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des enfants comme vous

Summary:

Quand, après dix ans d'exil, Arthur Pendragon décide de retourner en Bretagne, ce n’est pas de gaieté de cœur. C’est avant tout parce que, selon les rumeurs, Guenièvre épouserait Lancelot et que s’il y a bien une chose qu’il doit à sa femme, c’est la sauver d’un mariage qui ne peut être que forcé.
À sa grande surprise, son retour fout plus la merde qu’autre chose.

Kaamelott - Premier volet : une réécriture.

Notes:

Disclaimer : Au-delà du fait que Kaamelott appartient bien sûr à Alexandre Astier, on tenait à préciser qu'on adorait Kaamelott Premier Volet. Cette fic est juste l'exploration d'une idée marrante qu'on a eue... en espérant que ça vous plaise !

Chapter Text

“Si les dieux avaient dû être de notre côté, ils nous auraient pas refilé des enfants comme vous.”

- Dame Séli

 

* * *

 

Ça fait dix ans qu’il n’a pas entendu parler de Guenièvre. 

Les rumeurs sur Lancelot, ça, elles ont bien circulé, surtout dans les tavernes du port de Leukè Komè. Plein de récits sur son règne sanguinaire, sans distinction entre le vrai et le faux : des enfants brûlés vif, les Saxons engagés pour maintenir l’ordre dès la deuxième année, des villages mis à sac lorsqu’ils y suspectaient la présence d’un chevalier. 

C’était encore facile de fermer ses esgourdes, de finir son brouet et de quitter l’établissement. Il n’avait pas fui la Bretagne pour que ses souvenirs l’y ramènent. 

De toute façon, au bout de cinq ans, elles ont commencé à se calmer, ces rumeurs. La Bretagne, c’était devenu moins intéressant que la victoire des Grecs sur les Perses à Platées. 

Alors Guenièvre, il ne s’y attendait pas. 

 

* * *

 

Comme tous les soirs, Arthur s’affale à la table - sa table - et attend que Zaynab vienne le servir. Ça fait dix ans qu’il vient à sa taverne, petite mais honnête, et huit ans que la maîtresse de maison n’a plus besoin d’entendre sa voix pour lui apporter sa soupe chaude. 

Aujourd’hui, il est particulièrement fourbu. Ses épaules l’élancent et, après une journée à casser des pierres dans la carrière de Dalir, il n’entend même pas Zaynab poser un bol devant lui. Pourtant, les breloques dans ses boucles brunes s’entrechoquent quand elle marche. 

– T’as une sale tête. 

– J’ai toujours une sale tête, répond-il en enfonçant la cuillère dans le potage. 

– C’est les cheveux longs, lance-t-elle en s’éloignant. 

Non, c’est pas les cheveux longs. C’est l’absence de bains, la poussière des pierres et la fatigue dans ses yeux. Il grogne et reprend son dîner. 

C’est son prénom qui attire son attention. 

– Leur vieille reine, là… Guenièvre. 

La cuillère s’arrête entre le bol et sa bouche. Le con assis derrière lui prend une importance soudaine. 

– Leur nouveau roi va l’épouser, dit-il. 

– Il peut ? 

– Bien sûr qu’il peut, l’autre est mort. 

– Arthur Pendragon ? Je le croyais juste disparu. 

– Mort ou disparu, Lancelot épouse Guenièvre. 

Quand il reprend sa soupe, elle est froide. 

 

* * *

 

Les rumeurs n’ont ni queue ni tête. 

Certains parlent de mariage forcé. Dans un récit, Guenièvre se sacrifie pour sauver un village, s’offrant à Lancelot en échange de leurs vies. Dans un autre, il l’a enfermée dans une tour depuis des années et, lasse de résister à sa cour, Guenièvre a enfin cédé. Dans un autre encore, Lancelot l’a ensorcelée avec des pouvoirs magiques cachés, la forçant à tomber amoureuse de lui. 

Et puis il y a ceux qui parlent de grand amour. Ceux qui évoquent un couple uni, deux amants qui ont enfin décidé d’échanger leurs vœux. Pour une commère qu’il entend à un étal de fruits, Guenièvre est folle amoureuse du beau roi blond de Bretagne qui la couvre de cadeaux. Ce jour-là, Arthur se voit forcé de payer pour l’abricot qu’il a écrasé dans sa main. Et enfin, le dernier, le plus farfelu, c’est Guenièvre qui a séduit le roi Lancelot, qui s’est parée de soie et de perles et l’a charmé en dansant comme Salomé devant Hérode Antipas. 

Tous les récits ne s’accordent que sur un point : le mariage aura lieu. 

 

* * *

 

Arthur s’est juré de ne jamais retourner en Bretagne. Mais bon, la parjure, il commence à connaître. 

Sa piaule est minuscule, assez petite pour qu’il soit incapable de la remplir de souvenirs et de tronches du passé. Juste assez grande pour retirer les bandeaux autour de ses poignets et poser son médaillon face à lui, la gueule d’Ogma béante. 

C’est tout ce qui lui reste de la Bretagne : sa souffrance lâche et sa capacité à ne pas savoir quand fermer sa gueule. 

– Qu’est-ce que vous allez faire de moi ? 

– De vous, bah je sais pas… rien. Comme d’habitude. 

Tiens, les remords. Il les a oubliés, eux. Ils reviennent, parfois, avec quelques visages dans leur sillage. 

Vous vous êtes ouvert les veines dans un bain que j'avais moi-même fait couler.

Guenièvre, bien sûr. 

Oui alors voilà, je me suis assis sur votre trône parce que je fais la moitié de votre boulot… Et je vous emmerde !

Lancelot, son meilleur ami, son pire ennemi, celui qu’il adore détester ces temps-ci. Celui à qui il a donné un royaume, alors même qu’il ne le demandait plus. Peut-être bien qu’il a détruit Lancelot comme il a détruit le reste. Après tout, quand il lui avait tendu la tablette de cire qui le faisait roi, il avait écouté cette petite voix, mesquine et vicieuse, au fond de lui. Cette voix qui lui murmurait : Qu’il essaie, puisqu’il s’en croit digne. 

Sauf que Lancelot n’avait pas fini dans un bain, fatigué de vivre. Non, au lieu de ça, il épouse Guenièvre. Le sort de la Bretagne, c’est encore facile de l’ignorer. C’est l’échec de Lancelot et c’est bien fait pour lui. 

Mais Guenièvre, c’est plus difficile. 

Parce qu’au fond, c’est de sa faute si Guenièvre se retrouve dans un mariage forcé avec l’autre con. Et si Arthur considère qu’il ne doit rien à la Bretagne, il sait qu’il doit encore beaucoup à sa femme. 

 

* * *

 

Venec n’est pas exactement du même avis quand il le retrouve une dizaine de jours plus tard, à la taverne de Zaynab. 

– Ah non mais c’est une très mauvaise idée, je vous ramène pas en Bretagne, moi. Déjà que j’ai eu un mal fou à vous en faire sortir… Non, trouvez-vous un autre mec louche, moi j’ai donné. 

– Venec, je connais pas d’autre mec louche. 

Pour qu’on le vende en esclavage ou une autre merde, non merci. 

– Ah pour ça, pas de problème. Je vous en présente dix demain si vous voulez, vous ferez votre choix. 

– Mais bien sûr, faites-moi un prix de gros, tant que vous y êtes ! Faites pas le con, Venec, j’ai besoin de vous sur ce coup-là. 

La confiance. Venec n’y résiste pas, trop franchement malhonnête pour dire non. Quand il voit l’homme baisser les yeux, il sait qu’il a gagné.

– C’est la dernière fois, le prévient-il, le doigt en l’air. 

– Si vous croyez que je vais me coltiner cinquante allers-retours ! 

– Bon d’accord. 

Le visage niais de Guenièvre surgit dans son esprit, avec son sourire qui fait des plis partout sur sa peau, comme si son corps ne pouvait contenir en entier sa joie ou sa bêtise. 

– On rentre en Bretagne. 



Chapter 2

Notes:

Nouveau chapitre, plus long cette fois !
L'histoire commence à se dévoiler :)

Chapter Text

Le retour en Bretagne se passe étonnamment bien.

Arthur insiste pour être prudent bien sûr, mais personne ne semble reconnaître l’ancien roi. Faut dire qu’il reconnaît à peine son propre reflet, avec ses cheveux longs et sa tronche encore plus ombrageuse qu’elle ne l’était déjà. Et puis Arthur Pendragon, s’il en croit ce qu’il en entend pendant le trajet, c’est devenu un mythe plus qu’une personne concrète en dix ans. Des rumeurs vagues sur sa disparition ou sa mort, vite éclipsées par celles des batailles. Ou du mariage. Les mêmes hypothèses farfelues sur le pourquoi du comment Guenièvre épouse Lancelot qui l’ont poussé à revenir. Lui et Venec n’ont toujours aucune foutre idée de comment la retrouver lorsqu’un autre ragot leur parvient. 

Ils se sont arrêtés dans une taverne, un peu pour écouter ce qui se dit, surtout parce que Venec se plaint de ne pas avoir mangé un vrai repas depuis des semaines. 

– Et la Résistance ? demande le mec derrière eux à son voisin. 

Arthur en lâche presque sa cuillère et cherche les yeux de Venec, qui est trop occupé à bouffer pour avoir entendu. Il lui file un coup de pied sous la table.

– Quoi la Résistance ?

– Bah, faut bien que je passe par cette fichue forêt de Brocéliande, mais j’ai moyennement envie de me faire embrocher par une flèche.

– C’est les Saxons qu’ils embrochent. Toi, tu risques rien. 

– Ouais, mais parait-il qu’ils sont vachement féroces. Personne a foutu un pied là-bas depuis le carnage d'il y a sept ans. 

Et les deux interlocuteurs tombent dans le silence, comme imposé par le souvenir du carnage en question. 

Arthur fait un signe de tête à Venec.

– Renseignez-vous. 

– Quoi ? C'est la reine qu'on cherche, pas des résistants. 

– Ouais, bah quand vous aurez une piste, vous me direz. En attendant, si on peut aller chercher de l'aide pour quand il faudra la libérer, je dis pas non.

– Ah oui, pas con, dit Venec avant de reprendre de la soupe. 

Arthur lève les yeux au ciel.

Quelques jours plus tard, c'est confirmé. Selon Venec, le bruit court qu'une résistance contre Lancelot se planque dans la forêt de Brocéliande. Soi-disant si redoutable que le roi aurait carrément renvoyé les Saxons suite au fameux massacre. Du moins ceux qui restaient. 

– Vous m’avez suivi jusque là, dit-il à un Venec assez réticent à l’idée de se frotter à ces pourfendeurs de Saxons. Qu’est-ce que vous avez à perdre ?

– Bah, je sais pas. La vie ?

Arthur ne lui répond pas que la vie, ça fait un moment qu’il a l’impression de l’avoir perdue. Mais ça doit être écrit dans son regard, parce que Venec soupire, une main dans les cheveux.

– Bon, d’accord. D’accord. Mais pour de vrai, c’est la dernière fois.

 

***

 

– Dites, vous êtes sûr de vous là ? Non, parce qu’à moins qu’ils enrôlent des chevreuils, je les vois pas trop vos résistants.

Déjà plusieurs heures à s’enfoncer dans la forêt indiquée, et toujours rien. Pas un bruit si ce n’est le craquement des branches sous leurs bottes. 

– Sûr, sûr, répond Venec. C’est des rumeurs, Sire. Je vous répète ce que j'entends, c'est tout.

La belle affaire. S’ils n’ont toujours pas rebroussé chemin, c’est seulement à cause de la quantité de chênes au feuillage touffu. Idéal pour se cacher, pour observer et attaquer. Pourtant, pas un bruissement suspect depuis qu’ils y ont foutu les pieds ici. Même pas une petite brise de vent.

– Non mais quelle connerie de chercher des résistants imaginaires dans une forêt, aussi.

N’importe quelle oreille n’aurait pas relevé ce grincement de bois, si léger dans une forêt aussi vaste. Sauf qu’Arthur Pendragon connaît la guerre mieux que son propre corps. Il s’immobilise. C’est le bruit de-

– Aussi, c'était votre idée de revenir-

– Taisez-vous.

– Non mais-

– Chut ! (Il tire Venec vers lui.) On nous observe. 

Un autre grincement, qu’il reconnaît tout autant que le premier. Il avait correctement identifié le bruit : c’est encore un arc qui se tend. Arthur balaye la zone qui les entoure à la recherche de la source. Rien. 

– Ils sont dans les arbres, murmure-t-il avec un signe de tête en direction d’un chêne.

– Ah, parce qu’ils sont plusieurs en plus? gémit Venec près de lui, et Arthur croit aussi entendre des murmures derrière sa plainte. 

Crac. Encore un. Merde !

– Attendez ! 

Un cri perce le silence au lieu d’une flèche. Un timbre qu’il ne connaît que trop bien, mais qu'il n'a pas entendu depuis dix ans et c’est impossible- 

– Ne tirez pas ! résonne à nouveau la voix de Guenièvre. C’est Arthur !

Tchac.

– Aïe, putain !

Parce que les dieux ont décidément un drôle de sens de l’humour, la flèche lui arrive en plein dans l'épaule. À travers la douleur, il enregistre à peine le “Pardon !” du con qui a tiré, le “Sire !” de Venec, ou le cri de surprise des guignols dans les arbres qui se croient au théâtre. Et comme dans un de ces mauvais spectacles, Arthur dégringole la tête la première. Il a fière allure, l'ex-roi de Bretagne revenu sauver sa femme. Qui a l'air de pas avoir grand besoin d'être sauvée, et même si c'était le cas, il est pas foutu d'éviter une flèche. 

 

***

 

Les "résistants" - qui ne savent pas quand tirer ou ne pas tirer, la belle affaire - trimballent Arthur vers leur camp. Il est a juste assez de force pour se concentrer sur sa respiration plutôt que la douleur lancinante dans son épaule, et pour aboyer des "Ça va, je vous dis !" à ceux qui l'assomment d'inquiétude. 

Bien sûr, il demande plusieurs fois aux abrutis où est passée Guenièvre. Lorsqu'il ne récolte qu'un silence gêné et des tentatives de changement de sujet gênantes, il finit par se demander s'il n'a pas carrément rêvé. Il lui a pourtant bien semblé apercevoir une femme dans la panique de tout à l'heure, une silhouette flanquée d'une longue tresse qui aurait pu être elle. Mais honnêtement, il voyait encore un peu flou. Alors il arrête de demander, par peur de passer pour un vieux gâteux qui se persuade d'avoir vu sa femme parce qu'elle lui manque, ou une autre connerie du genre. Si Guenièvre est bien là et qu'elle l'a reconnu, il décide qu'elle finira bien par venir le voir. Et lui expliquer pourquoi diable le monde entier raconte qu'elle épouse Lancelot, si elle a l'air plus occupée à gambader dans la forêt avec des résistants.  

– On arrive, Sire, lui dit Venec qui se tient près de lui au cas où. 

– Qu'est-ce que c'est que ce bordel… marmonne Arthur en découvrant la base. 

Plusieurs feux de camp, entourés de troncs d'arbres coupés pour s'asseoir, et même des coussins ici et là. Des tentes qui semblent assez spacieuses pour accueillir une famille. Comble du comble, une sorte de potager en construction, avec des fanes de carottes qui dépassent de la terre. En bref, l'endroit a plus des airs de camping que de camp militaire. 

– Hé, regardez, y'a même un hamac, remarque Vénec en pointant du doigt le tissu coloré qui pendouille entre deux marronniers. 

– Non mais je rêve, c'est ça vos résistants ? beugle Arthur. 

– Vous énervez pas, Sire, c'est pas bon pour votre épaule. 

– Occupez vous de la vôtre. Et de m'expliquer pourquoi vos résistants ne tirent pas droit et sont en vacances. 

– Hé, c'est pas mes résistants, d'abord. (Il lève les mains en signe de paix.) Moi j'en sais pas plus que vous. Et je vois pas pourquoi vous êtes pas content, ça m'a l'air très cozy. 

Arthur souffle pour éviter de lui en foutre une et file vers la tente qu'on lui indique. Il posera ses questions plus tard. Pour l'instant, Venec n'a pas tort, il doit s'occuper de son épaule. Même si son instinct lui crie que ça commence à faire beaucoup, Guenièvre qui disparaît et cette résistance surréaliste. Il y a décidément quelque chose qui ne tourne pas rond en Bretagne. 

 

***

 

Les jours qui suivent passent comme dans un rêve. Un brouillard où on perd la notion du temps, avec des rencontres plus absurdes les unes que les autres, dont on s'étonne même plus. Tout compte fait, c'est peut être à cause des potions que lui file Merlin pour la douleur. Parce que oui, il est là. Arthur ne s'attendait certainement pas à le revoir ici après toutes ces années, et pourtant. Il était tellement sur le cul qu'il l'a laissé le prendre dans ses bras après avoir lancé un "Qu'est-ce que vous foutez là, vous ?" Le choc des retrouvailles passé, il se dit que Merlin, c'est un guérisseur plutôt adapté pour cette résistance en carton. 

– Bon, vous m'expliquez ? lui demande-t-il depuis son lit trop confortable dans sa tente trop confortable. 

– Vous expliquer quoi, Sire ?

– M'appelez pas Sire. M'expliquer tout ce bordel. Si vous êtes vraiment une résistance, déjà. Non, parce que c'est quand même sacrément suspect votre affaire. Vous vous cachez même pas, n'importe qui verrait votre connerie de hamac bariolé à cinq cent mètres ! 

– On est pas une résistance, Sire. On est la Résistance contre Lancelot. Même si c'est un peu complexe ces temps-ci.

– Et c'est qui votre chef ? Que j'aille applaudir l'abruti qui autorise les hamacs et les coussins.  

Merlin cligne des yeux plusieurs fois comme si la question était débile, les mains suspendues au-dessus des flacons qu'il trifouille. 

– Et bah, c'est la Reine, Sire.

Silence. 

– La Reine ? Comment ça, la Reine ?

– Bah, la Reine, Sire. 

– Non mais ça j'ai compris ! Mais on parle bien de la même ? Parce que j'ai du mal à vous croire, là. 

– La seule et unique reine de Bretagne, Sire. Guenièvre de Carmélide. 

Arthur inspire brusquement. Guenièvre. Il n'avait donc pas rêvé en entendant sa voix. Mais donc-

– Attendez, je vous suis pas. (Il essaye de se redresser dans le cocon d'oreillers où on l'a enterré.) Qu'est-ce que fout Guenièvre à la tête d'une résistance ? Et pourquoi…

Il s'arrête. C'est ridicule. Mais pourquoi elle n'est pas encore venue le voir ?

– Reposez-vous, Sire, lui dit Merlin avec un regard qui ressemble drôlement à de la pitié. Vous êtes pas en état de vous agiter.  

Et juste comme ça, il se barre de la tente. 

 

***

 

Il aurait dû s'en douter après Merlin, mais toute la fine équipe est là. Perceval, Karadoc, Elias. Tous là, même après dix ans. Tous engagés dans la Résistance contre Lancelot, loyaux à Guenièvre. La seule qui n'a toujours pas foutu un pied dans sa tente, même après que tous les autres soient venus un par un, ce qui commence à sacrément l'énerver. En partie parce qu'il se sent assez con d'être revenu en Bretagne pour sauver la cheffe de la Résistance – même si ça n'a aucun sens que ce soit elle.

– Elle est où, Guenièvre ? demande-t-il à Perceval dont il évite le regard surchargé d'émotion. 

– La Reine, Sire ? Elle est, bah, elle est là, quoi. 

Génial.

– Non mais je veux dire, qu'est ce qu'elle fout ? Ça fait quoi, trois jours que je suis là ? Dites-moi si je me trompe, mais il me semble pas avoir vu le bout de son nez depuis que je me suis pris la flèche.

C'est au tour de Perceval d'éviter son regard. Il se tortille comme un ver sur le bord du lit où il s'est assis sans demander la permission. 

– Je vous jure, Perceval, si personne me dit ce qu'il se passe, je vais finir par tuer quelqu'un. 

– La Reine est occupée, Sire. 

Il ment tellement mal qu'Arthur a presque envie de rire pour la première fois depuis longtemps. 

– Mon cul, oui ! Me faites pas croire qu'elle est au front, vous avez un hamac bariolé ! 

– Ça, c'était mon idée… marmonne Perceval.

Évidemment que c'est son idée. 

– C'est pas des conneries, Sire. On est vraiment la Résistance et la Reine est vraiment notre cheffe. Une bonne cheffe même, un peu comme vous. Elle fait moins peur, mais l'idée est là. 

Arthur la revoit, la Guenièvre d'il y a dix ans. Impossible de l'imaginer chef de quoi que ce soit, surtout pas d'une résistance.  Elle est trop… trop Guenièvre. Trop niaise, trop souriante, trop gentille. Il n'arrive même pas à l'imaginer endurcie par les années, alors aller cogner du saxon, certainement pas. Et pourtant, c'est ce que tout le monde lui dit. Ça lui fait une sorte d'aura mystique, comme une héroïne de ces chansons de chevaliers. Une aura qu'il n'arrive pas à concilier avec son souvenir d'elle. Le fait qu'il ne l'ait toujours pas vue aide pas, c'est sûr. 

– Vous allez me dire ce qu'elle fout ou faut que je vous tire les vers du nez ?

Perceval baisse les yeux, l'air de réfléchir pour une fois, avant de lui lancer le même regard que Merlin.

– Je crois qu'elle vous évite, Sire. 

 

***

 

Le lendemain de la visite de Perceval, Arthur est debout à l'aube. Merlin lui a dit de se reposer encore un jour ou deux, mais rester cloué au lit avec pour seule activité assister au défilé des cons, ça va cinq minutes. Et puis, si on refuse de lui donner plus qu'une moitié de réponse, autant aller les chercher lui-même. 

Dehors, tout est calme. La vue sur les troncs d'arbres autour du feu avec les oiseaux et le soleil qui se réveillent est presque trop paisible. Il a visé juste en sortant de bonne heure : tout le monde dort encore, dans cette comédie de résistance. Arthur enjambe les coussins à la recherche de la tente de Guenièvre, dans l’idée qu’elle sera bien forcée de lui parler s'il débarque sans prévenir. Elle n’est pas difficile à trouver. Ou peut-être qu’il connait mieux sa femme qu’il ne veut se l’admettre. Quoi qu’il en soit, il soulève un pan de tissu qu’elle seule aurait pu choisir et se glisse à l’intérieur. 

Ce qu’il y trouve est si aberrant qu’il ne calcule même pas l’absence de Guenièvre. Des tapis richement brodés, un lit surélevé couvert de fourrures - et pas les moins chères en plus - une malle, un fauteuil. Arthur n'en croit pas ses yeux, mais la tente de la soi-disant cheffe de la soi-disant Résistance est aussi, voire plus confortable que la chambre qu'ils partageaient au château. 

– Qu'est-ce que vous cachez, Guenièvre ? murmure-t-il en se dirigeant vers un bureau qu'il vient de remarquer.

Il passe ses mains sur le bois luxueux, sur l'encrier et le parchemin. Elle écrit. Depuis quand elle écrit ? Arthur serait le premier à gueuler s'il on fouillait dans ses affaires, mais ça fait plusieurs jours qu'il ne pige rien à ce qu'il se passe. Et puis merde, c'est elle qui refuse de venir le voir après tout. Alors il ouvre les tiroirs et sort la pile - assez conséquente - de lettres qu'il y trouve.

Il se fige. Ce n'est pas l'écriture de Guenièvre. C'est l'écriture de Lancelot. Pour l'avoir vu des années durant sur des rapports lorsqu'il était son chevalier, il en est sûr. C'est l'écriture de Lancelot. Il jette la première lettre, prend la deuxième. Toujours Lancelot. Pareil pour la troisième. Et la quatrième. Dans le tiroir de Guenièvre, une pile de lettres de Lancelot. Toutes débutant par Ma mie . Des tartines et des tartines sur le plaisir de l'avoir vue, sur l'attente de la revoir. Arthur en attrape une autre dans l'espoir de comprendre le bordel dans lequel il s'est fourré.

Il dépasse à peine un énième Ma mie - qui commencent d'ailleurs à lui taper sur le système - qu'un bruissement de tissu lui fait lever la tête. Guenièvre se tient sur le seuil, aussi figée que lui.

– Qu’est-ce que vous faites là ?

Chapter 3

Summary:

Un pas en avant, deux pas en arrière...

Chapter Text

– Qu'est-ce que vous faites là ?

Dix ans dans la gueule, c'est beaucoup pour n'importe qui. C'était beaucoup pour les autres qu'il a revus. Guenièvre, c'est encore autre chose. C'est elle et c'est pas elle. C'est une inconnue, et en même temps, c'est sa - non, pas sa Guenièvre. Ça n'a jamais été sa Guenièvre. 

Il enregistre à peine sa question, et vu son expression, elle non plus. Le ton trop doux pour être un reproche, encore trop pris dans le choc de le revoir ici, après tout ce temps. Son corps s'est tendu lorsqu'elle l'a vu, comme prêt à bondir pour le prendre dans ses bras, avant de se raviser. Sûrement les années et les années de négligence qui lui sont revenues en pleine face, passé la surprise. 

– Arthur, qu'est-ce que vous faites dans ma tente ? redemande-t-elle. 

Cette fois, sa voix est ferme. C'est la nouvelle Guenièvre. Peut être pas endurcie par les années, non, mais plus confiante. Moins l'air de s'excuser d'exister, plus de le lui demander. À lui.

Pendant un instant, il est même sur le point de balbutier une explication. Puis, lorsqu’il serre les poings nerveusement et manque de chiffonner un papier, il se souvient des fichues lettres de Lancelot.

– Et vous, on peut savoir ce que vous foutez ? lui lance-t-il en brandissant le parchemin comme une pièce à conviction. 

Quelque chose vacille dans son regard au nouveau rappel cinglant d'années de mariage foireux. Mais elle garde le menton levée, la nouvelle Guenièvre. 

– Vous fouillez dans mes affaires, maintenant ?

– Pourquoi vous écrivez à Lancelot ?

Elle a les narines qui s'agitent de quelque chose, de colère ou d'embarras. Peut-être les deux. 

– Je vous permets pas de-

– Depuis combien de temps, Guenièvre ? Depuis combien de temps vous écrivez à ce taré en faisant croire aux autres que vous êtes la Résistance, ou je sais pas quelle autre connerie ?

– Bientôt sept ans si vous voulez savoir ! (Elle s'écrie, les joues rouges de colère. Ça la rajeunit cette émotion, bien qu’il l’ait rarement vue en rogne à l’époque.) Mais je vous dois aucune explication !

Il tombe d’encore plus haut qu’en découvrant les lettres.

– Sept ans ? J'ai bien entendu ? Répétez, pour voir !

– Sept ans, oui ! C'est l'âge qui vous rend sourd ?

– Non mais vous êtes malade ? (Il beugle maintenant, peut-être plus fort qu'il a jamais beuglé sur elle.) Vous savez ce qu'on raconte là où j'étais ? Que c'est un putain de dictateur ! Qu'il brûle des gamins ! Et vous, ça fait sept ans que vous lui écrivez des mièvreries ?

– Des mièvreries ? (Elle gueule aussi fort que lui maintenant. Ça aussi c'est nouveau.) Mais je vous permets pas ! Vous savez rien ! Et même si c'était que ça, qui d'autre m'en écrirait ? Vous ? 

– Non mais, c'est pas le sujet-

– Alors c'est quoi le sujet ? Votre avis sur ma relation avec Lancelot, basé sur ce que vous avez entendu dans le trou où vous vous cachez ? Parce que si c'est ça, vous pouvez vous le mettre là où je pense. 

Arthur se fige, presque bouche bée. Presque. Guenièvre fait un pas vers lui, toujours rouge comme une pivoine. 

– Vous avez perdu le droit de donner votre avis quand vous êtes parti, voilà le sujet. 

Elle le dit plus calmement, mais la violence y est. 

Et Arthur ne répond rien. Parce que qu'est-ce qu'il peut répondre à ça ? À part que oui. Mille fois oui, elle a mille fois raison. 

– J’aurais pas dû vous parler comme ça, fini-il par marmonner.

Genièvre cligne des yeux, surprise à son tour. 

– Pardon ?

– J’aurais pas dû vous parler comme ça. (Il le répète plus fort, malgré l’embarras qui commence à lui chauffer les joues - il remercie sa barbe.) Vous avez raison. 

C’est à peine une excuse, mais c’est tout ce qu’il peut lui donner. Arthur Pendragon ne s’excuse pas. Du moins, presque jamais. Ce n’est pas qu’il ne connaît pas la culpabilité, non. Au contraire, c’est une vieille compagne, plus fidèle que ses chevaliers. Le comble, c’est que plus ses remords l’écrasent, moins il arrive à s’excuser. 

Guenièvre entrouvre ses lèvres, le léger soupir qui s’en échappe le ramenant à elle. Un abandon, il suppose. Elle sait qu’en termes d’excuses, elle n’obtiendra pas mieux de sa part. Son regard s’adoucit, mais Arthur y reconnaît l'œuvre de la tristesse plus que de l’attendrissement. À peine une excuse, et c’est sûrement la meilleure qu’il lui ait jamais offerte - il déglutit difficilement pour tenter de chasser le goût amer dans sa bouche. Je sais, il aimerait de lui dire, mais se tait. 

– Rendez-moi ma lettre, s’il vous plaît, lui dit-elle en tendant le bras. 

Son ton est plus léger, comme lorsqu’elle tentait de lui faire la conversation dans le lit conjugal. C’est une trêve, Arthur le sait, alors il ignore le tremblement caché derrière la politesse, que ce soit dans sa voix ou dans la main où il remet le parchemin. Guenièvre lisse le papier là où il a serré trop fort, avec un soin qu’on réserve à des objets précieux. Intimes, même.

– Vous m’expliquez ? lui demande-t-il doucement, une invitation. 

Elle soupire avant de lui indiquer le fauteuil du doigt. 

– Asseyez-vous. C’est une longue histoire. 

Il lui obéit alors qu’elle s’installe sur le bout du lit, juste en face de lui. Elle se tortille sur place, les yeux qui cherchent quoi lui dire et comment, puis attrape la tresse qui lui tombe dans le dos pour occuper ses mains. Arthur avait remarqué qu’elle était longue mais de près, c’est autre chose. Les mèches suivent des motifs compliqués, comme un labyrinthe qui s’enroule et se déroule sur lui-même - le long de son épaule, ses genoux. Il ne peut pas imaginer les heures passées à brosser cette crinière, puis la coiffer, l'orner de bijoux. Décidément, Arthur ne comprend pas les femmes. Attacher les siens, c’est déjà trop de temps perdu. Alors, cette longueur… Depuis quand elle ne les a pas coupés ?

– Excusez-moi, (Sa voix le tire du labyrinthe de ses cheveux où il s’est perdu.) Je veux être sûre de rien oublier. 

– Non, non, prenez votre temps. 

– Vous vous fâcherez pas ? bredouille-t-elle sans le regarder.

Si. Sûrement.

– J'essaierai. 

– Bon, je vous la fais aussi courte que possible. Quand Lancelot est devenu Roi, il a vite lancé les Saxons aux trousses de ceux qui pourraient résister. Et aux miennes aussi. J'ai réussi à me cacher, à voyager discrètement sans me faire remarquer.  Je vous passe les détails, mais j'ai fini par me retrouver ici, avec ce petit groupe. C'était à peine une Résistance à l'époque. 

– Ah, parce qu'aujourd'hui-

– S'il vous plaît. Laissez-moi finir au moins, avant de râler. 

Il a promis d'essayer, après tout. 

– Allez-y. 

Elle hoche la tête.

– On s'est tous dit qu'on pouvait pas rester les bras croisés, alors on s'est retroussé les manches et on s'est mis au travail. Et ça a payé ! (Elle sourit timidement pour la première fois depuis qu'il l'a revue, les rides qu'il remarque seulement maintenant au coin de sa bouche creusées de fierté.) Au bout de deux ans, plus un Saxon osait mettre les pieds ici. 

Arthur ne peut s'empêcher de lui rendre une moitié de sourire. 

– Ouais. Vous leur avez mis une sacrée dérouillée si j'en crois les ragots. 

– Bref, c'était assez pour que Lancelot entende parler de nous. Et quand il a su que la Résistance était plus ou moins dirigée par une femme, il s'est tout de suite douté que c'était moi. 

Décidément. Tout le royaume à part lui a l’air de trouver ça évident, Guenièvre à la tête de la Résistance. Il la connaît si mal que ça ?

– C'est là où il a commencé à vous écrire, j'imagine ? demande-t-il.  

– Oui. Il a tout de suite proposé une rencontre pour trouver une entente. 

– Comment ça, tout de suite ? Une lettre de Lancelot, et vous abandonnez les armes, vous ? Après trois ans de Résistance ?

– Mais non ! (Elle saute presque du lit où elle est assise.) Si vous me laissiez finir, aussi… Je lui ai répondu, et de fil en aiguille, on a entretenu une correspondance. 

Encore mieux.

– Donc, j'essaie de vous suivre, vous recevez une lettre de l'ennemi et vous lui répondez ?

– Je - c'était une lettre très courtoise et -

– C'est tout ce qu'il vous faut ? Que l'ennemi soit courtois ?

– C'est Lancelot ! C'était votre ami - et le mien ! - avant d'être l'ennemi. Et oui, contrairement à certains, je suis sensible à la courtoisie. 

– OK, mettons. Mettons que c'est pas complètement con d'écrire à l'ennemi. Ça fait environ quoi, sept ans ? Sept ans que vous entretenez une correspondance avec Lancelot ? 

– Absolument. Arrêtez de me regarder comme ça ! C'est grâce à ça qu'on n'essaie plus de s'entretuer comme des rustres. 

– Félicitations. Bon, je comprends mieux le hamac et les grasse mat. Par contre, ça m'explique pas d'où vient tout le reste. 

Elle fronce les sourcils, confuse.

– Le reste ?

– Vos trucs de luxe là. Où est-ce que vous avez dégoté des fourrures pareilles ? Et vos machins dans les cheveux là. C'est pas seulement cher, c'est rare. 

Guenièvre lui lance un drôle de regard, comme si la réponse était évidente.

– Bah, ce sont des cadeaux de Lancelot. 

– Des cadeaux par lettre ? Je vous suis pas, là.

– Pas par lettre ! Il me les offre quand on se voit.

Silence.

– Pardon ? 

Et elle a le culot de rouler des yeux, l’air de dire c’est reparti.

– Il me les offre quand on se voit.

– Répétez encore une fois, je crois que j'ai mal entendu.

– C'est quoi le problème, encore ?

– Le problème ? (Il hausse le ton.) Aucun problème. Absolument aucun problème d'aller voir l'ennemi régulièrement pour qu'il vous file des dentelles. C'est ça votre entente ? Il vous achète avec sa paix à deux balles ? 

Elle se lève brusquement, manquant de lui rentrer dedans en raison de leur proximité. Les joues rouges à nouveau, comme s’ils n’avaient jamais arrêté de s’engueuler. 

– Personne ne m'a achetée ! Je suis pas à vendre !

Elle a l’air tellement indignée qu’il s’en veut presque. Presque.

– Non, mais vous le laissez jouer à la poupée en espérant que ça suffise pour qu'il aille pas brûler un gosse après. Qu'est ce que ça va être quand ce sera plus assez pour lui ? Vous devenez sa maîtresse ? Sa femme ?

L’idée lui est toujours aussi insupportable que lorsqu’il s’est décidé à la sauver.  

– Qu'est-ce que ça peut vous faire, d'abord ? Je suis plus la vôtre. 

– Ça me fait que je me sens bien con d'être revenu pour vous ! 

– Je vous ai pas demandé de revenir ! 

– La prochaine fois, précisez aux gens que vous vous jetez dans la gueule du loup quand ils parlent de mariage forcé. Ça m'évitera l'aller-retour. 

Guenièvre tourne la tête comme si le regarder était insupportable. Arthur continue de la fixer alors qu’elle prend plusieurs inspirations profondes, se demandant si c’est pour se calmer ou se préparer à lui sauter à la gorge. 

– Et si j'avais envie de l'épouser ? finit-elle par lâcher. 

– Hein ?

– Ah ! (Elle s’exclame en le pointant du doigt.) Ça vous en bouche un coin, hein ?

– Vous êtes encore amoureuse de lui ? 

Arthur le chuchote presque, tant l’idée le sidère. 

– C'est pas ce que j'ai dit. Et si c'est le cas, ça vous regarde pas. 

– Pourquoi vous auriez envie de l'épouser ?

Elle lui lance un regard fatigué, et pour la première fois, le poids des années se fait sentir sur ce visage familier. 

– Peut-être que j'en ai assez d'être seule. Peut-être que ça me fait plaisir que quelqu'un m'aime. 

Putain.

– Guenièvre. (Il lui parle doucement, sa voix étranglée par la pitié - et la culpabilité - qui lui remontent dans la gorge.) C’est pas comme ça que-

– L'amour, c'est aussi des choix. Alors voilà. Peut être que je choisis Lancelot. 

Les mots sortent de la bouche d’Arthur avant qu’il ne réalise l’énormité de sa connerie. 

– Parce que ça s'est tellement bien passé la dernière fois. 

Guenièvre chancelle comme s'il l’avait frappée. Pendant un instant, lorsqu’il aperçoit son reflet qu’il ne supporte plus dans ses yeux humides, il est terrifié à l’idée qu’elle se mette à pleurer. Puis, en un battement de cils, elle chasse les larmes et lui lance un regard- un regard qui lui va pas du tout. Froid. Et sec. Il le préférait mouillé, même s’il n’est absolument pas en capacité de gérer une Guenièvre en pleurs à cet instant. Mais encore, est-ce qu’il a en a été capable un jour ?

– Sortez.

– Je-

– Sortez. 

Pour une fois, il ferme sa gueule et fait ce qu’on lui dit.