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Le Plan B

Chapter 55: Miss Lee

Chapter Text

Epilogue : Miss Lee

 

Tre baxt me xav !

Tre baxt me pijav

Dav tute mre baxt

Kana tu mange Sal.

 

(Je mange ta chance !

Je bois ta chance,

Je te donne ma chance,

Car maintenant, tu es près de moi.)

Vieille formule Romani.

 


 

—Alors voici, la petite Delphi ?

—En chair et en os, regarde-moi ce visage. Je pourrais la dévorer. Oh mais regarde là, Sirius, regarde-moi cette beauté.

—Tu es complètement gaga, Bella, lui souffla son cousin blasé.

Eddy ricana, une bièreaubeurre à la main, il ne put qu’acquiescer mais le regard que Bellatrix lui adressa fut rempli de menace. Eddy avala sa gorgée de travers et Sirius chercha chez lui de l’aide qu’il n’était pas disposé à lui fournir.

Bellatrix en adoration, lui présenta sa fille gazouillant dans son couffin. A un an, Delphini était un joli bébé aux joues rondes et aux yeux bleus souriant de sa bouche édentée. Métamorphomage elle changeait jusqu’à présent seulement de couleur de cheveux. Ses boucles brunes virèrent au blanc sous ses rires et gazouillis charmeurs.

—Oui, oui elle est bien grassouillette si c’est ce que tu veux savoir, soupira son cousin en replaçant l’ombrelle. Je dois dire autre chose ?

—Oui. Me féliciter pour mon excellent travail, s’énerva Bellatrix. Et toi, quand est-ce que ça vient un descendant ?

—Ne pose pas les questions qui fâchent, sourit James en s’installant sur la serviette de Bellatrix. C’est vrai qu’elle est mignonne. Mais pourquoi… Dauphin ?

—La tradition d’accord, mais un dauphin c’est vrai que ça ne te ressemble pas, se moqua Eddy.

Bellatrix lui jeta sa sandale qu’Eddy évita habilement et celle-ci alla se perdre dans le sable.

 

—Tu serais surprit de savoir que les dauphins sont bien plus retords qu’ils en ont l’air, ce sont mêmes de sales petites raclures, pires que les requins. C’est tout ce que je lui souhaite à ma petite crevette.

Sirius et James s’échangèrent un petit regard crispé et partagèrent cette œillade complice avec Eddy. Quelque part, ils se comprenaient, et Bellatrix ne changerait pas, devenue mère ou pas devenue mère.

—Tu aurais vu le nom que Sal voulait lui donner, tu ne me prendrais pas de haut comme ça. Il voulait l’appeler Charme, comme le vieux chat d’Edward ! Mon bébé n’est pas un fichu fléreur rabougri.

—Finalement ce n’est pas si pire Delphi, admit sentencieusement Sirius.

—Evidemment que j’ai un don pour nommer les choses, fit Bellatrix d’une voix pompeuse. Maintenant, déguerpissez de ma serviette les trois scrouts, je dois tirer mon lait pour son goûter. Ouste !

Bella avait une façon si poétique et brute de dire les choses qu’Eddy, Sirius et James s’exécutèrent pour rejoindre d’autres serviettes plus accueillantes.

—Voici le fier père, fit Sirius avec emphase en prenant Sal sous son bras. Alors, ces nuits ? Agitées ?

—Delphi a fait ses nuits au bout d’un mois, dit Sal avec malice en tendant une assiette de gâteau à Eddy tout en échappant à la prise de Sirius. C’est surprenant, à cet âge elle apprend quelque chose de nouveau tous les jours.

 

Étendu sur une serviette, Salazar regardait sa femme nourrissant leur bébé avec une sorte d’adoration muette. Cela faisait longtemps que Sal et Bellatrix n’étaient pas rentrés en Angleterre et l’annonce de ce premier enfant s’était fait un peu par surprise. Ils avaient débarqués ce matin là avec leur couffin devant la caravane et leur campement. Passé le bonheur des retrouvailles et la surprise de l’arrivée de Delphi, tout semblait avoir retrouvé son cours.

—Fameux ce gâteau, approuva Eddy la bouche pleine. C’est toi, Tina qui l’a fait ?

—Non, c’est moi. J’ai juste récupéré sa recette, lui chuchota la plus belle voix du monde à son oreille.

Médusa était sortie de l’eau, ses cheveux coupés au niveau de la mâchoire dégoulinaient autour de son visage pétillant. Elle poussa James d’un air supérieur pour s’asseoir à ses côtés et prendre une bouchée.

 

—Tu fais la cuisine maintenant ? se moqua gentiment son frère. Je pensais que tu laissais ça à Eddy.

—Ça m’arrive, fit Médusa avec un sourire. D’après Lily tu devrais en prendre de la graine, James.

Ce dernier sentit qu’il s’aventurait en terrain dangereux et fit sagement un pas en arrière avec son meilleur ami pour rejoindre Regulus et Remus en train d’initier les enfants au football. La silhouette longiligne d’Arthur servant d’arbitre, et une tribu de cheveux roux faisant office de joueur.

—Je n’ai jamais vu de match, remarqua Tina doucement.

—Jacob m’a emmené une fois, dit doucement Newt assit dans une sorte de rocking-chair de plage. C’était il y a bien longtemps

Son tuteur et sa tutrice souriaient paisiblement des facéties des adolescents sur le sable. Eddy connaissait les règles du football, Dean et Samuel s’étant fait un devoir de l’initier avec ses autres cousins. Ce n’était cependant pas le jeu qu’il observait mais une tignasse noire et rebelle et milieu des tignasses rousses des Weasley.

Elle était là, slalomant entre les jumeaux Weasley, sautant par dessus les jambes de Bill pour envoyer le ballon entre deux chaises de plages servant de cage de but. Et sur ce but, virent les récriminations outrées et pleines de mauvaise foi.

—Ada a poussé Ginny ! cria Ronald.

—Il n’y a pas eut de contact de main avec le ballon, le but est valide, fit sérieusement Arthur. Je l’ai lu dans les règles du Ballon-Pieds pour les nuls.

—Je ne suis pas sûr que ça marche comme ça, Mr Weasley.

—Oh, euh, Percy, viens m’aider avec le manuel, s’il te plait.

Puis comme Arthur eut l’air un peu perdu, Ada les interpella pour avoir un avis impartial.

—Tu as vu quand j’ai tiré, Maman ? cria Ada. C’est rentré, c’est but !

—Assurément, fit Médusa dans un sourire. Vous n’êtes pas d’accord Mrs Scamander ?

—Oh oui ! abonda Tina sans impartialité aucune. Félicitation ma chérie !

Et sur ces entrefaites, la jeune fille retourna vers les cages de but rejoindre son équipe. Elle alla serrer dans ses bras un adolescent à lunettes et lui chuchota quelque chose au creux de l’oreille. Ils gloussèrent tous les deux et Eddy grogna.

—Allons, ils sont mignons tous les deux, soupira Médusa en terminant sa part de gâteau avec gourmandise.

—Ce n’est qu’un nabot, râla-t-il avec mauvaise foi.

Harry marqua un but à son tour et son équipe composée d’Ada, Regulus et Bill l’acclama avec joie. De l’autre côté, les jumeaux Weasley et leur petit frère faisaient la tête. Lee Jordan leur gardien de but, essaya de les dérider et une sorte de mi temps fut mise en place. Les vagues et la chaleur formant un contraste tentant les adolescents se précipitèrent vers la mer. Eddy vit sa fille disparaître entre les flots en un éclat de rire, Potter à ses côtés, et sa joie se ternit un peu.

 

Cela faisait un moment qu’ils entendaient parler d’Harry Potter à la maison, mais Eddy n’avait rien vu venir. Ada et Harry avaient été répartis par leurs camarades à Serpentard après le mois d’observation de rigueur mis en place après le siège de Poudlard. Si au début dans ses lettres Ada avait fait savoir à quel point Harry Potter, était insupportable et enfant gâté, le ton avait changé durant les lettres de l’année dernière. En juin, Ada leur avait annoncé sortir avec Harry. Et si Eddy connaissait mal ce garçon, il avait décidé d’office qu’il ne l’aimait pas.

Après la guerre, James avait pu rentrer à Poudlard malgré sa lycanthropie. Avec une potion tue loup expérimentale il avait été le premier élève loup-garou de l’histoire de Poudlard puis avait été sélectionné dans l’équipe du Pays de Galles après une scolarité brillante et –quasi- exemplaire. Une avancée considérable dans le monde sorcier qui lui avait valu une certaine célébrité quelques années plus tôt. Fort de la réputation de son géniteur, Eddy trouvait que ce Harry Potter avait un peu la grosse tête.

—Reviens, Ginny ! s’agaça Molly baguette en main. Je dois te rajouter un sortilège de protection solaire !

Mais la petite rouquine s’était déjà carapatée entre les vagues et Molly rejoignit Bellatrix sous sa serviette en grognant. Non loin, se trouvaient Lily et James en compagnie de Remus et Severus. Ils ne s’étaient pas beaucoup côtoyé ces dernières années et s’étaient retrouvés un peu par hasard à la Coupe du Monde de Quidditch qui avait eut lieu quelques jours plus tôt. Les Potter avaient prolongé leurs vacances et approuvé cette sortie avec eux pour fêter le retour de Sal et Bellatrix. Les Weasley les avaient rejoins naturellement.

—On a croisé Rita quand nous étions aux Bahamas. Delphi devait avoir un mois, elle a promis de vous garder la surprise.

—Comme tu vois, elle l’a fait. Comment va-t-elle ?

—Toujours en tournée internationale, tu la connais, fit Sal.

 

À la suite de leur victoire, Rita avait publié en fanfare, Entretien avec Serpentard, un livre bestseller de leur siège à Poudlard. Oh, bien sûr de nombreux passages avaient été modifiés pour protéger le secret de Salazar, mais ceux que « Sap » avaient confié étaient bien plus intéressants. Après des années cet entretien semblait plus tenir du roman que de l’enquête et c’était en qualité de romancière que Rita signait ses livres aujourd’hui. Que l’on félicite son imagination foisonnante ou ses qualités de chroniqueuses, ce qui était le plus important pour Rita était d’être lue.

 

—Elle a voulu nous inviter à un de ses cocktails, on a été plonger avec Bella à la place. Delphi adore l’eau. Bella a inventé le Corpumbulle pour qu’elle puisse nager avec nous sur la barrière de corail. Il faudrait qu’elle dépose un brevet.

Eddy trouvait cela un peu fou d’emmener un bébé de un mois dans l’eau mais il connaissait l’instinct de louve de Bella et la délicatesse de Salazar. En un sens ces deux là s’étaient bien trouvés, même s’ils avaient mit du temps à se tourner autour au cours des années.

 

Bellatrix les interpella d’un geste de la main pour les inciter à se lever. Eddy et Salazar posèrent leur assiette à côté de leurs affaires et rejoignirent Bellatrix et Molly. Dans les bras de la sorcière le bébé s’était endormi et souriait d’un air tranquille.

—Prend-là moi, chuchota-t-elle. Je vais me baigner.

Elle déposa Delphi avec une délicatesse d’orfèvre dans les bras de son mari et se releva en étirant son corps musclé. Molly dénoua sa serviette pour la suivre.

—Elle est vraiment adorable, quelle merveille, la félicita Molly. Elle me rappelle Ginny.

—Les Black sont réputés pour faire des bébés magnifiques, dit Bellatrix d’une voix supérieure en s’éloignant sur le sable. Les problèmes arrivent quand ils grandissent, regarde Sirius et Regulus.

Les deux frères en question, transformés en gros chien noir et gros chat roux batifolaient sur la plage entre les enfants. Par réflexe, Eddy regarda derrière lui pour voir si des moldus étaient dans les environs. Mais il n’y avait personne entre les dunes de ce côté de Selsey. Médusa sur sa serviette avait eut le même réflexe et soupira avant de rejoindre ses amies dans l’eau. Elle abreuva les deux animagus d’insultes gratinées ce qui ne coupa guère leur élan.

—Ils ne sont pas très prudents, remarqua Salazar en berçant sa fille.

—Je sais qu’il n’y a pas de moldus dans le coin mais ils devraient faire attention.

Comme Molly qui avait enlevé sa baguette de sa robe de bain pour essayer d’appliquer un sortilège de protection sur Ginny. L’adolescente rousse se déroba une nouvelle fois pour rejoindre ses camarades et terminer cette partie de football. Mais Ada et Harry avaient abandonné leur poste de joueur et courraient dans leur direction.

 

—Oncle Sal, oncle Sal, je peux prendre Delphi dans les bras ?

Ada avait entrainé son petit ami avec elle et tous deux dégoulinant d’eau ruisselaient sur leur serviette et quelques gouttes tombèrent sur Delphi. Le bambin se réveilla et se mit à pleurer, ses cheveux devinrent aussitôt noirs et hérissés de piques comme un étrange hérisson.

—Oups, désolé Mr Jedusor, d-d-désolé Mr Lee, fit Harry catastrophé de sa bévue.

—C’est malin, grogna Eddy d’une voix agacée.

—Allons, ce n’est pas grave, sourit Salazar.

 

L’adolescent aux yeux verts rougit légèrement derrière ses fines lunettes rondes. À ses côtés, Ada lui ressemblait un peu. Avec ses courts cheveux noirs de jais coiffés à la garçonne, son petit sourire en coin et ses yeux bleus pleins de malice, Ada était une jeune fille sportive et athlétique. Qu’elle ait fini par rejoindre l’équipe de Quidditch comme gardienne n’était pas une surprise, qu’elle sorte avec l’attrapeur de l’équipe en était une en revanche. Avec son sourire idiot adressé à Ada, Harry avait l’air d’un parfait imbécile.

Dans les bras de Sal, Delphi pleurait de plus en plus fort et se débattait. Ses boucles redressées sur sa tête étaient teintées de rouge et ressemblaient un feu ardent, plein de mécontentement d’avoir été réveillée.

—Tu peux la prendre, sourit Sal, voyons si tu arriveras à la calmer.

Il tendit le bambin à Ada qui s’en saisit avec ravissement mais un peu brusquement. Ada était aussi maladroite que lui, c’était peut être un trait de famille. Si Delphi ne se calma pas, Ada n’en démordit pas en berçant avec un peu trop d’énergie sa cousine.

—Oh, c’est toi la plus mignonne. Oui c’est toi.

Eddy estima que Ada n’avait peut être pas la ‘fibre maternelle’ et un sourire naquit sur ses lèvres devant ces maladresses.

—J’y arrive pas. Tiens, tu as plus l’habitude. Eeeeh ! Ne te moque pas, Papa !

—Je ne me moque pas, je constate, n’est-ce pas Harry ?

—Hein ? Euh, o-oui, oui, Mr Lee.

—Arrête de lui faire peur ! siffla sa fille et elle rajouta quelque chose en fourchelangue qu’il ne comprit pas.

Eddy roula des yeux, la jeune fille embarqua Harry sur la plage, laissant Delphi en pleurs et les deux pères bien agacés.

—Qu’est-ce qu’elle a dit ? demanda-t-il.

—Elle t’a plus ou moins traité de papa poule, admit Salazar en se relevant. On va aller faire une promenade ma jolie.

Eddy connaissait ce genre de crises et savait qu’il ne servait à rien de continuer à la bercer ainsi. Delphi ne se calmerait qu’après des kilomètres de marche et des centaines de berceuses. Calmer Ada avait été ainsi autrefois. Ces souvenirs semblèrent à la fois si proches et si lointain à Eddy qu’il porta un regard un peu ému à la jeune fille s’éloignant entre les dunes avec son petit ami.

—Je suis un papa poule ? grogna Eddy en suivant son meilleur ami sur la plage.

—Absolument, mais c’était affectueux tu sais, sourit Sal en berçant sa fille.

 

Si Eddy n’en doutait pas, il se tût cependant en shootant dans un coquillage échoué par les vagues.

—Alors vous allez rester un peu ici, maintenant que Delphi est là ?

—C’est ce qui est prévu, peut être jusqu’à cet hiver… Ensuite Bella aura surement une nouvelle cible, nous irons avec elle.

Bellatrix avait tenté d’intégrer le corps des aurors. Elle avait tenu exactement trois jours avant de transformer son superviseur en blatte et avait été naturellement renvoyée. Depuis lors, c’était en chasseuse de prime que la sorcière exerçait ses talents de duelliste. Les talents de Sal en revanche étaient employés partout où Bellatrix se rendait, Sal et elle voyageant sans cesse de part le monde soignant le monde à leur manière bien spécifique. Ils avaient trouvé un équilibre ainsi pendant des années.

—Elle est encore petite mais j’aimerai bien la scolariser chez les moldus quand elle aura l’âge, confia Sal à Eddy. Ça lui ferait du bien d’avoir des amis de son âge. Bellatrix pourrait se laisser tenter, avec Andromeda et Médusa je suis sûr de l’avoir à l’usure.

Salazar arborait un petit air mutin et lui fit un clin d’œil complice. Les deux pères rirent de bon cœur. Les pleurs du bébé s’étaient à peine atténués, la fillette gigotait encore plus fort dans les bras de son père.

—Peut-être que tu veux juste te dépenser un peu, estima Sal. Essaie d’aller voir oncle Eddy, Phi.

—Ada, ada, ada !

Eddy visualisa Ada et Harry longeant la côte avec Sirius sous forme de chien, s’ils s’étaient un peu éloignés des serviettes des autres, ils étaient encore à portée de vue.

—On ira rejoindre Ada après, promit Eddy. Tu veux venir me voir ?

Il s’était accroupi sur le sable humide, le bambin soutenu par Sal essayait de mettre une jambe grassouillette devant l’autre avec de petits sons interloqués. Surprise d’être capable de cette coordination, Delphi continua sa marche, jusqu’à Eddy. Sur les derniers pas, Salazar lâcha ses petites menottes, le bambin fit plusieurs pas en avant et tomba la tête la première dans les bras d’Eddy qui l’empêcha de se faire mal.

—Bravo ! sourit Eddy. Bravo Delphi, tu as fait tes premiers pas !

 

Delphi avait compris que son exploit méritait d’être applaudi, et avec maladresse, elle frappa ses petites paumes menues l’une contre l’autre avec une coordination malhabile. Elle eut un petit gloussement adorable pendant lequel Salazar chercha sa femme dans l’eau pour lui annoncer la bonne nouvelle. Cependant, quelque chose attira les deux hommes avant qu’il ne puisse partager l’évènement, c’était un aboiement.

 

—Sirius, souffla Sal en fronçant soudain les sourcils.

Le chien et les deux adolescents n’étaient plus visibles. Un frisson d’inquiétude envahit Eddy. Où étaient-ils passés ? Eddy les chercha sur la plage et entre les dunes de sable épais, tous les trois avaient disparu. Un autre aboiement se fit entendre et par réflexe, Eddy et Salazar accoururent vers le son. Sal avait sa fille sous un bras, sa baguette dans l’autre et tous deux couraient sur le rivage. Après les dunes, quelques formations rocheuses en bord de mer semblaient former une grotte à moitié engloutie par l’écume. Les deux amis s’échangèrent un regard crispé et s’engouffrèrent dans la grotte d’où provenait un autre aboiement.

—Adaline ! cria Eddy paniqué. Tu es là ?

—P-papa, fit la voix de la jeune fille au fond de la grotte.

 

Dans l’obscurité Sal avait allumé sa baguette et tendit Delphi à Eddy pour avoir la main libre. Il avançait précautionneusement et avec crainte. Au fond de la grotte se trouvaient Ada, Harry et Sirius, complètement figés. Eddy réalisa qu’ils n’étaient pas seuls.

 

Avec eux se trouvait Jedusor. Quand Eddy comprit que c’était lui, il sentit son sang se glacer. Cela faisait plus de deux décennies que la guerre s’était terminée et que Jedusor avait disparu dans la forêt interdite, mais l’homme était parfaitement reconnaissable. Le temps semblait avoir eut une emprise superficielle sur lui, qui arborait des traits ridés et une chevelure poivre et sel. Sous une barbe taillée de près un sourire en coin très familier perça le visage de son ancien professeur. Il était de retour.

 

—Lâchez-moi ! cria Harry en essayant de récupérer son bras tenu par Jedusor.

Sirius poussa un grondement sourd pour protéger son filleul et Ada se rapprocha aussitôt d’Eddy en couinant :

—J’ai eu une v-vision, murmura Ada. J’ai vu quelqu’un mourir dans cette grotte, c’est moi qui suis rentrée. Ce type disait qu’il nous attendait. Il a attrapé Harry ! Quelqu’un va mourir ! Quelqu’un va mourir !

—C’est exact, Miss Lee, fit tranquillement Jedusor.

—Que faites-vous ici ? demanda Eddy d’une voix blanche.

Le visage de Jedusor esquissa un petit sourire calme, il semblait terriblement paisible. Eddy se rendit compte que cette voix et ce visage avaient hanté ses souvenirs. Lui qui pensait s’en être débarrassé revoyait le démon de sa jeunesse et était aussi paralysé que jadis, voire même plus vulnérable. Les bras crispés sur Delphi, il fit un pas en arrière pour forcer Ada à reculer.

—Je suis venu voir la vie que vous avez décidé de vivre.

—Si tu es déçu, j’en suis désolé, fit Salazar faiblement sans être capable de lancer le moindre sortilège avec les yeux résolument baissés.

—Papa, qui est ce type ? couina Ada derrière Eddy. Pourquoi il ressemble à Onc’ Sal ?

—Allons, si tu as hérité de l’intelligence de ta mère, je suis sûr que tu as compris, dit Jedusor avec un étrange sourire.

Sirius se retransforma en humain et tira brusquement le bras de Harry pour lui faire lâcher prise. De sa baguette, il fit jaillir un patronus en forme de chien qui alla prévenir les autres puis il l’extirpa de la main de Jedusor qui ne fit pas mine de se défendre. Celui-ci observait ces baguettes tendues devant lui avec flegme. À aucun moment celui-ci n’eut l’air de penser à se défendre, il n’avait ni baguette, ni la moindre arme. Eddy vit qu’éclairé par la baguette de Sal, on percevait un peu mieux le campement de fortune de Jedusor. Si ses vêtements étaient propres, ils avaient connus de jours meilleurs, comme ses chaussures usées. En croisant les yeux noirs qui l’avaient terrorisé autrefois, il les trouva vieillis et las.

Ada essayait de jeter un coup d’œil par dessus son épaule pour mieux voir son « grand-père » et tenir Delphi ne lui facilitait pas la tâche. Il fit un nouveau pas en arrière pour obliger sa fille à reculer.

—C’est lui ? C’est vraiment lui ? demanda Sirius d’une voix sèche avec sa baguette tremblante.

—Qui est cet homme ? demanda Harry par dessus l’épaule de son parrain. Pourquoi vous êtes tous tétanisés ?

—Écarte-toi, Harry, gronda Sirius.

—Tu t’es caché pendant tout ce temps ? demanda Salazar d’une voix hachée. Tout le monde pensait que tu étais mort…

—Cela aurait arrangé tout le monde, n’est-ce pas ? Que je meure, sourit Jedusor. J’ai préféré aller voir ailleurs. Ce n’est que récemment que j’aie songé à vous rendre visite. J’étais sûr de vous trouver sur cette plage. Prévisible… si prévisible.

 

Alors c’était donc ça ? Jedusor avait survécu, pourchassé et sans pouvoir, puis avait fuit de part le monde ? Mais pourquoi revenait-il maintenant ? Qu’attendait-il d’eux ? Sirius ne savait pas s’il devait jeter un sortilège à Jedusor et lança un coup d’œil anxieux à Salazar pour avoir la marche à suivre. Mais Sal n’en avait aucune idée, cela se voyait à ses yeux bleus qui avaient perdu toute étincelle.

—C’est toi qui as récupéré le Codex ? souffla Salazar en pointant le vieux grimoire posé sur la cape d’invisibilité.

 

—Il est venu à moi quand je l’ai appelé en quittant la forêt, oui, soupira Jedusor d’une voix lasse.

Après les combats, ils n’avaient pas retrouvé le grimoire des Serpentard, Médusa avait harcelé Barjow et Beurk pendant plus d’une décennie pour essayer de le retrouver. Le Codex de Serpentard avait donc répondu à son appel même sans pouvoir et il l’avait conservé avec lui pendant tout ce temps. Le sang appelait au sang, magie ou pas magie. Eddy se demanda comment Jedusor avait envisagé cet état de fait.

—Tout va bien ? cria la voix d’Arthur Weasley.

Aux bruits de pas sur la roche et dans l’eau, Eddy estima que plusieurs de leurs amis les avaient rejoins. Jedusor ne s’était toujours pas levé, calmement assit en tailleur sur une pierre, son sac de voyage à ses côtés. L’arrivée de James, Arthur et Bellatrix eut l’air de plonger l’ancien mage noir dans un étau d’indifférence, comme s’il était singulièrement agacé de leur présence.

Vous, siffla Bellatrix qui parut sur le point de le réduire en pièce à mains nues.

Elle récupéra Delphini qui s’était mise à pleurer et pointa sa baguette sur l’ancien professeur à l’instar d’Arthur, Sirius et James. Sal n’osait pas s’approcher, se contentant d’éclairer les traits de son géniteur d’un léger faisceau lumineux.

—C’est toi le père d’oncle Sal et Maman ? bondit Ada derrière Eddy d’une voix perçante. C’est toi qui leur as fait tant de mal.

Il hocha simplement la tête, Eddy aurait été incapable de dire si de la fierté ou de l’indifférence marquaient les traits de Jedusor. Tout cela avait l’air d’être lointain, déconnecté pour lui. Eddy aurait aimé qu’il disparaisse dans la seconde.

—C’est en effet ce dont je suis accusé, Miss Lee, ça et des choses plus redoutables.

—Pétrifions-le ! souffla Bellatrix.

—Non ! rugit Ada avec fougue. Pourquoi tu m’appelles Miss Lee ? Je porte ton nom !

Et pour la première fois la surprise stupéfia les traits vieillis de Jedusor. Il parut décontenancé et jeta un regard en biais à Eddy. Eddy retint un frisson familier et essaya de s’expliquer maladroitement.

—Médusa et moi ne sommes pas mariés, Ada porte le nom de sa mère, dit-il d’une voix lugubre.

Jedusor eut un petit rire funeste qui mit tout le monde mal à l’aise.

—Au moins aura-t-elle pris une bonne décision.

Jedusor avait tourné son regard vers Sirius et Harry cette fois. Si l’auror pointait sa baguette vers l’ancien sorcier avec effroi, l’adolescent derrière semblait mal à l’aise de l’intérêt qui lui était porté. Jedusor resta là, à le regarder dans les yeux, sans rien dire. Il y eut des bruits de pas derrière eux, Eddy et Ada se retournèrent.

Médusa arrivait baguette levée, ne comprenant manifestement pas leur rassemblement au fond de la petite grotte. Plus elle s’approchait plus ses traits se plissaient. Eddy aurait aimé pouvoir dire quelque chose pour la prévenir de ce qu’elle allait voir mais les mots ne quittèrent pas ses lèvres. Elle n’eut cependant besoin que d’un regard vers les yeux humides d’Ada pour comprendre.

Médusa, le visage pâle, était arrivée face à Mr Jedusor qui continuait à fixer Harry.

Ah, te voilà enfin. Je commençais à m’impatienter.

 

Il regardait toujours l’adolescent, sans mot dire, jouissant sans doute de les voir si démuni devant lui. Médusa n’avait pas bougé, ni même lancé un sortilège, pétrifiée d’horreur. Avec lenteur, Jedusor leva les yeux vers sa fille. Ils échangèrent un regard une seconde sous leur mine stupéfaite puis le corps de l’homme se raidit.

Sans un bruit, et dans une dernière respiration, Tom Jedusor était mort. Ada explosa en sanglots bouleversés, sa prédiction s’était une nouvelle fois avérée exacte. Eddy la serra dans ses bras.

Médusa eut un mouvement de recul, le visage sans expression. Le silence fut lourd entre eux, complètement incrédules de ce qu’il venait de se produire.

—Med, tenta Sal en abaissant sa baguette.

Elle fit simplement un geste sec et tourna les talons. Alors qu’Ada allait se mettre à sa poursuite, Eddy l’arrêta d’un geste.

 

.

.

Tom ouvrit les yeux. Il avait quitté la douce quiétude humide de sa grotte pour autre chose. Il était dans ce qui ressemblait à une plage, mais il n’était plus à Selsey. C’était une plage sans dune au sable blanc et au ciel et à la mer d’opale. Le rivage s’étendait à l’infini, devant lui, sans point d’ancrage autre qu’une petite ombre au milieu de nulle part. Comme une tâche d’encre sur du papier, les yeux de Tom furent naturellement attirés et il marcha pour la rejoindre.

 

Le bruit de ses pas et le ressac de la mer avaient le bruit duveteux de la neige tombante. Curieux, songea-t-il en scannant son environnement pour mieux apercevoir la tâche dans le monochrome.

Et quelque chose se raidit en son sein quand il la reconnut. Elle était là, posée sur le sable-neige, entourée de ses étoles, les cheveux battant devant ses yeux au rythme d’un vent imperceptible.

—Je savais que tu finirais ici, caqueta-t-elle doucement.

 

Elle avait sur le visage le même masque enfantin qu’autrefois mais il s’y était mêlé quelque chose de plus étrange, une certaine mélancolie qui rembrunit Tom.

—Je suis mort, dit-il et elle hocha doucement la tête.

Il y avait devant son ex-femme un petit brasier brûlant sans le moindre bois dans un trou fait dans le sable qu’elle contemplait avec ravissement. La voir, qui plus est sans ombre et devant les flammes était la preuve qu’il n’existait plus. Il avait vu les yeux de Basilic de Médusa et s’était retrouvé ici. Mais où était-il ?

—C’est cela la mort ? dit-il avec flegme et ennui. J’ai bien fait de chercher à y échapper.

—Tu ne comprends toujours rien, koro.

On n’avait pas prononcé ce mot envers lui depuis de nombreuses années et Tom retint un frisson de plaisir nostalgique.

—Qu’est-ce que je dois comprendre ? se moqua-t-il. C’est ça l’enfer ? Te revoir ?

—On met dans Enfer et Paradis bien des choses. Mais je n’y suis pas, tout comme toi, dit tristement Méroé. Quand on a fait du mal, tant de mal, on ne passe pas si facilement de l’autre côté. Il faut comprendre.

—Comprendre quoi ? s’énerva soudain Tom.

Pourquoi était-elle si familière avec ses dictons et ses proverbes en préfabriqué ? Pourquoi le prenait-elle toujours de haut ? Et surtout, pourquoi était-elle là après tout ce temps ?

—Comprendre, koro. Ça aide à partir.

—Nous sommes sur une plage, elle doit avoir une fin, s’agaça Tom. Il suffit juste de marcher tout droit. Tu n’as pas pensé à ça, n’est-ce pas ?

Elle se contenta de contempler les flammes et Tom secoua la tête de sa sottise. Le meilleur moyen de la mettre derrière lui était justement d’avancer. Il y avait forcément une fin à cette baie opale, se disait-il rageusement. Qu’on en finisse vite était précisément ce qu’il voulait. Si ce n’était pas par pitié, au moins par décence. Mais après plusieurs minutes de marche, il surprit la silhouette de Méroé devant lui, comme s’il avait marché en rond. Elle était là, n’ayant pas bougé de sa place devant le feu.

Quand il arriva à son niveau elle esquissa un pauvre petit sourire.

—Je savais que tu ferais ça aussi. Tu m’as manqué, koro.

Et cette fois, Tom savait qu’elle disait vrai. Il ne sut expliquer trop comment mais pour la première fois peut être ils se comprenaient. Il tomba lourdement sur le sable à ses côtés dans un bruit étouffé. Les vagues s’échouaient à leurs pieds sans ni les mouiller, ni faire d’autre son que celui du velours de la neige. Cette plage immense, grisée et sans vie lui inspira un intense sentiment d’oppression. Était-il à jamais coincé ici ?

 

—Le chemin pour comprendre est toujours long, tu sais. Nous avons tout le temps ici.

—J’ai pensé à toi au moment de mourir, avoua-t-il tout à coup en regardant les flammes.

—Moi aussi, dit-elle dans la confidence. Ici aussi. J’ai espéré que tu me rejoindrais bien plus tôt.

Elle esquissa un léger sourire, Tom constata qu’elle semblait étrangement fantomatique comme si elle commençait à perdre de sa substance. Les traits de son visage détendus éclairés par les flammes offraient une calme contemplation diluée dans le paysage gris perle.

—Dans les flammes j’ai repensé aux paroles de ma mère le jour de notre rencontre, soupira son ex-femme d’une voix sans timbre emportée par le vent.

—Ce livre m’a détruit, j’imagine qu’elle en est très heureuse là où elle se trouve.

—Nous avons voulu entendre ce qui nous plaisait le plus, et tu t’es détruit tout seul. Il existe peu de mots pour le livre dans notre langue car nous écrivons peu. Ce n’était pas un livre dont elle parlait…c’était d’un mot, koro.

Et ce mot là, Tom le devina aisément sans en dégager aucune joie. L’amour. Il laissa échapper un ricanement sarcastique. Il maudit Murciella, Méroé et tous la lignée Salazar Serpentard, Serpentard en priorité, même.

—Je t’ai observé dans le feu, continua-t-elle.

L’avait-elle vu fuir ventre à terre de Poudlard, la moitié du monde sorcier à ses trousses ? Indubitablement, à en voir son regard. Alors avait alors assisté à sa déchéance et son errance de part le monde. Avec sa cape d’invisibilité il avait échappé au reste de la terre, mais pas à elle, comme c’était risible.

—Les petits sont heureux, tu sais.

Cette information le glaça davantage. Fallait-il que le bonheur soit où il ne se trouvait pas ? Elle pointa de sa main transparente les flammes blanches ondulant doucement devant eux. Dans le mouvement dansant il apparaissait une image un peu brouillonne et éparse. Tom se rendit compte qu’il s’agissait de Salazar et Médusa en train de quitter la plage. Leur visage défait ne lui inspira ni joie, ni satisfaction. La lumière brûlante manqua de lui brûler les rétines. Il détourna aussitôt le regard.

 

—Je dois donc passer une éternité avec toi à épier les autres désormais ?

—Oh, une éternité je ne pense pas. J’ai déjà commencé à comprendre.

Et elle commençait à partir. Elle était déjà en train de lentement disparaître. Vers où ? Était une autre question qui pétrissait Tom d’angoisse. Et lui, que ferait-il coincé ici si elle n’était plus là avec lui ? Il sentit quelque chose de léger se poser sur sa joue. Comme un petit papillon effleurant sa pommette. C’était doux et à peine perceptible, et c’était Méroé qui le caressait ainsi. Il retint un frisson, quelque chose qu’il n’avait jamais ressenti pour elle jusque là.

 

—Je ne rejoindrais pas les autres tout de suite, promit-elle. Pour le moment je suis là.

Oui, elle était là.

Et où qu’il soit, dans ce monde il n’était plus tout à fait seul.

 

.

.

 

 

Par les petits carreaux à croisillons du Cottage Scamander, Médusa voyait la mer se déchainer. Le ciel gris à l’horizon laissait voir ce qui ressemblait à une tempête. La moiteur de l’été nécessitait un électrochoc pour se décharger de la chaleur ambiante. Dans combien de temps la pluie allait-elle tomber ? se demandait-elle. Depuis combien de temps Médusa fixait les carreaux, était une autre question qu’elle ne voulait pas se poser.

L’ambiance festive sur la plage avait été anéantie par le retour de son géniteur. Les Weasley, Severus et les autres étaient partis rapidement, James avait raccompagné Harry, seul restait Sirius attendant auprès du couple Scamander dans la cuisine. Médusa les entendait chuchoter à voix basse.

 

—Euh, Médusa ? l’interpella la voix douce de Lily. J’ai terminé.

Médusa se retourna, dans le petit salon cossu des Scamander Lily retirait ses gants de mage-légiste en essayant pudiquement de trouver les mots pour parler de son « patient ». Médusa savait qu’elle était médicomage à Ste Mangouste mais n’aurait jamais pensé se retrouver face à elle dans l’exercice de son métier de légiste.

Lily était une née moldue, Médusa la connaissait assez mal mais elle savait qu’elle n’avait pas connu la guerre. Lily avait cependant bien compris l’effroi qu’avait provoqué Tom Jedusor et le connaissait de nom. Comme un vieux mirage oublié, reposant pourtant en chair et en os dans une chambre vide du cottage.

—Alors ? demanda brusquement Bellatrix en ouvrant la porte du jardinet pour rentrer dans le salon à pas vifs.

Salazar était sur ses talons, les bras serrés contre Delphi paisiblement endormie la tête sur son épaule. Ses boucles de bambin oscillaient du blanc au bleu au rythme de sa respiration paisible.

—Il est bien mort, je suis catégorique, souffla Lily dans un filet de voix. Si j’en crois mes sortilèges, il pourrait presque passer pour un moldu classique… Mais il y a autre chose…

—Il était malade, dit Sal doucement en croisant les yeux de Médusa.

—Oui, acquiesça Lily. Ma mère a eut la même chose, on appelle ça un cancer. Il était assez évolué pour que je le remarque sans technologie moldue… Il ne lui restait plus beaucoup de temps.

Alors c’était donc ça. Il allait mourir dans tous les cas. Pourquoi était-il revenu après s’être caché tant de temps ? Pour les revoir une dernière fois ?

Sirius déposa sa tasse de thé offerte par Mrs Scamander et s’avança péniblement dans la pièce. Le faire sembla lui coûter car il adressa une légère grimace à Médusa et Salazar.

—Je dois rapatrier… le corps au Ministère. Avec l’authentification de Lily, la Ministre Zabini annoncera sa mort sans doute dans les nouvelles de demain.

On se réjouirait sans doute de la disparition d’un vieil ennemi. Peut-être fêterait-on même la disparition définitive de Lord Voldemort, cette chimère, le croque mitaine de bien des enfants sorciers de ce pays. Cela Médusa s’en doutait, elle fronça les sourcils cherchant à comprendre où il voulait en venir.

—Est-ce que vous voulez lui dire au revoir avant que je l’emmène ?

Médusa n’avait pas pensé une telle proposition mais secoua la tête d’un air résolu. Salazar jeta un regard en coin à la chambre où reposait leur géniteur et tendit Delphini à Médusa.

Sans un mot il les quitta pour rejoindre la pièce d’une démarche lourde. Médusa et Bellatrix partagèrent son affliction et rejoignirent la petite cuisine pour offrir au reste de la maison un cocon de silence et d’intimité.

 

Mrs Scamander posa une main douce et compatissante sur son bras. Médusa ne voulut pas s’y dérober même si le contact la gêna. Elle raccrocha ses bras sur Delphi endormie en la berçant maladroitement. L’odeur du bébé lui rappelait celle d’Ada quand elle avait son âge et dans ses bras, le bébé respirant doucement la raccrochait au réel. Il était mort, tout était terminé.

Combien de fois Médusa avait-elle fait brusquement volte face en croyant que quelqu’un la suivait après la guerre ? Elle avait vécu dans la hantise qu’il ne revienne pour en finir avec eux. Mais il était mort pour de bon.

—Tu veux que je la prenne ? demanda Bellatrix.

—Ça ira, répondit mollement Médusa. Il faudra prendre soin de Sal dans les prochains jours.

Bellatrix roula des yeux, comme si elle pouvait douter de sa capacité à prendre soin de son mari puis se rembrunit légèrement et arbora un air plus doux.

—Toi, ça va ?

Médusa hocha la tête faiblement. L’air était si lourd qu’en transpirant, elle ne savait plus très bien si des larmes coulaient sur ses joues. Bellatrix et Mrs Scamander ne parurent pas convaincues, tant fut si bien que Bellatrix récupéra sa fille et Mrs Scamander lui confia aussitôt une tasse de chocolat chaud pour ne pas la laisser les mains vides.

Salazar revint à ce moment là de la petite chambre, le visage blême et un peu humide. Il semblait triste mais adressa aux personnes dans la cuisine un petit sourire. Sirius se dirigea aussitôt vers la chambre pour s’occuper du corps. Salazar tomba dans les bras de son épouse et se réconforta auprès de sa fille en embrassant le sommet de son crâne.

—Ça a été plus simple que je ne pensais. Il a l’air paisible, Med.

Médusa retint un frisson. Dès l’instant où son géniteur était mort, elle avait tourné le dos sans se retourner en refusant de s’infliger de nouveau une telle vision.

—Tu ne penses pas qu’Eddy ou Adaline voudraient aller le voir ? demanda Bella d’une voix ténue.

—Eddy ne veut plus rien à voir à faire avec lui, et Ada ne connaît pas cet homme, décréta Médusa en portant un regard à leur caravane dans le jardin des Scamander.

Elle essaya d’apercevoir la silhouette d’Eddy ou Ada, mais seule Mullo broutait paisiblement.

—Nous allons pouvoir partir, prévint Sirius. Je crois qu’il faut que je te donne ça, Lily. C’est la vieille cape de Fleamont. C’était avec lui.

Lily s’avança pour récupérer le doux tissu coulant et argenté entre ses doigts fins. La mage-légiste leur jeta ensuite un regard confus.

—Je vais rejoindre James et Harry, dit-elle. Nous …nous revoyons bientôt.

Bellatrix, Sal et Médusa hochèrent vaguement de la tête. Aussitôt, la jeune femme avec la cape d’invisibilité sous le bras, transplana et disparut. Et Sirius avec le corps sous un drap en fit de même après un salut lugubre.

Quand ils furent partis, la lourdeur ne diminua guère. Au contraire, on aurait dit qu’une main invisible s’était abattue sur les murs de la maison Scamander pour tous les enfoncer profondément sous terre.

—Nous allons y aller nous aussi, dit Sal précipitamment.

—Vous pouvez rester, fit Mr Scamander d’une voix douce. Où allez-vous dormir ?

—Il y a ma maison sur la falaise, rappela Bellatrix. Nous ne sommes pas loin. Nous… avons besoin d’être un peu seuls.

Après les avoir tous rapidement embrassés, le couple et leur fille prirent congé. Médusa déposa sa tasse de chocolat et adressa un petit sourire reconnaissant aux Scamander.

—Désirez-vous dîner avec nous ce soir ? demanda Mrs Scamander d’une voix faible.

À en voir leur air compatissant, Mr et Mrs Scamander craignaient de les laisser seuls ce soir, alors Médusa esquissa un sourire rassurant.

—Avec plaisir, Mrs Scamander. Je vais aller leur proposer.

—Allons, je t’ai répété au moins mille fois de m’appeler Tina, Médusa.

 

Il faudrait sans doute une mille et unième fois pour qu’elle y parvienne, et Médusa s’éclipsa vers le jardin. Au dehors, l’atmosphère était à peine moins lourde que dans le cottage. Le dos de la roulotte faisait face à la maison. Mullo qui broutait sous un cerisier japonais leva son museau squelettique à son approche. Médusa s’avança pour la caresser, leur chère amie se faisait vieille, Médusa ne savait pas précisément combien de temps vivaient les sombrals, mais celle-ci avait vécu une belle et longue vie auprès d’eux. Sous ses naseaux un air chaud et réconfortant jaillit pour caresser la main de Médusa.

—Et donc c’est dans ce livre que se trouve la formule ? demanda Ada.

Eddy et elle étaient à l’avant de la roulotte et ne semblaient pas l’avoir remarquée. Après ce à quoi elle avait assisté, Eddy avait prit le relais avec leur fille et Médusa lui en était intensément reconnaissante. Il avait récupéré le Codex et emmené Ada avec lui pour mieux lui expliquer le situation. Médusa délaissa Mullo et s’approcha, pieds nus, dans l’herbe fraiche pour écouter.

—Malheureusement oui. Si j’ai bien compris ce livre est maudit, il ne peut être détruit ou altéré, dit Eddy. Un de tes ancêtres y a veillé pour empêcher Serpentard de recommencer ses possessions.

—Et qu’est-ce que vous avez fait de la baguette de Serpentard ?

—Nous l’avons replanté à Ilvermorny… notre retour là-bas n’a pas été très bien accueilli. Mais ta mère est la meilleure juriste que je connaisse, elle a su m’éviter la prison et s’éviter la prison par la même occasion. Abel lui a donné quelques leçons.

—Oh, tous les deux dans une même cellule, si ce n’est pas romantique, se moqua gentiment Ada.

—Azkaban n’a rien d’une promenade de santé, Tina te dira la même chose que moi. Et tu ne serais pas née, la reprit Eddy un peu trop sombrement. Ce que je veux te dire, c’est que je ne suis pas fier de ce que j’ai fait.

—Je sais, Maman et toi vous m’avez déjà raconté la guerre, soupira Ada.

Arrivée à niveau de l’avant de la roulotte, Médusa voyait Ada battre des jambes avec énergie. Sa fille n’avait jamais tenu en place dès l’instant où elle avait su marcher. En fait, Ada ne s’arrêtait de courir que lorsqu’elle avait ses visions. Médusa espérait secrètement que Delphini aurait la même énergie qu’elle pour concurrencer Bellatrix plus tard.

Médusa vite que sa fille était en train de justement feuilleter le codex en sifflant à voix basse ce qu’elle lisait. Eddy comprenait quelques mots de fourchelangue, mais pas tous et regardait curieusement les « mots » calligraphiés pour être sifflés.

—J’ai le droit de le lire ? demanda-t-elle en repassant à l’anglais.

—Bien sûr, c’est ton héritage, dit simplement son père. Il te revient de droit, mais il est un peu plus lourd que les autres.

—Je sais, fit la jeune fille un peu calmée. Tu sais, j’ai déjà parlé des dons à Harry. Il sait pour mes visions. Ron, Hermione et lui m’ont vue en avoir.

Eddy et Ada remarquèrent Médusa à ce moment là, et la mère leur offrit un sourire paisible.

Sashin, daje ? demanda Ada en fronçant les sourcils.

Avva, répondit-elle doucement. Bella et Sal sont rentrés avec Delphi.

Médusa grimpa sur le caravane pour serrer sa fille contre elle, elle enfouit son visage constellé de tâches brunes sur sa poitrine, respirant avec bonheur l’odeur de ses cheveux, son autre main se glissa dans celle d’Eddy. Elle croisa les yeux noirs de son compagnon. S’il ne lisait pas dans ses pensées, au moins arrivait-il à en ressentir ses émotions partagées. Il serra davantage sa main pour lui prodiguer du réconfort. Ada la lâcha pour revenir vers le Codex :

—C’est notre arbre généalogique, murmura-t-elle en feuilletant les nombreuses pages formant leur lignée. Grand-Père et Grand-Mère y sont marqués mais pas vous deux.

Médusa tiqua que sa fille arrive si facilement à accepter cet homme dans sa vie mais ne fit pas de commentaire. Au final, il l’avait vu, mais il était parti. Il ne pourrait plus jamais faire le moindre mal.

—Je veux vous marquer, et Harry et moi aussi !

—Minute, minute, l’arrêta Médusa. Chaque chose que tu écris reste à jamais, tu comprends ? Nous ne devrions rien écrire dans ce livre.

—Tu n’es pas curieuse de savoir ce qu’il a marqué dedans ? demanda Ada. S’il a réussi à l’appeler, c’est qu’il a marqué quelque chose, non ?

Ada décala ses doigts pour laisser voir : Tom Elvis Jedusor, Sang Mêlé Gaunt, Légilimens, né de Mérope Europa Gaunt et d’un moldu, époux de Méroé Sara Gaunt Apreti, Cracmolle Sangsombre, née de Murciella Aphomia Gaunt…

C’était sa calligraphie lente et soignée d’autrefois, il avait rajouté ceci sans doute après avoir récupéré le livre, d’autres passages avaient dû être ajoutés de sa main, mais cette vérité de sa plume la déstabilisa.

Elle ferma le Codex et caressa la joue d’Ada :

—Nous aurons tout le temps de choisir quoi écrire, assura-t-elle. Ne sois pas si pressée, je croirais voir ton père.

—C’est important pour les enfants que nous aurons moi et Harry, se moqua-t-elle pour agacer son père.

Cela ne manqua pas, il roula des yeux d’un air superbement agacé comme à chaque fois qu’Harry venait dans la conversation.

—J’ai eu une vision, assura-t-elle ensuite en croisant les yeux de sa mère. Lui et moi, je sais que c’est aussi fort que vous deux.

 

Médusa sourit légèrement de la fougue de sa fille. Ada avait commencé très tôt à développer son don pour la voyance. Elle était même la meilleure toute promotion confondue en divination au grand damne de son père qui n’avait jamais supporté Trelawney.

—Ne t’emballe pas trop, la calma Médusa. Mais je suis heureuse que tu aies un aussi gentil petit ami, James et Lily sont charmants.

—Tu crois qu’il voudra me revoir après ce à quoi il a assisté ? demanda Ada d’une voix plaintive.

—Comme si c’était de ta faute, s’agaça Eddy. S’il te dit quoi que ce soit, viens me voir, je vais lui refaire le portrait, magie ou pas magie.

—Papa poule, se moquèrent aussitôt les deux femmes avec un sourire devant son emportement habituel.

Eddy poussa un petit grognement à peine contrit, bien conscient qu’il avait été encore une fois trop impulsif. Mais cela rassura un peu Ada qui se serra entre eux.

—Cela ne te manque pas d’avoir perdu tes pouvoirs ? Tu aurais pu être le sorcier le plus puissant du monde avec ta baguette, demanda leur fille.

—J’y aurai tout perdu, ma propre magie me corrompait. J’ai trouvé bien mieux, je ne la regrette pas un seul instant.

La jeune fille sembla songeuse, elle envisagea la roulotte qu’Eddy avait construit de ses mains, sans magie, sur les plans d’Abelforth avec l’aide de sa famille. Médusa songeait qu’il avait su s’accomplir en prenant une voix bien plus compliquée que ses semblables. Et il était toujours en vie, avec elle après tout ce temps malgré tous les coups du sort. C’était peut être pour ça qu’elle était aussi attachée à lui qu’à cet instant, alors qu’elle caressait sa main tendrement.

—Tina et Newt nous invitent à dîner, je pense que nous allons dormir là ce soir.

Il n’était pas question pour Médusa de dormir dans cette maison mais ce décor familier sembla rassurer la jeune fille. Elle acquiesça doucement, dans la chaleur de l’été sur leur caravane-maison. Mais comme à chaque fois, Ada eut la bougeotte au bout d’un moment et sauta sur ses jambes musclées, bien décidée à aller voir Mullo.

—Et si tu allais aider Newt et Tina à préparer le diner ? Nous te rejoignons tout de suite, dit Eddy.

La jeune fille eut l’air peu encline à cette corvée, et croisa les bras sur sa poitrine. Un pan de son collier tomba hors de son t-shirt et Médusa fronça les sourcils. Elle n’avait pas remarqué cette breloque en plus durant toutes les vacances.

—Qu’est-ce que c’est que cet ajout ? demanda Médusa en pointant le pendentif.

À côté de la petite roue argentée fabriquée par l’ami d’Eddy se trouvait une petite épée. Ada se laissa faire quand Médusa l’inspecta du bout des doigts. Son compagnon, curieux, s’était rapproché lui aussi pour regarder le bijou avec un froncement de sourcil.

Médusa songea que cette épée était étonnement familière.

—Oh ça ? Harry me l’a offert, dit Ada. C’est une épée qu’on a trouvée dans la Salle sur Demande en échappant à Peeves. Peeves ne m’a jamais eut à la botte à cause de vous deux.

Eddy et Médusa s’échangèrent un regard en coin avant de reporter leurs yeux sur l’épée de la taille d’un pouce. De sa poignée finement ouvragée et miniature à sa lame scintillant contre la petite roue légère, Médusa savait précisément ce qu’était cette épée.

—On a cru que c’était Excalibur, Harry a arraché l’épée pour rire en disant qu’il voulait me la donner. Quand il a arraché l’épée, il y a eut une grosse explosion, et on s’est retrouvé avec l’épée. Rien de grave, promis ! Il me l’a offerte, pépia la jeune fille ravie. C’est joli, non ?

—C’est très-

—Joli, termina Médusa à la place d’Eddy. Allez, va rejoindre tes grands-parents. Nous arrivons.

Après une petite moue, Ada bondit sur ses pieds nus et courut vers le cottage en longeant la caravane.

Quand elle se fut éloignée, Médusa et Eddy s’échangèrent un regard complice et un petit fou rire monta entre eux. Ils tombèrent l’un contre l’autre en gloussant. Après cette journée et dans la lourdeur de cette soirée, cela faisait un bien fou.

—Il faut lui dire, ah, ah. À Potter, je veux dire, reprit Eddy en souriant doucement.

—Lui dire quoi ? Qu’il a probablement détruit l’horcruxe de Merlin et Morgane ? lui répondit Médusa. Non, le mieux c’est de ne rien dire.

Elle porta un regard en coin au Codex posé à côté d’elle. Eddy entoura ses épaules de son bras et elle enfouit son visage dans son cou. Ils étaient bien ainsi, sous les nuages sombres amoncelés au dessus d’eux, la mer à l’horizon semblait légèrement agitée et un vent salvateur se fit sentir.

—Salazar est allé lui dire au revoir, murmura Médusa, moi je n’ai pas réussi. Je lui avais fait mes adieux depuis longtemps.

—Moi aussi en quelque sorte, résuma grossièrement Eddy.

Il n’eut pas l’air de vouloir s’appesantir sur sa relation compliquée avec son ancien professeur, quelque part le revoir leur avait rappelé à tous les deux d’anciennes blessures.

—Il était mourant, avoua Médusa. Lily l’a examiné. C’est pour ça qu’il est revenu nous voir.

—Pour que Sal le soigne ? demanda Eddy sans comprendre.

—Non, pour que j’en finisse. Il en avait assez, j’imagine.

Et c’était peut être cela le plus dévastateur. Il était revenu naturellement, s’offrant le luxe de leur présence, les affrontant tous une dernière fois sans magie, ni arme. Il avait choisi quand mourir, et c’était quelque part le laisser gagner que de lui avoir fait l’honneur de cette mort rapide. Mais, réalisa Médusa, il avait toujours pensé ainsi, il n’était pas question de gagner ou perdre.

Il s’agissait juste d’avancer, laisser ces souvenirs là derrière elle pour rejoindre tout ce qui comptait.

 

Le vent souffla une nouvelle fois et enfin, la pluie bienfaitrice arriva. Il se mit à pleuvoir à verse dans le jardin des Scamander, quelques botrucs batifolaient entre les gouttes, Mullo s’était déplacée pour profiter à son tour de la pluie. Eddy et Médusa déplièrent leur jambes pour les exposer aux grosses gouttes, appréciant la fraicheur de l’eau.

—Tout est terminé, résuma Médusa.

Son compagnon hocha la tête, appréciant tout comme elle cette chape de plomb qui semblait s’envoler de leurs épaules. Dans ce jardin, près de lui, tout était bien. Il se pencha pour embrasser doucement ses lèvres avec la même ferveur qu’autrefois. Elle n’avait besoin ni de légilimencie ni de lui susurrer pour connaître ses sentiments, elle n’en avait plus douté depuis ce soir de Noël.

Ils entendirent Ada casser quelque chose et Mrs Scamander les appeler pour le dîner malgré la pluie battante.

—Allons les rejoindre, dit Eddy en serrant sa main tendrement.

 

 

FIN