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Danglard pressa fermement la paume de ses mains sur ses yeux, le souffle encore rapide. Adamsberg le regarda pendant un moment puis, en réalisant qu’il ne bougerait pas pour l’instant, il sortit du lit. Danglard jeta un coup d'œil rapide à son dos nu. Le fait d’être complètement dénudé ne semblait lui poser aucun problème, contrairement à Danglard qui avait immédiatement tiré les draps sur lui. Adamsberg fouilla dans une des poches de sa veste, qui était étalée au sol. Danglard plaqua de nouveau ses mains sur ses yeux et il entendit ensuite le cliquetis d’un briquet. Quelques pas, la fenêtre qui s’ouvrait, puis de nouveau des pas, et enfin le matelas se creusa lorsqu’Adamsberg revint s’y asseoir. Il fuma en silence pendant un moment, apparemment indifférent au trouble qui agitait Danglard.
Après un long moment, Danglard se rendit compte que s’il ne parlait pas, rien ne se serait sûrement dit avant des heures. Mais pour une fois, il se retrouva sans voix.
– Vous… commença-t-il sans avoir aucune idée de comment continuer sa phrase. Je…
Il poussa un profond soupir. Il entendit Adamsberg laisser également s’échapper un souffle, bien que le sien ait seulement pour but d’expirer de la fumée d’une cigarette volée à son fils absent. Une main chaude s’enroula lâchement autour de son poignet. Elle eut pour effet de lui faire enfin écarter les mains de son visage. Danglard détestait le fait qu’Adamsberg ait ce pouvoir au creux des mains.
– Désolé, finit par dire Danglard.
– Pourquoi ?
Danglard tourna vivement la tête vers lui. Adamsberg soutint son regard en prenant une bouffée de sa cigarette.
– Ce n’est pas de l’ironie, pensa-t-il tout haut.
– Non, répondit Adamsberg. Pourquoi est-ce que ça en serait ?
– Parce que…!
Danglard se heurta au regard nonchalant et calme du commissaire. Il vit qu’il n’y avait aucune trace de… Rien. Il n’y avait rien dans ses yeux, comme à l’habitude. Il ne savait pas pourquoi il s’attendait à autre chose. Il y avait eu quelque chose, une étincelle, même un feu, une dizaine de minutes plus tôt, lorsqu’ils s’ébattaient encore des les draps. Mais cela avait disparu, à présent. Le regard flou était de retour. Danglard fixa le plafond. Adamsberg ne demanda pas de nouveau.
– Je m’excusais, continua tout de même Danglard, pour ma - Pour mon manque de… Performance.
Du coin de l'œil, Danglard vit Adamsberg esquisser un sourire. Il eut un coup de sang, fort et bref, poussé par la honte et l’angoisse.
– Ça vous fait marrer ? demanda-t-il avec une animosité qui s’effaça lorsque les yeux du commissaire se posèrent sur lui.
– Je pense que nous sommes au-delà du vouvoiement, commandant. Adrien, comment tu peux penser ça ?
Danglard eut un frisson dégouté. Il secoua la tête.
– Ne faites pas ça.
Adamsberg le regarda avec son sourire, assez charmant pour se damner. Un sourire que Danglard haïssait, parce qu’il le rendait faible lui aussi, comme tout le monde.
– Vous tutoyer ?
– Et m’appeler Adrien.
– On vient de coucher ensemble.
– Cela n’empêche pas.
– Je dirais que cela empêche. Mais peu importe. Je m’en fous, de votre trouble de l’érection.
Danglard ne répondit pas. Il regarda la cendre de la cigarette qui tombait par terre. Adamsberg suivit son regard et, sentant que cela troublait le commandant et le sachant déjà assez troublé, il tapa la cendre au-dessus d’un cendrier traînant sur la table de nuit. Adamsberg secoua son épaule.
– Je m’en fous, Danglard, répéta-t-il.
– Et moi, je ne m'en fous pas.
– Mais moi oui, mon vieux.
Danglard pressa de nouveau ses mains sur ses yeux. Il sentit le matelas bouger et entendit du mouvement de tissu. Adamsberg toucha son bras avec le dos de sa main. Danglard consentit à sortir de sa cachette et vit que le commissaire lui tendait une cigarette. Des cigarettes dégueulasses, tordues et à moitié vide, vu qu’elles vivaient à même les poches d’Adamsberg. Même dans un triste état, Danglard accepta la cigarette. Adamsberg la lui alluma et cala le cendrier sur le lit entre eux alors que Danglard prenait une longue bouffée de fumée.
– « Mon vieux », fit remarquer Danglard. On couche ensemble, et vous m’appelez « mon vieux ».
– Vous voulez qu’on continue à se vouvoyer, j’imagine donc que vous ne voulez pas que quoi que ce soit change.
– Tout de même.
Danglard secoua mollement la tête. Il n’allait pas disserter là-dessus, surtout qu’Adamsberg était sûrement à mille lieues de comprendre ce genre de subtilités.
– Bien.
Adamsberg écrasa sa cigarette.
– Je prends une douche, dit-il en se levant.
Rien, pensa Danglard alors qu’Adamsberg sortait de la pièce. Rien de plus. Il s’étala dans les draps et écrasa sa cigarette également, non finie. Dégueulasses, ces cigarettes. Il posa le cendrier sur la table de nuit et se passa une main sur le visage. Il aurait voulu plus. Un baiser avant d’aller se doucher, quelque chose. Il tenait énormément à Adamsberg. Il se demandait si celui-ci s’en rendait compte. Peut-être que, pour Adamsberg, cette coucherie n’était qu’une fantaisie. Il lui avait semblé que ce n’était pas la première fois qu’Adamsberg se retrouvait dans un lit avec un homme. Ce qui, au fond, n’était pas tellement surprenant. Les divagations des pensées et des désirs d’Adamsberg ne connaissaient pas de limites, il n’y était pas regardant.
Bon sang, Adamsberg l’avait laissé seul. Bien qu’il ne le pensait pas assez subtilement perfide, Danglard ne put s’empêcher de penser, ne serait-ce qu’une seconde, que c’était une invitation à se barrer.
Mais Danglard demeura, fixant le plafond. Les bruits du soir filtraient par la fenêtre et il les entendait sans y faire attention. Il était enfoncé dans ses pensées et ses diverses angoisses. Il se demandait ce que cela changeait pour eux. Peut-être rien pour Adamsberg. Mais définitivement tout pour lui. Des années de tensions, d’attentes frustrées, masquées. Tout envolé en une nuit. Non, même pas une nuit. Une soirée. Un embryon, une idée de nuit. Une idée que Danglard avait convoitée sans le vouloir pendant des années, anéantie. Adamsberg allait-il même le laisser dormir ici ?
Il se tira de ses réflexions stressantes lorsque l’objet même de ces réflexions passa le seuil de la porte, portant seulement un pantalon de jogging élimé.
– Je dors, annonça-t-il en se glissant dans le lit.
– Vous dormez, répéta Danglard, abasourdi.
– C’est mon intention, commandant. Voulez-vous parler ?
– Non.
– Non. C’est ce que je pensais. Plus tard, j’imagine ?
Là, Danglard hésita. Il faudrait.
– Idéalement, répondit-il évasivement.
– Bien. Vous choisissez, Danglard. Adamsberg ouvrit un bras, désignant la chambre puis au final pointant vers le lit. Vous restez, ou non. Je ne me formaliserai pas. Vous pouvez vous doucher. Vous savez où est la salle de bain.
Danglard savait. Il avait déjà passé bien des soirées dans cette maison.
– Quant à moi, je dors. À vous de décider si vous ferez de même.
Sur ce, Adamsberg ferma les yeux, laissant Danglard troublé et confus. Il resta figé pendant un moment avant de se lever lentement. Une douche était inévitable, pour les divagations angoissées. Et aussi, Danglard, faute d’être beau, était soigné. Il ramassa quelques-unes de ses affaires éparpillées sur le plancher. Bon sang, il n’était pas beau. Il n’était pas beau et Adamsberg, qui aimait les belles femmes et apparemment les hommes également, avait couché avec lui.
– Merde, se murmura-t-il à lui même alors qu’il allumait la douche.
Danglard, faute de mieux, se retrouva à devoir dormir en sous vêtements. Oui, avait-il décidé, il dormirait. Il ne voulait pas dormir en sous vêtements, mais il ne voulait pas non plus dormir dans sa chemise et l’avoir chiffonnée pour demain. Et Adamsberg était trop petit pour pouvoir emprunter quelque vêtement que ce soit.
Il était agité d'une énergie rare et nerveuse. Mais il se força à s'allonger auprès d’Adamsberg. Raide, mais présent. Il sursauta lorsqu’une main attrapa son poignet. Danglard se demanda s’il l’avait fait dans son sommeil ou non.
– Si vous dormez, Danglard, dit-il d’une voix basse, alors dormez.
Cette main l’apaisa. Soit Adamsberg l’avait attendu, soit il s’était réveillé. Il ne savait pas quelle option lui paraissait préférable. Danglard ne savait pas bien dormir. Mais Adamsberg, grâce à seulement une pression de la main, l’endormit.
Merde.
rottenwxrld Sat 01 Jul 2023 08:18AM UTC
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lasalebete Sat 01 Jul 2023 09:34AM UTC
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AlphabetLoser Mon 03 Jul 2023 12:09PM UTC
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Blablu Mon 24 Jul 2023 09:07AM UTC
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Hi_exe Tue 02 Jan 2024 09:01PM UTC
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Nicéphore (Guest) Sun 07 Jan 2024 12:40AM UTC
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alliumduo27 Wed 11 Dec 2024 03:06AM UTC
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alliumduo27 Thu 12 Dec 2024 12:38AM UTC
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