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'Tis the Season

Summary:

Chaque hiver depuis une dizaine d'années, Remus Lupin est saisonnier dans une station de ski canadienne renommée. Cette année, un certain Sirius Black vient pimenter les choses.

Chapter 1: Début de saison

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Les sensations étaient les mêmes chaque hiver. La légère angoisse lors de la préparation des bagages, s’assurer au moins dix fois de ne rien oublier, se rassurer en se disant que, là bas, il y aurait tout le nécessaire, vérifier une à plusieurs reprises que l’eau et l’électricité soient coupées, ici, que le réfrigérateur soit vide, que les machines soient faites et rangées, que toutes les bougies soient éteintes. 

Puis l’excitation au moment de fermer la porte d’entrée, à l’idée de retrouver les amis de là-bas qui revenaient également chaque année, faire de nouvelles rencontres, arpenter les pistes et la forêt, passer des heures entre les rayons de matériel, sentir de nouveau l’odeur de l’essence des motoneige, celles du sauna dans lequel il tenait pas plus de quinze minute et retrouver Kuna le vieux malamut qui le suivait comme son ombre. 

Il cogna quelques coups à la porte face à la sienne et esquissa un sourire en entendant le « j’arrive ! » suivi d’un enchaînement de bruits qui n’annonçait rien de bon au sein de cet appartement.  Les années ne l’avaient pas rendu plus organisé et adroit. 

 

— Besoin d’aide ? 

 

— Nan ! 

 

— Ok . Ricana-t-il en s’appuyant contre sa porte, se doutant qu’il allait devoir patienter un bon moment. 

 

C’était des habitudes bien rodées, presque la même chose chaque année depuis près de 10 ans.  Dans peu de temps il allait sortir de sa porte, yeux verts scintillants, taches de rousseur éclaboussées sur ses pommettes rouges et lancer : putain de sac. En le traînant derrière lui. Comme chaque année, il aura apporté trop de choses qu’il n’utiliserait pas, et ralera au moment du départ. 

Comme chaque saison depuis des années, ses parents tenaient à les déposer à l’aéroport. Comme chaque année, ils leur promettaient de téléphoner, de leur écrire des cartes postales, de se nourrir et d’être prudents.  

Comme chaque année, il savait qu’en arrivant là bas et en ouvrant son sac à dos, il y trouverait du chocolat que sa mère y avait glissé. Comme chaque année, il avait toujours un pincement au cœur de les laisser. 

L’aéroport n’était pas bien rempli mais, comme à chaque fois, alors qu’ils patientaient dans la file d’attente pour s’acheter un café, ils essayaient de deviner vers quelles destinations ces voyageurs pouvaient-ils bien s’aventurer. Quand le comportement de certains d’entre eux les faisaient tiquer, ils ne pouvaient s’empêcher de se dire « j’espère qu’ils ne seront pas dans le même avion que nous ». 

Son café en main, il se retourna et heurta la personne qui faisait la file à côté de lui et qui, apparemment avait lui aussi décidé de pivoter dans le mauvais sens.

 

— Désolé ! 

 

— Pardon ! 

 

Dirent-ils en même temps. Il échangèrent un sourire mi-gêné, mi-entendu puis partirent chacun dans leur direction respective. 

 

— Il était canon. Lança Fabian en ayant toujours un regard vers le type en question. 

 

— Carrément. Lui répondit Remus en lui attrapant le coude pour éviter qu’il ne rentre dans le papa dépassé qui tenait ses deux enfants hurleurs à bout de bras en face d’eux. 

 

— S’ils sont dans notre avion, je me jette du hublot. Marmonna Fabian avant de porter son café à ses lèvres et s'écrouler sur l’un des sièges devant leur porte d’embarquement. Hé, au fait, Jörgen sera là ?

 

— Oui. Répondit Remus en attrapant la liseuse dans son sac à dos cabine. 

 

Il en ouvrit la couverture et commença sa lecture tout en attendant la question qui allait suivre. 

 

— Ça va aller ? 

 

— Pourquoi ça n’irait pas ? 

 

— Parce qu’il t’en veut toujours un peu. 

 

Remus leva finalement les yeux de sa liseuse. 

 

— C’était un commun accord. 

 

— Un accord avec toi-même, surtout. Rigola Fabian. 

 

Remus leva les yeux au ciel, et esquissa un sourire en reportant son attention sur sa lecture. Il n’avait pas bien tort. 

 

— Si Alastor m’envoie direct au point d’informations, je fais un scandale. 

 

— Tu préfères être avec les enfants dès ta première sortie ? 

 

— Je prends le point d’informations… marmonna-t-il tandis que Remus rigolait en portant sa tasse de café à ses lèvres. 

 

Fabian détestait donner des cours de ski aux enfants. Il avait peu de patience. Il mettait ça sur le compte que sa famille était déjà trop nombreuse et qu’il avait grandi entre les cris. Aujourd’hui, les seuls enfants qu’il arrivait à supporter étaient ses neveux. Bruyants, vifs, mais ses neveux, donc cela rendait les cris et l’agitation plus faciles à supporter. 

De manière générale, Fabian n’aimait pas donner cours aux débutants, enfants ou non. Il préférait les sorties avec des personnes ayant déjà des bases, avec lesquelles il pouvait s’amuser plus facilement, qu’il pouvait amener dans des endroits plus compliqués qui, au final, lui faisaient surtout plaisir à lui. 

Ça, Alastor le savait, et en jouait. Ils les connaissaient tous, et leurs préférences. Surtout quand, d’année en année, ils revenaient. Cependant, il était toujours plus clément avec les anciens, les laissant être plus autonomes et leur laissant alterner entre plusieurs tâches. Quoiqu’il en dise, il avait ses préférés et Fabian et Remus se trouvaient en tête de liste. Ils mettaient ça sur le compte des années. Les premières semaines étaient les moins intéressantes pour eux, ils passaient leur temps à former les nouveaux arrivés et devaient donc se cantonner souvent à une seule et même attribution de manière continue, ce qui agaçait Fabian qui avait besoin de variété. 

*

Arrivés à Montréal Trudeau, alors qu’ils attendaient leurs bagages, la fatigue commençant à s’emparer d’eux, une voix résonna du tapis roulant numéro 4, quelques mètres plus loin. 

 

— Moony !!!! 

 

Peu de temps après, Marlène se frayait un chemin entre les voyageurs, traînant derrière elle une valise plus grosse qu'elle. 

 

Remus alla à sa rencontre et ouvrit ses bras au moment où elle se jeta contre lui, abandonnant valise et sacs. 

 

— Putain, c’est bon de te retrouver ! Lança-t-elle en déposant un baiser contre sa joue avant que Remus la repose sur le sol. 

 

— J’suis content aussi, l’Ecossaise ! Rigola Fabian sans laisser le temps à Remus de répondre et ramassant et tendant le sac de Marlène avant qu’elle ne le prenne dans ses bras. 

 

— Toi aussi, Fab. Rigola-t-elle. Vos sacs ! S’exclama-t-elle en pointant du doigt leurs sacs à dos qui s’approchaient et que Remus alla récupérer. Il faudrait peut-être songer à les changer, depuis le temps. 

 

— Hors de question. Répondirent les deux garçons alors qu’ils prenaient tous les trois la direction vers la douane. 

 

— J'ai trop hâte que vous me racontiez tout ce que vous avez fait ces derniers mois ! Lança-t-elle en passant son bras sous celui de Remus. 

 

Ils prirent la direction de la sortie de l’aéroport et sautèrent dans le premier taxi qui accepta de les conduire jusqu’à leur hôtel à Mont Tremblant. 

Normalement Alastor prévoyait toujours un bus pour les arrivées. Mais Remus, Fabian et Marlène avaient prévu d’arriver une journée avant, pour se retrouver tous les trois avant l’euphorie de la première soirée. 

Ils ne laissaient jamais une année entière s’écouler sans qu’ils ne se voient, ils s’étaient donc retrouvés cet été à Londres. Marlène avait fait le déplacement depuis l’Ecosse et avait posé ses valises chez Remus pour quelques semaines. L’année d’avant, Fabian et Remus avaient pris le minivan qu’ils avaient un jour acheté et avaient roulé jusqu’à Glasgow. D’ici, après s’être arrêtés quelques jours chez Marlène, ils étaient partis tous les trois faire un tour de son pays. Elle avait fait office de guide, et leur avait trouvé les meilleurs spots pour passer leurs nuits.

Leur amitié avait débuté alors qu’ils s’étaient rencontrés en colonie de sport d’hiver l’hiver de leurs 10 ans, tous les trois ne s’étaient plus quittés depuis. 

Avant de regagner leurs chambres dans l’hôtel qui accueillerait les saisonniers cette année, ils firent un détour par là où résidait Alastor. 

 

— Oh merde, le trio infernal est en avance. 

 

— Sympa, l’accueil. Rigola Marlène avant de le serrer dans ses bras. Ce qui eut le don de le faire grimacer avant de brièvement lui rendre son accolade.

 

— Entrez boire un thé, il gèle, tombez pas malades avant d’avoir commencé à bosser ! 

 

Ils avaient bu un thé, puis un deuxième, puis ils étaient restés pour l’apéritif, Remus avait récolté des poils de chien sur son pantalon noir, et ils avaient fini par regagner l’hôtel seulement parce que Marlène s’était endormie sur le canapé d’Alastor. 

L’un des privilèges de revenir chaque année depuis une décennie, était d’avoir leur chambre les unes à côté des autres. Ce qui leur permettait de venir chez l’un ou chez l’autre à n’importe quel moment, pour n’importe quelle raison. Ils déposèrent chacun leurs bagages chez eux et avant de défaire ses affaires, Remus alla chez Marlène et s’occupa de ranger les siennes le temps qu’elle prenne une douche puis s’écroule dans son lit. 

Quand il regagna sa chambre, c’était Fabian qui s’occupait de ses bagages. 

 

— T’inquiètes, j’ai plié tes fringues comme tu aimes. Indiqua-t-il avec un sourire. 

 

— Je suis surtout surpris que tu aies réussi à ranger les tiennes. Rigola Remus en actionnant la bouilloire. Merci. Ajouta-t-il en lui serrant le bras. 

 

— Tu serais surpris : ma chambre est l’apogée de l’ordre. 

 

— Je te laisse trois jours. Lança Remus avec un rictus alors que Fabian lui donne un coup d’épaule en déposant des sachets de thé dans les tasses qu’il venait de sortir. Ma mère a glissé du chocolat ? 

 

— Evidemment !! S’exclama Fabian en ouvrant le tiroir dans lequel il avait l’habitude de glisser les tablettes de chocolat et autres sucreries.

 

La saison pouvait commencer.


****

 

https://www.youtube.com/watch?v=la1_PiU4LHw

Notes:

Bonjour, bonsoir :)

Cette nouvelle histoire se passe dans une station de ski fictive. Fortement inspirée d'une station Canadienne mais avec des grosses adaptations pour coller à mon imagination et mes idées... (il y aura donc forcément des incohérences, mais vous commencez à avoir l'habitude 😉).

J'espère que vous allez apprécier le voyage, moi je suis très heureuse de vous retrouver, et j'ai déjà hâte de vous lire.

En terme de TW on retrouvera mes sujets de prédilections : hypersensibilité, consommation d'alcool et de tabac, langage familier, violences familiale, scènes matures, potentiellement de la mauvaise compréhension...

Comme toujours, je vous promets une fin heureuse.

À très vite ✨

Chapter 2: Newbies

Chapter Text

Connaissant déjà l’endroit comme leur poche, Alastor avait dispensé Remus, Fabian et Marlène de faire le tour de la station avec les nouveaux arrivants. Il leur avait par contre confié la tâche de préparer la salle commune de l’hôtel en “bonne et due forme”. Alors, ils avaient décoré et aidé à installer les différents buffets.

Remus venait de décapsuler une bouteille de bière quand il entendit Fabian dire tout bas :

— Bonne chance, Moony. Salut Jörgen, godt å se deg* ! Dit-il finalement plus fort en se retournant et en s’avançant vers le jeune homme.

Etrangement, ça allait. Plutôt bien même. Il était prêt à le revoir. Est-ce que Jörgen l’était, lui, ça c’était une autre question. Il prit une gorgée de sa bière et se retourna. Puis il fut happé par ses yeux bleus si tendres dans lequel il avait tant de fois regardé.

— Ton accent est toujours aussi nul, Fabian. L’entendit-il rigoler alors qu’il s’approchait de lui.

— Bonsoir Jörgen. Sourit-il.

— Bonsoir, mann som kommer fra månen*. Dit-il en lui ouvrant ses bras et Remus ouvrit ses bras en retour.

C’était bon, de le retrouver.

— Je suis content de te voir. Dit-il en le pensant sincèrement. J’ai hâte que tu me racontes tes derniers mois. Ajouta Remus en se détachant de lui.

— Oh, il ne s’est pas passé grand-chose. Lui répondit-il avec un sourire.

Sauf que c’était faux. Jörgen vivant mille vies dans une vie. Reporter photographe, il arborait le monde, motivé par divers projets. Les paysages et les portraits qu’il avait postés ces derniers temps retraçaient son périple autour de l’Asie. Remus avait suivi chaque étape en image, mais se languissait de l’entendre lui raconter tout ça de vive voix, et surtout ce qu’il avait vécu au Sri Lanka.

Ses récits étaient passionnants, comme toujours, et Remus les écoutait avec avidité.

Ils étaient parfois entrecoupés par les personnes qui arrivaient venant les saluer et les embrassades qui s'éternisaient.

« Trop contente de te voir ! » « ça fait tellement longtemps ! » « comment va Mathias ? » « vous avez entendu pour Franck et Alice ?! Le mariage est dans quelques mois ! » « enchanté, moi c’est Jessie ».

C’était bon, de tous les revoir.

Parfois il y avait des signes de mains discrets échangés, de la part des nouvelles personnes qui avaient un peu de mal à se mêler à ce groupe de gens déjà bien soudé. Si Remus devait commencer une saison dans un nouvel endroit, il serait terrifié. Il ne le ferait pas. Tout simplement. Il n’avait rien contre un peu de nouveauté, mais il appréciait ne pas arriver quelque part et ne rien connaître de ses us et coutumes. Il appréciait les gens et les relations humaines, mais avait toujours un peu de mal à amorcer des conversations quand il ne se sentait pas à l’aise dans une situation.

C’était plus simple dans ce sens là, quand il savait à quoi s’attendre, qu’il connaissait la majorité des choses à savoir. Il n’appréhendait alors pas à aller vers les nouvelles personnes. Bien au contraire, il savait ce que ça faisait, d’être déstabilisé, alors il tâchait de s’approcher de ceux qui avaient l’air le plus réservé afin qu’ils puissent se sentir à l’aise, moins impressionné par tous ces gens et cette effervescence.

Assis l’un des canapé de la salle commune, en pleine conversation avec Jörgen et Fabian assis sur l’accoudoir à côté de lui, il pivota sa tête vers l’entrée de la salle quand une voix sonna :

— Hi, mother fuckers, il paraît que c’est ici qu’on fait la fête ?!

Si quelqu’un ne semblait pas impressionné par l’effervescence et le monde, c’était bien ce type.

— C’est pas le gars de l'aéroport ?! Demanda Fabian alors que Remus se faisait la même réflexion.

Parce que si. Si, il s’agissait bien du “gars de l'aéroport”, celui contre lequel il s’était cogné avec son café dans les mains et dont le visage était resté incrusté dans ses pensées. Tout simplement parce qu’il était le plus bel homme que la terre - l’univers - pouvait compter, et que tous les regards de la pièce venaient de se porter sur lui, comme si tout le monde était d’accord avec ça.

— Je sens que je vais t’aimer, toi ! Lança Marlène en s’approchant de lui pour lui tendre une bouteille de bière. Marlène, enchantée.

— Sirius, ravie, Blondinette. Répondit-il en acceptant la bière qu’elle lui tendait et en lui lançant le clin d'œil le plus scandaleux de l’histoire des clin d'œil.

Donc, en plus d’avoir l’allure d’ un dieu vivant, il en avait le prénom.

— T’es tellement foutu. Souffla Fabian en s’inclinant vers son oreille. Il semble être tout ce que tu aimes et détestes à la fois.

Il n’eut pas le temps de rétorquer quoi que ce soit, qu’Alastor entra dans la pièce.

— Avant de “faire la fête”, commença-t-il en déposant sa main sur l’épaule de Sirius, il est l’heure d’établir quelques règles.

Comme chaque année, il leur avait servi un “briefing de début de saison” dans lequel il insistait sur l’entraide et le travail bien fait. Il exposa les quelques lignes qui faisaient office de règlement, insista sur le fait qu’il était hors de question d’arriver en gueule de bois et encore moins bourrés sur les pistes de ski et en sortie face aux clients. Il rappela d’ailleurs le “standing de la station” et le fait qu’ils devaient toujours se présenter sous leur meilleur jour. Il expliqua comment allaient se dérouler les différents types de formations, à tour de rôle, puis, qu’à tour de rôle, ils se joindraient aux équipes déjà établies pour observer et apprendre à leurs côtés. Il ne put s’empêcher de placer que « si vous tenez à batifoler, c’est à vos risques et périls, vous tiendrez seulement la saison puis repartirez tous chez vous. Vous n'êtes pas arrivés jusqu’ici par hasard, et je vous rappelle que nos clients ont des attentes et que cette station est celle avec le plus haut standing et que, de ce fait,… »

— S’il dit “à tour de rôle”, « client » et “standing” dans la même phrase encore une fois, je descend ma bière d’une traite, et la tienne aussi.

— Prewett ! Tu comptes accueillir tes premiers pioupious pour ton premier jour ?

— Non, chef. Répondit-il en secouant la tête.

— Alors, écoutes et tais-toi.

Il acquiesça et prit tout de même une grande gorgée de sa boisson.

— Ce n’est pas passé loin. Rigola Remus en lui donnant un léger coup d’épaule.

— Shush. S’il nous entend, on va devoir rester une semaine loin des pistes et, toi comme moi, on veut pas ça.

— Tu sais qu’on est déjà foutus pour les premières semaines…

— L’année prochaine, on arrive une semaine après tout le monde.

— Oi ! S’exclama Alastor en se tournant de nouveau vers eux, interrompant une nouvelle fois sa tirade.

Alastor détestait s’interrompre.

— Et merde… marmonna Fabian.

— Tu peux répéter ce que je viens de dire ?

— On doit se montrer au niveau du standing de la station pour aller au-delà des attentes des clients, tous les deux on commencera au forfait et à la location demain, on aura chacun un shadow avec nous pour qu’ils puissent voir comment on s’y prend avant qu’ils commencent leur formation. Et, bien entendu, on ne te décevra pas. Répondit Remus avec le sourire qu’il espéra être le plus convainquant possible.

— Prewett, t’as de la chance d’être un jour tombé sur lui et qu’il ne t’ait jamais lâché. Sache-le.

— J’en suis conscient chaque jour qui passe. Répondit-il en enroulant son bras autour des épaules de Remus et en déposant un baiser contre sa tempe. Je t’en dois une. Lui murmura-t-il.

— Tu prendras en sortie la famille dont on ne prononce pas le nom s’ils viennent cette année.

— Promis, Moony.

Alastor termina son discours sur « rapprochez vous de ces deux-là si vous avez des questions, mais ne vous laissez pas embarquer dans les coups douteux de celui-ci » en pointant son index sur Fabian et Remus, puis seulement sur Fabian qui sortit son meilleur sourire et signe de main.

*

Il s’immisça derrière Marlène et s’inclina pour que sa tête rentre dans l’écran de son téléphone.

— Hi, Dorcas !

— Remus !! Je compte sur toi pour qu’elle ne se casse rien sur les pistes !

— Je ne peux rien te promettre, mais je ferai de mon mieux. Rigola-t-il avant de serrer les bras de Marlène entre ses mains et de s’éloigner en direction du buffet des desserts.

Il sursauta, son assiette avec une part de gâteau au chocolat dans les mains, quand il entendit une voix dans son dos.

— Donc, si on veut connaître les potins, c’est vers toi qu’il faut se tourner ?

Il se tourna vers Sirius qui attrapait un litchi avec ses doigts bagués et vernis de noir et se dit que Fabian avait raison : il était tellement, tellement foutu. Il l’agaçait déjà.

— Pas du tout. Pour ça, je te conseille Ilaria, la brunette italienne là-bas. Indiqua-t-il avec un signe de tête. Si tu veux savoir les meilleures pistes ou hors piste à descendre, là je peux t’être utile.

— Il y a des endroits secrets absolument fabuleux encore méconnus du commun des mortels dans tes recommandations ?

— Je ne divulgue pas ce genre d’informations à n’importe qui. Ça se mérite. Répondit-il nonchalamment avec un sourire et un haussement d’épaules.

Sirius porta son foutu litchi à la bouche pour le croquer avant d’en retirer gracieusement la coque.

— Noté, Moony. Je le mériterai.

— Remus. Je m’appelle Remus.

Sirius hocha simplement la tête, glissa son litchi entre ses lèvres et détourna son regard de Remus en semblant scanner la salle de ses yeux perçants.

— Ilaria ?? Lança-t-il, et il s’approcha de la jeune femme quand elle se tourna vers le son de sa voix. Ciao, Amore, come stai ?

Foutu. C’était ce que Fabian avait dit, non ? 

***

godt å se deg : content de te voir

mann som kommer fra månen : homme qui vient de la lune

 

****

https://www.youtube.com/watch?v=M3fkZeWsyvo

 

Chapter 3: L'amour est aveugle

Chapter Text

Il tomba sur Fabian en ouvrant sa porte, quelques secondes d'après, celle de Marlène s'ouvrit, et ce fut elle qui prit la parole.

— C'est partit !!!! S'exclama-t-elle en se dirigeant à pas rapides vers la salle commune. 

— T'es aussi excitée que si tu allais ouvrir ta première piste alors que tu vas juste vendre des forfaits, Marl's.

— Tu es le seul d'entre nous à ne pas aimer ça. Rigola Remus.

— Attends d'en être à ta huitième famille qui te demande si le tarif qu'ils vont payer est vraiment le bon.

— Attends d'être tipsé parce que tu as été absolument serviable ! Je te rappelle que cette saison nous paie suffisamment pour qu'on puisse ne pas travailler le reste de l'année si on le veut alors... ouais, clairement je suis contente. Regarde, j'affiche mon plus beau sourire de faux cul ! Dit-elle en sautillant devant lui, lèvres peintes en rouge, piercing smiley brillant alors qu'elle révélait ses dents et clignait des yeux.

— T'étais américaine dans une autre vie, c'est pas possible...

Remus les écouta argumenter, un sourire aux lèvres, tandis qu'il préparait leur trois Thermos de café. Il s'appuya contre le comptoir et plissa les yeux pour essayer de lire sur le tableau accroché dans la salle avec qui il partageait son shift aujourd'hui à l'une des boutiques de location de matériel.

Jörgen et Ilaria.

Il allait passer une bonne journée. Tous les trois travaillaient bien ensemble. Ils se complétaient, et n'hésitaient pas à renvoyer les clients vers les uns ou les autres en fonction de leur domaine de compétences. 

Fabian était plutôt bien loti, lui aussi, il était avec Paul, ce gars qui avait toujours le sourire et des anecdotes venues d'un autre monde à raconter. Ils s'entendaient bien tous les deux, et il réussissait toujours à chasser la mauvaise humeur de Fabian lorsqu'il ne se retrouvait pas directement au contact de l'air de la montagne.

— Quelqu'un peut m'expliquer pourquoi il y a un loup qui rôde dans les couloirs ?

Remus inclina la tête afin de regarder derrière Sirius qui entrait dans la pièce, puis il siffla deux coups en se dépêchant de remplir son propre thermos de café. L'impact n'allait pas tarder à arriver. Il déposa son café avant que les pattes de Kuna n'atterrissent contre son torse.

— Salut, mon gros. Souffla-t-il en attrapant sa tête en grattant derrière ses oreilles.

— Remus n'existe plus pour personne. Rigola la voix de Jörgen tandis que Kuna se laissait tomber au sol, montrant son ventre.

— J'suis le seul à qui il fait flipper ?

— Kuna ou Remus ?

Remus présenta son majeur à Marlène de la main qui n'était pas occupé à caresser le malamut.

— Il est croisé avec un chien loup. Répondit-il en se redressant. C'est pour ça qu'il peut paraître un peu impressionnant.

— C'est pas censé être interdit, ça ?

— Si. Répondit-il en faisant sauter la banane qu'il venait d'attraper entre ses mains et que Kuna venait se placer entre ses jambes, à observer la pièce.

Le regard de Sirius n'avait absolument rien de rassuré, et Remus en était légèrement satisfait.

— Il est plutôt craintif. Il ne s'approche jamais trop près des gens.

— Alastor et Remus sont les exceptions. Précisa Marlène. Bon, Pretty Boy, t'es prêt pour ta première journée avec moi ? Demanda-t-elle en passant à côté de Remus pour se saisir du café qu'il lui avait préparé.

— Plus que jamais, Blondinette. Lui répondit Sirius avec un clin d'œil.

Marlène attrapa une banane, puis l'épaule de Remus de façon à ce qu'il s'incline, et elle déposa un baiser sur sa joue.

— Amusez-vous bien ! Fab', n'oublie pas de sourire et d'être aimable !

Sur ça, ils s'évaporèrent de la salle commune, et le rire de Marlène se répercuta dans le couloir.

*

Il ne lui avait fallu que quelques minutes pour retrouver ses marques et habitudes dans la boutique. Certaines catégories d'articles avaient été déplacées, la décoration avait légèrement changé, mais tout restait semblable d'une année à l'autre.

Remus partait du principe que le premier client qui se présentait dans la boutique donnait le ton de la journée. Grâce à celui du jour, il était persuadé que la saison allait être éclatante.

La journée avait été d'une agitation agréable, les échanges avec Jörgen et Ilaria étaient toujours aussi fluides et drôles, et Remus avait été ravi de pouvoir partager de nouveau son expertise sur les différents matériels. Il adorait être sur les pistes, encore plus être au plus près de la nature et permettre aux visiteurs d'être pleinement immergé de la faune et la flore, du rythme de ces derniers, expliquer les méthodes de survie, le pistage d'animaux etc. C'était ça, vraiment, qui le passionnait. Mais la relation client en magasin lui plaisait presque autant. C'était un relationnel différent, et il adorait conseiller les personnes les moins expérimentées. Contrairement à Fabian, il appréciait passer du temps avec eux, comprendre leurs attentes, les aider à se sentir le plus confortable possible. C'était ce qui lui plaisait dans la vente, finalement : le conseil et le partage.

Il aimait surtout avoir Kuna jamais loin de lui, toujours près du comptoir, ses yeux qui suivaient chacun de ses mouvements, et son ombre qui apparaissait entre les rayons quand il s'éloignait trop longtemps. Comme pour s'assurer qu'il était toujours dans les parages.

Il s'était arrêté à la supérette sur le chemin du retour et Jörgen ne lui avait pas laissé le temps d'argumenter qu'il avait attrapé l'un de ses sacs et fait le chemin avec lui, Kuna leur ouvrant la route. Ici, alors que des flocons tombaient, la vie éclatait dans la station. Les rires s'entrechoquaient, les anecdotes de pistes aussi, les amis se chamaillaient, les familles se félicitaient. Tous se décalaient sur leur passage, regardant ce chien si particulier se frayer un chemin avec grâce, tout en lançant quelques regards vers l'arrière.

Quand ils se glissèrent dans l'ascenseur et que Jörgen appuya sur le bouton de son étage, un en dessous du sien, Remus, sans savoir pourquoi, lança :

— On devrait discuter, non ?

— C'est vraiment ce que tu veux ? Rigola Jörgen.

— Je crois que je te dois des excuses...

Jörgen fronça les sourcils et appuya une épaule contre le miroir de l'ascenseur.

— Des excuses ? Alors que je t'en demandais beaucoup trop ? Je crois qu'on n'a pas la même vision de ce qu'il s'est passé, Remus. Lui sourit-il doucement.

— Je n'ai pas été le plus respectueux possible.

— En me disant « je ne pense pas être capable de venir avec toi en Norvège » et « je ne suis pas certain d'être prêt pour une relation à distance, ni même pour une relation tout court  » ? Si, c'était respectueux. Ce qui ne l'aurait pas été, ça aurait été le fait que tu acceptes l'une des options, puis ne vienne jamais et coupe les ponts sans prévenir. Ça n'a pas été le cas.

L'ascenseur bippa peu de secondes avant que les portes ne s'ouvrent.

— Tu es un gentil garçon, Remus. Ne pense jamais le contraire. Tout ce que tu fais est toujours motivé par la bienveillance.

Il lui sourit puis recula en soufflant « à plus tard ».

Ses sacs de courses dans les mains, Remus se demandait si, vraiment, toutes ses actions étaient motivées par la bienveillance. Il essayait, en tout cas, mais il n'en était pas vraiment certain.

Il lança un coup d'œil à sa montre, et conclut que ni Fabian ni Marlène ne devaient être rentrés.  Il passerait leur déposer ce qu'il leur avait acheté plus tard. Ou plutôt... ils viendraient certainement toquer chez lui en milieu de soirée pour qu'ils boivent le thé tous ensemble, devant une émission de télévision bidon.

Du genre que Remus proclamait détester, mais qu'il regardait  pourtant avec presque autant d'intérêt que Fabian et Marlène qui étaient beaucoup trop investis. Un livre entre les mains, mais son attention portée sur l'écran de télévision, il était tout autant engagé qu'eux.

C'était ce qu'il s'était passé. Son woke de légumes en train de chauffer, il était allé ouvrir sa porte d'abord à Marlène qui avait apporté un sachet de Malteser, puis à Fabian quelques minutes après, qui s'était occupé de lancer l'épisode sur la télévision, tandis que Marlène installait les assiettes sur la toute petite table basse.

C'était une danse bien rodée qu'ils entretenaient depuis de longues années, et dont jamais ils ne se lassaient.

Remus piocha dans le paquet de Malteser en prenant la parole.

— On a préparé les feuilles de bingo clients, avec Jörgen.

— Putain, déjà ? Demanda Fabian sans tourner la tête de l'écran.

— On est super efficaces. Rigola Remus. On en a imprimé plusieurs. Pensez à mettre vos noms en haut. Même si c'est toujours Marley qui gagne...

— Que voulez-vous, j'suis talentueuse.

— T'es une tricheuse. Corrigea Fabian.

— Non, j'aiguille juste leur discours. Et, excuse-moi  mais « allez vous foutre tous vos bâtons de ski dans le cul » n'a jamais été une phrase que j'ai tenté de soudoyer.

— On l'a mise, d'ailleurs.

— Merci pour la pensée. Rigola-t-elle.

Le « bingo de la station » était une tradition qui avait été instaurée bien avant eux. Chaque endroit dans lequel ils pouvaient être amenés à travailler en disposaient d'un. Les « phrases des clients » étaient régulièrement mises à jour, et les gagnants se voyaient offrir quelque chose par les autres. Marlène gagnait, en effet, très souvent.

— Ça a été avec Jörgen, d'ailleurs ? Lui demanda-t-elle.

— Très bien. On a parlé, dans l'ascenseur.

— Vraiment parlé ? Ou parlé comme dans : tu as craqué et l'as embrassé parce qu'il est quand même super canon, que tu as beaucoup culpabilisé, et que tu as réalisé que la Norvège, c'est pas si mal, et que t'aurais pu voyager avec lui et...

— Parler comme dans je me suis excusé, Fab. Coupa Remus.

— C'est très décevant. Répondit-il en lui prenant le paquet de chocolat des mains. Ça va ? En vrai ?

— Oui, ça va. Je crois juste que je culpabilise toujours autant.

— Ah non, Moony ! S'exclama Marlène en redressant sa tête des jambes de Remus. T'étais pas amoureux. Ça aurait été injuste pour lui et pour toi cette histoire. On en a parlé mille fois, t'as rien à te reprocher.

— Je sais...

— Alors si tu sais, regarde ces deux imbéciles se voir pour la première fois, être déçus et quitter l'émission, plutôt que de penser au bonheur et au bien-être des autres avant le tien.

— Preach, Sis'. Répondit Fabian. Après, si tu as besoin d'en parler, même si ça fait mille fois, tu sais que tu peux, hein.

— Je sais. Comme je sais que c'était la bonne chose à faire, et qu'il faut que j'arrête de culpabiliser. Ils n'ont aucune affinité. Ajouta-t-il alors pour changer de sujet, tandis que Fabian lui tendait un Malteser.

— C'est pour ça qu'elle va se barrer. Rétorqua Marlène.

— Vous pensez vraiment que l'amour est aveugle ? Demanda Fabian.

— On ne se pose pas cette question tous les ans ?

Si, ils se posaient la question tous les ans et se lançaient ensuite dans des débats sans fin, chacun tenant à prouver son point de vue avec véhémence jusqu'à ce que Marlène finisse par s'endormir et que Fabian déclare avoir « la flemme de traverser le couloir », et que, le matin suivant, Remus ait du mal à s'extirper de son lit sans en bousculer un, ou en faire tomber l'autre.

Chapter 4: Daddy ?!

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Ça faisait une semaine qu’ils étaient ici et, pour la première fois, Remus et Fabian avaient passé leur journée à la même affectation. Pour le plus grand malheur de Fabian : à la vente et location de matériel. Mais, étonnement, Fabian n’avait dit qu’une seule fois « vivement qu’on fasse des sorties ». Ils se connaissaient tellement bien que travailler ensemble était d’une aisance incroyable. Puis, ils s’étaient mis d’accord en se croisant entre deux ventes : ce soir, ils partaient leur snow sous leur bras et iraient faire un tour, ou deux, ou plus, des pistes de la station. 

 

Remus eut à peine le temps de rentrer chez lui et de se changer que Fabian cognait déjà contre sa porte en criant « bouge, Moony ! » 

 

— On aurait pu se retrouver en haut, si tu étais aussi impatient. 

 

— Nan, ça aurait pas été pareil. Répondit-il en trottinant vers l’ascenseur. Jörgen disait que la piste de sauts était dingue. 

 

— J’en conclus que c’est vers là qu’on se dirige ? Dit-il avec un sourire. 

 

— Tout à fait ! 

 

La piste de sauts, effectivement, était dingue. Elle était modifiée d’une année sur l’autre et, chaque année, ils prenaient plaisir à la découvrir. Ils étaient parfois tombés, pas préparés à ce qui pouvait les attendre derrière la bosse, et ils en avaient surtout beaucoup rigolé. Ils avaient fait un léger détour par des sentiers qu’ils allaient être amenés à emprunter durant certaines de leurs sorties randonnées, et avaient eu la mauvaise idée de vouloir les tenter en snowboard. 

Remus avait beau être l’une des personnes les plus prudentes de cette planète, quand il s’agissait de sortie en nature et de snowboard, et que Fabian était impliqué, toute notion de prudence s’envolait et ils en avaient souvent pay le no é les conséquences. En fonction des sorties prévues, et s’il s’agissait d’un gros groupe nécessitant deux guides, Alastor faisait bien en sorte de ne pas les mettre ensemble. 

Ils avaient descendu leur dernière piste — leur dernier hors piste, pour être exact — à la torche de leur téléphone parce qu’ils avaient tous les deux oublié leur lampe frontale, et, bien sûr, chacun mettrait le blâme sur l’autre. 

 

— Je comptais sur toi ! T’es toujours celui qui pense à tout. 

 

— Si tu ne m’avais pas pressé, j’y aurais pensé ! 

 

— Fais gaffe, y a un arbre. 

 

— On est littéralement entourés d’arbres, Fab. 

 

— Juste devant, couillon. Précisa-t-il en décalant sur sa droite laissa à peine le temps à Remus de pivoter avant de se prendre en plein visage l'une des branches de l’arbre en question. Putain, on aura mérité un bon vin chaud en arrivant. 

 

— Dépêche-toi de descendre si tu veux que le chalet soit toujours ouvert.

 

— Passe devant. 

 

— Avec plaisir. Lança-t-il en rigolant tout en dépassant Fabian. 

 

— Oh, pas trop vite ! S’exclama Fabian alors que le sentier commençait enfin à s’élargir et se dégager de ses arbres et à ressembler davantage à une piste qu’à un chemin de traverses. 

 

La poudreuse était un bonheur sous sa planche, le bruit du vent une douce mélodie à ses oreilles. Il redécouvrait enfin cette sensation de liberté qui venait parfois à tant lui manquer le reste de l’année. 

Cette fois-ci, la saison venait vraiment de commencer. 

Ils avaient regagné l’hôtel, un verre de vin chaud dans une main, une sucette à l’érable dans l’autre. 

 

Quand son téléphone sonna un Facetime vers 22 heures, Remus s’empressa de répondre. 

 

— Salut, mon grand ! Lança le visage souriant de son père de l’autre côté du téléphone. 

 

— Il est super tard, tout va bien ? S'inquiéta-t-il. 

 

Il était 3 heures du matin, à Londres. 

 

— Oui, oui ! Répondit-il rapidement. J’étais en intervention d’urgence, tout va bien. Désolé. Ajouta-t-il en rigolant. 

 

La poitrine de Remus devint soudainement plus légère, et il se libéra de son plaid pour se diriger vers la salle commune, téléphone en main, pour aller se préparer un thé. 

Depuis que Marlène et lui avaient mis le feu à l’une des kitchenettes présente dans leur chambre quelques années auparavant en y branchant une bouilloire, il n’utilisait la sienne que pour les plaques de cuisson. 

 

— Raconte-moi ! C’était comment cette première semaine ?! 

 

Alors, Remus lui raconta les premiers jours, tout en préparant son thé, en laissant son téléphone reposait contre une bouteille sur la table haute. Il passa surtout beaucoup de temps sur cette sortie qu’ils venaient de faire avec Fabian et le plaisir qu’ils avaient eu à se perdre sur cette piste.

 

— Il y a une compétition de freestyle, cette année ? 

 

— En Janvier ! Je ne me souviens plus des dates exactes. 

 

— Tu t’es inscrit ? 

 

— Oui, Marlène aussi. Vous avez une idée de quand est-ce que vous allez pouvoir venir ? 

 

Son thé entre les mains, il esquissa un sourire vers Sirius qui venait d’entrer dans la salle commune, puis reporta son attention sur son père en baissant le volume de son téléphone.

 

— Tu me confirmes les dates et on fera en sorte de venir à ce moment-là. 

 

— Je vérifie demain. Acquiesça Remus. L’eau est encore chaude. Précisa-t-il pour Sirius qui se dirigeait vers la bouilloire. 

 

— Cool, merci. Lui répondit-il juste avant de siffler et d’ajouter : canon. Après être passé derrière Remus et avoir jeté un œil à son écran.  

 

— C’est mon père ! s'exclama Remus offusqué. 

 

— Bonsoir !! Rigola son dit père de l’autre côté de l’écran, tandis que Remus glissait rapidement ses yeux de Lyall à Sirius de manière désoeuvrée et désespérée. 

 

— Ah bah je comprends mieux ! C’est génétique. Bonsoir, Daddy ! Conclua-t-il en faisant un signe de main vers l’écran avant de se retourner pour faire couler de l’eau dans une tasse. 

 

— On se rappelle, mon grand. Rigola Lyall. Bonne soirée. Il raccrocha rapidement après lui avoir fait ce que Remus interpréta comme un clin d'œil. 

 

Son père venait de lui faire un clin d'œil après lui avoir souhaité une bonne soirée, et s’être fait draguer par un type de 16 ans son cadet. 

Cette situation était la plus lunaire possible. 

 

— Il est pas jeune, pour être ton père ? Demanda Sirius en faisant couler du lait végétale dans sa tasse de thé. 

 

— Il n’est pas vieux pour que tu le branches ?!

 

— Nan. Répondit-il en plissant le nez avant de sourire, ce qui fit lever les yeux au ciel de Remus. Sérieusement, c’est quoi sa skincare ? 

 

— Il vole certainement les produits de ma mère. Répondit Remus en s’adossant à la table haute et en haussant les épaules. Il a 43 ans. Justifia-t-il ensuite.  

 

— On va faire rapidement les calculs. J’ai 27 ans. T’as 27 ans ? 

 

Remus hocha la tête en portant son thé à ses lèvres. 

 

— Shit. 

 

— Ils se sont rencontrés supers jeunes, accident, boum, j’ai débarqué. Ils s’en sont plutôt bien sortis par la suite, et j’ai l’impression qu’ils ont toujours été supers heureux. Si tu veux un très gros résumé de la situation. 

 

— Ouais. Tu viens de m’éviter de te poser les questions les plus embarrassantes que j’avais en tête. Répondit-il en retirant son sachet de thé. Tu sais qu’on est voisins ? 

 

— Je vais avoir besoin de plus de détails… 

 

— J’habite Soho, aussi. Précisa-t-il avant de reprendre la parole quand Remus fronça les sourcils. La blondinette m’a raconté beaucoup de choses sur toi et Fabian. Du genre que vous habitez Soho, à Londres. Ça t’est venu d’où, la montagne, la neige, tout ça alors que tu vis en plein centre ville ? 

 

— Ma mère. Répondit-il après avoir pris une gorgée de son thé. Chassant l’idée d’être amené à recroiser ce type absolument canon, qui avait dragué son père au travers d’un téléphone, dans sa rue quand il rentrera à Londres. Elle a toujours aimé la nature, et être au milieu de nulle part. On a passé la plupart de nos vacances loin de la ville, ils m’ont très rapidement appris à skier, et une chose en entraînant une autre… Je reviens ici tous les ans. Et toi, qu’est ce qui t'a amené ici ? 

 

— Oh, ça, Moony, c’est une question beaucoup trop intime pour un premier rencard. 

 

— Remus. Corrigea-t-il. 

 

— Hum. Dit il en hochant la tête tout en prenant une gorgée de son thé avant de se diriger vers la sortie de la salle commune. Garde tes questions pour la prochaine fois. Dit-il en s’évaporant. 

 

Remus resta planté là, tasse en main, à fixer l’endroit où Sirius s’était trouvé précédemment, complètement désemparé par la situation. 

Ce type était aussi insupportable que ce qu’il était beau, et Remus avait un faible pour les garçons insupportables.



****

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Chapter 5: Souviens-toi la saison dernière

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— Marls’, je trouve ça inhumain que tu aies réussi à cocher presque deux lignes entières du bingo de la vente des forfaits en deux journées. Lança Remus, les yeux toujours rivés sur sa liseuse, sa main attrapant les oreilles de Kuna qui prenait la majorité de la place sur le fauteuil qu’ils se partageaient, un œil toujours attentif à ce qu’il se passait dans la salle. 

 

— J’ai toujours dit qu’elle trichait. Répondit Ilaria en rigolant en se laissant tomber à côté de Fabian. 

 

— Il va falloir penser à de nouvelles phrases ! Se vanta-t-elle en portant son Coca à ses lèvres. Hé, Fab ! Content de ta première sortie ? 

 

— T’as pas idée ! C’était un bon groupe de grands débutants. 

 

— Tu as vu ce sur quoi tu es prévu, demain ? Demanda Remus nonchalamment. 

 

— Shush, Moony, shush. Ne pourrit pas l’ambiance en me parlant de mioches qui vont pleurer au premier faux plat. 

 

— Quand tout le monde sera rodé, je t’échangerai tes pioupiou contre mes sorties. Lui dit Marlène. Moony les aime bien aussi. Tu devrais réussir à en esquiver quelques uns. 

 

— On est prévus ensemble, dans deux jours, Maley’. Pour les motoneiges. Compléta Remus avec un sourire. 

 

— Oh putain ! Tu te souviens de la saison dernière ?! Rigola Marlène. 

 

— L'audience exige l’histoire qui va avec ce rire machiavélique. 

 

Remus leva ses yeux de l’écran de sa liseuse pour les porter sur Sirius qui venait d’entrer dans la salle sans qu’il ne s’en aperçoive. Cigarette coincée derrière l’oreille, clementine qu’il faisait sauter dans sa main, mèches de cheveux qui s’échappaient d’un chignon désorganisé. Remus reporta rapidement son attention vers son bouquin. Les lettres ne formaient plus des mots censées, elles avaient pris la forme et la couleur des yeux de Sirius. 

 

— Moon’ ? 

 

— A toi l’honneur. Répondit-il à Marlène. 

 

— Cool ! 

 

Marlène adorait cette histoire, aussi banale soit elle. Elle la racontait toujours avec autant d’entrain, ajoutant des nuances et des moments de suspens entrecoupés par ses propres rires qui faisaient toujours sourire Remus et râler Fabian quand l’histoire s’éternisait. 

La dernière sortie qu’ils avaient effectuée tous les deux avait été chaotique. Sur le papier, le groupe avait annoncé être confirmé, avec de l’expérience. Ils étaient en fin de saison, et avaient, eux aussi, eu envie de profiter de cette balade. C’était donc pourquoi ils avaient choisi un sentier un peu plus compliqué que ceux usuellement emprunté, qui comportaient des terrains « accidentés » et des ponts à traverser. 

 

— Largement réalisable. Ponctua Remus sans quitter son livre des yeux, enroulant les poils de Kuna autour de ses doigts. 

 

Ils avaient vite déchanté quand, à peine la première motoneige démarrée, le jeune homme en tête s’était dirigé tout droit dans un talus de neige alors que la consigne donnée par Marlène avait été claire : on allume le moteur et on ne bouge pas. 

Si Remus n’avait pas fermé la marche, ils étaient convaincus qu’ils auraient perdus des membres du groupe sur le chemin. Soit parce qu’ils n’écoutaient rien, soit parce qu’ils n’étaient absolument pas dégourdis. 

Arrivés au premier refuge, et alors que Marlène mettait les théières sur le feu, Remus se tenta à subtilement demander : c’était où, votre dernière randonnée en motoneige ? 

Le blanc et le malaise qui s’en suivi parlait pour eux : aucun d’entre eux n’était confirmé. Ils voulaient simplement profiter de beaux paysages et dépasser leurs limites. 

En sachant que l’une d’entre elles avait pleuré à la première bosse rencontrée, et que l’un avait hurlé au premier virage un peu serré, les limites avaient été vite atteintes. 

Cependant les plus téméraires, ou stupides, avaient tenté de leur laisser entendre qu’ils avaient l’habitude, qu’il en faisait régulièrement que, là, les conditions étaient mauvaises à cause des chutes de neige, mais qu’ils avaient fait pire. 

Entendre beaucoup trop de fois les jeunes se vanter d’être « franchement doués » commençait à agacer Remus. Il avait alors sorti son walki talki pour communiquer avec Marlène et lui avait simplement demandé de passer par le sous-bois. Elle avait rit dans le talkie, lui avait lancé un rapide coup d’œil, puis en tête de cortège, Remus l’avait vu pivoter à gauche. Dans ce sentier qu’ils aimaient emprunter, tous les deux, avec des ponts étroits et branlants. 

 

— Ils ont eu de la chance d’être tombés sur vous qui êtes relativement patients. Lança  Jörgen qui se levait en direction des placards de la cuisine. 

 

— Patients, patients… je commençais à en avoir vraiment marre de les entendre dire qu’ils étaient supers forts, et qu’ils voulaient prendre des bosses, pour finalement se mettre à crier la première turbulence. Et quand Remus a dit : bon, on va vous ramener les uns après les autres, j’ai su qu’il n’était pas loin d’en enterrer un. Parce que oui, ils ont flippé comme jamais donc a fait des allez retour avec leurs moto pour les ramener. Pour éviter qu’ils fassent encore plus de la merde, vu qu’on a quand même eu une moto dans un arbre alors que le type allait au ralentis, l’un de nous restait avec eux, Fabian est venu nous filer un coup de main. C’était l’enfer. 

 

— J’ai juste beaucoup de mal à comprendre l’utilité de mentir dans cette situation. Ils ne passent pas un bon moment, nous non plus… ça ne sert pas à grand-chose… Surtout qu’on leur avait demandé s’ils voulaient faire demi-tour à mi parcours parce que le sentier devenait plus compliqué. 

 

— Y a des gens qui disent aimer l’adrénaline mais qui ne l’assument pas ensuite. Lui dit Jörgen en lui tendant une barre de chocolat. 

 

— Merci. Lui sourit-il alors que Jörgen lui serrait doucement l’épaule. 

 

— S’ils voulaient de l’adrénaline, Moony aurait pu les amener faire de l’escalade sur cascade gelée. 

 

— Hors de question ! Répondit-il vivement. Tu te souviens qu’ils me l’avaient demandé  ? 

 

— Ah mais oui ! T’avais rigolé avant de refuser par un « non » plus ferme que ce que je ne t’ai déjà entendu dire. 

 

— Ils auraient trouvé un moyen de se tuer. Se justifia-t-il. On s’est fait dégommer par Alastor, cela dit.

 

— Parce qu’on n’avait pas su jauger le niveau, c’est ça ?

 

— Non. Parce qu’on avait su le jauger mais qu’on avait décidé de ne pas en tenir compte. 

 

— Ils étaient cons. 

 

— Inconscients, surtout. Corrigea Remus. 

 

— Tu grimpes sur glace ? 

 

Il pivota la tête vers Sirius qui faisait tourner sa cigarette entre ses doigts. 

 

— Hum hum. Répondit-il en se forçant à ne pas fixer ses doigts. Ce qui rendit les choses compliquées parce que ses yeux étaient aussi hypnotisants que les mouvements de ses doigts. J’ai une sortie la semaine prochaine, normalement. Tu grimpes ?

 

— J’me défend, mais j’ai jamais grimpé sur glace. 

 

— Va avec lui. Alastor sera ok, Moony est le seul d’entre ceux qui grimpent qui t’expliquera les choses correctement. 

 

Ne comptez jamais sur votre meilleur ami pour vous sortir d’une situation qui vous met mal à l’aise : il vous enfoncera. 

 

— Cool ! Je lui demande demain ! 

 

Si c’était la première fois que Sirius escaladait la glace, Alastor allait refuser qu’il apprenne au moment de la sortie. Remus était persuadé qu'il allait devoir passer son prochain jour de repos avec lui, à lui expliquer. Ce qui, en soit, n’était pas un problème. Seulement, il avait du mal à le regarder. Enfin, non. C’était faux. Il arrivait à le regarder. Très facilement même. Le problème était surtout qu’il n’arrivait plus à détourner son regard de lui. Donc, pour éviter tout embarras, il avait choisi d’éviter de le regarder. C’était plus simple. 

Remus réussit à hocher la tête, et détourna son regard quand Sirius décrocha son téléphone par un « Hi Pete’ chéri ! » avant de sortir de la salle. Il ne se tourna pas vers Fabian quand il l’entendît ricaner. Sur sa liseuse, les mots n’avaient plus aucun sens, alors il trouva que ce fut le bon moment pour aller ramener Kuna chez Alastor.



Chapter 6: Escalade

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Remus entra dans le local dans lequel ils entreprosaient tout le matériel destiné aux saisonniers. Au fil des années, des post-it, cartes postales, dessins abstraits et approximatifs, avaient fini par recouvrir les murs. Chacun avait son casier attribué, et celui de Remus faisait partie de ceux avec le plus de décorations inutiles et stickers, qu’il refusait de retirer. Il tira son sac du casier et soupira en essayant de démêler les sangles qui s’étaient emmêlées aux cintres. Fabian lui avait emprunté la veille, et il avait un sens de l’ordre et de l’organisation qui ne s’accordait pas à celui de Remus : il ne rangeait rien. Il faisait un effort quand il s’agissait des affaires de Marlène ou Remus, mais tout restait assez désorganisé.

Il tira sur l’un des tiroirs pour en sortir ses mousquetons et son harnais, il se saisit de ses chaussons et de ses crampons, et se retourna pour se diriger vers les étagères d’équipements quand Sirius entra dans la pièce.

— Morning, Moony, c’est donc aujourd’hui qu’on passe du temps ensemble !

— Remus, lui répondit-il avec un sourire.

— Si tu veux, lui dit-il avec un sourire bien plus insolent que le sien. J’ai besoin de quoi ?

Remus observa la façon dont il est habillé tout en détachant un baudrier et un casque qu’il lui tendit.

— Tu as quelque chose, en-dessous ?

— Oh, serait-ce ta méthode pour me voir retirer mes fringues, Moony ?

Sirius rigola quand Remus soupira en sentant ses joues rougir.

— Oui, j’ai un thermique sous ma polaire, reprit-il, le sortant de son embarras.

— Les chaussons sont juste là, lui indiqua Remus en ouvrant une armoire. Prends peut-être une taille au-dessus histoire de pas être à l’étroit si tes chaussettes sont épaisses. Tiens, tes crampons. Je mets le reste dans mon sac.

— J’ai de la place dans le mien, si besoin ! J’y ai mis des snacks. J’espère que t’aime le chocolat, j’ai pris des tablettes, des barres de céréales, et…

— Ah, vous êtes là ! coupa Alastor en entrant dans la salle. Moony, y a déjà des grimpeurs, t’encombre pas pour rien. Faudra sûrement que tu ramènes du matos, par contre. Toi, écoutes bien ce qu’il te dira si tu veux faire une sortie seul.

— Tu sais, Alastor, c’est ce que je fais de mieux. Écouter, apprendre des choses, découvrir des secrets…

— Ne me fais pas regretter d’avoir accepter que tu viennes ici, Sirius.

— Tu m’adores.

— Ce n’est pas la question. Oh, et, Moony, prends Kuna avec toi. Je fais de l’administratif toute la journée et il va bouffer mon bureau s'il ne sort pas du bas de la station.

— Sans problème !

Remus enfila son manteau et son sac avant de se diriger vers la sortie. Il siffla deux coups et prit la direction des cascades.

— On prend une motoneige ? demanda Sirius qui glissait un bonnet sur ses cheveux.

— Non, la cascade n’est pas bien loin. Comme ça tu connaîtras le chemin à emprunter à pieds avec les clients.

— Merde, moi qui voulait voir ton expertise sur des ponts brinquebalants… répondit-il avec une voix taquine.

— Tu en auras sûrement l’occasion durant la saison. Remus ponctua sa phrase de deux nouveaux sifflets.

— Tu sais, tu peux m’appeler par mon prénom, je répondrais tout autant. Putain ! s'exclama-t-il ensuite quand Kuna surgit à ses côtés. Il fait toujours ça ? Arriver aussi silencieusement qu’un fantôme.

— Toujours, acquiesça Remus en rigolant tout en caressant la tête de Kuna qui se mit à trottiner devant lui. Comment tu connais Alastor ? Demanda Remus, curieux.

— Tiens, tiens, on cherche à savoir des choses sur ma petite personne ?

— On peut tout aussi bien faire le chemin en silence, tu sais, ça ne me dérange pas le moins du monde.

Non, du tout pour ainsi dire. Normalement, en tout cas. Là, il avait plutôt l’impression que Sirius pouvait facilement déranger le silence. Il l’entendît rigoler avant qu’il ne prenne la parole.

— Il connaît ma famille. Le bon côté de ma famille, ajouta-t-il. C’est un ami de mon oncle. Ça fait plusieurs années que je dis que je veux venir ici, et pour diverses raisons ça s’est jamais fait. Je sentais que cette année c’était le moment… Et toi, d’où tu connais grincheux ?

Remus esquissa un sourire à l’entente du surnom qui lui allait plutôt bien.

— Ma mère a travaillé avec lui, à Londres. Ils ont liés une drôle d’amitié depuis. Ils se crient souvent dessus pour communiquer.

— J'crois que c’est sa façon de faire, à Alastor. Quand il aime les gens, il se sent obligé d’utiliser sa grosse voix. C’est quoi son histoire ?

Remus intercepta l’index de Sirius pointé vers Kuna, quelques mètres devant eux.

— Oh. Des gens ont eu la bonne idée de faire un croisement entre une malamute et un jeune chien loup dont ils avaient déjà du mal à s’occuper. Peu de temps après, le chien loup terminait déposé devant un refuge. En ce qui concerne Kuna… ils n’ont pas tenu trois mois. Alastor est arrivé au bon moment, et l’a recueilli. Ça n'a pas été de tout repos, mais il avait les qualifications requises et l’environnement pour pouvoir s’en occuper. Concrètement, aujourd’hui Kuna tolère la plupart des gens, mais s’approche et ne fait confiance qu’à très peu d’entre eux.

— T’es l’élu, un peu.

— Un peu. Rigola Remus. Il aime le calme et qu’on comprenne quand il veut qu'on le laisse tranquille. Puis, accessoirement, comme là, se jeter dans la neige. De manière générale, j’ai de très bons rapports avec les animaux.

— Ils sont souvent plus sympas que les humains.

— On est d’accord, acquiesça Remus avec un sourire. Où est-ce que tu grimpes, à Londres ?

— VauxWall !

Ils n’avaient, définitivement, pas les mêmes « valeurs ». Cette salle d’escalade était huppée, hors de prix, et n’accueillait presque que des gens qui préféraient poster des photos d’eux-mêmes devant les grands miroirs que comportaient la salle plutôt que de grimper.

— VauxWall west, précisa-t-il ensuite. J’ai détesté l'ambiance élitiste et bourgeoise de VauxWall East.

Oh. Surprenant, dans le bon sens.

— J’ai détesté cette salle. Avoua Remus.

— Ça m’étonne pas, lui répondit-il en rigolant. Dans un autre registre, j’adore aller au Castle. Et mon petit doigt me dit que toi aussi, tu dois être du genre à l’apprécier, ajouta-t-il en présentant son petit doigt à l’ongle vernis devant les yeux de Remus qui ne put s’empêcher d’esquisser un sourire.

— Bien vu. Je suis si prévisible que ça ? Gauche, Kuna, indiqua-t-il lorsqu’ils arrivèrent à un embranchement de deux sentiers.

— J’ai souvent de bons pressentiments, répondit Sirius en haussant une épaule. Hé, si je lui donne une direction, il m’écoutera ?

— Tu peux toujours essayer au prochain sentier ! l’encouragea Remus. On ira à droite. Il y a moyen qu’il se tourne vers toi et te regarde sans bouger.

— C'est souvent l’effet que j’produis, dit-il le plus sérieusement possible en ponctuant sa phrase d’un clin d’œil.

Chiant. Sirius était tout ce que Remus méprisait et adorait à la fois. Une belle contradiction. Il était surtout tout ce que lui n’était pas : extraverti, bruyant, sûr de lui.

Ils marchèrent un moment sans parler, seulement le bruit de leur chaussure sur la neige et le frottement de leur pantalon de neige rompant le silence.

Remus n’avait jamais craint le silence. Au contraire, il le trouvait reposant, rassurant. Là, il le trouvait légèrement inquiétant, parce que ses pensées, elles, étaient bruyantes. Il se surprenait à se demander si Sirius allait apprécier le moment qu’ils allaient passer ensemble ou, si au contraire il allait le trouver franchement ennuyant. Il pouvait l’être. Ce qui était franchement ennuyant, dans la situation présente, c’était qu’il se pose ce genre de question. Il s’en fichait, normalement, de tout ça.

— Kuna, à droite.

Le malamut se stoppa, et tourna la tête vers eux. Posant son regard sur Sirius.

— Je l’ai énervé ?

Remus esquissa un sourire.

— Essaie encore une fois.

— À droite, lança-t-il sans un brin d’assurance.

Kuna porta ses yeux vairons et confus vers Remus.

— Go ! dit-il joyeusement, ce qui fit avancer Kuna. Tu as douté, donc il n’était pas sûr de devoir tourner. Tu tenteras de nouveau au retour.

— Non. J’crois qu’il me déteste. Je l’ai croisé dans un couloir, l’autre jour, et il m’a fixé, j’ai tenté un « psst psst psst » et il a fait marche arrière.

— Je crois que tout le monde aurait fait marche arrière face à ce genre psst psst psst Sirius, rigola Remus.

— J’ai paniqué ! T’as vu sa taille ?! Pire : tu as vu la taille de ses pattes ?! Un coup de griffes et mon visage se retrouvera amoché à tout jamais.

Ouch.

— Il est plutôt du genre à fuir qu’à attaquer, se força de répondre Remus en ravalant l’inconfort et le malaise qui avaient décidé de venir lui tenir compagnie.

— Tu dis ça parce que t’es l’élu. Oh wow ! C’est ça qu’on va grimper ?!

— Exact ! répondit-il alors que son inconfort s’échappait aussitôt qu’il aperçut la cascade gelée se distinguer derrière les arbres.

Sirius s’en sortait… très bien si Remus acceptait d’être honnête. Il n’avait pas eu besoin de lui montrer avant, Sirius avait suivi sa voix à mesure qu’il grimpait. S’il pouvait être bruyant, il pouvait aussi faire preuve d’une grande capacité d’attention. N’hésitant pas à poser des questions en cas de doutes, à lui demander si le mouvement qu’il entreprenait était le bon à réaliser. Il rectifiait sa trajectoire quand Remus lui faisait savoir qu’il mettait trop d’efforts dans ses mouvements et qu’il risquait de se fatiguer, surtout que Remus avait perdu le compte du nombre d’ascension que Sirius avait réalisé. Il était insatiable.

— Hé, il s’en sort pas mal du tout, le nouveau ! lança Benjy en passant dans le dos de Remus, pile au moment où un bloc de glace se détacha de la paroi et que Sirius cria « bordel ! » alors que Remus ajusta son assurage. Bien rattrapé Rem’ ! ajouta Benjy avant de s’en aller, son équipement sous le bras.

— Ça va, en haut ?

— Carrément ! répondit Sirius en se tournant vers lui. Je pense que je vais descendre !

— Quand tu veux ! lui dit Remus en agrippant sa corde plus fermement.

Ses pieds sur la terre ferme, Sirius sautilla, un sourire jusqu’aux oreilles avant de défaire le nœud à son baudrier.

— C‘était dingue ! Je pense que le bloc de glace est tombé parce que j’ai enfoncé mon piolet trop fort.

— Possible, tu avais l’air de mettre beaucoup de force dans tes bras.

— Ouais, je commençais à fatiguer sur la fin donc je compensais. Dit-il en se frottant les bras.

— Un bon sauna ce soir et tu n’auras presque pas de courbatures, rigola Remus alors qu’il se saisissait de ses propres piolets, prêt à grimper pour défaire la ligne.

— Ça, c’est une très bonne idée ! répondit-il en prenant la place de Remus pour l’assurer.

*

Remus ne voulait pas aller dans le sauna. Il détestait ça. Il y faisait beaucoup trop chaud, puis il finissait par avoir du mal à respirer. Mais Fabian en avait décidé autrement. Alors sur le chemin, il marmonnait, de mauvaise volonté, tandis que Fabian lui assurait que c’était une très bonne idée, que demain il ne se plaindrait pas d’avoir mal partout.

— J’ai toujours mal partout, répondit-il en accrochant son jogging et son pull au porte manteau au-dessus du banc sur lequel reposait un sac.

Quand il ouvrit la porte, il se heurta presque à Sirius, louche dans la main, prêt à arroser les pierres d’eau chaude.

Il étouffait déjà.

Il partit se réfugier dans le coin du sauna le plus éloigné du poêle, et s’asseya sur le banc le plus bas. Il ne resterait pas longtemps, il était déjà prêt à partir. Alors qu’il remontait ses jambes sur l’assise et les encerclaient de ses bras pour y enfoncer sa tête, il entendit Fabian prendre la parole.

— Alors, l’escalade ?! Il parait que tu t’en es bien sorti ?

— C'était génial ! l’entendît-il répondre alors qu’il gravissait le banc juste à côté de Remus pour s’installer quelques rangs derrière lui. Remus disait que tu pratiquais aussi ?

— Ouais, j’aime bien mais il faut faire attention à trop de choses. Je ne suis pas assez vigilant pour ce genre d’activité. Remus aime pas grimper avec moi.

— Parce que t’as failli me tuer, marmonna-t-il.

— J’ai pas entendu, lève la tête quand tu parles.

Remus ne leva pas la tête, mais lui présenta son index et son majeur.

— Tu étais trop occupé à regarder le paysage que tu as oublié que tu étais en train de m’assurer, dit-il plus fort.

— Tu t’en sortais très bien, répondit Fabian en rigolant.

— Hi guys, lança la voix de Jörgen.

— Laisse la porte ouverte.

— Certainement pas, Remus, c’est contraire à ma culture, rigola-t-il. Tu as réussi à le convaincre de venir ?

— Difficilement. J’ai du aller moi-même chercher son maillot de bain, et il a râlé sur le trajet, là il m’ignore…

— Je me concentre pour ne pas suffoquer, je ne t’ignore pas, rétorqua Remus.

— Tu vois, il est de mauvaise humeur.

— Assieds-toi sur le sol, lui dit Jörgen alors qu’il s’asseyait à côté de lui, à une distance raisonnable pour le laisser respirer. Il fait plus frais.

— Si je bouge, je tourne de l’œil.

— J’suis infirmier, je sais gérer un petit malaise vagal.

Parfait. Il avait aperçu un infime morceau du torse de Sirius en mettant un pied dans le sauna, et il était persuadé que cette image fugace allait hanter ses joues et ses nuits. Maintenant il l’imaginait torse nu avec un stéthoscope autour du cou et des foutu piercing qu’il avait cru distinguer. Quels qu’ils soient.

Il se laissa glisser au sol et s’aventura à déposer sa tête contre le banc derrière lui. Ça allait. À peu près. Derrière lui, les voix lui semblaient loin.

— À Soho ?

— Non. Enfin oui mais non. On a un cabinet d’infirmier libéraux, avec ma meilleure amie. Soho fait partie de ma tournée mais c’est pas là où on est basés.

— Salut, les gueux ! Lança Marlène en ouvrant la porte en grand.

— Ferme pas, je sors, répondit Remus en tentant de se redresser.

— J'ai toute ma journée à te raconter ! Rétorqua-t-elle en refermant la porte.

Vomir. Il allait finir par vomir.

Marlène grimpa sur le banc derrière lui en lançant « chouette tes tatouages ! » à que ce que Remus devina être Sirius, avant de glisser ses doigts dans les cheveux de Remus et de commencer à raconter sa sortie.

Remus n’entendait que certains mots, bien qu’il faisait tout son possible pour se concentrer. Elle parlait de clients, de ski et d’arbres, des chutes de neige prévues pour le lendemain qui allaient potentiellement perturber les activités des jours à venir. Il arrivait à suivre, jusqu’à ce qu’elle ait une idée que Remus qualifiera de complètement stupide à son goût :

— Jörgen, tu veux bien remettre de l’eau ?

— Sans moi, réussit-il à dire en tentant de se redresser. Il avisa la main de Jörgen devant lui et s’en saisit, reconnaissant. Merci, lui dit-il une fois debout.

— Je te retrouve chez toi ? demanda Fabian alors que Remus ouvrait la porte du sauna sans lui répondre, trop concentré à faire en sorte de ne pas vomir. Je prends ça pour un oui, crut-il entendre alors que la porte se refermait et qu’il savourait la fraîcheur.

 

Chapter 7: Stalactites

Chapter Text

Le froid s'était bel et bien installé dans la station, apporté par les chutes de neige des deux derniers jours. Ça avait été de chouettes journées, d'ailleurs. Les groupes avec qui Remus avait passé du temps étaient des habitués et n'avaient pas peur de la neige, ils n'avaient donc pas annulé leurs sorties. En fin de journée, alors qu'il rentrait de sa session de ski, il croisa Fabian et Marlène, luges sous le bras.

— Va en chercher une ! lui lança Fabian alors qu'ils approchaient des télésièges, et Remus ne se fit pas prier. Il accéléra la cadence jusqu'au local où ils entreposaient leur matériel.

Là, il croisa Sirius qui rangeait ses skis et retirait son bonnet avant de secouer ses cheveux en y glissant une main.

— Tu devrais le remettre, glissa Remus en ouvrant la porte du placard qu'il avait un jour renommé « Narnia », tellement il regorgeait d'objets utiles et inutiles en tout genre. Il réussit à extirper deux luges et en tendit une à Sirius. Marlène et Fab sont partis pour descendre une piste.

— Oh putain, t'aurais pas pu me faire plus plaisir ! lui répondit-il en attrapant la luge.

Remus lui sourit en sortant de son casier sa lampe frontale. Il ne ferait pas la même erreur que la fois où ils avaient fait du hors-piste en tout début de saison.

— Ils sont déjà descendus, tu penses ?

— Non, ils devraient attendre en haut, répondit Remus alors qu'ils approchaient des télésièges. Souris et ne dis rien, ajouta-t-il plus bas.

— Remus, je vais te dire la même chose que j'ai dite aux deux abrutis qui te servent d'amis : l'accès aux pistes n'est plus autorisé à cause des chutes de neige, lança l'homme qui sortait de la cabine. Rideau pour ce soir, on ferme.

— Bonsoir, Luke ! Je ne vois personne ici. Toi, oui ? demanda-t-il en regardant autour de lui.

— Remus...

Remus plaça sa main dans le dos de Sirius pour l'entraîner avec lui alors qu'il s'avançait vers la gare d'embarquement.

— Tu diras bonsoir à Alastor ! Je ne l'ai pas croisé aujourd'hui, dit-il avec un sourire en retirant sa main.

— Si vous restez bloqués en haut, vous vous débrouillez, je ne viendrai pas vous chercher comme la fois dernière !

— C'était il y a très longtemps, ça, Luke. Mais on t'en est toujours très reconnaissants, répondit-il alors que le siège arrivait derrière eux.

— Vous m'emmerdez tous les trois... tous les ans, c'est la même rengaine, bougonna Luke en réintégrant la cabine, prêt à couper le système électrique quand ils auraient atteint le sommet.

— J'ai beaucoup de questions, lança Sirius une fois que Remus eut baissé la barre de sécurité et qu'ils déposèrent leurs luges entre eux.

— Il y en a pour environ quinze minutes, il n'y aura certainement pas de lumière à part celles de nos frontales. Oui, je t'en ai pris une. Le chemin sera sûrement un chemin que l'on n'est pas censé emprunter. On avait dix-sept ans quand on s'est perdus et qu'il est venu nous chercher. Luke est le partenaire d'Alastor, et tu n'es pas au courant de cette dernière information.

— Ok... Et tu m'as impliqué dans votre débauche parce que... ?

— Parce que tu as l'air d'apprécier l'interdit.

À vrai dire, il ne savait pas trop pourquoi il lui avait proposé de venir. Parce qu'il était là, devant lui, et que se saisir d'une luge puis s'en aller l'air de rien n'était pas quelque chose de poli. Parce qu'il l'avait vu passer sa main dans ses cheveux et qu'il avait perdu toute objectivité. Peut-être parce que Sirius, malgré son côté ultra posh, était un type franchement sympa dont Remus savait qu'il s'entendrait facilement avec ses amis. Globalement, il avait l'air de s'entendre facilement avec tout le monde, avec ses clins d'œil et sourires espiègles.

— Bien vu, Moony, bien vu...

— Remus.

— Cela dit, j'aurais jamais pensé que c'était ton genre, à toi, l'interdit.

Remus haussa les épaules sans réussir à contenir son sourire.

— Ça dépend simplement des circonstances, je crois, il tendit un index sur sa gauche. Dans des conditions beaucoup plus clémentes, tu aurais pu voir la cascade que tu as grimpée, juste là-bas.

— Oh, crois-moi, je compte bien l'emprunter de nouveau, ce télésiège ! De ce que j'ai cru entendre, les meilleures pistes sont à son sommet.

— Les meilleurs hors-pistes, corrigea Remus en balançant ses pieds dans le vide.

— Encore mieux, répondit-il en se penchant par-dessus la barrière, certainement dans l'optique de distinguer la piste en contrebas.

La neige tombait à gros flocons et obstruait la vue. C'était peut-être une mauvaise idée de s'aventurer là-haut, mais si Remus avait bien appris quelque chose, c'est que la vie ne valait pas grand-chose si on n'y ajoutait pas un peu de piment. Il ferma les yeux et savoura la sensation des flocons qui se déposaient agréablement sur son visage, mais il savait que dans très peu de temps, le vent viendrait mordre sa peau, laissant des traces rouges sur ses pommettes. Pommettes sur lesquelles Marlène viendrait déposer de la crème hydratante qui allait le piquer.

— Tu t'es remis du sauna ?

— Non, répondit-il en ouvrant les yeux et en tournant la tête vers Sirius. C'était une torture.

— T'exagères pas un peu ?

— À peine, rigola-t-il avant de pivoter de nouveau la tête. Ce n'est vraiment pas mon truc.

Il fouilla dans les poches de sa veste et sortit l'une des lampes frontales pour la tendre à Sirius.

— J'en prends note, lança-t-il avec une voix teintée de sourire tout en attrapant la lampe.

— Merci, dit-il en la glissant par-dessus son bonnet avant de jouer avec les différentes intensités de lumière.

— La sensation d'étouffer ?

Sirius rigola, et la lumière vint éblouir Remus quelques secondes quand Sirius tourna la tête vers lui.

— T'as déjà été dans un hammam ? Parce que la sensation est beaucoup plus étouffante que celle d'hier.

— Oui, et c'est une expérience que je ne réitérerai pas. Il y en a un auquel on a accès, dans l'hôtel qui fait l'angle à l'entrée de la station. Vas-y avec Fabian, il t'accompagnera avec plaisir.

— Hum, j'y penserai. La clé, c'est la respiration...

— Je me souviendrai de te rappeler ce détail, le jour où tu en auras besoin, rigola Remus.

Au loin, la gare de débarquement commençait à se distinguer, tout comme deux faisceaux de lumière.

— T'avais raison, ils t'ont attendu.

— Toujours, répondit-il avec un sourire en se souvenant de toutes les fois où ils l'avaient attendu. Que ce soit en haut ou en bas des pistes, dans l'une de leurs chambres, dans le hall de l'hôpital de la ville, en amont de la station... Ils s'attendaient, souvent, tout le temps. Parce que leur amitié était patiente, avait toujours pris le temps, s'était toujours adaptée au temps dont les autres avaient besoin, n'avait jamais forcé la main.

— Vous m'intriguez tous les trois, à être les cool kids de l'endroit.

— Passe deux journées avec nous, tu verras qu'on n'a rien de plus que les autres, rigola Remus en soulevant la barrière de sécurité quand leur siège arriva en gare de débarquement.

— J'en suis pas convaincu, entendit-il Sirius lui répondre alors que Remus sautait du télésiège en attrapant sa luge.

— Putain, Moony, on a presque cru que tu n'avais pas réussi à convaincre Luke, lança Fabian.

— Un sourire et c'est passé. J'ai juste croisé Sirius sur le chemin.

— Ça, c'est une bonne nouvelle ! J'espère que t'es prêt, Pretty Boy ? s'exclama Marlène par-dessus le vent qui se mettait, comme prévu, à souffler plus fort. Le dernier arrivé en bas paie toujours sa tournée.

— Oh, Blondinette... la vitesse, c'est quelque chose qui est bien loin de m'effrayer. J'espère que ton porte-monnaie est prêt.

— Si on pouvait éviter de se tuer... souffla Remus en enfilant ses gants et en se plaçant à côté de Fabian. Les conditions ne sont vraiment pas terribles, on devrait peut-être oublier les chemins sinueux...

— C'est ce qu'on se disait avant que vous arriviez. On peut descendre la piste principale, y a des bosses, le chemin est délimité... Ça peut être un bon compromis pour ne pas risquer nos vies.

Remus hocha la tête tout en réglant la lumière de sa lampe frontale sur l'intensité la plus élevée. Puis il s'avança en bord de piste, sur ce côté où il y avait une pente assez inclinée qui lui permettrait de gagner quelques secondes sur son départ. Encore plus si le reste du groupe partait rapidement après l'avoir vu descendre. Surtout s'il comptait sur le fait que Marlène était en train d'argumenter avec Sirius sur la boisson qu'il allait devoir lui payer en arrivant en station, et que Fabian venait d'ajouter qu'il allait, à tous, leur faire bouffer de la poudreuse. Remus déposa sa luge sur le rebord de la piste, la maintenant avec la pointe de sa boot.

— Bon... je suppose que je vous retrouve en bas ? lança-t-il avant d'appuyer sur sa luge et de s'asseoir dessus au moment où elle se mit à basculer.

— Putain, Moony !

— Petit con !

C'est ce que Remus entendit dans son dos alors que son rire se mêlait au vent.

Pinte de bière à la main, il débattait avec Fabian de l'utilité qu'ils auraient, ou non, à s'acheter une nouvelle planche de snowboard.

— On a une réduction !

— On a déjà des planches.

— Ouais, mais t'as vu comme elles sont canons, les nouvelles Burton ?

— Certes, mais...

— Les nôtres sont toutes abîmées, bientôt elles ne glisseront même plus. Tu ne veux pas manquer un prix parce que ta planche est pourrie.

— Ma planche n'est pas pourrie ! répondit Remus en déposant son verre sur la table.

Dehors, Marlène et Sirius, cigarette entre les doigts pour l'une, cigarette entre les lèvres pour l'autre, se hissaient tous les deux sur la pointe des pieds pour casser des stalactites de l'avant-toit du bar. Remus esquissa un sourire quand Marlène glissa et que Sirius réussit à la retenir par la taille, l'empêchant de tomber.

— Elle n'est pas pourrie, mais elle n'est plus toute jeune. Accompagne-moi au moins faire un tour, demain !

— Je les ai vues, les planches, Fab. J'en ai même déjà vendu.

— Tu ne les as pas assez regardées si tu veux pas t'en acheter une !

— Je t'accompagnerai, concéda Remus en sachant que la partie était perdue d'avance. Fabian était têtu et réussissait toujours à avoir ce qu'il souhaitait.

Fabian leva un poing en l'air en guise de victoire tandis que Marlène et Sirius se réinstallaient à leur chaise, Marlène déposant un stalactite dans le verre de bière de chacun d'entre eux.

— Je la trouvais tiède, donna-t-elle comme explication en haussant les épaules.

Elle n'était pas tiède, leur bière, mais Marlène s'était un jour fait servir un cocktail avec un stalactite en guise de glaçon et avait depuis décidé que ce devait être la norme. Elle expliquait cette anecdote à toute nouvelle personne qui se joignait à eux pour un verre et, que la boisson soit tiède ou non, elle se débrouillait toujours pour lui ajouter un stalactite avant de conclure par : « Tu vois ?! Super stylé. »

— Tu l'accompagnes où, demain ?

— Nulle part, répondit Remus dans l'espoir de changer de sujet. Seul face à ses deux meilleurs amis, il ne faisait pas le poids.

— Acheter une nouvelle planche, répondit Fabian en même temps. Il en a besoin pour le concours.

— J'suis d'accord ! s'exclama Marlène avec beaucoup trop d'enthousiasme.

— On parle de quel genre de concours ? demanda Sirius.

Cette intervention sonna comme une bénédiction.

— Freestyle et sauts. On s'inscrit tous les ans avec Marlène, Fabian refuse, répondit Remus, bien décidé à changer le cours de la conversation.

— À raison, rigola Marlène.

— Je dois vous rappeler que j'ai failli mourir ?!

— Toujours plus, jamais moins, Fab, rigola Remus. Tu t'es juste cassé une cheville.

— Une cheville ?! s'exclama Fabian, si fort que les têtes de la table d'à côté se tournèrent vers eux. Une cheville et un poignet !

— Excusez-le, commença Marlène en se tournant vers la famille à côté d'eux. C'est un homme, il est dramatique. Fab, tu pouvais très bien te servir de ton poignet deux jours après. Tu as juste eu peur. Puis, aujourd'hui, ta cheville se porte très bien.

— Puis, qu'on soit honnêtes... commença doucement Remus, tu as surtout eu très honte de te retrouver par terre devant toute la station. C'est plutôt ça, le problème, pas la cheville.

Nice one... souffla Sirius à ses côtés avec un rictus.

— Dis pas des choses fâcheuses comme ça... marmonna Fabian en portant son verre à la bouche. Tu m'énerves quand tu as raison.

— Les inscriptions sont toujours ouvertes si tu veux concourir, dit Remus à Sirius alors que Marlène et Fabian venaient de repartir sur l'éternel débat qu'ils entretenaient depuis que Fabian s'était cassé cette fameuse cheville : « les hommes sont tous des bébés face à la douleur ».

— Nah, je risque de voler la vedette à tout le monde, répondit-il avec un clin d'œil. La vérité est que je suis nul en sauts. Ou, en tout cas, pas assez bon pour prétendre participer à un concours.

— On peut toujours t'emmener faire un tour sur la piste, si ça te dit, un jour où nos emplois du temps correspondent.

Les lèvres de Sirius se fendirent en un sourire, et Remus regretta presque immédiatement la perche qu'il venait de lui tendre.

— Dis-donc, il aura suffi d'un sourire pour que je me fasse intégrer à votre club ultra select ?

— Une main dans les cheveux, en fait, répondit Remus en soutenant le regard de Sirius, qui semblait s'illuminer d'espièglerie.

— Bon à savoir, dit-il simplement avant que Marlène lui attrape le poignet et lui demande quelque chose que Remus ne réussit pas à distinguer, son cerveau bien trop occupé à essayer de chasser de sa mémoire l'image des yeux de Sirius et de son sourire.

Oh, la saison promettait d'être longue.

Chapter 8: Décembre

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

— Quelqu'un pourrait m'expliquer pourquoi tous les gens sont cons, en ce moment ? 

 

Remus leva les yeux de sa liseuse pour les porter vers Sirius qui entrait dans la pièce. Son sourire était toujours présent, mais ses traits paraissent plus tirés que d'habitude. Remus jeta un coup d'œil au tableau, aujourd'hui Sirius avait donné cours sur les pistes. Le temps était loin d'être clément : un vent virulent s'était emparé de la station depuis quelques jours, et l'humeur des clients semblait s'être calquée à la météo.

 

— On est en décembre. Ils sont toujours cons, à cette période. Attends de voir ceux du premier janvier, c'est comique, répondit Fabian qui déposa une tasse de thé sur l'accoudoir du fauteuil de Remus qui le remercia en attrapant l'anse, avant que la tasse ne glisse. 

 

— En parlant de gens cons, la famille préférée de Remus débarque la semaine de Noël, lança Ilaria comme si de rien était avant de sortir de la pièce. 

 

— Tu te rappelles ce que tu m'as promis ? demanda Remus à Fabian en portant sa tasse à ses lèvres. 

 

— Oui. Hélas. Répondit-il dramatiquement avant de lui faire un clin d'œil, lui attestant qu'il prendrait tout de même sa sortie. 

 

— C'est qui, cette famille ? Et pourquoi on les aime pas ? demanda Sirius en s'asseyant en tailleur sur l'un des fauteuils. 

 

— Une famille odieuse de gros bourges hautains qui demande toujours à avoir Remus parce qu'il a les meilleurs conseils et les meilleures connaissances sur la faune et la flore bla-bla-bla. Sauf qu'ils sont franchement cons et doivent ressortir la science de Remus à leurs dîners de gros bourgeasses à Londres. Ils sont même pas à moitié sympa avec lui. 

 

— Je suis présent, coupa Remus en agitant sa liseuse dans l'espace, sachant que Fabian pouvait débiter sa haine comme ça encore longtemps. 

 

— Pourquoi tu acceptes chaque année ? questionna Sirius en le regardant. 

 

— Parce qu'il s'est prit d'affection pour la seule pauvre femme un minimum censée de cette famille de dérangés. 

 

— Elle est très gentille. 

 

— Pourquoi tu acceptes chaque année ? réitéra Sirius, son regard toujours porté sur lui. 

 

— Je ne sais pas, avoua-t-il en haussant les épaules. La famille du mari a été l'une de mes toutes premières sorties pour une randonnée, ma première année, et ils m'avaient gracieusement tipsé. Ils reviennent tous les ans, et tous les ans ils demandent à ce que je leur fasse visiter un nouvel endroit de la région. Les plus beaux ou luxueux, la plupart du temps. Ils sont odieux, mais j'ai appris à faire abstraction. Narcissa s'intéresse vraiment à ce que... 

 

— Attends, quoi ?! s'exclama Sirius en laissant retomber lourdement ses mains qui attachaient précédemment ses cheveux sur ses cuisses. 

 

— Elle s'intéresse à ce que je lui raconte et j'ai pris l'habitude de passer l'essentiel de la journée avec elle.  

 

— Narcissa. Tu as dit Narcissa. 

 

— Narcissa Malefoy, oui. 

 

— Tu te fiches de moi ? 

 

— Pourquoi est-ce que je devrais... 

 

— C'est ma cousine, coupa Sirius. 

 

— Tu te fiches de nous ? demanda Fabian. 

 

— Crois-moi, je préfèrerai, répondit-il sans quitter Remus des yeux. La famille de son mari est pas seulement odieuse, Remus, c'est des connards, pas besoin de peser tes mots quand tu parles de gens comme ça. Sirius passa rapidement une main dans ses cheveux, puis se leva du fauteuil. Je prendrai ta sortie. 

 

Avant que Remus n'ait le temps de dire quoi que ce soit, Sirius venait de sortir de la salle commune. 

 

— J'ai rien compris à ce qu'il vient de se passer. T'as compris ce qu'il vient de se passer ? 

 

— Pas le moins du monde... répondit Remus à Fabian, avec une étrange sensation de malaise. 

 

*

 

Décembre, contrairement à ce que pouvait dire Fabian, était l'une des périodes en station que Remus préférait. Le froid s'installait vraiment, les chutes de neige s'intensifiaient, ses sorties devenaient plus intéressantes. Il avait enchaîné de belles sorties ces derniers jours. Il avait accompagné une grande famille visiter un lac gelé, il avait été randonner le long du sentier aux multiples cascades, il avait donné des leçons de snowboards à un couple des plus sympathiques, il était sorti en motoneige plusieurs fois avec Marlène sans qu'il ne leur arrive quoi que ce soit de tordu. Il vivait une très bonne saison. Les choses étaient simples avec Jörgen. Si simple, qu'il avait passé la porte de sa chambre sans qu'aucune complication ne s'en suive. Bien que Marlène trouvait que c'était une stupide idée et que Remus allait lui briser le coeur "encore une fois" malgré le fait que Remus attestait que "ça n'est arrivé qu'une fois !" et qu'elle rétorquait "la fois de trop !" Marlène, d'ailleurs, ne s'était énervée que sur un seul client, et elle remplissait de plus en plus de cases des bingos. Remus lui avait déjà offert un bonnet, Fabian une nouvelle écharpe, et Remus avait perdu le compte des verres qu'elle s'était fait payer en guise de victoire par les autres saisonniers. Fabian était toujours de bonne humeur, et était celui qui les incitait à sortir après leur journée, parce que "on est pas là juste pour travailler, il faut aussi profiter !". Alors ils allaient soit dans l'un des bars ou restaurants de la station, passaient leur soirée à jouer à des jeux de société, emportaient leur snow sous leur bras, empruntaient des motoneiges qu'ils n'étaient pas censés emprunter, ou partaient patiner. Fabian regorgeait toujours d'idées. Quant à Sirius, il avait trouvé sa place parmi eux facilement. Sa présence était toujours la bienvenue. Il apportait de la légèreté et de l'humour à leur groupe. Sirius, papillon social, passait du temps avec presque chaque saisonnier, se mêlant à tous les groupes, enchaînant aussi ce qui semblait être de nombreux rendez-vous, mais en grande majorité, il se retrouvait au milieu de la bande des trois. À charrier gentiment Fabian, ou à ricaner avec Marlène de choses dont eux seuls semblaient s'amuser. Il s'amusait surtout à agacer Remus, en prétendant flirter, comme il le faisait avec l'entièreté de la station. 

 

Blottis contre l'accoudoir du fauteuil près du poêle à bois, Remus était tellement impliqué dans le récit qu'il était en train de lire qu'il sursauta quand il sentit le dossier derrière lui légèrement s'affaisser.

 

— C'est quoi, cette typo ? demanda Sirius, dont la main reposait à quelques centimètres de l'épaule de Remus. 

 

— Elle facilite un peu la lecture, je suis dyslexique, précisa-t-il en tournant la tête vers Sirius.

 

— Et ça aide vraiment ? C'est une vraie question. Réponds moi comme si j'avais 4 ans. 

 

Remus esquissa un sourire avant de reprendre la parole et de tourner de nouveau la tête vers sa liseuse.

 

— Oui, là, par exemple, commença-t-il en pointant un doigt sur une lettre, je n'ai pas besoin de me demander si le d en est vraiment un... Les boucles sont parfois plus ouvertes, ou les barres parfois plus longues, ça ne ralentit pas ma lecture. 

 

— Ça te gène ? Dans la vie de tous les jours ? 

 

— Pas trop, j'ai appris à vivre avec, répondit-il en haussant les épaules. Mais l'option liseuse me permet de lire plus vite et de ne pas trop réfléchir.

 

— Il lit déjà super vite, lança Fabian de son fauteuil.

 

— L'italique n'est pas super marqué, cependant et je trouve ça parfois embêtant, reprit Remus sans prêter attention au commentaire de Fabian. 

 

Le parfum de Sirius lui chatouilla les narines, et une mèche de ses cheveux lui chatouilla la joue quand il s'inclina pour mieux voir l'endroit censé être en italique que Remus pointait du doigt. S'il le voulait, il n'avait qu'à pivoter sa tête de quelques petits centimètres pour que ses lèvres se déposent contre la joue de Sirius. Ok. Non. Stop. Depuis quand est-ce qu'il avait ce genre de pensées ? Elles ne devraient même pas lui effleurer l'esprit.

 

— Fabian et Marlène ont essayé de lire avec cette police là, ils ont abandonné, dit-il à la place de faire quelque chose de stupide.

 

— Et c'est dans toutes les liseuses ? demanda Sirius en se redressant, emportant avec lui son doux parfum d'insolence.

 

— Hum hum. Je crois. Elle est téléchargeable gratuitement, sinon. Sur tous les outils informatiques. 

 

— C'est bon à savoir. Mon neveu, Harry, est dyslexique. 

 

— T'as un frère ? demanda Fabian alors que Sirius partait en direction de la kitchenette. 

 

— Deux, répondit-il.  

 

— Tous autant canons que toi ? demanda Marlène en se laissant tomber à côté de Remus et en se glissant sous le plaid molletonné. 

 

Il entendit Sirius rigoler avant d'activer la bouilloire.

 

— Thé, tout le monde ? demanda-t-il, puis plusieurs "ouais" et "oui" raisonnèrent dans la pièce.  James est canon, Reggie est plutôt pas mal. Il nous arrive d'être confondus. Vous les verrez, ils viennent en février. Oh, et James est marié et le plus heureux du monde, et Reg a un mec et il n'est pas du genre à partager. Désolé Fab. Dit-il avec un clin d'œil et un sourire. 

— Toi, t'es du genre à partager ? demanda Marlène et Remus secoua la tête. Quoi ? Ça peut servir ce genre d'infos, dit-elle plus bas en lui donnant un léger coup de coude. 

— Non plus. Je papillonne pas mal, mais j'aime pas non plus partager quand je suis casé. Et, non, Marlène, je n'suis pas casé. D'ailleurs, comment va Dorcas ? 

 

Bien joué, Sirius. Ne put s'empêcher de penser Remus, alors que Marlène se mit à raconter à quel point Dorcas était génial et que, oui, elle allait bien, et qu'elle avait hâte de la voir quand la saison serait terminée. Remus et Fabian échangèrent un discret regard et un sourire, tous les deux dans la confidence de la venue de Dorcas pour le concours en janvier.

 

Sirius déposa de nombreuses tasses de thé sur la table qui comportait déjà un mélange de divers chocolats et mandarines, puis se saisit du livre abandonné sur l'accoudoir du fauteuil sur lequel il s'assit à côté de Fabian.

 

— Ok, j'ai besoin de savoir qui annote ce livre ? lança Sirius en déposant ledit bouquin sur ses cuisses. 

 

— Moi, répondit Remus sans lever les yeux de son propre livre. Je l'ai déjà lu, et le voir traîner ici m'a donné envie de replonger le nez dedans.

 

Remus annotait que très peu de livres. Il n'aurait jamais osé annoter celui de quelqu'un qu'il ne connaissait pas. Mais, il savait que celui-ci provenait de la petite bibliothèque qu'ils avaient mis en place dans le recoin de la salle commune. Cela faisait quelques jours qu'il voyait le livre traîner à divers endroits de la pièce. Il s'était dit qu'il allait laisser quelques commentaires au fur et à mesure de la lecture du lecteur qui, soit dit en passant, lisait à l'allure d'un paresseux. Il se souvenait des passages qu'il avait aimé, ou non, et commentait surtout ceux-là, ou la réplique d'un personnage qu'il n'affectionnait pas beaucoup ou, au contraire, qu'il aimait. 

 

— Tant que tu me spoiles pas la fin... 

 

— T'inquiètes pas pour ça ! Il m'en veut toujours de lui avoir dit la fin de Hunger Games y a plus de mille ans, donc il ne fera jamais ça. 

 

— Si tu as peur que je laisse glisser quelque chose, je peux très bien arrêter de l'annoter. Ça me faisait juste passer le temps. 

 

— Ça, ça veut dire que tu l'as emporté en boutique avec toi, glissa Marlène. 

 

— Tout à fait, lui répondit Remus, sans une once de culpabilité. 

 

— Non, j'aime bien. Certains commentaires me font sourire. 

 

— Cool, répondit seulement Remus. 

 

— Cool, moqua Marlène, tout en posant sa tête contre l'épaule de Remus. T'es foutu, ajouta-t-elle plus bas en attrapant son téléphone pour commencer à scroller sur les réseaux sociaux.

Notes:

Hey.

Je profite de ce chapitre pour vous faire part de mon envie de vous partager un autre aspect de mon écriture.

J'ai tout récemment créé un profil Substack, et ça me ferait plaisir de vous retrouver là-bas. Pour l’instant j’y suis seule et j’aime ça. Mais, si le cœur vous en dit, vous pouvez aller suivre l'aventure dans laquelle j ai décidé de me lancer... (est-ce que je viens de faire un teasing ? Possible).

Ça sera différent d'ici, mais ça peut être chouette.

https://camillesnr.substack.com/?r=1zexsc&utm_medium=ios&utm_source=profile

J'espère que vous allez bien, et que la vie est douce avec vous.

Chapter 9: Secret Santa

Chapter Text

Entre deux clients, Benjy tendit un casque de ski à Remus dans lequel des papiers pliés étaient disposés. 

 

— Secret Santa !! lança-t-il avec sourire qui aurait pu chasser la grisaille qui s'était emparée de la station. 

 

— Merci de t'en être occupé ! répondit Remus en piochant un papier. 

 

— Tu t'en es chargé l'année dernière, il fallait bien que quelqu'un se dévoue cette fois-ci. J'ai juste eu du mal à faire en sorte d'oublier personne, rigola-t-il. 

 

Remus esquissa un sourire. Il avait eu du mal l'année d'avant, lui aussi, à répertorier tous les saisonniers et à faire le tour de chacun d'entre eux pour leur remettre leur petit papier. 

 

Il allait déplier son papier pour découvrir le prénom de la personne à laquelle il allait devoir offrir un présent, quand un client se dirigea vers lui. Il glissa le prénom dans la poche de son jean et se tourna vers lui pour l'accueillir. 

 

*

 

Ce vendredi soir était organisé une soirée dans la salle commune de l'hôtel. Si Marlène avait tenu à y assister, Remus, lui, avait tenu à y échapper. Il ne les refusait pas, d'habitude, les soirées. Il les appréciait même et passait toujours un bon moment, mais ce soir-là, sa batterie sociale était à plat, et sa journée de découverte des différentes pistes de la station en snowboard l'avait épuisé. Sachant que le calme ne serait pas au rendez-vous, même depuis sa chambre, il avait réservé une place de cinéma et Fabian avait voulu se joindre à lui sous prétexte que « des soirée, y en aura d'autre, et j'ai envie de parler à personne ». Fabian s'était levé de mauvaise humeur et, après un rapide regard à la date du jour, Remus s'était souvenu qu'il s'agissait de l'anniversaire de l'un de ses parents. Ces journées-là, tout comme celle de son propre anniversaire, avaient tendance à le rendre maussade. 

 

Ils avaient enchaîné leur séance de cinéma par un repas dans l'un des restaurants de la station. Celui dans lequel les serveurs étaient toujours aimables avec eux et prenaient parfois le temps de s'asseoir pour discuter. 

 

Il n'était pas loin de trois heures du matin quand ils regagnèrent l'hôtel, le baromètre du moral de Fabian légèrement plus haut, la fatigue de Remus bien présente, mais dont il sentait les prémices d'une insomnie s'installer. 

 

Ils soupirèrent de concert en passant devant les portes toujours ouvertes de la salle commune. Sol taché, parts de pizzas entamées, bouteilles renversées, l'endroit était un capharnaüm sans nom. Ils en avaient fait, des soirées, dans cette même salle, ils n'étaient donc pas sans savoir que les fêtards auraient du mal à trouver la motivation le matin même pour ranger. Alors, pour éviter toutes réprimandes de la part d'Alastor, et sans avoir besoin de se dire un mot, ils étaient entrés dans la pièce et avaient commencé à la ranger. Fabian insistant tout de même sur le fait que « demain, ils vont m'entendre, putain. J'suis pas leur mère ». Il avait même tenu à écrire sur le tableau «nettoyez vos merdes ! » puis, en plus petit, mais tout de même visible «  J'espère quand même que la soirée a été bonne ». 

 

— Va te coucher, Fab', lança Remus quand il l'entendit bâiller pour la quatrième fois consécutive. 

 

— On a bientôt fini... 

 

— Justement, je peux le faire tout seul. Allez, va-t-en. 

 

— Merci, Moony. Je t'aime, dit-il en baillant et frottant ses yeux alors qu'il prenait la direction du couloir. 

 

— Moi aussi, répondit Remus en scellant un énième sac poubelle. Bonne nuit. 

 

Il distingua un « bonne nuit » lointain et marmonné, en se saisissant du balai. Il décida cependant de laisser la tâche de la serpillière au plus vaillant qui se lèvera plus tôt le matin. 

 

Quand tout fut plus ou moins en ordre, il se dirigea vers sa chambre. Il interrompit son bâillement quand un bruit l'interpella. Comme un cri étouffé. Il s'approcha de la porte la plus proche de lui mais il n'entendit rien. Il écouta à la seconde. Rien. Il attendit ici, dans le couloir dont la lumière n'allait pas tarder à s'éteindre, qu'un bruit se fit de nouveau entendre. Puis, enfin, une respiration forte et saccadée se distingua. Il suivit le son, et fronça les sourcils quand il réalisa qu'il provenait de la porte sur laquelle une étoile était accrochée. Ici, tout le monde prenait l'habitude de décorer ses portes avec des stickers ou des photos. Le prénom n'était pas affiché, la personnalité, oui. Remus approcha son oreille de la porte et y cogna deux légers coups quand il se rendit compte que l'hyperventilation provenait bien d'ici. Il entendit du mouvement de l'autre côté, mais la porte resta close. 

 

— Sirius ? tenta-t-il doucement. 

 

Il n'obtint aucune réponse et actionna la poignée, sans grande conviction. À sa surprise, la porte s'ouvrit. À l'intérieur, la lampe de chevet était allumée et diffusait et une pâle lumière qui lui permit de distinguer Sirius, assis au pied de son lit défait, la tête enfoncée dans ses genoux repliés et ses bras enroulés autour de lui. Remus ferma délicatement la porte derrière lui et s'approcha lentement de Sirius. 

 

— Hé..? 

 

— Ça va, l'entendit-il marmonner. Cauchemar. Ça va passer.  

 

Sa respiration était rapide, ses mots saccadés. 

 

Un œil toujours tourné vers Sirius, Remus partit ouvrir un placard de la kitchenette pour se saisir d'un verre et le remplir d'eau. Puis il alla s'asseoir face à Sirius et déposa le verre à côté de lui. 

 

— Merci, répondit-il sans lever la tête. Le téléphone à ses côtés tinta l'arrivée d'un message et, malgré son intention, Remus ne put s'empêcher de lire ce qu'il s'affichait « je peux t'appeler si besoin. N'hésite pas. » c'est qui ? marmonna-t-il. 

 

—Jamsie, lui lut Remus avant que l'écran de téléphone ne s'éteigne, puis se rallume aussitôt sur un autre message "je t'aime".  

 

Sirius sembla hocher la tête avant de desserrer l'un de ses bras de ses jambes et de tâtonner pour trouver le verre d'eau. Quand il redressa la tête, son regard ne croisa pas celui de Remus. 

 

— Tu as besoin de quelque chose ? lui demanda-t-il après qu'il eut pris une gorgée de son eau. Sa main tremblait tellement que Remus fut surpris que le contenu du verre ne se retrouve pas sur le sol ou sur son pull « Eras Tour » qui lui fit esquisser une ébauche de sourire. Il avait terriblement envie de mettre sa main autour de la sienne pour l'aider à retrouver un minimum de maîtrise de deux mouvements.  

 

Sirius secoua la tête avant de la déposer contre le lit derrière lui. Puis, finalement, il le regarda. 

 

— T'etais où ? Ce soir. 

 

Remus fronça les sourcils.  C'était inattendu cette question, à ce moment-là, en plein milieu de la nuit et d'une possible crise d'angoisse. 

 

— Au cinéma. Vous avez l'air d'avoir passé une bonne soirée. 

 

— J'suis rentré tôt, éluda Sirius. Tu préfères les salles obscures aux gens ? 

 

— Coupable, oui, répondit-il avec un sourire. Généralement, c'est beaucoup plus calme qu'ici. 

 

— T'étais avec Fabian ? 

 

Remus hocha la tête et Sirius reprit la parole. 

 

— Il vous arrive de faire des choses l'un sans l'autre ? 

 

— Rarement, avoua-t-il en rigolant. 

 

Sirius, les yeux fatigués, esquissa un léger sourire. Le premier depuis que Remus avait mis un pied chez lui. 

 

— Si je t'invite à boire un verre, il sera là ?

 

Remus tiqua et cligna plusieurs fois des yeux. Suffisamment pour que le sourire de Sirius s'élargisse. 

 

— Vous deux, vous êtes un peu comme moi et mon meilleur ami, James, celui qui m'a écrit, précisa-t-il alors que sa tête s'inclinait légèrement vers son téléphone. Je fais quasiment rien sans lui non plus. C'est la première fois depuis plus de 10 ans qu'on est séparés aussi longtemps. Ils viennent fin janvier. Normalement. 

 

Donc... Remus venait-il de laisser passer une chance d'avoir un rendez-vous avec Sirius ? Quelques secondes de réflexion, le temps de se demander s'il était vraiment sérieux, s'il voulait vraiment l'inviter à sortir, et il venait déjà de passer à autre chose. 

 

Non, donc. Il ne le souhaitait pas vraiment. L'inviter à boire un verre. 

 

C'était une évidence, pourtant. Qui n'aurait jamais dû effleurer l'esprit de Remus. C'était pour ça, d'ailleurs, qu'il évitait d'y penser, pour éviter de croire qu'il puisse lui trouver un quelconque intérêt. Pour éviter l'espoir.

 

— Ils ? demanda-t-il. Parce que ce fut le seul mot qu'il réussit à sortir de sa bouche. 

— Avec Lily, sa femme. Et mon neveu. Et potentiellement mon frère. 

— Tu veux parler d'eux ?

 

— Si tu acceptes de venir boire un verre avec moi, peut-être que je t'en parlerai. Seulement si Fabian s'incruste pas. Il avait ce regard un peu taquin, qu'il prenait souvent dans certaines circonstances, qui apportait des étoiles dans ses yeux et qui, à cet instant, les faisaient paraître moins fatigués, plus lumineux. 

 

Respirer et rassembler son courage...

 

—Où est-ce que tu voudrais m'emmener, Sirius Black ? 

 

— J'sais pas. C'est toi qui connaît l'endroit comme ta poche. 

 

Avoir un peu d'audace...

 

— Le bar, pas loin des télécabines, il n'est pas trop mal. 

 

— Il y aura du monde ? 

 

— Probablement. 

 

— Tu risques pas de me lâcher pour te réfugier dans la première salle de ciné venue ? 

 

— Non, mais il y a une librairie, pas loin, donc... 

 

— Oh, je vois, il faudra que je sois le plus intéressant possible, donc. 

 

— Exactement. 

 

Remus ne doutait pas que Sirius puisse être intéressant, pas une seconde. Par contre, lui, allait certainement devoir redoubler d'efforts pour essayer d'arriver à son niveau. 

 

— Challenge accepté. J'ai crié ? demanda-t-il alors qu'il enroulait une de ses mèches de cheveux autour de son index.

 

Remus hocha la tête. 

 

— C'est ce qui m'a interpellé. 

 

— Des fois, j'arrive plus à savoir ce qui est vrai ou faux.

 

— Ça t'arrive souvent ? 

 

— Ouais. Trauma familial et toutes ces conneries. Tu peux répondre à James pour moi ? S'il te plait ? J'arriverai pas à taper un message qui a du sens. Je tremble encore. Et si je le fais pas, il va soit débarquer ici, soit m'harceler, donc...

 

— Bien sûr, répondit Remus en s'inclinant pour attraper le téléphone de Sirius. 

 

— 3107. Le code, précisa-t-il. 

 

Remus hocha la tête, tapa le code, et tomba directement sur la conversation avec James, dans laquelle des notes vocales, des photos et vidéos étaient partagées. Le dernier message de Sirius datait de quelques minutes et n'avait aucun sens, seulement quelques mots étaient écrits de la bonne manière. 

 

— Tu peux juste lui dire que ça va et que je l'appelle demain. Signe ton nom, il sera content de voir que j'suis pas seul. 

 

— "Sirius va bien, il te téléphone demain. Remus". Ça sonne plutôt pathétique si tu veux mon avis, lui dit-il avec un sourire. 

 

— Tu pourrais y mettre du cœur, rigola Sirius

 

— "Sirius, cernes creusés sous ses yeux gris ternes, voix caverneuse, et cheveux plats, me charge de te dire qu'il va bien et qu'il t'appellera demain. Cordialement, Remus John Lupin."

 

— Hé ! rigola–t-il de plus belle en se décalant de son lit, le bras tendu vers Remus pour l'empêcher d'envoyer ce message. J'ai pas les cheveux plats ! lança-t-il alors que Remus levait le téléphone au-dessus de sa tête. 

 

— Oups... grimaça Remus alors qu'il venait d'appuyer sur "envoyer". 

 

— Putain, t'as osé, souffla-t-il en effleurant la jambe de Remus avec sa main lorsqu'il s'appuya de nouveau contre son lit. 

 

Un message tinta et Remus tendit le téléphone à Sirius. 

 

— Il dit quoi ? lui demanda-t-il sans même un regard pour son écran. 

 

— "J'exige une photo ! Il n'a eu les cheveux plats qu'une seule fois et je n'ai pu prendre de preuve. Enchanté Remus John Lupin !"

 

— L'enfoiré... marmonna Sirius alors que Remus enclenchait l'appareil photo de son téléphone. 

 

— Souris. 

 

En guise de réponse, Sirius présenta son majeur et son index tremblants à l'objectif, et Remus esquissa un sourire en envoyant la photo. 

 

— Il te manque ?

 

C'était une question stupide, bien évidemment que son ami devait lui manquer. Il allait définitivement devoir ramer si Sirius était sérieux quant à sa proposition de sortir. 

 

— Surtout ce soir, répondit-il avec un soupir. T'as pioché ton secret Santa ? 

 

— Évidemment ! 

 

— T'as eu qui ? 

 

— Je ne répondrai pas à cette question, dit-il avec un sourire. C'est contre le règlement. 

 

— Donc le hors piste c'est ok, mais balancer un nom ça l'est pas ?

 

— Exact, répondit-il avec un hochement de tête. 

 

— T'as une drôle de vision de la morale, Remus John Lupin. 

 

— Qu'en est-il de la tienne ? 

 

— Moi j'en ai pas, de morale. Ça a été statué y a très longtemps, ça. Sirius avança une main tremblante vers son verre d'eau, et Remus s'en saisit avant lui. 

 

— Laisse-moi le remplir, lui dit-il en se redressant. 

 

— J'peux le faire, l'entendît-il bougonner. 

 

— Tu peux aussi accepter un coup de main. 

 

Il entendit marmonner dans son dos, mais ne distingua pas les mots. Il distingua cependant le bruit des draps froissés sous des doigts. Quand il se retourna, Sirius s'était assis sur le rebord de son lit et pianotait un message sur son téléphone, les sourcils froncés. Il leva ses yeux vers Remus quand il lui tendit son verre d'eau. 

 

— Merci, dit-il déposant son téléphone sur la table de chevet. Tu fais quoi, demain ? 

 

— Je descends en ville avec Marlène, chercher le cadeau pour la personne que j'ai piochée, précisa-t-il juste pour voir les yeux de Sirius se tourner vers le plafond. Tu es en boutique, je crois ? 

 

— Ouais. 

 

— Tu veux que je prenne ta place ? Parce que ça ne...

 

— Non ! répondit-il rapidement. Surtout pas. Je vais bien finir par me rendormir, et je serai aussi frais que la rosée du matin à mon réveil, ajouta-t-il avec un clin d'œil. 

 

— Je ne suis pas bien loin, si jamais tu changes d'avis ou que tu as besoin de quoi que ce soit.

 

— 5 portes plus loin, non ? 

 

Remus fit mentalement le calcul avant d'hausser un sourcil et incliner la tête. 

 

— Oui... Dois-je m'inquiéter ? 

 

— Oui. Suivre les personnes dans les couloirs d'hôtel est l'un de mes passe-temps favoris... plus sérieusement, merci. De t'être arrêté. 

 

— C'est normal, Sirius. Tu sais donc à quelle porte cogner en cas de nécessité, ajouta-t-il prenant la direction de la porte, sentant qu'il était l'heure pour lui de rentrer. 

 

— J'y manquerai pas. 

 

Remus rendit son sourire à Sirius avant de fermer la porte derrière lui.

 

*

 

Remus avait oublié, qu'aller avec Marlène faire les boutiques consistait surtout à suivre Marlène qui entrait dans chacun des magasins qui croisaient sa route. Même ceux dans lesquelles elle savait d'avance qu'elle n'achèterait rien. 

 

Il la suivait, large mug de café en carton dans une main, et s'égarait parfois parmi les rayons. Il avait déjà déniché un cadeau pour la personne qu'il avait pioché, mais il tenait, comme chaque année, à en offrir un à Marlène, Fabian, Alastor et Luke. Il était facile de perdre Marlène dans une boutique et encore plus de lui acheter quelque chose sans qu'elle ne s'en rende compte. Marlène était tellement dispersée qu'elle était facile à berner. 

 

Une fois que Remus fut passé à la caisse, il glissa à l'intérieur de son sac le cadeau destiné à Marlène. C'est à ce moment-là qu'elle arriva, accourant vers lui et tendant pile poil devant le visage de Remus une paire de chaussettes. Il recula légèrement pour pouvoir lire les inscriptions brodées. Sur l'une apparaissait « ligaments croisés », sur l'autre « tu connais ». Il ne put s'empêcher de rigoler

 

— C'est pour Fab' ? 

 

— Évidemment ! J'le lâcherai jamais avec sa cheville à peine foulée. Elles sont parfaites !! s'exclama-t-elle en les posant sur le comptoir. 

 

Ils passèrent leur journée à errer d'une boutique à l'autre, à s'arrêter observer le cours d'eau pas encore gelé qui passait sous les petits ponts du village, entrant dans les cafés pour se réchauffer avec un chocolat chaud ou un thé, et ramener des pâtisseries pour leur « soirée film » de ce soir. Son bras sous celui de Remus, ses sacs se balançant au bout de ses doigts, Marlène ne marchait pas, elle sautillait. Elle avait toujours été pour Remus une bouffée d'oxygène dont il avait du mal à se passer. Dans la voiture, sur le chemin du retour, Marlène avait fait office de Jukebox couplée de maîtresse de cérémonie. Tendant un micro invisible à Remus pour qu'il chante « plus fort, Moony ! », les chansons qu'elle avait décidé de diffuser. C'est la voix cassée qu'ils arrivèrent au pied de l'hôtel. 

 

— Hé ! Pretty Boy ! s'exclama Marlène.

 

Remus suivit son regard, au devant de l'une des boutiques de matériel à laquelle ils pouvaient être affectés, un pied reposé contre le mur, une cigarette entre les doigts, tourné vers Benjy : Sirius. Qui hocha la menton vers Marlène l'incitant à continuer. 

 

— Viens toquer chez moi quand t'as terminé ! On se fait une soirée film. 

 

— Depuis quand tu invites d'autres personnes ? questionna Remus, surpris de l'intervention de Marlène qui, jusqu'aux dernières nouvelles, ne "supporte pas faire une soirée film avec d'autres gens que vous !"  

 

— Benny Boy, je sais déjà que t'as mieux à faire avec Ludo, ce soir, ajouta-t-elle en poussant Remus au travers des portes de l'hôtel. Benjy a un date avec Ludovic, tu sais le petit nouveau tout mignon, sauf qu'il a aussi branché Sirius. 

 

— Comment tu sais tout ça ? demanda Remus avant de secouer la tête, réalisant qu'il ne souhaitait pas savoir d'où est-ce qu'elle tenait cette information. Et puis, pourquoi tu te mèles d'histoires qui ne te regardent pas ? 

 

— Parce que ça peut toujours être utile. Répondit-elle simplement en appelant l'ascenseur.

Chapter 10: Mimosa de Noël

Chapter Text

— Oh, wow, il se passe quoi ici ? demanda Sirius en arrivant dans l'entrebâillement de la porte de Marlène. 

 

En équilibre sur une chaise, Remus bataillait avec l’ampoule du plafonnier. 

 

— Mon ampoule a pété, répondit Marlène. 

 

— Tu as explosé l’ampoule, corrigea Remus une fois qu’il eut réussi à tourner correctement la goupille de l’ampoule.  

 

— Oui, bon, j’ai peut-être été un peu trop fort en retirant mes chaussures. C’est des pop-corn ?? 

 

— Ils sont sucrés ? demanda Fabian, en tendant le petit lustre en papier à Remus, mais son regard rivé vers la porte d’entrée. Fabian ne savait définitivement pas comment assurer quelqu’un. 

 

— Evidemment. 

 

— Marls’, lumière, s’il-te-plait. 

 

Marlène passa à côté de Sirius et agita son bras dans le couloir pour être remarquée par le détecteur de lumière. 

 

— Je peux aider ? 

 

— Tu peux remplir le bol de pop-corn, lui indiqua Marlène. Oh, et nous servir un verre, tiens. 

 

— Ok, cheffe ! 

 

— Ça va l’esclavagisme, Marl’s ? demanda Remus une fois qu’il eut réussi à accrocher le lustre au crochet planté dans le plafond. 

 

Il sauta de la chaise, ayant bien compris que Fabian ne lui serait d’aucune aide, puis il fit craquer sa hanche qui avait tendance à l’embêter. 

 

— Quoi ? Vous êtes des hommes, je me sers de vous typiquement pour ce dont vous êtes censé être bons. 

 

— Tu n’es pas obligé d’accepter tout ce qu’elle te demande, lança Remus en dépassant Sirius pour aller appuyer sur l’interrupteur. 

 

— Et la lumière fut !! s’exclama Marlène. Merci, Moony. Bon, Sirius, t’es le nouveau venu, tu décides du film. 

 

— Pourquoi j’ai l’impression que c’est une grande responsabilité ? questionna-t-il en se saisissant de la bière que Fabian lui tendait. 

 

— Parce que ça l’est, lui dit-il. Ça va potentiellement sceller ton destin, donc… choisis bien. 

 

*

 

Remus ne suivait rien du film. Absolument rien. Non pas qu’il était mauvais. Il n’en savait rien, en fait, peut-être qu’il l’était. Mais, lui, était trop concentré à ne pas se pencher vers Sirius pour s'enivrer de son parfum. Se mettre au pied du lit de Marlène avait été une mauvaise idée, Sirius ayant décidé de s’installer juste à côté de lui. Ce n’était pas comme s’il avait pu choisir de s’installer confortablement sur le lit de Marlène. Non. Il s’était mis par terre. À côté de Remus qui perdait toute notion de bon sens quand un parfum venait chatouiller ses sens. 

 

— Oh !! s’exclama Fabian, ce qui fit sursauter Remus et ricaner Sirius. J’étais avec Jörgen aujourd’hui! Il participe au concours. 

 

— On sait, répondirent Marlène et Remus d’une même voix. 

 

— Il va tellement vous exploser. 

 

— On sait, réitèrent-ils. 

 

— Aïe, lança Fabian après que Marlène lui ait lancé un coussin à la figure. 

 

— Il est bon ?

 

— Très, répondit Remus à Sirius en essayant de se concentrer sur l’écran. 

 

— Faut que tu achètes ta planche, Moon’. 

 

Remus leva les yeux au ciel. 

 

— C’est pas la planche qui fait le bon snowboarder, rétorqua Marlène. Mais il faut vraiment que tu changes ta planche, Moony. 

 

— On peut regarder le film ? Dit-il en se retournant vers eux, tandis que Marlène roulait sur le lit pour venir déposer une main sur la tête de Remus et la faire pivoter vers l’écran, avant d’enrouler ses doigts dans ses cheveux. 

 

— T’as rien suivi, lança Fabian avec un sourire dans la voix. 

 

— Bien sûr que si. C’est un écrivain torturé qui se parle à lui-même. C’était un mauvais choix, Marlène. 

 

— C’est la faute de Sirius ! C’est lui qui devait choisir, à la base ! 

 

— Tu as perdu à pierre feuille ciseaux, Blondinette, c’est pas ma faute. Elle est tout le temps comme ça ? demanda-t-il en s’inclinant vers Remus. 

 

— Mauvaise perdante ? Oui. Autoritaire ? Aussi.

 

Quand Sirius rigola, Remus s’affaissa un peu plus contre le rebord du lit. Déjà qu’il ne suivait pas grand chose à l’histoire, maintenant, il avait le rire de Sirius qui résonnait dans ses oreilles. 

Il avait fini par se concentrer sur le film, il avait surtout fini par se rendre compte que son résumé plus tôt tenait quand même la route, et il en était assez satisfait. Au vue de la série d'événements qui se produisaient à l’écran, la fin devait être proche, et Fabian prit la parole. 

 

— Les gars ?

 

— Elle s’est endormie ? devina Remus en se retournant pour voir Marlène, effectivement endormie, à l’envers sur son lit. Il esquissa un sourire et se redressa. 

 

— C’est toujours la même chose, rigola Fabian en enjambant Marlène le plus doucement possible, et en ouvrant un pan de sa couverture. Mission McKinnon ?

 

— Acceptée, répondit Remus en glissant ses bras sous le corps de Marlène et en la soulevant délicatement de son matelas pour la mettre dans le bon sens et la glisser sous la couette que Fabian lui soulevait. 

 

— Putain, vous êtes devenus des experts, lança Sirius en éteignant la télévision et en amenant les verres abandonnés sur le sol ou sur la table dans l’évier. 

 

— Ça fait des années qu’on la pratique, l’Ecossaise, on sait s’y prendre. 

 

— Elle nous le rend bien, ajouta Remus en remontant la couverture sur le corps de Marlène, et en glissant une main dans ses cheveux avant de prendre la direction de la porte. 

 

— T’embête pas avec la vaisselle, dit Fabian à Sirius. Elle peut se débrouiller avec quatre verres. Allez, bonne nuit les gars. J’t’aime Moony. 

 

— Moi aussi. Bonne nuit Fab’, lui répondit-il en fermant la porte de Marlène sans bruit tandis que Fabian disparaissait derrière la sienne.

 

— C’était mignon. Dans le couloir, à chercher dans les poches de sa veste, Sirius souriait. 

 

— Vieille habitude. Répondit Remus avec un sourire. Tu descends pour fumer ? demanda Remus en indiquant le paquet de cigarette que Sirius venait de sortir. 

 

— Tu veux vérifier que je respecte le règlement intérieur et ne fume pas dans ma chambre, Lupin ? 

 

— Non, répondit-il en secouant la tête. Mais si tu montes de deux étages, tu as une terrasse. 

 

— Sérieux ?! 

 

— Hum hum. Tu dois appuyer sur le bouton sans chiffre, tu vas à droite quand tu sors de l'ascenseur, et là tu vas tomber sur une baie vitrée qui donne sur une terrasse. 

 

— Putain, personne m’a jamais donné cette info. 

 

— Peut-être parce qu’on est pas censé l’avoir, répondit Remus en haussant une épaule et en appuyant sur sa poignée. Bonne nuit, Sirius. 

 

— Hé ! Attends. 

 

Remus garda la main sur sa poignée et se tourna vers Sirius. 

 

— Demain soir, tu fais quelque chose ? 

 

Remus secoua simplement la tête, l’usage de la parole semblant être quelque chose qu’il avait perdue dans les dernières secondes. 

 

— Tu m’amènes boire un verre ? 

 

— Ça ne devait pas être l’inverse ? 

 

— Je t'emmène boire un verre ? proposa-t-il une nouvelle fois, avec le même aplomb.

 

— Ok, répondit Remus en ne pouvant s’empêcher de rigoler, et ses joues de rosir. 

 

— Le fameux bar pas loin des télécabines, donc ?

 

— Ça me va, acquiesça-t-il avec un sourire.

 

— A demain, Moony. Lança-t-il en reculant dans le couloir en coinçant sa cigarette entre ses lèvres.

 

— Remus, dit-il alors que Sirius lui fit un foutu clin d'œil en guise de réponse. A demain, Sirius, ajouta-t-il en soupirant, avant de se faufiler chez lui. 

 

Il s’appuya contre sa porte d’entrée, et ne put s’empêcher de sourire comme s’il venait de gagner le premier prix d’une loterie.

 

*

Remus avait passé l’une de ses meilleures sorties depuis le début de la saison. Il avait eu l’impression d’être avec un groupe d’amis tout du long. Surtout, un groupe d’amis qui aimait les mêmes choses que lui. Ils avaient choisi d'abord une randonnée en raquettes, parce qu’ils voulaient en apprendre davantage sur la faune de la région, tout en accédant à de beaux points de vue. Puis, quant à force de discuter, ils s’étaient mutuellement rendu compte qu’ils appréciaient les sensations fortes que pouvaient procurer le snowboard, et que Remus s’était assuré de leur niveau, ils étaient descendus en station, avaient chaussé leurs boots ou leurs chaussures de ski, et étaient montés à bord des télécabines rouges. Ils avaient pratiqué les sentiers que Remus appelait “d’entre deux”, qui nécessitaient un niveau relativement bon, mais qui permettait aux plus téméraires et motivés de suivre tout de même la cadence. C’est, presque avec regret, qu’il avait refusé de se joindre à eux pour leur “goûter d’après-ski”. 

Il avait son propre après-ski à préparer et, maintenant qu’il se retrouvait seul dans sa chambre, sans personne qui ne l’aidait à occuper ses pensées, sans la neige sous sa planche, il se demandait vraiment ce qu’il était en train de faire. C’était peut-être une stupide idée, d’avoir accepté d’aller boire ce verre avec Sirius. Sirius qui allait boire des verres avec l'entièreté de la station, de ce que Remus avait remarqué. Donc… Cette invitation ne voulait strictement rien dire. Ils allaient boire un verre, en tant que nouveaux collègues et potentiels “amis”, pour apprendre à mieux se connaître. 

Il fallait qu’il se mette ça dans la tête, sinon, il allait commencer à espérer des choses qu’il ne devrait pas espérer. D’ailleurs, pourquoi est-ce qu’il ressentait ce léger stress ? C’était un verre, comme un autre. Il n’avait pas à stresser, il n’avait rien à imaginer. Tout allait bien. 

Et s’ils passaient une mauvaise soirée ? Et s’il n’arrivait pas à entretenir la conversation ? Et si sa batterie sociale s’éteignait subitement et qu’il se ferme presque automatiquement, ayant du mal à suivre la conversation et en donnant l’impression d’être totalement désintéressé de ce que Sirius pouvait bien lui raconter. 

Il souffla un grand coup en attrapant son manteau. Tout allait bien se passer. Ça ne servait à rien de stresser. Au pire, qu’est-ce qu’il pourrait arriver ? Ils se diraient bonjour quand ils se croiseraient, resteraient cordiaux l’un envers l’autre quand ils seraient amenés à travailler ensemble, et puis voilà. Comme avec n’importe quel autre saisonnier. Aussi simple que ça. 

Il arrangea la mèche de cheveux qui avait tendance à lui tomber sur le front quand il croisa son reflet dans l'ascenseur, puis enfonça sa main dans les poches de sa veste en donnant son dos au miroir. Ridicule. Il se sentait ridicule. Il mit un pas hors de l'hôtel et frissonna instantanément. Il ne s’était pas assez couvert. Il le savait pourtant, il avait été dehors toute la journée et le ciel n’avait cessé de se parer d’épais nuages. Il faut croire que la raison avait décidé de s’échapper de son cerveau. Il rendit le signe de main et le sourire que Benjy et Ilaria lui lancèrent, tout en se répétant que “tout allait bien”. Parce que tout allait bien. Tout allait bien, mais ils ne s’étaient pas réellement donné d’heure de rendez-vous. Ils s’étaient juste croiser ce matin, quand Remus préparait les thermos de café pour Marlène et Fabian, et Sirius attrapait une banane dans la corbeille de fruits avant de partir en lançant un “à plus tard” qui aurait tout aussi bien être destiné à n’importe qui d’autre. Peut-être avait-il même oublié, ou peut-être qu’il n’avait pas oublié mais qu’il avait changé d’avis et que, comme ils ne s’étaient jamais échangés leurs numéros de téléphones ou quoi que ce soit d’autre, Sirius n’avait pas pu le prévenir. Il pouvait très bien ne pas le tenir au courant du tout, même. Il avait tout à fait le droit de changer d’avis, de se rendre compte qu’il ne voulait pas passer un moment avec lui. Pourquoi le voudrait-il, d’ailleurs ? Ce n’était pas comme si Remus était la personne la plus loquace de la station et qu’à chaque fois qu’ils s’étaient retrouvés tous les deux au même endroit, il avait lancé des sujets de conversations intéressants. Il ne lançait que très peu de sujets de conversations, il avait toujours peur de tomber à côté. Il fixait plus ses pieds que la route devant lui, c’était un miracle qu’il ne soit encore rentré dans personne sur son chemin. Machouillant ses joues, il tâcha de se convaincre que Sirius serait là. La loi de l’attraction, les pensées positives attirent le positives, et toutes ces choses que sa mère lui répétait depuis toujours avaient plutôt intérêts à s’avérer être réelles aujourd’hui. 

 

Il sera là.

On va passer un bon moment. 

Non. Au présent, Remus. 

Il est là.

On passe un bon moment. 

Je l'intéresse un minimum. Je l'intéresse tout court. 

 

Pourquoi avait-il ce besoin là de l’interesser, merde ?! Il était pourtant du genre à ne pas porter d’importance à ce qu’un inconnu pouvait bien penser de lui. Mais, l’inconnu en question était Sirius. Sirius qui en un regard à l’aéroport semblait lui avait fait perdre toute notion du bon sens. Il leva finalement les yeux. Sirius n’attendait pas devant le bar. 

Remus se rassura en se disant une nouvelle fois qu’ils n’avaient pas statué d’horaires, qu’il allait arriver. Qu’il était peut-être même déjà dedans. Il passa la porte et le chauffage fouetta son visage.

 

— Salut, Remus ! lança Ashton, ce serveur qui était toujours de bonne humeur. Ça me fait plaisir de te voir ! Tu attends Fabian ? 

 

— Bonsoir, Ash ! Non, pas ce soir, je…

 

— Hé ! Remus ? 

 

Remus pivota la tête vers le son de la voix pour apercevoir Sirius dans le fond du bar qui lui fit un signe de main. Le soulagement qu’il ressentit était ridicule. Mais il était venu et, soudainement, il se fichait du ridicule.

 

—  Tu connais la maison, je te laisse le retrouver, je viens chercher commande dans pas longtemps ! lui dit Ashton avec un sourire. 

 

— Tu n’as pas attendu trop longtemps ? demanda Remus en déposant son manteau sur la chaise vide. 

 

— Non, j’ai dû arriver il y a genre trois minutes. C’est ce qu’on appelle un bon timing, dit-il alors que Remus s’asseyait. Je me suis dit que pour éviter que tu m’abandonnes lâchement pour aller dans je ne sais quelle librairie sombre et ténébreuse, ce coin était pas trop mal si du monde se mettait à arriver. 

 

Le sourire de Sirius aurait été capable de chasser tous les nuages du ciel, Remus en était convaincu. Il avait effectivement choisi l’endroit le plus en retrait et calme du bar. Celui vers lequel Remus se serait tourné s’il était arrivé en premier. 

 

— Ne te proclame pas gagnant de suite, rigola–t-il. 

 

— Elle est où, d’ailleurs, cette librairie ? Je l’ai pas vu en passant.

 

— Juste derrière. J’aurais juste à sortir du bar, et faire une vingtaine de pas… 

 

— Et si les portes sont closes ? 

 

— Tu sais, la terrasse de l’hôtel n’est pas la seule chose interdite que je connaisse de cet endroit, répondit-il avec un haussement d’épaules. 

 

— Tu vois, Lupin, chaque jour qui passe je te trouve quelque chose d’intriguant. T’es un peu comme un mystère à percer. 

 

— Tu vas vite être déçu, Black, répondit-il en soutenant son regard. 

 

Regard dont il n’avait toujours pas réussi à déterminer la couleur des yeux. Par chance, avant qu’il ne se retrouve penché sur la table les deux mains autour du visage de Sirius pour étudier ses yeux, Ashton se présenta à la table. 

 

— Je vous fais le topo. J’aurais besoin que vous testiez le cocktail qu’on veut mettre au menu de Noël. C’est offert, comme c’est un test et que j’ai besoin de vos retours bruts et honnêtes. Mais le truc c’est que ça ne va clairement pas s’associer à la bière ambrée que tu allais certainement me commander, Remus. 

 

— Y a quoi, dans ton cocktail ? demanda Sirius.

 

— Du champagne, du…

 

— I’m in. Coupa Sirius. T’aurais une planche de fromages ou un truc du genre à partager ? 

 

— Évidemment, tu nous as pris pour des amateurs ? Rigola Ashton. Rem’ ? 

 

— Ça me va, dit-il en hochant la tête. 

 

— Bière ambrée, donc… demanda Sirius quand Ashton s’éloigna de leur table. 

 

— Je suis à moitié welsh, je crois que je n’ai jamais trop eu le choix, dit-il en rigolant, tout en ajustant sa chaise plus près de la table. 

 

— C’est de là que vient ton accent ! 

 

— Je n’ai pas d’accent ! 

 

— Léger. Sur certains mots. Vas-y Remus, lance moi du gallois à la tronche, j’adore cet accent. 

 

Rydych chi'n blino iawn. Ond yn brydferth serch hynny, ajouta–t-il quand il compris à l’expression de Sirius que ce dernier ne parlait pas gallois. 

 

Sirius pinça les lèvres avec un sourire. 

 

— Je fais comment, pour obtenir une traduction ? 

 

— Oh, pas besoin de grand chose, je disais que je te trouvais plutôt embêtant. Il se garda cependant de traduire la deuxième partie, dans laquelle il avait eut le courage de dire que, bien qu’embêtant, il était également beau. La première partie, en tout cas, eu le mérite de faire rire Sirius. J’ai entendu que tu maîtrisais l’italien ? 

 

— Je me débrouille. J’ai du apprendre plusieurs langues quand j’étais gamin, j’ai quelques restes. 

 

Remus allait s’aventurer à lui demander quelles autres langues est-ce qu’il pouvait bien parler, quand Ashton s’approcha de leur table avec un plateau. Il déposa d’abord la planche de fromages au centre de la table, puis deux flûtes de champagne avec, en équilibre, une petite boule de Noël dans laquelle il y avait un liquide pailletté avec des morceaux de Grenade et des Cranberry. 

 

— Ooooh c’est interactif ! s’enthousiasma Sirius quand Ashton plaça l’une des coupes de champagne devant lui. 

 

— Exact ! Il faut verser le contenu de la boule de noël dans le verre. C’est du jus de cranberry blanche. 

 

— C’est genre un mimosa de noël, sourit Sirius en retournant le contenu de l’ornement dans la flûte. 

 

— C’est ça ! 

 

— C’est beau, en tout cas, lança Remus avant de porter la coupe à ses lèvres. 

 

Pour ce qui était du goût… Remus avait un peu de mal à se décider. Il plissa les yeux alors que le goût sucré venait lui provoquer cette sensation très étrange et déplaisante au niveau des gencives. 

 

— Il est trop doux, ton champagne, lança Sirius après avoir prit deux gorgées de la boisson. C’est super bon, mais le jus est déjà sucré donc il faudrait qu’il soit plus sec pour un meilleur équilibre. 

 

Voilà. Sirius avait mis des mots sur le ressentis de Remus. Il avait beau aimer le sucré, en boisson il en avait horreur. 

 

— Noté ! Merci ! Remus, j’en déduis que tu ne vas pas le finir ? supposa Ashton avec un sourire. 

 

— Si, si ! répondit-il alors qu’il savait qu’il allait avoir du mal à terminer sa flûte.

 

— Je finirai pour lui ! J’aime bien ! 

 

— Je t’amène une bière, rigola Ashton en s’éloignant. 

 

— Tu restes combien de temps ? 

 

— Hum ? demanda Remus en portant son attention sur le visage de Sirius et non pas sur ses doigts qui venaient de faire habilement tourner le couteau avant de découper un morceau de fromage. 

 

— C’est quoi ta date de retour pour Londres ? 

 

— Oh ! Je n’ai pas de date précise. Merci, ajouta-t-il à l’attention de Ashton qui venait de poser une pinte sur la table avant de repartir. Je pense faire en sorte d’être à Londres aux alentours du dix mars. 

 

— Une raison particulière ? 

 

— C’est mon anniversaire, répondit-il en se saisissant de son verre.

 

— Et tu comptes faire une mega soirée ? 

 

— Ohla, non, rigola-t-il. Justement. 

 

— Ça te fait pas un peu chier de le fêter sans Marlène ? 

 

— Elle sera là, répondit-il avec un sourire. Elle passe toujours quelques jours à la maison avant de rentrer en Ecosse. On a nos habitudes. Quand est-ce que tu rentres ? 

 

Sirius tendit le toast qu’il venait de préparer à Remus avant de porter son pouce à sa bouche puis d’en préparer un deuxième tout en lui répondant. 

 

— Mi-février. Le vingt, je crois. Je culpabilisais de laisser toute ma tournée à Lily encore plus longtemps. Hé d’ailleurs, je suis déçu, j’ai pas encore eu de chutes graves sur lesquelles je pouvais intervenir. 

 

— Oh, ça ne saurait tarder. Tu n’as pas une randonnée de prévue ? C’est souvent dans ces moments là, quand on pense que tout va bien se passer, qu’un problème arrive. 

 

— Nan, j’ai aucune rando de prévue. J’suis pas du tout en train de me plaindre des sorties que je fais déjà, mais j’avoue que j’aurais bien voulu voir du paysage, en dehors de la station. 

 

— On peut t’y amener, nous. 

 

— Où et quand, Remus Lupin ? Parce qu’il y a beaucoup de choses que j’animerai voir. Le sentier des cimes, par exemple, commencea-t-il à énumérer en comptant sur ses doigts, je veux aussi aller jusqu’aux grottes ! J’suis pas contre le fait de faire un tour à l'intérieur des grottes, d’ailleurs. Ah, et l’immense lac gelé, là où il y a tous les élans apparemment. Oh, et je veux descendre en ville, aussi, Marlène m’a dit qu’il y avait une super boutique vintage. Puis il doit y avoir d'autres endroits incontournables dont j’ai pas connaissance. Donc… Remus, il va falloir que tu me dises comment tu comptes m’organiser tout ça. 

 

— Tu as besoin d’un rétro planning ? 

 

— T’es clairement du genre à faire des rétro planning ! rigola Sirius, du même rire que la veille, celui qui était venu discrètement remuer son estomac. Fais-en si ça réchauffe ton âme, mais taper à ma porte un beau matin et m’annoncer que tu m’emmènes en sortie me suffira. 

 

— C’est donc à moi d’aller stalker tes horaires ? 

 

— Oui, répondit-il sérieusement avant de croquer dans son morceau de pain. Par contre, dans trois jours, toi, la blondinette, Fabian et moi-même sommes de repos en même temps. Je compte sur vous pour me montrer cette fameuse piste de sauts. 

 

C’était ce qu’ils avaient prévu. Sans Sirius, parce qu’ils n’avaient pas pensé à regarder son planning, mais tous les trois avaient déjà décidés qu’ils se saisiraient de leur snow et qu’ils iraient pratiquer la piste, essayer des nouvelles choses, puis certainement s’aventurer dans des sentiers qu’ils n’étaient pas censés emprunter. C’était comme ça qu’ils avaient découvert certains de leurs plus beaux points de vue, et Remus était prèt à les partager avec Sirius. 

Bien qu’il avait été pris d’une « légère » anxiété avant de retrouver Sirius, il devait reconnaître qu’il avait le don de rendre les choses faciles. Il semblait s’être intéressé à tout ce que Remus avait pu lui dire, il avait lancé des sujets de conversation que Remus appréciait, ils partageaient le même avis sur différentes choses de la vie en station et surtout des personnes qu’ils avaient laissés à Londres. Ils avaient tous les deux reconnu que laisser une partie de sa vie, et de son cœur, à des centaines et des centaines de kilomètres n’étaient pas une chose aisée, mais que, malgré tout, cela permettait de se construire en tant que personne. Il était intéressant, derrière le masque qu’il portait au quotidien, derrière ce côté légèrement hautain qu’il pouvait avoir parfois, et aussi derrière ce côté charmeur qu’il avait tout le temps. 

Il était difficile de percer derrière ce masque là, d’ailleurs, de savoir quand il était vraiment sérieux, ou qu’il jouait un jeu. Mais c’était plaisant, d’être en sa compagnie. 

Quand il était venu le temps de payer, que le bar s’était rempli et que le bruit des conversations des autres tables se faisaient plus entendre que leur propre conversation, Sirius avait sorti sa carte de crédit sans laisser une chance à Remus d’atteindre la sienne, lançant simplement « c’est moi qui t’amenais boire un verre ce soir, souviens-toi. Tu paieras ta tournée la prochaine fois » avec un clin d’œil et un sourire contre lesquels, Remus devait bien l’avouer, il avait du mal à résister. 

 

— Montre-moi la librairie, dit Sirius une fois dehors, tout en allumant une cigarette. 

 

— Tu ne comptes pas mettre le feu à mon endroit préféré ? demanda Remus en changeant sa direction vers la boutique. 

 

— Non, je veux juste voir ce qu’elle a de spécial. 

 

— Rien, pour être honnête, rigola Remus. Elle est très cosy, elle sent bon… mais n’a rien d’exceptionnel. J’ai juste un problème avec les librairies. Si je n’avais pas décidé de devenir vétérinaire, travailler dans l’univers du livre aurait été la deuxième option. 

 

— J’savais pas que t’étais véto ! 

 

— Hum hum. On a une clinique à Londres, avec ma mère. C’est bizarre dis comme ça, rigola-t-il. Mais je me suis toujours senti plus proche des animaux que des gens, on a eu énormément d’animaux en famille d’accueil ou en observation à la maison, j’allais faire mes devoirs dans les cliniques où ma mère a pu travailler juste pour être au contact des animaux, ça a été comme évidence…  Alastor a été l’un des premiers collègues de ma mère et il nous a aidé ensuite, quand on a décidé d’acheter la nôtre il y a quelque temps. Et voilà ! Lanca-t-il une fois devant la vitrine de la librairie. Bienvenue devant mon coin de paradis. 

 

— Comment on y entre ? 

 

— N’y pense même pas. 

 

— Si c’est ton idée du paradis, j’veux pouvoir y goûter aussi. 

 

— Tu iras quand elle sera ouverte. Cigarette et livres ne font pas bon ménage, dit-il en déposant ses mains sur les épaules de Sirius avant de le faire pivoter pour prendre la direction de l’Hôtel. Puis je ne tiens pas à le faire crier dessus par Alastor, et encore moins par madame Pince. Compléta-t-il en enfonçant ses mains dans les poches de sa veste. 

 

— Elle est le stéréotype de la vieille dame de bibliothèque aigrie ? 

 

— Elle a toujours était sympa avec moi, mais ce n’est pas la personne la plus joviale que tu puisses trouver, c’est sûr.  

 

Bras qui se frôlaient, cadence modérée, Sirius lui raconta cette fois où, au lycée avec James, ils s’était fait exclure de leur médiathèque. Son histoire était ponctuée de rires intrusifs, et Remus aurait pu l’écouter parler toute la nuit. Qu’il lui parle de livres, de gens que Remus ne connaissait ni d’Ève ni d’Adam, de blagues puériles que des amis et lui avaient pu réaliser, de son amie Lily qui l’obligeait à emprunter des livres pour pouvoir les lui passer car elle avait dépassé son quotas, tout était intéressant. Remus voulait en savoir plus. Il voulait surtout voir ses yeux se parer d’étoiles et d'étincelles et son rire se cristalliser dans l’espace.  

Quand ils arrivèrent devant la porte de Sirius, ce dernier s’y appuya, alors que Remus n’avait absolument aucune idée de la façon dont il était supposé agir. 

 

— Tu m’invites bientôt ? lui demanda Sirius avec le sourire le plus insolent de la création. 

 

— J’irai espionner tes plannings, répondit Remus en reculant lentement vers sa porte. 

 

— J'espère bien, déclara Sirius, toujours adossé à sa porte, en appuyant son coude sur la poignée pour ouvrir sa porte. 

 

— Merci, d’ailleurs. Pour ce soir. 

 

— Avec plaisir, Moony. 

 

— Rem… 

 

— Remus. Je sais, répondit-il en même temps que lui avec un ricanement. Bonne nuit. 

 

— Bonne nuit, Sirius, dit-il en ouvrant la porte de chez lui.


****

https://youtu.be/ZhGl8McrOHo?si=ahkq_AI_kH6rRVFJ

 

Chapter 11: Stargazing

Chapter Text

Sirius s’en sortait bien sur la piste de sauts. Les réceptions n’étaient pas parfaites, les départs n’étaient pas toujours bien engagés, mais comme pour tout ce qu’il semblait faire, il avait une assurance telle que tout passait, que tout rendait bien. Cette confiance exacerbée était déstabilisante.

Marlène lui avait expliqué comment réaliser un saut, et il avait plutôt réussi son coup. Quand Remus avait finit son tour et qu’il avait freiner non loin de lui, Sirius lui avait tendu une barre de chocolat dont Remus s’était volontiers saisi puis lui avait demandé :

— Tu m’expliques comment faire un frontside 360 ?

La bouche pleine, Remus fronça les sourcils puis déglutit.

— Tu viens de le faire, Marlène t’a expliqué et tu l’as plutôt pas mal réalisé.

Remus tourna rapidement la tête vers Fabian qui venait de rater son saut en attrapant sa planche, et qui remettait la faute sur Marlène avant de reporter son attention sur Sirius. Ils n’étaient pas tombés et ils allaient bien, ils se prenaient simplement la tête, comme d’habitude.

— T’expliques les choses plus clairement, soutenu Sirius. J’comprends pas pourquoi je me vautre à chaque fois à la réception.

— Parce que tu mets trop de force quand tu te lances. Tu perds l’équilibre une fois en l’air, et tu n’as plus assez de temps pour te réceptionner correctement. Il faudrait que tu essaies de dissocier ton corps en engageant ton haut du corps en premier. Tu as tendance à tourner d’un seul bloc.

— C’est que tu m’as observé ? questionna-t-il avec son fichu sourire.

— C’est surtout que tu es difficile à ne pas observer, dit-il en pointant sa veste bordeaux à bandes dorées de sa barre chocolatée. Il se garda bien de lui dire que, oui, il l’avait observé et non pas pas à cause de sa veste qui était plutôt voyante.

— Si tu le dis, rigola Sirius. Donc… moins d’élan ?

— Non. Autant d’élan, moins de force. Ah, et laisse sortir un maximum ta planche du kick, ça t'évitera de te coincer.

Sirius hocha la tête, puis avec un sourire, il partit en direction de l’une des rampes. Fabian lui, dérapa à ses côtés et se mit à lui dire à quel point il avait oublié que Marlène était un tyran avant de lui faire savoir pour la dixième fois que Remus avait bien fait de l’écouter et d’acheter une nouvelle planche de snowboard. C’était le cas : sa nouvelle planche était en effet plus en adéquation avec le concours qui se profilait, et la neige était un bonheur sous celle-ci. Seulement, le fait qu’il l’avoue à voix haute, avait fait jubiler Fabian qui était, depuis, en boucle là-dessus.

Ils étaient partis de la piste quand les flocons de neige avaient commencé à tomber plus fort, et ils s’étaient réfugiés dans le premier bar venu pour se réchauffer avec un chocolat chaud et des roulés à la cannelle. Ici, Jörgen les avait rejoints, et Remus avait vu Sirius se laisser emporter par le récit de Jörgen lors de sa randonnée nocturne de la veille. Il avait ce don là, Jörgen, d’ajouter de la poésie et de la magie dans tout ce qu’il faisait. Sirius l’avait bombardé de questions sur les aurores boréales qu’ils n’avaient pas encore eues l’opportunité d'apercevoir, sur le point de vue qui lui avait permis de voir autant d’étoiles que sur la photographie qu’il venait de lui montrer, sur sa façon de surmonter le froid lors des nuits glaciales en tente.

Remus aussi était happé par les récits de Jörgen, jusqu’à ce que le téléphone de Fabian se mit à sonner.

— Moon’, tu as ton téléphone ?

— Mince, non. C’est Hope ? devina-t-il.

— Lyall, répondit Fabian en décrochant. Bonsoir mon père préféré.

Remus esquissa un sourire en secouant la tête avant de se lever et d’enfiler sa veste.

— Comme d’hab’, il ne l’a pas pris. Ben, oui, je sais, heureusement que je suis là. Il serait perdu sans moi.

Remus tendit sa main en direction de Fabian qui ne semblait pas décidé à lui passer son téléphone.

— C’étaient quoi vos plans, ce soir ? Trop bien ! Vous êtes allé voir quoi ?

— Fab ! lança Remus en ouvrant et fermant ses doigts.

— Désolé, ton fils, le vrai, est en train de s’impatienter. Bonne soirée pap’s !

— Passe lui le bonsoir de ma part ! lança Sirius alors que Remus sortait du bar, téléphone à l’oreille, sans pouvoir s’empêcher de lever les yeux au ciel.

Assis en tailleur sur l’un des sièges adirondack de la station, Remus racontait à son père l’achat de sa nouvelle planche, les sorties prévues qu’il avait hâte de faire, ses derniers jours. Le problème était que Lyall savait tout. Tout le temps. Tout comme Hope, ils avaient hérité d’un sixième sens qui leur permettait de savoir si Remus disait vrai quand il annonçait qu’il allait bien. L’attaque commençait toujours subtilement, et Remus tombait toujours dans le panneau « tu as une petite voix, Moony, tu te reposes ? ». A partir de là c’était fini. « Oui, oui, ça va ! C’est juste que… ». Remus s’enfonçait toujours dans ses explications qu’il souhaitait pourtant laisser superficielles. Sauf que Lyall lisait toujours entre les lignes, et que les conseils qu’il lui donnait ensuite avait tendance à lui faire se poser davantage de questions.

— Mon grand, il faut arrêter de constamment te demander si tu es assez. Il faut te demander si le moment que tu viens de vivre, ou que tu es en train de vivre, te fait du bien. Si la réponse est oui, c’est suffisant.

— C’est là où je ne te rejoins pas. Ça a beau avoir été un bon moment, peut-être que ce n’est que de mon côté. Et que j'ai été simplement une légère distraction et pas un « bon moment » quand je vois que tous les soirs, il revient d’un rencard avec quelqu’un. C’est fatigant de tout le temps penser comme ça, alors que je devrais m’en foutre. Je sais déjà ce que tu vas me dire, anticipa-t-il.

— Tu veux que je te passe ta mère ? Elle sera ravie de répondre à ça, rigola-t-il à l’autre bout du téléphone, bien trop loin d’ici.

— Certainement pas !

Il n’avait pas envie de lui entendre dire qu’au bout d’un certain moment, il fallait passer à l’action et encore moins d’entendre « on parle de qui ? » parce que lui répondre « de personne en général » ne lui suffisait pas, contrairement à Lyall.

— Moony, imagine… Si n’importe qui de tes amis te demandaient là tout de suite d’aller boire un verre ou de manger avec eux. Est-ce que tu dirais oui ? Prends Jörgen ou Jake, comme en exemple.

Deux ex-copains, super, papa…

— Oui. Sans doute.

— Est-ce que simplement apprécier leur compagnie pendant un moment te suffirait ou est-ce que tu voudrais qu’il se passe quelque chose de plus ?

— Non ! Pas du tout. Mais….

— Voilà. Tu as ta réponse, mon grand. Pas tout le monde ne recherche forcément plus, et ce n’est pas parce qu’il multiplie les sorties qu’il n’a pas passé un bon moment avec toi. Mais si tu ne poses pas cette question, tu ne sauras jamais les intentions des autres. Sauf que je crois que tu n’as pas vraiment envie de connaître son intention... Alors, tâche de juste profiter, sans trop te poser de questions.

— C’est si simple, tiens, rigola-t-il

— Moony, tu ne vaux pas moins que quelqu’un d’autre.

— Passe moi mon fils !

Et merde… sa mère visait toujours juste, très juste et il n’avait pas spécialement envie de l’entendre lui dire ce qu’elle pensait. Parce que ce qu’elle pensait était souvent mot pour mot ce que lui pensait. Elle était une très bonne traductrice des émotions de Remus.

— Ça va, maman, devança-t-il.

— Je sais que ça va, je veux juste t’entendre. Raconte-moi comment va Kuna.

Elle visait toujours très juste, et elle savait aussi très bien comment faire pour réussir à le faire sortir de sa tête quand il en avait le plus besoin.

*

— Ça va ? demanda Fabian en croisant son regard quand il regagna leur table.

— J’ai eu droit à une thérapie éclair, mais ça va, rigola-t-il avec un soupir en lui rendant son téléphone.

— Lyall est psy, expliqua Fabian à Sirius dont le regard se posait sur l’un puis sur l’autre en semblant poser des questions.

— Ça a ses avantages et ses inconvénients, compléta Remus en portant son chocolat à ses lèvres. Il grimaça quand il se rendit compte qu’il était devenu très tiède.

— La thérapie du jour, c’était quoi ? demanda Fabian.

— Arrêter de réfléchir, poser des questions si on veut des réponses, arrêter de se dévaloriser, énuméra-t-il en repoussant sa tasse. Les conneries habituelles qu’il essaie de me faire entendre depuis 27 ans et que je suis apparemment incapable de faire.

— S’il y a une chose que vous devez savoir, c’est que Lyall est le seul homme hetero que j’aime d’un amour purement inconditionnel, lança Marlène, surtout en direction de Sirius qui ne l’avait jamais rencontré, détournant habilement l’attention sur ce que Remus venait trop facilement de livrer et qu’il regrettait déjà. Un, parce qu’il est canon.

Remus serra brièvement la main que Jörgen lui tendait, et lui sourit quand il la relâcha pour pousser son propre chocolat vers lui.

— Je n’en veux plus, lui souffla-t-il quand Remus avait refusé en secouant la tête.

— On est d’accord, acquiesça Sirius, à ce qu’avait dit Marlene, ce qui fit grimacer Remus.

— Deux, parce qu’il fait les meilleurs petits dej’ de la terre. Trois, parce qu’il m’écoute vraiment quand je lui parle. Quatre, parce que quand il regarde Hope, j’arrive à croire que l’amour ça existe vraiment. Puis cinq, mais ça c’est un travail d’équipe, parce qu’ils ont créé mon meilleur pote qui est genre le meilleur humain de la terre.

Remus leva la tasse de chocolat chaud pour prétendre trinquer avant de le porter à ses lèvres. Il ne croyait pas un mot du point numéro cinq de Marlène, mais il allait essayer. Ou juste prétendre jusqu’à ce qu’il y croie un minimum.

— J’veux tout savoir sur les petits dej’ ! s’enthousiasma Sirius. On sait jamais, s’il vient à m’en préparer un, ajouta-t-il avec un clin d'œil.

Remus faillit s'étouffer avec sa gorgée de chocolat, et les rires de Fabian et Jörgen n’arrangèrent pas la situation. Marlène se mit alors à raconter cette fois où elle était venue en vacances à Londres et que Lyall et Hope avaient préparé un brunch qui aurait pu nourrir tous les cadres affamés de la City. C’était doux d'entendre ses parents racontés par le prisme de quelqu’un d’autre. C’était doux, cette fin de journée qui venait chasser la grisaille qui s’était installée au-dessus de sa tête.

*

Allongé dans son lit, Remus écoutait les bruits de la station et de l’hôtel endormis. Celui du vent qui soufflait, et qui risquait de compromettre sa sortie d’escalade du lendemain, celui des pas à l’étage du dessous, celui de son petit frigo, et surtout le bruit de sa propre respiration, trop rapide, celui de ses pensées, trop fort. Il s’extirpa de sa couette, enfila un pull et des grosses chaussettes, puis se saisit de sa liseuse et de son plaid.

Hors de sa chambre, il partit en direction de l’ascenseur et appuya sur le bouton sans chiffre. Arrivé à l’étage, il plissa les yeux, sur la terrasse, la palmyra semblait être allumée. Si Fabian avait oublié de l’éteindre en y allant, heureusement que Remus était en pleine insomnie sinon Alastor se serait empressée de tomber sur eux le lendemain matin.

Il poussa la baie vitrée le plus silencieusement possible et savoura l’air frais qui lui caressa le visage et gonfla ses poumons et renfermant la porte. Il déposa plaid et liseuse au pied de la porte puis se dirigea vers la rambarde sur laquelle il déposa ses mains. Elle était belle, cette station dans la nuit. Avec ses sommets sur lesquels la neige brillait, ses arbres blancs gelés, ces petites boutiques et ses lumières. L’odeur de cigarette qui lui chatouillait les narines, contrairement au paysage, était loin d’être familière. Il se retourna lentement, et porta son regard vers la palmyra, plus loin, une silhouette se distinguait sur le fauteuil à ses côtés.

— Salut, Remus. J’ai volé ton endroit secret ?

Remus partit récupérer son plaid et sa liseuse, puis se dirigea vers Sirius qui se décala sur l’un des côtés du fauteuil, lui faisant de la place.

— Je t’ai donné les indications pour le trouver, répondit-il en s’asseyant et en tendant un coin de plaid à Sirius dont il se saisit avant de s’emmitoufler dedans. Mauvais rêve ? demanda-t-il en arrangeant un coussin avant de remonter ses jambes sur le fauteuil.

— Mauvais rêve, acquiesça-t-il avec un sourire que Remus réussit à distinguer grâce à la couleur orangée des flammes qui venaient lécher son visage. Et toi ?

— Insomnie.

Il leva la tête quand un flocon se déposa sur sa joue, et sourit en voyant la petite nuée tomber lentement. S’il y avait bien une chose qu’il appréciait observer et qui avait tendance à l’apaiser, c’était la danse des flocons. Il ne détourna son regard du ciel seulement parce qu’il sentit sa joue brûler sous les yeux de Sirius. Quand il porta les siens sur lui, Sirius ne détourna même pas le regard.

— J’avais espoir de tomber sur des aurores boréales, mais j’en conclu que c’est mort, dit-il en pointant sa cigarette vers le ciel.

— Malheureusement oui. C’est vrai qu’on n’a pas été encore chanceux cette année. Tu as ton téléphone ?

Sirius hocha la tête et fouilla dans ses poches de sa main libre.

— Tu peux télécharger une application.

— Tiens, lui dit-il en tendant son iPhone vers lui.

— 3107, c’est ça ? demanda Remus en s’en saisissant.

— Oui, répondit simplement Sirius en enroulant distraitement une mèche de ses cheveux autour de son index.

— C’est ton anniversaire ? demanda Remus en cherchant son App Store.

— Celui de mon neveux. J’suis pas autant auto centré que ça, rigola-t-il.

— Tu es donc plein de surprises, Sirius Black.

— Ma passion, surprendre les gens.

Remus esquissa un sourire et se pencha légèrement vers lui pour montrer l’application qu’il venait de télécharger.

— Ici tu as la pression atmosphérique, mais, concrètement, fie toi aux couleurs. Si tu vois que c’est rouge, c’est qu’il est fort possible d’apercevoir des aurores. Tu recevras une notification, s’il y en a pas loin. Et là, tu peux voir certaines caméras en direct, nous on est… juste ici ! lança-t-il en choisissant la caméra de la station. Calme plat, rigola-t-il.

— Je vais passer ma vie là-dessus, Remus, j’espère que tu en es conscient.

— Tu n’as qu’à attendre pour la notification, lui dit-il en lui rendant son téléphone et en ajustant le plaid sur ses jambes, le glissant sous ses pieds.

— J'aurais trop peur de la manquer, répondit Sirius en rangeant son téléphone avant de reporter sa main dans ses cheveux.

— Je viendrai toquer à ta porte, si j’en reçois une.

— T’as jamais ton téléphone sur toi !

— C’est pas faux, rigola Remus.

— C’était où, t’es plus belles aurores ? demanda Sirius en remontant ses genoux contre lui.

Remus leva la tête vers le ciel un court instant, le temps de réfléchir.

— Tu es passé devant le lac sur lequel ils pêchent parfois ? Sirius hocha la tête, cheveux enroulés autour de son index, pieds venant se coincer sous les jambes de Remus. Je crois que c’était là. C’était il y a plusieurs années, mes parents étaient venus pour le concours, et on était tous dans l’appartement qu’ils avaient loué pour leur semaine.

— Tous ?

— Fabian, Marlène, Alastor et Luke, précisa Remus. Ma mère a regardé par hasard par la fenêtre et certaines commençaient à se former, au-dessus du lac. On est parti en motoneige et on a passé la majorité de la nuit là-bas. Les couleurs étaient incroyables et je ne crois pas en avoir revu des aussi intenses depuis. C’est toujours un spectacle magnifique, cela dit.

— T’as fais des chasses aux aurores, avec Jörgen ?

Remus hocha la tête.

— C’était génial, demande-lui s’il compte en faire une cette année ! Il est toujours heureux de partager ces moments. Puis, il prend des photos pendant toute l’expédition, ça te fera d’autres souvenirs à emporter. Ils trouvent toujours les meilleurs endroits.

— Tu viendras pas ?

— Non, Jörgen a le don pour trouver des endroits incroyables, mais à l’opposé du confort et il fait beaucoup trop froid cette année, rigola Remus alors que Sirius écrasait sa cigarette avant de coincer son bras sous le plaid.

— T’as une voix apaisante, Remus.

Cette intervention semblait sortir de nulle part, et le cœur de Remus sembla vouloir sortir de sa poitrine.

— Et c’est pour cette raison que tu veux que je vous accompagne dans le froid d’une nuit glaciale ? Pour parler et apaiser le froid et l’inconfort ?

— Non, ricana Sirius. Mais là, maintenant, elle calme ce qu’il se passe dans ma tête.

— Tu me demandes donc de faire un monologue ?

— Précisément.

— C'est compliqué, parler ce n'est pas vraiment mon fort, avoua-t-il.

— Si tu devais présenter un sujet devant un grand groupe de personnes, là, dans 3 minutes, sans préparation, tu parlerais de quoi ?

— Je ne le ferai jamais.

— Question de vie ou de mort.

— La mort, Sirius. Je choisis la mort.

— T’abuses, lança-t-il en lui donnant un léger coup de pied, ce qui fit sourire Remus.

— Combien de temps doit durer la présentation ?

— J’sais pas. Cinq minutes.

— Je parlerai du choix artistique qu’a fait Hozier en reprenant Do I Wanna Know, et comment ses premiers accords de guitare accrochent tout autant mais d’une autre manière, et donnent la direction du reste de la musique.

— Dis-m’en plus.

— La version d’Hozier est douce, presque nostalgique. Dès le début tu sens qu’il va t’embarquer dans une balade, une histoire d’amour, ou de rupture, pour laquelle il s’est fait une raison. Celle d’Arctic Monkeys est brute. La guitare électrique t’emmène complètement ailleurs, c’est plus sombre, et la voix et le rythme viennent appuyer ça, il y a comme une légère colère, une incertitude derrière les mots… là où Hozier est apaisé, ou résigné, au choix… comme je n’aurais pas écoulé mon temps, je glisserai que l’envie stupide de domestiquer des loups est une aberration sans nom et démontre bien la bêtise humaine.

— Histoire de conclure sur une note positive, ironisa Sirius avec un sourire.

— Tout à fait. Je pourrais aussi dire que regarder des vidéos de chatons remonte le moral. Si tu tiens à ce que ça se termine sur quelque chose de plus joyeux.

— J’adore les vidéos de chatons, répondit Sirius avec une voix qui laissait entendre que c’était un plaisir coupable.

— Moi aussi, rigola Remus.

— Tu sais, Remus, j’ai toujours pensé que les hypersensibles rendaient le monde plus doux.

Remus accrocha ses yeux à ceux de Sirius et eut du mal à s’en détacher. Il n’avait pas envie de s’en détacher d’ailleurs. Les flammes de la palmyra leur donnaient une couleur encore plus particulière, et son regard était doux. C’était réconfortant. Il esquissa un sourire et détourna le regard quand il comprit que Sirius ne devait certainement jamais perdre une bataille de maintien de regard. Il fixa le ciel et les étoiles et essaya de trouver quelque chose de pertinent à dire. Mais rien ne lui venait.

— Je pourrais regarder le ciel pendant des heures sans jamais m’en lasser, dit-il stupidement.

— Tu connais les constellations ?

— Les plus connues.

— Inonde-moi de savoir, Remus, dit-il en se rapprochant de lui.

Alors il extirpa un bras de dessous le plaid, et tendit un index vers le ciel, présentant les constellations qu’il connaissait, que sa mère lui avait un jour apprises.

— T’es plutôt au point, lança Sirius, un sourire dans la voix, la tête reposée contre le dossier du fauteuil, près de son épaule.

— Tu te fiches de moi depuis tout à l’heure, hein ?

— Oui, rigola Sirius. J’viens d’une famille tarée, j’ai appris l’astronomie quand j’étais gamin. Il déposa sa tête sur l’épaule de Remus et pointa un index vers le ciel. On a tous des noms de constellations ou autre connerie en lien avec les étoiles, dans la famille. Là, comme tu l’as montré tout à l’heure, c’est moi. Canon et en tout point parfait. Là, mon petit frère, brillant. Là, une de mes cousines, la plus dérangée, ça se voit dans la structure des étoiles, ils auraient dû s'en douter. Ici, mon autre cousine, belle, carrée. Et là, une autre cousine, grande, forte, organisée. J’te ferai pas la présentation des parents, y a rien de beau. Il replaça son bras sous le plaid, mais conserva sa tête sur l’épaule de Remus. J’trouve ça un peu fou, que tu aies grandis dans une famille aimante et fonctionnelle et que tu sois incapable de te valoriser.

— J’ai eu ma dose de thérapie pour la journée, Sirius, rigola Remus. Mais oui, je suis plutôt d’accord avec toi. Peut-être parce que justement, ils ont tout bien fait et je me sens redevable, ou que je n’ai pas envie de les décevoir. Je n’en sais rien.

— La vie, c’est bizarre.

— La vie, c’est bizarre, acquiesça doucement Remus en se disant que ce qui était d'autant plus bizarre était la tête de Sirius sur son épaule, et son odeur qui enrobait l’espace. 

****

 

Chapter 12: After Eight

Chapter Text

Arrangeant son bonnet, Remus s'approcha de Fabian qui était en train de réorganiser les différentes décharges qu'ils demandaient aux clients de signer. Après avoir passé quelques journées sur des skis, Remus espérait bien pouvoir soudoyer son meilleur ami, et il savait qu'il n'avait pas grand chose à faire.

— Fab' ? Tu veux la sortie snow ou la sortie ski ? demanda-t-il quand il leva les yeux vers lui. Ce ne sont que des personnes confirmées, il n'y a pas d'enfant, ils veulent découvrir des recoins loin de la foule.

— Dans les deux cas ?

— Dans les deux cas, acquiesça Remus avec un hochement de tête.

— Alors prends le snow, Moon'. C'est ce que tu préfères.

— Merci ! répondit-il, soulagé, en se dirigeant vers la réserve pour aller chercher son matériel.

— Donc... ta préférence va pour la planche, hein ?

Remus sursauta et porta sa main à sa poitrine. Sirius était assis sur l'un des bancs en bois, en train de préparer ses boots de snowboard et il ne s'attendait pas à tomber sur lui.

Fuck, Sirius...

— T'as qu'à demander, Moony, rétorqua-t-il avec un clin d'œil.

Remus secoua la tête et s'approcha de sa planche qu'il décrocha du mur, les joues rouges.

— Et toi, une préférence ? tenta-t-il pour détourner l'attention du silence qui s'était installé.

Ils ne s'étaient que brièvement recroisés dans la salle commune après cette soirée où ils avaient observé les étoiles et que Sirius avait fini par regagner sa chambre après avoir remercié Remus de lui avoir tenu compagnie.

— En termes de planche ou...

— Ou de skis, termina Remus pour lui, afin d'éviter que Sirius l'emmène dans un terrain sur lequel il ne saurait se défendre qu'à coups de bafouillage et joues rouges.

— Je préfère le snow. J'ai plus de classe sur une planche que sur des skis.

Remus lui lança un regard par-dessus son épaule et esquissa un sourire quand il se retourna de nouveau. Il était foncièrement convaincu que Sirius avait de la classe dans n'importe quelle situation possible et inimaginable. Il n'arrivait pas à imaginer qu'il puisse en manquer ne serait-ce qu'un tout petit peu.

— En réalité, j'ai d'abord appris à skier, j'ai pas eu le choix. Puis dès que j'ai pu, je me suis mis au snow. Ça avait un goût de rébellion, et j'aimais ça.

— Ce soir, vous, moi, match, interrompis Fabian en entrant dans la pièce.

— Sans façon, répondit Remus en attrapant son snowboard.

— Si. T'as pas le choix, Moon'.

— C'est quoi le plan ? demanda Sirius.

— On va voir le match, au bar à côté des télécabines.

— Parfait ! S'exclama-t-il, beaucoup trop heureux.

— Génial... marmonna Remus en sortant de la salle. J'ai tellement hâte, ironisa-t-il.

— Il déteste le rugby.

— Je crois que j'ai compris, rigola Sirius. Tu crois qu'il va prendre sa liseuse ?

— Évidemment !

— Je vous entends ! Lança-t-il avant de passer la porte pour retrouver son groupe.

*

Bien entendu, qu'il avait apporté sa liseuse avec lui. Elle était là, dans la poche de sa veste, prête en cas d'ennui mortel. Mais, pour l'instant, il devait reconnaître qu'il passait plutôt un bon moment. Chacun avait commencé par échanger sur leur journée et ils ne s'étaient pas interrompus lorsqu'une action se déroulait à l'écran. Contrairement à ce qu'avait pu penser Remus, il ne s'était pas senti « en trop » à cette soirée, invité de force par Fabian parce que c'était ce que la bienséance voulait. Ce n'était jamais le cas, cela dit, et Fabian faisant toujours en sorte qu'il se sente à sa place, même dans les soirées auxquelles il allait en traînant des pieds.

— C'est quand, le secret Santa ? demanda Sirius en déposant son verre de Coca.

— Le 24, répondirent Fabian et Remus. On dépose tous nos cadeaux au pied du sapin le 24, et à partir de minuit, on peut commencer à aller chercher le nôtre, compléta Remus tandis que Fabian avait reporté son attention sur l'écran, en tapotant nerveusement contre son verre de limonade.

— Quel sapin ?! On n'a pas de sapin.

— Luke va en déposer un dans la salle commune d'ici quelques jours, avec un gros carton de décorations. Chacun ajoute sa touche personnelle dès qu'il a un moment.

— J'veux mettre l'étoile !

— Tu devras te battre contre Marlène, pour ça.

— Oh, Remus, je n'attends que ça, rigola Sirius.

Ils s'étaient battus. À coup d'une bataille de pierre feuille ciseaux, puis de Gonggi.

Sirius avait gagné. Marlène avait crié au scandale. Il l'avait nargué. Elle s'était vexée. Il lui avait proposé de tenir la chaise sur laquelle il allait grimper. Elle l'avait insulté. Remus lui avait préparé un chocolat chaud qui ne l'avait qu'à moitié réconforté.

— Il débarque et il me vole mes trucs à moi que je fais depuis des années ! s'insurgea-t-elle en faisant déborder le contenu de sa tasse.

— Tu as...

— Non, Moony, non ! interrompis-t-elle. On joue pas fair-play avec l'étoile du sapin. Faut que je trouve un sale coup pour l'atteindre... dit-elle en observant Sirius de ses yeux perçants, au milieu de la salle, qui riait et captait lumière dans son regard. Y a un truc à faire avec ses cheveux.

— Je ne m'en mêle pas, rigola Remus en partant s'asseoir à côté d'Ilaria avec qui il n'avait pratiquement pas échangé depuis des semaines.

— Moony ! Tu te souviens d'Isaac ? lança Fabian en surgissant devant lui, téléphone à la main, alors qu'Ilaria était très sérieusement en train de lui raconter une récente histoire de sa famille en Sicile.

— Métisse, yeux verts, l'amour de ta vie ?

— Oui ! Lui ! Il est là ! Pour la soirée !

— Et tu es encore ici à me le dire parce que...?

— J'ai l'air canon ?

— Comme toujours. Va le retrouver, rigola Remus alors que Fabian passait une main dans ses cheveux avant d'inspirer un grand coup et prendre rapidement la direction du couloir.

Quand Remus commença à sentir la fatigue s'installer, il s'éclipsa discrètement de la salle commune, esquissant un sourire en voyant Marlène fouiller dans le carton des décorations de Noël, toujours en quête de trouver un moyen de se venger de Sirius. Sirius dont il sentit le parfum le suivre alors qu'il s'aventurait dans le couloir.

— Hé !

Remus se stoppa et se retourna pour attendre Sirius.

— Tu pars sans dire au revoir ?

— Je comptais passer inaperçu, répondit-il avec un sourire.

— T'es loin de passer inaperçu, Remus, commenta-t-il en arrivant à son niveau. Marlène, elle compte me nuire comment ? ajouta-t-il alors qu'ils avançaient dans le couloir.

— Je ne me mêlerai pas de cette histoire.

— Comment j'peux te soudoyer ? demanda-t-il en coinçant son bras sous le sien alors qu'ils arrivaient devant la porte de Remus.

— Je suis faible pour du chocolat.

— Seulement ça ? questionna Sirius en lui lançant un regard pour lequel Remus se serait volontiers damné.

— Seulement ça, articula-t-il tant bien que mal.

— Noté, Moony, dit-il avec un clin d'œil et en relâchant son bras. Toi, moi, chocolats demain soir. ajouta-t-il en s'éloignant. Tu me trouveras là où personne n'est censé se trouver. Sur les coups de... disons 22 heures ?

— Il me faudra plus que ça, Sirius, pour divulguer les plans de ma meilleure amie.

— Je t'aurais à l'usure. lança-t-il en appelant l'ascenseur.

*

Remus était épuisé. Il n'avait pas pris de jour de repos de la semaine et avait enchaîné plusieurs sorties qui avaient certes été passionnantes, mais aussi drainantes. Quand Alastor allait jeter un œil à son relevé de planning, il allait lui faire entendre son désaccord, Remus en était bien conscient. Mais il avait du mal à refuser de donner des cours à des jeunes adolescents volontaires et encore moins d'amener des groupes sympas observer la faune de la forêt alentour. Puis, d'un point de vue plus pragmatique, il avait toujours des crédits à rembourser, à Londres. Celui de son appartement et celui de la clinique. Refuser des sorties n'étaient donc pas une option. Il n'avait pas non plus eu une soirée de libre et ce n'était pas en cette semaine de Noël qu'il allait en avoir une.

Il sortit de chez lui en baillant et râla quand il vit le mot sur la porte de l'ascenseur « En panne, intervention prévue à 7:00 demain matin, 24 Décembre ». Ce n'était que deux étages, mais son corps tenait à lui rappeler ce soir qu'il vivait avec certaines douleurs qui se faisaient parfois plus bruyantes que ce qu'elles ne le devraient.

Sur la terrasse, il réussit à distinguer la silhouette de Sirius accoudé à la balustrade, volute de fumée se dissipant au-dessus de sa tête. Il se retourna vers Remus quand il passa la porte.

— T'es pile à l'heure, dit-il avec un sourire en écrasant sa cigarette.

— Toujours, répondit-il en avisant la table sur laquelle étaient disposées un nombre incalculable de chocolat. Tu n'as pas un peu abusé ?

— Jamais ! lança joyeusement Sirius en s'approchant de la table. Lily a cru bon de m'envoyer un colis en début de semaine, je stocke pas tout ça chez moi juste pour le plaisir. Je comptais en déposer certains dans la salle commune, mais vu que j'ai besoin de te soudoyer...

— Je ne connais pas celui-ci, dit Remus en pointant un index sur l'une des tablettes de chocolat.

— Oh ! On le garde pour la fin ! On fait un deal. Un carreau de chocolat égale une réponse à une question.

— Pourquoi j'ai l'impression que tu as tout à gagner et moi tout à perdre ?

— Tu peux gagner une indigestion... gagnant-gagnant, Remus...

Remus ne put s'empêcher de rigoler et s'assis en tailleur sur la banquette.

— Je t'écoute... abdiqua-t-il, ce qui provoqua un sourire de Sirius si solaire que le cœur de Remus fit un 360.

Sirius s'installa à ses côtés et fit courir sa main au-dessus des tablettes de chocolat jusqu'à se saisir de l'une d'entre elle que Remus connaissait déjà et, il devait le reconnaitre, qu'il appréciait beaucoup. Sirius déchira le papier en prenant la parole.

— C'est quoi son point faible ?

— Tu n'étais pas censé vouloir deviner comment elle tenait à se venger ?

— Si. Mais je veux surtout me venger de sa vengeance, dit-il en lui tendant un carreau de chocolat à la menthe.

— Ce n'était pas le deal, répondit Remus en se saisissant tout de même du chocolat.

— Balance, Remus.

— Dorcas. Dorcas est son point faible. Mais ça ne servira pas ta cause, dit-il en croquant dans le chocolat.

— Tu serais surpris. Confession : je déteste les After Eight.

— Tu plaisantes ?! s'offusqua Remus.

— Nan. Je trouve ça immonde. Mais je les associe peut-être à un mauvais souvenir. Prochaine question : elle a vraiment trouvé une idée ?

— Oui. Quel mauvais souvenir ? demanda Remus en se saisissant de la tablette « Merveilles du Monde ».

— Hé ! Utilises pas mon jeu contre moi ! lança Sirius en poussant doucement son genou.

Remus sourit en voyant la fiche de l'animal qui était dans la tablette : un loup. Puis tendit un morceau à Sirius.

— Pourquoi pas ? Tu n'as jamais établi de vraies règles. Et puis, c'est moi qui viens de te donner un chocolat, là, donc... je ne transgresse pas tes règles.

— Tu fais chier, marmonna-t-il tout en portant le chocolat à sa bouche. À chaque grand repas de famille y avait une boîte d'after eight sur la table, et j'étais loin d'être fan de ce genre de dîners. Je peux pas te donner un seul mauvais souvenir, il y en a trop, ajouta-t-il en se penchant pour attraper une tablette de Cadbury, et Remus regretta immédiatement sa question.

Il avait le don de mettre la tête la première dans des situations embarrassantes.

— C'est quoi, son idée ?

Sirius abattait donc sa dernière carte. Certainement parce que Remus avait franchi une limite qu'il n'aurait pas dû et qu'il voulait mettre un terme à cette soirée le plus rapidement possible.

— Je ne sais pas exactement, mais je sais que des paillettes sont impliquées.

Quand il se tourna vers lui, un sourcil haussé, Remus se demanda ce qu'il avait bien pu faire de travers. Tout. Certainement.

— C'est donc si facile de te faire avouer quelque chose ?! Dis-moi le de suite si tu veux rentrer, ajouta-t-il en rigolant.

— Je veux surtout passer à cette tablette de chocolat, dit-il en pointant la tablette qu'il ne connaissait pas d'un doigt.

— Ok, dernière question donc, lança Sirius en se penchant vers la table pour récupérer la fameuse tablette de chocolat.

Il l'ouvrit avec tellement de minutie et de lenteur que s'en était risible. Sirius Black était définitivement insupportable.

— Tu fais exprès ?

— Oui. J'ai pas spécialement envie de rentrer.

— Qui a dit que je comptais rentrer après ce morceau ?

Sirius tourna la tête vers lui et esquissa ce sourire en coin qui faisait scintiller ses yeux.

— J'sais pas. C'est difficile de savoir tes intentions. Question ! dit-il en tendant le carré de chocolat vers lui, il reprit la parole quand Remus s'en saisit, évitant de frôler ses doigts. Pourquoi « Moony » ?

— Oh. La réponse va te décevoir.

— Essaie toujours.

— Ma mère a un sérieux souci avec l'astrologie, les énergies et a..

— Je l'aime déjà, interrompit Sirius.

— Elle fait de très grosses insomnies les soirs de pleine lune, et c'est un gène qu'elle m'a gentiment transmis, continua Remus sans relever ce que venait de dire Sirius. Le surnom a vite suivi, je ne l'ai que très peu entendu m'appeler autrement. Puis en grandissant, ils se sont aussi rendu compte que je passais la majorité de mon temps ailleurs, et nombreux de mes professeurs leur ont fait remarquer que j'avais "la tête dans la lune". Ça ne m'a jamais quitté.

— Comment on gagne le droit de t'appeler comme ça ?

— Il faut des années.

— Attends ! lança subitement Sirius en attrapant le poignet de Remus qui allait croquer dans son carré. Croque pas dedans, laisse le fondre, dit-il en desserrant ses doigts du poignet de Remus pour ensuite enrouler une mèche de ses cheveux autour de son index. C'est le chocolat préféré de James, si tu le manges pas correctement, je déshonore ta famille.

— À ce point ?

— Tu ne veux pas rencontrer un James Potter qui vient de voir des traditions bafouées, crois-moi.

Remus esquissa un sourire et déposa le chocolat sur sa langue. Ce chocolat avait la saveur d'un chocolat noir plutôt standard, jusqu'à ce qu'il sente des éclats de sucre se mettre à pétiller contre son palais et sa langue. Il plissa yeux et nez, avec la sensation que ce pétillement ne s'arrêterait jamais, et le rire de Sirius fit écho dans toute la station.

— J'en conclue donc que ce n'est pas ton préféré, dit-il toujours en enroulant une mèche de cheveux entre ses doigts, les yeux rieurs.

— Je n'arrive pas à me décider, rigola Remus après avoir déglutit son chocolat. Je ne dirai pas que je n'aime pas...

— Mais...?

— Mais ça ne vaut pas un After Eight, taquina-t-il avec un haussement d'épaules.

Sirius ouvrit la bouche en inspirant, de manière choquée (reformuler avec des vrais mots qui ont du sens) et lança la tablette de chocolat pétillant vers Remus qui la rattrapa en rigolant..

— Comment oses-tu ?! Quoi que ce soit, ça, ajouta-t-il en balayant l'espace entre eux d'une main, qu'il y a entre nous, c'est fini Remus. Terminé. C'est impensable qu'un chocolat aussi fade et triste que l'after eight soit choisi au détriment de cette œuvre culinaire pleine de vie et de surprises !

Cette soirée avait permis à Remus de se persuader de deux choses. Premièrement : Sirius Black ne le lâcherait jamais quant à cette histoire de chocolat. Deuxièmement : Sirius Black et son rire avaient réussi à entrouvrir l'accès à son cœur. Surtout quand, avant de rentrer chez lui, il avait donné à Remus ses tablettes de chocolat préférées.

Chapter 13: Cadeaux

Chapter Text

Remus s'était levé du bon pied, comme souvent le 24 décembre. Les journées de Noël, ici, étaient souvent douces. Les familles étaient toujours heureuses, les rires emplissaient la station, on retrouvait des papiers et cadeaux et des bolducs un peu partout, et la beauté et la magie des décorations et lumières étaient décuplées. De sa chambre, il entendait la playlist de musiques de Noël qui provenait de la salle commune, certainement lancée par Jörgen. Dans le couloir, il fut saisi par la douce odeur d'un gâteau et accéléra le pas. Il avait un faible pour le panettone qu'Illaria leur préparait chaque année. Il salua tout le monde d'un "Happy Christmas Eve, eve' !" avant d'aller déposer son cadeau sous le sapin, dénichant une place entre tous les autres paquets aux différents papiers colorés. Entre les fauteuils et le bar de la cuisine, tout le monde échangeait des embrassades, dansait sur la musique, chantait plus ou moins faux et continuait à accrocher quelques décorations. Il lança un regard au tableau des affectations en allant préparer les thermos de café et fronça les sourcils. Il était persuadé qu'hier, il n'était pas prévu en boutique. C'était quelque chose qui arrivait souvent, qu'Alastor change les plannings en dernière minute. Dans tous les cas, Remus n'avait pas de doute sur le fait qu'il allait passer une bonne journée. 

 

— Joyeux Noël, Remus, lui dit Jörgen en utilisant la machine à café à côté de la sienne. Je ne savais pas que le Père Noël passait en avance cette année. 

 

— Je ne vois pas de quoi tu parles, lui répondit Remus avec un sourire. La veille, il avait déposé le cadeau qu'il avait tenu à offrir à Jörgen devant sa porte. J'ai hâte de voir le résultat.

 

— Pour ça, il faudra que tu acceptes de poser pour au moins une photo, Remus. 

 

— Jamais ! lui répondit-il en remplissant le thermos rouge à paillettes de Marlène dont les mains se déposèrent autour de sa taille et sa tête s'enfonça contre son dos.

 

— Merry Christmas Eve' Moon' !! s'exclama Marlène en serrant ses bras plus fort autour de lui. J'trouve que Jörgen a raison, tu devrais pouvoir voir ses photos seulement si tu apparais sur l'une d'entre elles.

 

Les amis étaient censés vous soutenir, c'était bien ça leur devoir, non ? Non, apparemment, pas pour ceux de Remus. Fabian, d'ailleurs entra dans la salle en questionnant "Où est mon cadeau ?!" et en trottinant vers le sapin de Noël à épier les noms sur les étiquettes alors qu'il déposait le sien.

 

— Tu sais que t'es pas censé l'ouvrir avant minuit ? demanda Benjy quand Fabian se saisit d'un paquet au papier brillant holographique. 

 

— Evidemment. J'ai juste pas envie qu'on me le vole ! se justifia-t-il, ne convaincant personne. 

 

*

 

À la boutique, Remus avait vu défiler de nombreux clients avec des bonnets ou autres pulls de Noël, et ne comptait plus le nombre de compliments qu'il avait reçu sur le sien.  

 

L'ambiance était toujours bonne et festive et Remus prenait d'autant plus le temps de discuter avec les familles, afin de connaître leur programme pour la soirée, leur conseiller les endroits de la station qui étaient le mieux décorés et les endroits parfaits pour observer la traversée du traîneau du père Noël dans le ciel, à minuit tapante. 

 

Quand il ferma la boutique, il aperçut une chevelure blonde qui l'interpella. Puis, tout fit sens. Aujourd'hui il était prévu en « randonnée découverte », ses autres sorties pour la semaine n'étaient que des sorties de snowboard ou de l'escalade. Aujourd'hui, il aurait dû amener les Malefoy en sortie. Quand il arriva dans le hall de l'hôtel, comme un signe supplémentaire de l'univers, Sirius attendait l'ascenseur aux côtés de Benjy. Remus se faufila entre les touristes se rendant au bar ou bien encore au restaurant ou qui visitaient simplement le hall décoré, peut être en quête de résoudre l'enquête escape Game de Noël organisée par la station, et il s'immisça in extremis dans l'ascenseur, juste avant que les portes ne se referment. 

 

— Tu as pris ma sortie, déclara-t-il en retirant sa veste. 

 

— J'vois pas de quoi tu parles, lui répondit Sirius avec un sourire qui n'eut pas le mérite de faire scintiller ses yeux.

 

— Sirius...

 

— T'as passé une bonne journée ? coupa-t-il. Avec Benjy on récupère des affaires et on se fait un sauna de réveillon de Noël.

 

— Tu viens avec nous ? 

 

— Sans façon, répondit-il à Benjy avec un sourire qu'il espéra être sincère. Les saunas et moi on ne s'entend pas très bien. Puis Marlène organise un dîner. Mais, profitez bien ! ajouta- t- il en sortant de l'ascenseur et marchant rapidement dans le couloir jusqu'à sa chambre sans les attendre. Son humeur venait de basculer, la porte que son cœur avait ouverte s'était subitement refermée. L'espoir, n'était jamais une très bonne idée. 

 

Devant sa porte, il trouva une boîte enveloppée dans un papier cadeau aux motifs tartans avec une note sur laquelle était écrite : 

 

Pour : Remus. 

De la part de : Secret Santa (celui dont on ne doit apparemment pas divulguer le nom). 

 

Un étrange mélange d'émotions le saisit et il n'eut pas le temps de les analyser que Marlène surgit hors de sa chambre, la porte à côté de la sienne. 

 

— Putain, tu tombes à pic ! J'ai besoin de toi ! J'ai oublié notre champagne, mon dessert a cramé, j'ai plus le temps d'en refaire un parce que j'ai besoin de mon four pour les légumes, et...   

 

— Ok, Marls' on respire.

 

— J'essaie !

 

— Laisse-moi ranger ça et, je vais chercher ce qu'il manque.

 

— Merci, Moony. Mais le dépanneur n'a plus de champagne, j'ai déjà téléphoné, et on ne fête pas Noël sans champagne, et... 

 

— Je gère, Marl's. Tu auras ton champagne. Et un dessert. 

 

Elle hocha la tête, passa une main dans ses cheveux emmêlés, et regagna sa chambre. 

 

Il ouvrit sa porte d'entrée seulement pour y faire glisser son paquet cadeau avant d'enfiler de nouveau sa veste. Bien destiné à faire en sorte que le Noël de Marlène ne soit pas gâché par un champagne oublié et un dessert brûlé. 

 

Pour ça, il savait exactement où aller. 

 

Malgré l'effervescence du restaurant, Ashton accueillit Remus avec une bonne humeur et une bienveillance débordante. Il l'amena avec lui dans la cave du restaurant, et en profita pour lui en faire la visite et lui donner des explications sur les différents types de vins ou champagnes qu'ils conservaient ici. Quand il lui tendit une bouteille en lui disant « c'est offert », Remus eut du mal à argumenter : Ashton s'avérait être très têtu, et les arguments avancés n'étaient pas mauvais, bien que Remus eut tout de même du mal à les accepter : « vous venez manger ici presque toutes les semaines depuis une éternité », « vous n'avez jamais essayé d'obtenir une réduction » , « vois ça comme mon cadeau de noël » « tu m'emmèneras faire de l'escalade en retour ». 

 

Sa bouteille de champagne sous le bras, il partit en direction du chalet d'Alastor et Luke. Il était peu probable que l'un d'eux soit présent à l'heure qu'il était, mais il tenta tout de même sa chance : il était persuadé qu'un miracle de Noël pouvait exister. 

 

Ce fut le cas, Luke était présent, pull de Noël ridicule sur le dos, guirlande lumineuse entre les bras. 

 

— J'aurais besoin d'un service, lui dit Remus alors que Luke le faisait entrer chez eux. 

 

En un rapide coup d'œil et en n'entendant pas les pattes de Kuna sur le parquet, Remus fut déçu de son absence mais, dans ses souvenirs, Alastor partait aujourd'hui en randonnée avec une famille et l'avait certainement amené avec lui. 

 

— La fois dernière, je n'ai pas du tout aimé ce que tu m'as demandé de faire. 

 

— J'aurais besoin d'un dessert. Marlène a fait brûler son gâteau et elle est dans tous ses états. 

 

— Ah ! Fallait le dire plus tôt ! s'exclama-t-il joyeusement en se dirigeant dans sa cuisine. J'ai cru que j'allais devoir cacher quelque chose à Alastor. 

 

— On pourrait nourrir la station entière ! lança Remus en apercevant le nombre de pâtisseries, gâteaux ou bûches de Noël présents sur la table de leur cuisine. 

 

— C'est le but, Remus, c'est le but. Choisis ce que tu préfères ! 

 

Tous les ans, le 25 décembre, Alastor et Luke se saisissaient de ces desserts de Noël et partaient les distribuer aux habitants des petits villages alentour, puis ils en déposaient dans chacune des locations de la station. 

 

Remus choisit la bûche dont il pensait que Marlène serait la plus heureuse d'avoir à sa table et, avant qu'il ne parte, Luke lui tendit un Tupperware avec des montecao, petits biscuits préparés avant par sa grand-mère et dont il perdurait la tradition. Remus en raffolait. 

 

Ce soir, le ciel était dégagé, les étoiles resplendissaient et l'air était frais. Des odeurs d'épices et de sucrés se confondaient dans la station, lui conférant cette atmosphère si particulière qu'il aimait tant. Ils allaient passer une bonne soirée. 

 

Marlène avait sauté de joie en voyant Remus arriver avec champagne et desserts, puis d'autant plus quand Fabian avait la porte avec dans ses mains des pyjamas assortis. Elle avait fini par oublier sa mésaventure culinaire. Comme chaque année, ils avaient emporté avec eux desserts, chocolats chauds et cadeaux sur la terrasse et ils avaient regardé le passage du Père Noël. 

 

— Vous croyez qu'on arrêtera de faire ça, un jour ? s'extasier pour un animatronic de Père Noël ? 

 

— Un super animatronic de père Noël, si tu veux mon avis, répondit Marlène à Fabian. 

 

— Je pense surtout que si un jour ils arrêtent de faire ça, on sera très tristes, rigola Remus. En parlant de tristesse, on attend toujours les premières aurores... 

 

— Elles se font clairement désirer, cette année acquiesça Fabian. 

 

 Comme chaque année, alors que père Noël achevait sa traversée, ils avaient ouvert leurs cadeaux et étaient restés ici, à débattre de la vie, le regard porté sur le ciel, emmitouflés sous le plaid que Remus s'était assuré d'emporter. 

 

— Hé ! J'ai croisé les Malefoy ! lança Marlène en coinçant son bras sous celui de Remus. Ils t'ont booké quand, les connards ? 

 

— C'était censé être aujourd'hui. Sirius a échangé nos plannings. 

 

— Tu plaisantes ? demanda Fabian. 

 

— Non, non. Je l'ai croisé dans l'ascenseur, plus tôt, il a dévié le sujet.  

 

— Il se passe des trucs pas nets dans cette famille, moi j'vous le dis. À chaque fois que je vois Narcissa, je guette un signal d'alarme pour venir la secourir. 

 

— Tu ferais quoi, Marls ? Si tu devais vraiment la secourir. 

 

— Rem' les amène en sortie moto... 

 

— Ils ne font jamais ce genre de choses. 

 

— On s'en fiche, c'est un scénario inventé là, Moony. Je m'incruste dans le cortège, quand ils sont arrêtés je roule sur tout le monde. Je repasse sur Lucius. 3 ou 4 fois histoire d'être sûre, on fait croire à un accident. Les freins ne répondaient plus ou une connerie du genre. Ou alors on prétend qu'ils se sont approchés trop près d'oursons et que la maman les a dégommés. Narcissa est sauvée et peut vivre une vie heureuse. 

 

— C'est pas travailler en garderie que tu aurais du faire, c'est scénariste. 

 

— Ça revient presque au même, Fab', dit-elle en posant sa tête sur l'épaule de Remus. Au moins, tu n'auras pas passé une journée en enfer. 

 

Qu'en était-il de Sirius, cependant ? Failli demander Remus quand Fabian se mit à parler de la compétition à venir. Ils en discutaient encore quand ils regagnèrent leurs chambres, Marlène emmitouflée dans le plaid de Remus. 

 

— Tu t'es trompé d'étage ? rigola-t-elle quand ils croisèrent Benjy au milieu du couloir. 

 

— Presque. Je viens de me faire mettre dehors de la chambre de Sirius, rigola-t-il. Le sexe, au delà de toutes attentes, par contre, n'espérez pas rester après pour une conversation sur l'oreiller, vous repartirez déçu.

 

— Bon à savoir, rigola Fabian en pinçant discrètement le bras de Remus qui se retint de lever les yeux au ciel. 

 

Il avait ce don, Fabian, de toujours remarquer les choses que Remus ne voulait pas lui-même remarquer à son propos. Ses sentiments et émotions, entre autres. 

 

— Bonne nuit quand même, Benny Boy ! lança Marlène en baillant, prête à retrouver son lit. 

 

En entrant dans sa chambre, Remus failli trébucher sur la boîte qu'il avait laissée dans l'entrée. A l'intérieur, il y trouva une tablette des fameux chocolats piquants, un livre, et un carnet en cuir vieilli sur laquelle était brodée une lune. Sur la première page, il y trouva trois portraits sous forme de croquis, et sur la deuxième, d'une écriture tout en cursives et fioritures : « pour y inscrire les rêves murmurés à la lune, les soirs où elle est pleine ».

Chapter 14: Nouvel An

Chapter Text

 Sirius se retourna au moment où Remus mit la main sur la cafetière à piston à côté de lui. Quand il croisa son regard, il esquissa un sourire, celui légèrement taquin.

— Des After Eight, vraiment ?

— Mais un super pull, rétorqua Remus en inclinant sa tête vers le pull « but daddy, I love him » que Sirius portait.

— C'est un super pull, en effet, acquiesça-t-il, en lui passant le bocal de café moulu. Comment tu as su ?

— Tu siffles toute sa discographie à longueur de journée et tu as un t-shirt de sa tournée... C'était plutôt évident.

Sirius ricana avant de se tourner et de s'adosser au comptoir, bras croisés contre la poitrine, à observer Remus.

— Et pour la partie "daddy, I love him" ?

— Tu as branché mon père, Sirius. Il n'y a pas besoin de plus pour voir qu'il y a certains trauma parentaux, répondit-il avec un sourire en appuyant sur le piston de la cafetière.

— Bien vu, Moony, bien vu... Oui, je sais Remus, ajouta-t-il quand Remus ouvrit la bouche. Tu leur prépares leur café tous les matins ?

— Sans exception, acquiesça-t-il en faisant chauffer du lait. Comment tu aimes le tien ? demanda-t-il alors que Sirius portait sa tasse à ses lèvres.

— Trop chaud, apparemment, répondit-il en grimaçant, après sa première gorgée, puis il fit un clin d'œil à Benjy qui passa une main entre Remus et Sirius pour attraper le bocal de café en marmonnant un « boujour » inaudible noyé dans un bâillement avant de s'éloigner. Pourquoi, tu comptes préparer le mien, aussi ?

— Si ça peut me permettre de savoir pourquoi tu as pris ma sortie, peut-être... répondit-il en versant les cafés dans les Thermos devant lui.

— Ça dépend, tu m'invites à sortir, ce soir ?

— On mange dans le bar d'Ashton, tradition de Noël. Tu te joins à nous ?

— Ça va pas venir briser une règle instaurée il y a dix mille ans ?

— Ça devrait aller, sourit Remus en scellant le Thermos de Fabian et en le tendant à l'intéressé qui s'approchait d'eux.

— Merci, Moony, bredouilla-t-il en déposant sa tête contre son épaule. J'ai mal dormi. J'ai une migraine. J'ai envie de vomir.

Remus lança un regard au planning et grimaça, il était prévu en sortie motoneige.

— Tu veux ma boutique ?

— J'veux mourir dans mon lit jusqu'à ce que ça aille mieux.

— Bouge pas, j't'apporte ce qu'il faut, lança Sirius en partant de la salle commune, tasse de café en main.

Remus réussit à le convaincre d'échanger leur journée. Il dut batailler pas mal entre les « j'aime pas les boutiques, les gens sont méchants là-bas », « j'arrive jamais à avoir une phrase de bingo », « je suis jamais tipsé », « j'veux m'exploser la tête contre un mur » mais réussis à avoir gain de cause : en boutique, il était plus près des toilettes en cas de nausées, de l'infirmerie si ça n'allait pas, de l'hôtel s'il souhaitait rentrer, d'une pièce dans laquelle il pouvait être au calme, d'autres saisonniers qui pouvaient très bien gérer sans lui, ce qui ne serait pas le cas lorsqu'il se retrouverait au beau milieu de la forêt, loin d'un refuge et de la station.

— Bonne chance, pour lui faire avaler tout ça... lança-t-il quand Sirius revint avec des boîtes de médicaments et d'huile essentielle.

— Il va pas avoir le choix, rétorqua-t-il avec un sourire.

— Je ne veux pas assister à ça, rigola Remus en sortant de la salle commune, prêt pour aller se changer pour sa journée. A ce soir !

*

Fabian et Marlène n'avaient pas questionné, quand Sirius était arrivé à leur table, quelques minutes après qu'ils se soient tous trois installés. Ils l'avaient au contraire accueilli comme s'il avait toujours fait partie de leur groupe, comme s'il avait toujours été présent pour cette tradition. Fabian l'avait remercié pour « les soins infirmiers » du matin qui lui avaient permis de tenir la journée sans avoir ressenti le besoin de s'assomer. Ils avaient échangés sur leur journée, sur leur vie à Londres ou à Édimbourg, ils avaient ri, partagés des points de vue, Sirius avait réussi à charrier tout le monde avec le charme qui le caractérisait tant. Il avait frôlé le genou de Remus, attrapé son poignet alors qu'il rigolait, poussé gentiment son épaule avant d'y laisser sa main reposer un peu trop longtemps ici. Remus, lui, avait tenté de ne pas bafouiller, il avait surtout rougi avant de se cacher derrière son verre d'eau pétillante. Puis il avait rencontré le regard de Fabian et son sourire, et il avait décrété qu'il était temps de rentrer. Alors que Marlène se levait, prête à rentrer, Sirius avait eu la bonne idée de déposer nonchalamment une feuille de bingo sur la table. Remplie.

— Tu te fous de ma gueule ?! s'était exclamée Marlène, faisant tourner les têtes des autres tables dans leur direction, alors qu'elle n'avait qu'un bras dans une manche de sa veste.

— Jamais, Blondinette. Jamais. Oh, d'ailleurs, si vous voulez rajouter « je glisserai bien ma main dans vos cheveux », pour le prochain, vous pouvez, dit-il en haussant une épaule et en se levant.

— T'as triché !

— Non. Je suis juste aussi bon que toi, peut-être même plus. J'ai une passion pour les vinyles, et j'ai besoin de nouveaux crayons pour mes croquis... après, je me contenterai aussi bien d'un verre ou d'une cigarette, Marlène, ça fera l'affaire.

Au regard que lui lança Marlène, Remus devina qu'elle n'avait plus une idée de vengeance, mais deux. D'ailleurs, il était surprenant qu'elle ne lui ait plus parlé depuis un moment de sa vengeance « d'étoile de sapin ». La connaissant, son plan était déjà élaboré et elle n'attendait plus que le bon moment. Des éclairs jaillissaient de ses yeux quand elle lança une cigarette sur la table avant de se diriger vers la sortie.

— On en a pour la soirée, rigola Fabian en partant la rejoindre.

Sirius alluma sa cigarette au moment où ils franchirent la porte. Devant eux, Fabian se baissait pour attraper de la neige pour la lancer sur Marlène qui se retourna et courut vers lui. Remus leur donnait trois minutes pour finir tous les deux dans la neige, Marlène assise sur fabian, essayant de lui faire manger de la neige alors qu'il avait ses propres mains remplies de neige sur son visage et que chacun hurlait sur l'autre d'arrêter, jusqu'à ce qu'ils passent un pacte et décident de prendre la direction du sauna, et Remus les attende chez lui, avec des tasses de chocolat chaud.

— Merci pour l'invitation, Remus, j'me suis senti inclus.

Remus tourna la tête vers Sirius qui observait la scène que causaient Fabian et Marlène, plus loin devant eux, il reprit la parole après avoir pris une bouffée de sa cigarette.

— J'ai jamais aimé Noël, c'était pas des soirées comme on voit dans les films, c'était plutôt tout le contraire. Depuis James ça va beaucoup mieux, mais Noël a toujours un goût doux-amer, pour moi. J'ai l'impression de toujours prendre trop de place, ou de ne pas être à ma place. Ça a pas été le cas, ce soir, donc merci, Moony.

— Avec plaisir, Sirius, je suis content si tu as passé une bonne soirée. On a tous un rapport différent avec Noël, mais je reste persuadé qu'on devrait tous le passer entouré de gens que l'on apprécie.

— Surtout des gens qui s'apprécient comme eux, rigola Sirius en pointant sa cigarette vers Fabian qui attrapait le mollet de Marlène pour la faire glisser, avant de glisser son bras sous celui de Remus. J'entretiens pas des bons rapports avec ma famille, je m'entendais plutôt bien avec Narcissa, on faisait un peu front face à notre famille timbrée. Puis, elle a rencontré Lucius et sa famille étant aussi timbrée que la nôtre... Ça faisait longtemps qu'on s'était pas vus, avec ma cousine, et clairement j'avais envie de jouer au con, voilà pourquoi j'ai pris ta sortie. C'était pas ma meilleure décision, mais j'ai l'habitude des décisions foireuses.

— Je suis désolé, Sirius.

— Oh, c'était pas si terrible, j'ai connu pire, ricanna-t-il. Puis, j'pense que Marlène est capable de me pourrir davantage la vie qu'eux.

— Elle est capable de beaucoup de choses, effectivement !

— Dis-moi, la soirée de nouvel an, ça se passe où ?

— Juste là-bas, répondit Remus en tendant l'index de sa main libre vers le bar qui se transformait le soir du nouvel an.

— Tu viendras, ou tu comptes t'éclipser sur la terrasse, dans la librairie ou dans un endroit secret dont j'ignore l'existence.

— Je serai là ! Fabian ne me laissera jamais le choix. Je leur donne deux minutes avant qu'ils disent qu'ils partent pour le sauna, sache que tu seras convié dans leur invitation, même s'ils le verbalisent pas mot pour mot.

— Sauf que t'y seras pas, toi.

— Certainement pas, je serai chez moi, à leur préparer des chocolats chauds. Choisis ton option, lui dit Remus avec un sourire, alors qu'ils approchaient des portes de l'hôtel, et que Sirius s'éloignait légèrement de lui.

— On va au sauna ! Sirius, va chercher tes affaires !

— Je vous retrouverai pour les chocolats, rigola Remus quand ils passèrent les portes de l'hôtel.

*

Remus avait passé son 31 décembre à pratiquer la piste de sauts, et à s'entraîner pour le concours, tâchant de perfectionner les tricks qu'il maîtrisait déjà, et d'améliorer ceux pour lesquels il n'était jamais satisfait. Jörgen l'avait rejoint en fin de journée, et l'avait aidé à mettre en lumière les endroits où sa technique lui faisait faux bon. Quand il manqua une réception pour une énième fois d'affilée, Remus déchaussa sa planche et retira son casque qu'il laissa retomber à côté de son sac à dos. Jörgen fouilla dans son propre sac et lui tendit une barre de céréales que Remus refusa en secouant la tête, avant de déposer sa main sur son genou douloureux.

— Remus, tu es trop dur avec toi-même. Mange, tu t'es épuisé.

Il se saisit de la de barre chocolaté, en remerciant Jörgen. Il était en effet ici depuis très longtemps, et n'avait pas réellement pris le temps de se poser. Il n'avait aucune idée de pourquoi réussir ses figures à la perfection lui tenait tant à cœur, ni même pourquoi, cette année, il avait envie d'obtenir un meilleur score que celles précédentes.

— Je me sens très nul, avoua-t-il.

— Il y a des jours plus durs que d'autres, mais tu es bien loin d'être nul. Rappelle-moi ton score de l'année dernière ?

— Tu veux parler du tiens ? questionna-t-il avec un sourire.

— Oh, j'avais déjà fait mieux, rigola Jörgen. Tâche de ne pas y penser, ce soir, et amuses-toi. Tu auras bien le temps de revenir pratiquer cette piste avant le concours.

Remus resta un moment à observer chacun des sauts qu'effectua Jörgen, tachant de noter ce qu'il se passait dans son corps et comment est-ce qu'il pouvait l'adapter à sa propre technique, en chassant la pensée que son corps était en trop mauvais état pour y arriver.

*

Quand il sortit de la douche, il tomba sur Marlène qui avait étalé sur son lit plusieurs de ses habits.

— Est-ce que je peux savoir ce que tu fais ici ? s'aventura-t-il à demander à Marlène qui portait une bouteille de bière à ses lèvres.

— Je choisis ta tenue, rétorqua-t-elle, il faut qu'on soit assortis.

— C'est une nouvelle tradition ? demanda-t-il en se servant un verre d'eau.

— Ça pourrait ! s'exclama beaucoup trop joyeusement Marlène à son goût.

*

La fête battait son plein et, peut-être pour la première année depuis longtemps, il n'y avait pas de temps mort dans la soirée. La musique diffusée était extrêmement bien choisie, passant un peu de tous les genres pour contenter chacun des participants qui se ruaient sur la piste de danse qui n'était jamais vide. Si Remus avait réussi à éviter d'y rester constamment, contraint par Marlène et sa poigne de fer, Sirius, lui, n'avait pas délogé l'endroit, toujours sous la boule à facette qui réfléchissait toutes ses lumières sur lui. A son gout, Remus passait beaucoup trop de temps à observer les pas de danse que Sirius effectuait, les rires qu'il échangeait, et les gens qu'il faisait parfois passer sous son bras.

— Fab ? demanda-t-il en s'inclinant vers lui.

— Hum ? répondit-il simplement en penchant la tête vers lui et en portant sa bière à ses lèvres.

— J'ai un problème.

— Faut aller tuer quelqu'un ?

— Non. Mais tu vas peut-être devoir m'assomer.

— Je t'écoute...lui dit-il en se tournant vers lui, lui donnant toute son attention.

— J'ai envie de lui retirer tous ses vêtements et de le traîner dans ma chambre, réussit Remus à avouer.

— Dans cet ordre là ?

— Pas spécialement.

— Et je peux savoir ce qui t'en empêche ?

— Bah ! s'exclama-t-il simplement en se présentant avec sa main.

Ce qui fit lever les yeux de Fabian au ciel et soupirer.

— J'ai besoin de te ressortir la lettre d'amour que je t'avais écrite quand on avait 15 ans ? Parce que t'es encore plus beau qu'à cette époque, Moony.

— Mais outre ça, regarde le !

— Ouais, et ?

— On est diamétralement opposés !

— Ok, donc c'est le moment où je deviens le meilleur ami direct et pas sympa : t'es chiant. Je t'aime, mais t'es chiant, Moony. Si tu ne fais pas un pas vers lui parce que tu manques de confiance, quelqu'un le fera à ta place.

— La moitié de la station, rétorqua Remus en marmonnant avant de prendre une gorgée de sa bière.

— La moitié de la station, acquiesça Fabian en déposant ses bras autour de ses épaules, et on veut pas ça, parce que t'es mieux qu'eux. Donc va lui parler, il est cool, Sirius.

C'était bien ça le problème, il était cool, Sirius, et Remus n'avait aucune idée de ce qu'il pouvait bien lui dire. Il semblait passer une bonne soirée, aux côtés de Ludovic et Axelle et de tous les autres saisonniers ou bien encore clients de la station. Les lumières faisaient briller davantage les paillettes qu'il avait dans les cheveux. Paillettes qui s'étaient retrouvées là parce que Marlène en avait allégrement laissé tomber dans son bonnet sans qu'il ne s'en rende compte, pour mener à bien sa première vengeance.

Il en avait joué, disant que les paillettes ne faisaient que réhausser sa beauté légendaire, et Remus devait bien avouer qu'il était entièrement d'accord avec lui. Quand Marlène se saisit de sa main pour l'entraîner au centre de la salle, il s'y laissa conduire, puis laissa Jörgen attraper sa main avant de le faire passer sous son bras puis le relâcher.

Le sol était poisseux sous ses pieds, l'endroit sentait la fumée, tout le monde se bousculait, les laser les éblouissaient parfois, mais entouré de ses amis, Remus réussissait à oublier les doutes de la journée quant au concours, la douleur de son corps, les pensées qui parfois étaient trop envahissante. « Ressens la musique ! » lui avait crié Marlène, alors il essayait. Jusqu'à ce qu'il sente une main sur sa taille et que, sans réfléchir, il déposa la sienne dessus tout en se tournant vers Sirius qui posa sa seconde main contre son torse alors que la musique changeait. Il sentit ses doigts agripper sa chemise alors qu'il se mettait sur la pointe des pieds et approcha ses lèvres de son oreille.

— Tu m'avais caché que t'avais un minimum de rythme.

— Tu ne m'as jamais demandé, lui répondit Remus.

— Quelle occasion manquée... souffla-t-il dans son oreille avant de déposer un rapide baiser contre sa joue puis s'éloigner de Remus pour prendre les mains des Marlène entre les siennes.

Bordel, de merde.

La salle autour de Remus se mit à tourner vite, beaucoup trop vite.

****

 

Chapter 15: Chocolat Chaud

Notes:

Attention, les trigger warning qui vont suivre, divulgâche des événements de ce chapitre...

*

TW : homophobie, violence, rapide description de fellation.
Prenez soin de vous, toujours.

Chapter Text

Ils sortirent du bar seulement quand le gérant répéta au micro pour la quatrième fois qu'ils devaient fermer l'établissement en raison du couvre feu en vigueur instauré.

Le froid saisissant contrastait avec la chaleur et la moiteur qu'il y avait à l'intérieur. La neige tombait et rafraîchissait les joues de Remus qui prit une grande inspiration. Enfin, il avait l'impression de respirer correctement. Devant lui, Marlène et Sirius, bras dessus bras dessous rigolaient tellement fort, que Remus était persuadé qu'un vacancier n'allait pas tarder à leur lancer un seau d'eau depuis la fenêtre de leur chambre, comme il leur était déjà arrivé quelques années auparavant. Cette fois-ci, le seau qu'ils reçurent furent les insultes flambantes et foudroyantes d'un pauvre gars éméché qui devait attendre que son groupe d'amis sortent du bar. Remus se souvenait brièvement l'avoir croisé à l'intérieur. Si Marlène continua son chemin comme si de rien n'était, Sirius, lui, crut bon de répondre « C'est pour ça que tu m'as sifflé, plus tôt », en accompagnant ses mots d'un clin d'œil et lui envoyant un baiser. L'interaction aurait pu s'arrêter là, seulement malgré la quantité d'alcool ingurgitée et qui se lisait sur son visage rougi, le gars trouva intelligent de répondre.

— Sale pédé de merde.

— Mais ferme ta grande gueule ! répondit Marlène, alors que Sirius mettait un bras devant elle avant de la faire reculer pour s'avancer devant le gars qui s'approchait d'eux.

— Fais-moi le plaisir de répéter ce que tu viens de dire en face, you cunt.

Remus eut à peine le temps de sentir les doigts de Fabian autour de son épaule qu'il s'avança, ayant déjà anticipé ce qui était sur le point de se produire. Il arriva à hauteur d'eux quand le poing du gars s'écrasa contre la joue de Sirius qui n'eut pas le temps de rétorquer, se faisant décaler par Remus qui déposa sa main autour de la gorge du type en le faisant reculer jusqu'à heurter un lampadaire.

— Essaie de poser une nouvelle fois ta main sur lui, réussit-il à articuler en soutenant le regard du type qui tentait de se débattre, mais dont l'alcool avait rendu ses mouvements anarchiques.

Il ne le lâcha que lorsqu'il sentit la main de Fabian contre son bras. Main qui alla s'écraser contre le visage du type, donc l'écho de la tête cognant contre le lampadaire résonna dans la tête de Remus comme un vilain souvenir.

— Tu m'as fait le lâcher pour ça ? demanda-t-il alors que Fabian déposait son bras contre sa taille et le ramenait en direction de Marlène et Sirius.

— Ouais, rigola faiblement Fabian. D'habitude c'est toi qui termine les bastons, mais je n'ai vraiment pas aimé comment il t'a regardé.

Quand ils arrivèrent près de Sirius, Remus déposa sa main contre sa mâchoire pour lui faire pivoter doucement la tête et observer l'étendue des dégâts. Une entaille était venue écorcher sa pommette qui, plus tôt, brillaient de paillettes, et non de sang.

— Ça va, lui dit, Sirius avec une ébauche de sourire. J'ai connu bien pire. Je suis juste déçu que tu ne m'aies pas laissé lui faire bouffer le sol, ajouta-t-il avec un clin d'œil qui n'eut pas le mérite de faire briller ses yeux.

Remus le fixa un moment, puis caressa doucement sa joue avant de lâcher et d'enfoncer ses mains dans les poches de sa veste. Sa tête tournait, son cœur battait trop fort, des souvenirs ressurgissaient. Marlène glissa son bras dans le sien et se blottit contre lui pour tout le reste du trajet, jusqu'à sa chambre.

 

Sa douche lui donna l'impression que les souvenirs et le malaise s'effaçaient de sa tête à mesure que l'eau s'écoulait sur lui. Le savon lui donnait l'impression de laver la honte et la colère qui, finalement, était toujours bien présente. Ressurgissant après toutes ces années, alors qu'il pensait avoir oublié.

Il entendit cogner contre sa porte alors qu'il comptait faire chauffer une casserole d'eau pour remplir un thermos de thé et partir s'échapper sur la terrasse, dans l'espoir que la nuit viennent chasser pensées et angoisse. En ouvrant la porte, il tomba sur Sirius, visage nettoyé, cheveux humides qui gouttaient sur ses épaules.

— Ça va ? demanda stupidement Remus, en sachant très bien que non, ça ne pouvait pas bien aller.

— Oui, lui répondit Sirius avec un sourire. Je viens juste te remercier, pour plus tôt. J'y ai pas vraiment pensé, sur le moment.

— Je n'aurais sûrement pas dû m'interposer, mais je n'ai pas réussi à faire autrement.

— Oh, je sais que je m'en serai bien sorti sans toi, rigola-t-il. Mais quand même, merci d'être intervenu.

— Tu veux aller prendre un thé ? demanda Remus, n'ayant aucune idée de ce qu'il était usage de répondre dans cette situation.

— Un chocolat, plutôt ?

— Va pour un chocolat, lui sourit Remus en se décalant de sa porte d'entrée. On peut le prendre ici, si tu veux.

— Ai-je gagné l'honneur de l'accès à ton antre ?

Remus rigola en se dirigeant vers sa cuisine.

— Il fallait juste venir taper, et tu l'aurais eu avant. Ce n'est pas un endroit préservé.

— Ça en a tout l'air, répondit Sirius avec un sourire en fermant la porte derrière lui. Je vois une tête blonde et une tête rousse en sortir, parfois. Deux têtes blondes, pour être plus exact, reprit-il en s'approchant de la fenêtre alors que Remus ouvrit son placard pour y sortir une casserole.

Jörgen, était en effet venu ici il n'y a pas si longtemps que ça.

— Combien de têtes de différentes couleurs sont-elles entrées et sorties de la tienne ?

— Pas mal. La tienne aussi, d'ailleurs. Une fois, et c'était peut-être la visite la plus plaisante. Pas spécialement la situation, mais la compagnie.

Remus regarda par-dessus son épaule, en direction de Sirius qui était en train d'observer la station par sa fenêtre.

— Je peux te demander quelque chose ? demanda-t-il en se retournant.

— Jörgen ? commença Remus en se tournant de nouveau. On a plus ou moins été ensemble pendant deux ans. Enfin, non. On était ensemble quand on était ici. Ce qui se passait quand on rentrait chez nous n'empiétait pas sur ce qu'on était. On s'est séparés officiellement l'année dernière. Je l'ai quitté. Pour être honnête. Parce qu'il faut que j'apprenne à dire les faits plutôt que de tourner autour du pot. Il m'a proposé quelque chose que je n'ai pas su accepter, parce que les sentiments que j'avais pour lui avaient beau être forts, ce n'étaient pas de l'amour. Et pour les cicatrices, je me suis fait agresser. Pour la même raison que toi ce soir. Ça s'est juste terminé différemment, j'aurais pu y rester. Mais si on peut éviter ce sujet ce soir, je t'avoue que ça m'arrangerait.

Il avait parlé tout en sortant mécaniquement ses ingrédients. En cassant les carreaux de chocolat pour occuper ses mains et détourner l'attention de son cerveau et son anxiété, et de ses battements de cœur. Il avait trop parlé. Il le savait mais... ça faisait du bien, de vider son sac, de poser des mots sur ce qui avait tendance à le déborder.

— Je n'en demandais pas autant, entendit-il Sirius répondre dans son dos, un sourire dans la voix. Mais, merci. Je peux regarder comment tu fais ou c'est secret défense ?

— Ça dépend ? Tu comptes utiliser la recette à des fins machiavéliques ?

— Soigner mes insomnies, soulager mon âme, flirter avec l'interdit ?

Remus esquissa un sourire alors que Sirius approchait.

— Je mets de la vanille dans mon lait d'avoine. Rien de bien exceptionnel mais je trouve que ça apporte un petit quelque chose.

Il sortit une gousse de vanille d'un pot en verre, puis découpa la vanille en deux. Il racla la peau et fit tomber quelques morceaux dans son lait. Il gratta de la pointe de son couteau le reste de la vanille avant de le tendre à Sirius.

— Elle vient de Polynésie.

Sirius, ses yeux plantés dans les siens, déposa son index sur le couteau avant de le porter à sa bouche. 

— C'est un peu du gâchis de la mélanger à un chocolat chaud, si tu veux mon avis, lui répondit-il après avoir avalé les petits morceaux de vanille.

— On est d'accord, acquiesça Remus en remuant son lait. C'est pour ça que je ne l'utilise pas tout le temps.

— Occasion spéciale ?

Remus avant le don, de se mettre dans des situations qu'il aurait mieux préféré éviter.

— Si on veut, éluda-t-il.

— Tu mets de la cannelle ? questionna Sirius en se saisissant du bâton que Remus avait déposé sur le plan de travail.

— Peu, répondit-il en ayant l'impression que la pièce rapetissait lentement autour d'eux.

— Tu la râpes ?

— Généralement je dépose le bâton directement dans le lait pour le laisser infuser.

— Je peux ? Ou tu as une recette et technique bien précises auxquelles il ne faut pas déroger ?

— Amuses-toi, Sirius Black, lui répondit-il en ouvrant un de ses tiroirs pour en sortir une râpe qu'il glissa sur le comptoir en direction de Sirius, tout en se décalant légèrement pour lui laisser plus de place.

— Mon amie Lily met de la cannelle dans presque tout ce qu'elle fait. Plus jeune, je lui disais que je détestais ça. Juste pour l'entendre râler, parce qu'en réalité, j'adore cette épice. Pour l'un de ses anniversaires, j'avais glissé des bâtons de cannelle dans le bouquet de fleurs que je lui avais offert.

— C'est une chouette idée.

— Il m'arrive de pas tout faire de travers.

Leurs bras se frôlèrent quand Sirius rapait des morceaux de cannelle et que Remus remuait le chocolat qui était en train de fondre au bain marie. Ils entrèrent clairement en contact quand Sirius déposa la cannelle dans la casserole. Il aurait pu se décaler, ensuite. Remus aussi, d'ailleurs, mais ils restèrent là. Jusqu'à ce que les doigts de Sirius rencontrent ceux de Remus et jouent doucement avec, puis montent jusqu'à son poignet. Parce que la pièce lui donnait l'impression d'être microscopique, et qu'il avait l'impression d'avoir perdu toute notion de bon sens, Remus pivota vers Sirius, et coinça la mèche de cheveux qui cachait l'un de ses yeux derrière son oreille.

Gris. Ils étaient gris, ses yeux. Avec des taches de bleu clair ou plus foncé par endroit. Il décelait enfin leur couleur, ici, dans sa cuisine, sous la lumière tamisée de son lustre.

— J'crois qu'il va falloir que tu coupes le feu, Remus, lança doucement Sirius alors que ses doigts traçaient des lignes sur son avant bras.

Sans réfléchir une seule seconde, Remus s'exécuta : il coupa le feu et changea la casserole de place. Puis il attrapa les doigts de Sirius dans les siens et glissa sa seconde main contre l'arrière de sa nuque, doucement, en enroulant une mèche de ses cheveux autour de son index.

— Tu vas m'embrasser ?

— C'est ce que tu veux ? questionna Remus en se perdant dans les yeux de Sirius.

— Carrément.

Alors, il l'embrassa. Sans perdre une seconde. Sa main glissa complètement dans ses cheveux et ses doigts s'y emmêlèrent, ses lèvres rencontrèrent les siennes, Sirius glissa une main sous son t-shirt et le fit reculer.

C'était bon, cette sensation de ne plus rien contrôler, de juste ressentir. Sa langue contre la sienne, sa main contre sa peau, ses cheveux autour de ses doigts. Il se heurta à son lit et s'y assis, Sirius s'installant sur ses genoux, mains contre sa nuque, hanches contre les siennes, lèvres emprisonnant les siennes. Ils ne se séparèrent que lorsque Sirius fit passer le pull de Remus au-dessus de sa tête. Tout était précipité, allait trop vite, mais, ciel, que le contact de ses mains contre sa peau était bon. Remus retira le t-shirt de Sirius, puis glissa une main sous ses fesses pour le soulever alors qu'il se redresser brièvement pour mieux s'installer sur le lit. Il se retrouva au-dessus de lui, à embrasser son cou, et à descendre le long de son corps, aidé par la main de Sirius dans ses cheveux. Il embrassa sa clavicule, son sternum, coula le long de son ventre, se heurta à un anneau à son nombril, se rappela qu'il venait d'ignorer ceux à ses tétons, embrassa son bas ventre en attrapant son jogging que Sirius l'aida à retirer.

— J'ai des cicatrices, l'entendît-il dire alors qu'il embrassait ses mollets et remontait vers ses cuisses.

— Moi aussi, s'entendit-il répondre alors qu'il embrassa la première qu'il rencontra à l'intérieur de sa cuisse.

Il embrassa la seconde, puis toutes celles sur son passage.

— Oui, mais... oh ok, l'entendit-il soupirer alors que Remus déposait une main sous ses testicules, l'autre autour de son penis, et que sa bouche le déposa autour de lui. J'me tais et... profite, tenta-t-il de reprendre alors que Remus commença un premier vas et viens. Bordel, Remus, soupira-t-il.

Remus tâchait, lui, de se concentrer sur ce qu'il était en train de faire, ou plutôt sur ce qu'il faisait ressentir. Tout allait bien, tout était bien, il avait Sirius dans son lit, sous lui, dans sa bouche, comme il l'avait tant de fois imaginé, mais ses pensées commençaient à valdinguer ailleurs. Parce qu'il avait peur. De ne pas être à la hauteur, qu'il ne soit là que parce que les émotions de ce soir étaient exacerbées, juste parce qu'il avait besoin d'une distraction. Il essaya de se recentrer en se concentrant sur les soupirs de Sirius, de sa main dans ses cheveux, mais c'était plus fort que lui, apparemment. Il n'y arrivait pas. Pas entièrement. Les pensées jaillissaient de tout sens.

— Hé... doucement, lança la voix de Sirius en coinçant ses doigts dans ses cheveux, lui faisant lever la tête. Viens là, ajouta-t-il en le tirant doucement vers lui. Il se passe quoi là dedans ? demanda-t-il en tapotant la tempe de Remus lorsque son visage arriva au niveau du sien.

— Rien, répondit-il rapidement.

Sirius rigola doucement en glissant ses doigts dans les cheveux de Remus, arrangeant la mèche qui lui tombait souvent sur le front.

— J'vois bien que si. Donc on va parler.

— Pas maintenant, non, répondit Remus en tentant de glisser le long du corps de Sirius qui le retint. 

— Ah si, maintenant Remus. Parce que j'ai pensé à ta bouche autour de ma queue pendant beaucoup trop longtemps, et dans mes pensées, c'était quand même plus magique que ça. Parce que le moment où t'as posé ta bouche sur moi c'était incroyable. Là je suis persuadé que c'est parce qu'il y a un truc qui t'emmerdes, et si pour une quelconque raison t'es pas à 100% présent avec moi, j'arriverai pas à être à 100% avec toi, et ça m'intéresse pas. Donc, avant d'avoir de nouveau ma bite dans ta bouche : il se passe quoi ? C'est ce qui s'est passé ce soir ?  J'ai fait un truc de travers ?

— Pourquoi tu aurais fait un truc de travers ? interrogea-t-il vraiment, alors que clairement rien ne clochait avec Sirius et que la seule chose qui allait de travers était son cerveau qui ne savait pas se mettre en pause et qui le faisait douter en permanence.

— J'sais pas, c'est dans ma nature.

— Tu n'as rien fait de travers, je suis peut-être juste décevant, tu sais.

— J'crois pas non. Je crois par contre qu'il y a un sérieux problème de confiance à régler, Remus, dit-il en esquissant un sourire et en appuyant sur son torse pour le faire basculer sur le dos.

Remus se laissa faire et plaça simplement ses mains sur les cuisses de Sirius quand il s'installa sur lui.

— Je ne pensais pas que tu étais du genre à vouloir parler.

Lui oui pourtant, d'habitude. Il était celui qui faisait en sorte que l'autre se sente bien, qu'ils soient connectés. Il ne se précipitait pas, jamais. Et là... il venait de tout faire foirer.

— Seulement quand je pense que ça vaut le coup. Et toi, Remus, je pense que tu vaux sacrément le coup. Alors dis-moi... commença-t-il en s'inclinant et en déposant un baiser contre sa joue. Doux. Bien plus doux que les baisers qu'ils venaient d'échanger avant de se retrouver sur son lit. Il se passe quoi dans ta tête ?

Il déposa un autre baiser contre sa tempe, et Remus glissa ses mains le long de ses cuisses pour attraper ses hanches.

— Rien.

Sirius rigola et embrassa son front, puis sa seconde tempe.

— Ok... souffla-t-il en embrassant sa joue, puis sa mâchoire. C'est moi qui suis censé parler ?

— C'est toi qui as envie de parler.

— Parce que j'ai envie que tu sois avec moi et pas ailleurs, dit-il en glissant contre lui et embrassant son cou. Tu vois, Remus, l'idée qu'autre chose que moi s'immisce entre nous deux, là, ça me contrarie.

— Et moi je me demande comment c'est possible que tu te retrouves dans mon lit.

Donc c'était sortit. Facilement. Peut-être un peu sèchement. Mais c'était foncièrement ce qu'il se demandait. Ce que Sirius pouvait bien lui trouver, à lui, quand l'entièreté de la station avait les yeux rivés sur lui. Alors il avait un peu peur. Qu'il se joue de lui, parce que Remus, lui, ne savait pas jouer. Pas vraiment. Le chemin contre son cou et sa mâchoire que Sirius traçait venait de s'arrêter, et son visage se tourna vers lui, ses yeux étaient perçants. Il glissa une main contre son cou, la plaçant à l'arrière de sa nuque, coinçant ses doigts entre ses cheveux, ce qui empêcha Remus de détourner son regard.

— C'est vraiment ça qui te fait te mettre à huit mille kilomètres de moi ?

— Théoriquement, on est à peine à quelques centimètres...

— Tu me plais, coupa Sirius. Voilà pourquoi t'es là à « quelques centimètres ». Pas juste ce soir, parce que t'as pris ma défense. Pas juste parce que j'ai besoin d'un quelconque réconfort. Pour ça, j'vais taper chez quelqu'un d'autre. Tu me plais tout le temps, Remus. Toi. Pas l'idée que tu me prennes toute une nuit. Juste, toi et ta compagnie.

— Tout le monde te plait, Sirius, non ?

— Nan. Ça c'est ce que je laisse entendre. Si tu me plaisais pas vraiment, j'me foutrais que tu sois occupé à penser à autre chose pendant que tu me suces, Remus.

Il resserra doucement sa main dans ses cheveux et inclina légèrement la tête de Remus avant d'approcher ses lèvres des siennes. Remus glissa ses mains le long de son flanc, puis coinça également une main dans les cheveux de Sirius. Ils sentaient le santal, cette odeur qui lui fait papillonner le cœur à chaque fois qu'il passait à côté de lui.

— Tu m'impressionnes un peu, avoua-t-il dans un murmure.

— Ah oui? répondit Sirius en approchant ses lèvres davantage des siennes sans pour autant les toucher.

— Oui, et j'ai peur de ne pas faire le poids.

— Face à quoi ?

— Tout, répondit-il, alors que  «Tous» était la réponse qu'il aurait du dire.

— Et pourtant, Remus... Le monde arrête de tourner quand tu entres dans une pièce. Alors, on laisse les doutes de côté pour un moment, et on se concentre sur ce qui se passe, là, entre toi et moi, parce que je veux être nulle part ailleurs. Ok ?

— Ok, souffla-t-il avant de déposer ses lèvres contre les siennes.

*

Il déposait des baisers dans le cou de Sirius tout en tâchant de récupérer un rythme cardiaque normal, tandis que le cœur de Sirius battait contre sa main, et que ses doigts traçaient des lignes sur son bras.

Quand il pivota pour se tourner face à lui, Remus crut que Sirius allait lui dire qu'il s'en allait, là, tout de suite. A la place, il l'embrassa, puis de son index, caressa les contours de son visage.

— Ta cicatrice au genou, elle vient d'où ? demanda-t-il alors que son doigt effleurait son nez.

— Mauvaise chute en skateboard, lui répondit Remus en se perdant dans ses yeux, alors que son index traçait exactement le chemin de la cicatrice sur son visage. Celle à la hanche vient de là, aussi. J'ai été opéré.

— Et celle près de tes côtes ?

— Du même endroit que celle de mon visage, répondit-il seulement, tandis que l'index de Sirius effleurait ses lèvres.

— T'es beau, Remus. Il laissa son index contre ses lèvres et le pressa dessus légèrement quand Remus voulu répondre. Ça demande pas de réponse. T'es beau, c'est un fait. Il passa ensuite son index au coin de son œil et esquissa un sourire. T'as des paillettes partout, tu vas avoir du mal à t'en débarrasser, désolé.

— Ce n'est pas grave, répondit-il alors qu'il fixait justement la paillette qui s'était déposée sur l'un des cils de Sirius. 

Marlène devait être satisfaite d'elle, il allait conserver les vestiges de cette vengeance pendant un bon moment. Pour le plus beau plaisir de Remus, qui trouvait que ces paillettes argentées le rendait encore plus irréel que ce qu'il n'était.

Quand Sirius se redressa, Remus se dit que c'était le moment où il allait partir, et emporter avec lui un petit bout de sa confiance. A la place, il attrapa la couette qu'ils avaient poussée de leur chemin plus tôt et la ramena sur eux avant de glisser une main dans ses cheveux, puis de tourner la tête vers Remus.

— J'pourrais squatter ta douche ?

— Evidemment.

— Et te voler un pull ?

— Pourquoi ? Ton t-shirt era's tour ne te convient plus ? demanda-t-il avec un sourire.

— Si. Mais j'ai froid., répondit-il en baillant.

Remus se rapprocha de Sirius, enroula ses bras autour de lui, et Sirius agrippa son cou.

— Me dit pas que tu fais est en train de faire une mission McKinnon pour aller me foutre dans ta douche.

— Si, rigola-t-il en réussissant à s'extirper ainsi que Sirius de la couette.

Sirius qui marmonna des mots indescriptibles contre son cou.

— Tu viens avec moi, au moins ?

— C'est le but, répondit-il en mettant les pieds sur le parquet.

— Chope les capotes.

Ça, Remus le distingua parfaitement, entre les baisers que Sirius déposait contre son cou.

*

Ils furent tous les deux réveillés par la sonnerie du téléphone de Remus. Ce fut d'abord le tintement d'un sms. Puis d'un deuxième, puis d'un appel.

— Fab' ? articula-t-il.

— T'as vu le message d'Alastor ? répondit en retour la voix tout aussi endormie de Fabian.

Remus se frotta les yeux en éloignant son téléphone de son oreille pour observer ses messages. « Briefing à 7h30. Pour tout le monde. Ne soyez pas en retard »

— Génial... marmonna Remus en reportant son téléphone à son oreille après avoir regardé l'heure.

Il était 6 heures 30, et le message avait été envoyé à 6 heures précises.

— On va se faire jeter.

— On va se faire jeter, répéta Remus alors qu'il sentit les doigts de Sirius glisser dans ses cheveux.

— À tout', Moony.

— Sois pas en retard, dit-il avant de raccrocher et de laisser tomber son téléphone sur le lit.

*

Ils sortirent de la chambre de Remus et, avant d'entrer dans la salle commune, Sirius attrapa brièvement la main de Remus et serra ses doigts avant de partir dans un coin de la salle qui était déjà bien rempli.

Remus distingua Fabian et partit se tenir à côté de lui.

— T'as des paillettes, là, lui dit Fabian et posant son pouce sur sa joue pour tenter de lui retirer.

Remus tenta de frotter sa joue en sachant que c'était une peine perdue.

Il était rare qu'Alastor convoque un briefing matinal avec tous les saisonniers. Très très rare. La dernière fois, l'un d'eux s'était fait renvoyer. Celle d'avant, Remus n'y avait pas assisté, bloqué dans un lit d'hôpital.

Alastor entra dans la salle sans un bonjour, et tout le monde s'éloigna sur son passage, lui laissant un chemin nécessaire pour aller se tenir devant le tableau des affectations. Il se saisit de l'éponge et effaça le programme de la journée devant plusieurs noms. Le sien en faisait partie. Quand il se retourna, il scanna la pièce de ses yeux qui semblaient être capables de tout voir.

— Lupin !

S'il était rare qu'Alastor fasse un briefing de bonne heure, il était encore plus rare qu'il appelle Remus par son nom de famille. Ça n'arrivait pour ainsi dire jamais. La seule fois où c'était arrivé, Remus s'en souvenait encore.

Appuyé contre l'îlot de la cuisine, bras croisés contre son torse, il hocha le menton dans la direction d'Alastor. Il se doutait de ce qui allait suivre.

— Je peux savoir pourquoi j'ai reçu une plainte à ton nom ?

Toutes les têtes se tournèrent vers lui, et il se força à laisser ses yeux rivés dans ceux d'Alastor quand il prit la parole.

— Parce que les mots « sale pédé » suivis d'un uppercut ne devraient jamais être prononcés et tolérés.

— Jusque là, on est d'accord. Mais est-ce que ça mérite une strangulation ?

— Il respire toujours, non ?

Il faisait en sorte de respirer calmement, de ne pas paniquer, de ne pas s'emporter. Parce que lui, des années plus tôt, ne respirait plus.

— J'te préviens, Moony, je repasse pas une semaine à faire des allez retours l'hôpital parce que l'un d'entre vous...

— Personne n'a fini à l'hôpital, coupa Fabian pour le plus grand bonheur de Remus, qui commençait à sentir salle tourner autour de lui. 

— Prewett, j'suis aussi au courant que le nez du type a pissé le sang par ta faute.

— Moony l'a dit, répondit-il en haussant les épaules, il respire toujours.

— Si j'peux me permettre, lança la voix la Sirius vers qui toutes les têtes se portèrent finalement. C'est moi qui ai foutu la merde, pas eux. J'aurais largement pu l'ignorer et ne pas le provoquer. J'ai pas choisi cette option. Donc, j'suis le plus à blâmer dans cette histoire. Ils m'ont juste soutenu.

— Tu parlais d'entraide le premier jour, renchérit Fabian.

— C'est ce qu'on a fait, ajouta Remus.

— Donc si jamais il doit y avoir des répercussions, j'endosse la responsabilité.

— Non, répondirent Fabian et Remus d'une même voix, tournant tous les deux la tête vers Sirius.

— Vous faites chier. Tous les trois.

— On sait, répondirent une nouvelle fois Remus et Fabian.

Alastor soupira puis entama un discours sur la violence et tout un tas de conneries que Remus décida de ne pas écouter, trop occupé à mâchouiller l'intérieur de ses joues et d'essayer de respirer correctement. Il écouta cependant sa nouvelle affectation de la journée et s'apprêta à partir de la pièce. C'était sans compter sur l'intervention d'Alastor.

— Remus, viens-là.

Fabian lui serra l'épaule et lui souffla « je t'attend ».

— J'ai entendu ce que tu as dit, lança-t-il pour devancer Alastor en s'approchant de lui. J'ai su lire entre les lignes, aussi. Tu comprends, mais tu te dois de me dire que ce que j'ai fait n'était pas approprié. Je le sais. Je ne m'excuserai pas pour autant.

— J'm'en fou de ce type, il mériterait de se perdre en haut d'une montagne. Je veux savoir si toi ça va.

— Ça va.

— Moony...

— Ça va. J'ai eu un vilain flashback, et il était hors de question que quelqu'un subisse la même chose que moi. C'était impulsif, et ça aurait pu vraiment mal tourner, j'en suis conscient.

— Tu veux...

— Non, je ne veux pas en discuter. Je veux sortir prendre l'air et aller travailler. 

— Ok, mon grand, dit-il en déposant sa main sur son bras.

Remus esquissa un sourire et lui lança un « merci » avant de se retourner pour sortir de la salle.

— J'ai peut être téléphoné à ta mère.

— Tu te fou de moi ? se retourna-t-il brusquement.

— On ne s'est pas appelé pour ça, j'ai laissé glissé et...

— Et donc elle débarque dans deux jours prête à retrouver le gars pour l'étrangler elle-même ?

— Ouais... j'ai pas réfléchis. Je me suis inquiété, Moony.

— Et là c'est elle qui va s'inquiéter. Pour rien. Tout le monde va bien, soupira-t-il. 

— Tu vas tellement te faire défoncer, Alastor, lança Fabian en passant la tête par la porte.

— Fabian, je t'ai déjà dit de ne pas écouter aux portes !

— Ça concerne ma mère, à moi aussi, j'écoute.

— Allez travailler, tous les deux, se résigna Alastor en soupirant.

Une fois dans l'ascenseur, Remus s'occupait à fixer les chiffres qui défilaient, afin de calmer les pensées qui s'entrechoquaient dans sa tête.

— Je te demande si ça va, on en parle plus tard, ou en parle pas du tout ?

— On en parlera plus tard.

— Noté. On se fait une bière ce soir.

Remus hocha la tête et passa les portes de l'ascenseur quand une main se déposa sur son bras. Il tomba dans les yeux de Sirius. Personne n'était autour de lui. Il les avait attendu.

— Hé...dit-il doucement. Je t'ai mis dans la merde ?

— Pas du tout, lui assura-t-il. Il s'est mis dans la merde tout seul en appelant ma mère.

— Vraiment ? rigola Sirius alors qu'ils prenaient la direction de leur boutiques respectives, et Fabian celle de sa sortie avec des enfants. Leur punition, à tous les trois.

— Oh oui, rétorqua Fabian. Bonne journée et bon courage les gars. À ce soir, ajouta- t-il en traînant des pieds vers le local de matériel.

— Tu t'en rendras compte quand elle sera là.

— Je t'ai pas entendu dire qu'ils seraient là pour la compétition ?

— Si. Mais je lui donne cinq jours pour débarquer.


****

 

Chapter 16: Famille

Chapter Text

Remus ne s'était pas trompé. Cinq jours plus tard, en rentrant de son cours de snow, devant l'hôtel dans lequel il résidait il aperçu Alastor se faire crier dessus par une femme plus petite que lui, mais tout autant coriace. Adossé contre le mur de l'hôtel, bras croisés tenant un sac de course, se retenant de sourire : son père.

 

Remus aurait pu s'approcher. À l'instant où sa mère aurait posé les yeux sur lui, elle aurait abandonné Alastor et il aurait trouvé une porte de sortie. Mais... non. Juste comme ça, il attendit. À distance. Parce que c'était toujours rare de la voir s'énerver. Ilaria vint lui tenir compagnie un moment puis lui souffla « j'ai hâte de les voir en haut, c'est toujours chouette de les avoir ». 

 

Quand Alastor passa pour la troisième fois sa main contre sa nuque, que sa mère venait de dire trop fort « ta station merdique avec des connards d'homophobes » et qu'il vit Sirius approcher, il s'avança finalement. Ils n'avaient fait que se croiser, tous les deux, ces derniers jours. Comme si le sort voulait que la nuit qu'ils avaient passée ensemble soit la seule et l'unique. À chaque fois, cependant, Sirius touchait discrètement son épaule ou ses doigts quand ils arrivaient à se voir plus de deux minutes. 

 

— Hope Howell, tu es en avance, dit-il en montant sur le parvis en bois devant l'hôtel.

 

Sa mère tourna vivement la tête vers lui et s'approcha rapidement, déposant ses mains de part et d'autre de son visage et lui faisant pivoter la tête. 

 

— Y en a pas de nouvelles, lui dit-il avec un sourire. 

 

— Je ne sais pas si je suis fière de toi ou si je te trouve stupide. 

 

— Un peu des deux, ça peut être un bon équilibre, répondit-il. J'ai été stupide, avoua-t-il devant son regard.

 

— S'il t'était arrivé quoi que ce soit, Moony... j'aurais mis cette station sans dessus-dessous. 

 

— Ce n'est pas déjà ce que tu fais ? sonna la voix d'Alastor. 

 

— Tu n'as qu'à trier les gens que tu fais rentrer ici !! dit-elle en lâchant Remus et se retournant vers Alastor. 

 

Remus en profita pour aller serrer son père dans ses bras, laissant Alastor et sa mère argumenter pour une énième fois. Il ne servait à rien de s'interposer, il avait appris cela il y a bien longtemps. 

 

— Tu n'as pas une entreprise dont tu dois t'occuper, plutôt que de me dire comment gérer la mienne ?

 

— C'est ma clinique, je fais bien ce que je veux. 

 

— Et toi, d'ailleurs ? demanda Remus à son père qui déposa son bras autour de ses épaules. 

 

— Je me suis débrouillé, lui répondit-il.

 

— Oh ! Mes parents de substitution ! J'ai rien, pas une égratignure, devança Fabian quand Hope s'approcha de lui. Tu devrais voir la tronche de l'autre. 

 

— J'aimerais bien, dit-elle en le prenant dans ses bras. Bon... on va faire du chocolat ? Tu n'es pas invité, Alastor. 

 

— Tu n'abuses pas un peu ? lui demanda Remus. 

 

— Peut-être. Mais il aura la plus petite tasse. La moche blanche qu'il laisse traîner depuis des années, pour la peine, concéda-t-elle finalement en passant son bras sous celui de Remus. 

 

—Je vais chercher mon chien, marmonna Alastor. 

 

— Bon... il en valait le coup au moins ? 

 

— Maman... 

 

— Fais-toi ton propre jugement, il nous retient l'ascenseur, répondit Fabian.

 

— Ah oui. Il en vaut le coup. 

 

— Hé ! Ce n'est pas celui qui m'a appelé daddy ? 

 

— Ne me rappelle pas cette histoire. 

 

— Bonsoir ! lança Sirius avec un sourire à faire pâlir la grande faucheuse. 

 

Remus passa le trajet dans l'ascenseur collé contre la paroi, espérant disparaître.. Son père et Sirius ayant eu la bonne idée de flirter sous les rires bien trop forts de sa mère.

 

— Ravi de te voir au-delà d'un écran !

 

— Vous êtes encore plus charmant en vrai, crut bon de rétorquer Sirius. Et vous, n'en parlons même pas ! Les boucles de vos cheveux sont naturelles ?

 

Remus eut le malheur de jeter un regard à Fabian, occupé à le scruter avec un sourire lourd de sens. Pendant ce temps, sa mère déposait sa main sur le bras de Sirius comme si elle le connaissait depuis des années.

 

Arrivés à leur étage, Remus s'extirpa de l'ascenseur et marcha à grandes enjambées vers la salle commune. Il ouvrit les placards pour en sortir le plus de tasses possible et la plus grosse casserole. Chaque fois que ses parents venaient, sa mère préparait un chocolat chaud. En une quantité si conséquente, qu'elle aurait pu en servir la station entière. 

 

Alastor n'avait pas tardé à les rejoindre et la bonne ambiance s'était imprégnée de la salle commune. Remus s'était fait attraper la manche de son pull par Kuna qui l'avait traîné jusqu'au fauteuil sur lequel il avait l'habitude de s'installer. Le message était clair, s'il ne s'asseyait pas ici, Kuna risquait de détruire ce fauteuil. Aussitôt assis, le malamut grimpa sur les jambes de Remus et mit une éternité à s'installer sur lui.

 

— Ils sont supers chouettes, lança Sirius en s'installant à la place qu'occupait précédemment Ludovic en face de Remus.

 

Il lança un coup d'œil vers ses parents, au moment où son père déposait de la chantilly sur le nez de sa mère qui riait, avant qu'ils ne se tournent tous les deux vers Marlène qui venaient de s'asseoir sur le comptoir, saisissant une tasse de chocolat chaud entre ses mains, prête à les monopoliser jusqu'à ce qu'ils s'en aillent. Comme à chaque fois. 

 

— Je suis tombé entre de très bonnes mains, oui. Tu as goûté le chocolat ? lui demanda-t-il en pointant un index vers la tasse que Sirius tenait entre ses mains avant de tirer doucement l'une des oreilles de Kuna qui scrutait Sirius. 

 

— Il est meilleur que le tien. 

 

— Tu ne l'as même pas goûté, tu m'as fait couper le feu, répondit-il avec un sourire. 

 

— Meilleure décision de tous les temps, rétorqua-t-il avec un clin d'œil. Ta mère semblait dire que Fabian avait passé beaucoup de temps chez vous ? 

 

— Oui ? 

 

— Rétention d'informations, ok, je vois, rigola Sirius. 

 

— Ce n'est pas à moi de te parler de cette partie de la vie de Fab', lui répondit doucement Remus avec un sourire, en espérant que cela adoucisse ses propos. 

 

— T'es un bon ami, Remus Lupin. 

 

— J'essaie. 

 

Sirius lui sourit puis lança un regard là où les parents de Remus, Marlène et Fabian se tenaient, dans la cuisine, à remplir des tasses de chocolat chaud et à les tendre à ceux qui en voulaient. 

 

— Je suis parti de chez moi à 15 ans, parce que c'était la merde. Puis j'ai vécu chez James, et j'ai compris ce que c'était qu'une vraie famille. Fleamont et Euphemia m'ont accueilli comme si j'avais toujours fait partie de leur vie. La première nuit, je ne savais pas où aller. Il était tard, très tard, en fait. Et j'ai juste squatté leur garage par lequel je savais comment entrer. Fleamont m'a trouvé le matin, et je suis plus jamais reparti. Tes parents attendaient un gamin à 15 ans, moi je fuyais ma baraque, dit-il avec un léger rictus, en posant finalement son regard vers lui. Reggie est parti quelques mois plus tard et est venu toquer à la porte des Potter. Le garage nous a été aménagé pour tous les trois... quand je vois tes parents là- bas avec Marls' et Fabian, ils me font penser à ceux de James. 

 

— Je suis désolé Sirius.

 

— Le sois pas ! Ça a fait de moi la personne absolument flamboyante que je suis aujourd'hui, rigola-t-il avec un clin d'œil. J'ai pas cherché à t'éviter, au cas où. 

 

— Je n'ai pas pensé que c'était le cas. On a tous les deux été plutôt occupés. 

 

— Tu as espionné mes shifts, Moony ? 

 

— Coupable, avoua-t-il avec un sourire. Tu me réserves un soir de ta semaine ? 

 

— Tu m'emmènes où ? 

 

— Tu voulais voir les grottes, non ? 

 

Les yeux de Sirius s'illuminèrent, mais il n'eut pas le temps de lui répondre, que sa mère vint s'asseoir sur l'accoudoir de son fauteuil. 

 

— Mercredi, tu n'as rien de prévu ? 

 

— hum... laisse moi réfléchir... commença Remus en regardant sa mère. A part reconsidérer toute mon existence en me demandant pourquoi mes parents sont plus cool que moi...? 

 

Il rigola, quand elle le poussa en soupirant. 

 

— Je n'ai rien prévu. Tu comptes faire quoi ? 

 

— Ton père veut aller faire du snowboard sur l'autre versant de la montagne. On se disait qu'une journée là-bas pourrait être sympa. 

 

— Ça me va !

 

— Tu es convié, si le cœur t'en dis, ajouta-t-elle en souriant à Sirius. On a vu que tu étais également de repos. 

 

— D'abord vous m'offrez un chocolat, ensuite un compliment sur mes cheveux, maintenant vous m'invitez à une sortie, faites attention, je vais commencer à penser que vous flirter avec moi.

 

— Non. Non. Stop. 

 

— J'essaie de détourner ton attention du père de mon fils, rigola-t-elle en ignorant Remus. Et, pas de vouvoiement, s'il te plaît. 

 

— Ça fonctionne ! Je suis déjà sous le charme de tes yeux, ils sont beaucoup plus beaux que les siens. 

 

— Vraiment, stop.

 

— Je sais ! Et regarde, ajouta-t-elle en se penchant vers Remus de façon à ce que sa tête touche la sienne, on a les mêmes ! Ma plus grande fierté ! 

 

— Ma tolérance, mes réussites personnelles, le fait de ne jamais être tombé dans la drogue, l'ouverture de notre cabinet vétérinaire, non, ça non, mes yeux par contre... 

 

— Tu nous raccompagnes, ou tu es... 

 

Remus ne laissa pas le temps à son père qui venait de les rejoindre de terminer sa phrase. 

 

— J'arrive ! Let's go, Kuna, dit-il avant de se lever alors que son père tendait sa main vers Sirius qui sembla sauter du canapé pour se mettre debout et serrer la main de Lyall. 

 

— Enchanté de t'avoir rencontré ! On va sûrement se croiser dans les semaines à venir. 

 

— Il sera parmi nous mercredi. 

 

— Sirius est juste devant vous, et a peut-être déjà quelque chose de plus intéressant de prévu, mercredi, comme travailler, ou ne pas traîner avec vous. 

 

— Allez faire du snow de l'autre côté de la montagne, c'est clairement ce que j'ai prévu, répondit Sirius en hochant la tête. 

 

— Parfait ! On se voit donc mercredi, répondit joyeusement Hope avant de s'approcher de Remus pour coincer son bras sous le sien. Fabian nous disait que tu avais enfin acheté une nouvelle planche, tu en es content ? lui demanda-t-elle en l'entraînant vers le couloir. 

 

Alors qu'il lui répondait, il entendit la voix de son père dans son dos « j'ai hâte de voir comment tu te débrouilles sur les pistes », il ne distingua cependant pas ce que lui répondit Sirius, mais il entendit le rire de son père avant qu'il ne sente son bras autour de ses épaules. 

 

*

 

C'était plutôt étrange, le fonctionnement familial. Ou plutôt les différences de fonctionnement entre chaque famille. Peut-être y avait-il autant de fonctionnement que ce qu'il y avait de famille. Ça faisait beaucoup. Mais Sirius s'était souvent posé la question. Parce que celui de sa propre famille était quand même très étrange. Très mauvais, même. Complètement dysfonctionnel. Alors, il avait pris les Potter pour référence. Là où l'amour coulait à flot, où tout le monde avait sa place, où tout le monde pouvait prendre sa place. Il disait que sa vie, la vraie, avait réellement commencé quand il avait rejoint leur maison, quand ils lui avaient fait une place parmi eux, sans lui donner l'impression d'être en trop. Euphemia l'avait aidé à communiquer, Fleamont l'avait aidé à comprendre que, si, il avait le droit de s'affirmer, d'avoir ses propres avis, de ne pas être d'accord. Puis, Lily et James avaient suivi la même ligne familiale. L'emportant avec lui, l'incluant plus encore. Mais ils avaient surtout mis la barre très haut. En termes de relations familiales, et d'amour en général. 

 

Là, en regardant la famille de Remus, il avait l'impression d'être reparti des années en arrière et qu'il découvrait comment les membres d'une même famille étaient censés agir entre eux. Tout était simple. De Lyall qui essayait d'être plus rapide que Remus, de Hope qui s'arrêtait pour observer les oiseaux sans prévenir qui que ce soit jusqu'à ce que Lyall se retourne et s'aperçoive qu'elle était bien loin derrière eux, avant qu'elle ne descende rapidement en passant devant eux sans s'arrêter tandis qu'ils l'attendaient. De Remus, qui faisait éclabousser de la neige devant sa mère qui rigolait à chaque fois qu'il passait ou s'arrêtait devant elle, qui demandait à son père de prendre une bosse et de le voir sourire parce qu'il réussissait toujours, de couper la route de Fabian qui en profitait pour lancer à Hope "tu l'as éduqué n'importe comment !" avant de prendre de la vitesse et de faire exactement la même chose que Remus venait de faire. Entre tout ça, Sirius tentait de graviter. Et c'était simple. Surprenamment simple, et assez effrayant. Il s'était, lui aussi, retrouvé à couper la route de Fabian, à s'arrêter parce que Hope l'avait interpellé pour lever la tête et observer des faucons, à prendre des bosses aux côtés de Lyall. Il s'était surtout retrouvé à observer Remus, beaucoup. À saisir ses sourires, à comprendre ses rires, à étudier chacun de ses mouvements. Comme si ça pouvait lui faire comprendre sa méthode de penser, ce qui l'animait. Ici, au milieu de la neige et des arbres, il était lumineux, moins réservé. Le problème, était que ça lui faisait ressentir des choses étranges, de le voir évoluer ici. Il était toujours intrigué, mais il était surtout maintenant attendris, et ça, ça c'était effrayant. Parce qu'avec l'attendrissement, venait d'autres émotions et sentiments, et les sentiments, Sirius n'avait jamais vraiment su les comprendre. Ni les gérer.

 

*

 

C'était étrange, d'avoir Sirius avec eux. Enfin... Pas vraiment, ce qui était étrange était le fait que Sirius s'intègre tellement bien que sa présence était comme une évidence. Il était à l'aise dans toutes les situations, et c'était déstabilisant pour Remus qui, lui, doutait tout le temps de tout, de lui surtout. Il avait vite compris les différences de dynamique, et les préférences de chacun. Il avait passé un moment avec chacun d'entre eux, et à chaque interactions qu'il avait eu avec lui, Remus avait l'impression de tomber un peu plus la tête la première dans l'ouragan qu'était Sirius.

 

— Tu te sens de ressortir ? demanda Remus en rangeant son snow sur le mur. 

 

— Non, j'vais partir me noyer dans le jacuzzi du SPA, ça m'a tué, répondit Fabian avant de sortir du local, mais tu peux venir squatter après avec plaisir. 

 

— La question t'était destinée, précisa Remus quand Fabian fut sortit du local et qu'il n'y restait plus que Sirius et lui. 

 

— Je dois être prêt dans combien de temps ? 

 

Remus regarda l'horloge en retirant son bonnet. 

 

— On se retrouve pour 18h45 en bas ? 

 

— Je suis censé m'inquiéter ? 

 

— Non, mais prends des gants, dit-il en sortant à son tour du local. 

 

Quand Remus sortit de l'hôtel, Sirius était déjà là, adossée contre la rambarde des trois marches du perron, cigarette entre les doigts, en pleine conversation avec Benjy qui fit un signe de main et un sourire à Remus quand il s'approcha. De ce que Remus réussit à saisir de la conversation, Benjy racontait sa journée d'escalade puis conseillait de garder la tête vers le ciel car il n'était pas improbable que des aurores boréales décident d'enfin se montrer. À ces mots, et alors que Benjy regagnait l'intérieur de l'hôtel, Sirius sortit son téléphone pour aller directement dans l'application que Remus lui avait installé, balayant vers le haut les notifications de « Pete' chéri ». 

 

— J'comprends rien, râla-t-il alors que Remus descendait les marches. 

 

— Tu recevras une notification, lui répondit Remus en lançant un regard vers le ciel qui avait tendance à s'assombrir.

 

— J'ai clairement l'impression que j'en verrai jamais.

 

— Si tu pars avec cette mentalité là, c'est probable, rigola Remus alors que Sirius arrivait à son niveau, leurs bras se frôlant au rythme de leur pas. 

 

Sirius ne lui répondit pas directement mais il l'entendît marmonner quelque chose comme « fais chier de jamais avoir de chance pour ces conneries ». 

 

Remus déposa brièvement sa main sur le coude de Sirius pour le faire tourner dans un sentier avant de la glisser dans sa poche, triturant nerveusement sans savoir pourquoi le duvet à l'intérieur. 

 

Ils arrivèrent au chalet des motoneiges et, à l'intérieur, se firent accueillir par Luke qui lui tendit une paire de clés. 

 

— Je ne vais pas te demander de suivre le cortège, je sais que tu ne vas pas le faire, dit-il avec un sourire. 

 

— Je ne vois pas de quoi tu parles, répondit Remus en prenant la direction de la sortie. 

 

— Les casques, Remus ! lança Luke dans son dos. 

 

Remus en attrapa deux sur son passage avant de sortir de la pièce, et en tendit un à Sirius. Il posa sa main dans son dos pour l'amener à l'opposé du cortège dont les motoneiges commençaient à démarrer. 

 

— Tu conduis ? demanda Remus alors qu'ils approchaient de la motoneige garée sur le côté d'une maisonnette en bois. 

 

— T'es un bon copilote ? questionna à son tour Sirius en attachant son casque. 

 

— On devrait pouvoir arriver à bon port. 

 

— Allez, monte, Lupin ! 

 

Le vent s'était levé et quelques flocons s'étaient mis à tomber. La tête levée vers le ciel, Remus essayait de donner les directions à Sirius suffisamment en avance pour qu'ils évitent de prendre un virage trop serré. Quand Sirius lâcha brièvement le guidon pour mettre sa main sur la cuisse de Remus, il pencha la tête vers lui, comprenant qu'il tentait de communiquer avec lui alors qu'il était occupé à regarder le paysage. 

 

— On est pas parti à un endroit où on ne devrait pas ? répéta Sirius.

 

— Qu'est-ce qu'il te fait dire ça ? 

 

— Y a plus aucune traces de moto, et ceux qui étaient devant nous ont continué tout droit.

 

— C'est justement pour ça que l'on est sur la bonne voie, Sirius.

 

Il l'entendit rire avant d'accélérer à l'approche d'une montée. Il fut persuadé que l'entendre lancer un "holly shit" en voyant ce qui les attendaient après cette montée. Remus lui indiqua où stopper la motoneige et fut surpris que Sirius réussisse son demi tour en une seule fois, et sans se prendre l'un des arbres présents sur le chemin.

 

Remus avait tendance à se souvenir des choses. Qu'elles soient importantes, ou non, il avait cette manie-là, de ne pas oublier ce qu'on lui disait et, surtout, de vouloir faire plaisir. Sirius avait dit vouloir visiter les grottes, alors remus l'avait conduit à celles qu'il trouvait les plus belles. Celles avec des endroits gelés à l'intérieur. Durant la visite, Sirius avait attrapé le bras de Remus, pointant sa lampe dans différentes directions, observant tout ce qui se trouvait sous ses yeux.  Il avait ignoré les « on devrait pas être là » et « on n'est pas censés descendre si bas » de Remus en attrapant son poignet alors que, lui même, l'incitait à aller visiter tous les recoins de l'endroit. Quand il eut terminé de lui montrer la grotte en large et en travers, lui expliquant l'érosion de la roche et tout ce qu'il avait pu apprendre de cet endroit, Remus grimaça en observant le ciel au dehors. Il neigeait, et le ciel était gris. Sirius ne verrait pas encore les aurores boréales. Quand il s'excusa pour ce détail, Sirius lui attrapa le poignet et le fit pivoter vers lui. 

 

— C'était tout aussi cool que des aurores, lui assura-t-il en glissant sa main dans la sienne. 

 

Main qu'il ne lâcha pas en s'asseyant sur la motoneige. De son autre main il attrapa la nuque de Remus, et Remus ne se demanda qu'une seule seconde si ce qu'il allait faire était vraiment une bonne idée. Il se dit que oui, ça avait été une bonne idée, lorsque ses lèvres se déposèrent sur celles de Sirius, puis qu'il lui glissa « tu me ramènes chez toi, Moony ? »

 

*

 

Quand Remus se réveilla et qu'il tendit son bras pour essayer de trouver le contact de Sirius, il ne trouva qu'une place vide, et tiède. L'eau de sa douche ne coulait pas, les lumières étaient éteintes, il n'y avait pas un bruit. Sirius était parti. 

 

Quand il s'extirpa finalement de sa couette, il réalisa qu'en plus d'être parti, Sirius n'avait pas laissé de mots. Pourtant, la nuit passée avait été des plus douces. Qu'il ne désire pas rester à ses côtés pour la nuit, Remus s'y était attendu, dès la première fois. Il était au clair avec tout ça et n'y voyait pas d'inconvénient. Mais, il avait pensé que Sirius aurait au moins pris le temps de laisser un message. Mais, finalement, à quoi bon, de toute façon ? Sirius n'avait aucun intérêt à lui laisser une note, ou même à passer lui nuit à ses côtés. Remus devait apprendre à se satisfaire des moments présents sans avoir à anticiper la suite, sans être déçu. S'il ne posait pas de question, il ne pouvait pas obtenir la réponse qu'il attendait. Quelle réponse, après tout ? Il ne savait même pas quelle question poser. " tu attends quoi de moi ? " ? Remus n'était pas certain que c'était la bonne question à poser, parce qu'au final lui non plus ne savait pas réellement ce qu'il voulait, ce qu'il attendait de Sirius. Rien. Parce que c'était plus facile comme ça. Parce que s'engager était quelque chose de compliqué. Parce qu'il se connaissait et qu'il était déjà en train de tomber la tête la première au pied de Sirius, et qu'il allait se mettre à espérer des choses qu'il ne devrait pas. Poser des questions. Voilà ce qu'il devrait faire. Mais, poser des questions n'avait jamais été son fort.

 

Quand il tira son rideau, Remus eut immédiatement envie de se recoucher. Il faisait gris, très gris, et les flocons tombaient fort. Très fort. Ce qui compromettait sa journée. Un rapide coup d'œil à son téléphone lui fit savoir que la sortie n'avait pas encore été annulée, mais il sentait déjà qu'il pouvait tirer un trait sur les pistes et l'extérieur aujourd'hui. Après tout, être en boutique ou au point d'informations lui permettrait de passer la journée avec Kuna, et il savait déjà que si c'était le cas, son père viendrait passer un moment avec lui, jusqu'à ce que sa mère vienne le relayer. Juste comme ça, pour rattraper les mois passés. 

 

Il sortit de chez lui en traînant des pieds. Il avait apparemment décidé qu'aujourd'hui était une mauvaise journée. Il n'aimait pas ça, d'habitude, et faisait tout pour inverser la situation, mais là... il n'en avait pas spécialement envie. Peut-être que la météo lui rendait service. Parce que son moral n'était pas plus brillant, et qu'il n'avait pas envie de partir en sortie en étant maussade. Ce n'était pas l'ambiance qu'il aimait instaurer avec ses clients, loin de là.

 

Il lança un rapide « bonjour » en entrant dans la salle commune, pour ceux qui voulaient bien l'entendre, et se dirigea directement vers le comptoir pour préparer les cafés. Occuper ses mains allait sans doute l'aider à faire taire son cerveau. Il fronça les sourcils en voyant trois Thermos alignés et scellés. Sur sa propre bouteille était collé un petit post-it en forme de nuage mauve pastel sur lequel était écrit « Moony » suivi d'un croissant de lune et d'une étoile. Quand il prit le temps d'observer la salle commune, son regard rencontra celui de Sirius, assis à une table avec Jörgen, plans, cartes et carnets étalés entre eux. Sirius lui fit un rapide clin d'œil et un sourire avant de reporter son regard sur Jörgen et lui poser une question. Sirius portait l'un de ses pulls. Il lui avait préparé un café, et il portait l'un de ses pulls. Remus, lui, avait l'impression que son cœur allait surgir hors de sa poitrine et que la grisaille de ses pensées se dissipait doucement.

 

— Tu baves, Moony, rigola Fabian en arrivant à ses côtés et en déposant sa tête contre son épaule. Merci, pour le café.

 

— Ce n'est pas moi qui l'ai préparé, répondit Remus en attrapant une banane dans la panière à fruits.

 

— Puis-je savoir qui m'a... Oh ! Oh... lança Fabian, sa voix montant dans les aigus à mesure que son regard se posait sur Remus, puis sur Sirius, puis sur Remus, puis sur Sirius. C'est un pull à toi, ça. Je connais ta penderie par cœur. Putain, Moony, faut qu'on parle. Ce soir, toi, moi, terrasse, pas le choix, dit-il avant de sortir de la salle commune, thermos de café en main, sourire insolent accroché à ses lèvres.

 

Ses appréhensions sur le déroulé de la journée s'étaient confirmées, dues aux conditions météorologiques ses clients avaient reporté leur sortie. Il avait été redirigié vers le point d'informations et avait passé sa journée avec Leïla, cette jeune femme avec qui il s'entendait très bien, mais avec qui il ne travaillait pour ainsi dire jamais. Entre deux averses de neige et de bourrasques de vent gelé, ils avaient discuté de leur dernière lecture en cours, de leurs projets une fois la saison terminée, et de la compétition qui approchait. Hope était passée et leur avait apporté un café chacun, puis elle était restée un moment pour leur tenir compagnie avant de partir en balade avec Kuna quand il s'était mis à mordiller le pantalon de Remus. Quelques heures plus tard, ils avaient reçu la visite de Lyall, jusqu'à ce qu'Alastor arrive et lui demande son aide avec la livraison de bois qui venait d'arriver.

 

La journée terminée, Remus s'était arrêté au dépanneur récupérer ce que Fabian allait oublier d'apporter : quelque chose à manger. Il avait préparé des Grilled Cheese, emporté un thermos de thé, avait coincé un plaid sous son bras et était sorti de chez lui au même moment que Fabian sortait de sa chambre. 

 

— T'es vraiment le meilleur, j'avais rien à manger dans le frigo, lui dit-il alors que Remus lui tendit son sandwich et qu'ils partirent en direction de l'ascenseur.

 

Il n'avait pas fallu longtemps pour que Fabian aborde le « sujet Sirius ». D'ailleurs, le fait qu'il renomme le « sujet Sirius » « sujet Sirius » avait allègrement fait lever les yeux au ciel de Remus selon qui, il n'y avait pas de sujet, du tout. ils avaient couché ensemble, c'était tout. Plusieurs fois, certes, mais à part ça, il n'y avait rien de plus. Ok, Sirius était resté chez lui les deux fois, ok, ils avaient discuté, plutôt bien, de plein de sujets différents. Il avait ainsi appris que Sirius avait diverses passions, dont le dessin et la musique. Que ce qu'il préférait dans son travail était le contact avec les patients, discuter avec eux, et qu'il avait détesté travailler à l'hôpital. Il avait appris que son neveu pouvait avoir tout ce qu'il voulait de lui, qu'il lui suffisait simplement de lui lancer un regard pour que Sirius cède à toutes ses demandes. Ils avaient tenté de déterminer si le Millenium Bridge était surcoté, ou non, et avait fini par dire que le London Eye, lui, l'était bel et bien. Remus avait maintenu à Fabian qu'il n'y avait rien, juste des discussions comme ça, comme avec n'importe qui, et rien de plus. Alors quand Fabian lui avait lancé ce regard lassé qui voulait dire " pas à moi, Moony ", Remus dû reconnaître qu'il avait partagé avec Sirius peut être plus que juste son avis sur le fait qu'ils vivaient dans l'une des villes les touristiques possibles. Comme par exemple, le fait qu'il lui avait parlé de sa peur maladive de décevoir ou blesser les gens auxquels il tenait. Mais, de toute façon, tout ceci ne comptait pas, Sirius était parti sans un mot ce matin. 

 

— Mais avec ton pull et l'envie de préparer trois cafés pour ne pas que tu aies à le faire. 

 

— On ne s'est même pas dit bonjour quand on s'est vus ce matin. Honnêtement, Fab', ce n'est rien de plus que ça.

 

— On en reparlera quand tu te rendras compte que tu l'aimes bien, plus que bien, et que tu ne lui auras pas demandé ce que lui penses parce que tu ne veux pas te retrouver dans une situation inconfortable. 

 

Ce fut au tour de Remus de lancer à Fabian un regard las avant qu'ils ne décident de rentrer.

 

Bien qu'embêté, Remus devait admettre que discuter avec Fabian lui avait fait réaliser que, oui, Sirius lui plaisait, et peut-être plus que « juste comme ça » comme il tentait de se persuader. C'était ça le problème de Fabian, il lui faisait toujours avouer des choses qu'il aurait souhaité conserver enfouies.

Chapter 17: Concours

Chapter Text

On toqua à la porte de Remus quand il sortit de la douche. De l'autre côté se trouvait Marlène en pyjama, tout comme lui. 

 

— Pourquoi ta porte est fermée ? 

 

— Parce que j'étais sous la douche, première raison. Parce que je n'ai pas spécialement envie que n'importe qui rentre chez moi, deuxième raison, énuméra-t-il en comptant sur ses doigts, tout en sachant que Marlène faisait ça très souvent.

 

— Logique, rigola Marlène. Ils organisent une fondue, je venais te chercher ! Savoyarde, t'auras de quoi manger.

 

En guise de réponse, Remus déposa son bras sur les épaules de Marlène et ils s'aventurèrent dans le couloir, vers les rires et l'odeur de fromage fondu. Il fallait croire que tout le monde avait fini à la même heure, la salle commune était bondée et les tables avaient été installées différemment pour permettre à tout le monde de s'y asseoir. Le bras se Fabian s'écrasa contre ses épaules, comme s'il venait de surgir de nulle part et le guida à la place qu'il lui avait réservé. Non loin d'eux, Sirius se trouvait à côté de Benjy, un pied remonté sur l'assise, il écoutait ce qu'il lui racontait. De peu que Remus distingua, ils parlaient du sentier des cimes. Sirius croisa son regard, et Remus lui rendit son sourire en s'asseyant, se tournant vers William qui lui tendait un pic à brochette et se mit à discuter du concours qui se profilait.

 

L'ambiance était bonne, tout le monde était d'une humeur rayonnante et semblait avoir passé une bonne journée. Tous les saisonniers s'étaient mis d'accord pour décerner la médaille du bingo à Marlène, qui avait tenu à déclarer un discours de remerciements. Jusqu’à ce que Sirius ne lui rappelle qu'il n'était pas loin derrière elle dans la compétition, et qu'elle ferait mieux de redoubler d'efforts si elle tenait à garder son titre de championne. Elle lui tira puérilement la langue, avant que Remus ne l'entende avouer à Ilaria qu'elle adorait avoir un concurrent à sa hauteur. La vaisselle dans les lave-vaisselles, les tables de nouveau à leur place, la cuisine à peu près rangée, la salle commune avait fini par prendre des airs de feu de camp. Remus s'était vu tendre une guitare par Fabian et il s'était installé sur le fauteuil près du poêle à bois. Il s'était attelé à accorder la guitare tout en répondant à Marlène qui venait de s'asseoir sur l'accoudoir de son fauteuil. Pour ce qui devait être la dixième fois de la soirée, elle lui demandait de venir s'entraîner avec elle pour le concours le lendemain après leur journée de travail. Il écouta rapidement les accords que Fabian commençait à gratter puis se mit à suivre son rythme, marmonnant qu'il était en train d'accélérer la mélodie. Chose qu'il faisait souvent, principalement parce qu'il savait que ça faisait râler Remus et que, lui, ça le faisait sourire. Au fil des années, tous les deux s'étaient vu attribuer le titre de "juke box ambulant" et répondaient avec plaisir aux demandes de chacun. Dans son dos, occupé à nettoyer les comptoirs de la cuisine, Remus pouvait entendre une voix chanter par-dessus leurs accords et il fit tout son possible pour ne pas se retourner. Parce que, s'il le faisait, il était sûr de tomber sur Sirius, et il ne voulait pas cocher une case de plus aux choses qui le faisaient tomber un petit plus pour lui chaque jour. Mais Remus avait compris dès l'instant qu'il avait posé ses yeux sur lui que Sirius ne le laisserait jamais faire ce qu'il entendait, alors, quand il s'assit contre son fauteuil, chantonnant les paroles de "Riptide", il sut qu'il était définitivement foutu. 

 

— Merde, je l'ai pas celle-là... lança Fabian en se penchant pour écouter et regarder les accords que Remus venait d'entamer.

 

— «Is it romantic how all my elegies eulogize me?» chantèrent en même temps Marlène et Sirius avant de se tourner l'un vers l'autre et de dire : «c'est quoi ton era préférée ?» et de répondre «toutes ?!»

 

Remus esquissa un sourire, et continua ses accords sans prêter attention à leur conversation, tout en remerciant intérieurement Marlène de l'avoir initié à Taylor Swift en lui disant que ça lui serait utile un jour. Ça l'était aujourd'hui.

 

— Il y a quelque chose auquel je pourrai m'habituer. 

 

Remus tourna la tête vers Sirius après avoir finis pas remettre la guitare à sa place, quand l'heure affichée sur l'horloge lui laissait sous-entendre que, demain, il allait être fatigué plus que de raison.

 

— Et cette chose est ? 

 

— Toi qui joues de la guitare, moi qui chante, la vie commune, ce genre de truc, répondit-il nonchalamment avec un sourire en coin qui eut le don de faire rougir Remus. Et ça, aussi. Tes pommettes qui rosissent, je m'y habituerai facilement.

 

Remus passa une main à l'arrière de son crâne et entreprit de sortir de la salle commune, Sirius le suivant en ricanant. Dans le couloir, Remus se demanda si Sirius était sincère, parce que lui pourrait s'y habituer, effectivement, mais pas à ses joues qui rougissaient, ça non...Il se demanda aussi si c'était une bonne idée de lui demander s'il voulait rester chez lui, mais il se demanda surtout quelle serait sa réponse, et bien qu'il serait capable d'accepter un non, il savait qu'il aurait du mal à ne pas se demander ce qu'il n'allait pas chez lui pour qu'il refuse. Puis, il se souvint qu'il n'obtiendrait jamais de réponses s'il ne demandait jamais rien. 

 

— Tu voudrais venir à la maison ?

 

— Par «la maison» tu entends ta maison quand on sera rentrés à Londres, parce que, ouais pourquoi pas. Mais si tu veux mon avis, ça fait un peu long à patienter, alors je te propose de venir dans ma chambre. À quelques portes d'ici, répondit-il en lui donnant un léger coup d'épaules alors qu'ils arrivaient devant la porte de chez Remus. Je te laisse récupérer ce dont t'as besoin. Mais, au cas où, j'ai un pull à toi, chez moi, ajouta-t-il avec un clin d'œil avant de continuer d'avancer dans le couloir.

 

*

 

Remus passait distraitement une main dans les cheveux de Sirius, démêlant les nœuds qu'il rencontrait sur son chemin. 

 

— T'es parti où ? 

 

— Hum? répondit Remus alors que Sirius relevait la tête de son torse pour rencontrer son regard. 

 

Sirius esquissa un sourire. 

 

— T'es plus avec moi, tu réfléchis, dit-il doucement en portant son pouce contre sa pommette pour l'effleurer, 

 

Il disait vrai, ses pensées s'étaient mises à vagabonder, son esprit à s'échapper de la chambre. 

 

— Excuse-moi, Sirius... je me suis demandé si tu attendais de moi que je m'en aille, et au lieu de te le demander directement... bref... se coupa Remus lui-même. Est-ce tu veux que je m'en aille ? 

 

— Non. Est-ce que tu veux t'en aller ? interrogea-t-il à son tour. Remus pivota vers lui puis secoua la tête, et Sirius reprit la parole. Cool, on est donc d'accord. D'autres questions, là-dedans ?

 

— Non... 

 

— Moi j'en ai une ! 

 

— Oh ? 

 

— Ouaip ! Tu viendras si on part faire le tour des glaciers ? 

 

— C'est ce que tu regardais avec Jörgen ? 

 

— Ouais, ça et où amener tout le monde, quand ils seront là. Alors, tu viendras ? 

 

— Il veut partir sur les derniers jours de mes parents, juste après le concours, donc je resterai avec eux. Par contre, les endroits sont incroyables, tu vas adorer. Vous avez prévu de dormir dehors ? 

 

— Non, il semblait dire que les températures étaient trop rudes pour ça. 

 

— Sage décision, rigola Remus. Il faut que tu amènes tes amis au centre de sauvetage des animaux. C'est vraiment intéressant, et si ton neveu aime les animaux, ça sera le paradis pour lui. 

 

— Tu nous y amèneras, dit Sirius en arrangeant son oreiller. Puis il enroula son bras autour de Remus et se rapprocha de lui. 'Nuit, Moony, murmura-t-il en déposant ses lèvres contre son cou. 

 

— Bonne nuit, Sirius, souffla-t-il en glissant sa main dans les cheveux de Sirius.

 

*

 

Sa planche plantée dans la neige, les coudes posés dessus, il fixait tantôt l'écran, tantôt la piste. Marlène s'en sortait bien. Certaines de ses réceptions n'étaient pas aussi précises que ce qu'elle avait l'habitude de faire, mais elle se rattrapait toujours. Quand elle était venue taper à la porte de Remus ce matin, elle lui avait dit. Qu'elle ne se sentait pas en forme, qu'elle allait tout foirer. Elle ne foirait pas tout, et avait réussi à grappiller des points qui lui permettaient d'être dans le panier haut du classement. Jörgen était en tête. Comme à son habitude. Ses réceptions étaient parfaites, ses figures précises. Il avait chancelé une fois dans les airs, mais avait réussi à corriger sa posture et à assurer son atterrissage. Ludovic se débrouillait très bien, lui aussi. C'était la première fois qu'il concourait et il n'y avait pas une once de stress dans ses mouvements. Quand Marlène eut fini son passage, Remus se saisit de sa planche, et approcha du haut de la piste. Comme un rituel, il serra ses chaussures, ajusta son casque, glissa son masque sur ses yeux. Puis il inspira longuement, coupant tout ce qui se passait autour de lui pour se concentrer sur lui et ses sensations seulement. Il expira. Il était prêt.

 

À peine fut-il arrivé au bas du slopestyle que Jörgen courut vers lui et déposa un bras autour de ses épaules, l'autre lui indiquant le tableau des points. 

 

— Moony !!! T'as gagné ! s'exclama Marlène en arrivant plus vite qu'une fusée à ses côtés.

 

Godt gjort, Remus ! Je t'avais bien dit, que tu me dépasserais, sourit Jörgen en serrant son épaule avant de se faire bousculer par Fabian qui prit Remus si fort dans ses bras qu'il faillit perdre l'équilibre. 

 

Il sentit Jörgen reculer en rigolant, alors que Fabian hurlait dans ses oreilles « je t'avais dit qu'il fallait changer de planche !!! T'as été meilleur que Jörgen, bordel ! »

 

C'était quelque chose qui lui paraissait complètement improbable. Et pourtant, les chiffres qu'il distinguait à l'écran lui prouvaient bien le contraire.

 

*

 

Il failli heurter Sirius et ses verres de bières quand il se tourna. 

 

— Celle-ci est pour toi ! lui lança-t-il en tendant le verre de bière ambrée vers Remus. Félicitations, ajouta-t-il avec un sourire.

 

— Merci, Sirius. Je partais à ta recherche, avoua-t-il avant de cacher son embarras derrière son verre.

 

Le bar d'Ashton était bondé, tout le monde avait eu l'idée de venir célébrer la fin du concours ici. Après l'annonce officielle des résultats, Remus n'avait pas réussi à trouver Sirius parmi la foule. Puis sa mère avait attrapé son bras et l'avait accaparé tout le long du trajet. Sirius était hors de vue. « Il était avec nous », avait nonchalamment lancé son père quand Remus s'était mis à regarder autour de lui de manière trop évidente. « Pendants les passages, il était avec nous » expliqua-t-il avec un sourire quand Remus avait finis par tourner la tête vers lui. Lyall voyait tout, et c'était un peu dérangeant. 

 

— Y a qu'à prononcer mon nom trois fois et j'apparais comme par magie, répondit-il avec un clin d'œil. Tu le sais, pourtant, la dernière nuit... 

 

— Ooook, coupa Remus en attrapant le coude de Sirius qui rigolait, pour les conduire vers Fabian qui était en vive conversation avec Benjy. 

 

Quand Sirius glissa sa main contre le bas de son dos, jouant distraitement avec le revers de son pull, Remus eut du mal à rester concentré sur les tenants et aboutissants de la discussion. Pire encore quand, plus tard, il avait déposé sa tête contre son épaule en rigolant. Puis quand il avait discrètement crocheté son index au sien, et qu'il avait caressé le dos de sa main. Il ne suivait plus aucune conversation quand il arrangea la mèche de cheveux qui lui retombait sur le front avant de lui sourire puis de s'éloigner d'eux car Ilaria venait de l'appeler. 

 

— Tu ne veux toujours pas lui poser la question qui te trotte dans la tête ? 

 

— Une question ? Quelle question ? demanda Remus en réponse à Fabian. 

 

— Tu sais, celle que tu es censé poser quand les choses ressemblent à... quoi que ce soit que ce vous avez là, dit-il en passant son index de Remus à Sirius plus loin dans la salle. 

 

— Il n'y a aucune question à poser, vu qu'il ne se passe rien.

 

— Si, si, tu sais, commença-t-il en posant son bras sur les épaules de Remus, ça donne quelque chose comme : tu veux quoi exactement ? Puis ça enchaîne sur : on est quoi ? Ce genre de questions. Celles que tu me dis toujours qu'il faut poser. Puis après tu es censé répondre que, toi, ce que tu aimerais c'est...

 

— Hé ! Marcos et Owen ont fait un trou dans le lac ! Ils partent faire un bain de minuit ! 

Que l'univers préserve leurs idées stupides au moment le plus opportun. Fabian attrapa leurs vestes puis plaça sa main dans le dos de Remus pour le pousser vers la sortie, là où tout le monde se dirigeait, pour aller en direction du lac.

 

Chapter 18: Glaciers

Chapter Text

Quand il rentra de son après-midi d'escalade, Remus tomba sur Sirius, cigarette entre les doigts, téléphone tenu à bout de bras, assis sur l'un des fauteuils en bois devant l'hôtel, en pleine discussion. Il lui fit un signe de main quand leur regard se croisèrent et lui rendit son sourire.

— Hé ! Pourquoi tu m'ignores ?! l'entendît-il dire alors que les portes automatiques s'ouvraient devant lui.

— Tu es au téléphone, se justifia-t-il en déroulant l'écharpe autour de son cou.

— Raison de plus pour que tu viennes dire bonjour.

Remus mâchouilla ses joues en s'approchant et se pencha vers l'écran.

— Tu n'es pas obligé de répondre à tous ses caprices, lança le jeune homme de l'autre côté du téléphone qui lui ressemblait énormément.

— J'essaie, lui répondit Remus, mais il rend les choses compliquées.

Le jeune homme grimaça avant d'esquisser un sourire.

— Tu peux le menacer en insultant ses goûts musicaux ou son style vestimentaire. Qui ne doit d'ailleurs pas voler bien haut, si je me souviens bien du contenu de sa valise.

— Enfoiré, rétorqua Sirius.

— C'est génétique. Oh ! Tu as eu James récemment ? Il m'écrit tous les jours pour savoir s'il emporte ses skis ou non, et change d'avis dans l'instant. Lily est au bord de la crise de nerf.

— Ils auront tout ce qu'il faut, ici, répondit Remus, plus pour Sirius que pour son frère.

— Remus dit que vous aurez tout ce qu'il faut ici, reprit Sirius. Vous encombrez pas.

— J'ai hâte de vous rencontrer ! lança Remus avec un sourire avant de se redresser.

Il déposa rapidement une main sur l'épaule de Sirius qui lui sourit tout en lui disant « à plus tard » avant que Remus s'éloigne.

« À plus tard » semblant ne jamais arriver, Remus rassembla le plein de courage qui lui restait pour aller toquer à la porte de Sirius. Il partait demain matin pour les glaciers, et il avait espoir de passer un moment avec lui. Ou ne serait ce que de lui souhaiter un bon périple. Ils n'avaient fait que se croiser ces derniers jours.

La porte mit un certain temps à s'ouvrir, pourtant il y avait du bruit de l'autre côté. Il allait rebrousser chemin quand Sirius apparut de l'autre côté de la porte. Cheveux anarchiquement attachés, traits tirés.

— Je n'arrive pas au bon moment, tenta Remus avec un sourire.

— J'sais pas ce que je suis censé emporter, répondit Sirius. Jörgen m'a fait une liste mais j'sais pas si j'ai tout. J'crois qu'il me manque des trucs. Il peut pas me manquer des trucs. On part trop loin pour qu'il me manque des trucs.

Dans le poing que serrait Sirius, un papier chiffonné se trouvait.

— Je peux ? demanda Remus en pointant le papier du doigt.

Sirius le lui tendit d'une main tremblante, avant de défaire l'élastique de ses cheveux. Remus s'aventura dans la chambre de Sirius et referma la porte derrière lui.

L'endroit était un bordel sans nom. Des affaires étaient dispersées dans presque tous les recoins de la chambre. Habits, matériel de randonnée et d'escalade confondus.

Procéder par ordre.

Jörgen avait tendance à faire des listes bien structurées. Pas spécialement par ordre de priorité, mais plus par catégorie. La première sur la liste qu'il avait donné à Sirius concernait les vêtements. C'était donc par là qu'ils allaient commencer. Remus ayant déjà fait cette même expédition, il savait très bien ce dont Sirius se devait d'emporter. Il glissa le papier dans la poche de son jogging et tâcha de mettre la main sur les techniques de Sirius.

Sirius qui tournait tel un lion en cage, attrapant un vêtement pour le déplacer seulement ailleurs. Remus rassembla plusieurs affaires qu'il plia et déposa sur la table de la cuisine. Puis, il effectua d'autres piles de vêtements qu'il glissa dans une pochette avant de la mettre au pied du sac de Sirius. Pour les tenues, tout était dans l'ordre.

— Quel est l'endroit de Londres où tu aimes amener Harry ? questionna-t-il en rassemblant les affaires de randonnée et d'escalade.

— Hein ?

Sirius porta finalement son regard vers Remus et non plus sur les affaires.

— Qu'est-ce que tu aimes faire avec Harry, quand vous êtes à Londres ?

— On va souvent à Hyde Park, dit-il en laissant tomber le mousqueton, qu'il faisait cliquer depuis 5 minutes, sur son lit. On fait le tour des fontaines en s'arrêtant à tous les parcs à jeux sur lesquels il peut grimper.

— C'est vrai qu'il y a beaucoup de fontaines, dans ce parc, rigola Remus en ayant rassembler les cordes, crampons, et autre matériel d'escalade. Vous avez déjà fait le tour de la Serpentine en barque ?

— Pas qu'une fois, répondit Sirius en s'asseyant sur le rebord de son lit, maintenant moins encombré. Il veut qu'on observe les canards et les cygnes, donc ça peut durer très longtemps.

— J'ai été appelé pour soigner des cygneaux, un soir.

— Tu plaisantes ?

— Non, rigola Remus en zippant une pochette dans laquelle il avait glissé trousse de secours et nécessaire de toilette que Sirius avait éparpillé sur son lit. Ils s'étaient coincés dans un grillage. Je me suis fait pincer un sacré nombre de fois par la mère avant de pouvoir les atteindre. Tu n'auras pas besoin de tout ça, dit-il en montrant les ustensiles de cuisine, Jörgen a déjà du tout prévoir, et ce n'était pas sur sa liste, précisa-t-il avec un sourire. Les habits sur ta table, sont ceux avec lesquels tu peux partir demain. Il n'y a plus qu'à tout glisser dans le sac ! lança-t-il joyeusement. Et à rouler ce sac de couchage correctement.

Sirius quitta Remus des yeux pour les porter sur sa chambre. Il coinça son pouce entre ses dents, les yeux plissés, et l'une de ses jambes se mit à battre une mesure bien rapide.

— Tu as mangé ? questionna Remus en commençant à plier des habits.

Il n'obtint aucune réponse. Il tourna la tête vers Sirius qui scannait toujours sa chambre comme si elle était une scène de crime. Il lâcha la chemise d'une douceur incomparable qu'il tenait entre ses mains. À quel moment Sirius pensait-il porter ce genre de choses ? Chassa cette question de sa tête, et s'accroupit devant Sirius. Prudemment, il déposa ses mains sur ses genoux.

— Est-ce que tu as mangé ? Sirius tourna la tête vers lui, et la secoua de droite à gauche. Remus attrapa la main qu'il portait à sa bouche, et mêla ses doigts aux siens. Ça te dit d'aller nous chercher quelque chose ? Pendant que je m'occupe de ranger tout ça ? Un sourire à Ashton et le tour sera joué.

— T'as pas besoin de faire ça, lui dit-il en soupirant. Récupérer la merde que j'ai laissé...

— Je ne récupère rien, je te donne un coup de main.

— J'savais pas par où commencer. Et quand je trouvais par où commencer, autre chose me venait en tête, alors je triais cette chose là, mais j'avais peur d'oublier un truc, genre un mousqueton, alors j'allais chercher un mousqueton, puis j'oubliais que j'étais parti chercher un mousqueton, donc je prenais un fringue... bref ça a finit que j'ai foutu le bordel et rien réussi à faire...

— Tu as réussi à faire un bel étalage de tes habits. Pour quelle occasion est-ce que tu comptais porter toutes ces chemises ? Celle en velours, par exemple ? questionna-t-il avec un sourire.

Sirius laissa sortir un soupir qui ressemblait presque à un rire.

— Pour le jour où tu me présenterais à tes parents, dit-il avec un brin d'insolence et un clin d'œil.

— Tu t'es déjà présenté tout seul, il me semble.

Il était même allé leur dire au revoir, la veille, sachant qu'il ne les reverrait pas avant leur départ. Remus avait assisté à la scène avec une certaine perplexité. Ils étaient installés au mange debout d'un chalet de la station, Sirius passait au loin, aux côtés de Ludovic, et avait tourné la tête dans leur direction. Il avait échangé quelques mots avec Ludovic, puis s'était dirigé vers eux. Serrant la main de Lyall, et se laissant emporter dans l'étreinte de Hope. Il leur avait dit avoir « été ravi de les rencontrer » et qu'il espérait qu'ils se croiseraient de nouveau à Londres. Puis il avait rapidement serré l'épaule de Remus dans sa main avant de s'en aller.

— Bof, pas comme j'aurais aimé.

Remus fixa ses yeux sans savoir quoi répondre. Il venait d'être pris de court, et ne savait pas ce que Sirius entendait par là. Il lui évita un trop long embarras quand il serra sa main dans la sienne et se leva, faisant se redresser Remus par la même occasion.

— Je choisis ce que je veux ou tu as des préférences ? Chez Ashton ?

— Choisis, répondit Remus parce qu'il n'était pas en mesure de prendre une quelconque décision.

— Parfait.

Sirius glissa une main contre la nuque de Remus et se hissa sur ses pointes de pieds. Son regard passa des lèvres de Remus à ses yeux, et Remus hocha la tête avant que Sirius ne l'embrasse. Rapidement, mais tendrement.

— Merci, dit Sirius en s'éloignant, de m'aider avec le bordel dans ma tête.

*

Ses parents partis, Remus reprenait le cours de sa vie à la station. Enchaînant les différentes sorties et cours, les balades avec Kuna et les soirées en compagnie de Marlène et Fabian. Ses journées étaient bien remplis, il faisait en sorte de ne pas laisser des moments de blanc s'immiscer. C'était souvent le cas, en milieu de saison. Il remplissait son agenda, ne comptait pas ses heures, et n'hésitait pas à aller en boutique après ses sorties si besoin était. Tout comme Fabian et Marlène. Donc, quand ils se retrouvaient, ils étaient souvent affalés sur un de leur lit, et celui qui s'endormait en premier était élu le maillon faible. Ils s'endormaient au même moment, la plupart du temps.

— Tu vas vérifier encore longtemps ?

Remus verrouilla l'écran de son téléphone et le déposa sur la table de chevet de Marlène. Chaque soir, il regardait si Sirius et Jörgen auraient l'opportunité de voir des aurores boréales. Il connaissait le trajet, et savait où est-ce qu'ils devaient se situer, mais il n'était pas improbable que Jörgen ait changé les plans. Si son application disait vrai, il était possible que Sirius ait pu observer ses premières aurores la veille, et Remus espérait de tout son cœur que ce soit le cas. Ici, ils avaient pu en voir deux jours auparavant. Comme à chaque premières de la saison, ils étaient tous les trois sortis les observer depuis la terrasse, chocolats chauds entre leurs mains.

Marlène plaça sa tête contre son torse et il ne lui donna pas dix minutes pour s'endormir. Fabian, de l'autre côté du lit, les avait abandonnés depuis une bonne vingtaine de minutes.

— Tu l'aimes bien, hein ?

— Oui, répondit Remus parce que ça ne servait à rien de tourner autour du pot.

— Tu saurais dire pourquoi ? demanda Marlène tout en baillant.

— Il me rassure, dans un sens. C'est contradictoire parce qu'il est du genre à être dispersé, et spontané, mais j'aime sa façon de découvrir les choses et de s'investir et se réjouir. Je n'ai pas l'impression d'avoir besoin de refouler sans arrêt mes insécurités... je crois qu'il me permet d'être moi, avec mes bizarreries.

— T'es pas bizarre, Moony... marmonna-t-elle.

— Je suis clairement inadapté, Marl's.

— Nan. Tu ressens tout plus fort, c'est tout. Par contre, comme t'es clairement mordu, faudrait peut-être que tu te décides à discuter avec lui.

Il faudrait. Peut-être. Mais s'il y avait tout un tas de choses qui lui plaisaient chez Sirius, et s'il n'attendait rien de particulier, il avait tout de même peur de se faire briser le cœur. Que ce qu'il se mettait à imaginer pouvait ne pas être réciproque. Mais, oui, pour savoir tout ça, il devait discuter. Mais discuter n'avait jamais été son fort.

*

Il aimanta sa feuille de bingo remplie sur le tableau de la salle commune, à côté de ceux déjà célébrés. C'était toujours à la vente de forfait qu'il réalisait le meilleur score, et il n'avait jamais dû expliquer pourquoi. Benjy lui disait souvent que c'était parce que c'était l'endroit où il était le plus sarcastique, sans même le réaliser. Remus avait beau dire qu'il aimait toutes les affectations auxquelles il pouvait se trouver, il devait admettre que les forfaits n'étaient pas l'endroit qu'il préférait. Les clients étaient souvent moins aimables qu'en boutiques, et ne demandaient que peu d'informations. Souvent un membre de la famille était désigné pour la tâche d'achat des forfaits et de n'était jamais le plus enjoué, mais souvent le plus épuisé.

Sa tasse de thé dans une main, sa liseuse dans l'autre, il allait s'installer sur le canapé quand Jörgen entra dans la salle commune. Le teint lumineux, les yeux pétillants comme à chaque fois qu'il revenait d'un périple.

Ils se serrèrent dans les bras, et Remus lui tendit sa tasse de thé, abandonna sa liseuse sur le fauteuil, prêt à aller faire de nouveau chauffer de l'eau. Il avait hâte de l'entendre lui raconter l'expédition.

Ils avaient vu des aurores boréales. Deux fois. Loin d'être les plus belles, selon Jörgen, un peu brumeuses, mais ils en avaient vu, et apparemment Sirius n'avait cessé de le remercier depuis. Ils avaient croisé divers animaux, dont des ours que Jörgen avait réussi à immortaliser. Il lui promit de lui montrer les clichés, puis lui parla des conditions météorologiques dans lesquelles ils avaient évolué, il lui relata que Sirius lui avait donné l'impression d'avoir fait ça toute sa vie, de survivre à des conditions de conforts et climatiques loin d'être optimales, et ce, sans se plaindre. Il lui expliqua son inquiétude face au fait qu'il fasse froid, mais moins froid que ce qu'il ne devrait faire. Et, un sujet de discussion en amenant un autre, Remus regagna sa chambre très tard, cette nuit-là. Alors qu'il allait passer sa porte, cinq plus loin, une autre s'ouvrit. Le sourire que Sirius lui lança lui fit l'impression d'une journée d'été tellement il était lumineux. Sirius ferma sa porte et trottina jusqu'à lui. Remus ouvrit ses bras et Sirius s'y engouffra. L'impact le fit tituber, et rigoler. Mince, que c'était bon de le retrouver.

— J'espérais que tu sois là, souffla Sirius en serrant ses bras autour de sa taille.

Remus resserra son étreinte autour de lui.

— Je suis content que tu sois rentré. J'ai hâte de t'entendre tout me raconter.

— Remus, je pose la tête sur un oreiller et je m'endors, mais j'ai très envie de tout te raconter.

La tête sur l'oreiller de Remus, Sirius ne s'était pas endormi. Pas avant de lui avoir raconté les aurores boréales, et de la famille d'ours qu'ils avaient observé. Sans bouger. À quel point il avait été subjugué et impressionné. Mais aussi surpris du fait qu'il réussisse à rester tant de temps immobile, lui d'habitude toujours en train de bouger. Quand ses phrases commencèrent à ressembler à du morse, Remus déposa un baiser contre sa joue puis glissa son bras autour de sa taille. Sirius se blottit contre lui, et prononça la phrase qui eut le don de faire bugger le cerveau de Remus.

— J'ai l'impression d'être rentré à la maison.

Quelques secondes de silence s'écoulèrent et il reprit la parole.

— Et ça me fait peur.

Parce que discuter n'était pas une option, pas maintenant, alors qu'il venait tout juste de rentrer et qu'il n'avait pas envie de le voir partir, Remus se contenta de répondre :

— Ça me fait peur, aussi.

 

Chapter 19: Aurores

Chapter Text

— La catégorie est : retirer tous tes vêtements le plus rapidement possible ? Challenge accepté, Lupin, lança Sirius après avoir ouvert sa porte.

Avec un sourire, il tendit une main vers Remus et attrapa sa veste pour l'attirer vers lui. Le cœur palpitant, et avec un sourire, Remus prit la parole.

— Non. La catégorie est : habille-toi le plus vite possible. On va essayer d'aller voir des aurores.

— J'ai pas eu de notification ! 

— Habille-toi, lui répondit Remus. 

— J'me bouge, acquiesça Sirius en rigolant.

Remus le vit reculer puis se tourner pour ouvrir sa penderie. Sur le lit de Sirius, il aperçut un carnet ouvert et un crayon. L'envie d'aller observer les dessins se trouvant à l'intérieur fut grande.

— N'oublie pas ton téléphone. 

— Il est sur ma table de nuit. Prends le. 

Remus ferma la porte derrière lui et partit récupérer le téléphone de Sirius qu'il glissa dans sa veste.

— Frontale ? demanda Sirius alors qu'il lançait des habits sur son lit.

— J'en ai deux, lui répondit-il en glissant un sourire en voyant le livre sur sa table de chevet. « L'espérance », il avait adoré le découvrir et ne s'était toujours pas très bien remis de la fin.

— Il fait froid ? 

— Oui. 

— On doit marcher longtemps ? 

— Oui, couvre-toi.

— On va où ? 

— Ta seule mission est de t'habiller, Sirius, rigola Remus. 

— Sauf que je panique, là, lui répondit-il sèchement.

Remus retira sa veste et la pendit au dos d'une chaise. Sirius avait beau s'agiter dans tous les sens, et avoir sorti tous ses habits de sa penderie, il était toujours en pantalon de jogging et t-shirt Era's Tour. Remus s'approcha du lit devant lequel Sirius se tenait et enroula ses bras autour de sa taille. Les mains de Sirius trouvèrent les siennes et Remus déposa un baiser contre sa joue. Sirius se blottit rapidement contre lui, et Remus eut envie de faire valser les aurores boréales pour rester là, avec lui entre ses bras. A la place, il déposa un baiser contre son cou puis attrapa le bas de son t-shirt pour le faire passer au-dessus de la tête. Il embrassa son épaule puis se décala pour attraper le premier sous pull qu'il avait remarqué sous le lit. Il l'aida à l'enfiler, puis s'assit sur le lit et fit descendre le jogging de Sirius le long de ses jambes, prenant le temps d'embrasser sa hanche, avant d'attraper le premier pantalon thermique qui lui tomba sous la main. 

— C'est pas assorti. 

— On s'en fiche, répondit Remus en rigolant alors qu'il se débattait à faire entrer les pieds de Sirius dans le pantalon polaire. 

Il se saisit ensuite d'un pull polaire et se redressa. Sirius l'attrapa et passa ses bras dedans et Remus tira doucement dessus pour l'ajuster. Puis il déposa un baiser contre sa joue et Sirius pivota la tête pour trouver ses lèvres. 

— Te voir m'habiller est peut-être encore plus sexy que de te voir me déshabiller, dit-il quand il s'écarta. 

—Je ne sais pas comment je dois le prendre, rigola-t-il en se décalant de Sirius pour aller récupérer sa veste. 

— Quand on rentre, je t'arrache tes fringues. Voilà comment tu dois le prendre, Remus, répondit-il en enfilant deux paires de chaussettes, puis son pantalon de snow. Il attrapa ensuite sa veste et un bonnet. 

— J'suis prêt ! 

— Gants ? 

— Accrochés à ma veste, lança-t-il en glissant ses pieds dans ses chaussures. J'suis prêt. 

— Parfait ! 

Quand ils se retrouvèrent dehors, le silence fut étourdissant. La neige était bien tombée, il était tard, plus personne n'était dehors. La seule lumière provenait des bars et restaurants qui étaient en train de ranger leurs tables. Sirius, lui, avait les yeux rivés vers le ciel. 

— Pourquoi j'ai l'impression qu'on va faire un truc qu'on a pas le droit de faire ? demanda-t-il, la tête toujours relevée.

— Parce que c'est le cas. 

Il pivota sa tête vers lui, et Remus esquissa un sourire.

— Depuis quand Remus Lupin ne suit pas le règlement ? 

— À chaque fois que ça vaut le coup, dit-il en attrapant le poignet de Sirius pour le faire pivoter vers la droite, dans ce chemin qui menait au chalet des motoneiges. 

— Toi, moi, une station déserte la nuit, la forêt, l'interdit... j'aurais pas rêvé mieux en mettant un pied ici, rigola Sirius en liant ses doigts aux siens, ce qui eut le ton de faire palpiter son cœur. Dis, tu prévois pas de me tuer ? 

— C'est une possibilité. Je donnerai ton corps à Kuna pour pas qu'il y ait de traces. 

— Ah. Ah. Ah. lança-t-il platement en le poussant. 

Le rire de Remus raisonna dans la nuit, puis il porta la main de Sirius à ses lèvres pour l'embrasser avant de glisser leurs mains dans la poche de sa veste. 

— C'est moi ou tu nous emmènes voler des motoneiges ? 

— Emprunter, corrigea-t-il, et on en prend qu'une seule. 

— J'peux conduire ?! questionna-t-il joyeusement. 

— Ça te convient de conduire au retour ? Comme je sais où on va et qu'il ne faut pas trop traîner... 

— Parfait! J't'ai dis que j'avais une moto ? À Londres ? 

— Non, jamais, répondit Remus en inclinant la tête vers lui. 

— C'est James et Fleamont qui me l'ont déniché et retapé. Je t'amènerai faire un tour. 

— Avec plaisir. Attends-moi là. 

— Putain, j'aurais jamais cru te voir entrer par effraction quelque part. 

— J'ai les clés ! dit-il fièrement en sortant le trousseau de sa poche. Ce n'est pas une effraction, ajouta-t-il en haussant les épaules. 

Il se faufila dans le chalet et se dirigea vers le coffre fort pour se saisir de la clef de la motoneige qu'il comptait utiliser. Il se mit à espérer qu'elle ait suffisamment d'essence. Au pire, il demanderait à Fabian de les rapatrier. Il attrapa deux casques au passage, et sortit du chalet qu'il verrouilla.

Remus était toujours vigilant quand il s'agissait de sécurité. Plus particulièrement en montagne. Encore plus dans la nuit, sur une motoneige. Mais, ce soir, il avait décidé de passer outre les limitations de vitesse. Les aurores boréales n'attendraient pas, et il ne voulait pas les manquer. Il avait rigolé quand, à mi-chemin, Sirius s'était penché vers lui pour lui dire qu'il avait définitivement l'impression qu'il allait le tuer dans cette forêt, avant de serrer ses bras autour de sa taille. 

Arrivé au bas du sentier, Sirius n'avait pas attendu que Remus coupe le contact de la motoneige pour en descendre et retirer son casque.

— C'est le sentier des cimes ! s'était-il exclamé en passant une main dans ses cheveux pour les démêler. 

— Précisément, répondit Remus en retirant son propre casque, et en le déposant sur le siège de la moto, à côté de celui de Sirius. Il l'attrapa par le coude et le faire se diriger vers le pont recouvert d'une fine couche de neige.

— On n'a définitivement pas le droit d'être là.

— Non, du tout, confirma Remus en enjambant la cordelette.

Sirius porta son regard vers le ciel, et Remus jura qu'il ne l'avait jamais vu avec un sourire aussi resplendissant. Il passa devant lui en sautillant et trottina sur le ponton en lançant « le premier arrivé en haut offre le restau ? ». 

Remus avait arrêté de courir à mi-chemin. Sa veste de ski autour de son bras, sa hanche qui avait décidé de l'embêter. Sirius était revenu vers lui, avait déposé ses mains autour de son visage et avait déposé ses lèvres sur les siennes, de la manière la plus spontanée qu'il ne l'avait fait. Puis il avait glissé son bras sous le sien, demandant quand est-ce qu'il serait au sommet.

Ils n'avaient pas retiré les guirlandes lumineuses qu'ils installaient en période de Noël, et cela rendait l'endroit encore plus magique. L'air était pur, l'odeur des érables et des sapins douce, presque enivrante, les étoiles étaient éclatantes. Au sommet, Sirius fit le tour des planches, tâchant de distinguer quelque chose dans l'obscurité, tandis que Remus enfilait de nouveau sa veste tout en s'installant déjà sur le filet en plein centre de la structure. 

— Tu déconnes ? 

— Ne me dis pas que tu as peur d'un peu de hauteur ? rigola Remus en s'allongeant. 

— On est à 40 mètres de hauteur, Remus. L'entendit-il répondre alors qu'il sentit le filet légèrement bouger avant que Sirius ne s'installe à ses côtés. 

—Tu fais de l'escalade.

— C'est pas pareil.

Remus sortit le téléphone de Sirius de sa poche et le lui tendit.

— Tu vas en avoir besoin.

Pour le moment, il n'y avait pas l'ombre d'une aurore en vue, mais le ciel était dégagé. Les conditions étaient optimales. Remus écouta Sirius lui raconter des histoires sur les étoiles, des anecdotes qu'il avait avec son frère, la hâte qu'il ressentait à le voir dans quelques jours. Remus lui demanda son programme, et réalisa qu'il ne lui restait plus que quelques semaines ici. Le temps était une chose abstraite qui, souvent, passait bien plus rapidement que prévu. Il n'avait pas envie de le voir partir. Est-ce qu'il le retrouverait, une fois à Londres ? Il l'espérait. Il était convaincu que oui, parce que Sirius le lui avait dit. Plusieurs fois. Mais, Remus avait une fâcheuse tendance à se méfier de l'espoir. 

Il tendit son bras vers le ciel et Sirius dégaina son téléphone.

— Bordel. 

Pour les prochaines minutes, plus rien ne comptait. Seulement la danse des aurores et étoiles dans le ciel, le silence autour d'eux, les quelques flocons qui venaient doucement caresser leurs joues, et la joie de Sirius.

Elles étaient belles, ces aurores. Les couleurs étaient saisissantes, hypnotisantes. Mais les expressions de Sirius étaient plus belles encore. Plus que le ciel, Remus passa la majeure partie de son temps à scruter le visage de Sirius. À imprégner son sourire dans sa mémoire, à voir les plis autour de son œil se former quand il rigolait, à voir son grain de beauté sur sa pommette danser à chaque fois qu'il ouvrait la bouche, et ses yeux scintiller. Il ne put s'empêcher de caresser sa joue, et quand Sirius tourna son visage vers lui, sa respiration se coupa. Il se perdit dans son regard avant que Sirius ne bascule sur lui et l'embrasse.

— Tu es en train de tout rater, rigola Remus quand, enfin, leurs bouches se séparèrent.

— Pas grave, répondit-il en déposant un baiser contre sa joue, puis un autre contre ses lèvres, avant de se laisser rouler à côté de lui.

Sirius déposa sa tête contre l'épaule de Remus, et ouvrit de nouveau son appareil photo pour observer le ciel.

— Moony ? 

— Hum ? 

— J'crois que tu réalises pas que ce que tu viens de faire, là, c'est quelque chose de super important pour moi.

— Ce n'est pas grand chose, Sirius...

— Si. Je t'ai dit une fois tout ce que j'aimerais faire ici. Une seule. Non seulement tu t'en es souvenu, mais en plus, tu m'as emmené exactement là où je voulais. Dans des conditions incroyables. J'aurais pas voulu voir cet endroit autrement que comme ça, dans la nuit avec toi. Pareil avec les grottes. C'était ton idée que je demande à Jörgen pour les glaciers. Donc, si, c'est important. Parce qu'on a jamais vraiment fait ce genre de choses pour moi.

Sans crier gare, et sans laisser le temps à Remus d'analyser ce qui venait de lui être dit, Sirius pivota l'objectif de son téléphone pour le mettre en mode selfie. Il murmura « souris », puis l'écran jaune les éblouis. Une fraction de seconde, avant qu'il ne retourne son objectif de nouveau pour observer le vert et rose des aurores boréales.

— Tu n'aurais jamais dû me dire ce genre de chose... souffla Remus en décalant sa tête de façon à la poser contre celle de Sirius.

— Je sais. J'aurais dû le garder dans ma tête. Mais j'crois que le froid me fait agir bizarrement.

— Ne l'interprète pas de la mauvaise manière. Je suis heureux que tu me le dises. C'est juste que ça confirme le fait que je t'apprécie plus que ce que je devrais.

Le silence fut assourdissant. Remus scruta la danse des aurores au travers de l'écran de Sirius. Son cœur tambourinait dans sa poitrine et sonnait dans ses oreilles. Sirius prit une énième photo, puis verrouilla son téléphone avant de se tourner vers Remus 

— Redis ça, pour voir.

— Non, rigola Remus. Tu as très bien entendu la première fois.

— Non... je crois que j'ai entendu « Sirius tu es incroyablement magnifique, tes cheveux sont d'une brillance incomparable, tes yeux hypnotisants », mais tout le monde dit ça, donc... 

Remus donna un coup d'épaule à Sirius en roulant les yeux au ciel. Puis, il s'assit sur le filet, le regard vers le ciel tandis que Sirius, lui, rigolait. Il sentit sa main glisser sous sa veste et tirer sur son pull. Remus le regarda par-dessus son épaule.

— J'ai entendu, lui dit-il. Je sais juste pas très bien comment gérer ça.

— Ça tombe bien, moi non plus, avoua Remus avec un sourire.

— Comme on le fait, là. C'est pas trop mal.

— Je suis d'accord. Tu nous ramènes à la maison, ou tu veux que je te fasse une lecture des étoiles pendant que tu te moques de moi ?

— J'nous ramène à la maison, lança Sirius en se redressant. J'ai des fringues à t'enlever, ajouta-t-il en tendant une main à Remus qui s'en saisit en rigolant.

 

 

Chapter 20: Présentations

Chapter Text

Remus passa devant la porte de chez Sirius et s’apprêta à toquer. Les forts rires de l’autre côté lui firent changer d’avis. Ils avaient l’air nombreux là-dedans, et l’ambiance semblait bonne. Remus continua son chemin en souriant, heureux qu’il passe une bonne soirée après les deux dernières journées. Leur nuit au sommet du sentier des cimes avait été la dernière où la météo s’était montrée clémente. S’en était suivi des chutes de neiges, et un temps à rester enfermer. Les sorties avaient toutes étaient reconduites, et tous les saisonniers s’étaient retrouvés dispatchés dans les différentes boutiques, ou au point d’informations. Forcément, les clients étaient remontés. Certains ne comprenaient pas que les humbles humains ne maîtrisaient pas les conditions météorologiques, et ils déversaient leur frustration sur les travailleurs. Les journées avaient été longues et éprouvantes. La veille, Sirius s’était endormi sur le fauteuil que Remus avait l’habitude de s’approprier. Il avait glissé une main dans ses cheveux pour le réveiller, et Sirius décida que la chambre de Remus étant plus proche de la sienne, il terminerait sa nuit ici. La tête à peine posée sur l’oreiller, il s’était rendormi. Remus, lui, avait passé la première partie de la nuit à se dire que c’était dingue, que Sirius soit là, à côté de lui. Il avait un peu du mal à y croire, sans pouvoir se l'expliquer.

Ce soir, Remus arrivait au niveau de sa porte, quand il sursauta, surpris par le vacarme provoqué par une porte qui se claquait contre le mur. La porte en question était celle de la chambre de Sirius, de laquelle jaillit un jeune homme, cheveux bruns en bataille et lunettes rétro sur le nez.

— Mais si, je vais clairement aller cogner à…

— James, bordel, non ! fut la réponse qui émergea de la bouche de Sirius, surgissant hors de sa chambre, pour attraper ledit James par les épaules.

— Je n’veux pas rater tes baff…

Sirius plaqua une main contre la bouche du jeune homme que Remus avait aperçu au travers de l’écran de téléphone de Sirius.

— Salut, Remus… lui dit-il avec un sourire qui avait presque l’air d’être timide, totalement à l’opposé de ce dont Remus était habitué.

— Oh ! s’exclama James. Salut, Remus John Lupin ! ajouta-t-il d'un air entendu.

—Tiens, tiens, comme les choses deviennent intéressantes… souffla Regulus.

— Remus ? lança une jeune femme à la chevelure rousse en sortant de la chambre.

— Enchanté ? répondit Remus, mi-amusé mi-gêné.

— Reggie, commença Sirius en pointant un doigt vers l'intéressé avant de le diriger ailleurs, James, mes frangins. Lily, ma meilleure amie.

— Ravie ! dit-elle avec un sourire qui compensait l'agressivité de tous les clients de ces dernières journées.

— Moi c’est Harry ! lança un jeune garçon aux yeux aussi verts que ceux de sa mère, et les cheveux emmêlés que ceux de son père.

Remus lui rendit son signe de main avec un sourire et, avant que toutes ces paires d’yeux posées sur lui commencent à l’angoisser, il pointa du doigt la salle commune.

— J’allais faire du thé, là-bas ? Vous voulez vous joindre à moi ?

— Carrément ! répondirent-ils tous en même temps en commençant à avancer dans le couloir.

Tous à l’exception de Sirius, qui resta planté là.

Remus le vit passer une main dans ses cheveux et soupirer avant de fermer sa porte. Il n’eut pas le temps de s’en inquiéter qu’Harry attrapa l’une de ses mains et le fit avancer.

— Il paraît que tu sais trop bien faire du snowboard !

— Ah bon ? rigola Remus en lançant un regard interrogateur vers Sirius qui, lui, fixait la moquette du couloir.

C’était une très mauvaise idée, qu’il venait d’avoir, de tous les convier pour un thé.

— Ouais !

–— Oui, chéri, oui, pas ouais, lança la voix de Lily alors que Remus commençait à réellement se maudire de sa décision.

— Pour avoir gagné un concours, c’est qu’il doit, en effet «trop bien faire du snowboard», dit James en arrivant au niveau de Remus.

— J’ai entendu dire que tu te débrouilles super bien sur des skis, dit Remus en penchant la tête vers Harry, pour oublier l’étrange sensation que lui provoquait le fait que James sache qu’il avait gagné le concours de freestyle.

— Oui, c’est grâce à maman.

— Pardon ?! s’exclama James. Oh, Harry Potter… tu ne sais pas ce que tu viens de dire…

— Toi tu tombes tout le temps !

— Juste pour le faire rire, précisa James à Remus alors qu’ils arrivaient dans la salle commune qui était, étonnamment déserte. Je suis normalement très bon.

Harry lâcha la main de Remus pour sauter sur l’un des canapés, et Remus se dirigea vers la kitchenette en évitant de croiser le regard de Sirius.

Le bruit de la bouilloire qu’il remplissait d’eau lui permit d’entendre simplement des bribes des conversations qui avaient lieu derrière lui.

« Il est peut-être occupé, Bambi », « T’as qu’à lui demander ! », « Je pense que c’est toi qui devrait le faire, ton parrain a l’air d’avoir perdu sa langue ».

Une douce odeur de vanille lui chatouilla les narines et il se tourna vers Lily qui se saisissait de tasses accrochées au mur.

— Vous n’êtes pas trop fatigués du voyage ? tenta Remus pour éviter d’entretenir le malaise qu’il ressentait.

— Je pourrais m’endormir debout, lui répondit-elle en rigolant. Mais ça fait tellement longtemps qu’on ne l’a pas vu qu’on n’a pas envie de le quitter, ajouta-t-elle avec un sourire.

— Je ne voulais pas m’interposer…

— Tu ne l’as pas fait ! coupa rapidement Lily en déposant des sachets de thé dans les différentes tasses. Harry va sûrement te demander de skier avec lui, demain. Tu n’es pas obligé d’accepter, même s’il te fait les yeux doux.

Remus n’eut pas le temps de lui répondre qu’il adorerait skier avec Harry. Les enfants sur des skis, trouvaient toujours le moyen de l'impressionner et l’amuser. Il n’eut pas non plus le temps de lui dire qu’il ne voulait pas empiéter sur leurs moments avec Sirius et, surtout, qu’il n’avait certainement rien à faire là, comme s’il représentait une pièce rapportée. James déboula entre eux-deux, déposant un bras sur les épaules de Remus.

— Tu travailles, demain ?

— Non, lui répondit Remus alors que l’eau se mettait à bouillir.

— Cool ! Tu viens skier, ou faire de snow avec nous ?

— Remus a peut-être d’autres choses à faire, lança la voix de Sirius du canapé.

Non. Il n’avait rien d’autre à faire. Il avait prévu de prendre son snow et de s’enfoncer dans la montagne, qu’importe la météo. Mais il n’avait pas envie d’empiéter sur un terrain sur lequel Sirius ne voulait pas l’y trouver.

— Je ferai en sorte de venir vous voir un moment, assura-t-il en se saisissant de la bouilloire pour en verser son contenu dans les tasses que Lily avait préparées. Je peux faire un chocolat, pour Harry, réalisa-t-il soudainement.

— Ne t’embêtes pas, dans cinq minutes, il sera endormi, lui répondit Lily en se saisissant de deux tasses avant de se diriger vers les canapés.

Elle choisit celui sur lequel Remus avait l’habitude de s’installer et jeta le plaid qui se trouvait sur l'accoudoir sur ses jambes. Il ne la connaissait pas, mais Remus l’appréciait déjà. Quand James s’assit à côté de son fils et que la seule place qui restait était celle à côté de Sirius — là où Remus refusait d’aller, parce que cela voulait dire qu’il allait falloir croiser son regard — il se dit que la place par terre, devant le feu qui était en train de s’éteindre était la meilleure option. Il tendit la seconde tasse de thé qu’il tenait entre ses mains à Regulus, puis se réfugia sur le sol. Harry, la tête sur les genoux de Sirius, les pieds sur ceux de son père, racontait à Sirius sa dernière aventure au parc avec son ami Ronald.

— Ronald ? ne put s’empêcher de demander Remus, tasse contre ses lèvres, sourcils froncés. Comme dans Ronald Weasley ?

Des Ronald de cinq ans, il ne devait pas en courir les rues, à Londres.

— Tu connais mon meilleur ami ? demanda Harry en redressant la tête.

— Hé bien, Harry, je crois que ton meilleur ami est le neveu de mon meilleur ami.

— Attends, lança Sirius en le regardant pour la première fois depuis une éternité. Fabian, son nom de famille c’est Prewett ?

— Oui.

— Putain, j’viens tout juste de réaliser ! C’est le frère de Molly ! dit-il en direction de Lily. J’aurais dû m'en rendre compte plus tôt ! Il travaille avec Arthur ?

Remus hocha la tête pour acquiescer en déglutissant sa gorgée de thé.

— C’est fou qu’on l’ait jamais croisé, vu le nombre de repas qu’on a fait chez eux.

— Tu sais, il est ici la moitié de l’année, ce n’est pas si étonnant que tu ne l’aies jamais vu avant, lui répondit Remus avec un sourire.

Il garda pour lui que Fabian ne participait plus aux repas d’anniversaires auxquels Molly conviait toute la famille, mais seulement à ceux en comité restreint.

Sirius hocha la tête, puis porta sa tasse à ses lèvres. Sur le fauteuil face à Remus, Regulus observait son frère fixement avec un léger sourire. Il tourna lentement son regard vers Remus qui s’empressa de prendre une gorgée de son thé, de façon à se camoufler derrière. Remus se tourna finalement vers Lily, parce que sa seule présence lui apportait un certain apaisement, et il lui demanda leur programme des jours à venir. Les suppositions allaient bon train. Sirius ne leur avait pas dévoilé tout ce qu’il comptait leur faire découvrir, mais ils disaient avoir des doutes sur certains lieux. Quand James aborda son espoir de voir des aurores boréales, Regulus glissa subtilement «apparemment on ne détrônera pas celles qu’a vu Sirius, il y a quelques jours…». Le regard que son frère lui lança fut glacial, mais Remus se concentra surtout sur la réponse de James et son plan infaillible pour en voir : espérer et être positif. Ce qui, selon Remus, était plutôt une bonne idée. C’est ce qu’il avait fait quand ils avaient été au sommet du sentier des cimes : espérer.

Lily leur raconta ses dernières anecdotes de tournée, faisant savoir à Sirius que certains patients se plaignaient de son absence. Elle incluait Remus. Tout comme James. Ils parlaient de leur vie, à Londres, mais il n’avait pas l’impression d’avoir face à lui des inconnus. Regulus et Sirius, eux, étaient plus silencieux. Sirius avait parsemé de quelques réactions la conversation sur ses patients, mais Remus ne l’avait jamais vu aussi peu bavard. Regulus observait. Beaucoup. Son frère, surtout. Ses interventions étaient directes, souvent sarcastiques. Remus l’apprécia de suite. Tous les trois, en fait. Les choses étaient simples.

Lily avait eu raison, son fils s’était endormi, la tête sur les genoux de Sirius qui glissait une main dans ses cheveux et qui évitait presque tout contact visuel avec Remus. James, malgré l’heure tardive et le décalage horaire, débordait d’énergie et posait des dizaines et des dizaines de questions à Remus. Sur les activités, ici. Sur ce qu’il aimait faire, à Londres. Le fait qu’il connaisse également Molly leur avait fait passer en revue toutes leurs relations. James assurait que le monde était minuscule et qu’ils devaient forcément avoir quelqu’un d’autre en commun. Ce fut qui Lily, qui lança le mouvement annonçant la fin de la soirée et se levant et débarrassant la table. Essuyant les tasses qu’elle avait tenues à laver, Remus réussit à savoir qu’ils logeaient dans l’hôtel à l'orée des sentiers de forêt. Le plus luxueux de la station. Toutes leurs affaires récupérées, sauf celles de Harry puisque Sirius avait insisté pour le garder avec lui, Remus compris que leurs conversations devant l'ascenseur pouvaient durer encore longtemps. Il s’excusa et leur souhaita une bonne nuit. Il ne tenait pas à interférer davantage avec leurs retrouvailles. James avait serré Remus dans ses bras, Lily avait serré son bras, Regulus lui avait sourit. Sirius aussi. D’un rapide sourire.

Dans son dos il entendit Regulus dire en un français sans accent « t’es vraiment con », Sirius lui répondre un « ta gueule » et James lancer « on avait dit plus de français pour des messes basses ! » auquel Lily rétorqua « la traduction était plutôt évidente, chéri » qui fit sourire Remus quand il ouvrit la porte de sa chambre.

*

Remus avait occupé sa matinée d’autant de manières que possible. Ses lessives étaient faites, son linge plié, sa chambre brillait de propreté et était rangé, il avait même mis de l’ordre dans celle de Fabian. À qui il tenait maintenant compagnie en boutique, lui racontant sa soirée de la veille et son embarras.

— Je peux donc savoir ce que tu fais à perdre ton temps avec moi, plutôt qu’être là-bas ? questionna Fabian en indiquant la station de son index.

— Je n’ai rien à faire avec eux.

— Non, Moony, tu n’as rien à faire ici. Ils t’ont proposé de skier avec eux, vas-y.

— Pas Sirius.

— Et alors ? Tu n’es pas obligé de faire les choses pour lui. Tu as dit qu’ils étaient cools, va donc passer un moment avec des personnes cools, ajouta-t-il en plaçant ses mains sur les épaules de Remus et en le poussant vers la sortie.

Remus avait hésité encore un moment, avant de partir enfiler sa tenue de snowboard. Puis il avait sifflé Kuna pour ensuite grimper sur un télésiège. Ça faisait longtemps qu’ils n’avaient pas descendu de piste tous les deux, et Alastor lui avait justement demandé d’emporter le malamut avec lui lors de ses prochaines sorties.

Remus n’avait aucune idée de là où ils pouvaient bien être, ou bien même s’ils s’étaient tenus au planning que Sirius avait prévu. Il se dirigea vers les pistes dont il pensait Harry capable de descendre. Ayant eu un bref aperçu de ses parents, Remus se doutait qu’il était dans la totale capacité de s’attaquer à certaines qui n’étaient pas de tout repos. En arrivant en gare, son regard se porta sur le groupe qui sortait du restaurant d’altitude. Bonne pioche. Kuna sauta avant lui du télésiège et Remus le suivit alors qu’il trottait, ironiquement, vers Sirius. Sirius qui posa son regard sur lui quand Remus siffla Kuna pour ne pas qu’il dévale la piste de suite.

— T’es venu, lança Sirius avec un sourire en se détachant du groupe.

— Je n’aurais pas dû ?

— Si ! répondit-il hâtivement. Si, mais je savais pas... J’sais pas, souffla-t-il en passant une main dans ses cheveux.

Remus tendit une main vers lui que Sirius saisit sans une seconde d’hésitation.

— Si c’est trop, tout ça, je descend par un autre chemin. Si c’est trop, mais supportable, je saurais me faire discret, assura doucement Remus en caressant le dos de la main de Sirius avec son pouce.

— C’est pas trop, dit-il en serrant sa main entre la sienne. Les chiens ont le droit d’être ici ? demanda-t-il en se dirigeant vers son groupe d’amis dont James ne perdit pas une seconde pour déposer son bras autour des épaules de Remus.

— Kuna a tous les droits, rigola Remus en enfilant sa paire de gants avant de saluer tout le monde.

Harry était déjà sur ses skis, prêt à descendre cette piste. Ce fut lui qui lança le convoi, une fois que tout le monde fut équipé.

Si Regulus était discret dans la vie, sur des skis, il était loin de l’être. Sa passion semblait être de rendre la vie de son frère des plus difficiles. Coupant sa route, lui lançant des challenges stupides auxquels Sirius se prêtait sans une seconde d’hésitation, détournant son attention de son chemin. Remus avait vu Sirius skier, il le faisait exactement de la même manière que Regulus. De façon précise et rapide. Sur un snowboard, ses mouvements étaient précis mais moins parfaits que lorsqu’il skiait. Sa façon de bouger était plus libre. Il ne le remarquait que maintenant, alors que, cette fois-ci, sa planche de snow venait de couper la route de Regulus juste avant un talus de neige qu’il comptait sauter. Quand Remus le dépassa, il l’entendît crier un « hé! » qui le fit s’arrêter net.

— Ça va ? s’inquiéta-t-il en se retournant vers Sirius.

— Ouais ! J’voulais que tu m’attendes, répondit-il en arrivant à sa hauteur.

— J’ai cru qu’il t’était arrivé un truc ! le sermonna Remus.

— Pas du tout, j’voulais juste trouver un moyen pour que tu me remarques, vu que tu m’ignores depuis que tu nous as rejoint.

— C’est faux !

— Non. T’as passé ton aprèm avec mon neveux, il est à deux doigts de l'appeler “tonton Remus”. Et quand t’étais pas avec lui, tu faisais le con avec James et Kuna.

Bon, il marquait peut-être un point…

— Et donc… tu es jaloux ? De ta propre famille ?

— Ouais, répondit-il simplement et triturant le zip de sa veste.

— Avec Regulus on pensait prendre le hors piste avant de rentrer…

— Laisse tomber, souffla Sirius en remettant son snow face à la piste, prêt à partir.

Remus rigola et lui attrapa le poignet, le faisant pivoter, et stoppa sa descente en glissant une main autour de sa taille.

— Désolé. Je ne t’ignore pas, assura-t-il sans le lâcher. Je ne sais pas trop comment me situer au milieu de tout ça, et je me pose beaucoup de questions depuis hier soir. J’essaie de faire en sorte de te laisser ton espace, mais ce n’est peut-être pas la bonne manière de faire.

— En étant aussi proche de moi que ça, là ? taquina Sirius avec un sourire.

— Je peux te lâcher et te laisser dévaler cette piste, si c’est ce que tu veux…

— Je veux que tu m’embrasses, Moony. Ça fait j’sais pas combien de jours que tu l’as pas fait.

— Deux, Sirius.

— Ouais, c’est trop long, conclut Sirius en agrippant la veste de Remus et en déposant ses lèvres contre les siennes.

Remus le garda contre lui, même après qu’ils aient rompu leur baiser. Les gens filaient autour d’eux, mais il avait l’impression qu’ils étaient seuls au monde.

— Désolé pour hier, j’étais bizarre.

— On était tous les deux bizarres, non ? rigola Remus en relâchant légèrement son étreinte, laissant à Sirius la place de repositionner correctement sa planche sur le versant de la montagne.

— Carrément. C’était…

— Beaucoup trop d’un coup ? termina Remus pour lui. Pour moi aussi, ajouta-t-il quand Sirius eut hoché la tête. Je n’aurais pas dû m’imposer comme ça, sans qu’on en ait discuté.

— Remus, James allait venir chez toi. Dans tous les cas on se serait retrouvés dans cette situation. T’as fait ce qu’il fallait.

Il quitta Remus des yeux pour observer Kuna qui tournait en rond autour d’eux.

— J’crois qu’il veut descendre.

— Ouvre la voie, je te rattraperai.

— C’est pas parce que t’as gagné un concours que tu peux te croire supérieur à… hé ! Putain tu triches !

— Tu es juste trop lent ! lança Remus qui avait déjà engagé sa descente.

*

Ils n’avaient fait que se croiser, ces derniers jours. Sirius passait la majorité de son temps avec sa famille, mais prenait toujours un moment pour trouver Remus, où qu’il puisse être. Pour un rapide café, ou simplement pour un « bonjour » entre deux sorties. La veille de leur départ, ils s’étaient tous retrouvés au bar d’Ashton. Ici, Marlène et Lily ne s’étaient pas lâchées de la soirée. Fabian, après avoir discuté de longs moments avec Harry et lui avoir raconté des anecdotes sur son neveu, avait, avec l’aisance qui le caractérisait tant, sympathisé avec James. Il s’était naturellement greffé à la dynamique que Sirius et lui entretenaient. D’ailleurs, bien plus discret que lors de n’importe quelle interaction sociale qu’il pouvait avoir avec les autres saisonniers, Sirius se montrait ce soir plus bavard que lors de cette soirée dans la salle commune. Plus solaire, également. Et les sourires qu’il adressait à Remus faisaient papillonner son cœur.

Il avait passé la majorité de sa soirée à discuter avec Regulus qui, bien que investit dans sa conversation avec Remus, réussissait toujours à rétorquer un commentaire cinglant à son frère au moment opportun, puis se retournait vers Remus avec un sourire satisfait avant de continuer sa discussion comme si de rien était. Au moment de se dire au revoir, James fit promettre à Remus qu’ils se verraient une fois à Londres. Alors que Sirius et Harry s’étaient lancés dans la confection d’un bonhomme de neige, Regulus vint se tenir aux côtés de Remus.

— Il t’aime bien, avait-il simplement dit en remontant la fermeture éclair de sa veste.

Remus se tourna vers lui, mais Regulus avait le regard rivé sur son frère.

— Il te le dira pas, parce qu’on est détraqués dans la famille, mais moi je te le dis. On nous a pas appris à gérer les sentiments, ne lui en veut pas de prendre du temps. Mais ne lui laisse pas passer les choses qu’il pourrait faire merder. À bientôt, Remus, lui dit-il en lui souriant avant de descendre les marches de la terrasse, tout en formant une boule avec la neige qui se trouvait sur la balustrade.

Boule de neige qu’il lança sur son frère, le stoppant dans la construction méthodique de son bonhomme de neige. Sirius se retourna lentement vers Regulus, de la neige accrochée à ses cheveux.

— Tu dors avec moi ?

— T'étais obligé de ruiner mes cheveux pour me poser cette question ?!

— Ils étaient déjà ruinés. Tu te laisses aller. Tu rentres avec moi ?

Face à face, Sirius dépassait son frère de seulement quelques centimètres. Il glissa une main dans les cheveux de Regulus qui marmonna, puis vint à la rencontre de Remus.

— Je te vois demain ?

— Je serai en randonnée avec Marlène, mais on devrait être rentrés en début de soirée.

— J’t’attendrai, lui dit-il en se hissant sur la pointe des pieds avant de rapidement se raviser.

— Quel était le projet ? rigola Remus en enlevant la neige toujours coincée dans les cheveux de Sirius.

— T’embrasser, j’crois.

— Et ça n’a pas abouti, parce que ?

— J’sais pas, Remus. J’sais plus rien quand t’es là.

Remus attrapa la main de Sirius et s’inclina pour déposer ses lèvres contre sa joue, estimant que c’était un bon entre deux. Avant qu’il ne s’éloigne, Sirius pivota sa tête et rencontra ses lèvres en serrant ses doigts autour de ceux de Remus qui ne put s’empêcher d’esquisser un sourire.

— Bonne nuit, Sirius, lui souffla-t-il quand ils rompirent leur baiser.

 

Chapter 21: Randonnée

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Fabian tournait en rond. Quand il ne mordait pas ses doigts, il scrutait son téléphone portable. Quand il ne s'aveuglait pas à trop regarder l'écran, il tentait un énième appel. Qui se coupait automatiquement. Alors il grillait sa rétine trop près de l'écran de télévision de la salle commune. Sa respiration était saccadée, la sensation dans sa poitrine étouffante, tout était lourd autour de lui, tout tournoyait. Les conversations étaient des hurlements à ses oreilles. Il avait la nausée. Il n'arrivait pas à se poser. Les mains sur ses bras étaient comparables à des brûlures. Il irradiait, et la seule personne qui pouvait réussir à l'apaiser était portée disparue, quelque part, de l'autre côté de la montagne.

 

On lui fourgua une tasse de thé dans les mains, mais il n'avait qu'une seule envie : l'exploser contre un mur.

 

Remus n'était pas là.

 

Marlène non plus.

 

Recroquevillé sur le fauteuil de la salle commune, Sirius fixait l'écran sans rien entendre autour de lui. Juste des sifflements. Son index enroulait de lui-même une mèche de ses cheveux, son autre main pinçant et griffant inconsciemment la peau au niveau de sa cage thoracique, pile là où son tatouage «disgrace» trônait fièrement. Les images des hélicoptères défilaient. Son esprit, lui, s'éteignait. Une main se posa sur son épaule et la violence avec laquelle il la repoussa le ramena à la réalité.

 

— J'suis désolé, articula-t-il en saisissant plus doucement le poignet de Jörgen. J'voulais pas... j'voulais pas te faire mal. J'étais plus... 

 

Il ne savait pas. Il n'arrivait pas à parler. Les mots ne venaient pas. Les pensées qui avaient ressurgies l'assommaient, criaient. Le bruit dans la pièce était abrutissant. Il voulait vomir. Tout allait trop vite. La réalité était un cauchemar et il voulait s'en échapper.

 

— Ça va, Sirius, c'est rien. Assura Jörgen en prenant sa main entre les siennes. J'ai fait du thé, tu en veux ?

 

Sirius secoua la tête et reporta son attention sur l'écran. Jörgen s'accroupit et réussit à capter son regard. 

 

— Ça ira. Il ne part jamais non préparé, ils ont prévenu les secours avec leur radio, Alastor a réagi en temps et en heure et je te garantis que Kuna le retrouvera avant les secours.

 

Sirius s'accrocha à son regard, et ses paroles, c'était la seule chose qu'il arrivait à faire. Il voulait y croire. Autour, Fabian creusait des tranchées dans le sol, le monde tournait autour de Sirius comme s'il était au cœur d'un cyclone. Il angoissait. Il angoissait d'angoisser autant. Il ne comprenait pas pourquoi. Les mots de Jörgen se transformaient de nouveau en sifflement, à part le bleu de ses yeux tout redevenait flou. Le monde vacillait et Remus n'était pas là pour le stabiliser.

 

Fabian venait de raccrocher avec Lyall quand, il tenta une nouvelle fois de téléphoner à Remus. Cette fois-ci, les sonneries retentirent. Il y vit un signe d'espoir. Quand le répondeur de Remus s'enclencha, il essaya de contacter Alastor. Aucune réponse. Il envoya son téléphone sur un fauteuil et continua ses cents pas dans la pièce. Il étouffait. Il eut l'impression que sa tête se décrocha de sa nuque quand Luke entra dans la salle commune.

 

— Ils vont bien, dit-il en se déplaçant vers Fabian qui sentit soudainement tous les muscles de son corps se relâcher. Ses jambes tremblantes, il se maintenait fermement au dossier du fauteuil sur lequel Sirius était assis pour ne pas tomber. J'ai eu Alastor et je viens de raccrocher avec Hope et Rhona. Ils vont bien, Alastor les amène à l'hôpital pour s'assurer... 

 

Fabian ne laissa pas le temps à Luke de terminer sa phrase qu'il se dirigea vers la sortie de la salle commune. Il fut immédiatement bloqué par les mains de Luke sur ses épaules.

 

— Hép, hép ! Non. Tu restes ici. Tu n'es...

 

— Non.

 

— Fabian...

 

— Pourquoi les amener à l'hôpital si ça va ?

 

— C'est la procédure, Fabian.

 

— Il déteste les hôpitaux, coupa-t-il en essayant de se dégager de l'emprise que Luke faisait plus ferme sur ses épaules.

 

— Il n'est pas seul. Tu n'es pas en état de conduire, et moi non plus. Personne, ici, ne l'est.

 

— Il déteste les hôpitaux, répéta-t-il, faiblement cette fois. Les bras de Luke glissèrent autour de lui pour le maintenir contre lui alors que la pièce se mettait à tourner à une vitesse déconcertante.

 

Sirius distingua la voix de Fabian se briser, puis son cerveau se mit de nouveau en pause. Il allait bien. C'est ce qu'il avait entendu. Remus allait bien. Il pouvait arrêter d'angoisser maintenant. Alors, pourquoi est-ce qu'il ne le faisait pas ? Pourquoi est-ce que rien ne semblait aller ? Pourquoi s'inquiétait-il autant ?

 

Il n'aurait su dire pour combien de temps est-ce qu'il fixait l'entrée. Trop longtemps, sûrement. Il avait l'impression que seul son corps était présent, mais que tout ce qui le composait, son esprit, ses pensées, s'étaient enfuis. Loin. Très loin. La lumière du couloir s'alluma. Puis s'éteignit. Il ressentait à peine la brûlure que lui infligeait ses yeux. Il n'entendait même plus les pas de Fabian autour de lui. Il ne savait pas depuis combien temps il était là, sur ce canapé. Le temps n'existait plus. Il avait froid. Ça, il s'en rendait compte. Mais il n'avait pas la force de bouger. Son cerveau le refusait. Remus avait dû avoir froid. Plus que ça, même. La lumière du couloir s'alluma. Puis s'éteignit. Encore et encore. Mais personne n'entrait ici. La lumière s'alluma. Puis s'éteignit. À chaque fois il ressentait une vague d'espoir l'envahir avant de disparaître presque aussitôt. La lumière s'alluma. Des ombres dansèrent sur le sol. Marlène passa à peine le cadre de la porte que Fabian se jeta sur elle.

 

— PLUS JAMAIS ! Tu m'entends McKinnon ?! Plus jamais ! Il la tenait fermement entre ses bras avant de reculer légèrement, ses doigts enfoncés dans ses bras pour l'observer. Il la rapprocha de lui une encore fois, et tendit un bras vers Remus qui entrait dans la pièce pour l'étreindre également. Je fais quoi sans vous, moi ?! s'exclama-t-il en les relâchant, se tournant cette fois face à Remus. Je fais quoi sans toi, putain, Remus ?! Vous êtes complétement cons, ou quoi ?! tonna-t-il en le poussant. Explorer un putain de glacier sous une tempête ! Putain, Remus !

 

— On va bien, assura Remus en attrapant Fabian par les épaules pour éviter qu'il ne le pousse une nouvelle fois. Il l'approcha de lui et s'imprégna de l'étreinte en soupirant. Il venait de retrouver une petite partie de lui. On va bien, réitéra-t-il. On a eu plus de peur que de mal.

 

— Moi j'ai eu peur et j'ai eu mal, espèces d'imbéciles !

 

— On a bien rigolé, là-dedans, lança Marlène. Entre des crises d'angoisse, puis de larmes. Les secours ont dit qu'on avait super bien géré ! C'est Kuna qui a creusé la sortie avant eux, d'ailleurs. On est pas prêts de te lâcher, Prewett, ajouta-t-elle en se joignant à leur étreinte.

 

— J'aurais jamais supporté de vous perdre, souffla Fabian.

 

Remus non plus. Il n'y avait pas un monde dans lequel il s'imaginait vivre sans Fabian. 

 

Par delà l'épaule de Fabian, Remus réussit à distinguer les sourires des saisonniers qui avaient patienté ici jusqu'à leur retour. Il était trop épuisé pour exprimer concrètement toute sa reconnaissance, mais il espérait que les sourires qu'il leur rendit en retour étaient suffisants pour qu'ils le comprennent. Entre Fabian qui ne lâchait pas son bras, les personnes qui venaient vers eux pour les entraîner dans une accolade et les mots auxquels il avait beaucoup de mal à répondre, son regard se porta sur Sirius. Sur le fauteuil, le fixant comme s'il venait de voir un fantôme. Il voyait sa cage thoracique se lever et se baisser à une vitesse affolante. Il se décala de Fabian et s'approcha vers Sirius. Il avait envie de courir vers lui, et de le serrer dans ses bras. De lui avouer que beaucoup de ses pensées s'étaient tournées vers lui. À la place, il approcha prudemment et s'accroupit devant le fauteuil. Il tendit une main vers Sirius. Sans quitter ses yeux, Sirius attrapa la main de Remus avant de déplier ses jambes pour s'approcher du rebord du fauteuil et serrer Remus dans ses bras. Fermement.

 

— Hi, Cariad, souffla Remus en déposant un rapide baiser contre son cou, avant que Sirius ne dépose son front contre son épaule, ses bras le serrant davantage.

 

— J'ai eu peur, Remus.

 

La voix de Sirius était tellement faible que Remus ne fut pas certain de l'avoir réellement entendu parler. Sirius recula légèrement et plaça une main sur la joue de Remus, ses yeux détaillaient son visage avec une telle intensité qu'il sentit ses pommettes chauffer. 

 

— Me fais plus ce coup là. De partir sans être certain de revenir.

 

— Je vais essayer, sourit Remus en attrapant la main de Sirius pour y déposer un baiser.

Chapter 22: Cariad

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— Tu l'as appelé Cariad. 

 

— Ça m'a échappé, répondit Remus en récupérant le casque que lui tendait Fabian pour le poser sur une étagère.

 

— Deux fois ?

 

— Il faut croire.

 

— Tu n'as jamais donné de surnom à personne.

 

— Si. Toi.

 

— Déjà, je n'ai pas eu droit à un surnom aussi stylé. Puis on avait quinze ans. On comprenait rien à ce qui nous arrivait, donc je ne compte pas dans le lot, ajouta-t-il en reculant de l'escabeau sur lequel se tenait Remus.

 

— Vous êtes sérieux ?

 

Remus tourna la tête vers Alastor qui venait d'entrer de la boutique. Il fit en sorte d'aligner correctement la rangée des nouveaux casques qu'ils venaient de recevoir, puis sauta de l'escabeau.

 

— Vous avez vraiment besoin d'être deux pour faire ça ?

 

— Oui, répondirent Fabian et Remus d'une même voix Alors qu'ils savaient pertinemment qu'ils n'avaient pas besoin d'être deux.

 

Remus aurait pu arranger les achalandages tout seul, et Fabian aurait pu s'occuper d'encaisser les ventes. Seulement, Fabian détestait ça, et, de plus, il ne lâchait pas Remus d'une semelle depuis l'épisode des glaciers la semaine passée.

 

— Vous m'épuisez, soupira Alastor en s'en allant.

 

— Il part bientôt, non ?

 

— Alastor ? répondit Remus en sachant très bien que Fabian ne parlait pas du tout, du tout d'Alastor.

 

Fabian leva les yeux au ciel en prenant la direction des caisses, prenant le soin d'éviter délibérément un client dans l'allée. Remus, lui, prit le temps de lui dire bonjour. Puis de le conseiller. Il entendit Fabian râler quand, après avoir encaissé les affaires du client, Remus eut écopé d'un beau pourboire. 

 

Sirius partait dans deux semaines. Il partait dans deux semaines et Remus ne savait pas trop quoi faire de cette information. Parce que ça allait. Théoriquement. Il savait qu'il le reverrait, à Londres. Il le lui avait dit. Ils se l'étaient dit. Ils avaient même conclu un marché, à la dernière pleine lune, sous un baiser. Sirius devait l'amener faire un tour de moto, Remus devait l'amener dans sa librairie préférée. Remus devait lui faire découvrir une galerie d'art, Sirius devait la plus belle friperie de Londres. Ils devaient aller au sommet de Primrose Hill, ils s'étaient dit qu'ils iraient à Liverpool, parce que Remus n'y avait jamais été. Ils s'étaient dit qu'ils iraient à Iford Manor au printemps pour les glycines en fleurs. Ils avaient des choses de prévus, pour quand ils se retrouveraient, à Londres. C'était rassurant, de créer des projets, ça permettait de retarder l'échéance. Les deux semaines n'étaient pas encore passées que Remus était déjà nostalgique. Donc il s'y attachait, à ces projets. Pour repousser l'absence de Sirius. Parce qu'il prenait de la place. Il était dans tous les recoins de la station, mais surtout dans tous les recoins de ses pensées. Ce ne serait pas une chose qui changerait, quand il ne serait plus là. Sirius s'inviterait toujours dans les pensées de Remus, c'était une évidence. Mais ne plus l'avoir, cinq portes plus loin, ne plus le croiser en bas des pistes, ne plus avoir ses doigts qui l'effleuraient dans un couloir, allaient lui manquer. Sirius allait lui manquer. Même si moins d'un mois séparait leurs retrouvailles.

 

Pour compenser le manque potentiel qui allait survenir, ils passaient la majorité de leur temps libre ensemble. Remus montait à la terrasse quand Sirius n'était pas dans la salle commune ou qu'il ne répondait pas à sa porte. Sirius s'installait sur l'accoudoir du fauteuil de Remus quand il lisait un livre, puis finissait par s'installer à côté de lui, une tête sur son épaule, s'amusant à énerver Marlène en lui racontant comment est-ce qu'il avait réussi à cocher une nouvelle case de bingo. Ils avaient fait le tour de la station. Remus lui avait montré tous ses recoins préférés, lui avait fait découvrir les endroits «secrets» qu'il gardait pour lui depuis des années. Ils étaient descendus en ville, avaient fait le tour des boutiques, Sirius avait emporté des souvenirs pour ses amis, pour Harry. Remus s'était imprégné de ses rires, du grain de beauté sur sa pommette qui dansait quand il parlait, de la texture de ses cheveux dans lesquels il adorait glisser ses doigts. Il s'était enivré de son odeur, de sa peau, de la couleur de ses yeux. Définitivement, Remus ne voulait pas le voir partir. Plus les jours approchaient, plus il redoutait le moment où il lui dirait «à bientôt» à l'aéroport.

 

Les derniers jours avaient été intenses. C'était souvent le cas, les fins de saisons. Tous les touristes arrivaient en masse pour profiter des dernières neiges, tandis que les saisonniers s'en allaient petit à petit. Les sorties s'enchaînaient plus rapidement, les lendemains arrivaient en un battement de cils. Leur laissant peu de temps pour se reposer. Le corps de Remus commençait à s'épuiser, et il avait passé une rude journée. Un soir, endormi sur les coups de 21 heures, il avait simplement entendu Sirius se glisser dans son lit et le serrer dans ses bras. Ils avaient pourtant prévu un dîner que Remus n'avait pas été en capacité d'honorer. Alors, le lendemain, dés que sa journée de travail s'était terminée, il était parti chez le dépanneur et avait acheté tout le nécessaire pour préparer un repas à Sirius. Il y avait passé plus de temps que prévu, soignant la présentation de sa table et de ses assiettes. Quand il fut satisfait, ses bougies allumées, il partit en direction de la chambre de Sirius.

 

— Hey Rem' ! Ça va ? 

 

Derrière la porte, ce n'était pas Sirius. Il s'agissait de Ludovic, cheveux emmêlés, t-shirt débraillé. Derrière Ludovic, sur la table ronde de Sirius, deux verres, une bouteille de vin vide, une à moitié remplie, son lit défait.

 

Non. Non, ça n'allait pas.

 

Remus eut l'impression de chuter dans le ravin d'une montagne. Il s'écroulait. Le néant s'installait.

 

Rien n'allait.

 

Stupide. Il se sentait extrêmement stupide, d'y avoir cru. Fort. De ne pas avoir osé aborder réellement le sujet de ce qu'ils pouvaient bien être.

 

Rien, apparemment.

 

Il ravala le nœud dans sa gorge, et afficha un sourire.

 

— Très bien. J'avais un truc à dire à Sirius, mais ça peut attendre.

 

— Dès qu'il sort de la douche je lui dis que tu es passé, si tu veux.

 

— Non, non ! répondit-il rapidement.

 

Trop rapidement.

 

— Ce n'est pas la peine. Passez une bonne soirée, ajouta-t-il en exagérant son sourire.

 

Il s'éloigna de la porte et distingua à peine le «Bye Rem' !» que lui lançait Ludovic. Il tentait de ne pas vaciller dans ce couloir. Il avait l'impression de se trouver dans un navire qui affrontait une tempête et des vagues d'une hauteur vertigineuse. Il était précisément dans la chute annonçant le creux de la vague. Son cœur lui donnait l'impression d'être en suspension, prêt à lâcher. Il ferma la porte de chez lui, laissant les bougies s'éteindre toute seule, elles pouvaient très bien mettre feu à sa chambre, plus rien ne comptait. Les sprinklers éteindraient leurs flammes, de toute façon, de la même manière qu'ils l'avaient fait quand ils avaient mit le feu à la cuisine de Marlène. Ses affaires seraient ruinées, mais, tant pis. Plus rien n'importait. Il cogna à la porte de Fabian qui, à peine son regard intercepté, lui ouvrit les bras pour qu'il s'y réfugie.

Chapter 23: I love you...

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Il avait passé la journée à se convaincre qu'il allait bien. Il avait affiché un sourire de façade, réussi à tenir des conversations avec les clients, supporté cette lourde sensation dans sa poitrine, réussi à ce que sa voix ne se brise pas à chaque fois qu'il prenait la parole. D'apparence, tout allait bien. À l'intérieur, il tombait en morceaux.

Ils devaient se voir, ce soir. C'était censé être leur dernière soirée ensemble. Remus ne comptait pas le retrouver. C'était puéril, oui. Mais, de toute façon, il n'était même plus convaincu que Sirius soit au rendez-vous. Alors, à quoi bon s'infliger l'attente, les doutes, la tristesse ? Il était déjà en lambeaux, autant ne pas rajouter de la souffrance sur la souffrance.

Assis sur le rebord de sa fenêtre, scrutant les flocons de neige tomber, son cœur manqua un battement quand il entendit les trois coups contre sa porte. Ses jambes en coton, il se dirigea vers son entrée, sachant précisément qui est-ce qui se tiendrait de l'autre côté.

Bingo.

Sirius, traits tirés, se tenait là, devant sa porte. Un éclair de soulagement traversa ses yeux quand il vit Remus. Remus qui tâchait de ne pas se concentrer sur ce détail.

— Putain, Remus ! J'me suis inquiété.

Il tendit une main vers lui, que Remus s'efforça à ne pas regarder, ni à serrer.

— Bonsoir, répondit-il en essayant de camoufler toutes les émotions qui se mélangeaient dans son cerveau.

Le fait qu'il soit heureux que Sirius soit venu le chercher. Le fait qu'il culpabilise de ne pas être descendu. Le fait qu'il soit triste que Sirius s'en aille. Le fait qu'il soit dévasté que ce que soit la dernière fois qu'il le voit. Le fait qu'il lui en veuille, beaucoup. Le fait qu'il soit anéanti d'être tombé fou amoureux de lui.

— Bonsoir ?! s'exclama Sirius en laissant tomber sa main le long de son corps. Je croyais qu'il t'était encore arrivé un truc ! J'avais aucune idée de comment te joindre, vu qu'on a jamais eu l'idée d'échanger nos putains de numéros. T'étais où ?!

— Je croyais que tu serais avec Ludovic, je n'avais pas envie de déranger.

Remus vit les épaules de Sirius s'affaisser, ses yeux cligner. Les quelques secondes de silence parurent durer une éternité.

— Tu rigoles ?

— Non.

Ne pas vaciller s'avérait être une épreuve titanesque.

— Laisse-moi entrer, lança Sirius en faisant un pas en avant.

— Pour quoi faire ?

— Parce que j'ai pas envie d'hurler dans ce putain de couloir !

— C'est déjà ce que tu es en train de faire.

— Merde, Remus, lâcha Sirius en passant la porte, ne tenant pas compte de Remus. Pourquoi tu m'as laissé tomber, ce soir ?

Remus se tourna face à lui, mais ne ferma pas complètement sa porte. Il ne voulait pas l'avoir ici. Il était trop en colère, contre Sirius, contre lui-même. Il était trop triste.

— Pourquoi Ludo était chez toi, hier soir ? questionna-t-il en retour, froidement.

Il ne devrait pas demander, pourtant. Ça ne le regardait pas. Ils ne s'étaient rien promis. Sirius pouvait faire ce qu'il voulait avec qui il voulait.

Sauf que ça ne sonnait pas juste, ça. Ils ne s'étaient rien promis, mais c'était tout comme. Ou alors Remus avait mal interprété les choses.

— Il s'est rien passé.

Sirius avait parlé vite. Trop vite.

— Si tu le dis.

— Il ne s'est rien passé, répéta-t-il.

— Ok.

Il ne le croyait pas, il n'y arrivait pas. Il voyait dans ses yeux qu'il ne lui disait pas toute la vérité.

Sirius s'approcha de lui et tendit ses mains vers celles de Remus. Mains qu'il glissa dans ses poches, en ayant un mouvement de recul vers sa porte.

— Remus...

Le ton brisé de la voix de Sirius fit chanceler Remus qui s'empressa de prendre la parole.

— On a jamais mit de mots, mais je suis quand même déçu. Je ne peux pas t'en vouloir pour quelque chose qui n'a jamais été statué, mais j'arrive pas à m'en empêcher. Je pensais bêtement t'avoir fait comprendre ce que je ressentais, je me suis trompé.

Sirius ferma les yeux, fort, et Remus le vit déglutir avant qu'il ne prenne la parole.

— J'ai pas... j'ai pas été jusqu'au bout. On s'est embrassés...

— Je ne veux pas savoir, le coupa-t-il calmement.

— ...Et c'est tout. Enfin non ça a dérapé mais...

— Je ne veux pas savoir, dit-il plus fort.

— ...J'ai pas pu aller plus loin parce que...

— Sirius ! s'emporta-t-il cette fois. Qu'est-ce que tu ne comprends pas dans : je ne veux pas savoir ?! Je ne veux pas savoir ce qu'il s'est passé. Je me fiche que tu n'ai pas réussi à aller plus loin qu'un putain de baiser ou d'une pipe ou qu'il t'ait pris toute la nuit. Je ne veux pas savoir ! Je veux par contre que tu t'en ailles de ma chambre.

— Je pars demain...

La main que glissa Sirius dans ses cheveux était tremblante. Remus fit en sorte que sa voix ne le soit pas.

— Je sais.

— Moon...

— Remus, interrompit-il instantanément. Je voudrais que tu sortes Sirius, s'il te plaît.

— Non, dit-il en faisant un nouveau pas vers lui. Pas tant que tu as pas écouté ce que j'ai à te dire.

— Me dire quoi, Sirius ?

Sa question fit stopper Sirius qui fixa Remus.

— Me dire qu'il ne s'est rien passé ? Tu viens de le faire et on sait, toi comme moi, que c'est faux. Je suis plus en colère contre moi que contre toi, mais je suis aussi trop triste pour te regarder en face maintenant, alors, s'il te plaît, sors de chez moi. À part si tu peux me garantir que tu m'en aurais parlé ce soir, et que tu étais prêt à avoir une discussion à ce propos, et à propos de quoi qu'on puisse avoir été, toi et moi.

Sirius ne bougea pas. Ni ne parla. Il fixait Remus. Remus qui attendait une réponse. Un mot, qui lui dirait qu'il n'avait pas imaginé ce qu'il s'était passé entre eux, un mot qui lui dirait que ce qu'ils avaient eu était vrai.

— Non, donc, dit-il alors que son cœur était en miettes, entre eux deux.

Il attrapa la poignée de sa porte afin de l'ouvrir davantage, espérant que Sirius s'y faufile le plus rapidement possible. Ou la referme, fort, pour se tourner vers lui et lui dire que, si, tout avait été réel.

— On se dit au revoir comme ça ?

— Tu m'as dit au revoir au moment où tu as ramené quelqu'un d'autre chez toi, Sirius.

Quand Sirius passa la porte, torrent d'insolence et d'ambre sur son passage, Remus eut l'impression que son monde se rapetissait. Il ferma sa porte et s'écroula derrière celle-ci. Laissant, enfin, les émotions qu'il avait retenues toute la journée s'exprimer. L'espoir l'avait toujours légèrement effrayé. Combiné à l'amour, ce mélange avait tendance à le terrifier. Aujourd'hui, il l'achevait.

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I love you, I'm sorry

*****

Je sais que vous devez beaucoup m'en vouloir... Promis, en vrai, je suis très sympa comme nana 😇

 

Chapter 24: Fin de saison

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Les jours s'enchaînaient et se ressemblaient.

Remus se levait, préparait trois Thermos de café, partait travailler, puis regagnait sa chambre. Fabian toquait à sa porte et n'attendait pas que Remus lui réponde pour entrer. Il le traînait ensuite jusqu'aux pistes de ski qu'ils descendaient encore et encore.

Remus occupait son esprit, le plus possible. Il avait peur que s'il arrêtait, s'il se posait ne serait-ce qu'une seconde, s'il refusait de faire du snow avec Fabian, d'accompagner Marlène en ville, d'écourter ses balades avec kuna, il s'écroulerait totalement. Ce n'était pas quelque chose qu'il souhaitait, alors il s'occupait. Trop. Mais ça lui faisait du bien. Les sommets des montagnes lui apportaient sérénité, les parois des glaciers lui assuraient un certain contrôle, les rires de ses amis éloignaient la morosité, les récits de Jörgen calmaient son anxiété.

Les jours s'enchaînaient et se ressemblaient. C'était tout aussi vrai pour les nuits. Pendant lesquelles il ne dormait que très peu, ses pensées se faisant bruyantes.

Sirius était devenu un sujet tabou. Il n'en parlait pas, ses amis non plus. Ils avaient essayé, mais Remus coupait court à cette conversation-là. Quand il entendait son nom dans la salle commune, soit il en sortait, soit il enfonçait ses écouteurs dans ses oreilles. Il ne voulait pas entendre qu'ils avaient eu de ses nouvelles, et encore moins savoir ce qu'il devenait.

C'était faux, pourtant. Il voulait savoir s'il allait bien, s'il s'était fait houspiller par Mme Tourdesac, l'une des patientes de sa tournée, s'il était allé récupérer Harry à la sortie de l'école pour lui faire une surprise. Il voulait savoir s'il allait bien, il voulait savoir tout ça, mais de sa bouche à lui. C'est pour ça qu'il s'était lancé corps et âme dans le travail. Pour ne rien entendre, rien supposer. Il devait bien admettre que cela lui avait permis de remonter la pente. Il se sentait moins abattu que les premiers jours. Il était facile de faire comme si Sirius n'était qu'une ligne dans la marge du livre de Remus. Écrite en tout petit. C'est ce dont il essayait de se convaincre. Chaque jour qui s'écoulait.

Les deux derniers vendredis de chaque fin de saison, ils se réunissaient tous pour faire des comptes rendus de leur expérience. Sous forme de jeux et confidences, ils se remémoraient moments et expériences.

Le dernier vendredi, ils devaient élire un seul et unique meilleur moment de leur saison.

Celui de Remus lui était tombé dessus comme une évidence. Mais il avait décidé de le gommer. Il en avait d'autres des bons moments. Des très bons moments, même, et il n'avait pas été compliqué d'en sélectionner un nouveau. Il avait élu la pire journée celle où Marlène et lui s'étaient retrouvés bloqués sous un glacier. Pas celle où il n'avait pas rejoint Sirius pour leur dernier rendez-vous.

Ils avaient fait le compte des bingos. Marlène était en tête. À la deuxième place, Sirius, à la troisième Leïla. Qui se faisait toujours discrète, mais terminait souvent sur le podium. Tout le monde avait tenu à envoyer une photo du classement à Sirius. Tout le monde voulait être sur la photo. Remus s'était proposé de la prendre. Il ne tenait pas à être dessus. Alors il avait pris le téléphone que lui avait tendu Ilaria et, avec sa voix la plus enjouée, avait lancé « souriez! » avant de cliquer sur le déclencheur et rendre son téléphone à la jeune femme. Prétendre qu'il allait bien était facile. Jusqu'à ce qu'il se retrouve seul dans son lit. Certaines nuits étaient plus simples que d'autres, mais, ainsi allait la vie. Il était en vie, il respirait, ça allait. À moitié, mais ça allait, et c'est ce à quoi il se raccrochait.

Les au revoir avec Alastor et Luke furent bref, ils se retrouveraient bien rapidement à Londres. Il était cependant tenté d'embarquer dès à présent Kuna avec lui. Mais Alastor avait été catégorique : son chien ne voyageait pas sans lui.

Les départs lui laissaient toujours un goût doux amer... voir la station s'éloigner du mini bus lui provoquait toujours un pincement au cœur, cette année, peut être plus encore. Quand Marlène déposa sa tête sur son épaule, Remus ravala la boule au creux de sa gorge et les larmes qui piquaient ses yeux.

Ils rentraient à la maison et il laissait ici tous ses souvenirs.

L'espoir avait eu tendance à lui jouer des tours ces derniers mois. Remus avait eu tendance à essayer de l'éloigner, mais il restait accroché fermement à lui. Donc, inévitablement, dans l'avion, il avait espéré. Un peu. Beaucoup. Douloureusement. De voir Sirius à l'aéroport, l'accueillir avec une pancarte comme dans les téléfilms bidons et prévisibles de Noël.

Son pied tapait tout seul une mesure trop rapide alors qu'ils attendaient leurs bagages, ses dents mordillaient l'intérieur de ses joues. Remus espérait. C'était plus fort que lui.

Sirius n'était pas là. Mais Hope et Lyall oui. Toujours présents au rendez-vous, comme chaque année. L'embrassade de sa mère était aussi réconfortante que déchirante. Quand elle réalisa qu'il ne recula pas et resta entre ses bras, Hope resserra son étreinte. Remus avait l'impression d'avoir perdu une vingtaine d'années et de n'avoir besoin de sa mère et seulement d'elle. Elle avait posé des pansements sur ses genoux éraflés, appliqué de l'arnica sur des bleus, sécher ses larmes et apaisé sa douleur un nombre incalculable de fois. Elle avait posé des mots, tel des bandages sur son cœur lors de sa première déception amoureuse, elle avait soigné ses cicatrices, elle l'avait aidé à reprendre sa respiration. Mais Remus n'était pas sûr qu'elle réussisse à apaiser sa peine cette fois-ci. Il se l'était imposé tout seul.

****

Momma Song

Promis, ça ira mieux tout bientôt

 

Chapter 25: Londres

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Londres était restée la même, fourmillante de monde, colorée, vibrante. Si l'effervescence de sa ville ne l'avait jamais dérangé, qu'il réussissait toujours à trouver des endroits où l'apaisement régnait, les retours à la réalité étaient toujours compliqués. Remus trouvait la ville trop bruyante, les moteurs de voitures ou de bus trop agressifs, la lumière trop terne. À chaque retour de saison, il avait besoin d'un moment d'acclimatation. Quelques jours suffisaient puis, même si la montagne lui manquait toujours, il reprenait goût à la ville, et le décalage horaire n'était plus qu'un lointain souvenir. 

 

Cette année, le retour avait une saveur différente. Il était reconnaissant d'avoir Fabian et Marlène à ses côtés, comme chaque année. Ils rendaient la transition plus douce, malgré l'amertume qui le suivait à la trace.

 

Ils avaient célébré son anniversaire dans le jardinet de ses parents. Le soleil avait décidé de pointer le bout de son nez et, même si la chaleur n'était pas au rendez-vous, les rayons de soleil réchauffaient son cœur. Alice et Frank étaient venus, Molly et Arthur également. La surprise fut Dorcas. Dont Marlène avait étonnement réussie à garder la venue secrète. Les avoir tous ici avait eu le don de réchauffer son cœur. Tout en faisant fondre des chamallows, ou tremper des fruits dans du chocolat fondu, ils refaisaient le monde. Remus réalisa que c'était la première fois depuis des semaines qu'il avait rigolé. Vraiment rigolé.

 

Voir Marlène et Dorcas partir avait été douloureux, mais la date de leurs retrouvailles était déjà fixée pour cet été. Le temps passerait en un claquement de doigts. C'est ce qu'ils s'étaient assurés. 

 

La vie londonienne reprenait son cours, comme si elle n'avait jamais été mise en pause. C'était le cas chaque année, mais Remus en était toujours surpris.

 

Retrouver la clinique lui apportait une bouffée d'air frais. Ses repères ne s'étaient pas envolés et il se déplaçaient entre les seringues, bouteilles de désinfectants et animaux en tout genre avec une grande sérénité.

 

Même retrouver M. Rusard, ce client aigri à l'animal plus aigri encore, lui avait fait plaisir. Pour une raison inconnue, M. Rusard le détestait, ce qui amusait Remus qui redoublait de gentillesse et de mièvreries. Il estimait la visite réussie si l'homme acariâtre repartait en marmonnant.

 

Quand Remus n'était pas à la clinique, il chaussait des baskets de courses et avalait les kilomètres jusqu'à ce que ses jambes aient du mal à le supporter. Il évitait Hyde Park. Bien qu'il s'agissait du parc dans lequel il préférait courir.

 

Il avait acquis de nouvelles habitudes. Il n'effectuait plus ses courses à son Marks & Spencer habituel. Il préférait prendre un détour en rentrant de la clinique. Il évitait également son café de quartier préféré aux horaires de pointe. Il n'avait pas remis un pied dans sa salle d'escalade favorite depuis qu'il était rentré. Tout ça parce qu'il ne souhaitait pas tomber sur Sirius. Ce qui était ridicule, selon Fabian, étant donné qu'ils ne s'étaient jamais retrouvés dans ces endroits-là avant. Seulement, Remus préférait ne pas tenter l'univers et le karma.

 

*

 

Remus remercia la cliente et caressa la tête du labrador couleur chocolat en les ramenant jusqu'à la porte. Porte qui, une fois que Remus eut le dos tourné, s'ouvrit avec fracas, manquant de briser le carillon.

 

Remus sursauta et pivota. Il n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche que le jeune homme s'approcha de lui, chat dans les mains, l'air désemparé. 

 

— Mon chat va pas bien, il vomit partout. Je comprends pas pourquoi, et il a interdiction de mourir. Je ne sais pas quoi faire. Je n'ai pas de rendez-vous et je n'ai pas pensé à appeler, mais s'il lui arrive quoique ce soit mon mec va me tuer, et j'ai paniqué, et...

 

— Et on va examiner ce chat, coupa doucement Remus en ouvrant une porte de salle d'examen et invitant le jeune homme à entrer.

 

— Maintenant ? Vraiment ? demanda-t-il, ses yeux remplis d'espoir. 

 

— Vraiment. 

 

— Putain, merci. Tu vas vivre, mon grand, t'as pas le choix... l'entendit-il dire plus bas alors qu'il passait la porte. 

 

Faites que ce chat aille bien. Pensa Remus en refermant la porte. 

 

Le jeune homme venait de déposer le chat noir sur la table d'auscultation sans pour autant le lâcher.

 

— Il vomi depuis cet aprèm, et quand il vomi pas, il bave partout comme un vieux gars sous drogue. C'est mon mec qui sait quoi faire normalement, mais il me réponds pas. C'est notre chat, mais c'est surtout le sien, et il me pardonnera jamais s'il lui arrive un truc. 

 

Remus tendit sa main vers le chat qui, après avoir feulé une première fois, accepta que Remus gratte son cou. Puis, il s'approcha de lui et Remus réussit à le manipuler facilement. Il allait bien. Il montrait seulement quelques signes de fatigue et de déshydratation. 

 

— Il se laisse pas trop toucher d'habitude, il aime pas les gens. 

 

— J'ai plutôt la côte, avec les animaux. Plus qu'avec les humains, répondit Remus en observant la réactivité des yeux de l'animal, docile pour un chat qui n'aimait pas les gens. Est-ce qu'il est amené à sortir ?

 

— Non. Enfin, si, on a un balcon. Il va pas plus loin que ça. Pas à cause de sa patte en moins, mais notre balcon ne lui permet pas de s'échapper.

 

— Vous avez des plantes, chez vous ? 

 

— Ouais, ma sœur est fleuriste, elle m'en rapporte à chaque fois qu'elle vient.

 

— Ça ne serait pas étonnant qu'il en ait mangé une qui ne soit...

 

Remus n'eut pas le temps de terminer sa phrase que la porte s'ouvrit rapidement. Il entendit Aimee, la secrétaire vétérinaire, lever la voix, mais il fut surtout interpellé par la personne qui venait de débouler dans sa salle.

 

— Il est où ?! 

 

— Regulus ?

 

— Remus ?

 

— Putain, Reg ! lança le jeune homme. Ton putain de téléphone te sert à quoi, bordel ? T'aurais pas pu répondre ?

 

— J'étais en consultation, abrutis ! siffla Regulus en s'approchant rapidement de la table. Il faut que tu sauves mon chat, Remus, ajouta-t-il en tendant une main vers le chat qui se mit immédiatement à ronronner. 

 

— Il va bien, tenta le partenaire de Regulus

 

— Tu m'appelles quatorze fois et m'envoies un putain de message vocal en disant qu'il vomit tripes et boyaux, non il va pas bien, non. Il peut pas mourir. 

 

— Il ne va pas mourir, le rassura Remus en partant ouvrir un tiroir pour prendre le matériel nécessaire afin de lui faire une prise de sang. Simplement pour rassurer Regulus qui ne semblait pas l'écouter.

 

— S'il meurt, Evan... 

 

— Il ne va pas mourir !! coupa Evan. Il a dû bouffer un truc pas net. Tu le saurais si t'écoutais ce qu'il a à te dire ! 

 

— Il est hors de question qu'il lui arrive un truc. Il est censé mourir vieux, et dans nos bras. Pas parce qu'il a bouffé un truc pas net ! 

 

— Tu crois que je ne le sais pas ? Que j'y ai pas pensé pendant tout le trajet  ?

 

— Sirius me l'a offert ! 

 

— NOUS l'a offert ! Je m'en souviens très bien, j'étais là, merci. 

 

— Je sais que la situation est délicate pour tout le monde, mais pour éviter de le stresser davantage, j'aimerais que vous arrêtiez de crier. Sinon je vais vous demander, à tous les deux, de sortir pour que je puisse lui faire une prise de sang tranquillement. 

 

— Pousse-toi, lança Regulus à Evan en lui donnant un coup d'épaule pour qu'il puisse tenir le chat. 

 

— C'est mon chat aussi, rétorqua-t-il sans se décaler, le ton de sa voix cependant plus doux. Je sais que tu as toujours voulu un chat, que vous n'y avez jamais eu droit et que Sirius s'est empressé d'aller en chercher un quand on s'est installés. Je sais à quel point tout ça ça signifie pour toi. Mais je fais partie de l'équation Reg. C'est notre chat, moi aussi je l'aime, et il est autant important pour toi que pour moi, donc, je vais moi aussi le tenir pendant qu'on lui plante une aiguille dans le corps. 

 

Si une anomalie venait à ressortir dans les analyses, Remus s'en voudrait toute sa vie, il en était convaincu.

 

— Désolé, j'ai paniqué. Je ne peux pas la perdre. Pas comme ça. 

 

— Je sais. 

 

— Comment il s'appelle ? questionna Remus quand il sentit que l'atmosphère venait de s'apaiser.

 

— Sirius voulait qu'on l'appelle Tripod, parce qu'il a trois pattes... 

 

— On l'a appelé Bucky, continua Evan. 

 

— Des gens l'ont foutu dans un sac poubelle avec le reste de la portée. Quand Sirius a été à la SPA il n'y avait que deux survivants. Vu que mon frère est timbré, il s'est dit que ces chats étaient une allégorie sur notre famille et que celui-ci était destiné à finir sa vie avec moi. Nous, corrigea-t-il. 

 

Remus esquissa un sourire, ils étaient attendrissants, tous les deux. Pendant ce temps, Bucky ne broncha pas au contact du désinfectant.  Ni de l'aiguille. 

 

— Où est le deuxième ? 

 

— Chez James et Lily. Sirius ne pensait pas être capable de s'occuper de quoi que ce soit sans... il ne pensait pas être capable de s'en occuper. 

 

Remus hocha la tête et expliqua ce qu'il avait tenté de dire à Evan lorsque Regulus fit irruption dans la salle. Il leur donna une solution de réhydratation et leur communiqua quelques conseils, puis, après avoir récupéré le numéro de Regulus, leur promit de les appeler dès qu'il aurait reçu les résultats. Même s'il n'y avait rien à signaler. Il leur proposa un sac de transport pour le retour, mais Regulus préféra garder son chat contre lui pour le trajet. Ils n'habitaient, à priori, pas loin d'ici.

 

Après leur départ, Aimee sermona Remus. Premièrement, il n'aurait jamais dû accepter que ce jeune homme assiste à la consultation au vu de la façon dont il était entré. Deuxièmement il aurait dû les faire payer, plus encore que nécessaire pour pallier le manque de politesse. Remus ne s'aventura pas à argumenter, et accueillit dans sa salle un couple et leur shiba.

 

Le soir même, quand il raconta cette histoire à Fabian, ce dernier le vit comme un signe du destin : il était temps que Remus contacte Sirius.

 

La réponse fut directe : non. 

 

Remus n'avait pas envie de contacter Sirius. Il lui en voulait toujours un peu. Mais il s'en voulait surtout toujours à lui. Beaucoup. Il n'avait ni le courage de l'affronter, ni l'envie de prendre son frère comme prétexte pour tenter d'établir un contact. Peut-être bien que Sirius était parti loin, très loin de Londres et que c'était pour ça qu'ils n'étaient pas amenés à se recroiser. Cette hypothèse convenait très bien à Remus.

 

Le lendemain, Remus envoya un SMS à Regulus. "Les résultats viennent d'arriver, Bucky va très bien ! Vous pouvez respirer :)"

 

La réponse arriva dans la seconde : "MERCI. Remus, tu es élu comme notre sauveur ! On se voit bientôt."

 

Bientôt.

 

Remus espérait que bientôt n'arrive jamais, ou en tous cas le plus tard possible. Déjà parce qu'il ne voulait pas que Bucky revienne dans son cabinet avant qu'il ne soit extrêmement vieux. Même vieux, il ne souhaitait pas qu'il revienne ici. Il voulait qu'il parte entre les bras de Regulus et Evan, d'une cause naturelle et dans son sommeil. Puis parce qu'il n'avait pas envie de revoir Regulus. Non pas parce qu'il ne l'appréciait pas, au contraire, mais parce que si Regulus était impliqué, son frère le serait certainement aussi, et c'était surtout lui que Remus ne voulait pas voir.

 

Comme ses pensées le faisaient partir dans d'étranges spirales, il était rentré de la clinique seulement pour enfiler une tenue de sport et coincer son casque de musique sur ses oreilles. Il cogna contre la porte de Fabian, qui en sortit quelques secondes plus tard, prêt à avaler les kilomètres en bord de Tamise.

 

Ils n'avaient pas avalé les kilomètres, ils les avaient engloutis. Ils avaient regagné leur appartement, essoufflés.

 

— Plus jamais, Moony, tu m'entends ? articula difficilement Fabian en montant les marches jusqu'à chez eux, les jambes tremblantes.

 

"Plus jamais" avait duré deux jours. Cette fois-ci, quand ils avaient de nouveau gravi les escaliers menant à leurs appartements, Fabian s'accrochant à la rambarde comme à une bouée de sauvetage, son discours avait été légèrement différent.

 

— La prochaine fois, je te laisse y aller tout seul.

 

Ça n'avait pas été le cas. Fabian l'avait accompagné à chaque fois que Remus venait taper contre sa porte. Ils avaient couru, beaucoup. Ils avaient évité Hyde Park, toujours. Fabian avait tenté de le conduire de nouveau dans une salle d'escalade. Remus avait accepté à une seule condition : s'y rendre très tôt le matin.

 

Fabian avait râlé, mais avait concédé. Ils avaient donc fait l'ouverture de la salle d'escalade préférée de Remus. Ici, alors qu'ils s'en allaient, ils croisèrent Abel. À qui Remus s'était entendu répondre "volontiers" quand il avait soumis l'idée de se retrouver pour un verre.

 

— Pourquoi j'ai répondu ça ? s'était-il lamenté en déposant son front sur l'épaule de Fabian alors qu'ils remontaient l'avenue pour regagner le centre de Londres.

 

— Parce que c'est une bonne idée ! Une très bonne idée ! Et je t'y conduirai moi-même s'il faut. T'as toujours apprécié Abel.

 

— Oui, mais...

 

— Mais rien du tout, Remus. Tu sors prendre un verre avec lui, tu passes un bon moment, il te ramène chez lui, tu passes un bon moment, tu rentres chez toi. Rien de plus. Pas d'engagement, pas de longues conversations sur un potentiel futur : juste du fun, Remus.

 

C'est le mantra que Remus s'était répété sur le chemin du pub auquel ils s'étaient donné rendez-vous. "Juste du fun". Pour le temps d'une soirée, Remus avait réussi à mettre ses pensées en pause. La compagnie d'Abel était plaisante, les sujets de conversations s'enchaînaient simplement, tout en étant intéressants. La bière qu'ils avaient partagé sur son canapé avait été bien meilleure que celle du bar, qu'ils avaient fini par élire comme étant l'un des pubs les plus pourris de Londres. Quand Abel avait rit en déposant sa main sur la jambe de Remus, il avait glissé ses doigts entre les siens, puis l'avait embrassé.

 

Juste du fun. Juste le temps d'une nuit.

Chapter 26: Couleurs

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À mesure que la grisaille fuyait le ciel londonien, la vie de Remus reprenait des couleurs. Pastels, mais des couleurs tout de même. Rire n'était plus rare, ni une épreuve. La culpabilité ne flottait plus au-dessus de sa tête. Ses pensées ne tournaient plus autour d'un seul et unique sujet. Retrouver le bureau de sa psychologue avait certainement dû jouer un rôle important dans cette avancée. Les mois étaient passés, son moral s'améliorait, Remus allait bien.

 

Fabian et lui s'étaient accordés un week-end en Ecosse, pour investir l'appartement de Marlène et Dorcas. Elles leur avaient fait visiter leur nouveau café préféré, puis ils s'étaient éloignés du centre pour une randonnée. Si Marlène et Remus rigolaient sur le fait que, cette fois, ils ne risquaient pas de se faire coincer sous un glacier, ce n'était pas le cas de Fabian et Dorcas. Qui, eux, abordaient toujours cette histoire avec sérieux et réticence. Rhona, la mère de Marlène, plus encore. Elle leur avait bien fait entendre quand elle s'était joint à eux pour un dîner à leur arrivée.

 

— Pour notre défense, tenta Marlène alors que le dénivelé devenait plus prononcé, la météo n'indiquait pas de tempête.

 

— Quand on est entré dans le glacier, il faisait encore beau. On ne pouvait pas prédire que les chutes de neige provoqueraient cette mini avalanche qui a bloqué la sortie.

 

— N'en rajoutez pas une couche, coupa Fabian. On ne s'en est toujours pas remis.

 

La randonnée s'était terminée autour d'un repas dans un pub. Des musiciens s'y produisaient, et grâce, ou à cause, de l'intervention de Marlène, Remus et Fabian s'étaient retrouvés une guitare chacun entre les mains. Sur la scène, à reprendre des musiques avec les artistes. Leur répertoire varié permettait aux jeunes hommes de réussir à attraper les accords. Fabian râlait lorsqu'il ne connaissait pas une chanson, Remus se concentrait pour suivre. De sa place, Marlène immortalisait le moment.

 

Créer des souvenirs lumineux au travers des nuages, étaient ce que Remus tentait le plus de faire. en plus de toujours tenir le mantra "juste du fun". 

 

C'était ce qu'il apprenait, petit à petit. S'amuser, ne plus trop réfléchir. Si, sur le moment une idée lui faisait plaisir, il la concrétisait. Et il devait bien admettre qu'en effet, penser et faire des choses positives, voir la vie et ses évènements du bons côtés, permettaient d'attirer ce même genre de situation.

 

La vie se colorait de nouveau. Bien que persistaient certaines zones d'ombres. La nuit, surtout. Comme souvent. Comme toujours. Les questions revenaient en flèches, s'entrechoquaient, les doutes les submergeaient. Courtes étaient les nuits, sombres aussi. "Juste du fun" s'arrêtait minuit passé. Comme si une frontière s'était établie, laissant les pensées négatives hors de portée seulement un certain temps. Alors, la nuit, il écrivait. Dans ce carnet qu'il avait finalement accepté de rouvrir. Remus dépassait toujours les premières pages, refusait de voir les portraits, les premiers mots qu'il avait pu déposer, les croquis, qui n'étaient pas les siens, qui avaient pu s'y glisser. Il utilisait le carnet à l'envers, pour remettre ses idées dans l'ordre.

 

Thérapie par l'écriture, avait un jour dit son père. Lui disait "thérapie par le charabia". Parce qu'il n'était pas convaincu que le terme écriture soit approprié. Il jetait des pensées, des mots, des phrases qui n'avaient pas de sens, pas d'ordre. Dans un carnet qu'il utilisait comme on lit un manga.

 

De nouveaux livres coloraient ses étagères. Beaucoup trop. Quand les mots ne venaient pas à l'écrit, ils les lisaient. Il avalait donc des quantités astronomiques de romans. Ce qui avait le don d'agacer Alice qui n'arrivait pas à suivre la cadence. Mais qui repartait avec de nouvelles recommandations lorsqu'ils se voyaient.

 

Il se réappropriait les rues de Londres, celles qu'il évitait à son retour. Il ne faisait plus de détours pour aller faire ses courses, il ne s'interdisait plus d'aller dans son café préféré aux heures de pointe. Il partait courir à Hyde Park. Il entrait dans ses restaurants préférés pour prendre à emporter. La vie reprenait son cours, et des couleurs.

 

— Non, je ne m'inscrirai pas au marathon avec toi, lança Fabian en tartinant de cottage cheese son morceau de pain.

 

— C'est dans un an, Fab' ! lui répondit Remus. Tu as largement le temps de t'y préparer.

 

— Ce n'est pas une question de préparation, je n'ai juste pas envie de crever en chemin.

 

— Mais sur des skis, là tu ne te poses pas la question ? répondit Molly avec un sourire.

 

— Ça n'a rien à voir.

 

— Pourtant...

 

— Non, Moony, pourtant rien du tout. Je ne vais pas aller cracher mes poumons juste pour te faire plaisir. Longer la Tamise c'est déjà suffisant.

 

En attrapant un bâtonnet de carotte, Remus se donna pour objectif de réussir à convaincre Fabian. Après tout, il avait quelques mois devant lui, et il était convaincu qu'il réussirait à avoir gain de cause. Il tourna son attention vers Ronald quand il s'assit à côté de lui.

 

— Quand est-ce que tu m'amènes faire du bateau ?

 

— Comme on avait fait l'année dernière ? Sur le Regent Canal ?

 

— Oui ! C'était trop bien.

 

Remus esquissa un sourire au souvenir. Ça avait été une bonne journée, jusqu'à ce que Ronald fasse tomber sa casquette dans la canal et que Fabian ait eu du mal à la rattraper. Et surtout, qu'une fois la casquette récupérée, Ronald refuse de la porter parce qu'elle était mouillée.

 

— Pendant les vacances ? demanda Remus.

 

— Pour fêter les vacances ! proposa plutôt Ronald.

 

— C'est une bonne idée, concéda Remus avec un sourire.

 

— Mon copain Harry, il pourra venir ?

 

Ah.

 

Harry.

 

Effectivement, Remus avait eu tendance à occulter de son esprit qu'Harry et Ronald étaient amis. Il sentit le regard de Fabian sur lui, attendant patiemment d'entendre la réponse que Remus allait apporter à son neveu.

 

— Oui, très bonne idée, Ron.

 

— On demandera à son père de venir, tiens, lança nonchalamment Fabian, sachant que quand James était inclu, Sirius l'était forcément aussi.

 

— Non ! s'exclama Ronald. Il a fait couler un kayak quand il était à l'école !

 

C'est comme ça que Ronald leur raconta la mésaventure de James et du kayak coulant, et de son meilleur ami, Sirius Black, qui l'aurait aidé à se hisser sur son propre kayak pour le sauver d'une noyade certaine.

 

— Toujours là quand on a besoin de lui... répondit sarcastiquement Remus, en tâchant de garder son sourire. Hé ! tonna-t-il en direction de Fabian qui venait de lui lancer son glaçon en plastique au visage.

 

— Ne mêle pas mon neveu à vos histoires.

 

— Je ne mêle personne à quoique ce soit ! Je suis très investi dans cette histoire. Sirius a sauvé la vie de James : youpi ! Qu'est devenu le kayak ?

 

— Ils ont réussis à le ramener !

 

— De véritables héros. On est certains que Sirius n'a pas menti dans cette histoire ? Hé, mais stop ! s'exclama Remus quand il reçut, cette fois-ci, deux glaçons en plastique qu'il renvoya en direction de Fabian.

 

Ce qui fut une brillante idée pour détourner l'attention de Ronald de cette histoire. S'amusant à récupérer les glaçons pour les lancer sur son frère qui avait la tête plongée dans un bouquin.

 

Les rires des garçons remplirent le parc, et eu le don de réchauffer davantage le cœur de Remus. Qu'importe que Sirius ait été abordé, ce n'était pas lui qui viendrait ombrager ses pensées. 

 

Le soleil revenait, les terrasses s'installaient, l'ambiance dans le pubs devenaient plus légère et conviviale. Celui où Remus, Fabian et Frank s'étaient retrouvés pour la soirée cochait presque toutes les cases que Remus recherchait. La musique était bonne, mais pas trop forte. Il pouvait donc entendre clairement ses amis discuter. Il n'y avait pas d'écran qui pouvaient distraire l'attention. Ils brassaient eux-mêmes leurs bières. Leur carte proposait des snacks végétariens qui n'étaient pas seulement une assiette de frites.

 

Penchés sur le téléphone de Frank, ils essayaient de déterminer, entre tous les costumes qu'il avait pu essayer, celui qui serait l'élu pour son mariage avec Alice. Si Fabian avait une idée bien tranchée, Remus était plus nuancé. Alice lui avait montré une photo de sa robe, et il tentait d'orienter le choix de Frank de façon à ce que son costume soit assorti. Les regards éloquents qu'il lançait à Fabian ne semblant pas lui faire percuter ses intentions, il tenta de lui donner un léger coup de pied sous la table.

 

— Mais quoi ?! Je trouve que le col de cette veste lui va mieux !

 

— Mais la couleur de l'autre correspond mieux au thème... 

 

— Le but c'est pas qu'on le confonde avec la déco.

 

— Je suis d'accord avec toi Fab'. Cela dit, je pense vraiment que le deuxième costume est une meilleure idée, ajouta-t-il avec un regard appuyé.

 

La lueur dans les yeux de Fabian lui fit comprendre, qu'enfin, il venait de réaliser ce que Remus tentait de faire.

 

— Ouais, il est pas si terrible, ce col de veste, finalement...

 

— Vous m'agacez, quand vous vous parlez en télépathie, rigola Frank.

 

Pour ce genre de conversation, ils avaient en effet souvent besoin de télépathie. Par contre, pour déceler leurs émotions, leurs véritables pensées, un simple mouvement, un simple regard, leur suffisait. Il s'agissait même du fondement de leur amitié, le fait de lire en l'autre avec aisance, de savoir sans communiquer. Ça leur simplifiait la vie dans bien des situations. C'est pour ça que, lorsqu'un rire retentit au fond du bar, et que leur regard se croisèrent, ils comprirent tous les deux.

 

À une table, à l'opposé de la leur, se tenait Sirius. Avec James et un autre jeune homme. Mais Sirius. Dont le rire venait de se cogner contre tous les murs du bar pour retomber en des centaines de particules. Quand il passa une main dans ses cheveux et que son regard se porta une infime seconde de l'autre côté de la pièce, son rire s'étouffa, son sourire s'effaça. Quand il détourna le regard, il reprit sa conversation comme si le temps ne s'était pas suspendu. Comme si l'électricité qui venait de traverser Remus ne l'avait pas lui aussi traversé. S'il reprit la parole, sourire au bord des lèvres, comme si ce moment n'avait jamais existé, James, lui, tourna la tête vers leur table. Sourire sincère, et chaleureux, il leur fit un signe de main que Remus et Fabian lui rendirent.

 

Remus sentait que Fabian voulait se lever pour aller les saluer. Remus voulait se lever pour aller saluer James. Il ressentait que le sentiment était réciproque. Pourtant, aucun d'eux ne bougèrent.

 

— Tu veux qu'on change de pub ? demanda Fabian.

 

— Deux pas et on en trouve un autre.

 

 — Ça va, assura Remus en n'étant pas convaincu.

 

Il prit une gorgée de sa bière et relança une conversation. Il avait besoin d'écouter ses amis parler. D'entendre leur voix, de se concentrer sur leurs lèvres qui bougeaient, sur leurs yeux qui se coloraient, s'illuminaient, s'exprimaient. Il ne fallait surtout pas que son attention se détourne d'eux. Sinon, il se mettrait à fixer Sirius. S'il se mettait à fixer Sirius, son cœur se mettrait à s'emballer. Si son cœur s'emballait, il aurait du mal à respirer. S'il avait du mal à respirer, il commencerait à paniquer. S'il se mettait à paniquer, il aurait l'impression que le monde s'écroulait. Si le monde s'écroulait, il aurait l'impression qu'il était en train de mourir. S'il avait l'impression qu'il...

 

— Tu me disais que Jörgen venait à Londres ?

 

— Hum ? dit-il en se concentrant sur Frank.

 

— Tu crois qu'on aura le temps de le voir avant qu'il ne reparte ?

 

Remus n'avait aucune idée de quoi est-ce que Frank pouvait bien lui parler. Il ferma les yeux un instant pour se remettre les idées en place. Jörgen. Londres.

 

— Oui. Oui, désolé. Il comptait organiser un pique nique ou quelque chose du genre. Donc, oui vous arriverez à vous voir avant qu'il aille au Laos.

 

— Cool ! J'ai entendu dire que, là-bas...

 

Remus se concentrait, mais il lui était difficile de comprendre ce que pouvait bien raconter Frank sur le Laos. Ses yeux lui brûlaient de rester trop fixés sur son visage, sa bière, Fabian. Il avait chaud. Il avait froid. Son cœur s'emballait. Non. Stop. Il en était hors de question. Remus recula sa chaise et partit en direction des toilettes qui, par chance, se trouvait bien loin de la table de Sirius. Il aspergea son visage d'eau, et fit en sorte de rassembler ses esprits.

 

Tout allait bien.

 

Sirius était là, c'était une chose à laquelle il s'était préparé. De le croiser.

 

Tout allait bien.

 

Quand il se sentit capable de regagner sa table sans que son esprit ne divague, il ouvrit la porte. Il tomba sur James dont le sourire illumina l'espace, et les pensées de Remus.

 

— Je suis trop content de te voir ! s'exclama James joyeusement en serrant Remus dans ses bras. 

 

Il lui rendit son étreinte avec plaisir, et n'eut pas vraiment envie de le lâcher. James avait quelque chose de réconfortant. Ils conclurent qu'ils devaient tous les deux se retrouver pour un café, et ils échangèrent leurs numéros. James avait promis de lui écrire d'ici deux jours et lui avait dit que, s'il ne recevait pas un message de lui, Remus devait absolument l'appeler pour l'engueuler. Ils avaient rapidement ri, puis s'étaient séparés comme si... comme si de rien n'était. Comme si James allait venir s'asseoir à leur table ensuite et discuter comme si des mois ne séparaient pas leur dernière rencontre.

 

De retour à sa table, Remus suivait toujours difficilement la conversation. Il distinguait des mots, sans en saisir le sens profond. Il hochait la tête quand il sentait que c'était nécessaire. Il répondait par des onomatopées. Il sentait le regard de Fabian sur lui, et sentit surtout ses doigts autour de son poignet quand il se mit à tapoter nerveusement son verre. Le problème était que se concentrer sur ses amis était une tâche relativement complexe quand le plus bel homme de la création se trouvait de l'autre côté de la pièce. Et que ce même homme avait fait battre son cœur comme jamais auparavant. Pour le briser en mille morceaux. Morceaux que Remus tentait encore de recoller. Mais Sirius lui manquait. Beaucoup. Et il était juste là. À quelques pas.

 

Fait chier,  putain.  

 

— Je reviens. 

 

— Enfin ! entendit-il Fabian dire.

Chapter 27: ... I'm sorry.

Chapter Text

Au comptoir, Remus commanda une bière blanche, et une nouvelle bière ambrée. Ses doigts tapotaient nerveusement sur le bois cireux. Il remercia le serveur et se saisit des deux chopes en se forçant à respirer. Il s’excusa en se faufilant entre les clients qui avaient décidé de rester debout, en plein milieu du chemin. Rendant sa venue jusqu’à la table de Sirius encore plus compliquée que ce qu’elle ne l’était déjà. C’était peut être une connerie. Mais… tant pis.

Parce que l’univers aimait s’amuser, la chaise située pile poil face à Sirius était vide. Remus prit une grande inspiration et déposa la bière blanche devant Sirius. Suffisamment fort pour que ce dernier pose son regard sur le verre, puis sur Remus qui s’asseyait, tâchant de ne pas détourner les yeux. 

Il était là maintenant, il était trop tard pour faire demi-tour.

Il tendit sa main vers Sirius.

— Remus. Enchanté.

Il entendit des chaises rafler le sol, sentit une main se poser sur son épaule, avant de s’en décoller. Mais il ne se concentra que sur Sirius qui, lui non plus, ne fuyait pas le regard.

— C’est comme ça qu’on est censés se présenter ? 

— Il paraît.

Il vit le coin de la bouche de Sirius se lever imperceptiblement, avant qu’il ne tende sa main vers lui. Sans ciller, ils soutinrent le regard de l’autre, attendant que l’un d’eux se décide à combler le vide entre leurs mains, à faire le premier pas.

Ce fut Remus qui plaça sa paume dans celle de Sirius.

— Sirius, enchanté, dit-il finalement quand il referma ses doigts sur la main de Remus.

Avant de retirer sa main, Remus sentit le pouce de Sirius caresser sa peau brièvement.

— Iechyd Da, lança Sirius avant de prendre une gorgée de la bière que Remus lui avait apporté. 

Remus cilla, et Sirius esquissa un sourire avant d’appuyer son dos contre le dossier de sa chaise.

— Maintenant que l’on connaît nos prénoms respectifs, il se passe quoi ?

— Je n’ai pas réfléchi jusqu’à là, avoua Remus avant de prendre une longue gorgée de sa bière.

La situation le déstabilisait. Sirius le déstabilisait. Il n’était plus habitué à sa nonchalance, à son regard charmeur et insolent à la fois. Puis… Il était loin d’imaginer qu’il aurait eu cette réaction là face à lui lors de leurs potentielles retrouvailles. Dans sa tête, Remus s’attendait à des larmes sous la pluie et un flot d’excuses. Il maudissait les comédies romantiques qu’Alice lui faisait lire. Mais non. Sirius, visage impassible, attendait. Quoi ? Remus n’aurait su le dire.

— Un fun fact. C’est ce qu’il est coutume de faire dans des présentations. Donc… En ce qui me concerne, j’ai établi que j’étais stupide.

— C’est censé être un fun fact, ça ?

Remus hocha simplement la tête. Voyant que les yeux de Sirius étudiaient trop intensément son visage, il reprit la parole, tentant une justification.

— Je me laisse souvent déborder par mes émotions, et au lieu de réfléchir, je fais des choses stupides.

Sirius ferma les yeux, et Remus le vit expirer une longue, trop longue, bouffée d’air. Quand il rouvrit les paupières, son visage ne semblait plus autant impassible.

— Si toi t’es stupide, j’suis le roi des cons, Remus. 

Le silence qui s’installa entre eux était électrique. Remus pouvait presque le sentir vibrer. Il ne savait pas quoi répondre. Il avait trop de choses à dire, mais rien à la fois. Sirius était en face de lui, là, à quelques centimètres, et il ne savait pas comment l’atteindre.

— T’as sauvé le chat de mon frère.

Cette remarque fut inattendue. Mais bienvenue.

— Il allait très bien.

— On aime exagérer les choses, dans la famille.

— Pourquoi tu n’as pas voulu garder le second ?

— Parce que Harry a toujours voulu un chat.

— Et la vraie raison ?

Sirius fixa Remus, sa mâchoire se contracta et son regard se riva sur le verre qu’il porta à sa bouche.

— Parce que j’avais peur de pas être à la hauteur.

— Donc quand tu as cette crainte là, tu abandonnes ?

— On va pas parler de ça ici, Remus, répondit Sirius en se redressant sur sa chaise.

— D'accord, donc on en parle où et quand ?

— T'es celui qui a décidé de couper les ponts, pas moi. 

— Tu es celui qui est parti se réfugier ailleurs. 

— Et tu ne m’as pas laissé t’expliquer ! s’emporta Sirius.

Un orage grondait dans les yeux de Sirius, une tempête se déferlait dans le cœur de Remus. Le silence n’était plus électrique mais explosif.

— Je sais. Et je suis très en colère contre moi pour ça, j…

— Pas plus que tu l’es contre moi, pour me laisser comme un con à t’attendre, puis me dégager de chez toi, coupa Sirius. J’t’aurais filé mon cœur et tu l’aurais jeté sous un train ça aurait été pareil, Remus. 

— Mais Sirius, tu crois que j’ai ressentis quoi, quand ta porte s’est ouverte sur Ludovic ? Tu ne crois pas que j’ai eu l’impression que tu avais directement arraché mon cœur de ma poitrine pour me le lancer au visage ?

Ils se toisèrent pour ce qui parut être une éternité. Remus tentait d’avaler la boule qui coinçait sa gorge tandis que les traits de Sirius se fermaient petit à petit. Remus avait envie d’enjamber cette table et de se saisir des mains de Sirius. Il avait envie de passer sa main dans ses cheveux et de le tenir contre lui. Il lui manquait. Il était en face de lui, pourtant il ne lui avait jamais autant manqué qu’en cet instant.

— Je suis désolé, Sirius. Tu n’as pas idée d’à quel point est-ce que je suis désolé.

— Où et quand, Remus ?

Remus fronça les sourcils. 

— On se voit où et quand pour discuter des conneries qu’on… que j’ai pu faire ? Me dit pas « maintenant », c’est pas le moment, j’ai besoin de mettre en ordre le bordel dans ma tête. Mais dis moi où et quand.

Il fallait que Remus réfléchisse. Et vite. Sinon Sirius se volatiliserait, il le savait.

— Tu es disponible dimanche après-midi ?

— C’est trop loin. 

Réfléchir. Rapidement.

— Vendredi soir ? 

— Où ça ?

Remus n’en avait aucune idée. Toutes les idées qui lui parvenaient n’étaient pas idéales. Un vendredi soir, à Londres, il était mission impossible de trouver un endroit relativement calme où ils pourraient discuter sans être dérangés. À moins que…

— Tu vois St. Katharine Docks ? 

— Oui ? 

— Je serai devant le ponton G à 20h.

— Tu te fous de ma gueule, Remus, soupira Sirius en passant une main dans ses cheveux.

— Je n’ai jamais été aussi sérieux, Sirius. St. Katharine Docks, Ponton G, à 20h, vendredi.

— Tu m’imposes un dress code ?

Il était chiant. Cette habileté avec laquelle il jonglait avec les émotions était agaçante. Déstabilisante. Remus esquissa un sourire en passant une main derrière sa nuque.

— Je pense que tu sauras te débrouiller avec le nombre indécent que tu as de chemises.

Quand il se leva de sa chaise, Sirius attrapa le poignet de Remus. 

— Je serai là, Remus.

— Je sais, assura-t-il en coinçant brièvement ses doigts entre ceux de Sirius avant de regagner sa table, seulement pour récupérer sa veste et sortir du pub.


***

I'm gonna get you back

Chapter 28: Lundi

Chapter Text

Remus trouvait un certain apaisement à être le dernier à quitter la clinique vétérinaire. Tout remettre en ordre, s’assurer que tout soit prêt pour le lendemain, était quelque chose qui lui plaisait et lui permettait de conclure une journée, de pouvoir passer à autre chose. Il tournait le jour sur le calendrier de Aimee, et lui laissait un post-it avec une citation positive. C’était un petit geste qu’il avait prit l’habitude de faire, depuis qu’il avait surprit la jeune femme dire que « ce genre de citation conditionnait le reste de sa journée ». Alors il y inscrivait un mantra, une phrase de motivation, ou simplement un dessin comme un soleil ou un arc-en-ciel… Juste une pensée qui la mettrait de bonne humeur, ou qui la ferait sourire. Ce lundi, il s’appliqua à écrire une citation du film préféré de la jeune femme. Entre deux clients, alors qu’ils câlinaient tous deux leurs pensionnaires de la journée, Aimee confia à Remus que son moral était au plus bas ces derniers temps. Demain, Remus ferait en sorte de lui apporter un petit-déjeuner, et une boisson réconfortante. Des années à travailler aux-côtés des mêmes personnes permettaient d’apprendre certaines choses, certaines habitudes. Comme le fait que Aimee ne prenait jamais le temps de petit déjeuner le matin, priorisant son sommeil.

Il s’assura de bien verrouiller la clinique, puis partit en direction de chez lui. Sans détour. Devant sa porte, Fabian, en tenue de jogging, était appuyé.

— T’as finis en retard.

— Non, juste à l’heure, répondit-il avec un sourire en déverrouillant sa porte.

Une fois à l’intérieur, il prit la direction de sa chambre pour changer de tenue tandis qu’il entendait Fabian ouvrir son réfrigérateur. Puis Fabian lui raconta sa journée, « une journée de merde ». Remus pouvait clairement prédire le déroulé de leur course : pendant les premiers kilomètres, Fabian ne piperait mot, le temps de prendre son rythme, ensuite il allait se mettre à râler, sur tout, sur rien, sur le fait que Remus l’ait forcé à venir courir avec lui, puis, enfin, il ne parlerait pour lui dire qu’il le maudissait.

 

Quand la parole revint à Fabian, Remus s’attendait à ce qu’il lui dise à quel point son idée de marathon était stupide. Il se trompa.

— Je peux te donner mon avis ?

— Si je te dis non, tu me le donneras quand même.

— Oui, répondit-il en trottinant devant un passage piétons. Pour une fois, je trouve que tu as fait une erreur.

— C’est en Mars, le marathon, Fabian, on devrait s’en sortir.

— Je ne te parle pas de ça. Je te parle de Sirius.

Ah .

— Développe.

— Quand tu me réponds avec un mot, c’est que t’es pas content.

— Pas du tout, j’attend de savoir ce que tu vas me dire.

— Tu viens d’accélérer.

— Parce que c’est une descente, Fabian.

— Je crois surtout que tu veux fuire.

— Tu veux que je te pousse dans la Tamise ?

— Nan. Mais je trouve que c’est Sirius qui aurait dû te donner les indications de « où et quand ».

Perplexe, Remus tourna la tête vers Fabian, qui restait concentré sur son chemin.

— Il est celui qui a le plus merdé de vous deux. Certes, tu lui as posé le pire lapin du siècle, puis n’as pas voulu qu’il t'explique quoique ce soit, mais c’est lui qui a merdé.

— Je t’avoue que je me fiche de qui a le plus merdé. J’ai juste envie de le voir.

— Un beau mec, et ça envoie valser tous ses principes… souffla Fabian alors que Remus accélérait son rythme en riant.


***

Linger

Chapter 29: Mardi

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Repas libanais en main, Remus se frayait un chemin entre touristes et londoniens pressés. Il savoura le calme quand il bifurqua dans Stanhope Place. Il n’attendait que quelques secondes après avoir sonné au « Cabinet de psychothérapie et de psychiatrie ». Le bzzzz strident qui retentit fit sursauter Remus, bien que ce n’était pas la première fois qu’il l’entendait. Ce bruit était en mesure de déclencher une crise d'angoisse couplée à une crise cardiaque. Remus s’évertuait depuis des années à faire entendre à son père et ses associés qu’ils devraient songer à le changer. L’odeur de lavande dans le bâtiment guida Remus jusqu’au hall, et plus particulièrement jusqu’au comptoir du secrétariat sur lequel il déposa le un carton de pâtisseries.

— Oh Remus !  Tu es un ange tombé du ciel, lança Martha la plus ancienne secrétaire du cabinet tandis que Jane se saisissait du sac en gloussant.

— Tu te souviens toujours de nos muffins préférés ! s’exclama Jane en déposant un muffin devant Martha et en prenant un petit morceau du sien.

— Je connais ta passion pour les myrtilles, Jane. Celui au chocolat est pour ton petit-fils.

— Tu vas faire un heureux !

Jane décrocha le téléphone à la seconde sonnerie, et Martha en profita pour lui raconter son week-end tout en tapant frénétiquement sur son clavier. Trop habituée aux bruits du cabinet, Martha ne tourna la tête lorsqu’une porte s'ouvrit. Remus, lui, vit son père en sortir avec un sourire.

— Tu es pile à l'heure, Moony.

Martha et Jane répondirent toutes deux un signe de main de Remus, et il s’approcha de son père.

— Toujours, lui répondit-il en le serrant dans ses bras. Je crois que c'est de famille. Par contre, j'ai toujours l'impression que tu vas m'interroger sur les tréfonds de mon âme quand tu me fais entrer ici, rigola-t-il en déposant le sac contenant le repas sur son bureau.

— Il y a des choses sur ton père que tu souhaites partager avec moi ?

— C'est un tortionnaire et je le méprise de tout mon être, répondit-il en se laissant tomber sur un fauteuil.

— Enfant ingrat, rigola Lyall en déballant les plats. Il faut que tu passes à la maison, j'ai acheté des livres ce week-end.

— Je viens ici tous les mardis depuis... la nuit des temps, et tu n'as pas pensé à les apporter ? Ou les donner à maman ? Tu devrais songer à faire un petit bilan cognitif, rigola Remus en attrapant le plat que lui tendait son père.

— Hé ! Quinze ans d'écart, Remus, quinze ! Fais les calculs et tu te rendras compte que j'ai encore un peu temps avant mon premier bilan cognitif, répondit Lyall en agitant des couverts devant Remus.

Ce rituel du mardi s'était mis en place quand, à l'université, Remus n'avait pas cours le mardi après midi. Il était venu ici un jour avec des sandwichs, pour passer le temps et parce que l’horaire correspondait à la pause de son père. Il était revenu la semaine suivante, puis ils s’y étaient tenus le reste du temps.

Quand Remus était parti de la maison, cela leur permettait de se donner des nouvelles, d'une meilleure manière que par le biais du téléphone. Remus lui racontait les travaux qu’il souhaitait entreprendre dans sa salle de bain, Lyall lui assurait qu’il viendrait l’aider. Lyall lui racontait le nouvel animal que Hope gardait en surveillance à la maison, Remus garantissait qu’il passerait donner un coup de main. Si Remus arrivait dans le cabinet le visage fermé, les yeux fatigués, Lyall ne demandait jamais si ça allait. Il faisait la conversation, racontant le dernier livre qu’il avait lu, le dernier endroit où Hope avait tenu qu’ils se rendent… Il passait de sujet en sujet, jusqu’à ce que leur repas soit terminé. Quand Remus le serrait dans ses bras, devant la porte, et qu’il lui glissait un « merci », Lyall le regardait s’éloigner en sachant qu’il le retrouverait chez lui dans la soirée, une tasse de chocolat chaud entre les mains, recroquevillé contre le rebord du canapé.

Mais, le plus souvent, c’était de la joie qu’apportait Remus aux pauses repas du mardi midi. Surtout ces derniers temps. Sa voix était plus légère, ses yeux plus brillants, son sourire plus franc.

Pendant les saisons d'hiver, Lyall trouvait son cabinet bien fade le mardi midi, sans son fils.

Notes:

Parce que le précédent était quand même très court…
Certes, lui aussi, et ça ne m’excuse pas pour l’attente avant leurs grandes retrouvailles…

Chapter 30: Mercredi

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Les mercredis étaient toujours synonyme de légèreté.

 

Ce mercredi, après le travail, Remus était parti courir. Ses pensées bouillonnaient et il ressentait le besoin de les apaiser.

 

Ses jambes le guidèrent jusqu'à Hyde Park, sans que Remus le réalise. Alors que les kilomètres défilaient, il mesurait à quel point cet endroit lui avait manqué. Le calme dans les sentiers plus isolés, les écureuils qui traversaient le chemin...

La tristesse détient ce don-là... celui de réaliser des choses dénuées de sens. Comme ne plus se rendre dans l'un de ses endroits favoris. Remus se promit de ne plus se priver des plaisirs simples, comme savourer le vent qui caresse son visage et l'odeur des figuiers. 

 

Un fois douché,  tous les mercredis, il cognait à la porte de Fabian. Sur sa table basse attendaient deux verres de citronnade et deux boîtes de pizza. Le téléphone de Remus sonnait peu de temps après qu'ils se soient installés sur le canapé, à vingt heures précises. Le visage de Marlène s'affichait alors sur l'écran, et ils rattrapaient les événements de leurs semaines respectives.

 

Quand Dorcas regagnait l'appartement de Marlène, elle apparaissait toujours à l'écran avec un sourire rayonnant pour saluer Remus et Fabian. Puis Marlène raccrochait, et Remus ne rentrait pas immédiatement chez lui. Ils lançaient une série, soit qu'ils ne regardaient pas, trop occupés à discuter, soit dont ils essayaient de deviner l'issue. Ce soir, la télévision ne servait que de bruit de fond. Fabian, la tête sur l'épaule de Remus, faisait défiler sur son téléphone les profils Grindr, demandant un avis dont il ne tiendrait pas compte.

 

— On dirait pas Joe Goldberg ?

— Tu abuses.

— Si regarde, on dirait qu'il veut m'enfermer dans une boîte. Allez, hop, swipe right.

— Tu n'es pas censé faire l'inverse, dans ce genre de situation ? questionna Remus quand l'icône "match" apparut à l'écran.

— J'ai peut-être envie de me retrouver dans une boîte, Moony, rigola Fabian. Je ne l'ai jamais vu, au fait.

— La dernière saison ? demanda Remus en tendant son doigt vers l'écran de Fabian pour glisser un profil vers la gauche.

— Non. Sirius. Je ne suis jamais tombé sur son profil. Si ça avait été le cas, je l'aurais liké juste pour lui dire d'aller se faire foutre.

 

Remus esquissa un sourire, tandis que Fabian faisait défiler les profils sans même les regarder.

 

— J'aurais été mal placé pour dire quoi que ce soit, si tu l'avais trouvé là-dessus.

— Oh ! s'exclama Fabian en se redressant, manquant de cogner le menton de Remus avec le sommet de sa tête. Demain, tu te souviens qu'il y a la soirée à la salle d'escalade ?

— Tu y penses parce que...

— Abel. J'y pense parce que tu t'es tapé Abel. Mais ce n'est pas le sujet. On y va ?

Remus grimaça, et avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit, Fabian argumenta.

— Une heure. On y va pour une bière, et on rentre.

— Aucun intérêt, je vais terminer vers 21h demain. Le temps d'arriver là-bas, il sera déjà tard... Mais vas-y ! Tu me raconteras. Frank devrait y être, aussi.

 

Fabian marmonna quelque chose qui ressemblait à « tu fais chier » avant de déposer de nouveau sa tête contre l'épaule de Remus, lui présentant parfois des profils sur son téléphone, lui demandant son avis mais en soupant toujours du côté opposé.

 

***

Cornelia Street

Chapter 31: Jeudi

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— Pourquoi tu surcharges tes journées ? demanda Hope en entrant dans la salle d'auscultation de Remus.

— Bonjour, maman, je suis content de te voir, tu vas bien ? répondit-il sans lever les yeux de la table qu’il désinfectait.

— Moony, faire des horaires à rallonge n’a jamais été dans le contrat. L’équilibre…

— L’équilibre vie personnelle et professionnelle est primordiale, je sais, interrompit-il. C’est justement pour ça que j’ai avancé certains de mes rendez-vous. Pour finir plus tôt demain. Je n’ai pas surchargé mes journées.

Elle l’observa de son regard suspicieux, celui qui, plus jeune, provoquait à Remus l’aveux de tous ses secrets.

— J’ai quelque chose de prévu demain soir, dit-il simplement en se dirigeant vers le bureau, sentant toujours les yeux de sa mère sur lui.

— D’accord, je ne demande rien.

— Non, tu ne demandes rien, répondit-il avec un sourire en regardant la fiche du malinois dont il allait s’occuper ensuite.

— Et je ne suis même pas curieuse.

— Ni intrusive.

— Ni intrusive, dit-elle en hochant la tête, et en sortant de la pièce.

Avant d’y entrer de nouveau.

— Être une mère intrusive, n’a jamais été mon intention, tu sais ça ?

— Maman… souffla Remus en la regardant. 

— Si c’est le cas, je suis vraiment désolée.

— Ce n’est pas le cas, assura-t-il. Tu as demandé à papa une thérapie pour calmer ton anxiété de mère, et gérer le coupage de cordon ?

— Qui est intrusif, maintenant ? rigola-t-elle. Puis, pour information, j’ai coupé le cordon quand tu es parti de la maison.

— C’est faux.

— C’est faux, concéda-t-elle en riant, et sortant cette fois-ci réellement de la pièce.

 

Remus n’avait jamais trouvé sa mère intrusive. Souvent curieuse, mais jamais intrusive. Elle n’avait jamais dépassé les potentielles limites de Remus, et elle s’était toujours montré disponible lorsqu’il avait eu besoin de se confier. C’est justement ce qui donnait envie à Remus d’aller lui parler. Elle écoutait, conseillait, ne forçait jamais. Parfois, elle donnait son avis. Toujours, elle disait à Remus d’agir en fonction de qu’il lui semblait le plus aligné avec ses envies, pensées. Elle avait tacitement instauré le fait qu’elle serait présente pour lui quelque soit les choix qu’il prendrait, et qu’elle le soutiendrait. Elle s’inquiétait, souvent, mais elle savait ne pas transmettre son inquiétude à Remus.

Quand Remus avait eu l’idée de la clinique vétérinaire, peu de temps avant la fin de ses études, en passant devant ce local à vendre, il  s’était empressé de se rendre chez ses parents pour leur partager son idée. Si les yeux d’Hope brillaient d’excitation, sa bouche, elle, avait dit « tu n’as pas envie de travailler avec ta mère, Moony ». Chose à laquelle il avait répondu « là-bas, tu seras mon associée, pas ma mère, maman ». Il s’avérait que leur association fonctionnait très bien. Mis à part le fait que Remus refusait de compter ses heures et que Hope le remarquait, le rappelant à l’ordre sur les risques de surmenage que Remus n’écoutait que d’une oreille.

***

Remus remercia intérieurement Londres, et plus particulièrement son quartier de Soho, d’être animés. Cela impliquait que certaines épiceries fermaient leur porte relativement tard, et qu’il pouvait effectuer les dernières courses qu’il lui manquait pour le lendemain. 

Lendemain qui arrivait beaucoup trop rapidement. Mais également beaucoup trop lentement. Trop vite, parce que Remus n’avait aucune idée de là où il s’aventurait, qu’il n’avait pas réfléchi à ce qu’il allait lui dire. Trop doucement, parce qu’il n’avait qu’une seule hâte : voir Sirius. Entendre sa voix, sentir son parfum. L’avoir dans le même espace que lui. Mais c’était risqué. Il n’avait aucune idée de comment la situation pouvait se dérouler, et se terminer.

Il espérait simplement que tout se passe bien.

Chapter 32: Vendredi

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— J'ai rendez-vous avec Sirius. C'est pour ça que je pars plus tôt.

 

Remus déclara ça en attrapant le Tupperware de salade composée que sa mère lui tendait. Il vit l'expression de Hope changer, le discret plis entre ses sourcils se creuser.

 

— Tu me dis ça parce que tu te sens obligé de me le dire ou...

 

— Parce que j'ai envie de te le dire. Pas parce que je me sens obligé.

 

— Quelle genre de réaction est-ce que tu attends de moi ? demanda-t-elle en s'asseyant en face de Remus. 

 

— La plus authentique possible.

 

— Tu en es bien certain ? 

 

Remus hocha la tête.

 

—Il t'emmène où ?! interrogea-t-elle trop joyeusement.

 

— Il ne m'amène nulle part, je lui ai donné rendez-vous au Dock St Katharine. J'ai demandé un service à Luke, justifia-t-il quand il vit ses yeux se plisser.

 

— J'ai besoin de plus de précisions... pas par rapport à Luke.

 

— On s'est croisés, on a établi qu'on se voyait ce soir, pour discuter de ce qui a pu se passer.

 

— Ok. Règles de base...

 

— Je les connais, anticipa Remus, se souvenant de sa discussion « règles de base d'un rendez-vous » quand il était adolescent.

 

— Je sais. Je te parle de l'autre règle de base : protège ton cœur, Moony, c'est tout. Fais ce que tu penses être bon pour toi, mais protége ton cœur. 

 

— Tu le remettras en ordre si jamais il vient à être brisé, dit-il avec un sourire en plantant sa fourchette dans un morceau d'avocat.

 

— Non, fy blaidd, tu l'as toujours réparé tout seul.

 

***

 

Remus était parti de la clinique pour se rendre à ce fleuriste de Covent Garden dont tout le monde lui vantait les mérites. Il y fut accueilli par une jeune femme aux longs cheveux blonds ondulés et au regard bleu profond. À peine Remus eut dit « bonjour » qu'elle s'approcha de lui avec un doux sourire.

 

— On est sur une occasion spéciale, lança-t-elle avant de se tourner vers ses étagères.

 

Ce n'était pas une question, et elle était déjà en train de piocher des tiges de fleurs dans différents vases.

 

— Je pensais plutôt à une décoration pour une table, ou... commença Remus qui s'interrompit quand elle tourna ses grands yeux vers elle.

 

— Les deux sont possibles, répondit-elle avec un sourire. Mais il te faut un bouquet. Un petit.

 

Elle retourna à ses étagères, choisissant différentes fleurs aux couleurs vibrantes. Puis elle se tourna vers Remus, l'observa des pieds à la tête, et sembla changer d'avis. Elle déposa les fleurs rouges, en prit des blanches, et des rosées, complétant les mauves claires déjà sélectionnées.

 

La jeune femme parlait à ses fleurs comme si elles les interrogeaient. Elle testa quelques combinaisons, piocha des brins de lavande et partit vers son comptoir. Remus, lui, légèrement déstabilisé et partagé entre le fait de se sentir bien et à la fois mal à l’aise  dans cette boutique, se saisit d'un centre de table. 

 

— Non, non. Ce n'est pas vous, ces couleurs, lança la jeune femme.

 

En un regard, Remus vit qu'elle n'avait pas levé les yeux du bouquet qui était en train de prendre forme entre ses doigts.

 

— Oui, celui-ci est mieux, dit-elle toujours sans le regarder quand Remus tendit sa main vers un autre bouquet. Il t'a brisé le cœur.

 

Remus se stoppa au milieu de la boutique, centre de table en main qu'il tenait fermement. La jeune femme leva finalement les yeux vers lui et lui sourit.

 

— Il a brisé le sien aussi, pour ce que ça vaut.

 

— Excuse-moi, mais... est-ce qu'on se connaît ?

 

— Non, rigola-t-elle. Je sens ces choses là, tout simplement. J'aimerais bien te demander ce que tu as de prévu, et ce qu'il s'est passé mais... ça viendrait influencer mes ressentis. Pose ce centre de table, tu n'en as pas besoin. Les couleurs du bouquet te conviennent ?

 

— Elles sont très belles, acquiesça Remus en déposant la composition florale à sa place. Tu as l'œil, pour les jolies choses. Tu veux bien me raconter l'histoire de ta boutique ?

 

La jeune femme sourit en hochant la tête joyeusement. Remus adorait découvrir comment des gens se retrouvaient à un certain endroit, et pourquoi. Il trouvait que ça apportait un bon nombre d'indications sur les personnes en face de lui. Il écouta la jeune femme lui raconter comment elle en était venue à acquérir ce fleuriste, tout en ajoutant à la ficelle de son bouquet un stickers avec un dessin de fleurs séchées et un second avec une étoile. Remus se retint de tout commentaire face à ce choix, mais décida d'interpréter cela comme un signe de l'univers. Tout comme la façon dont l'univers avait mis le bail de ce local sous le nez de la fleuriste, quelques années auparavant.

 

Si Remus appréciait marcher, il sauta bien volontiers dans la ligne verte direction Tower Hill. Les bras chargés de sacs de courses, il faisait attention à ce que son bouquet ne se fasse pas écraser contre les vitres du métro.

Il contourna rapidement la Tour de Londres pour rejoindre les Docks St Katharine. Une fois sur le ponton, l'écho de ses pas se fit entendre jusqu'à ce qu'il rejoigne l'Auror, le bateau de Luke et Alastor. Remus tacha de ne pas glisser en sautant sur le pont, puis il s'attela à préparer le bateau.

Il aurait dû demander l'aide de Fabian, pour démêler ces fichues guirlandes lumineuses. C'est ce qui lui prit le plus de temps. Pas de terminer l'apéritif qu'il avait préparé, ni de vérifier que le générateur d'électricité fonctionnait correctement. Non. Défaire les noyées, par contre…

Il était 19:45 quand Remus vint à bout des guirlandes et réussit à les installer de la manière qu'il souhaitait. Puis il connecta son téléphone au tourne disque Bluetooth. Le son n'était pas aussi authentique que lorsqu'un vinyle jouait mais, au moins, ça ne nécessitait pas qu'il se lève pour changer les faces du disque.

À 19:57 Remus terminait d'allumer les bougies. Il sortit du bateau, et remonta le ponton. Son cœur battant aussi fort que le bruit de ses pas sur le bois. Sirius viendrait, et c'était la seule chose à laquelle Remus s'était préparé. Pour le reste, il improviserait.

 

Cigarette entre les doigts, sac à dos en cuir se balançant sur une épaule, casque de moto dans l'autre main, Sirius traversait le pont. Le bruit crissant du portail en métal fit grimacer Remus quand il l'ouvrit, mais il eut le mérite de faire tourner la tête de Sirius dans sa direction.

L'espace de quelques secondes, trois, peut-être quatre, leurs regards s'accrochèrent et ni l'un ni l'autre ne bougea.

 

— Des indications sur les parkings auraient été bienvenues, lança Sirius, sourire en coin en écrasant sa cigarette dans un cendrier de poche qu'il sortit de sa veste en cuir. 

 

— Tu as pourtant réussi à trouver ton chemin, répondit Remus en ouvrant plus amplement le portail pour que Sirius s'y faufile avec son odeur ambrée et un regard insolent.

 

— Kuna n'étant plus à portée de main, tu comptes me jeter dans la Tamise ? demanda-t-il quand Remus ferma le portail.

 

Il failli déposer une main sur l'épaule de Sirius pour lui indiquer le chemin, mais se ravisa. Le ponton n'allait que dans une seule direction, et Remus avait peur que ce soit lui qui finisse dans l'eau du port s'il effleurait Sirius.

 

— Ils n'habitent pas si loin d'ici... répondit simplement Remus avec un sourire, dépassant Sirius pour se diriger vers le bateau. Tu as un sérieux souci avec le fait que les gens aient envie de te tuer, Sirius, tu t'en rends compte ?

 

— Ma psy a toute une théorie là-dessus. Attends, t'es en train de m'emmener sur un bateau ?

 

— Pourquoi est-ce que je t'aurai fait venir jusqu'ici, autrement ? répondit Remus en le regardant par-dessus son épaule.

 

— J'sais pas, j'pensais qu'on irait dans un restau ou une connerie du genre, pas sur un bateau.

 

— Tu t'es trompé, lui dit-il en sautant sur le pont du bateau.

 

— C'est le bateau de qui ? 

 

— Je ne sais pas, j'ai pris le premier venu.

Sirius lui lança un regard désabusé, et Remus tendit la main vers lui.

 

Main que Sirius regarda avant d'y glisser la sienne et d'atterrir sur le pont. Là, il lâcha sa main.

 

— Je pensais récupérer ton casque, lança Remus avec un sourire.

 

Il jura voir les joues de Sirius rosirent avant qu'il se mette à avancer sur le pont, levant la tête vers les lumières installées par Remus.

 

  C'est toujours comme ça, ici ? demanda-t-il en pointant du doigt la table sur laquelle des bougies se trouvaient, les lumières un peu partout et le tourne disque.

 

— Non, avoua Remus en se glissant vers le coin qui faisait office de cuisine.

 

Il fut embêté de dire la suite, mais il s'était promis de jouer la carte de l'honnêteté, et de dire les choses comme il les pensait plutôt que de les ressasser, à se demander s'il devait dire les choses. Alors, il se saisit de la flûte contenant le cocktail préparé plus tôt et se tourna vers Sirius.

 

— Deux jours avant que tu t'en ailles, j'avais prévu une soirée qui ressemblait à peu près à ça. Je pensais en profiter pour discuter, mais finalement les choses ne se sont pas passées comme prévues.

 

— Donc tu t'es dit qu'une reconstitution était une bonne idée ?

 

— J'aimerais mieux pas. Mais, pour être honnête, je ne sais pas ce que je me suis dit, Sirius, confessa Remus avec un rictus.

 

Sirius esquissa un pâle sourire et se saisit du verre que lui tendait Remus. Il le fit tinter contre le sien et le porta à ses lèvres. 

 

— C'est très bon, ça. C'est quoi ?

 

— Un espèce de mimosa de snob avec des framboises et des glaçons de menthe... répondit Remus en reprenant la direction du pont du bateau pour s'y installer.

 

— Il est meilleur que celui de Noël d'Ashton, répondit Sirius dans son dos.

 

— Parce que le champagne n'est pas aussi doux.

 

Quand Remus se retourna pour s'asseoir, il croisa le regard de Sirius.

 

— Tu t'en souviens.

 

—Je me souviens de tout, Sirius, lui répondit-il avec un sourire.

 

Sirius, lui, ne sourit pas. Il pinça ses lèvres, puis déposa son verre sur la table pour se saisir du sac qu'il avait laissé sur l'une des assises du bateau.

 

— Avant qu'on doive discuter de choses qui vont plaire ni à l'un ni à l'autre... j'ai un truc pour toi, commença-t-il en fouillant dans son sac. Une de mes amies est fleuriste. Elle est complètement timbrée, mais c'est une nana géniale. J'voulais te prendre un bouquet. Parce que...

 

Sirius se retourna, plusieurs choses entre ses mains que Remus n’arrivait pas à distinguer. Sirius plongea alors son regard dans celui de Remus et il soupira.

 

— Parce que j'ai merdé, Remus. Donc même si c'est pas grand chose, j'voulais te prendre des fleurs. Mais elle a eu une meilleure idée, parce qu'elle a toujours des bonnes idées, meilleures que les miennes en tout cas... bref. Elle a pressé des fleurs sur des bougies.

 

Sirius déposa les différentes bougies sur la table, ainsi qu'un globe en verre dans lequel des fleurs séchées se trouvaient. Dont des brins de lavande.

 

— Puis elle m'a sorti la connerie comme quoi il fallait aussi quelque chose qui ne soit pas éphémère, donc tu te retrouves avec une déco de fleurs séchées. Ok, dis-le si c'est pourri, lança Sirius quand Remus se leva pour s'enfoncer dans le bateau.

 

— Pas du tout, répondit-il en se saisissant de la composition de fleurs fraîches et séchées acquise plus tôt. On a été au même endroit, dit-il en lui tendant les fleurs. Elle m'a dit que tu pourrais choisir de retirer les fleurs fraîches, ou de les laisser sécher à leurs tours. Il faut juste les mettre à l'envers, apparemment...

 

— T'as été chez Pandora ? demanda Sirius en observant le bouquet.

 

— Je ne sais pas, j'ai été à la boutique de Covent garden.

 

— Tu as été chez Pandora, confirma Sirius en attrapant les fleurs qu'il porta à hauteur de ses yeux. C'est une amie, et aussi la sœur d'Evan, le mec de mon frère. Merci, Remus, dit-il en déposant précautionneusement les fleurs à côté de ses bougies.

 

Il coinça délicatement un pétale entre son pouce et son index, puis il retira sa veste en cuir. Si Remus n'avait pas un minimum de bon sens, il se serait laissé tomber dans l'eau froide du port St Katharine. Sirius savait pertinemment ce qu'il faisait avec sa chemise noire transparente. Remus l'observa attraper son cocktail et se déplacer sur l'Auror.

 

— Il est à qui, ce bateau ? questionna-t-il de nouveau.

 

— Alastor et Luke, répondit Remus. Ils ont vécu dedans peu de temps après s'être rencontrés. Depuis, ils s'en servent pour quelques sorties.

 

— Tu sais naviguer ?

 

— J'ai mon permis bateau, oui.

 

Sirius hocha la tête, puis vida le contenu de sa flûte, avant de se tourner vers Remus. Regard déterminé, il s'approcha vers lui, abandonna son verre sur la table, et s'assit à côté de Remus.

 

Ils s'observèrent et, l'espace de quelques secondes, seul le bruit de la musique mélangée aux cliquetis des mâts des bateaux se fit entendre.

 

Enfin, Sirius prit la parole.

 

— Je vais parler et j'aimerai que tu m'interrompes pas. Ça va sûrement être le bordel, mais j'ai besoin de te dire les trucs comme ils viennent.

 

Remus acquiesça. Quoique Sirius puisse lui dire ce soir, il était prêt à tout entendre.

Il était prêt à se jeter à ses pieds et lui offrir son cœur, s'il le fallait.

Chapter 33: SMS

Chapter Text

— J't'en veux beaucoup. Parce que j'avais besoin de toi et tu m'as repoussé. Je savais que j'partais et ça me terrifiait. Parce que toi tu restais là-bas, et j'savais plus faire sans que tu sois là. J'savais plus faire les choses sans toi, Remus. J'crois que tu te rends pas compte de ce que tu m'a apporté, là-bas. Et moi non plus, j'm'en rendais pas compte. Parce que je sais pas gérer mes émotions, ni mes sentiments. On m'a jamais appris à faire ça. J'essaie, mais je me plante. J'suis pas conditionné pour ce genre de chose. Et ça m'allait très bien. Jusqu'à toi. Me poser ça a jamais été mon truc, puis je le voulais pas spécialement. Parce qu'on m'a jamais fait ressentir le genre de truc que tu m'as fait ressentir. Et c'est ça qui m'a fait flipper. J'comprenais pas ce qu'il m'arrivait, ni ce que je ressentais. T'étais là, et quand t'étais pas là je te cherchais un peu partout. Sauf que c'est pas quelque chose que je fais ça, donc j'ai voulu comprendre. Pas de la bonne manière. J'ai été chercher un truc ailleurs, pour voir si ce que toi tu me faisais ressentir, je le ressentais avec quelqu'un d'autre. C'est nul, très nul. Mais ce qui était encore plus nul c'est ce que j'ai rien ressentis avec lui. J'ai rien ressentis. J'étais pas bien. Ses mains me dérangeaient. C'était pas toi. C'est pas ce que t'as envie d'entendre, je le sais. J'aurais jamais dû faire ça, j'ai conscience de ma connerie, mais je cherchais à me prouver quelque chose. Je me suis juste prouvé que si c'est pas toi, ça a aucun intérêt. Tu réparais des trucs en moi que je pensais brisés à tout jamais, Remus... et je suis en colère contre moi pour ce que j'ai fait, mais je suis en colère contre toi parce que tu m'as pas laissé l'opportunité de m'expliquer. Mais je devrais pas être en colère contre toi, ça je le sais.

Remus n'avait pas interrompu. Il avait écouté. S'était imprégné des mots. Les clapotis de l'eau, les rires en terrasses, plus loin, les cliquetis des mâts ne l'avaient pas dérangé. Seule la voix de Sirius comptait. Sa voix. Lui. Ses yeux qui croisaient les siens, parfois. Ses lèvres qui s'étaient pincées, un peu. Son index qui avait enroulé une mèche de ses cheveux. Avant de la relâcher. Pour coincer sa main sous sa cuisse. Pour la porter de nouveau à ses cheveux. Quand Sirius fixa le pont du bateau en agitant sa jambe, Remus comprit qu'il devait se risquer à prendre la parole.

— Je suis aussi en colère contre moi, Sirius. Mais je me suis protégé, certes pas de la bonne manière, on est d'accord. Mais quand tu m'as laissé entendre que tu ne m'aurais pas parlé de la situation de la veille, j'ai décidé de me protéger. J'aurais préféré que tu m'en parles.

Cette fois, Sirius riva ses yeux dans ceux de Remus.

— En parler pour quoi ? Pour que je te dise que j'crois que je tombe amoureux de toi et que ça me fait peur ? Que c'est trop pour moi à gérer ? Puis que tu me dises que tu t'en a rien à foutre parce que j'ai été voir ailleurs ?

— Je suis bien loin de m'en foutre, Sirius. Oui, j'aurais été blessé, mais je suis persuadé que d'en discuter aurait permis de faire avancer les choses...

— Désolé, on a pas tous un parent psy qui nous a appris à communiquer.

— Ça n'a rien à voir...

— Si, Remus ! coupa Sirius. Parce que moi, la seule chose qu'on m'a apprise c'est que l'amour c'est une faiblesse. On m'a toujours fait entendre que j'étais pas assez, ou alors que j'étais trop. J'avais besoin d'en faire des caisses pour qu'on m'aime un minimum, ou alors il fallait que je disparaisse. L'entre deux n'existait pas. Et toi tu donnais l'impression que j'avais juste à être là, que c'était suffisant, et...

— C'était suffisant, interrompit Remus en tendant une main vers Sirius dont il ne se saisit pas. Je n'attendais rien de toi, Sirius. Tu n'avais pas à briller plus que les autres, rire plus fort, être meilleur pour que mes sentiments pour toi s'emballent. J'avais besoin de toi, et de ton honnêteté. C'était suffisant. Tu es suffisant, précisa-t-il en laissant tomber sa main sur son genoux.

Sirius passa ses mains sur son visage et se redressa pour arpenter le bateau.

— Tout ça, là, dit-il finalement en balayant une main pour présenter le bateau. Les bougies, les lumières, je le voulais là-bas, pas ici, mais j'ai merdé.

— Ce qui est fait est fait Sirius, on ne reviendra pas dessus. Par contre, on peut peut être profiter de l' opportunité que l'on a maintenant.

— Laquelle, Remus ?

— Cette soirée, avant ton départ, je l'avais imaginée pour que l'on puisse discuter. Je voulais mettre à plat mes sentiments, je voulais que tu me dises ce que tu attendais de moi, et comment tu envisageais ce qu'on avait en étant chacun de notre côté... On ne peut pas repartir de là, parce qu'on a un léger problème de confiance et de ressentiments à régler, dit-il avec un sourire. Mais je suis persuadé que si tu es là ce soir, c'est parce que tu n'as pas encore tiré un trait sur ce qu'on avait. Moi, en tout cas, je ne l'ai pas fait. S'il faut parler du passé pour avancer un minimum, je te dirai simplement que les sentiments que je ressentais là-bas, je les ressens toujours ici. Tu n'es pas sorti de mon cœur. Maintenant, si tu me dis que tu ne veux plus me revoir, que cette soirée ne sert à rien, alors je l'encaisserai.

— C'est pas ce que je veux. Donc on fait quoi, on repart de zéro ? Moi qui te branche, toi qui rougis et dévie le sujet ? Je le referai bien volontiers, mais j'préférais quand tu avais compris que tu me plaisais vraiment et pas juste pour passer le temps.

— L'avantage c'est que je le sais déjà, ça, maintenant.

Sirius hocha la tête et s'appuya contre la table de fortune.

— J'sais pas comment faire pour pas rendre le reste de la soirée bizarre.

— Plus que ce qu'elle ne l'est là, tu veux dire ?

— Tu rends pas les choses faciles en disant ça, soupira Sirius.

Cependant, Remus réussit à déceler une ébauche de sourire.

— Je ne me suis jamais vanté d'être celui le plus à l'aise dans les échanges sociaux, Sirius, c'est censé être ton job.

L'ébauche de sourire se transforma en rictus. Sirius inclina légèrement sa tête sur un côté tout en fixant Remus.

— J'ai pourtant entendu dire que tu accostais les gens en leur déposant une bière sous le nez et en t'asseyant à leur table...

— La démonstration même de mon inadaptation sociale, répondit Remus avec un sourire en se levant. J'avais du mal à te voir là-bas et à faire comme si tu n'y étais pas, avoua-t-il en entrant dans la cabine pour récupérer la bouteille de champagne. Ce n'était pas du tout naturel de t'imaginer en tant qu'inconnu.

— J'ai eu du mal, lança Sirius dans son dos. Je réfléchissais à comment venir te voir. J'suis content que tu l'ai fait, ajouta-t-il alors que Remus remplissait sa flûte.

— Moi aussi.

— T'as même pas bégayé, dit-il avec un sourire quand Remus lui tendit son verre.

Excuse pour se rapprocher de lui, pour tenter d'oublier qu'il n'avait pas saisi sa main, plus tôt.

— Je n'étais pourtant pas serein, rigola Remus. J'ai un peu eu peur que tu m'ignores complètement ou me demande de partir.

— Jamais, Remus. L'ignorance fait pas partie de mes mécanismes de défense. La fuite, oui. L'arrogance, aussi. Mais j't'aurais pas ignoré, surtout que je crevais d'envie que tu viennes. J'ai pas pu te présenter Peter, par contre.

— Tu ne m'as jamais parlé de Peter.

— Bien sûr que si, assura Sirius en tirant une chaise pour s'y asseoir.

— J'ai plutôt bonne mémoire, et tu ne m'as jamais parlé de Peter, affirma Remus en s'asseyant à son tour face à Sirius.

De l'autre de la table. Trop loin de lui.

— Bref, c'est mon meilleur pote et il a beaucoup entendu parler de toi, donc j'aurais voulu te le présenter.

— Comme le gars qui t'a mis dehors de chez lui, ou...

— Comme le gars qui m'a fait passer les meilleurs mois d'hiver de ma vie, Remus, coupa Sirius.

Sirius qui soutint le regard de Remus avant de porter sa flûte de champagne à sa bouche.

— Elle m'avait manqué, cette expression, dit-il ensuite, un sourire aux lèvres.

Quelle expression ? Remus n'en savait rien, il se contentait de fixer Siriu sans savoir ce qu'il était censé lui répondre. Il ne savait pas ce que Sirius attendait comme réponse, ni même s'il en attendait une. Remus n'eut pas le temps de se poser la question trop longtemps. Sirius lui demanda de lui raconter comment se déroulaient ses journées au cabinet vétérinaire. Remus secoua la tête, récupéra ses esprits, et lui répondit. Il lui raconta la naissance des chatons à laquelle il avait assisté récemment, et l'histoire du perroquet qu'il avait eu du mal à rattraper lorsqu'il s'était perché sur les plafonniers. Puis il lui raconta l'arrivée en trombe de Kuna dans le cabinet, provoquant les feulements inarrêtables du main coon qui attendait patiemment dans son sac de transport. D'un fil de conversation à un autre, ils échangèrent sur Alastor, se remémorèrent que tous les deux le connaissaient depuis qu'ils étaient tout jeune, conclurent que c'était « quand même fou » qu'ils ne se soient jamais rencontrés avant. Remus lui raconta sa nouvelle lubie de courir un marathon et le fait qu'il force Fabian à s'entraîner avec lui. Sirius, lui, lui raconta la surprise qu'il avait faite à Harry, le récupérant à la sortie de l'école alors qu'il ne savait pas qu'il était rentré. Il rigola en lui parlant de l'accueil que lui avait réservé certains de ses patients. Entre ceux heureux de le retrouver, d'autres feignant l'ignorance, et ceux qui prétendaient avoir perdu la mémoire, lui attestant qu'ils ne le reconnaissaient pas. Alors qu'ils avaient toute leur tête, et une étincelante lueur de malice dans leurs yeux.

Quand la lune fut très haut dans le ciel, que l'air devint si frais qu'il produisait des frissons, ils se levèrent. Tout en continuant leur conversation, portant sur le chat de Regulus qui allait très bien, ils rangèrent le bateau, soufflèrent les bougies, décrochèrent les guirlandes. Que Remus prit grand soin d'enrouler correctement. Ils regagnèrent le ponton, ondulant sous leurs pas. Remus raccompagna Sirius à sa moto sur laquelle il s'appuya en allumant une cigarette, écoutant Remus lui parler du dernier livre qu'il avait lu. Puis, quand Sirius écrasa sa cigarette, Remus sortit son téléphone de sa poche.

— Tu voudrais bien me donner ton numéro de téléphone ? On y a jamais pensé et...

Sirius ne lui laissa pas le temps de terminer sa phrase qu'il dégaina son smartphone et l'appuya contre celui de Remus. Lorsque le partage de contact fut effectué, Remus fixa plus que de raison la photo de Sirius qui apparaissait sur son écran.

— Tu rentres comment ?

Remus verrouilla finalement son téléphone et porta son regard sur le vrai Sirius, encore plus beau que sur sa photo.

— Je vais appeler un taxi.

Fabian. Fabian était le taxi en question.

Sirius fronça les sourcils en se retournant vers sa moto. Il attrapa un second casque que Remus n'avait pas vu en arrivant. Il le tendit à Remus avant d'ouvrir son sac à dos, duquel il sortit une veste en cuir qu'il lui tendit également.

— J'te ramène.

Remus n'attrapa la veste que lorsque Sirius la secoua entre eux deux.

— Je te dois une virée en moto, allez, Remus.

***

Au pied de son appartement, Remus descendit de la moto tandis que Sirius, lui, resta bien en place dessus. Il le remercia pour la soirée, lui dit qu'il lui écrirait. Alors, Remus lui répondit qu'il attendait son message. Puis il passa la porte d'entrée et, quand la moto redémarra, il tapa son front avec la paume de sa main.

Il aurait dû lui proposer de monter. Ou, au moins, il aurait dû lui proposer une date de rendez-vous. Comment pouvait-il être sûr que Sirius lui écrirait ? Le tourbillon de la vie nous faisait souvent dire puis oublier des choses. Sauf que, lui, n'oublierait pas. En rentrant chez lui, il se rendit compte qu'il portait toujours la veste de Sirius. Ce serait son excuse. Si Sirius ne lui écrivait pas, Remus le ferait. Il avait une veste à lui rendre. Bien qu'elle sente Sirius, et que Remus n'y tenait pas vraiment, à la lui rendre. Cette veste était son alibi.

Il attrapa son téléphone en sortant de la douche. Le message datait d'une dizaine de minutes. Il provenait de Sirius. Le cœur de Remus redoubla la cadence de ses battements.

« Pourquoi tu m'as pas dit de monter ? »

Parce que, sur le moment, il avait été stupide. Voilà pourquoi. Il pianota une réponse le plus rapidement possible. Avec un peu de chance, Sirius était en train de scroller sur son téléphone et verrait la notification immédiatement « Tu veux venir ? ».

Il n'eut pas de réponse immédiate.

Remus partit faire bouillir de l'eau. Aucune notification ne sonna.

Blotti dans son fareuil près de la fenêtre, il scrutait davantage son écran noir que les étoiles.

Il soupira en remontant le plaid sur lui. Son téléphone tinta. Il sursauta.

« J'suis là. »

Remus se rua dans son entrée, renversant du thé sur son passage, et décrocha son interphone. À la caméra, passant une main dans ses cheveux, Sirius était bel et bien là. Remus appuya sur le bouton de communication et il esquissa un sourire quand Sirius eut un léger sursaut au son de sa voix.

— Deuxième étage.

Il vit Sirius hocher la tête quand il déverrouilla les portes.

Il ouvrit la sienne. Piétinant dans son entrée. Impatient. Stressé aussi.

La silhouette de Sirius se distingua sur le palier, puis son sourire. La distance entre eux fut rapidement réduite, et Sirius s'élança dans les bras de Remus. Remus enlaça sa taille et, quand Sirius déposa sa tête contre son cou, il eut l'impression que des mois entiers ne les avaient jamais séparés.

— J'ai eu envie de te serrer dans les bras toute la soirée, souffla Sirius sans s'écarter de Remus qui resserra son étreinte et recula dans son appartement.

 

Chapter 34: Brick Lane

Chapter Text

La lumière qui filtrait au travers de ses rideaux fut ce qui réveilla Remus. Il se frotta les yeux, puis le bruit de pas sur son parquet l’interpella.

— Tu t’en vas ? demanda Remus en relevant la tête de son oreiller pour voir Sirius se retourner vers lui.

— Seulement pour faire du café, lui répondit-il avec un sourire.

Remus laissa de nouveau tomber sa tête contre son coussin en marmonnant. Ils avaient très peu dormi. Ils avaient passé leur nuit à rattraper les mois passés, comme si leur conversation sur le bateau ne s’était pas arrêtée. Entre mains dans les cheveux, caresses et baisers, rires et sourires.

Remus se résigna à sortir de son lit quand il entendit Sirius ouvrir ses placards. Se plaçant derrière lui, une main contre sa hanche, il ouvrit celui que Sirius n’avait pas encore dû toucher, pour en sortir son bocal de café moulu. Sirius, lui, inclina sa tête, et Remus déposa un baiser sur son front qui lui fit plisser le nez.

Il lui avait manqué. Beaucoup.

Pendant que le café infusait dans sa cafetière à piston, Remus s’occupait de préparer une pâte à pancakes. Sirius, assis sur son comptoir, lui racontait le programme de sa journée du lendemain avec Harry. Ce qui lui fit se souvenir…

— Ronald veut qu’on aille faire du bateau et que Harry soit avec nous. Ne me demande pas comment, mais James et toi êtes compris dans l’équation. On a encore rien planifié, s’empressa d’ajouter Remus devant le regard de Sirius.

Après tout, ils ne se parlaient de nouveau que depuis moins de vingt-quatre heures. Planifier une sortie avec leurs meilleurs amis n’étaient certainement pas la meilleure idée du siècle à aborder.

— Tu as parlé de moi, Lupin ?

— Ronald a parlé de toi. Nuance, précisa-t-il avec un sourire en déposant une louche de pâte à pancakes dans sa poêle. Apparemment, tu as sauvé James d’une noyade certaine en kayak.

— Tu es au courant de cette histoire ? rigola Sirius. C’était si drôle.

Sirius lui raconta l’histoire, sa version des faits, apparemment différente de celle de James. Il lui précisa que si cette sortie bateau devait voir le jour, James expliquerait inévitablement cette mésaventure.

Tous deux rivèrent leur tête vers la porte d’entrée quand trois coups y retentirent. Remus lança un regard à l’horloge sur son four.

— Merde ! s’exclama-t-il en abandonnant sa louche à pancake et en se dépêchant vers la porte. Je suis désolé ! lança-t-il à Fabian, de l’autre côté, avec un visage blasé et une tenue de sport.

— Tu me demandes de me réveiller tous les samedis matin à l’aube pour s’entraîner à ce fichu marathon auquel tu nous as inscrit, contre mon grès, et tu es en retard  ET encore en pyjama ?! Et pourquoi ça sent les pancakes, ici ?

Fabian déposa sa main sur l’épaule de Remus pour le décaler et regarder derrière lui. Remus le vit ouvrir plus grand les yeux, retenir un sourire, puis reporter son regard sur lui.

— Tu veux un pancake, Prewett ? 

— Clairement, oui, Black, répondit-il en décalant Remus un peu plus pour entrer chez lui.

— Dis-moi tout sur ce marathon ! 

— Moony a soigné sa dépression en nous faisant courir.

Remus secoua la tête en refermant sa porte d’entrée. La vie, définitivement, reprenait de douces couleurs.

***

Fabian partit, seulement parce qu’il devait se rendre chez sa sœur, et Remus eut pendant un bref instant peur que Sirius s’enfuit aussi. Surtout que Sirius se saisissait de sa veste.

— Tu m’accompagnes fumer?

Remus soupira, étrangement soulagé. Il ne partait pas. Ou en tout cas, il lui proposait une certaine transition avant son départ… donc, il était peut être temps de lui proposer une alternative. Au pire, il risquait quoi ? Un « non » ? Il s’en accommoderait.

— Tu voudrais qu’on aille faire un tour ?

Paquet de cigarettes en main, sourire en coin, Sirius releva la tête vers Remus, coup de cheveux cliché en prime.

— Tu veux passer du temps avec moi, Lupin ?

Tourner autour du pot ne servant à rien, la réponse fusa hors des lèvres de Remus.

— Oui.

— Au point de te mêler à une foule de gens et de touristes à Brick Lane ? J’ai un cadeau à faire.

—Va pour Brick Lane, acquiesça Remus avec un sourire. 

***

Ils avaient décidé de s’y rendre à pied. Et si l’heure de marche jusqu’à Brick Lane passa en un claquement de doigt, le temps s’était suspendu quand ils s’étaient, non pas mêlés, mais retrouvés engloutis par la masse de gens qui avait eu la même idée qu’eux. Sirius attrapa le poignet de Remus et se faufila entre les touristes qui flânaient et les vendeurs qui sortaient de leurs boutiques pour les interpeller. Étrangement, le brouhaha apportait une sensation vibrante agréable. De vivant. Peut-être parce que la pression des doigts de Sirius sur le poignet de Remus était douce, et que son pouce s’y déplaçait. Peut-être. Mais la foule n’était pas oppressante. Sirius les fit bifurquer dans une ruelle étonnement calme et lâcha le poignet de Remus.

—  L’endroit est conceptuel, mais tu vas adorer, déclara Sirius avec un sourire en sautant sur la première marche d’un perron menant une porte verte claire.

— Comment as-tu découvert cet endroit ?

— Parce qu’il est tenu par un pote de mon frère.

Le couloir était agrémenté de consoles sur lesquelles reposaient divers objets. Sirius ne s’y attarda pas et s'enfonça plus loin dans le couloir pour bifurquer dans ce que Remus détermina comme la pièce centrale.

— Remus, bienvenue dans ma friperie préférée, lui dit-il joyeusement. Je te laisse faire un tour, le temps que j’aille récupérer ce dont j’ai besoin.

Il lui sourit puis disparu, laissant à Remus le temps d’arpenter l’endroit. Les objets étaient originaux et de belle qualité. Remus fut convaincu que Marlène tomberait en amour pour l’imposant ex-voto accroché au mur. Ainsi que la collection de vêtements. Il se promit de dénicher son prochain cadeau d’anniversaire ici. Tandis que, lui, tombait en amour devant la quantité de carnets et leur originalité. Il se saisit de plusieurs d’entre eux, hésitant, avant d’en coincer trois sous son bras. Il s’arrêta net devant un encrier et sa plume. Il ne les observa que quelques secondes avant de les attraper. Après tout, ces carnets auraient bien besoin d’être remplis, même s’il n’avait jamais été doué en calligraphie. Il s’orienta dans la boutique en suivant la provenance du rire de Sirius.

Appuyé contre le comptoir de la caisse, il lançait son plus beau sourire à la jeune femme qui récupérait un cadre et un sac en coton débordant de vêtements.

Qu’est-ce qu’il était beau, Sirius…

Qu’est-ce qu’il lui avait manqué, surtout.

Quand il croisa son regard, le sourire de Sirius s’élargit davantage, puis se porta sur les carnets que Remus maintenait dans sa main.

— Seulement trois ?

— C’est plus que ce dont j’ai besoin, répondit-il en les déposant sur le comptoir.

— Je présume que tu es l’être divin qui a sauvé Tripod d’une mort certaine, dit-il avec un sourire un coin.

— Enchanté, lui répondit Remus en rigolant, Bucky allait bien. 

— J’suis Barty, lança-t-il en tendant sa main vers Remus. Le meilleur pote des deux cons qui ont dû s'engueuler pendant que t’essayait de sauver leur chat.

— Remus, se présenta-t-il en serrant sa main avec un sourire.

— Sirius, présent. 

— Et toujours obligé de faire son intéressant, rétorqua Barty en lançant un clin d’œil entendu à Remus.

— Envoie ma commande, Crouch. 

— Comme si c’était fait ! lança le jeune homme en s’éclipsant derrière un rideau noir en velours. 

Le temps qu’il revienne, Sirius tendit sa main vers Remus qui crocheta son index au sien, papillons volant dans le cœur. Sirius ouvrit la bouche mais fut interrompu quand Barty déposa sur le comptoir une caméra super 8 et plusieurs cartouches de films.

— Tu diras à Pettigrew que j’en ai chié.

— C’est son cadeau d’anniversaire, je lui dirai rien du tout. 

Barty leva les yeux au ciel avant de reprendre la parole. 

— Je mets tout sur la même note ? 

— Non, répondit Remus. 

— Oui, rétorqua Sirius au même moment.

— Désolé, nouvelle personne fort charmante que je viens de rencontrer, mais Black l’emporte. Je le connais et sais que je risque de manger ma caisse si je le fais pas.

Remus marmonna alors que Sirius dégainait déjà son téléphone en direction du boîtier que lui tendait Barty.

***

Au pied de son appartement, Remus s’arma du courage qu’il lui restait quand il prit la parole.

— On se revoit bientôt ?

— Maintenant que j’ai ton numéro ça sera plus simple, répondit Sirius avec un sourire en coin.

— On a été un peu cons, là-dessus…

— Bof, j’crois que j’aimais bien savoir que tu viendrais me trouver sans avoir besoin d’indications. Bye, Lupin, souffla Sirius en se hissant sur la pointe des pieds.

Remus s’inclina, et le baiser qu’ils échangèrent gonfla sa poitrine.

 

Chapter 35: Tendresse

Chapter Text

Remus regardait son café couler tout en écoutant Aimee le réprimander d'avoir accepté trop de rendez-vous dans sa journée.

Aimee ne se trompait pas totalement. Remus n'avait pas surchargé son planning, son nombre de patients à quatre pattes était tout à fait raisonnable. Seulement, sa migraine lançait des jets de pierres derrière ses yeux, appuyait contre son front constamment et lui donnait la nausée. Un cocktail dont il se serait bien passé. Sa hanche, elle, avait du mal à tenir la route. Fabian l'avait pourtant prévenu : s'entraîner était une chose, vouloir repousser ses limites en était une autre. Certes, lui aussi n'avait pas tort. Mais hier Kuna l'avait accompagné dans sa course, et Remus ne pouvait pas lui refuser quelques kilomètres supplémentaires. Sa hanche oui, cependant.

Il extirpa son téléphone dans la poche de son jean lorsqu'il vibra. Le message provenait de Fabian, mais la notification d'un message de Sirius datant d'il y a deux heures attira davantage son attention.

 

« Tu regardes l'Eurovision ? »

« Hi, Remus. Il paraît que c'est plus poli de commencer comme ça ;) »

 

Remus esquissa un sourire, voulu se frotter un œil pour chasser la douleur et marmonna quand il rencontra sa paire de lunettes.

 

« Hi, Sirius. On est toujours en bas du classement, je ne vois pas spécialement l'intérêt... »

« Devrais-je y trouver un quelconque intérêt cette année ? »

 

Le message de Fabian le rassura dans son idée de planning du soir : dormir.

« Si tu me dis qu'on va courir ce soir je te tue, Moony. »

 

« Si je ne me suis pas déjà tué. Migraine. » 

 

« Je te dépose un truc à manger quand je termine »

 

« Tu es le meilleur. »

 

« Je sais. »

 

Il oublia son téléphone pour le reste de la journée et ne le retrouva que lorsqu'il eut passé la porte de chez lui, et qu'il se laissa tomber sur son canapé.

Remus plissa les yeux quand il porta son écran à leur hauteur, la luminosité l'aveuglant et n'améliorant pas sa nausée.

 

« L'Eurovision, Remus, c'est une institution »

« On le regarde tous les ans et on est supers investis. Bas du classement ou pas, ce qui importe c'est l'expérience ! Ca se passe chez moi cette année »

« T'es convié. »

« Si mon message était pas clair. »

 

« Ce n'est pas demain soir, l'Eurovision ? »

 

La réponse fusa : « si »

 

Puis, avant qu'il eut le temps de répondre, son téléphone se mit à sonner et la photo de Sirius apparut en grand.

 

— Sirius, réussit-il à articuler.

 

— C'était trop te demander ? J'sais que c'est bizarre nous deux, mais j'sais pas... j'voudrais bien que tu viennes. Mais si tu viens pas ça m'irait aussi...

 

—Sirius... tenta de couper Remus 

 

— On a rien établi en fait, et du coup bah j'sais pas quoi faire. J'ai envie de te voir et on fait ce truc demain, et j'me suis dit que c'était l'occasion mais... 

 

— Sirius, essaya-t-il une nouvelle fois.

 

— James et Lily seront là, et Peter aussi. Ça fait peut-être trop....

 

— Sirius... 

 

— Ok. Ça fait trop, laisse tomber Remus, on... 

 

Remus rassembla toutes les forces qu'il lui restait pour tenter d'articuler une phrase qui avait du sens.

 

— Je serai là. 

 

De l'autre côté du téléphone, le silence procura une sensation de vertige à Remus.

 

— Je serai là, Sirius. Trop ou pas trop, j'ai envie de te voir aussi.

 

— T'es sûr ? Parce que t'as une voix bizarre.

 

— J'ai une migraine depuis ce matin, et... 

 

— J'arrive. 

 

***

 

Oreiller sur les yeux, bras sur l'oreiller afin d'ajouter une pression, se forçant à respirer convenablement pour ne pas que sa nausée prenne le dessus, Remus ne bougea pas quand des clés se firent entendre dans sa porte. 

 

— Peut rien avaler... marmonna Remus.

 

— Ça te servira demain midi. J'ai pris un truc pour Hope, aussi, répondit Fabian dont il reconnaissait les pas se diriger vers sa cuisine.

Sa porte d'entrée se refermait seulement.

 

— Hi, Remus.

 

La voix fit bugger le cœur de Remus. Il cœur s'arrêta un bref instant, puis reprit ses battements beaucoup plus rapidement qu'il n'était censé le faire.

Remus décala brièvement son oreiller et pencha la tête pour trouver Sirius accroupi devant son canapé. Un sourire accroché aux lèvres, un ciel gris clair dans les yeux.

 

— Hi...

 

— J't'aime, Moony, à plus ! lança Fabian alors que sa porte d'entrée s'ouvrait pour se refermer aussitôt.

 

Il observa, de manière floue, Sirius ouvrir son sac à dos en cuir pour en sortir diverses choses que Remus ne distingua pas. Concrètement, il ne distinguait pas grand-chose. Le grain de beauté qui dansait sur la pommette de Sirius, l'éclat de ses yeux. C'était tout. Et c'était suffisant.

 

— Je ne prends pas de médicaments, réussit-il à articuler.

 

— Fabian m'a dit, répondit Sirius. Je vais avoir besoin de ta main.

 

Remus sentit les doigts de Sirius s'enrouler autour de son poignet avant qu'un liquide coule le long de celui-ci et que Sirius y dépose son pouce pour y faire des mouvements circulaires. Soudain, une sensation de fraîcheur vint piquer les yeux de Remus, et l'odeur de la menthe se fit saisissante. Pas de manière désagréable, cela dit. 

 

— C'est de l'huile essentielle de menthe poivrée. Je vais aussi en mettre juste... là ! ajouta-t-il joyeusement en déposant une goutte derrière l'oreille de Remus puis sur ses tempes. Ça aide avec les maux de tête et la nausée. Ça t'arrive souvent ?

 

— Nan, grimaça-t-il en pivotant sur le côté de manière à mieux voir Sirius. Souvent c'est quand ma hanche a décidé de me rappeler qu'elle existait.

 

— Il s'est passé quoi, avec ta hanche ?

 

Tout en parlant, Sirius sortit de son sac ce qui ressemblait à un sac de congélation.

 

— J'ai fait une mauvaise chute en snow, et je me suis fait agresser peu de temps après, il y a quelques années. 

 

Il vit la mâchoire de Sirius se contracter un instant, puis il sortit un bandeau du sac de congélation.

 

— J'ai des questions, mais j'vais me contenter de te demander si t'as été opéré et si c'est pour ça que t'as une cicatrice ? 

 

— Oui. C'est aussi pour ça que je ne prends plus de médicaments, j'avais développé une drôle de relation avec eux. Je suis resté un long moment à l'hôpital. 

 

Sirius reporta finalement ses yeux vers Remus, puis passa tendrement une main dans ses cheveux.

 

— T'es sûr que tu veux rien manger. Ok, ok, rigola Sirius quand Remus grimaça en retenant un haut le cœur à l'entente même du mot « manger ». Tu vas ressembler à un robot chelou, mais cette chose...

 

Remus soupira quand la sensation des doigts de Sirius dans ses cheveux s'en alla. Il était persuadé qu'il aurait pu s'endormir s'il avait continué à enrouler des mèches autour des ses doigts. À la place, Remus le regarda lui présenter l'étrange bandeau. 

 

— Cette chose, continua-t-il, va effectuer une pression sur tes yeux, tes tempes et ton front, et ça va soulager ta migraine ! Tu te sens d'aller jusqu'à ta chambre ou tu préfères rester ici ?

 

Se lever représentait une épreuve, mais l'idée de se réveiller au milieu de la nuit et de devoir changer de place car il n'était pas confortablement installé était pire encore. 

Remus s'assit, et sa nausée refit surface aussitôt. Il porta son poignet à son nez pour s'imprégner de l'odeur de menthe, puis il se leva de son canapé. Il se dirigea à l'aveugle vers sa chambre, luttant contre le mal de cœur, retirant son t-shirt au passage et bataillant avec le bouton de son pantalon. 

Alors que Remus marmonnait, il entendit Sirius rigoler dans son dos.

 

— T'as besoin d'un coup de main, peut-être ?

 

En guise de réponse, Remus s'assit sur son lit et secoua ses jambes pour en faire tomber son pantalon. Quand il s'allongea, son cerveau entier lui donna l'impression d'appuyer contre sa boîte crânienne.

 

— J'ai envie de crever.

 

— Ouais, c'est pas une option ça, Remus. Ça va être un peu froid. 

 

Remus tendit sa main vers le bandeau que Sirius approchait de ses yeux, bloquant doucement son geste.

 

— Ça veut dire que tu pars après ?

 

— J'en avais pas l'intention, dit-il avec un sourire.

 

Remus hocha simplement la tête, et lâcha le bandeau que Sirius vint déposer sur le haut de son visage avant de le sceller à l'arrière. Le froid fut surprenant et le fit frissonner. Cependant, la sensation sur ses tempes et son front n'était pas désagréable, au contraire.

Il entendit Sirius retirer ses chaussures avant de sentir le matelas s'affaisser à côté de lui.

 

— Eurovision ? articula Remus

 

— On est des grands fans, mais tu verras ça demain. J'veux pas te gâcher la surprise de ce qui t'attend. 

 

— Où est-ce que tu habites, d'ailleurs ?

 

— À trois rues d'ici, Remus. 

 

— Tu te fiches de moi ? demanda-t-il en pivotant la tête vers lui bien que ce soit inutile, le bandeau lui bloquait la vue.

 

Le mouvement, inutile, lui aura provoqué une nouvelle nausée.

Remus grimaça en s'enfonçant davantage sur son matelas.

 

— Non, rigola Sirius tout en glissant ses doigts dans les cheveux de Remus qui laissa sa tête reposer contre sa main. J'sais pas pourquoi on s'est pas croisés plus tôt, ne serait-ce qu'au café, au croisement de la rue en bas, ou... 

 

— Tu vas au café du bout de ma rue ?

 

— Tous les matins, c'est mon rituel avant le boulot.

 

— Ça me paraît fou...

 

— Ouais, j'crois que l'univers était pas prêt à ce qu'on se rencontre, rigola Sirius. 

 

— Si on s'était rencontrés ici, tu ne m'aurais pas adressé un regard. Là-bas, tu n'as pas eu trop le choix, rigola Remus donc la douleur contre ses tempes se dissipait doucement.

 

— C'est sûr que si t'avais débarqué avec ce truc sur la tête dans le café... 

 

— Hé... s'offusqua-t-il alors qu'il sentit Sirius pivoter sur le matelas, puis sa main caresser sa joue.

 

— J't'aurais remarqué n'importe où, Remus. Tu devrais essayer de dormir un peu.

 

Remus ouvrit la bouche mais sentit un doigt se poser doucement contre ses lèvres.

 

— Hé, n'argumente pas. Je reste là. 

 

***

 

Quand Remus se réveilla, il eut du mal à ouvrir ses yeux, sa vision était bloquée, puis quelque chose le gênait. Il porta sa main à ses yeux et tâtonna sur le masque en gel. Quelques secondes, le temps qu'il se souvienne de sa migraine, et de la venue de Sirius.

 

Sirius. 

 

Remus retira le masque, savoura la sensation de liberté qui se propageait sur son visage, puis tourna la tête. Dans l'obscurité, la silhouette de Sirius se distinguait. Le bruit de sa respiration avait quelque chose d'apaisant.

 

Sirius était resté, et Remus lutta pour ne pas le serrer fort contre lui. Il remonta le drap sur son corps, puis ferma de nouveau les yeux en esquissant un sourire. Sa migraine se faisait moins virulente, sa nausée s'était dissipée, ses pensées apaisées. Puis... Sirius était tout près.