nombre de crime à ce moment-là).

En tout cas, ce qui était encore plus troublant que cette idée idiote, c'était qu'il était absolument persuadé que Potter était, dans le passé, accompagné de Drago Malfoy. Parce qu'il avait aussi le vague souvenir d'un élève blond, également réparti à Poufsouffle, discret qui se dérobait à son regard en permanence. Ce qui était impossible puisque Drago se trouvait présentement dans sa propre chambre.

Probablement en train d'écrire dans son journal intime.

Cela ne laissait qu'une seule hypothèse. Il envoyait d'une façon ou d'une autre Malfoy dans le passé pour régler son compte à Potter.

Problème : jamais il n'enverrait Malfoy dans le passé pour qu'il se débarrasse de Potter. Alors oui, bien sûr, il lui avait donné pour mission d'assassiner Dumbledore, mais ça avait été un jeu. Une façon de le tourmenter et de le persuader qu'il était sur le point de se faire assassiner en même temps que sa famille.

Les week-end étaient longs pour Voldemort, il devait bien trouver une façon de se divertir.

Bref, connaissant plutôt bien le gamin en question, nul doute que Drago irait se planquer aux Maldives et qu'il se laverait les mains de toute cette histoire. Impossible donc, que Voldemort ne confie quelque chose d'aussi capital à ce crétin –

Et, la voilà. Brillante, toute puissante et séduisante.

La pire idée de sa vie.

Elle se résumait très facilement. Tondre le crâne de Malfoy, prendre tous ses cheveux, fabriquer une quantité déraisonnable de polynectar et aller lui-même dans le passé tuer Potter alors que ce dernier essayait de tuer – une version de lui plus jeune. Enfin, Voldemort supposait que c'était le plan de Potter. En réalité, le garçon ne lui avait jamais adressé la parole. Leurs interactions se limitaient à des regards furibonds de la part de Potter et une inquiétude de plus en plus troublante pour lui.

C'était un plan génial. Jamais Potter ne se douterait qu'il ait daigné se faire passer pour Malfoy. Il devait admettre que ce n'était pas un projet plaisant. En fait, le qualificatif de « répugnant » convenait bien mieux à ce qu'il s'apprêtait à faire. Mais aux grands maux, les grands remèdes.


Grossière erreur, donc, que d'avoir mis ce plan en branle.

Parce qu'il se trouvait désormais depuis deux semaines, attablé à la table des Poufsouffles, avec Harry Potter. Pourquoi le garçon n'était-il pas déjà mort ? Excellente question.

Question à laquelle, d'ailleurs il était incapable de répondre. Harry Potter et Lord Voldemort à Poufsouffle. C'était risible. Il était content que cette farce se déroule alors qu'il portait le visage de Drago Malfoy. Personne ne saurait jamais que c'était lui.

Bref. Il s'était pointé dans le château en prétextant une histoire complètement absurde. Plus absurde encore, Dippet avait simplement hoché de la tête, air contrit en bonus, et l'avait placé sous le Choixpeau. Qui avait évidemment commencé à hurler « Serpentard » avant même qu'il n'ait le temps de formuler la moindre pensée.

Seule ses supplications (encore une fois, heureusement que personne ne l'apprendrait jamais) avaient persuadé ce maudit objet à le répartir dans la maison Poufsouffle.

Une fois les discours complètement chiants de Dippet terminé sur le règlement et toutes ces choses dont Voldemort n'avait pour ainsi dire, rien à foutre, il avait rejoint ses camarades. C'était le soir, quelque chose comme sept heure. Ils étaient tous attablés, enfants et adolescents joyeux en train de manger sans aucune sophistication. C'était au moins l'avantage de la maison Serpentard. Les jeunes avaient des manières. Heureusement, sa cible était visible. Un peu à l'écart, Potter. Oh, il n'avait pas perdu la moindre seconde. Il s'était avancé vers lui avec pour seul but de l'assassiner. Il était à ce point déterminé qu'il n'avait même pas épargné le moindre coup d'œil pour la version de lui-même, sensiblement plus jeune, qui se trouvait à l'autre bout de la salle. Il aurait tout le temps de s'auto-reluquer plus tard.

Mais une fois devant Potter, quelque chose de surprenant s'était produit. Au lieu de l'agresser, ce qui aurait été une réaction somme toute normale en voyant débarquer cinquante ans dans le passé Drago Malfoy, il lui avait souri, ravi, et lui avait proposé de s'asseoir à côté de lui.

Comme un idiot, il n'avait pas honte de se qualifier comme tel quand c'était mérité, et parce qu'il était carrément curieux, Voldemort avait obtempéré.

Deuxième idée de merde dans ce plan merdique.

Très vite, il s'était dit en plus que dans sa jeunesse, s'il avait remarqué Potter et « Malfoy », il n'avait jamais été témoin du meurtre de Potter par « Malfoy ». Et Voldemort n'avait aucune envie de modifier le cours du temps. Il considérait que sa vie s'était globalement bien passée. Si on faisait abstraction de son enfance et de son adolescence, bien sûr, mais il était déjà trop tard pour y remédier.

Le deuxième élément véritablement curieux était arrivé quelques minutes après qu'il se soit assis à côté de Potter, donc.

En guise de préambule, avant même de lui demander ce qu'il foutait dans le passé, il avait pointé Tom Riddle du doigt et avait déclaré :

-Est-ce que tu arrives à croire que Voldemort ait pu être un beau gosse pareil ?

Inutile de détailler la façon dont l'estime pour Potter avait subitement grandi et son envie de meurtre marginalement diminuée. Il arrivait évidemment à le croire, puisqu'il s'était mainte fois fait la réflexion qu'il était quand même sacrément chanceux d'avoir écopé d'un visage comme celui-là plutôt que d'avoir pioché dans les gênes maternels.

Gros traumatisme lors de sa visite à Little Hangleton. Mais qu'est-ce qu'une vie sans traumas ? Des pommes-de-terre sans assaisonnement (Voldemort détestait les patates qui avait consisté en 100% de ses repas à l'orphelinat). Bref.

Tout ça pour dire qu'il s'était vite trouvé dans une situation délicate. Qui n'en finissait pas d'empirer.


Parce que oui. Potter le trouvait beau gosse. C'était le cas de littéralement la terre entière. Il n'aurait dû en tirer aucune fierté. C'était la première chose qu'on remarquait (jadis) chez lui (maintenant il devait admettre que c'était plutôt son absence de nez). Dès ses quinze ans, l'ensemble de la population britannique semblait s'être accordée pour se retourner sur son passage, bégayer ou rougir.

Une personne de plus ou de moins, il aurait dû trouver ça d'une banalité affligeante. Il aurait dû se dire que Potter était pathétique et sans originalité.

Mais il y avait quand même quelque chose de plaisant dans l'idée que son pire ennemi le qualifie de canon. Et impossible d'étouffer la flamme de fierté qui s'était emparé de lui en apprenant cette information.

D'ailleurs ça changeait un peu ses plans. Plutôt que de l'assassiner discrètement, il lui révélerait la vérité (c'est-à-dire qu'il n'était en réalité pas Drago Malfoy mais Lord Voldemort en personne) avant de l'occire. Petite vengeance mesquine pour toutes les fois où le garçon lui avait échappé. Juste retour de bâton et toute autre expression proverbiale allant dans le même sens.

Le problème, c'était qu'il ne l'avait toujours pas fait.

Ça faisait deux semaines qu'il avait débarqué, deux semaines qu'il se tapait des cours d'école alors qu'il était suffisamment compétent pour tous les enseigner, deux semaines qu'il se farcissait Potter.

Et pour quoi ?

Abandonnons cette question car il n'y avait pas de réponse.

Il n'en savait rien.

Ce qui, de fait, n'expliquait pas la raison pour laquelle il se trouvait à l'heure actuelle assis à côté de Potter en cours de potion.

Il se débrouillait comme un pied, d'ailleurs. Est-ce qu'il avait une part de responsabilité dans ce manque cruel de talent et d'attention ? Est-ce que ses attaques incessantes avaient perturbées la scolarité de Potter ? C'était la seule hypothèse qu'il entrevoyait.

Voldemort conclut cette pensée en arrachant la racine de Betampile des mains de Potter avant de se mettre à la couper. S'il le laissait faire ne serait-ce qu'une seule chose, ils pourraient laisser tomber la potion. Le garçon était une catastrophe ambulante. Incompréhensible qu'il soit toujours en vie à plus de dix-sept ans. Une aberration de la nature.

Le garçon était d'ailleurs étonnement conciliant. Il s'attendait à une pluie de reproches mais tout ce dont il écopait en général, c'était d'un air amusé. Quoiqu'un peu condescendant.

-Tu comprends, entama-t-il en essayant de reproduire l'intonation traînante que Drago affectait en permanence : les potions sont un travail de précision qui demandent une concentration extrême.

Potter ne lui répondit que par un sourire amusé, comme s'il trouvait sincèrement distrayant de voir Drago Malfoy lui donner un cours.

C'était peut-être une erreur, d'ailleurs, considéra Voldemort. Il avait conscience que l'héritier Malfoy était relativement compétent mais pas assez pour enseigner aux autres. Bah, pensa-t-il en écrasant des coquilles d'escargot magiques : Potter n'en savait probablement rien.


Ne sachant pas trop quoi faire de lui-même, puisqu'il n'arrivait pas à se résoudre à tuer discrètement Potter, il avait décidé qu'il allait se comporter comme Malfoy. Qui, il n'en doutait pas, aurait passé tout son temps à suivre Potter en essayant de se convaincre de porter le coup fatal.

Amusant comme, au final, leurs situations étaient similaires. Comme quoi, on ne maîtrise jamais aussi bien sa vie qu'on ne le voudrait.

Potter n'accordait aucune importance aux cours. Voldemort avait envie de lui dire qu'il ferait quand même bien d'étudier puisque c'était sa seule chance d'apprendre des informations intéressantes. Et utile. Ce qui allait contre ses propres intérêts puisque les connaissances accumulées seraient probablement mise à profit pour essayer de le mettre hors d'état de nuire.

Mais Voldemort aimait les défis. Et Harry Potter, à l'heure actuelle, n'en représentait aucun.

-On ferait mieux d'aller en cours, déclara-t-il alors que le garçon, plaqué contre un mur d'une façon assez peu discrète, épiait un couloir.

Il fit un geste impatient de la main. Manière de lui faire comprendre qu'il devait se la coincer, il imaginait.

Magnanime, il décida de lâcher l'affaire et s'appuya lui aussi contre le mur. D'une façon évidemment tout à fait ennuyée et sophistiquée.

Tom Riddle passa. Il lisait en marchant et chacun de ses pas étaient emprunts d'une passion et d'une énergie que Voldemort ne pouvait qu'approuver. Il ne remarqua évidemment pas les deux adolescents qui, collés contre un mur, le regardaient passer.

Il disparût.

Potter lâcha un long soupir et se tourna vers lui. Voldemort décida que c'en était trop et déclara :

-Tu n'es pas censé…agir ?

Harry lui lança son sourire amusé et très franchement moqueur :

-Agir ? Pour quoi faire ? Je voulais juste mater son cul.


Potter était… fascinant. Inutile d'essayer de nier que ce garçon le perturbait. Il était complètement…insouciant. C'était presque vexant, d'ailleurs, de constater qu'il ne semblait pas accorder la moindre importance au Tom Riddle qui étudiait dans l'école, pas plus qu'à la soudaine présence de Drago Malfoy.

Ce genre de bonds dans le passé, ils étaient rares et très difficiles à faire. Il ne s'étonnait pas d'avoir réussi, lui, parce qu'il était Voldemort.

Mais que Potter ait réussi un tel exploit ? ça tenait du délire. Il lui avait posé la question mais le garçon s'était contenté de lui sourire en haussant des épaules. Il laissait presque entendre qu'il n'en savait rien non plus, qu'il s'était tout simplement réveillé un matin cinquante ans plus tôt. C'était à s'arracher les cheveux.

Et son comportement n'était pas – normal. Il avait ratissé les souvenirs de Drago. Rapidement, d'accord, parce que passer plus de vingt minutes dans un esprit aussi petit c'était une torture, mais Voldemort se targuait d'être plutôt doué en la matière. Et les deux garçons n'avaient strictement aucune sympathie l'un pour l'autre.

Pourquoi diable Potter était-il donc si amical avec lui ? Pourquoi l'attendait-il le matin, pourquoi discutait-il volontiers avec lui ?

La solidarité d'être dans la même galère, peut-être. Mais c'était déroutant.

Et toutes ces interrogations, ces surprises et ces absurdités le rendaient, il devait bien l'admettre, fascinant.

Il ne se l'avouait qu'à moitié mais l'idée de l'assassiner devenait plus incongrue chaque jour. Il y avait trop de mystères à percer derrière cette attitude facile. Et une impression désagréable que le garçon se moquait de lui. Il n'arrivait même pas à envisager de le soumettre à légilimancie. Ça aurait pourtant réglé tous ses problèmes.

Mais quel intérêt. Il est des choses qui ne sont satisfaisantes que lorsqu'elles s'ouvrent d'elle-même. Plier Harry Potter à sa volonté serait un jeu d'enfant mais imaginer avoir enfin de réponses par ce biais le rendait presque nauséeux. Aussi ridicule que ça puisse paraître.


-Tu es vraiment mauvais, déclara platement Voldemort.

Il savait que son expression était naturelle plutôt qu'une expression empruntée à Malfoy. Mais il venait d'écraser (c'était le mot), Harry Potter aux échecs. Troisième partie, troisième victoire et même pas besoin de faire un effort. À croire que le garçon n'en faisait aucun.

-Et tu es bien meilleur que dans mes souvenirs, lui répondit facilement Harry en s'étirant.

Il pencha la tête en arrière ce qui masqua son expression. Une chance, pensa Voldemort parce que ça camouflait aussi la sienne. Est-ce que Drago et Potter avaient réellement joué aux échecs ? Comment le garçon pouvait-il avoir cette information ?

Il ne croyait pas avoir vu Potter et Malfoy jouer ensemble. Mais il avait été trop rapide et avait potentiellement raté des éléments clés. C'était difficile à admettre, même mentalement.

-Je me suis entraîné, se justifia-t-il en rangeant prestement le jeu.

C'était décidé, ils ne s'affronteraient plus jamais. Ce qui n'était pas une mauvaise chose, au vu de la tournure de la conversation. Il n'était pas assez banal pour jouer Drago avec conviction. Et inimaginable pour Voldemort d'être banal ! Il ne l'avait jamais été. Il ignorait presque la signification du mot.

(Également celle de l'expression « mauvaise foi », quel hasard )

Harry se rassit confortablement et pencha la tête sur le côté. Voldemort croisa des mains. Réalisa que Drago Malfoy ne croisait probablement jamais des mains et les plaça sur les accoudoirs.

Merde, c'était tout sauf naturel. Que faisaient les jeunes de leurs mains ? Il tapota ses cheveux.

Oui, Drago était complètement irrationnel avec ses cheveux. Il passa une nouvelle fois ses mains entre les mèches. C'était difficile de ne pas les coiffer d'une façon classique. Chaque matin, devant le miroir, une bataille. Il détestait cette coupe idiote. Mais se coiffer comme il en avait l'habitude… alors qu'une version de lui plus jeune se baladait dans le château, c'était faire appel à la comparaison.

Et Potter ne manquerait pas de le remarquer. Il souffrait cette coupe, cette couleur et ce manque de classe manifeste.

-Tout va bien ? lui demanda justement le garçon.

Voldemort réalisa avec peine qu'il devait se comporter d'une façon très étrange. Il croisa les bras.

-Oui.

-Tu sais Drago, si quelque chose te tracasse, tu peux m'en parler.

Harry se pencha et posa avec une lenteur exagérée sa main sur la cuisse de Voldemort. Qui tressaillit et se releva aussitôt. C'était quoi. Ça. Le survivant n'avait l'air ni surpris, ni outré de sa réaction. En fait, il semblait la trouver très amusante.

Il se moquait de lui.

Rirait bien qui rirait le dernier, décida Voldemort. Il imaginait la tête de Potter alors qu'il lui révélerait tout. Quelle expression aurait-il en réalisant qu'il avait touché la cuisse de Voldemort ? Oh, il avait hâte de la découvrir.


-Drago…

Le « o » était traînant et exagéré. Harry Potter s'ennuyait. Il était allongé et regardait fixement la toiture de son lit à baldaquin. Voldemort faisait ses devoirs. C'était abrutissant de stupidité mais il n'arrivait pas à se résoudre à ne pas rendre les travaux qu'on attendait de lui.

Probablement qu'un psy aurait quelque chose à dire de sa façon d'être.

Enfin, ce serait sans aucun doute la dernière chose qu'un psy investiguerait s'il devait passer sur le grill métaphorique d'une consultation. Les meurtres et tutti quanti seraient jugés comme plus intéressants.

-Drago…

Même ton. La plume qu'utilisait Voldemort s'arrêta en plein milieu du mot qu'il écrivait.

-Quoi, répondit-il sèchement.

Harry se redressa :

-T'aurais pas envie d'aller dans la forêt interdite ?

Il glissa un regard circonspect vers la fenêtre. Il faisait nuit noire. Qui pourrait avoir envie d'aller se promener dans la forêt interdite par un temps pareil ?

Tom Riddle, c'était sûr, se lamenta Voldemort. Bien sûr qu'il avait envie de sortir et de parfaire ses connaissances (lacunaires) sur le lieux. Mais il avait conscience que Drago Malfoy préférerait sans doute s'ouvrir les veines à coup de dents plutôt que de vivre pareille aventure.

-Hors de question, répondit-il donc sèchement

Même si cette agressivité ne pouvait être imputée qu'à la tristesse de devoir laisser passer pareille occasion.

Potter, en face de lui, soupira. Le livre et le parchemin qu'il avait pris dans son lit restaient obstinément fermés. Il procrastinait, en fait. Pathétique, pensa Voldemort en se remettant à lire. Il n'avait lui-même aucun plaisir à étudier des sujets qu'il connaissait par cœur et qui lui paraissaient être d'une banalité affligeante. Mais son plaisir, c'était de réaliser qu'il ne pouvait en aucun cas s'auto-détrôner. La version plus jeune de lui-même était le meilleur élève dans toutes les branches. Impossible qu'il lui vole sa place – son alter ego ne s'en remettrait probablement pas. Il devait donc réfléchir pour rendre un travail honnête mais pas excellent. Ce qui était un défi en soi. Mais travailler sur son perfectionnisme, c'était une bonne chose.

En tout cas, il avait décidé de le voir comme tel.

-Tu ne veux pas écrire mon travail à ma place ?

-Non, Potter, répondit sèchement Voldemort.

Le garçon haussa des épaules et sauta littéralement hors du lit. Il adressa un aurevoir bref à celui qu'il pensait être Drago Malfoy et sortit de la pièce. Leurs camarades, endormis, n'avaient pas bougé.

Voldemort n'arrivait pas à croire qu'il laissait si facilement filer la possibilité d'assassiner discrètement son pire ennemi dans un lieu où on ne retrouverait sans doute jamais son corps.


Potter le réveilla le lendemain matin. Heureusement que Voldemort pensait à prendre du polynectar avant de se coucher. Imaginer la réaction de Potter s'il trouvait Voldemort dans le lit de Malfoy, quoiqu'amusante, était surtout périlleuse. Il s'était endormi avant qu'il ne revienne de son escapade mais Potter semblait pourtant tout à fait frais et dispo. Les avantages d'être encore en plein dans l'adolescence.

Ah, la fougue de la jeunesse. Ça faisait longtemps qu'elle avait laissé place à de la lassitude, du côté de Voldemort.

-Il est déjà l'heure ? marmonna-t-il en s'essuyant les yeux.

-Non, mais il y a la sélection pour l'équipe de Quidditch ce matin.

-Et alors ?

Son ton était peut-être un peu trop agressif.

Potter fronça des sourcils :

-Drago, tu adores le Quidditch et tu ne laisserais jamais passer l'occasion d'être dans l'équipe…

Pointe de suspicion. Pointe d'inquiétude. Pic de panique chez Voldemort qui repoussa immédiatement les couvertures de son lit.

-Où donc avais-je la tête ?

Bon dieu, il était ridicule. Il s'habilla en vitesse en se maudissant de ne pas avoir pensé à ce détail. Il détestait le Quidditch. Il avait toujours détesté le Quidditch. Il n'était monté sur des balais que pendant les cours de vol et n'en avait plus jamais retouché après.

De ce qu'il avait pu apprendre des souvenirs de Malfoy, il n'était pas un mauvais joueur. Merde. Il ne ferait pas illusion.

Il ne ferait absolument pas illusion.

Il suivit donc Harry à reculons. Il avait envie de l'interroger sur le déroulement de sa soirée. Comment avait été la forêt ? Y avait-il croisé des créatures intéressantes ? Il n'y était que peu allé, pendant ses études, de peur de se faire attraper. Et après le fiasco de la chambre des secrets, il n'avait plus osé enfreindre le moindre règlement. Mais il se doutait que Drago n'en aurait rien à faire, de cette foutue forêt. Qu'il désapprouverait le comportement du plus jeune à un point tel qu'il n'en ferait jamais mention.

Quel petit con.

Il traversèrent le château puis le parc. Les gradins du terrain devenaient de plus en plus grands. D'aiguilles à gratte-ciel. Voldemort avait bêtement une boule au ventre. Il devait trouver un mensonge qui expliquerait son manque manifeste de talent.

-ça va être amusant de jouer ensemble plutôt que l'un contre l'autre, non ?

-Oui, grinça-t-il, j'ai vraiment hâte.

Ils se trouvèrent bientôt au milieu du terrain. Potter allait se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond dès qu'il toucherait à un balais. Il le remarquerait dès qu'il essayerait d'intimer à ce foutu objet de lui sauter dans la main. Ce qui avait généralement été un échec cuisant.

Potter ne s'arrêta pas au centre comme il l'avait imaginé mais poursuivit sa route. Voldemort comprit qu'il allait dans les vestiaires. Et qu'il le fasse impunément sans rien demander à personne ? Il avait du culot, ce jeune. Et un certain cran.

Il était déjà au courant, bien sûr, mais pouvait l'apprécier maintenant que ce n'était pas dirigé contre lui.

-Potter, cracha-t-il.

C'était trop agressif mais il essayait désespérément de masquer sa gêne. Problème, il n'avait pas encore trouvé d'excuses satisfaisantes et –

Attendez une minute. Attendez une minute.

Il venait d'avoir une idée géniale.

-Qu'est-ce qu'il y a ? lui demanda Potter, curieux.

-Il faut que je t'avoue quelque chose. Volde – Tu-sais-qui m'a puni d'avoir failli à ma mission. Celle de tuer Dumbledore, ajouta-t-il en voyant l'air curieux d'Harry, et… et il a effacé de ma mémoire le Quidditch. Parce que c'était ce que je préférais.

Harry lui sourit. Réaction un peu étrange au vu de la déclaration à haute teneur tragique.

-C'est pas grave, Drago, tout se réapprend ! Et avec ton talent, ça reviendra en un rien de temps.

Il se tourna immédiatement ce qui permit à Voldemort de lever les yeux au ciel et de demander pourquoi Potter ne compatissait pas plus et lui proposait de rentrer au château loin de tous ces crétins d'objets et de ce jeu complètement stupide.

Cinq minutes plus tard, il avait un balais dans la main.

-Je ne comprends pas très bien… déclara Harry : comment ça il t'a retiré tous tes souvenirs de Quidditch ?

-Je ne sais plus comment faire.

Harry lui montra. Evidemment, il échoua lamentablement parce que les balais semblaient s'être tous ligués contre lui. Deuxième essai : échec tout aussi cuisant.

Potter le contourna et vint se placer directement derrière lui. Il plaça une main sur la sienne. Voldemort s'écarta brutalement et se dirigea vers les gradins. Hors de question. Hors de question que Potter commence à le tripoter alors qu'il imaginait tripoter Drago Malfoy.

C'était non seulement trop traumatisant mais en plus révoltant.


Il était… il était très beau, en fait, se dit Voldemort alors qu'il regardait Potter impressionner le capitaine de Poufsouffle avec ses prouesses. Il avait abandonné l'idée de lui « ré-enseigner » à voler quand Voldemort, outré, était allé s'asseoir sur les gradins. Il n'était pas très tenace.

Merde, dernier adjectif qu'il aurait voulu associer au gamin qui lui pourrissait l'existence depuis dix-sept ans. Il effaça cette pensée et promit de faire comme si elle n'avait jamais traversé son auguste esprit.


Potter était affalé sur l'un des canapés. Il portait en guise de pyjama un jogging de très mauvais goût et un pull sur lequel la lettre H était grossièrement tricotée. Une horreur.

La salle commune de Poufsouffle était… chaleureuse. Même Potter l'avait dit. Il avait eu l'air surpris de quelqu'un qui croit que la Maison Gryffondor fait tout mieux que les autres. Gamin stupide. Mais si ses préjudices étaient ridicules, Voldemort ne pouvait que le reconnaître aussi. Cheminées, canapés confortables, larges fenêtres qui donnaient sur le parc et le lac… C'était confortable.

Plus que ne l'était la salle commune de Serpentard.

Mais la différence principale, c'était surtout que les autres élèves étaient… accueillants. Il n'avait jamais été aussi bien reçu. Ils étaient tous (les plus jeunes comme les adolescents supposés être de son âge) prêts à les aider. Contraste saisissant avec son expérience.

Ce n'était certainement pas comme ça qu'on l'avait reçu quand il avait été réparti à Serpentard. Enfin bon, ça faisait plus de cinquante ans qu'il faisait payer cet affront aux descendants de ses anciens camarades. Il n'allait pas encore revenir dessus.

Ils étaient seuls. Les flammes de l'énorme cheminée étaient en train de mourir. Une lente agonie qui refroidissait la pièce. Potter ne lâchait pas des yeux ces derniers frémissements qui se reflétaient sur ses lunettes.

Voldemort détourna prestement le regard. Il ferait mieux de le tuer plutôt que de l'admirer – deux mots et cet idiot serait mort. Il pourrait tranquillement rentrer dans les années 90 et savourer sa victoire. Sa main tressauta.

Ça lui était difficile mais il serait tellement heureux, dans trente secondes, quand il aurait gagné définitivement la guerre et qu'il se serait débarrassé de la seule personne capable d'entraver ses projets.

Il attrapa discrètement le manche de sa baguette. Il l'avait enchantée pour qu'elle ressemble à celle de Malfoy. La couleur blanche lui manquait. Il avait été horrifié, au début, que sa baguette soit à ce point différente de celle de ses camarades. Mais il s'était finalement fait à l'idée qu'il était exceptionnel et que quelqu'un comme lui ne pouvait pas posséder autre chose qu'une baguette d'exception.

Il ne lui manquait plus que cet élan final pour libérer la terre de ce vulgaire gosse et -

-Merci, Drago.

Ce remerciement somme toute tout à fait incongru était affolant notamment parce qu'il venait de briser toutes ses velléités de meurtre. Il y aurait d'autres occasions, se consola-t-il. Voldemort croisa une jambe avec majesté avant de lui répondre :

-Merci pour quoi ?

-J'imagine que tu avais pour mission de m'assassiner ?

Potter avait un sourire en coin. Comme s'ils partageaient une bonne blague. Comme si Lord Voldemort était un idiot d'avoir pu croire que Malfoy agirait vraiment s'il le lui demandait. Le garçon n'avait pas totalement tort. Il n'avait d'ailleurs précisément pas fait confiance à Malfoy pour s'acquitter de cette tâche.

-En effet, répondit-il. Il avait cru cet état de fait une évidence. Il s'était peut-être trompé.

La voix de Drago était insupportable. Il avait hâte de pouvoir quitter ce corps répugnant. (Offense volontaire et assumée) et de récupérer le sien qui, s'il était également répugnant, avait au moins le mérite de lui appartenir.

-Donc, reprit Potter comme s'il était un demeuré : merci de ne pas être passé à l'acte.

Voldemort lui sourit. Il était probablement un peu trop mesquin, ce sourire. Mais Potter sembla ne pas le remarquer. D'ailleurs il enchaîna directement en perdant à nouveau son regard dans les flammes de la cheminée :

-J'étais venu faire la même chose, pour être franc.

-Tu étais venu t'assassiner ?

Un regard assez peu amusé. Qu'il ne connaissait pas de Potter. Bon, il ne connaissait rien de Potter, autant qu'il se fasse à l'idée.

-Non, j'étais venu assassiner Voldemort. Enfin Tom Riddle.

-Tu as une façon un peu particulière de passer à l'acte, répondit Voldemort.

La réplique de Potter quant à son propre fessier venait de retraverser son esprit.

Harry se cala dans son fauteuil. Son expression n'avait pas changée. En fait, elle n'était pas dépourvue, elle non plus, d'un côté assez fourbe. L'impression que ça donnait, c'était que Potter était en train de se moquer de lui.

Assez compréhensible, au final. Lui aussi adorait se moquer de Drago.

-C'est plus facile à dire qu'à faire. Et j'avoue que je préférerais trouver une solution plus… pacifique.

Voldemort lâcha un ricanement sinistre. Une solution pacifique.

-Je me demande, en fait, s'il est capable de…changer.

Ce ne fut pas un ricanement mais un véritable éclat de rire. Changer ? lui ? Quelle notion complètement idiote en plus en sachant que c'était Harry Potter qui suggérait un tel exploit.

-Je suis très sérieux, reprit-il : Tom Riddle n'est pas du tout… comme je me l'imaginais.

-Parce qu'il est, je cite : « beau gosse » ? demanda Voldemort qui riait toujours.

Ça faisait des années, des décennies qu'il n'avait rien entendu d'aussi drôle.

-Non. Il a juste l'air tellement…seul.

Voldemort leva les yeux au ciel. Est-ce que Tom Riddle était seul ? Pas en apparence mais Potter avait raison. Il s'était toujours senti isolé. Mais il n'avait jamais vu ça comme un problème.

-D'un côté, entama-t-il incapable de retenir le besoin de donner à Potter son opinion : j'admire ton idée. C'est très noble. Très courageux et très altruiste. Mais je vais t'expliquer ce qu'il va se passer. Peut-être que Voldemort te trouvera intéressant quelques minutes. Peut-être qu'il daignera te parler. Mais il est tellement obnubilé par ses idées – ses vengeances et ses projets qu'il ne se laissa pas distraire ou corrompre ou je ne sais quoi d'autre.

-C'est amusant que tu l'appelles Voldemort. Avant tu ne disais que tu-sais-qui ou… le seigneur des ténèbres.

Voldemort qui était loin d'avoir terminés sa tirade au moment où Potter l'avait coupé réalisa qu'il avait fait une terrible erreur. Il se figea. C'était dangereux.

-J'essaye de…reprendre le contrôle, essaya-t-il sans conviction.

Potter lui adressa le même sourire et ajouta :

-Et c'est amusant, je ne savais pas que tu connaissais si bien la psychologie de Voldemort.

Potter était peut-être moins demeuré qu'il ne l'avait cru. Il lui adressa un sourire pincé :

-Il vit chez moi, j'ai appris beaucoup de choses.

-Je n'imaginais juste pas qu'il s'épancherait sur ses états d'âme. Et surtout pas devant toi, Drago. Sans offense.

Voldemort hésita à inventer une histoire complètement farfelue. Il pouvait prétendre que Drago était son amant. Mais l'idée était si ignoble et si traumatisante qu'il l'abandonna aussitôt. Il se contenta donc d'hausser des épaules avec fatalité. Potter ne creuserait sans doute pas beaucoup plus loin. Il était loin d'être un garçon particulièrement brillant.

Il supposait que cette conversation était terminée et qu'ils allaient tous les deux rejoindre leur chambre. Mais Potter se redressa soudainement :

-Est-ce que tu veux faire un pari, Drago ?

-à quel sujet ?

-Tom Riddle.

Il n'avait donc pas abandonné l'idée ? Mais quel garçon idiot ! Pensa Voldemort avec agacement.

D'un autre côté, il savait qu'il allait gagner, puisque Potter finissait par ne jamais lui parler. Tout ce qui arrivait s'était, après tout, déjà produit.

Il sourit :

-Marché conclu, Potter.

Il aurait peut-être dû demander les modalités du pari avant d'accepter. Bah, la version de lui-même plus jeune n'accorderait pas la moindre attention à ce crétin échevelé.

-Si, d'ici Noël, Riddle est tombé dans mes filets, je gagne.

Voldemort le regard, abasourdi. C'était encore plus ridicule qu'il ne l'avait imaginé. Il pensait que Potter comptait l'amadouer en lui proposant son amitié. Qu'il puisse essayer de le séduire ? C'était hilarant.

Impossible de retenir son sourire. Il avait gagné d'avance… et il pourrait, d'ici à Noël, dormir sur ses deux oreilles.

Et accessoirement planifier le meurtre qu'il était supposé avoir commis depuis déjà un mois.

Chapter 2: Partie II

Summary:

La situation s'aggrave. On craint pour son existence. On craint pour sa dignité. Une solution est envisagée.

Chapter Text

 

Quelle émotion étrange que la confiance. Quand rien ne la remet en question, elle semble invincible. Mais il suffit du moindre doute, du plus petit questionnement, pour que celle-ci ne fonde pour révéler un squelette donc chaque os n'est qu'angoisse.

En se réveillant, en tout cas, elle était encore délicatement étalée sur lui. C'était rare qu'il se réveille avec un sourire et pourtant, il se redressa comme s'il venait de passer la nuit la plus agréable de sa vie. Voldemort était absolument certain de sa victoire. Cerise sur le gâteau : Potter allait désormais consacrer toute son énergie à ce plan ridicule. Ses facultés d'attention ne seraient plus en mesure de noter tous ses impairs.

Qui étaient d'ailleurs plus nombreux que prévu. Heureusement Potter était manifestement né de la dernière pluie. Quelqu'un d'un peu plus observateur aurait réalisé que quelque chose ne tournait pas rond chez « Drago Malfoy ».

Le sourire qui déformait les lèvres du blond, un rictus peu flatteur, disparût soudainement. Incrédule, il s'arrêta. Son linge au bras, Voldemort s'apprêtait à prendre son habituelle douche matinale. Une vision qu'il ne pouvait qualifier que d'horreur l'attendait dans la salle de bain. Potter était devant le miroir. Il était manifestement en train… d'essayer d'arranger ses cheveux. Des produits divers étaient étalés devant lui.

Un rire escaladait laborieusement sa gorge. C'était sans aucun doute la chose la plus absurde qu'il lui ait été donné de contempler. Potter en train de se faire beau ? Il se retourna prestement mais regretta aussitôt son choix : Drago ne se serait sans doute pas gêné pour faire comprendre à Potter qu'il était ridicule. Il changea à nouveau de direction.

…Il venait de faire un tour sur lui-même. Cette journée ne commençait finalement peut-être pas si bien.

-Tu imagines que ça va t'aider ? demanda-t-il.

Le ton méprisant de sa voix n'était pas mauvais. Potter ne l'avait pas quitté des yeux depuis son entrée dans la pièce. Seule lueur positive dans ce vaste désert d'horreur : il devait simplement se dire que Malfoy était bizarre. Pas Voldemort. Jamais Voldemort.

Il lui sourit.

-Oui, je pense que ça va m'aider.

Et il exsudait de lui une telle confiance, une assurance à ce point inébranlable qu'un doute s'insinua en Voldemort. D'où provenait cette confiance ? Pourquoi Potter était-il persuadé qu'une simple…amélioration dans le domaine capillaire pourrait l'aider ? C'était à n'y rien comprendre…en plus d'être très flippant. À nouveau cette sale impression d'avoir un train de retard.

Il haussa des épaules et se dirigea vers la cabine de douche qu'il préférait. Tout ce qui arrivait s'était de toute façon déjà passé et Potter ne parvenait pas à lui adresser la parole. Même si son attitude était déroutante, il avait la preuve formelle que le garçon ne parviendrait jamais jamais à son but.


Ils rejoignirent ensemble la grande salle. Voldemort constata que la version de lui-même de dix-sept ans était déjà attablée, ce qui n'était pas une surprise. L'assiette vide devant lui témoignait qu'il était arrivé depuis longtemps déjà et qu'il avait terminé de manger. Il ne leur jeta pas le moindre regard, absorbé comme il l'était par la Gazette du Sorcier.

Brave garçon, pensa Voldemort avec affection. C'était qu'il faisait preuve d'une discipline de fer, ce garçon ! Lire ce ramais de conneries le matin, c'était admirable. Il confessait qu'il donnerait beaucoup pour pouvoir s'avancer vers… Tom (puisqu'il portait encore ce nom affreux) et le féliciter chaleureusement.

Conscient qu'il était en train de le fixer, il s'arracha à cette glorieuse contemplation et suivit Harry qui s'était déjà assis à la table des Poufsouffles. Pas la moindre idée de ce qu'il avait foutu dans ses cheveux mais, en tout cas, le résultat n'était pas probant. Il n'y avait pour ainsi dire aucune différence par rapport à la veille. Une perte de temps totale.

Voldemort pourrait lui donner quelques conseils. Il avait perfectionné l'art de se coiffer alors qu'il avait à peine douze ans. Enfin – il n'allait tout de même pas aider Potter dans sa quête, sa dignité souffrait déjà suffisamment.

Le garçon se servit un petit déjeuner copieux qu'il entama avec entrain. Il commenta ensuite le fait que Voldemort - enfin que Drago ne mangeait rien. C'est-à-dire que Voldemort avait l'estomac noué. Jamais un bon signe. Amusant que cette angoisse resurgisse parce qu'il s'imaginait aider Potter avec des sorts cosmétiques. C'était pour ça que faire des horcruxes était une bonne idée : une façon de lutter contre l'imprévisibilité de la vie.

Le garçon haussa simplement des épaules et continua à beurrer ses toast. Grand bien lui fasse. Grand. Bien. Lui. Fasse.

À l'autre bout de la salle, Tom Riddle fermait son journal d'un geste impérieux et se redressait avec la même dignité, le même panache. Personne, à la table, ne lui accordait la moindre attention. Cette constatation vexa profondément Voldemort mais il se consola en pensant au futur. Tous ces gens qui le méprisaient ouvertement seraient bientôt à genoux devant lui. Comme il avait aimé l'écrire dans son journal intime jadis : « rirait bien qui rirait le dernier ».


Le premier cours de la journée était celui de Défense contre les Forces du Mal. C'était l'une des seules périodes pendant laquelle les Poufsouffles étaient mélangés aux Serpentard. Ce qui voulait dire qu'Harry pourrait reluquer sans vergogne Tom Riddle sans pour autant oser lui adresser la parole. C'était risible, vraiment, cette situation. Et elle le titillait méchamment, l'envie de lui dire qu'il ne parviendrait à rien.

Ils attendaient devant la porte : le professeur (un incapable) n'était pas encore arrivé. Les élèves bavardaient entre eux sans qu'aucune animosité ne transparaisse. Le seul avantage d'être à Poufsouffle si Potter s'était fait répartir à Gryffondor, nul doute que l'ambiance aurait été plus explosive.

Il fallait être reconnaissant des petites choses. C'était le seul moyen de survivre à cette terrible situation. Il jeta un regard à la dérobée en direction de lui-même. Appuyé contre un mur, Tom Riddle avait un livre entre les mains (qui l'absorbait complètement) et son badge de préfet en chef brillait un hasard : un rayon de soleil tapait justement sur sa poitrine. (Ou peut-être qu'il s'était placé là consciemment afin d'obtenir ce petit effet chatoyant. Voldemort devait reconnaître qu'il n'hésitait jamais à se mettre en valeur).

Il lui adressa d'ailleurs un regard compatissant. Il n'était pas sorti de l'auberge, ce pauvre jeune homme. Il allait connaître des années très difficiles avant d'accéder à la moindre branche de pouvoir. Une escalade compliquée sur un arbre qui ne désirait que le faire tomber.

Mais il y parviendrait, c'était le principal. Et peu importait si ça impliquait diverses humiliations. Il en sortirait victorieux comme, d'ailleurs, c'était déjà la preuve. Potter ne se doutait de rien et il était complètement à sa merci. Amusant que cette merci, justement, retienne actuellement sa main. Il était décidemment trop bon.

Potter se plaça soudainement devant lui, interrompant sa contemplation. Il lui lança un regard entendu puis, sans attendre qu'il ne réagisse à cette soudaine irruption, lui tourna le dos et s'avança vers le Serpentard. Il s'appuya devant lui contre le même mûr, la nonchalance incarnée. Son double leva la tête, suspicieux. C'était ridicule et l'antithèse du moindre charme, inutile d'imaginer ce que Potter s'était dit, il n'avait pas envie de plonger dans le néant de ses pensées.

Il était trop loin pour entendre la conversation. Mais Voldemort faillit lâcher sa baguette en le voyant sourire. La version de lui-même de dix-sept ans venait de sourire à Potter.

Surprenant. Inquiétant. Monstrueux. Très surprenant parce que Tom Riddle n'avait jamais dispensé ses sourires à qui-mieux-mieux. Très inquiétant parce qu'il ne se rappelait pas avoir eu la moindre conversation avec Potter. C'était théoriquement impossible. Le passé s'était déjà produit et il devrait fatalement avoir le souvenir de cet échange. Ce qui l'amenait sur le très monstrueux : parce que peut-être, pour une raison qui le dépassait totalement, que Potter avait le moyen de réécrire l'histoire. Si c'était le cas, il était sur le point de disparaître. Pas que Potter puisse avoir une telle influence sur sa vie avec une seule conversation mais purement théoriquement, il n'existait déjà plus…

La surprise lui coupa le souffle, l'horreur lui entrava la gorge et –

Rien ne se produisit.

Il ne se dissolut pas devant ses camarades. Il réalisa qu'il était toujours bien en vie, bien là, sous les traits de Drago et qu'il se tenait le cœur d'une façon dramatique. Personne n'avait remarqué. Parfait.

Mais son existence restait au moins aussi alarmante qu'un inopiné trépas.

Interroger Potter et s'en débarrasser venait de (re)devenir sa priorité. Il allait l'attraper par sa robe pour le traîner dans un coin discret et en finir lorsque leur professeur apparût soudainement. Il ouvrit la porte d'un geste théâtral et Voldemort pénétra dans la salle l'estomac glacé d'horreur. Il avait souri à Potter. Il n'était pas de ces gens naïfs qui se croyaient supérieur (enfin, il savait garder une certaine mesure). C'était bien lui qui avait souri. Cinquante ans plus tôt, certes, mais lui quand même. Machinalement, il s'assit à sa place habituelle. Potter devrait venir le rejoindre ils s'asseyaient toujours l'un à côté de l'autre. Il pourrait potentiellement lui tirer les vers du nez ou abandonner son dégoût originel et le soumettre à la légilimancie.

-C'est libre ?

Il se retourna brusquement. Un geste peut-être un peu trop dramatique.. mais bingo. Potter était devant le banc où s'asseyait… où il s'asseyait. Et Tom Riddle poussa simplement ses affaires.

Non, pensa Voldemort. Non. Non.

Impossible. Qu'est-ce qu'il est en train de faire ? Cette question ne concernait pas Potter qui était bien libre de faire ce qu'il voulait. Cette question concernait la version adolescente de lui-même qui ne semblait absolument pas déconcertée à l'idée voir Potter s'asseoir à côté de lui. Potter qui ne perdit pas une seconde pour lui chuchoter quelque à l'oreille.

Et quelle que soit cette déclaration idiote, Tom rit.

Voldemort s'arracha à cette contemplation. C'était trop horrible. Et Potter lui avait lancé un regard clairement moqueur. Il semblait… absolument persuadé que… charmer Tom Riddle serait un jeu d'enfant.

Il serait peut-être bien qu'il réfléchisse sérieusement à la situation plutôt que de partir du principe qu'il avait raison. C'était un exercice difficile car il avait généralement toujours raison. Mais bon. S'il devait avoir tort une fois dans sa vie, il serait sans doute mieux que cela ne concerne pas…quelle que soit la chose en train de se passer derrière lui.

Il se mit donc à réfléchir à son adolescence. Des groupes furent formé et il se trouva bientôt opposé à une jeune fille qui ne se débrouillait pas si mal. Mais impossible d'ignorer le duel qui se déroulait au fond de la classe. Potter et lui-même semblaient jubiler. Des sorts de plus en plus complexes s'échappaient de leur baguette.

Au point où, comme tous les autres gosses de la classe, lui et la fille interrompirent leur exercice pour les observer.

Quel spectacle. Il pouvait l'admettre. Potter était bon. Pas meilleur que lui à dix-sept ans, mais suffisamment pour être un challenge. Oh et il était en train de jubiler. C'était évident dans ses mouvements et l'éclat de ses yeux.

Merde.

Il ne se souvenait définitivement pas de ce moment-là non plus.


Potter ne mangea pas avec lui, ni avec leurs camarades de Poufsouffle, le soir. Et Tom Riddle était absent de la table des Serpentards.

Voldemort avait eu l'intention de repousser l'introspection à un futur prochain (c'est-à-dire jamais, pourquoi s'emmerder quand on peut ne pas se remettre en question). Mais en réalisant que Potter était en train de manger (dieu savait où) avec lui… Il était évident qu'il ne pouvait pas se permettre de repousser l'échéance.

Le problème, c'est qu'il savait parfaitement quel serait le fruit de son introspection. Il se leurrait en prétendant qu'il avait besoin de longues heures de réflexion pour entrevoir ce qui était en train d'arriver.

La vérité, l'horrible, l'abominable vérité… c'était que Tom Riddle malgré ses défauts, ses ambitions démesurées et sa propension à se prétendre au-dessus des autres, avait surtout… toujours espéré que quelqu'un le verrait.

Pas tel qu'il se présentait, oh non. Pas en tant qu'élève studieux et parfait. Ni, comme Dumbledore le croyait, comme un sociopathe dépourvu de la moindre empathie. Parce qu'il n'était ni l'un ni l'autre. Qu'on ait pu le croire totalement bon était aussi ridicule qu'on ait pu le croire totalement mauvais.

Il était en colère et répugné par la façon dont il était traité. Il éprouvait une véritable haine envers ses camarades qui le traitaient comme un moins que rien à cause de son sang … mais éprouvait une rancœur peut-être encore plus forte contre tous ceux qui ne voyaient en lui qu'un parfait petit sang-de-bourbe.

Et Voldemort craignait que Potter saurait – que Potter saurait comment lui parler. Comment lui faire comprendre qu'il le voyait comme un être humain complexe et pas simplement comme quelqu'un de si insignifiant qu'il n'avait pas de personnalité. Hypothèse dérangeante parce que selon toute logique, Potter devrait avoir la même opinion de lui que Dumbledore. Et pourtant il lui parlait comme s'il était normal – comme s'il n'était pas l'assassin de ses parents.

C'était extrêmement dangereux. Il le voyait clairement maintenant – alors qu'il avait absolument refusé d'entrevoir cette possibilité la veille. Il y avait un risque… que Potter parvienne à le persuader que la vengeance complexe qu'il préparait ne servait à rien.

Ce qui mettait sa propre existence, à lui Voldemort, en danger.


Cette pensée l'obséda pendant de longues minutes. À un point tel que sa respiration lui sembla soudainement très difficile. Comme si le destin était déjà en train de le répandre en atomes. Moins, en fait, puisqu'il n'était tout simplement pas censé exister. Il disparaissait et il ne resterait plus rien de lui que l'uniforme seconde-main de Poufsouffle et – fausse alerte, il se trompait complètement. C'était son angoisse qui lui donnait cette impression, pas la réalité. Il respirait parfaitement bien, merci pour lui et ce n'était pas une conversation et apparemment une soirée avec Potter qui allait complètement le changer.

Il restait toujours l'épineux problème… le fait qu'il ne se souvienne pas de ces interactions. La seule explication plausible était qu'elles avaient bel et bien eu lieu. Et qu'il ne s'en rappelait pas.

Et la solution lui apparût. Il était un crétin, tout de même. S'il y avait bien une personne, dans ce foutu château, capable d'intercepter Tom Riddle et de lui lancer un « oubliette » bien senti, c'était lui. Et potentiellement Dumbledore mais cette idée n'était pas autorisée à pénétrer son cerveau.

Les événements prirent un tout autre sens. Un sens inquiétant parce qu'il ne comprenait pas pourquoi il avait décidé de s'effacer la mémoire. Mais c'était une solution qui n'impliquait pas sa disparition. Ce dont il était tout simplement ravi. Rien de pire que la menace d'un démembrement à l'échelle cellulaire pour réaliser qu'on tient à son existence.

Voldemort supposait que le moment où il devrait effacer la mémoire de son double lui semblerait évident. Il allait soit attendre un moment particulièrement important ou attendre que la situation ne dégénère. Ce qui était toujours possible vu les deux protagonistes de cette connerie. Harry Potter et Tom Riddle. Plutôt que se demander ce qu'il pouvait mal se passer, il ferait mieux de se demander ce qui pouvait bien se passer.


Et la réponse était : « rien ». Quant à la raison pour laquelle il avait décidé de trafiquer ses propres souvenirs, elle commençait à devenir évidente. Parce que plus les jours passaient, plus la situation sortait complètement de ce qui pouvait être admis comme plausible pour entrer dans le cauchemardesque.

Le garçon et Tom Riddle semblaient vraiment avoir trouvé l'un dans l'autre un ami parfait. C'était à vomir. À s'inoculer du désinfectant par intraveineuse. Voldemort n'avait jamais eu d'amis. Il ne s'était jamais dit que c'était une bonne idée et d'ailleurs avait toujours refusé qu'on essaye de se lier à lui. Qu'Harry Potter y parvienne sans le moindre effort…

Ça voulait largement dire que Voldemort était un peu moins fier qu'il ne l'avait auto-supposé jusqu'à présent. Le pire, c'était qu'il parlait d'amitié pour ne pas heurter sa propre sensibilité. Nul doute qu'un observateur innocent utiliserait un autre terme. Un terme ressemblant salement à – il n'allait même pas le penser. La seule chose certaine, c'était que ces deux-là étaient parfaitement heureux de passer du temps ensemble.

À un point tel qu'Harry le délaissait complètement. Ce qu'il n'aurait jamais cru possible, après tout on ne pouvait décemment pas le délaisser, il était plus brillant, plus drôle et plus astucieux que n'importe qui d'autre !

Problème : son rival était justement lui-même. Et il devait reconnaître que le physique de Tom Riddle était supérieur à celui de Drago Malfoy. Plus inquiétant encore, Potter avait l'air malicieux de quelqu'un qui sait pertinemment qu'il joue un sale tour, en l'ignorant.

Voldemort ne l'accusait pas d'être… comment dire, hypocrite. Quand il les observait ensemble (et, il fallait l'avouer, c'était 99% de son temps libre), il voyait que Potter souriait sincèrement, qu'il était réellement intéressé par peu importe ce qu'une version de dix-sept ans de sa modeste personne pouvait avoir à dire. Les faits étaient là, ils s'entendaient comme larrons en foire.

Cela n'empêchait pas Potter de lui lancer des regard entendus. Des regards clairement provocateurs qui avaient pour but, Voldemort le savait, de lui faire comprendre qu'il était absolument certain de remporter la victoire.

Plus les jours passaient, moins cette victoire paraissait absurde. Et plus elle paraissait probable.


Le lendemain, Voldemort fut une nouvelle fois témoin des bourgeons de cette belle amitié. Quoi de plus beau que des camarades de Maison différentes en train de découvrir à quel point ils sont proches ? De toute beauté. Il aurait presque envie de composer un poème. Ces pensées étaient ironiques.

Parce qu'il était à nouveau seul, attablé à la table des Poufsouffles, alors qu'Harry, qui avait retrouvé Tom Riddle à l'entrée de la grande salle, conversait joyeusement avec lui. C'était à vomir. Que pouvaient-ils bien se dire ? Qu'est-ce qu'il pouvait trouver d'intéressant à Potter ? Son physique ? Laissez-le rire, il n'était pas superficiel à ce point. Les talents du garçon étaient limités. Défense, d'accord, mais ça s'arrêtait là. Potter n'avait rien pour lui à part un physique avantageux et un mauvais caractère. Une impertinence à faire pâlir d'horreur toute figure d'autorité. Un humour – stop.

Ce moins que rien, cet imbécile, cet -

Bon, autant l'admettre : Voldemort ressentait de la jalousie. Pas une jalousie amoureuse qui aurait réellement été problématique au vu de la situation mais une jalousie plus – comment dire. En fait, il était jaloux de ne pas être l'unique bénéficiaire de l'attention de Potter.

Et c'était dangereux. Il suffisait qu'une pensée nouvelle ne traverse le cerveau de son double, quelque chose du genre de « je veux m'enfuir avec Potter » et il serait instantanément réduit à néant. C'était peu probable, en fait il n'était même pas sûr que ça soit possible, mais ça n'empêchait pas que l'idée était très angoissante.

Il lui apparût soudainement qu'il était Tom Riddle en mieux. Sauf le physique. Mais Potter était sûrement… un adolescent mature qui… se foutait royalement des apparences. Peut-être. Il l'espérait. Il allait donc tout naturellement récupérer Potter et ensuite effacer sa mémoire. C'était d'une intelligence rare avec un risque d'échec très faible. Exactement le genre de plan qu'il aimait.

Qu'est-ce que Potter appréciait. Les cours de défense et le Quidditch. Bon, c'était hors de question de réitérer l'humiliation due au Quidditch. Les cours de défense feraient très bien l'affaire puisque c'était, comme par un divin hasard, son sujet favori aussi.

Il se tourna vers Potter dès que celui-ci se fut assis à côté de lui :

-Est-ce que tu veux qu'on fasse un duel ? je pense que je pourrais t'apprendre deux – trois trucs

Sa voix sonnait désespérée même à ses oreilles. Il prit cette implication, en fit métaphoriquement une boule, et la jeta immédiatement dans la poubelle métaphorique qu'il avait installé dans son cerveau.

Harry semblait surpris :

-Tu penses que tu peux m'apprendre des choses que Tom Riddle ne connait pas ?

Oui, avait-il envie d'hurler, il a dix-huit ans, c'est un gamin, je connais des choses dont il n'a jamais entendu parler j'ai –

Mais c'était impossible. Ce serait tout révéler d'une façon prématurée. Et il avait de grandes ambitions à propos de cette révélation. Elle impliquait une mise en scène astucieuse et franchement assez remarquable. Il ravala donc ses pensées et soupira. Il pouvait toujours avouer à Potter qu'il se sentait… abandonné. De toute manière, Harry le trouverait pathétique mais, subtilité importante, il se dirait que c'était Drago, qui était pathétique. Son plan était génial sur toute la ligne. Et quand il pourrait le défaire de cette idée et bien… Et bien il ne resterait que quelques secondes à Potter avant de trépasser.

En d'autres termes, il se trouvait donc dans une situation où il sortirait victorieux quelle que soit l'issue.

-Tu sais, entama-t-il : ce n'est pas très… c'est-à-dire que je n'ai pas d'autres amis.

Voldemort réalisa son erreur au moment où les mots quittèrent sa bouche. Potter et lui ? Amis ? C'était une proposition complètement absurde. Ils n'étaient pas amis – et Harry ne l'était pas non plus avec Drago.

-Je veux dire, je n'ai personne avec qui parler, se corrigea-t-il rapidement.

-Et tu préfères me parler à moi que de ne parler avec personne ?

Potter était la personnification de l'incrédulité. Comme si réellement un tel état de fait ne lui avait tout simplement jamais traversé l'esprit. Et pourtant – pourtant – Voldemort avait quand même la sensation qu'il y avait quelque chose de… moqueur. Mais impossible d'identifier d'où venait cette impression. Cachée dans la hauteur comique de ses sourcils ? la surprise dans ses yeux ? dans l'intonation de sa voix ?

Il ne le savait tout simplement pas. Mais, dans tous les cas, c'était extrêmement désagréable et indigne. Il soupira et haussa des épaules. Ça ne servait à rien d'essayer de raisonner avec des idiots. Tout ce qu'il pouvait faire, c'était finir son petit-déjeuner et vaquer à ses occupations. Ce qu'il fit avec une résolution sincèrement admirable et sans accorder la moindre pensée ni à Potter ni à Tom Riddle qui jetait des regards

Extrêmement peu discrets

À la table des Poufsouffle.

Bon dieu, il n'était pas sorti de l'auberge.


Fugace pensée qui se révéla néanmoins tout à fait vraie pendant les deux semaines qui suivirent. Potter faisait un effort pour venir le trouver… au moins une fois par jour. Il s'asseyait vers lui et lui demandait des nouvelles. C'était embarrassant, malaisant et honnêtement Voldemort s'en voulait presque de s'être plaint.

Le reste de son temps, Potter le passait avec Tom Riddle. Il avait le privilège de les apercevoir ensemble à divers moments de la journée. Ils marchaient ensemble au bord du lac, merde Potter avait même commencé à faire ses devoirs et il passait une bonne partie de ses après-midi dans la bibliothèque à bénéficier de ses connaissances.

Voldemort savait que jusque-là, il les avait jalousement gardées, ses connaissances. Qu'il s'autorise à les dispenser librement, c'était – tout simplement contre-nature. Il aurait dû rire au nez de Potter lorsqu'il lui avait demandé de l'aide.

Ou alors il aurait dû lui transmettre de mauvaises informations. Histoire de l'humilier. Mais non, les notes d'Harry étaient en train de s'améliorer considérablement. Et dire qu'il avait refusé son aide à lui ! C'était injuste et grossier.

En résumé, cette situation était réellement problématique et Voldemort commençait même à se demander s'il n'était pas en danger de voir sous ses yeux se dérouler un terriblement événement. Il n'était pas aveugle. Il voyait que les joues de Tom Riddle prenait parfois une teinte rosée immonde. Il constatait la même couleur chez Harry.

Ils riaient ensemble et partageaient des moments manifestement très agréables.

Ils avaient tout simplement l'air transi.

C'était inacceptable.

Voldemort décida donc d'intervenir. Il ne voyait qu'un seul moyen de le faire : confronter Potter.

D'habitude, il fermait les rideaux de son lit dès qu'il s'y couchait et les enchantait de sorte à ce qu'aucun bruit ne le dérange et qu'aucun bruit ne puisse transparaitre de son côté. Très astucieux comme stratagème. Mais il n'en ferait rien pour la nuit. Il allait s'asseoir, prendre un livre, et attendre la venue de Potter.

Ce qu'il fit avec beaucoup de dignité. Il ignora les bonnes nuits de ses « camarades ». Guillemets nécessaires car il ne ressentait strictement rien pour ces adolescents. Désintérêt total. Ils se couchèrent tous avec une variation d'horaire légère. Ils étaient manifestement des étudiants studieux. Quelle pensée idiote, soupira-t-il. C'était donc à ça qu'il en était réduit ? à réfléchir au comportements sociologiques d'étudiants de dix-sept ans ? C'était risible.

En tout cas, Potter n'en faisait pas partie. Il n'était pas là.

Et, une heure plus tard, il n'était toujours pas là. Inconcevable et de plus en plus inquiétant. Que lui et Tom Riddle décident de vagabonder quelques minutes, d'accord, il pouvait concevoir que des amis puissent vivre ce genre d'aventures et à plus forte raison des amis adolescents. Mais le couvre-feu était largement passé.

Et malgré l'effort de volonté qu'il dédiait à sa propre persuasion qu'il n'y avait strictement rien de suspect, il ne pouvait pas totalement faire taire cette impression, dans le fond de son esprit, qui lui susurrait que ce qu'il se passait entre Potter et Tom Riddle n'avait rien d'amical.

Il attendit et attendit encore. Son horreur ne faisait que croitre de minutes en minutes. Elle était passée, l'heure de l'innocence. L'heure était désormais résolument coupable. Il ne pouvait tout simplement pas le croire. Et que ça soit si facile ? Lui qui s'était toujours senti infiniment supérieur à ses congénères parce qu'il n'avait jamais éprouvé le besoin de se lier (physique ou sentimentalement) à quelqu'un d'autre ?

Apparemment, il suffisait que Potter se pointe pour que tous ses principes volent par la fenêtre.

Il ne pouvait que prendre la décision d'interrompre définitivement ce qui était en train d'arriver. Il allait effacer ces souvenirs honteux de sa propre mémoire (bien qu'indubitablement plus jeune) et tuer Potter. Son plan de base paraissait, en plus, beaucoup moins savoureux. Il n'était plus sûr de l'effet que ça ferait à Potter, d'apprendre qu'il était en réalité Lord Voldemort et non pas Drago Malfoy.

Ce qui était horrible, c'était qu'il avait réellement l'impression d'être à nouveau en train de perdre. Alors qu'il était précisément venu pour mettre un terme à ce conflit idiot et revenir victorieux de cette petite incursion.

Trois heures venaient de sonner quand Harry Potter pénétra dans la chambre. Voldemort avait essayé de s'occuper en l'attendant. Mais lire était impossible : il ne parvenait pas à arracher ses pensées à l'aberration qui se déroulait sous ses yeux. Il avait essayé d'écrire dans un journal. C'était une activité qu'il adorait quand il en avait encore le temps. Impossible d'écrire la moindre phrase. Ou plutôt, impossible de ne pas écrire son ressenti sur la situation. Et plutôt mourir que de coucher sur papier le contenu de ses pensées.

Il s'était ensuite dit qu'il pouvait dessiner. Se rappela pourquoi il ne s'était jamais investi dans ce passe-temps pour lequel il n'avait aucun talent en contemplant un serpent qui ressemblait plus à un ver de terre difforme. Ce qui était un exploit en sachant ce à quoi ressemblaient les vers de terre.

Et finalement, alors qu'il se demandait si dessiner un ver-de-terre donnerait comme résultat un majestueux serpent, Potter se pointa comme une fleur. Il posa brusquement son parchemin et sa plume.

-Pourrais-je avoir le privilège de savoir où tu étais ?

Merde, même à ses oreilles ça sonnait jaloux. Ça n'échappa pas à Potter, qui lui sourit d'une façon éminemment condescendante.

-Oh, on s'est promenés un peu partout.

Voldemort manqua de s'étouffer. Inutile de demander qui se cachaient derrière le « on ». Il ne ferait pas ce plaisir à Potter. Le garçon s'approcha de son lit avant de s'asseoir dans l'un des coins avec un soupire à faire fendre l'âme. Que quelqu'un – non, effaçons cette pensée – que POTTER décide de s'asseoir dans SUR son lit ? Comme s'il s'agissait de n'importe quel vulgaire banc publique ?

Sa main tressauta. Et pourtant il n'attrapa pas sa baguette et n'assassina pas le garçon. Il méritait d'être couronné comme le roi des crétins, à ce stade.

-Je suis au regret de t'annoncer, Drago, que tu vas perdre ton pari. En fait, je pense qu'on peut même dire que tu l'as déjà perdu.

Voldemort eut une nouvelle quinte de toux tout à fait incongrue en sachant qu'il prenait extrêmement soin de son corps.

-Pardon ? hoqueta-t-il, le cœur remplit d'effroi et l'estomac de bile.

-Voldemort, ou plutôt Tom, en fait, difficile de faire le lien, m'a demandé un rendez-vous demain. Je pensais qu'il oserait m'embrasser ce soir mais je suppose que je dois encore patienter jusqu'à demain.

Potter soupira et glissa dans sa direction un regard positivement mauvais.

Sa colonne vertébrale frémit. Ce qui n'était pas une sensation plaisante. C'en était trop, trancha-t-il. Cette farce grotesque prendrait fin le soir même.


Il arrêta son geste à la dernière seconde. Machinalement il avait sortit la fiole qu'il avait sur lui et l'avait portée à ses lèvres. Polynectar pour garder l'apparence de Malfoy. Mais imaginer effacer sa propre mémoire avec l'apparence de cet idiot de gamin, c'était inconcevable. Une insulte à sa propre personne. Non, il se révélerait en tant que Voldemort à Tom Riddle.

Il avait une dizaine de minutes avant que la potion ne fasse plus effet. Heureusement, Harry Potter était endormi dans son lit il avait pris soin de le vérifier en sortant. Potter ne serait pas méfiant de voir que Riddle semblait soudainement moins intéressé par lui (par moins intéressé, Voldemort entendait « complètement indifférent »).

Il n'aurait qu'à divertir l'attention de Potter pendant toute la journée. Ou lui faire croire que si Riddle ne le remarquait pas et évitait ses regards, c'était simplement parce qu'il était timide et que la perspective de leur rendez-vous l'angoissait.

Supposition ridicule mais Potter n'aurait pas d'autre choix que de le croire.

Il marchait dans les couloirs vides, sa baguette à la main. S'introduire dans la salle commune des serpentards serait un jeu d'enfant : il se souvenait encore du mot de passe.

Voldemort ne croisa personne. Pas le moindre fantôme. Les tableaux l'ignoraient. Sa peau se mit à le picoter. Ses jambes et son torse s'allongèrent. Ses mains aussi.

Il lui apparût soudainement que l'uniforme de Poufsouffle ajusté à la carrure de Drago Malfoy serait bientôt trop petit pour son corps d'adulte. D'un geste agacé, il le transforma en robe noire. C'était libérateur d'évoluer à nouveau dans son corps. Comme s'allonger dans un bain chaud après une rude journée – la sensation que tout se trouve exactement à sa place.

Le tableau le laissa passer sans commentaire. Il avait évidemment lancé un sort de dissimulation mais s'était dit que les tableaux en viendraient à bout. Ce n'était pas le cas. Poudlard était, au final, bien moins protégée qu'il ne l'avait cru.

Personne dans la salle commune. Le lac faisait danser des traits de lumière glauque contre les murs. Jamais il n'avait imaginé qu'il gravirait à nouveau ces escaliers. Ni qu'il reverrait les dortoirs dans lesquels il avait grandi. Parce que c'était effectivement ce qu'il avait fait à Poudlard, grandir.

C'était ridicule.

Tom Riddle dormait dans son lit. Aucun sort ne le protégeait. À quoi aurait-il servi ? Il se pensait en sécurité. Qui aurait osé s'en prendre à lui maintenant ? Ses camarades, s'ils n'avaient pour lui ni affection ni intérêt, le respectaient (voire le craignaient) suffisamment pour le laisser vivre.

Il pointa sa baguette. Hésitation ridicule. Une curiosité idiote de savoir ce qu'il adviendrait s'il laissait les choses suivre leurs cours. Mais il ne le pouvait pas. Car tout ce qu'il se passait actuellement s'était déjà produit.

-Oubliette, murmura-t-il, satisfait de reconnaître sa voix plutôt que celle, traînante, de l'héritier Malfoy.

C'était facile. Trop facile de lui effacer ses souvenirs. De ne laisser que ce dont lui-même se rappelait. Les regards courroucés de Potter. Un peu de Drago Malfoy, pour qu'il parvienne aux mêmes conclusions que lui, quelques cinquante ans plus tard.

Et voilà. Silencieusement, subrepticement, c'était fait. La facilité de cette destruction lui sembla terriblement criminelle. Il n'avait même pas donné l'occasion à Riddle d'exprimer ce qu'il voulait. Ces moments secrets avec Potter étaient définitivement détruits. Plus personne ne s'en souvenait, désormais.

…Sauf Potter.

Avec qui Riddle avait un rendez-vous le lendemain. Quelle meilleure occasion pour lui révéler le pot-aux-roses ? C'était d'une délicieuse cruauté. Il n'avait même pas besoin de polynectar. Les sorts de dissimulations étaient son fort depuis toujours. Il pouvait créer une illusion quant à son physique et passer pour son double. Et, alors que Potter imaginerait triompher…

Il dévoilerait la vérité une bonne fois pour toute.

Mais d'abord…

Il pointa une nouvelle fois sa baguette sur la forme endormie : Riddle serait alité pour les prochaines vingt-quatre heures. Hors de question qu'une soudaine apparition ne dérange ses plans.

Chapter 3: Partie III

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Une ombre émergea du dortoir des sixième année. Elle s’arrêta quelques instants en haut des escaliers, une main accrochée à la balustrade. L’attitude royale de quelqu’un qui contemplait son domaine alors qui celui-ci, inconscient, dormait encore. De longs instants rythmés par le craquèlement défunt des bûches, en bas dans la salle commune. Elle s’arracha finalement à son immobilité, cette ombre, et descendit les escaliers à grands pas. Elle slaloma avec aisance le long des meubles, autant d’objets qui auraient été des obstacles si elle avait été moins familière avec la pièce.  

Le portrait qui gardait la salle commune de Serpentard s’ouvrit. Tom Riddle en sortit, la bouche tordue dans une grimace contrariée. Il portait l’uniforme de Serpentard et son visage était en tout point semblable au garçon qui dormait, dans son lit, une dizaine de mètres plus loin.  

Voldemort hésitait. Pour la deuxième fois en moins de cinq minutes. D’un côté, l’envie à peine répressible de traverser le château et d’abattre directement Potter. De l’autre… un besoin étrange de prendre la fuite. Poudlard était toujours endormie. Rien ne semblait pouvoir la réveiller, cette vieille école, ce château noir où, paisibles, des centaine d’enfants dormaient. Il trouvait presque ça émouvant.

Presque étant le mot le plus important de sa pensée.

Après tout, il avait d’autres chats à fouetter que de s’attarder sur une forme idiote de nostalgie.

Se voir endormi, contempler l’étudiant tel qu’il était… avait un peu changé sa perspective.

Tout comme l’amère constatation que Tom Riddle s’est jeté sur l’« amitié » que Potter lui proposait.

Il était bien forcé de reconnaître qu’idéaliser son passé, c’était tout à fait son genre. Il imaginait que s’il pouvait s’observer à l’orphelinat, il ne se trouverait ni tyrannique ni effrayant. Il ne verrait dans son visage d’enfant qu’un gamin terrifié. Terrifié par les autres, terrifié par lui-même, terrifié par le destin qu’il s’imaginait devoir subir. Pas étonnant, donc, que ses grandes théories sur son désintérêt total pour les autres aient eu pour base son imagination.

Décidemment, marcher dans des couloirs sombres ne le mettait pas en gaieté. Et ces considérations ne faisaient que le détourner de son objectif : trouver la façon dont il parviendrait à justifier l’absence de Drago, le lendemain. Imaginer jouer le double rôle le fatiguait d’avance.

Courir d’un bout à l’autre du château, faire en sorte que Potter ne remarque rien… C’était trop complexe. En plus, la probabilité qu’il échoue était assez élevée. Non, trancha-t-il en empruntant un escalier. L’un des deux, soit Malfoy soit Riddle, serait mystérieusement absent.

Son choix se tourna aussitôt sur Drago. Il ne se sentait pas non plus dans son corps en l’ayant métamorphosé pour ressembler à un gamin de seize ans. Mais, au moins, celui-ci lui correspondait. Chacun de ses mouvements faisaient écho à une familiarité ; la longueur de ses doigts, sa taille, la mèche de cheveux qui lui effleurait le front à intervalles réguliers, il se sentait bien, en fait. C’était un peu comme se glisser dans les lits de Poudlard après les vacances. Il retrouvait quelque chose qui lui appartenait.

C’était pour ça que l’idée de devoir l’abandonner à nouveau pour le corps chétif de l’héritier Malfoy lui paraissait tout simplement aberrante.

Il y avait néanmoins un désavantage de taille dans l’idée de garder ce corps là. C’était ridicule et passablement pathétique mais, en fait, il avait du mal à se résoudre à découvrir quelles confidences s’étaient faites Potter et… le lui d’il y avait plus de cinquante ans.

En détruisant ces confidences, il s’était résolu à ne jamais les apprendre. Il y avait des choses qui ne s’obtenaient jamais, pas même par la force. Si Potter venait le trouver, le lendemain, le sourire aux lèvres en mentionnant quelque chose dont il n’avait pas connaissance, il aurait l’impression de commettre un sacrilège encore plus honteux que tous les autres.

Sans parler du fait qu’en restant dans son propre corps (quoique plus jeune) il aurait à se farcir Potter toute la journée. Et ça, c’était peut-être l’argument le plus convaincant au final. Si convaincant que Voldemort sentit la balance pencher nettement d’un côté. Son choix était fait : il allait donc reprendre cette foutue potion pour se métamorphoser en Drago Malfoy.

Ce qui ne retirait rien au plan initial : le calvaire touchait à sa fin. Le soir même, plus personne n’aurait la moindre idées des allées et venues de Potter et Malfoy. Disparus aussi vite qu’ils étaient apparus. Une confusion de quelques semaines avant que l’étreinte de l’oubli ne les fassent disparaitre. Seul persisterait un vague souvenir, un grain de sable bientôt enterré, dans la mémoire de Tom Riddle. Il glisserait dans un recoin de son cerveau où il reposerait pendant des décennies avant de ressurgir tout à fait inopinément.

Oui, Voldemort le pressentait, il prenait les bonnes décisions. Potter trouverait une explication rationnelle à l’absence de Riddle et, quand bien même il n’y parvenait pas, Voldemort se ferait un plaisir manifeste à lui en trouver une. Un geste las : Voldemort fouilla dans sa robe et toucha du bout des doigts le flacon. La tentation était forte de le laisser là où il se trouvait. Pourquoi jouait-t-il à ce jeu idiot ?

Pourquoi donc s’était-il embarqué dans quelque chose d’aussi stupide ? Il pouvait tout arrêter. Remonter dans la tour sans boire l’affreuse potion et en finir une bonne fois pour toute. Il n’était pas habitué à faire preuve de clémence, se l’était d’ailleurs toujours strictement interdite ; mais pourquoi infliger à Potter une telle horreur ? Le garçon l’appréciait, cela méritait une récompense, il avait l’impression de vouloir le punir – mais pour quoi ?

Parce qu’il offrait son amitié à une version plus jeune alors même qu’il la lui refuserait  ? S’agissait-il réellement d’une vulgaire jalousie dont les fondations étaient une charpente d’imbécilité ? Tout portait à croire que oui. C’était honteux et indigne de lui. L’assassiner dans son sommeil lui parût subitement la meilleure chose à faire, il n’en saurait jamais rien. Pas de souffrance, pas de trahison. Il serait juste vivant un instant et mort celui d’après.

Cette résolution le tranquillisa. Il n’était pas obligé de subir une dernière fois le corps de Malfoy. Et, une fois son but accompli, il pourrait se convaincre qu’il avait bien agi. Il s’enjoignit à accélérer pour réduire la distance qui le séparait de la salle commune de Poufsouffle. (Il constata d’ailleurs qu’il avait marché le plus lentement possible, sans doute dans un besoin vain de repousser l’échéance).

Ou alors, c’était peut-être simplement pour profiter d’avoir retrouvé ses longues jambes. Il n’était pas fait pour évoluer dans le corps d’un adolescent de taille moyenne.

Le tableau ne fit aucun commentaire en le voyant arriver. Pourtant, la présence d’un Serpentard et en plus à une heure pareille, lui aurait semblé mériter au moins un regard désapprobateur. Le tableau pivota et il pénétra dans la salle commune des Poufsouffle. Elle était telle qu’il l’avait laissée une heure plus tôt. Les braises étaient mortes. Plus la moindre lumière ne filtrait. Lui qui s’était tant imaginé le moment où il parviendrait enfin à se débarrasser de cet idiot, il ne s’était jamais figuré que ce serait en pleine nuit et sans le moindre apparat.

Lâchement, en fait.

Il savait qu’il ne parviendrait jamais à avouer les circonstances de sa victoire. Il y avait quelque chose de révoltant dans le fait de tuer un adolescent endormi. Et le penser n’arrangeait pas les choses. Il gravit les marches. Ses pas, chargés d’une énergie factice jusque-là, ne l’étaient plus. Il ouvrit la porte et lança un regard circulaire sur la pièce. Allait-il en être capable ? C’était inquiétant qu’il puisse se poser la question. Il ne se l’était jamais posée, cette question, se l’était toujours interdite. Parce que Lord Voldemort était capable de tout, prêt à tout pour parvenir à ses fins.

Doute.

Il s’approcha du lit à baldaquin dont les rideaux étaient tirés. Il n’avait qu’à les ouvrir et prononcer deux mots. Deux mots qui le libèreraient définitivement de Potter. Ça avait été son vœu le plus cher – qu’est-ce qu’il attendait ? Il inspira, brisa la distance qui restait entre le lit et la porte, et tira brusquement le rideau, la baguette levée. Deux mots, deux putains de mot et…

et Potter n’était pas dans son lit.

Etrange, il était sûr qu’il dormait quand il avait quitté le dortoir.

Le plus étrange, peut-être, c’était qu’il se sentait soulagé de ne pas avoir à confronter son choix. Dire que la vessie de Potter venait probablement de lui sauver la vie… Il lança un regard alarmé vers la salle de bain. Pas le moindre bruit ne venait de la pièce. Bizarre, pensa-t-il avant qu’il ne remarque un bout de parchemin. Son alarme enfla : pourquoi diable avait Potter laissé un mot ? Qu’est-ce qui pouvait être suffisamment urgent pour qu’il n’en informe pas Drago et qu’il se fasse la malle en laissant un pauvre bout de papier sur son lit ?

Il ne voyait qu’une seule possibilité : Potter avait peut-être décidé de quitter les années quarante pour rejoindre leur époque d’origine.

C’était vrai qu’il n’y avait jamais réfléchi, crétin qu’il était, mais à modifier le passé… il n’était pas le seul à être en danger.

L’existence de Potter était menacée au même titre que la sienne.

Pourquoi n’y avait-il pas pensé ? Et que penser de l’attitude de Potter ? Lui aussi avait pris des risques – n’avait fait que ça, en fait, et même si Voldemort n’avait pour ainsi dire pas l’estime la plus grande pour ses capacités intellectuelles, il ne le prenait pas non plus pour un benêt qui n’aurait pas réalisé que modifier le passé risquait d’effacer tout simplement sa vie.

En tout cas, ça ne correspondait pas à l’image qu’il avait du garçon. Il possédait un instinct de survie phénoménal, ça au moins, il pouvait le reconnaître. Décidemment…il y avait anguille sous roche.

Il attrapa avec suspicion le parchemin. Quelles que soit les lignes consignées, elles étaient de mauvaise augure. Et à nouveau cette impression d’avoir un train de retard. Comme s’il n’avait jamais eu les cartes en main. Ce qui était absurde. Il était le seul à avoir une connaissance complète de l’époque – parce qu’il avait été là, justement. Contrairement à cet idiot de Potter.

Il déplia le parchemin : l’écriture brouillonne de Potter qui lui donnait rendez-vous à Pré-au-lard. Il n’y avait pas de destinataire. Sûrement qu’il n’avait pas imaginé quelqu’un d’autre que Drago trouver le message. Il le replia, pensif. Intéressant, considéra-t-il. Inutile de boire du polynectar. Il pouvait y aller sous cette forme. Nul doute que le moment des révélations était venu. Son calvaire touchait à sa fin, il avait hâte de pouvoir enfin retrouver son intimité. Mais plus encore que ça, se rattrapa-t-il : hâte de revenir triomphal.

Il lança un dernier regard sur la chambre et ses couleurs jaunes et noir. L’un des gosse ronflait. Bon sang, il n’avait jamais été doué pour partager. Sa chambre encore moins que le reste. Un miracle qu’il ne laisse pas une traînée de meurtre dans son sillage.

Sans un bruit, il quitta le dortoir puis descendit les escaliers. Il passa silencieusement au travers du tableau et atteignit finalement les couloirs du château. L’aube allait poindre : les couleurs des vitraux prenaient à peine vie. Dehors, les premiers chants des oiseaux. Il comptait que toute cette foutue histoire soit terminée avant les premiers rayons du soleil. Il inspira profondément, odeur de pierre humide et de la cire des bougies. Il l’aimait, cette odeur. Réconfort de savoir qu’après sa victoire, plus personne ne serait en mesure de se tenir entre lui et Poudlard.

Et si gouverner le monde sorcier se révélait trop pénible, il pourrait toujours s’auto-nommer Professeur de Défense contre les forces du mal.  

Une fois dans le hall, celui qui menait directement à  la grande salle, il hésita. Il pouvait très bien emprunter l’un des passages secrets… mais à quoi bon ? Il n’y avait rien d’étrange dans Tom Riddle décidant de faire une promenade matinale. Décidé à faire les choses en bonne et due forme, il  traversa la cour, dépassa l’annexe et arriva finalement sur le pont. La lune miroitait encore dans le lac ; l’eau ondulait à peine : le calamar devait lui aussi être endormi. C’était le moment qu’il préférait dans une journée : quand il lui semblait être seul au monde.  

Il quitta ainsi le château moins heureux et surtout moins triomphal qu’il ne l’avait escompté. La colline qui séparait l’école du village, vaincue par ses pas rapides. Les maisons, noires, se dessinèrent bientôt sur le ciel nuageux. Potter n’avait pas précisé le lieux - ça n’avait pas d’importance. Voldemort était assez certain qu’ils parviendraient à se trouver. La faible lumière du ciel et des lampadaires. Inconfortable si la confrontation avait lieu au beau milieu des habitations. Surtout qu’il n’avait eu vent de rien dans le passé. Si un affrontement avait bel et bien eu lieu au milieu de la nuit, Tom Riddle de dix-sept ans l’aurait fatalement appris.

-Tom ?

Une voix dans son dos qui marquait la surprise.

Il se retourna lentement. Potter était assis sur un muret, délimitation sommaire entre les champs et la route. Il était sûr qu’il ne s’était pas trouvé là la seconde précédente. Il ne répondit rien, parce qu’il ne savait pas vraiment quoi dire. Une première. Il ne s’était jamais trop embarrassé des formalités, surtout lorsqu’il avait pour but de mettre un terme à l’existence de son interlocuteur.  

Etonnant, donc, que sa main soit toujours le long de son corps.

Et il y avait quelque chose d’étrange à propos de Potter – quelque chose de profondément factice. Oui, reconsidéra-t-il : la surprise qu’il manifestait était feinte. Sa pose, son intonation, ses sourcils… tout était trop exagéré pour être sincère.

Et, surtout, il manquait de la méfiance. Émotion qu’Harry aurait forcément ressentie s’il avait été sincèrement surpris de voir Tom Riddle vagabonder sur cette route. Voldemort attrapa sa baguette plus par réflexe de défense que par réelle envie d’attaquer.

Le garçon était toujours silencieux. Il se sentait carrément penaud, vague souvenir d’avoir ressenti ça à l’orphelinat pour la dernière fois. Ou alors à Poudlard. Il s’était rarement fait surprendre à un endroit où il n’était pas supposé se trouver mais il avait ressenti le même embarras.

-Bonsoir Harry, répondit-il finalement.

L’odeur des champs humides, la morsure de l’air froid. Le premier rayon de soleil transperçait l’horizon et s’écrasait le long de la colline. Lui qui pensait que tout serait terminé avant le lever du jour… Il avait perdu son pari. Ce n’était pas grave, il pouvait décaler son dessein de quelques secondes. Le garçon n’existerait bientôt plus. Savourait-il le parfum de l’air ? Probable que non, il n’avait aucune raison d’être méfiant et d’ailleurs sa présence n’était sûrement pas malvenue.

-Qu’est-ce que tu fais ici ?

Sa question semblait sincère mais Voldemort n’en était pas certain. Peu importait, il fallait qu’il trouve fissa une raison valable de sa présence dans les abords de Pré-au-Lard. Il pouvait prétexter un jogging matinal – après tout Potter n’était pas supposé savoir qu’il détestait toute forme de sport.  Mais à quoi bon mentir ? Pourquoi désirait-il encore inventer un scenario invraisemblable ?

C’était le moment, décida-t-il finalement. Encore ce besoin stupide de repousser l’échéance. Il fit un pas. Ce genre de trahison l’amusait, jadis. Il n’aurait éprouvé aucun remord à dévoiler l’étendue de sa duplicité. Mais ce qui emplissait son corps, alors qu’Harry le regardait avec curiosité, c’était plus de la honte qu’un sentiment de victoire. Il serait peut-être plus simple de l’abandonner là, non ? Potter ne parviendrait jamais à retrouver leur époque d’origine.

Il n’était qu’un lâche…

Mais personne n’en saurait jamais rien et Potter non plus et – et Harry se plaçait juste devant lui.

Son air curieux était devenu amusé. Il y avait même une étincelle d’arrogance dans ses yeux verts. Et c’était une étincelle éminemment suspicieuse.

-Je crois que je sais, en fait, ajouta Harry : pourquoi tu es là.

-Ah bon ? soupira Voldemort.

Il pouvait tout aussi bien lui effacer la mémoire et épargner sa vie. Pourquoi n’y avait-il pas pensé ? À croire que côtoyer Potter diminuait son quotient intellectuel. 

-Tu as enfin rassemblé ton courage, je me trompe ?

De quoi sacredieu parlait-il. Quel courage ? Pourquoi parlait-il ainsi à celui qu’il croyait être Tom Riddle de seize ans ?

Un brusque éclair pénétrant et chargé des dernières informations que lui avait communiquées Potter. Tom Riddle s’était apparemment dégonflé avant de l’embrasser. Mais c’était de la folie de croire que Voldemort ne ferait ne serait-ce qu’entretenir l’idée de –

Il ne lui était jamais venu à l’esprit que Potter pourrait décider de prendre les choses en main. Jamais n’avait-il imaginé que ce serait sur lui qu’on poserait des mains impatientes ; sûres quoique moites, ces mains, et qu’avec une force surprenante, ce serait Potter qui l’attirerait contre lui.

Il ne l’aurait jamais laissé faire s’il l’avait envisagé. Il avait trop conscience de l’horreur, de l’âge de Potter et surtout du sien. Seconde d’horreur paralysante, donc, mais suivie par le contact. Les lèvres de Potter contre celles de Tom Riddle. Une sensation comme il n’en avait jamais éprouvée de sa vie. Son cœur lui remonta dans la gorge et sembla se déployer dans l’ensemble de ses membres, sa colonne vertébrale grésilla de plaisir et – c’était trop, en fait, à un point tel que ça frisait le déplaisant -

Et il savait qu’il devait repousser le garçon mais il n’y parvenait pas. C’était trop apaisant, trop agréable et c’était un crime qu’il ne se pardonnerait jamais – merde, Potter était à peine majeur et ce fut dans cette pensée sordide qu’il puisa la force – enfin -  de se soustraire à cette étreinte maladroite.

Potter avait un air satisfait. Victorieux. Un triomphe dépourvu de toute bienveillance. C’était complètement déplacé en sachant que Voldemort était lui-même courbé sous le choc, la poitrine en feu et les mains tremblantes –

Il fallait qu’il le tue. Il avait tellement honte que le besoin impérieux de ne pas laisser la moindre trace de sa faiblesse l’assiégea.

-Fascinant, déclara finalement Potter.

Le ton de sa voix transforma l’atmosphère de légère à très oppressante.

-Fascinant ? répéta-t-il comme un con, et c’était vraiment comme ça qu’il se sentait, comme un con.

Potter pencha la tête. Il ne l’avait pas quitté des yeux.

-Tu pensais vraiment être un Drago convainquant ?

Les contours de son estomac se solidifièrent. Quant aux sensations agréables, salvatrices, qui avait rendu si difficile la simple tâche de se détacher de Potter, elle s’évanouirent.

Voldemort réalisa qu’il n’avait jamais remis en doute l’identité de Potter. Il était à ce point persuadé de tenir toutes les cartes qu’il avait sciemment ignoré les signes qui lui indiquaient qu’il avait tout faux. Il ne s’était jamais demandé s’il s’agissait bien de Potter. Mais qui d’autre ? Dumbledore était mort, il en était sûr. Il ne voyait pas qui d’autre pouvait être capable de…

Il leva finalement sa baguette et prononça deux mots. Deux mots qui n’étaient pourtant pas ceux qu’il s’intimait de débiter depuis déjà des heures :

-Finite incantatem.

Et le garçon changea ; Potter se métamorphosait sous ses yeux. Il grandit de quelques centimètres, ses épaules s’élargirent, les cheveux devinrent légèrement plus long mais les yeux –

Les yeux étaient les mêmes.

Il s’agissait bien d’Harry Potter. Un Harry Potter plus âgé et manifestement très sûr de lui. Le sourire qui déformait la ligne de ses lèvres était celui d’un vainqueur.

Voldemort inspira. Il ne comprenait pas. Il ne comprenait plus rien. Potter lui sourit finalement et c’était peut-être le premier sourire sincère qui traversait son visage :

-Surprenant, n’est-ce pas ?

Voldemort avait envie de s’étrangler, notamment parce que c’était l’euphémisme de l’année. Pourquoi Potter était-il si âgé ? Selon ses plans et son agenda, il devait mourir avant d’avoir atteint les dix-huit ans. Pourquoi donc se trouvait-il devant lui, en bonne santé, l’air d’approcher de la trentaine ? Et où diable était le Potter de dix-sept ans qu’il avait cru avoir en face de lui ?

C’était rare qu’on parvienne à lui couper le sifflet. Potter pouvait ajouter ça à son Curriculum vitae, dommage qu’il n’ait plus l’occasion de s’en servir. Car Voldemort allait l’abattre et ça sans attendre la moindre seconde de plus –

Harry Potter s’esclaffa. Un véritable rire venant du fond de sa poitrine. Ce qui était, Voldemort était tout à fait prêt à l’admettre, extrêmement vexant.

Voldemort raffermit sa prise sur sa baguette. Il allait mettre fin à cette manigance une bonne fois pour toute. Et qu’importe sa curiosité et son besoin de comprendre ce qu’il se passait réellement.

Le garçon – qu’il ferait mieux de qualifier d’homme - produisit soudainement une lettre. Le nom « Lord Voldemort » était écrit sur l’enveloppe d’une écriture qu’il connaissait bien et qu’il reconnût aussitôt.  Parce que cette écriture élégante, c’était la sienne.

Ne pas l’ouvrir et tuer Potter, lui proposa son cerveau. Un balbutiement d’idée qu’il balaya malgré lui. C’était cette foutue curiosité qui retenait son bras. Sans parler de cette lettre qu’il n’avait jamais écrite. Il ne s’était jamais adressé de courrier, parler à haute voix de temps en temps lui suffisait amplement pour remettre ses idées en place. Et finalement, l’expression de Potter : il était moins victorieux et moins arrogant. En fait, il avait juste l’air amusé. Comme s’il était face à un sacré numéro qui le divertissait mais qui ne lui provoquait pas la moindre peur.

Pire encore : il avait presque l’air… compatissant. Ça aurait dû le rendre fou de rage, Voldemort détestait qu’on compatisse pour lui, il n’avait pas besoin de pitié et… et il saisit la lettre et l’ouvrit d’un geste brusque. Le message était bref :

Ne fais pas de mal à Potter, c’est un horcruxe et accessoirement ton futur amant.

D’accord, pensa sereinement Voldemort. Il plia la lettre avec soin et la plaça distraitement dans sa poche. C’était.. tout à fait normal comme missive. Il en recevait des semblables régulièrement.

-Je peux tout expliquer, proposa Potter dont l’air amusé ne l’avait pas quitté : tu as l’air d’avoir besoin de t’asseoir.

Il désignait le petit muret. Le soleil se levait, au loin. La lumière, dans les nuages, était très jolie. Ambiance parfaite pour que sa vie s’effondre. Mais Potter se moquait forcément de lui. Il décida de se raccrocher à cette conviction. Impossible qu’il puisse en être autrement. C’était un canular et Potter avait décidé de quitter cette terre en lui faisant une petite blague histoire de semer la bonne humeur plutôt l’horreur. Oui… ça faisait parfaitement sens.

Il se laissa tomber sur le muret. La rosée imprégna immédiatement ses vêtements. Il détestait être mouillé.

Harry l’imita.

-Je suis en Angleterre actuellement. On se cache avec Ron et Hermione dans une tente.

-Voyez-vous ça, répondit-il sèchement.

-Imagine la stupeur de l’ensemble de la communauté sorcière quand ils ont réalisé que tu t’étais simplement volatilisé.

-Pardon ? demanda Voldemort avec politesse.

Ça relevait du délire.

-Et imagine ma surprise quand, cinq après ta disparition, tu as décidé de te pointer chez moi pour me faire la morale sur… ce qu’il se passe actuellement.

Harry lâcha un soupire heureux comme si l’évocation de ces souvenirs était somme toute quelque chose de plaisant.

-Je ne comprends pas, déclara finalement Voldemort.

Harry se pinça l’arête du nez :

-Je suis ici parce que tu m’y as envoyé en me donnant des instructions très claires quant à ce que je devais faire. Ça ne t’a pas paru étrange que je réussisse à infiltrer le passé ? Tu t’es pas dit que c’était éminemment suspicieux que je parvienne à accomplir un tel exploit ?

Voldemort se souvenait très clairement avoir émis cette idée. Pour une raison qu’il ignorait, il l’avait sciemment oubliée ou alors avait décidé de ne pas trop y réfléchir. C’était au moins une preuve sinon tangible au moins raisonnable. Potter n’avait pas les moyens intellectuels ou magiques d’avoir effectué un tel voyage. Seul lui en était capable.

Ce qui lui donnait une certaine crédibilité.

-Il y a quelque chose de très alarmant dans la lettre que tu m’as transmise.

-Ah bon ? demanda Harry avec curiosité.

-En fait, les deux informations sont alarmantes. Est-ce que…

C’était impossible que Voldemort lui révèle son secret comme ça – personne à part Slughorn n’était au courant qu’il avait tripoté son âme. Quant à la deuxième partie – celle qui l’informait que Potter était son amant, il allait se verser de l’eau de javel dans les yeux et n’y penserait plus jamais.

Il tendit la lettre à Harry qui la parcourut.

-Oui, c’est marrant non ? c’est très ironique quand on y pense. Toutes les fois où tu as essayé de me tuer alors qu’en réalité je garantis ta survie ? Complètement fou.

-Et le deuxième point ? proposa Voldemort qui essayait tant bien que mal de garder un ton et une attitude raisonnable. Ses instincts le poussaient plutôt à hurler et à exiger des réponses. Il avait l’intuition qu’une telle stratégie ne le mènerait à rien.

Harry haussa des épaules :

-Franchement, je suis incapable d’expliquer comment c’est arrivé c’est juste… c’est juste arrivé. Quoique c’est peut-être parce que tu es arrivé en sachant qu’on allait finir ensemble puisque je te donne l’information maintenant. Tu sais, Tom, c’est très compliqué cette histoire – je crois qu’il y a juste le toi de dix-sept ans qui s’en sort plus ou moins bien.

En sachant que ledit garçon de dix-sept-ans était alité avec une large partie de ses souvenirs en moins, c’était une déclaration inquiétante.

-Et je suis censé te croire sur parole Potter ? (sa voix était un peu plus aigüe que prévu. Il était au bord d’une crise d’hystérie carabinée) Tu m’annonces des choses totalement abracadabrantes et je suis censé – juste accepter que tu dis la vérité ?

Potter soupira :

-Est-ce que ça te suffit comme preuve ?

Bon. C’était effectivement une assez bonne manière de lui faire entendre raison. Parce que Potter avait prononcé cette phrase idiote en fourchelangue. Ce qui était impossible. Les Potter et lui-même n’avaient aucun lien de parenté. Quant à la famille de sa mère, des moldus, c’était ridicule.

-Le deuxième point est plus difficile à prouver. Mais étant donné que tu ne te pointes pas chez moi avec des fleurs dans le seul but de me séduire, j’imagine que ce n’est pas grave si tu n’y crois pas… pour l’instant.

-Et donc je suis supposé faire quoi ?

Evidemment, tuer Potter était désormais complètement hors de question.

-Revenir dans notre époque originelle mais cinq ans plus tard. Et venir me trouver.

Potter lui tendit un autre morceau de papier. L’écriture était à peine lisible mais il parvint quand même à la déchiffrer. Elle indiquait une adresse.

-Je serai là. Spécifiquement je serai chez moi en train de faire la vaisselle en écoutant Queen donc… prépare-toi à une confrontation sur un fond de « don’t stop me now ».

Voldemort hocha bêtement de la tête. Que cette version complètement cinglée de Potter disparaisse au plus vite de son champ de vision, il ne s’en porterait que mieux. Il avait un peu envie de lui mentionner le fait qu’il avait dragué un adolescent quasi innocent – un adolescent qui certes ne se souvenait plus de rien mais qui ne méritait pas d’avoir été traité de cette façon… et d’ailleurs vraiment il se sentait outré par l’injustice faite à l’adolescent qu’il était. Il inspira dans le but d’entamer une tirade dont la substance correspondait à ses pensées précédentes mais s’arrêta net. Potter venait de se relever et s’étirait. Dans la lumière matinale, Voldemort devait reconnaitre que ce n’était pas une vision repoussante. Je suis un crétin, pensa-t-il.

Il se releva aussi. Ce Harry plus âgé qui connaissait apparemment une version de lui plus âgée aussi… C’était difficile de ne pas se sentir penaud. Pas d’inquiétude, considéra-t-il ensuite : il allait bientôt retrouver une version de Potter avec laquelle il était plus familier. Une version qui ne se comporterait pas avec lui comme s’il était un idiot complet. On ne l’avait jamais considéré comme ça. Il y avait un petit goût d’inédit pas complètement déplaisant.

-Une dernière chose avant qu’on ne se sépare, Tom.

Il en venait même à accepter ce prénom. Ça devrait le faire sortir de ses gonds, parce que ça ressemblait salement à la façon dont Albus s’adressait à lui quand il était en vie.

Mais dans la bouche d’Harry… C’était moins condescendant qu’intime. Et malgré lui et aussi fou que ça puisse paraître, l’idée, le concept, ce n’était pas totalement déplaisant.

-Quoi ? demanda-t-il avec lassitude.

Harry se planta devant lui. Il avait mûri  - il dégageait une assurance et une désinvolture que Voldemort ne lui connaissait évidemment pas. Mais ces deux émotions lui allaient remarquablement bien.

Il l’attrapa brusquement par sa cravate serpentarde, celle qui n’avait pas dupé Harry, et le tira en avant. Une telle exigence transpirait de ce geste, comme si Voldemort lui appartenait, et Potter l’embrassait à nouveau. Il n’eut pas le temps de réagir – juste le temps de ce dire que ce Harry-là lui …plaisait

(était-il perdu d’avance ?)

Et l’autre garçon reculait d’un pas :

-C’était pour te donner un avant-goût, plaisanta-t-il.

Voldemort ne répondit rien. Il était atterré. Parce qu’il avait apprécié ça, indéniablement, et parce qu’il ne s’était jamais figuré que Harry aurait l’audace de s’adresser à lui de cette façon. C’était enivrant.

-à bientôt, Tom. Sois patient avec moi, je ne suis pas prêt.

Il lui adressa un clin d’œil et, sans plus de cérémonie, lui tourna le dos pour emprunter le chemin qui menait à Pré-Au-Lard. Était-il supposé l’arrêter ? Une courte hésitation qui fut coupée par la simple disparition d’Harry.

Voldemort soupira. Il supposait que les dés étaient jetés. C’était ça d’avoir voulu traficoter le passé. Il aurait dû écouter son intuition fictive et inexistante et ne pas mettre en route ce plan idiot. Le voilà pratiquement maqué à Potter ? C’était la vie. Le destin, il supposait. Il ne voyait pas d’autres solutions que de faire précisément ce que Potter lui avait demandé.

C’était dangereux de ne pas obéir au destin, après tout. Et si ça voulait dire réussir à séduire Potter et accessoirement le renvoyer dans le passé ah, ainsi soit-il. Tout irait bien dans le meilleur des mondes. 

 

Notes:

Voldemort is a SIMP haha et Harry a power-bottom c’est la vie.

J’espère que vous avez apprécié cette connerie monumentale, c'était marrant à écrire. N'hésitez pas à me laisser un mot, ça me fait toujours trop plaisir hihihi