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La proposition

Summary:

La vie d'adulte c'est pas facile, d'autant plus quand on la débute et ça Jordan le sait bien. Mais que ce passe t-il lorsqu'il accepte la proposition de Xavier ? Une chose est sûre, leur nouveau quotidien pourrait bien laisser d'anciens sentiments refaire surface...

Notes:

Coucou tout le monde ! Cette fanfic était à l'origine posté sur wattpad donc pour ceux qui avaient déjà commencé à la lire là dessus, il y aura des petites modifications sur certains passages ( qui ne changent pas le déroulement de l'histoire ) mais qui sont simplement des petites corrections ou ajouts par rapport à ce que j'avais déjà écrit ( de sorte à l'améliorer ) Oui je pourrais directement modifier sur wattpad mais flemme ( sachant que ça fait 1 mois que je n'ai pas fait de mise à jour TvT )
Bref sur ce je vous laisse avec la lecture, j'espère que ça vous plaira :)

Chapter 1: Prologue

Chapter Text

La nuit était tombée, malgré cela une ambiance festive régnait sur le campus éclairé par de nombreuses guirlandes et accessoires fluorescents que portaient les étudiants. D'un côté on dansait, de l'autre on jouait, tout ça sur le rythme effréné de la musique. Là, dans un coin, une vingtaine de personnes s'étaient réunies pour former un cercle sur le bitume et laisser une bouteille vide choisir un ou une prétendant(e) à celui qui avait décidé de jouer.

La bouteille tourne encore et encore...

Puis finit par s'arrêter...

Ça y est c'est le moment.

Ni une ni deux, l'élu à la chevelure blonde s'avança, se rapprocha et pausa une main sur la joue du jeune homme concerné avant de poser ses lèvres sur les siennes. Les deux joueurs n'eurent pas peur de continuer et approfondirent leur baiser sous les sifflements de leurs camarades. Bien que le baiser fut court, il fut apprécié par les deux étudiants qui se regardèrent avec un sourire en coin après être retournés à leur place. Après tout c'était une façon comme une autre de s'amuser. Mais à peine assis que l'un d'eux se fit tirer par le bras et sortit du cercle de jeu. On l'entraîna un peu plus loin du bruit de la musique assourdissante et des rires stridents. Une fois arrivé près des bâtiments d'enseignement, le plus jeune prit la parole d'un air agacé.

- Dave... qu'est ce que tu me veux encore ? 

- Tu crois que je ne vous ai pas vu vous embrasser !? 

- Roh c'était qu'un jeu, répliqua le jeune homme en croisant les bras contre sa poitrine. C'est pas toi qui dit qu'il faut que je me détente de temps en temps ?

- Oui mais pas de cette manière ! 

- Tu ne vas pas chercher la merde avec tous les mecs qui me côtoient...

- Je sais mais je n'ai pas envie qu'on joue avec toi ou qu'on te brise le cœur !

- Dave j'ai 19 ans, je suis plus un bébé, je sais à quel genre de personne j'ai à faire ou non et si on me brise le coeur c'est mon problème. Puis j'te le rappelle, c'était un jeu !!!

- Ah oui ? Et qu'est ce que tu feras si jamais-

Une sonnerie téléphone retentit soudainement dans le poche de pantalon de Jordan et coupa l'aîné.

- Tu permets il faut que je réponde, fit le vert avec un grand sourire

Dave souffla bruyamment et le laissa seul pour rejoindre son groupe d'amis à l'opposé. Une fois sûr que le plus âgé soit assez loin, Jordan s'empressa de décrocher. 

- Allo ?

Hey Jordy comment tu vas ?

- Xav' ! Ça va super, et toi pas trop dur les cours?

- Plutôt bien oui, même si on a pas mal de projets à rendre, et de ton côté comment ça se passe ?

L'étudiant prit un petit moment avant de répondre, hésitant.

- Disons que je tiens le coup, enfin je m'accroche comme dit Dave...

- Oui il m'a raconté que c'était difficile en ce moment... Hé t'inquiète pas je sais que tu vas gérer comme toujours sois juste un peu plus confiant.

- Mmh ouais... Merci. 

Jordan ne le voyait pas mais se doutait que le roux souriait derrière son appareil.

- Dit donc y'a pas mal de bruit derrière toi qu'est-ce qu'il se passe ?

Oh on fait une fête sur le campus !

- La chance ! Et tu t'amuses bien, tu faisais quoi à l'instant ?

Heuuu...

"J'ai embrassé un mec de ma classe et Dave m'a engueulé haha... je peux pas lui dire ça"

Alors que le vert hésitait à répondre, il entendit son nom retentir.

- Je devrais peut-être te laisser rejoindre tes amis, ajouta le roux en riant.

Hum... ouais... On se rappelle plus tard hein ?

- Pas de problème, le roux marqua une courte pause. Hé, tu me manques Jordy...

- Toi aussi Xav'...

- Bon j'te laisse, bonne soirée la pistache. 

Jordan le remercia, bien que sentant sa gorge se serrer et raccrocha immédiatement en voyant arriver le garçon qu'il avait embrassé quelque minutes plus tôt le retrouver. Ce dernier s'approcha un sourire aux lèvres. 

- C'était qui ?

- Oh, heu, j'étais entrain de parler à mon meilleur ami, il étudie dans une autre université, beaucoup... plus loin...

Le blond regarda Jordan légèrement rêveur. Il s'adossa au mur invitant le garçon aux yeux noirs à faire de même et lui offrit un verre au passage.

- C'était cool tout à l'heure.

- Ouais, répondit Jordan le rouge aux joues en se rappelant leurs dernières minutes passées ensemble. 

Un sourire timide se forma sur ses lèvres tandis qu'il y repensait. Leurs épaules se frôlèrent et l'étudiant à côté de lui tourna la tête dans sa direction. 

- Est-ce que ça te tenterait si on sortait ensemble un jour ?

Jordan assez surpris par la demande soudaine de ce dernier ouvrit la bouche puis la referma ne sachant quoi répondre. Il fut alors distrait par son téléphone qui vibra au même moment et y jeta un bref coup d'œil.

|  Nouveau message de : Xav' 💫 🍓

Le jeune homme à la chevelure verte se mordit la lèvre puis releva la tête rapidement pour répondre à son interlocuteur.

- Je... je sais pas trop... je t'apprécie beaucoup mais... je ne te connais pas trop et je me sens pas encore prêt pour ça...

- T'inquiète je comprends, on reste amis alors ?

Jordan lui adressa un simple sourire en guise de réponse et bu une gorgée de son verre.

"Ce n'est pas la première fois que je dis non et ce ne sera sûrement pas la dernière fois... Quand est-ce que je vais arrêter d'attendre et de me faire de faux espoirs uniquement pour lui..."

Mais peut-être qu'au final, attendre valait la peine. 

 

***

Chapter Text

Quelque part dans une contrée lointaine...

Le ciel était dégagé, les oiseaux chantaient...

Un calme apaisant occupait l'espace...

Non c'était faux. Pourquoi ? Parce que quelque part en ville, une toute autre ambiance habitait les alentours. Et ce quelque part était nommé Sun Garden.

Vous connaissez le dicton, quand le chat n'est pas là, les souris dansent et il se trouve qu'aujourd'hui la directrice de l'orphelinat avait pris un jour de repos. C'était donc Xavier qui occupait sa place pendant que les autres adultes disponibles veillaient sur l'état des lieux. Bien sûr que les enfants étaient un peu plus énervés que d'habitude mais le roux savait hausser le ton lui aussi, et permettait d'instaurer le calme pendant au moins quelque minutes. Après tout personne n'aimait voir Xavier s'énerver...

12h53 : Alias l'heure de l'apocalypse

Claude se faisait tirer les cheveux par une fillette sous prétexte qu'elle voulait cueillir une tulipe, Bryce peinait à cuisiner quelque chose de potable pour le repas et Xavier faisait les cents pas dans le salon pendant un appel téléphonique en essayant retrouver un post-it sur lequel était noté l'heure d'une réunion pour son travail.

- Je m'excuse je ne retrouve pas la date de cette réunion... Oui oui je sais, je dois être plus organisé... Non je n'ai pas encore trouvé d'assistant- hein ?

Le jeune homme sentit une petite main agripper le bas de sa chemise qui semblait vouloir attirer l'attention. Il baissa la tête et vit une blondinette lui tendre un dessin.

- C'est pour toi, dit-elle d'une petite voix timide. 

- Oh merci il est vraiment beau, répondit Xavier attendrit en s'abaissant à sa hauteur, tu es très doué pour dessiner les châteaux dit donc. 

- Oui et même qu'au dessus il y a un arc-en-ciel pour faire du toboggan !

- Ça à l'air drôlement amusant tout ça, oh et il y a même des tulipes...

- En parlant de tulipe quelqu'un peut me sauver des griffes de l'autre morveuse j'vais finir chauve à force !! supplia Claude à l'autre bout de la pièce les larmes aux yeux.

Xavier tourna la tête de tous les côtés sans savoir par où commencer puis poussa un soupir agacé. S'il quelqu'un pouvait lui offrir ne serait-ce qu'une minute de pause, il lui serait éternellement reconnaissant. C'est alors qu'il sentit une odeur nauséabonde s'échapper de la cuisine.

- ET MERDE J'AI FAIT CRAMER LES NUGGETS !!!

- BRYCE LE LANGAGE ! Non désolé c'était pas à vous que je parlais, reprit précipitamment le roux au téléphone.

Malgré la cacophonie qui régnait à l'orphelinat, ce dernier parvînt à entendre quelqu'un frapper à la porte. Un môme se précipita devant lui pour lui barrer sa route.

- J'peux aller ouvrir, j'peux aller ouvrir, j'peux aller ouvrir s'te plaaaaît !!!!

L'adulte à bout acquiesça à la hâte toujours occupé au téléphone en faisant signe de ne pas faire trop de bruit.

La porte s'ouvrit doucement, laissant paraître un rayon de lumière faisant contrejour sur les silhouettes présentes. Deux hommes se tenaient à l'entrée, un premier assez grand avec de longs cheveux noirs ondulés tombant sur ses épaules et aux yeux orangés qui portait un chapeau. Un second juste derrière lui, au teint bronzé et aux yeux olives, les cheveux de la même couleur que celle d'une pistache, relevés en chignon torsadé, portant plusieurs sacs avec un grand sourire plaqué sur son visage.

- Bonjour tout le monde !

À peine Dave avait fait un pas dans l'orphelinat qu'une bande d'enfants vint lui sauter dessus et le fit tomber. Jordan rigola, il était bien content d'échapper à ce supplice, malgré le fait qu'il adorait les câlins. Mieux valait ne pas se retrouver avec une côte cassée...

En entendant ce vacarme le rouquin tourna la tête et orienta son regard vers la cause de cette excitation. Pendant un instant il écarquilla les yeux, croyant rêver et resta figé quelque minutes en apercevant la cause de chahut. Réalisant enfin, il laissa tomber le téléphone de sa main et se précipita vers eux. Jordan qui regardait avec amusement son ami se faire étouffer par une pile d'enfants se fit alors surprendre. Il n'eut pas le temps de réagir, une masse l'avait déjà emprisonné dans ses bras forts et réconfortants. S'il fut étonné au premier abord, la sensation de ce doux contact l'apaisa instantanément et il ne se fit pas attendre pour lui rendre son étreinte, heureux de revoir son ami après si longtemps. Xavier s'écarta doucement en se rendant compte de la rapidité de son geste. Bien qu'ils ne s'étaient pas rencontrés depuis un moment cet acte avait été instinctif sur le coup. C'est lorsque celui-ci s'éloigna que Jordan pu regarder plus attentivement l'homme qu'il n'avait pas vu depuis des années. On ne s'en rendait peut-être pas compte sur les photos et appels vidéos mais il avait sacrément changé.

- Hé comment ça se fait que tu sois encore plus grand qu'avant !? C'est pas juste, bouda le vert.

- Sois pas jaloux juste parce qu'il fait dix centimètres de plus que toi la pistache, parvint à articuler Dave. 

- Non il a raison mais toi aussi t'as prit de la carrure, dit Xavier avec un regard espiègle en ébouriffant ses cheveux vert.

- Et moi j'ai pas le droit à un câlin ? s'indigna le brun toujours au sol.

Xavier rit et l'aida à se relever puis l'embrassa à son tour.

Une fois les retrouvailles terminées et les affaires débarrassées, les adultes jugèrent bon d'aller dans un endroit plus calme pour discuter un peu. Ils traversèrent la pièce principale et se posèrent sur la terrasse. Un petit vent souffla, faisant s'envoler les mèches vertes tombant derrière les oreilles de Jordan. Il les replaça rapidement avant de commencer à parler.

- C'est toujours aussi vivant ici, vous ne devez pas vous ennuyer.

- Oui mais comme c'est la fin des vacances les p'tits nous donne un peu plus de file à retordre, expliqua Xavier en rangeant les mains dans ses poches.

- Et dire qu'à leur âge on était pareil... soupira Dave. 

Ses amis sourirent en se rappelant de cette époque. C'est sûr qu'ils n'étaient pas mieux, mais en même temps ça les faisait rire de repenser à leurs bêtises. Ils étaient bien contents de s'être rencontrés et d'avoir passé leur enfance ensemble. Avec tout ça ils en venaient presque à devenir nostalgiques. 

- Ça fait combien de temps déjà... quatre ans que vous n'étiez pas revenus ici ?

Jordan compta sur ses doigts pour vérifier avant que Dave ne le corrige.

- Cinq ans plus exactement.

Le jeune homme au teint bronzé sursauta face à sa réponse. C'était vraiment si long que ça ? À vrai dire, il ne s'en était même pas rendu compte, à force de travailler, bouger et faire la fête il avait oublié à quel point le temps s'écoulait. C'était aussi une façon comme une autre de négliger le manque que pouvait procurer la distance entre proches. Une pointe d'amertume s'installa en lui lorsqu'il ressentit cette émotion refaire surface. Au même moment il croisa le regard émeraude de Xavier, regard qui lui faisait envoler tous ses doutes. Qu'importe ils étaient réunis maintenant.

- Ça me fait tellement plaisir que vous soyez rentrés, dit Xavier presque chuchotant en regardant à l'horizon.

Jordan le fixa un instant puis esquissa un petit sourire.

- Et on ne repartira pas de si tôt !


***

Chapter 3

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Dave et Jordan avaient dîné ici pour la soirée car le vert se plaignait d'avoir trop faim et qu'il ne pouvait pas attendre le trajet jusqu'à son appartement. De plus ils voulaient passer un peu plus de temps à l'orphelinat en compagnie de leurs amis et avaient proposé leur aide qui ne fut pas de refus.

La journée touchait à sa fin, les enfants étaient couchés et Dave était rentré plus tôt. Après avoir fini de nettoyer la table, Xavier proposa une tasse de café que Jordan accepta. Ces derniers discutèrent des nouvelles du moment et du train-train quotidien. Puis vînt le sujet que Jordan redoutait le plus... 

- Et toi sinon, comment ça va niveau boulot ? demandait le roux alors qu'il essuyait des verre. 

Un court silence s'imposa, laissant à Jordan le temps d'hésiter. Le jeune homme commença à jouer nerveusement avec ses mains puis orienta son regard vers l'extérieur. 

- Disons que ça va comme ci comme ça...

Xavier haussa un sourcil comme s'il cherchait à en savoir plus. 

- Ça fait bientôt deux ans que j'ai fini mes études, mais la réalité est loin de ce que j'avais imaginé. Je n'ai pas de situation stable, tu vois... J'ai passé un moment à travailler dans en startup et d'autres trucs du genre mais rien de permanent. 

- Qu'est-ce que tu veux dire ? questionna Xavier avec un regard sérieux, soudainement plus attentif. 

- Et bien je pensais que j'aurais trouvé quelque chose de plus fixe, un emploi qui me permette de me poser un peu, mais... rien de tout ça. J'ai passé des tonnes d'entretiens, mais entre les patrons qui je cite "préfère engager des femmes" et ceux qui te mettent à la porte dès qu'ils en ont envie,  je commence à douter que quelqu'un veuille vraiment me donner ma chance. Les contrats sont toujours temporaires, les missions de plus en plus courtes. Et maintenant, j'enchaîne des petits boulots, des remplacements... Tu sais, ce genre de trucs où tu ne sais même pas si tu vas encore bosser le mois suivant.

Il marqua une pause, les yeux fixés sur sa tasse, dans ses pensées. Il releva la tête passivement puis vit que l'expression sur le visage de Xavier avait changé et commença à se sentir gêné. 

- Mais bon on fait avec ! Et toi j'ai appris qu'en plus de gérer l'orphelinat tu étais à la tête d'une entreprise, c'est génial ! poursuivit le vert d'un ton plus enjoué.

- Tout juste j'y suis depuis l'année dernière, j'ai repris les affaires familiales depuis que père n'est plus là mais il faut dire que Bryce m'a pas mal aidé sur ce coup là, avoua le roux.

Jordan lui offrit un sourire chaleureux, il était content que son ami ait autant réussi dans sa voie professionnel même si à vrai dire ça ne l'étonnait pas puisqu'il était "toujours parfait dans ce qu'il faisait". Lui aussi aurait aimé se trouver un but dans la vie, il le trouvait chanceux sur ce point là.

- Ça doit être vraiment bien alors...

Xavier remarqua l'air pensif que son ami avait en regardant sa tasse de café. Jusque là il pensait que lui aussi avait eut de nombreuses opportunités et quelque chose à la hauteur de ses espérances, mais la réalité en était tout autre. En y songeant c'est vrai qu'il avait pas mal galéré ces derniers temps. Le jeune homme culpabilisait, il aurait aimé être à ses côtés pour l'aider et l'encourager, mais les aléas de la vie en avaient décidé autrement. 

Il ferma le placard et s'installa en face de son ami, sans un mot. Décidément le travail leur menait la vie dure... Tout à coup, une idée lui effleura l'esprit. 

- Et bien puisqu'on est sur le sujet, il me manque encore quelque chose, ou plutôt quelqu'un...

Jordan leva la tête de sa tasse et croisa le regard perçant de Xavier qui le fixait droit dans les yeux. Une sensation étrange s'empara du jeune homme au teint bronzé, sensation familière qu'il ne voulait pas ressentir à ce moment là et préféra essayer d'ignorer en reprenant une gorgé de son breuvage.

- En fait... j'aimerais te faire une proposition. Depuis un moment je cherche quelqu'un qui puisse m'assister et m'aider dans mon travail, on avait commencé à discuter d'un entretien d'embauche dans quelques jours et je crois tu serais parfait pour ce poste, enfin si jamais ça t'intéresse... Alors qu'est ce que t'en dis, tu veux bien être mon secrétaire ? 

Jordan manqua de s'étouffer. 

- Pardon !?

- Heu tout va bien ? demanda Xavier à la fois surpris et inquiet. 

- C'est juste que ça m'étonne un peu que tu me demandes ça... à moi...

- Pourquoi ça serait surprenant ? On est amis et puis tu as bien les qualités nécessaires pour m'assister, quel serait le problème ? dit le roux innocemment. 

- Non mais franchement, tu es certain de ne pas vouloir choisir quelqu'un de plus sûr comme je sais pas, Isabelle ou Bryce ? Xavier on parle de la plus grande société de la ville là, tu n'es pas censé prendre le ou la premier(e) venu uniquement parce que c'est quelqu'un que tu connais bien ! 

- N'en fais pas des tonnes je jetterai un coup d'oeil à ton dossier avant...  Concernant Isa et Bryce, avoir l'un ou l'autre sur mon dos serait plus stressant qu'autre chose et soyons honnête, la grande partie des personnes qui postulent pour ce poste ne sont pas toujours là pour les bonnes raisons, tu dois en savoir quelque chose, ajouta t-il avec un air espiègle. Oh, je ne t'ai même expliqué en quoi ce travail consisterait. La personne que je dois engager devra me suivre partout, organiser mon emploi du temps, manger avec moi, partir lors des voyages d'affaire, me rappeler mes horaires et...

Tandis que Xavier listait le nombre de chose à faire, Jordan réfléchissait un peu plus à sa proposition. Travailler pour le plus haut placé d'une entreprise ? Gérer les réunions, l'informatique, les dossiers et parler aux clients ? Bien sûr qu'il était bon dans ce domaine mais il ne s'attendait à faire un aussi gros bond dans l'administration. D'un autre côté ça l'aiderait pas mal financièrement, lui qui enchaînait job sur job pendant ses études, ça serait une opportunité grandiose de trouver un emploi si facilement sans recherches et entretiens angoissants. D'autant plus quand celui qui le propose lui assurait toutes ses chances... 

Avoir Xavier comme patron ne devrait pas être aussi contraignant quand on y repense...

- C'est d'accord, déclara le vert en se levant de table. 

- Mais bien sûr si tu ne le sens pas je ne te forcerai pas tu as l'embarras du choix après tout et... Attend quoi ?

- Je veux bien faire parti de l'entreprise et devenir ton secrétaire, répéta t-il sous un ton déterminé.

Xavier se leva à son tour, des étoiles plein les yeux puis sauta au cou du plus jeune.

- Oh merci ! Tu vas pas le regretter j't'assure !

- Eh c'est pas comme ça qu'un boss est censé traiter son employé ! plaisanta le vert. 

- Oh oui c'est vrai, il s'écarta puis reprit d'un ton plus raisonnable, Mr Greenway j'ai l'honneur de vous annoncer que vous êtes accepté pour le poste de secrétaire. Bienvenue chez nous, déclara t-il en lui tendant une main. 

- Tout le plaisir est pour moi patron, merci infiniment, répondit-il en lui rendant sa poignée de main. 

Alors qu'ils continuaient leur manège ils furent interrompus en voyant Isabelle arriver avec une substance étrange emmêlée dans ses cheveux bleus . 

- Pas un mot, se précipita t-elle avant qu'ils ne disent quoi que soit, j'ai dû aider Bryce à nettoyer le four, il a réussi a faire explosé le gratin dedans, non mais vous y croyez vous...

Les deux hommes d'abord muet explosèrent de rire sous le regard noir de la jeune femme puis finirent par se calmer.

- Bon c'est pas tout mais il se fait tard, je crois que je vais rentrer chez moi.

- Tu ne veux pas rester pour la nuit ?

- Non, c'est gentil mais j'ai des affaires à déballer pour le lendemain, tu sais comme je viens d'emménager, rappela Jordan en enfilant sa veste en jean. 

- D'accord, repose toi bien alors.

Le jeune homme au chignon le remercia, lui adressa un sourire, puis salua Isabelle avant de quitter le foyer. Un fois la porte fermée, l'orphelinat semblait soudainement plus vide. 

- Et toi, tu n'es pas sensé rentrer ce soir ? questionna le roux en s'adressant à sa voisine. 

- Non je suis "de garde" cette nuit, soupira cette dernière en ouvrant le réfrigérateur.

La bleue se servit un grand verre d'eau qu'elle avala d'un trait. Une fois requinquée elle posa son verre d'un coup sec sur le buffet et reprit la parole.

- Au fait, j'ai reçu un mail de ton manageur, comment il s'appelle déjà... John je sais pas quoi... bref il est de plus en plus exaspéré par ton manque d'organisation, déclara t-elle avec sérieux. Je sais que ça ne fait qu'un an depuis que tu as repris la société de papa et l'orphelinat mais jongler entre les deux c'est pas ouf. Regarde toi, tu te retrouves à aller bosser avec de la sauce tomate sur ta chemise en oubliant la date du rendu de tes papiers et arrive sans rien à présenter parce que je cite "j'ai perdu ma clé USB" ça fait pas très pro...

- Je sais... je suis au courant de tout ça mais j'ai enfin trouvé une solution.

Isabelle le fixa avec des yeux de merlan frit, ce à quoi le roux lui répondit en lui expliquant tout. Après avoir été convaincue la jeune femme soupira de soulagement et s'affala dans le canapé en penchant sa tête en arrière. 

- Bon ça me rassure un peu mais je comprends toujours pas pourquoi t'as pas choisi ta très chère sœur adorée, soupira t-elle en se désignant du doigt.

Xavier ne répondit pas de peur de se faire laminer par cette dernière. Mieux valait ne pas tenter le diable, elle pouvait vraiment faire flipper si on lui disait quelque chose qui la contrariait. Mais ses doutes furent dissipés lorsqu'il vit son visage se détendre avec un regard malicieux. 

- Tu préfères flirter avec les p'tits nouveaux à ce que je vois, dit finalement la bleue tandis qu'un sourire narquois se dessinait sur ses lèvres. 

L'homme aux cheveux rouges fronça des sourcils. 

- Pff... c'est ça oui, de toute façon je suis trop occupé pour ces bêtises, j'ai du travail.

- Ben voyons !

Ce n'était pas sa meilleure excuse mais cela suffisait à faire taire le sujet. Et puis, ce n'est pas comme si ça allait changer quelque chose. En attendant Xavier était bien content d'avoir quelqu'un sur qui compter, et surtout d'avoir choisi la bonne personne. Mais peut-être que les choses allaient être un peu plus mouvementées que ce qu'il ne pensait...

***

Notes:

Pour le coup j'avais vraiment besoin de modifier ce passage par rapport à la version wattpad car les justifications de Jordan sur sa situation étaient pas ouf et en relisant ça paraissait presque trop facile / rapide. J'veux dire rater TOUS ses entretiens par stress ça allait pas pour moi. D'autant plus que même si Jordan à d'origine très peu confiance en lui je m'imagine qu'adulte il est bien plus sûr de lui ( pour moi c'est un mélange de Mido tout mignon/têtu et de sa personnalité extraterrestre )
Donc voilà ça me rassure plus d'avoir changé ça :) 

Chapter 4

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Ce matin-là Xavier s’était levé tôt, comme à son habitude, pour aller chercher un petit déjeuner à la boulangerie du coin. Habituellement, on lui envoyait quelqu’un pour le chercher, de sorte à éviter d’attirer l’attention. C’est vrai, il était le visage de la société Schiller et se faire remarquer dans la rue était devenu son quotidien malheureusement. Mais aujourd’hui, il s’était levé de bon pied et s’était mis en tête de partir le chercher lui même. Et puis ça lui faisait du bien de prendre un peu l’air, loin de tout ce monde. 

La petite ruelle était encore calme, et l’air frais du matin lui apportait un certain apaisement. En poussant la porte de la boulangerie, il sentit immédiatement l’odeur du pain frais et des croissants chauds envahir ses narines. Il s’approcha du comptoir pour faire son choix. C’était un matin ordinaire jusqu’à ce qu’il entende une voix familière derrière lui. 

- Je vous prendrai un muffin aux pépites de chocolat et avec jus d’orange s’il vous plaît. 

Cette voix attira directement son attention vers son destinataire. Il faisait à peu près la même taille que lui, et portait un sweat à capuche avec des baskets de sport. Ses cheveux bleus étaient soigneusement coiffés en demi queue et retombaient à l’arrière de son dos. Ce n’est que lorsqu’il se retourna et se trouva nez à nez avec lui que Xavier balaya tous ses doutes.

 - Tiens, ça faisait longtemps ! lança Nathan avec son paquet et sa bouteille de jus d’orange à la main. 

L’homme sourit et le salua de même. 

- Je ne m’attendais pas à ce qu’on se retrouve ici, je pensais que tu habitais à plusieurs bornes d’ici. Il le regarda de haut en bat notant sa tenu de sport. Au moins tu es toujours aussi motivé pour courir. 

- Oui, je reprends les footings du matin depuis que mon emploi du temps s’est allégé. Ça fait un bien fou ! Pour ce qui est de mon habitation, c’est toujours le cas oui, mais j’aime bien changer de paysage de temps en temps. 

Oh ça il s’en doutait, l’ayant connu lorsqu’ils étaient jeunes, Xavier savait à quel point la course était indispensable à son quotidien. Le rouquin avait déjà songé à faire de même pendant un temps, histoire de se détendre. Mais les obligations professionnelles le prenaient bien trop pour qu’il puisse trouver le temps pour ça. 

- Et sinon, quoi de neuf à pars ça ? 

- Dave et Jordan sont rentrés il n’y a pas si longtemps, on a prévu de tous se retrouver au restaurant ce soir pour fêter ça. 

- Ah c’est vrai ? J’espère les recroiser bientôt alors. D’ailleurs j’en connais une qui va sauter de joie quand elle apprendra la nouvelle... 

- Sauter ? Tu veux plutôt dire crier ! corrigea le roux.

 Les deux hommes rirent en s’imaginant la réaction de leur proche commun qui venait de refaire son apparition dans l’esprit de Xavier. 

- Au fait tu as des nouvelles d’elle ? Je sais qu’avec le bureau je n’avais pas le temps de la contacter mais ça m’est revenu en tête... 

- Ah oui, à ce propos c’est une longue histoire, soupira Nathan en se grattant la tête.

 L’homme aux lunettes haussa un sourcil puis écouta les brèves explications de Nathan à ce sujet. Les deux anciens camarades étaient prêts à discuter davantage, seulement l’heure tournait et ils n’avaient pas toute la journée devant eux. Nathan quitta la boulangerie et Xavier le salua, les yeux souriants puis retourna à ses affaires. Après tout, il aura encore le temps de discuter avec d’autres personnes ce soir, et cette fois-ci, il n’y aura aucune interruption en vue.

 ☆☆☆ 

Une table, six copains, et de quoi se régaler pour cette soirée ! Et quand on ne parlait pas que de la nourriture dans ce cas-là, car il y en avait des choses à se raconter. C’est sûr que depuis leur retour, Dave et Jordan en avaient manqué des événements, notamment la dernière dispute entre Claude et Bryce qui avait presque failli se transformer en troisième guerre mondiale... Un récit passionnant du point de vue d’Isabelle, moins pour celui de leur appartement qui a subit de nombreuses pertes matérielles. 

- C’est dans ces moments-là que je suis bien content de ne pas être en couple, s’esclaffa Dave.

 - Je pense que tu te serais bien marré si tu avais été là sur les lieux du combat, encore heureux que personne n’ait été tenté de mettre le feu à la baraque, rajouta Isabelle. 

C’est sur cette phrase que les rires fusèrent sous le regard noir des deux concernés. La vie de coupe n’est pas toujours facile, surtout avec deux tête de mule comme eux. La jeune femme à la chevelure bleue dirigea ensuite son regard vers l’homme situé à sa diagonale pour s’adresser à lui : 

- Et toi Jordan, tu as quelqu’un en ce moment ? 

À peine avait-elle posé sa question que ses amis sursautèrent en entendant quelqu’un tousser fortement à proximité, faisant orienter les regards vers ce bruit. 

- Ça va, mec ? demanda Claude en tapant dans le dos de Xavier qui s’était presque étouffé. 

- Ouais, répondit le roux en se raclant la gorge, j’ai juste bu de travers...

Isabelle, qui ne semblait pas se soucier de l’état de ce dernier, reprit sa question avec un sourire mesquin. 

- Bon, alors tu nous dis ? 

- Ben, non, pas vraiment... 

- Attends, tu vas pas me dire que tu n’as été avec personne depuis que tu as commencé tes études !? 

- T’es sérieux, la pistache ? 

- Pourquoi ? C’est si problématique que ça de ne jamais avoir été en couple à mon âge ? Qu’est-ce que vous avez tous d’un coup ? paniqua Jordanie.

- Non, j’ai pas dit ça, regarde Dave... Et puis Xavier est dans le même cas, assura la bleue. 

- Sympa de m’afficher comme ça, s’offusqua le brun.

Jordan laissa tomber la boulette de viande qu’il avait piquée avec sa fourchette, la bouche grande ouverte. Claude riait derrière sa serviette et Bryce commença soudainement à s’intéresser à la conversation. 

- Alors là, j’le crois pas... Xavier !? s’étonna Dave.

- Pourquoi vous êtes tous choqués ? demanda le roux, l’air de ne rien comprendre.

 - Non mais ce que je veux dire c’est que- XAVIER !? Un mec comme toi, quoi !? 

- Il m’est arrivé de m’amuser deux ou trois fois, mais ça n’a jamais abouti à quelque chose, c’est pas la mort, continua-t-il en levant les yeux au ciel. 

Il disait pourtant la vérité ; du lycée jusqu’à aujourd’hui, il n’avait jamais sauté le pas. À vrai dire, il n’en voyait pas l’intérêt et ce n’était pas comme s’il n’avait jamais essayé, femme ou homme il ne trouvait tout simplement pas la bonne personne. Alors les coups d’une nuit pouvaient être drôles de temps en temps, mais tout cela devenait lassant à force. 

- Alors là tu m’excuseras, mon pote, mais je crois pas un mot de ce que tu—

- MAIS COMMENT C’EST POSSIBLE !? s’interloqua Jordan en coupant Claude. T’es beau, t’es intelligent, tu t’y connais sur plein de trucs, t’es toujours là quand il faut, tu fais un super boulot, tu sais gérer toutes sortes de situations, et en plus, t’es super sympa avec tout le monde... T’es monsieur parfait, t’as tout pour plaire, et tu veux me dire que t’as jamais été avec personne ?! Franchement, j’suis du même avis que la tulipe, finit-il en reprenant son assiette de bolognaise, laissant tout le monde bouche bée. 

Bryce plissa des yeux et jeta un coup d’œil suspect à sa coupe de vin avant de dévisager l’homme au teint bronzé comme les autres personnes autour de cette table. Non, ce n’était pas un rêve, non, ils n’étaient pas bourrés, Jordan venait bel et bien de péter les plombs. Ou alors c’était peut être le vin qu’il avait bu trop rapidement qui lui était monté à la tête. Qui aurait cru que ce fait sur la vie de Xavier pouvait autant bousculer l’ambiance de cette soirée ? Un silence quelque peu gênant prit place. 

- Ah, tu vois ! Même Jordan est choqué, lui qui n’est pas futé et qui se préoccupe jamais de ces trucs, c’est fou ça ! lança soudainement Dave. 

- Quelle tristesse, Jordan n’est plus notre petit bébé innocent que nous avons connu... soupira Isabelle en posant sa tête entre ses mains. 

Ce dernier se rendit compte de ce qu’il venait de se passer et ne put réagir autrement que de baisser précipitamment la tête dans son assiette. 

« Qu’est-ce qu’il m’a pris ? »

- Ha ! Maintenant qu’on en reparle heureusement que j’étais là pour le surveiller quand on était à l’université...

- Ah non hein, tu vas pas recommencer Dave ! s’énerva le vert en relevant aussitôt la tête. 

- Ben quoi, c’est vrai, excuse-moi de te le rappeler, mais c’est limité si tu étais en roue libre là-bas... 

- Mais n’importe quoi, c’est toi qui exagérais tout à chaque fois à vouloir me surprotéger ! 

- Oh, j’t’en prie, la dernière fois, tu— 

- Bon, les gars, vous préférez pas profiter du repas ? Parce que c’est pas tout, mais on papote plus qu’on mange là, et moi, j’ai faim ! 

- Je suis d’accord avec la pistache, fermez-la un peu qu’on puisse bouffer en paix... 

Première phrase venant de Bryce depuis le début du repas. Et bien, c’est vrai qu’il n’était pas très bavard, mais au moins grâce à lui, Jordan pouvait enfin respirer. Pendant ce temps-là, il évitait tout contact visuel. Il avait réussi à attirer l’attention de tout le monde autour de cette table et pas pour des raisons qu’il aurait voulu. Ça l’exaspérerait d’ailleurs, de savoir que Dave s’amusait autant à le taquiner devant tout le monde. C’est surtout qu’il n’aurait pas voulu que le brun déballe tout devant Xavier. Le plus âgé savait très bien que ça le déstabiliserait. Pourquoi ça le gênait autant d’ailleurs ? Il n’y avait pas de raison valable de se sentir comme ça, enfin, de ce qu’il pensait. 

Néanmoins, ce moment fut de court répit, puisqu’au bout de seulement deux minutes, les conversations reprirent, cependant moins intrusives qu’elles l’étaient au début. La soirée continuait de tourner dans la meilleure ambiance qui soit, partant de remémorations, de bons souvenirs à des fous rires et des bavardages interminables. 

- Au fait, où est Holly ? 

- C’est vrai, on ne l’a pas revue depuis et elle n’a même pas répondu à mes messages et mes appels, ajouta Jordan déçu. 

- J’ai appris par le biais de Nathan qu’elle était partie passer quelques semaines en atelier d’artiste dans une ville éloignée, mais cette gourde a oublié de prendre son téléphone, dit Xavier en levant les yeux au ciel avec un petit rire. 

- Toujours aussi à l’ouest cette fille... 

- Claude!

- Roh... sérieux, même elle le dit ! 

- En parlant de travail, commença Bryce en s’adressant à son ami aux yeux sarcelles, c’est vrai que Jordan va bientôt bosser avec nous ? 

- Hé, je suis à côté, vous savez ? 

- Continues de te goinfrer et fais comme si de rien n’était, toi. 

Le vert n’avait même pas écouté ce que son ami avait dit, il était déjà occupé par une autre conversation, ou plutôt un débat foudroyant entre Claude et Isabelle sur quelle était la meilleure façon de savourer des spaghettis. 

- Tu as eu de la chance que Jordan ait choisi une filière qui correspondait à ce job. Xavier haussa un sourcil. 

- Qu’est-ce que tu veux dire par là ? 

- Tu le sais très bien, avoue juste que ça t’arrange, marmonna l’argenté avant de finir sa sangria. 

Soudain, Claude se leva d’un coup en tapant du poing sur la table : 

- MAIS PUISQUE JE TE DIS QUE LES CARBONARA SONT MEILLEURES QUE TES VIEUX TRUCS AU SAUMON !! 

- ATTEND, ON PARLE DU MEC QUI RAJOUTE DU PIMENT DANS CASI TOUTES SES PLATS PARCE QUE JE CITE « C’EST PAS ASSEZ ÉPICÉ ». JAMAIS JE GOUTERAI À TON ASSIETTE !! s’obstina Isabelle. 

- ET MOI, J’VOUS DIS QUE TANT QUE ÇA SE MANGE, C’EST BON ! répliqua Jordan. 

Dave lança un regard désespéré aux dernières personnes encore lucides qui restaient à cette table. Décidément les habitudes ne changent pas, la fin de soirée allait être longue... 

☆☆☆ 

L’air s’était rafraîchi dehors. Il faisait nuit noire et la place n’était plus qu’éclairée par l’enseigne du restaurant ainsi que les lampadaires au coin de la rue. Les dernières voitures présentent quittaient le parking. Il était tard et il ne restait plus que deux petites têtes cherchant à se réchauffer les mains dans leurs poches de manteau. 

- Merci pour ce soir, c’était cool d’avoir organisé un truc tous ensemble. 

- De rien, content que ça t’ait plu. 

- Ça me fait du bien de tous vous revoir... 

Xavier posa un regard attendrissant sur Jordan en lui souriant. Ça, il s’en doutait bien, et ce sentiment de bien-être ne pouvait qu’être réciproque. L’homme aux cheveux verts respira un bon coup, laissant s’échapper une petite fumée de sa bouche. Il sentait que son compagnon le regardait mais ne tourna pas la tête toujours dans ses pensées. Cette soirée avait ravivé quelque chose en lui, un certain réconfort de tous se retrouver peut-être, ou plutôt de le retrouver. Jordan releva les yeux vers Xavier décidé à conclure. 

- Bon, passe une bonne nuit ! 

- Toi aussi, oh et oublie pas, c’est lundi que commencent les choses sérieuses, rappela-t-il avec un clin d’œil. 

Jordan lui sourit, puis chacun partit de son côté pour rejoindre sa voiture et rentrer chez soi.

Notes:

Comme dans la première version j'avais mentionné Nathan de manière un peu aléatoire vers la fin j'ai trouvé que ça serait mieux donner une raison de l'ajouter ici en posant une p'tite rencontre improvisé entre lui et Xav' et je pense qu'on va garder les pensées de Jordy pour une autre partie. Les premiers chapitres restent plutôt introductifs donc on garde le plus complexe pour la suite. Un nouveau personnage fera son apparition :)

Chapter 5

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

En ville, une nouvelle tête faisait son apparition. Pas si nouvelle que ça puisqu’elle avait passé un bout de sa vie ici. Elle n’avait pas l’habitude de traîner dans ces quartiers luxueux mais une nouvelle lui avait donné cette soudaine envie d’y passer. Ses cheveux ondulés sur les extrémités virevoltaient au rythme de ses pas. Elle se dirigeait à présent vers le bâtiment des assistances Schiller.

☆⁠☆⁠☆

Cela faisait bientôt un mois depuis que Jordan était rentré, et cela faisait bientôt un mois qu'il travaillait pour Xavier.

Sa période de formation n'avait pas été très longue et il avait finalement pris ses aises promptement. Certes ses débuts avaient été maladroits mais il avait gagné une certaine rigueur dans ce qui était de sa fonction. Plus le temps passait et plus il gagnait confiance, se forgeant une personnalité bien à lui. Ses collègues le connaissaient tantôt comme le secrétaire souriant, tantôt comme sérieux et formel.

Bon d'accord, il prenait peut-être son rôle trop à cœur. Mais travailler pour le PDG d'une entreprise ce n'était pas rien ; entre gérer la gestion des documents, répondre aux coups de fil, accueillir les clients, caser les réunions et aller acheter à manger tout n'était pas de repos. Alors le jeune homme au chignon vert se devait d'être flexible et assidu pour garder sa place.

Au moins il aurait été fière d'une chose dans sa vie d'adulte, même si en théorie il venait de la débuter. 

À vrai dire son avenir l'effrayait à l'époque, il craignait de ne pas exceller dans sa voie professionnelle. Il y avait eu tellement de changements à l'entrée de l'université que tout lui paraissait encore plus flou. Tout lui plaisait comme tout lui manquait, il était souvent distrait et préoccupé par la moindre petite faille de sa vie, et ce toujours dans la peur de l'échec. 

Mais aujourd'hui c'était différent.

Techniquement se faire embaucher par un bon ami, ça comptait comme une réussite non ? 

Jusque-là, aucun responsable n'avait voulu de lui. Il faut dire qu'il perdait tellement ses moyens pendant le ses entrevues que ce n'était pas gagné d'avance, d'autant plus qu'il avait rencontré des difficultés pendant ses études à la suite de trop de distraction... Mais il avait préféré éviter de parler de cette deuxième partie à son futur boss. Qui sait, peut-être qu'il aurait changé d'avis. 

En attendant Jordan était bien content de s'être trouvé un emploi. Pour un début ce n'était pas si mal. Maintenant il essayait d'oublier ses angoisses et de se focaliser sur le positif. 

D'autant plus qu’une visite inattendue allait s'imposer...

- Bienvenue, qu'est-ce que je peux faire pour vous ?

Jordan avait gardé la tête devant son ordinateur avec un stylo à la main en terminant de noter le nom du destinataire d'un mail sur un post-it. Il n'eut pas de réponse.

- Excusez-moi, je finis juste de noter ça et je suis à vous.

- Alors vous êtes mariés maintenant...

Le secrétaire cru mal entendre, étant donné que la personne avait chuchoté et semblait dans ses pensées.

- Je vous demande pardon ?

- Et tu ne m'avais même pas prévenu, moi ta très chère sœur de cœur que tu n'as pas vu depuis plus d'un an ! s'imposa cette dernière en haussant le ton.

Jordan leva les yeux de son ordinateur et se leva d'un bon, voyant en face de lui une jeune femme aux yeux turquoise et pétillants, les cheveux de couleur châtain légèrement ondulés et attachés en demi-queue. Elle portait une robe bohème ainsi qu'un sac bannière et un petit paquet qu'elle tenait dans sa main gauche. Cette dernière qui le regardait avec les sourcils froncés, finit par lui offrir un sourire rayonnant qu'il ne connaissait que trop peu.

- Holly !!!

Holly Parks. C'était une amie d'enfance qui avait passé plusieurs années à Sun Garden mais cette dernière était finalement repartie sous la garde de sa grand-mère qui avait déménagé dans la ville d'à côté. Néanmoins, cela ne les avait pas empêchés de se revoir de temps à autre ou de se rendre visite, lui et les autres enfants de l’orphelinat. Ils avaient tous crée des liens forts et continuaient de se donner des nouvelles autant qu’ils le pouvaient.

Jordan s'empressa de rejoindre Holly pour la prendre dans ses bras et la câliner aussi fort que possible. La châtaine lui rendit la pareil mais s'en détacha rapidement pour observer son ami en détail et écarquilla les yeux.

- Mais c'est que t'as grandi toi ! Oh regardez-moi ses épaules et ce costume... un vrai bonhomme, ça te va vachement bien ! dit-elle en prenant son visage entre ses mains.

- C'est juste ma tenue pour le travail, il faut bien que je sois présentable, répondit le vert gêné.

Jordan grimaça. Parfois il avait vraiment l'impression qu’Holly se prenait pour sa mère.  Mais il n'était pas le seul à se faire traiter de la sorte et puis ça ne le dérangeait pas de se faire bichonner, on pourrait même dire que ça lui avait manqué.

- Je n'en revenais pas mes oreilles quand on m'a dit que tu avais trouvé un emploi dans une boîte, encore plus quand j'ai appris que c'était celle de Xavier ! Tu peux pas savoir à quel point je suis contente pour toi Jordy c'est génial ! se réjouit-elle.

Son sourire contagieux et ses paroles encourageantes lui faisaient chaud au cœur. Ça aussi ça lui avait manqué.

- Sinon qu'est-ce que tu fais ici ? questionna t-il.

- Oh, je viens de finir ma semaine de stage en atelier d'artiste je vais passer quelques semaines pour aider à Sun Garden et rester avec vous. Mais juste avant, j'étais parti pour rejoindre Nathan au café et puis je me suis rappelé que Xavier travaillait pas loin alors j'ai fait un détour et je suis ici quoi ! expliqua-t-elle en expirant un grand coup. Enfin, ma vie n'est pas le sujet... Bon alors, dit moi tout mon chou, comment ça s'est passé ?

Jordan qui jusqu'ici semblait tout suivre perdit le fil de la conversation.

- De quoi tu parles ?

- Et bien le mariage.

- Quel mariage ?

Le sourire niait qui était planté sur le visage de Holly tomba instantanément.

- Vous vous êtes enfin mis ensemble, non ?

- Avec qui ?

- Toi et Xavier.

Jordan écarquilla les yeux, déconcerté par l’annonce semblant évidente aux yeux de son amie. Et voilà qu’après cinq ans elle remettait le sujet sur la table… Est-ce que cela devait l’étonner même ?

Peut-être qu’il avait éprouvé des sentiments pour lui étant plus jeune…

Peut-être que ça avait duré un certain temps…

Et peut-être qu’il avait décidé de tourner la page…

Après tout c’était le meilleur choix. Pourtant une certaine personne ici présente avait toujours pensé le contraire. La meilleure carte à jouer était donc celle de l’ignorance.

Jordan leva un sourcil, grimaça un instant puis explosa de rire sous l'incompréhension de son amie.

- Haha c'est trop drôle ! Non mais Holly qu'est-ce que tu me baratines, t’es sûr de pas tout mélanger ? Moi et Xavier ? On est seulement collègues !

- Amis, rectifia la châtaine d’un air sérieux, et pour le moment oui...

- Tu es sûr que ça va ? Ne me dis pas que tu as rebu ce thé bizarre qu'Isabelle t'avait offert à ton anniversaire, dit-il en posant une main sur le front de la cadette qui s'empressa de la retirer.

- Je vais très bien Jordy, et non je n’en ai pas repris, tu sais à quel point les cadeaux d'Izzie sont suspects. Enfin bref c'est bien dommage tout ça, je m'attendais à ce qu'en rentrant il y ait du changement mais apparemment...

Le secrétaire fronça les sourcils puis soupira. Il voyait son regard, toujours aussi amusé et son petit nez retroussé, c’était la tête qu’Holly faisait lorsqu’elle savait très bien que ça n’allait pas plaire à Jordan mais voulait continuer à le taquiner sur ce sujet. Pourquoi l’embêter sur de vieux sentiments d’adolescent en sachant très bien que tout avait pris fin d’ailleurs ? C’est bien ce que Jordan se demandait.

- Je vois où tu veux en venir mais c'est du passé ! Je t'assure qu'il n'y a rien de, de... Ouais enfin bref tu vois c'était il y a des années, ce sont des histoires de gosse tout ça !

- Mais t'en es toujours un, fit remarquer Holly en pointant du doigts sa joue, ce qui le fit automatiquement glousser.

- Ok, ok mais pour ta gouverne j'ai 24 ans madame, et tu ne les as pas encore eus, alors à ce que je sache tu es la moins bien placée pour parler ici !

Les deux amis rirent de bon cœur, ça leur avait manqué de ne pas passer du temps entre frère et sœur. Il faut dire qu'ils avaient une relation plutôt fusionnelle à l'époque où Holly résidait encore à Sun Garden.

- Plus sérieusement mon chou, il faudrait qu'on en discute, reprit la châtaine plus calmement.

Jordan la regarda d’un air dubitatif. Pourquoi prenait-elle ces choses tant à cœur ? D’après lui, il ne paraissait pas nécessaire de s’attarder sur ses anciens sentiments, d’autant plus quand on sait qu’il avait tourné la page. Alors pourquoi se sentait-il si soudainement mal à l’aise dès qu’on évoquait ce détail ?

Le secrétaire légèrement perdu revint à ses esprits lorsqu’il nota la présence d’une nouvelle personne dans le hall.

- Oui mais là c'est pas trop le moment... marmonna-t-il gêné en s'asseyant rapidement, avant se faire reprendre par quelqu’un d’autre.

- Il y en a encore pour longtemps ? Non parce que c'est pas tout mais j'me fiche pas mal de vos histoires de famille et j'aimerais bien m'entretenir avec Mr. Schiller, s'imposa une voix rauque et nonchalante.

La jeune femme sursauta, se retourna et remarqua qu'un homme en costume noir et assez imposant avait l'air de perdre patience derrière elle.

- Excusez-moi ! Je m'en vais de ce pas ! Oh mince j'allais oublier, je t'avais acheté un éclair à la pistache sur la boulangerie du chemin, ça doit donner faim tout ce boulot ! Tu m'en diras des nouvelles, aller à plus tard Jor-

- Jordy-machin ou ses éclairs on s'en fou vous avez bientôt fini là on n'est pas au salon de thé !

La châtaine se contenta de poser rapidement son paquet de viennoiserie sur le comptoir du secrétaire en soupirant bruyamment et lança un regard noir à l'homme d'affaire sur le côté avant de partir pour de bon.

- Toutes mes excuses pour ce désagrément... vous cherchiez Mr. Schiller ? reprit Jordan d'un ton on ne peut plus sérieux.

⁠☆⁠☆⁠☆

En fin d'après-midi Jordan revenait de ville pour une course.

Il se dirigeait vers le bureau du chef, une pochette remplie à craquer sous le bras et un expresso dans la main. Lorsqu’il passa le pas de la porte, le directeur ne remarqua pas sa présence en premier lieu jusqu'à ce qu'il sente l'odeur du café posé sur son pupitre.

- Ah, merci beaucoup.

- J'ai aussi deux trois papiers à te faire signer... tu as l'air fatigué, nota le vert.

- Oui ce matin un commercial irritable est venu me voir en se plaignant du personnel qui apparemment passait trop de temps à bavarder avec une dame, puis de ses fonctionnaires qui n'avançaient pas dans leurs recherches et tout un tas d'autres choses...

Ce genre de personne avait le don de l'agacer et d'épuiser sa batterie sociale pour le reste de la journée.

Le secrétaire déglutit difficilement en se rappelant de cette matinée mouvementée avant de s'adresser avec un ton formel :

- Je suis désolé je ferai plus attention la prochaine fois.

Xavier posa son regard sur Jordan et esquissa un léger sourire.

- Non ne t'inquiètes pas, et puis Holly peut être une vraie commère des fois, rassura-t-il.

Il savait que Jordan était impliqué dans son travail et ne prendrait pas le risque de le gronder pour si peu.

- Comment tu sais que c'est elle ?

- Je l'ai aperçu du haut de l'immeuble, elle est sortie en courant et a failli trébucher.

Le secrétaire retint un petit rire puis Xavier reprit :

- De quoi a-t-elle parlé ?

- Laisse-moi réfléchir, le stage... Nathan... des éclairs à la pistache... et...

"Le mariage"

Jordan tressaillit en se rappelant de ce dernier détail auquel il n’avait peut-être pas envie de faire part devant lui.

- Du thé et rien d'autre !

Xavier devint pâle et écarquilla les yeux.

- Elle a retesté le thé qu'Isabelle lui avait offert !?

- Oh non j'te rassure !

Le directeur soupira de soulagement puis sourit, donnant lieu à Jordan de sortir de son bureau et retourner à ses occupations. Et peut-être aussi lui donnant l'occasion de mettre fin à cette conversation...

 

Notes:

Bon, j'ai introduit un oc comme ça pour le fun, je ne sais pas si elle va apporté grand chose à l'histoire mais j'avais vraiment envie de la placer ici ( c'est la première fois que je test ça donc bon :')

Chapter Text

Réveil 7:00 
Quinze minutes pour se lever, déjeuner se préparer et monter en voiture. Un petit déjeuner rapide et simple mais suffisant pour tenir la journée. Vêtements enfilés, toilette et coiffure faite malgré le chignon ébouriffé, pas grave, pas le temps pour ça. Ah oui, le temps, une chose dont Jordan manquait cruellement.

Chaque jour il devait arriver le plus vite possible et ne pas se retrouver dans le piège infernal des bouchons sur la route. C'est vrai qu'habiter à trente minutes de son boulot n'était pas toujours chose facile. Si on additionnait la distance, le temps de route et les trafics à cette heure-ci c'était fichu.

Mais rien n'est impossible pour Jordan.

C'est pour ces raisons qu'il avait toujours un temps avance. Il prévoyait toujours tout et faisait en sorte d'être organisé du mieux qu'il pouvait, du moins c'est ce que son métier demandait. Et pas le que métier d'ailleurs, la vie d'adulte en général.

Mais aujourd’hui c'était différent. En effet, rongé par la fatigue le jeune homme avait décidé de faire abstraction pour une fois et dormir encore cinq petites minutes, le problème c'est que ces cinq petites minutes avaient suffi pour le mettre en retard et se retrouver en plein bouchons.

Nous retrouvions donc Jordan, les mains sur le volant luttant pour ne pas s'endormir et laisser tomber sa tête de désespoir sur le klaxon.

Une fois garé sur le parking des employés, il courut jusqu'au bâtiment, priant pour que personne ne se soit encore présenté à son guichet. Pas de chance deux grandes dames à talons haut attendaient ici, leur sac à main sous le bras, les yeux scotchés sur leur portable.

Il s'installa en moins de temps qu'il n'en fallait sous le regard hautain des clientes.

- Bonjour ! dit-il avec un sourire rayonnant en reprenant son souffle le plus calmement possible, pardonnez-moi pour le retard j'ai eu quelque problème de trafic routier... Que puis-je faire pour vous ?

Garder son sang-froid, rester accueillant et chaleureux. Ça aussi c'était une des bases du métier. Même s'il faut avouer qu'on ne lui rendait pas souvent la pareille...

Après cet incident il eut le droit à une petite intervention du directeur adjoint, qui n'était autre que Bryce.

- Ça fait deux fois cette semaine.

- Je sais, je suis désolé.

- Ça passe pour cette fois. Je sais que tu es ponctuel d'ordinaire mais fait attention quand même.

Tentant tant bien que mal de relativiser la situation, l'homme au chignon ressentit tout de même un coup de pression face à ses paroles. Ça avait beau être Bryce, il le prenait encore plus au sérieux lorsqu'il le croisait au bureau. À vrai dire, l'argenté qui surveillait les moindres faits et gestes de chaque fonctionnaire ne manquait jamais une occasion de les rappeler à l'ordre ou d'être froid avec eux. Mais il l'était moins pour Jordan et passait outre dès qu'il le pouvait.

Bryce s’éloigna dans le couloir, et Jordan, sans perdre une seconde de plus, se dirigea vers le bureau du PDG. Une nouvelle tâche l’attendait déjà : le compte rendu hebdomadaire. Il poussa la porte du bureau, l’air de rien. Xavier ne leva même pas les yeux. Pas un mot, pas un signe. Juste ce silence bien trop familier. Visiblement il ne changeait pas de d’habitude…

Le temps passa sans qu’il ne le réalise, rythmé par le bruit de ses touches sur le clavier et les pages qui se tournaient. Le secrétaire se leva de son siège pour récupérer une pile de documents datés de plusieurs semaines passées. Avant de de s'assoir il prit rapidement un stylo pour entourer en rouge les données comptées sur l'année.

- Jordan.

Le jeune homme se retourna face à cette interpellation. C'était rare de l'entendre parler pendant son travail mais pour chaque rare interpellation il fallait s'attendre à une énumération d'instructions à suivre.

Il ne prenait d'ailleurs jamais la peine de le regarder, et Jordan devait toujours faire face à ce visage neutre, semblant presque froid, même glacial lorsque les journées étaient mauvaises. Alors pourquoi prendre la peine d'établir un contact visuel si lui-même l'ignorait. Le secrétaire garda donc la tête dans ses documents.

- Je veux que mon porte foliot et mon café soient prêt dans deux minutes, assure-toi que la salle de conférence soit accessible pour vendredi après-midi, et retrouve les dossiers où les frais financiers sont classés il faudrait les revérifier puisque certains ont mal fait leur travail ici.

Jordan, la tête encore baissée sur ses documents leva les yeux comme par instinct, attendant que son supérieur rajoute un détail.

- Ah oui, j'avais oublié j'aurais aussi besoin que tu arranges le prochain rendez-vous avec notre coopérative. Ça sera tout.

Jordan hocha la tête mais resta à sa place trop prit dans sa lecture de chiffres.

- Qu'est-ce que tu attends ?

- Et bien... j'ai des choses à terminer avant.

- Est-ce que c'est plus important que ce que je viens te demander ? demanda le PDG, son ton laissant clairement entendre autre chose.

Le secrétaire ferma les yeux par agacement puis tourna le talon. Il déposa sa pile de papiers sur son bureau, se pencha devant son ordinateur, enregistra la session sur laquelle il travaillait depuis déjà deux heures et se leva de son siège pour effectuer la liste de choses ordonnée par son patron.

Il sortit du bureau et referma doucement la porte derrière lui. En vérité il aurait préféré la claquer un grand coup et lui dire d'aller se chercher son café lui-même ; c'est vrai ça ne prend pas autant de temps de descendre à la réception, aller à la machine, appuyer sur un bouton et prendre son café en main.

Mais apparemment c'était trop difficile pour lui.

De la patience ; ça aussi il en avait besoin au bureau et il allait encore devoir en user…

Plus tard dans la journée et de retour à son poste, le secrétaire reçu un coup de fil :

- Oui bonjour ?

- Calez moi une réunion lundi avec le Mr Schiller.

- Bien, je vais vérifier.

Il scruta le calendrier posé à côté de son ordinateur et relu la case à plusieurs reprises pour essayer de trouver un arrangement mais ne trouva aucun créneau de disponible.

- Monsieur, la journée de lundi est complète. Y a-t-il une possibilité de décaler ?

Changez toutes les réunions de la journée.

- Pardon ?

Vous avez jusqu'à demain matin, merci

Après s'être fait raccrocher au nez, le secrétaire soupira bruyamment puis s'affala au fond de son siège.

Voilà le genre d'appels auxquels Jordan avait le droit de temps en à autre, et encore il avait été un minimum poli si on excluait l'oubli du bonjour/au revoir.  Mais bon, se plier en quatre faisait partie du métier.

Il se frotta les yeux, puis remarqua une notification sur ton portable.

| Nouveau message de : Xavier

Tu pourras faire un détour et m'apporter mon déjeuner ?

 

Jordan s'apprêta à répondre mais s'arrêta.

À la place glissa son doigt sur l'écran pour faire défiler ses conversations ; plus que des "Passe dans mon bureau juste après. À quelle heure se passe la réunion ? Soit prêt pour 14h. Tu peux me chercher un café ? Apporte-moi les derniers doc... Blablabla" En bref, des conversations plus qu'ennuyantes, le genre de conversations qu'ont de simples collègues.

Le vert ne l'avait jamais remarqué jusque-là mais... quand est-ce qu'ils avaient commencé à se parler comme ça ?

Plus les jours passaient plus leur relation devenait distante, même en dehors du bureau. Chacun était occupé à ses affaires et c'était à peine s'ils prenaient le temps de discuter ensemble. Il avait beau du mal à l'admettre, aujourd'hui le travail prenait tellement place dans leur vie qu'ils ne se voyaient plus que comme des collègues ou associés, rien de plus.

Mais en quoi cela serait dérangeant ? Il était ici pour justement pour travailler, et c’était tout ce qui comptait. N’est-ce pas ?

Sans réfléchir il fit défiler les messages un peu plus loin, même beaucoup plus loin si bien qu'il réussit à tomber quelques années plus tôt. C'était amusant de relire les discussions qu'ils avaient eu entre le lycée et l'université. Des nouvelles, des anecdotes, des photos mais aussi...

Tu me manques...

 

Jordan s'arrêta net et leva le doigt de son écran.

Cette phrase, il avait pris l'habitude de la dire et l'entendre à une époque.

Et elle avait le don de lui briser le cœur, parce que rien qu'en la lisant il se rappelait à quel point ce sentiment l'avait rongé des années auparavant. Pourtant il décida de lire le reste.

Tu me manques aussi...

J'te promets qu'on va s'organiser un truc tous ensemble pour les vacances d'hiver :)

Ouiiiiii > <
Mais quoi du coup ?

Tu verras...

Pff... Bah maintenant j'ai encore plus envie de savoir :(

Promis j'te donne un i ndice demain... Bonne nuit Jordy

Bonne nuit Xav'
NON
| ᯓ ★
C'était une étoile que je voulais mettre, pas un cœur désolé !

Pas grave ^^
<3

 

Il rit intérieurement en se rappelant de la panique qu’il avait ressenti ce jour-là, après s’être trompé d’émoji. Au moins Xavier n’avait pas mal réagi. Pas sûr que ce soit toujours le cas aujourd’hui, de toute manière il répondait toujours comme un robot.

Jordan éteignit soudainement son téléphone après avoir lu ce passage.

- Mais qu'est-ce que je fais moi... Il faut que je j'aille lui chercher son déjeuner.

Le plus important c'était le travail, il n'y avait pas lieu de se laisser distraire par des vieux messages.

Il arrêta de rêvasser et se mit en route.

⁠☆⁠☆⁠☆

Après avoir fait un rapide détour, l'homme au chignon rentra et se dirigea vers le bureau du PDG. Il transportait la nourriture qu'il avait méticuleusement disposé sur un plateau. Arrivé devant la porte, il entra dans son bureau mais personne n'était présent. Il était pourtant encore là il n'y a pas si longtemps.

Jordan pensa donc qu'il s'était juste absenté pour un petit moment et qu'il allait revenir d'une minute à l'autre. Alors il posa le plateau sur la petite table situé à côté de la fenêtre et s'assit sur le sofa juste en face le temps d'attendre. 

Dix minutes.

Une demi-heure. 

Trois quarts d'heure.

...

Commençant à perdre patience, le jeune homme se décida enfin à contacter son supérieur au téléphone. Il composa son numéro, les mains tremblantes. Qui sait, il allait peut-être le déranger et se prendre un reproche en cours de route.

- Tu as fini ta journée ?

- Oui à l'instant même. J'étais parti une heure plus tôt pour une conférence en compagnie de mon agent. Pourquoi ?

- Oh... non pour rien...

Un silence pris place derrière le téléphone.  

- Est-ce que j'ai-

- Désolé il faut que je raccroche, passe une bonne soirée.

On pourrait s'étonner que Jordan ait eu l'audace de raccrocher comme ça sans raison à son patron, mais en réalité ce n'était pas la première fois que ça arrivait. À savoir quand Xavier lui demandait de faire quelque chose et qu'il lui posait un lapin car il avait tout simplement oublié. Il ne pouvait pas lui en vouloir mais... bon ok il lui en voulait. Le vrai problème, c’était qu’il n’osait pas lui dire en face que ça le dérangeait.

"Il est trop occupé pour m'entendre me plaindre de petits trucs idiots, c'est vrai, c'est pas la mort"

Cependant le temps qu'il passait à l'attendre, il le perdait dans la notion de son travail, lui aussi avait des choses à faire et il prenait du retard à force de toujours vouloir être à la disposition de son boss.

Il souffla, agacé, et reparti, laissant le plateau sur la table, pensant que de toute façon il y aurait bien quelqu’un pour le trouver et en profiter.

Chapter Text

Être le boss, c’était avoir un emploi du temps plus que surchargé. Parce qu’entre les conventions, les meetings, les appels, les projets, les déplacements, les paiements et toute la paperasse, c’était clair qu’il en avait, du boulot. Gérer une entreprise à un jeune âge représentait une grande responsabilité, et ce n’était pas toujours chose facile.

Et voilà ce qui arrive quand on accepte de reprendre les affaires familiales. Ce n'est pas comme s'il avait eu le choix non plus... Mais Xavier gardait foi en lui et préférait balayer ses doutes, après tout c'est ce qu'on attendait d'un chef. Pourtant il y avait des jours où il regardait par la fenêtre, en réfléchissant à sa vie, qui aux yeux de tous semblait parfaite mais à laquelle il ressentait un vide profond depuis quelque temps. Il avait beau chercher l'origine de ce sentiment, il n'en trouvait jamais la cause, à moins qu'elle soit enfouie au plus profond de son cœur... Alors il continuait de regarder à travers cette fenêtre, espérant un jour trouver la cause de cette sensation probablement cachée derrière les nuages.

Du moins, jusqu'à ce qu'on toque à sa porte.

L'homme aux cheveux rouges retira les mains de ses poches puis se plaça devant son bureau avant d'accorder la permission d'entrer. Après tout, il devait recevoir des visiteurs aujourd’hui.
Il les accueillit d’un hochement de tête, leur serra la main avec une certaine réserve, puis la conversation s’engagea naturellement.

- Ce serait formidable de s'associer pour ce futur projet, déclarèrent-ils.

- Je n'en doute pas.

- D'autant plus que votre société est l'une des plus réputées du coin. Ce serait une occasion en or !

- Oh je vous en prie, il n'y a pas que celle-ci...

- Ne faites le modeste, tout est toujours bien calculé, il a rarement des retards et nous sommes toujours accueilli dans les meilleures conditions...

- Tenez, il y a même un plateau repas !

- Un quoi ? s'étonna le chef d'entreprise.

- Le personnel est vraiment accueillant ici, nota l'un des convives en s'installant sur le divan en face de la petite table basse.

- Le personnel...

Xavier preta attention à l'encas posé en face de lui et auquel ses invités étaient en train de grignoter. Il fronça les sourcils puis les haussa et plaqua sa main sur sa bouche en se rappelant le pourquoi du comment.

- Vous pouvez m'excuser, je reviens dans une seconde.

À peine avait-il franchi le pas de la porte qu'il s’empressa de rejoindre l'accueil. Une fois arrivé, il s'arrêta net en s'accoudant au bureau de son secrétaire qui releva la tête aussi vite que Xavier s'était jeté sur lui.

- J'suis désolé !

Jordan planta son regard sur son patron et resta muet un instant. La seule réponse qui se fit entendre de l'homme au chignon plus que déconcerté fut "hein ?"

- Hier je suis parti avant et avec tout ce que j'avais à faire j'ai oublié que tu m'avais apporté à manger !

Jordan resta figé une seconde, un peu secoué par la situation. Il ne savait pas si ce qui l’étonnait le plus était le fait que Xavier s'en soit souvenu, ou si c'était plutôt son changement d'attitude soudain. Mais il ne laissa rien transparaître et lui répondit avec un simple sourire.

- C'est rien.

- Non c'est pas rien, je t'ai encore fais poiroter pendant une heure !

- Mais je t'assure que c'est rien Xavier, c'est pas grave.

Le roux soupira en détournant le regard puis le repointa sur son secrétaire.

- J'essaierai de faire attention la prochaine fois d'accord ?

Le faux sourire de Jordan tomba peu à peu en notant le regard inquiet que Xavier posait sur lui. Cela faisait une éternité qu'il ne l'avait pas regardé de cette manière. Il fallait dire que rester isolé à l'administration toute la journée et courir partout l'empêchait de le voir. Et pourtant le voilà à braquer ses yeux en face de lui. 

Ces yeux. Dieu, il aurait pu y rester plongé pendant une éternité si cela ne tenait qu'à lui. Il n'y avait pas de plus belle chose au monde que de contempler ses magnifiques iris émeraudes. Avec le temps, il avait presque oublié leur éclat et l'emprise qu'elles portaient sur lui. Et voilà que cette sensation étrange refaisait surface...

- Au fait tu n'étais pas sensé recevoir des personnes ? demanda soudainement le vert en reprenant ses esprits.

L'homme aux lunettes sursauta en se rappelant de ce léger détail puis se dépêcha de remonter à son bureau.

☆☆☆

17h30

Une batterie sociale épuisée, une bonne dose de café et des papiers, beaucoup de papiers... Le conseil d'administration avait encore signalé un problème de gestion dans leurs fiches ainsi que leur compte rendu. Il retira ses lunettes pour se frotter les yeux, puis se leva de son siège et rejoignit le hall où son secrétaire l'attendait avec une veste sous le bras. Ils commencèrent à marcher rapidement tandis Jordan l'informait des dernières nouvelles.

- J'ai trié les dossiers de la semaine dernière je te les ai rangés dans le dernier tiroir, Mme Alvaro m'a envoyé un mail pour une demande de visite, j'ai aussi contacté les clients de ce matin tu auras un nouveau rendez-vous avec eux jeudi à 14h30 et il y a un meeting dans à peine 5 mi...

- Ah Schiller ! coupa l'agent du PDG qui tourna la tête de l'autre côté pour l'écouter, je t'ai fait signer ce contrat, les entrepreneurs sont ravis j'ai fait le compte et j'peux t'assurer qu'on est dans les temps, bordel j'imagine pas leur tête quand ils verront le plan que je leur ai concocté !

Xavier hocha la tête rapidement le temps d'assimiler toutes les informations que ses deux interlocuteurs lui avaient adressé avant de répondre précipitamment.

- D'accord, heu très bien, attendez une seconde, il s'arrêta de marcher et sortit son téléphone de sa poche, oui allo ?

Oh merci enfin quelqu'un qui répond ici c'est pas trop tôt !

- Lina ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?

- Figure toi que j'ai une épidémie de grippe qui se propage dans l'orphelinat depuis plusieurs jours mais tu connais pas la nouvelle ! Avec la tempête qu'il y a dehors j'ai des fuites d'eau presque partout à l'étage c'est une catastrophe ! Je suis seule avec Dave personne d'autre n'est disponible et j'ai 50 milles choses à gérer à la fois je suis débordée !

Ok, bouge pas j'arrive.

Il fit demi-tour et enfila sa veste.

- Hé oh, tu pars où là !? On a un meeting dans même pas deux minutes ! rappela l'agent agacé.

Xavier se retourna d’un pas avec un regard sérieux, presque endurci.

- Écoute John j'ai deux endroits à gérer, le bureau et l'orphelinat. Là on vient de m'appeler pour une urgence alors quitte à choisir entre les deux, je préfère m'occuper des gamins et louper une réunion plutôt que d'en laisser un à l'agonie. Je reviens le plus vite possible, en attendant Bryce prend le relai ; il connaît le programme tout est dans le fichier, dit-il en lui filant une clé USB

C'est sur ce que le roux laissa en plan son agent ainsi que son secrétaire dans le hall.

☆☆☆

Il pleuvait vraiment fort dehors, le vent soufflait lui aussi et le ciel était complètement noir, en bref c'était le déluge. Sur la route, Xavier peinait à distinguer quelque chose derrière son par brise. Ce n'était pas évidant de conduire dans ces conditions mais il était prêt à braver la tempête pour venir en aide à sa grande sœur. Cependant il savait déjà qu'une certaine jeune femme au caractère bien trempé allait lui passer un sacré savon à son retour...

Au bout d'une dizaine de minutes il arriva enfin sur les lieux. Une fois sorti de voiture, Xavier se précipita à l'entrée mais lorsqu'il atteignit le porche il vit un petit garçon aux cheveux bleus et à la peau mate assit par terre et recroquevillé sur lui-même, les bras serrant ses jambes contre son torse.

- Bah alors bonhomme qu'est-ce que tu fais ici ?

L'enfant se contenta de tourner la tête en boudant.

- Tu vas attraper froid rentre.

- J'ai pas envie de rentrer.

- Et pourquoi ça ?

- Parce que.

Un petit rictus orna le visage du jeune homme.

"On croirait entendre Jordan"

- C'est pas une réponse ça.

Le petit garçon grogna puis se résolu à lui répondre :

- En fait j'me suis fait gronder par Lina parce que tout le monde court partout depuis tout à l'heure et que je les gêne avec mes bêtises...

Le vent souffla de plus belle faisant greloter l'enfant ainsi que l'adulte.

- Aller viens Aitor, on sera mieux au chaud.

Ledit Aitor écouta finalement le plus vieux, se leva et rentra avec lui.

Lorsque Xavier ouvrit la porte, il découvrit un orphelinat sens dessus dessous. Aitor avait bien raison de lui dire que tout le monde courait partout ; c’était même le chantier. Lina faisait le tour du foyer, les bras chargés de chiffons et de seaux, Dave passait la serpillère à l’entrée, les ados s’occupaient des plus jeunes, plusieurs enfants étaient installés sur le canapé, couverts d’une couverture, un thermomètre à la bouche… et tout cela dans une zizanie pas possible. 

- Xavier t'es enfin là ! dit Lina.

On pouvait entendre un énorme soulagement dans le ton de sa voix.

- Il y a l'étage à laver, des fuites à reboucher, le repas de ce soir n'est même pas préparé et j'ai une tournée de petits malades à gérer…

- Hé c'est bon Lina, dit le jeune homme en posant ses mains sur ses épaules. Ne t’inquiète pas on va déjà se répartir les tâches et chacun tournera ça te va ?

La directrice de l'orphelinat acquiesça, sentant un poids s’alléger de ses épaules.

Ainsi, Xavier se retroussa les manches et prit le relai permettant à Dave de partir chercher des médicaments à la pharmacie. Il réussit à boucher les fuites, vida les seaux et essuya le parquet. Il donna aussi un coup de main à Lina et lui suggéra de préparer une bonne soupe chaude afin de réchauffer les petits malades dont il s'occupa avec délicatesse.

Au bout de deux heures le foyer avait retrouvé son calme d'avant et la directrice pouvait enfin dormir sur ses deux oreilles. Xavier quant à lui s'en donna à cœur joie d'avoir pu accomplir cette tâche. Le jeune homme s'affala donc dans le canapé et s'accorda quelques minutes de détente et de sommeil même si malgré ça, il savait ce qui l'attendrait à son retour au travail.

 

Chapter 8

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Jordan courait sous une pluie battante, espérant atteindre son appartement avant que le tonnerre gronde. En effet il avait dû se garer beaucoup plus loin à cause de plusieurs véhicules qui avaient pris le reste des places disponibles sur le parking. L’eau transperçait par-dessus ses vêtements, ses doigts étaient gelés et un mal de crâne commençait à se faire ressentir. Il entra si vite dans le bâtiment qu’il se cogna le bras dans l’encadrure de la porte, peu importe il voulait être au sec.

Jusque-là Jordan ne pensait pas qu'il pourrait lui arriver pire...

- Qu'est-ce que vous faites !?

Jordan qui s'apprêtait à rentrer et se sécher s'énerva en voyant plusieurs personnes sortir des affaires personnelles de son appartement dans de gros cartons.

- On vous expulse ça se voit pas ? répondit un monsieur en portant une lampe.  

- Comment ça !?

Le vieux propriétaire fit alors son apparition derrière lui provoquant une frayeur chez le plus jeune.

- Ce n’est pas la première fois que tu paies en retard, sermonna le vieillard. Je déjà t’ai laissé un papier dans ta boîte aux lettres mais tu l’as ignoré. Je n’ai pas le choix je dois te virer.

- Tch voilà ce qui passe quand on prend les proprios pour des imbéciles, lança l’un des déménageurs.

- Mais je... je ne comprends pas... Je n'ai jamais reçu ma feuille d'impayé ou alors j'ai dû...

Jordan réfléchit de toute ses forces pour se rappeler d'un quelconque impôt. C’est alors qu’il se souvînt d'avoir malencontreusement jeté une feuille semblable en même temps que des paquets de pistaches vides et des veilles pub de magazines à la poubelle. C’était stupide, pensait-il, son inattention et ses gestes banals lui avaient coûté son appartement.

- Non j'vous assure que c'est un malentendu, tenta Jordan. S'il vous plaît laissez-moi verser la caution maintenant !

Il ne s’en rendait pas compte encore. Comment avait-il pu laisser passer une chose pareille ? Pourtant la vérité était sous ses yeux ; il était tellement submergé par son travail qu'il oubliait de s'occuper du paiement de son propre loyer. Et cela ne faisait même pas un an qu'il résidait ici qu'il était déjà renvoyé…

- On t’avait prévenu gamin. Le délai est passé depuis bien trop longtemps, c'est trop tard. Maintenant dehors.

Non, il ne pouvait pas s’avouer vaincu. Il était prêt à s'agenouiller dans le couloir et supplier encore et encore s'il le fallait, car une chose était certaine, il n’avait aucune envie de se faire mettre à la porte.

- Attendez il y a forcément une solution je peux encore…

- J’ai dit dehors !! cracha le propriétaire.

Jordan, encore choqué par l'annonce se résigna à sortir et regarder une partie de ses affaires se faire transporter à l’extérieur. 

- Et comment je fais maintenant hein !? s’indigna-t-il tandis que sa voix résonnait comme un écho à travers le hall de l'immeuble vide.

Il prit une grande inspiration et essaya de retrouver son calme mais il est clair qu'il était difficile de se détendre dans ce genre de situation. Il s'assit contre un mur la tête encore mouillée enfouie dans ses genoux et resta dans cette position pendant plusieurs minutes, assez longtemps pour empêcher les larmes de couler face à la panique. Décidément cette journée ne pouvait pas être pire.

Maintenant il fallait trouver un endroit où passer la nuit. L'option la plus évidente qui s'offrait à lui était contacter un de ses amis, mais lequel ? Dave habitait une ville beaucoup plus éloignée et il n'avait certainement pas envie de se retrouver au milieu des conflits de Claude et Bryce. Et puis il y avait Xavier... mais le vert avait tout de suite rayé cette idée de la tête, il n'osait pas se présenter à lui comme ça.

"Ce serait une charge en plus, il n'en n'a pas besoin ça le dérangerait plus qu'autre chose"

Non ça serait définitivement une mauvaise idée, du moins c'est ce que Jordan pensait.

Alors il ne restait plus qu'une personne...

☆☆☆

- Jordan ? Qu'est-ce que tu fais dehors il est tard !

L'homme détourna son regard terne d'un air désolé et embarrassé. Voyant la fatigue sur son visage la jeune femme ne s'attarda pas et l'invita à entrer.

Holly l'avait accueilli à bras ouverts. En effet malgré l'heure tardive, cette dernière était généralement encore réveillée à cette heure-ci puisque que c'était le soir qu'elle trouvait le plus d'inspiration pour ses tableaux. Ce fut d'ailleurs la première chose à laquelle Jordan preta attention ; le début d'une peinture représentant un champ de tournesol sous un ciel étoilé plus ou moins rose. En fait il avait un peu de mal à distinguer la couleur puisque la pièce n'était éclairée que par la petite lumière de la cuisine et la faible lueur des bougies senteur sucrée. Néanmoins cela donnait une atmosphère paisible au logement.

Tous deux s'étaient installés sur le sofa, le vert tenant une petite tasse de chocolat chaud dans ses mains. La châtaine ne disait rien et l'observait boire quelques gorgées de temps en à autre, lui laissant le temps de remettre ses idées en place. Après un court instant, Jordan finit par lui décrocher un mot et lui expliqua sa situation délicate.

- Je ne vois aucun inconvénient à ce que tu restes chez moi un moment, assura Holly après que son ami eut fini de parler.

- Oui mais je n'ai pas envie de vous déranger toi et Nathan...

- Tu sais on n'habite pas encore ensemble, bon c'est vrai que ça nous arrive que l'un vienne chez l'autre de temps en temps mais le connaissant je suis sûr que ça ne le dérangerait pas.

Oui, c'est vrai que c'était la personne la plus adorable du monde, il n'était pas du genre à refuser quelque chose encore moins de se plaindre. Jordan était heureux et rassuré que son amie partage sa vie avec quelqu'un comme lui. Parfois le vert aussi aurait aimé que ça lui arrive. Oh et puis de toute façon il n'avait pas le temps de penser à l'amour et ces choses-là...

- Et comment ça va au travail ? demanda soudainement la châtaine.

- Bien, je crois.

- Mmh...

La jeune femme le fixait d’un air soucieux, et cet air avait le don de faire craquer n’importe qui dès qu’il s’agissait de cacher son véritable ressenti.  Jordan soupira et finit par déclarer :

- En fait... je sais pas. Je suis heureux d'avoir trouvé un boulot qui me correspond et de travailler avec Xavier mais honnêtement je suis crevé, je veux dire mentalement... Disons que je ne peux pas me permettre de louper le moindre petit truc... je donne mon max au bureau et en rentrant je m'étale sur mon lit pour mange juste un bout de pizza ou alors je m'enfile un paquet de pistaches et après ça y'a un bazar pas possible chez moi, enfin même si c'est plus chez moi du coup. Oui parce qu'à cause de mes erreurs j'me retrouve comme un con à la rue ! Puis au travail c'est pareil, personne se soucie de moi, j'ai jamais un moment de répit et on me fait toujours courir partout pour finalement me dire que ça ne servait à rien non mais t'y crois toi !?

- Je crois surtout que tu as besoin de dormir...

- Je sais et ça m'énerve ! J'suis en colère voilà ! s'exclama le vert plus qu'irrité en posant d'un coup sec sa tasse désormais vide sur la table basse.

Holly le regarda avec de gros yeux. Elle avait beau savoir lire en lui comme dans un livre ouvert, elle n'était pas habituée à ce qu'il vide totalement son sac. Il avait tout de même fait des efforts considérables depuis l'adolescence, à savoir accepter le fait de se sentir mal et l'admettre pleinement. C'était donc une bonne chose qu'il se soit confier aussi spontanément.

La jeune femme posa alors une question qui lui trottait en tête depuis le début de leur discussion.

- Tu as parlé de ça à Xavier ?

Jordan tourna instinctivement la tête vers son amie avec un regard vide.

« Xavier ? Pourquoi je devrais lui en parler ? Est-ce qu’il en a même quelque chose à faire de moi ? Depuis qu’on travaille ensemble il est totalement renfermé sur lui et garde ses distances… » 

- N-Non... je... je ne vais pas commencer à me plaindre pour un rien... Et puis qu'est-ce que ça change en plus qu'il sache que j'ai perdu mon appart' ou non ? On s'en fiche c'est à moi de me débrouiller, il assez à faire comme ça.

- Pourtant tu sais aussi bien que moi qu'il s'en préoccuperait.

- Oui mais...

Bien sûr que Xavier s'en préoccuperait, le jeune homme n'avait aucune contestation à donner. Alors pourquoi ça le dérangeait tant de lui parler seul à seul ?

Trop questions et de tourments en une soirée, Jordan avait clairement besoin de faire un break. Voyant son ami indécis et fatigué, Holly pensa qu’il était tant de mettre fin à cette conversation.

- En attendant repose-toi mon chou, tu peux rester chez moi le temps que tu voudras.

- Merci Holly, répondit-il avec un sourire plus que reconnaissant.

Il lui fit un gros câlin puis il tira la couverture sur lui et s'y blottit. Jordan finit s'assoupir en espérant que les prochains jours soient meilleurs.

☆☆☆⁠

- Le rendez-vous.

Cette voix rauque, autoritaire. Jordan la reconnaissait entre mille. Et bien sûr, il fallait que ça tombe là, le lendemain d’une nuit pourrie, quand il avait à peine dormi quatre heures.

- Excusez-moi je ne crois pas avoir compris.

- L'autre jour, je vous avais appelé pour que vous me casiez un rendez-vous avec Mr Schiller et vous ne l'avez pas fait !

Jordan se rappela cet appel plus que dérangeant et déglutit difficilement. Il avait prévu de le reporter à plus tard mais avait totalement oublié en réalité.

- Je suis désolé... Mais je vous avais expliqué qu'il n'y avait pourtant pas de créneau disponible pour aujourd'hui et...

- ALORS POURQUOI VOUS N'AVEZ PAS TOUT CHANGÉ COMME JE VOUS L'AVAIS DIT ?! s’énerva-t-il, se rapprochant brutalement du visage du secrétaire.

Sa voix résonna dans la pièce, faisant tourner la tête de deux de ses collègues présents sur les lieux. Ce changement de ton ne plaisait pas du tout à Jordan, qui malgré ses efforts tentait de garder son calme. Il inspira profondément et serra les poings face à l’irrespect de son interlocuteur.

- Et bien parce que ça ne marche pas comme ça voilà tout, osa-t-il par répondre d’une voix ferme.  

Un claquement retentit sur son bureau, c’était les mains de l’homme qui venaient de taper devant lui. Le secrétaire sursauta, presque tremblant, sous sa brutalité.

- Mais putain c'est quoi ce délire… Y’a que des incapables ici ou c'est comment !? Franchement comment on a pu employer un type comme vous ?

- Monsieur calmez-vous…

- Ah non c’est à toi de te calmer tu sais à qui tu parles là !? J’vais appeler ton patron et on verra ce qu’il dira quand il apprendra qu’un imbécile a refusé de caser un rendez-vous au chef de l’entreprise concurrente d’à côté !

Chaque son qui sortait de sa bouche continuait d'enfoncer Jordan au plus bas en le rabaissant un peu plus sur sa manière faire et chaque son devenait insupportable à l'écoute.

C'était comme si tout d'un coup, l'homme aux cheveux verts redevenait ce petit garçon peureux cherchant à se cacher d’un monde bien trop brutal pour lui. Il avait l’impression d’être là, seul au milieu de tout ça, en train de se faire pointer du doigts et qu’il s’effondrait totalement.

 Il n’aurait jamais pensé revivre cette sensation, et encore moins au travail.

- Putain tous des incapables ici... Et tu sais ce que tu fais là ? Tu me fais perdre mon temps ! Si t'avais fait ton boulot correctement on n’en serait pas là. J'avais des choses importantes à annoncer mais j'ai pas pu le faire et tout ça à cause de qui ? A cause d'un petit secrétaire moins que rien !

C’était la phrase de trop.

"Un moins que rien"

À partir de ce moment-là, Jordan avait cessé d'écouter le monologue de l'abruti qui se tenait devant lui. À la place il repassait en boucle ces injures remettant en cause son travail.

Une main attrapa fermement son épaule, y enfonçant ses ongles dedans.

- Sortez d’ici. Maintenant.

C’était Isabelle. Il ne fallu pas moins d’une seconde pour que ce dernier prenne peur sous son aura glaciale et quitte les lieux.

Jordan, encore sans voix la remercia de l'avoir sorti de ce pétrin.

Une fois seul, il s’affala au fond de son siège et souffla un bon coup.

Bien que tout cela était terminé, il continuait de se tracasser avec ce qu'il venait de se passer.

"Je suis mauvais que ça ?"

Il se détestait de douter. Mais les mots avaient frappé fort dans son esprit.
Et pourtant...

Non, si Xavier l'avait embauché et retenu jusque-là, c'est qu'il devait avoir sa place ici. Mais le doute persistait.

Décidément cette journée ne pouvait pas être pire.

Notes:

Bon j'avais un peu balancé cette perte d'appart à l'arrache, j'ai aucune idée de comment se passe ce genre de procédures mais j'ai fais deux trois recherches quand même... On va dire que c'est bon et on va surtout éviter de faire un procès à Mido TvT

C'est compliqué en ce moment mais n'ayez crainte, notre petit Jordy se fera bientôt sauver par son chevalier aka Xavier- s'il accepte son aide bien sûr...

Chapter 9

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Quand Jordan avait été reçu par Holly il savait à quoi s'attendre, à savoir une colocation paisible en compagnie de son amie d'enfance. Les soirées sont tellement plus amusantes quand on est deux copains bien perchés et enfantins...

Au programme le matin des bonnes gaufres saupoudrées de sucre glace, toujours accompagné d'un petit goûter en rentrant du travail sans oublier les bons desserts après le repas du soir. C'était l'une des nombreuses raisons pour lesquelles Jordan adorait cohabiter avec la châtaine. Il arrivait aussi qu'avant de se coucher, les deux amis se posent devant la télé et rient devant un bon film lorsqu’ils n’étaient pas trop fatigués. De quoi permettre à Jordan de se détendre quelque temps.

Le problème c'est que cette colocation fut malheureusement de courte durée.

En effet, deux semaines plus tard Holly avait été contrainte à partir en déplacement pour la préparation d'une exposition dans un festival culturel. Cet évènement se situait à trois bonnes heures de chez elle, ce qui expliquait le fait que la jeune femme devait s'absenter plus longtemps que prévu. Holly avait voulu confier les clés de son logement à Jordan, mais celui-ci avait refusé — de peur de les perdre, à cause de sa mauvaise organisation en dehors du bureau, mais aussi parce qu’il ne voulait pas abuser de sa générosité.

Il était déjà dans le pétrin, il ne voulait pas y entraîner les autres...

De toute façon, cette situation se devait d'être temporaire et il le savait bien. Tout ça lui avait au moins permis de se reposer un peu. C'était d'ailleurs en revenant à la réalité que Jordan s'était immédiatement mis à rechercher les appartements disponibles, pas trop loin de son lieu de travail. L'ennui c'est que les habitations les plus proches étaient soit trop chère soit déjà prises. Alors en attendant il passait ses nuits dans un petit hôtel pas très loin.

☆☆☆

Ce matin-là, Jordan s'étira, baya un bon coup puis se redressa difficilement encore dans les vapes. Il regarda le radio réveil situé à côté de lui.

- Quelle heure il est... QUOI !?

Ok, là Jordan était plus qu'en retard.

La cause ? Il se trouve que le jeune homme s'était abstenu d'utiliser l'alarme de son téléphone et avait décidé de faire confiance au soi-disant réveil offert par l'hôtel. Cependant il ne s'agissait que d'un vieil appareil poussiéreux qui servait à présent de décoration.

- Merde foutu réveil ! grommela-t-il.

Il prit à peine de temps de bien se préparer et se hâta à quitter l'hôtel.

En arrivant au travail, il se fit sévèrement reprendre par l'un des fonctionnaires qui passait par là. Et ce n'était autre que "John machin" comme dirait Isabelle, l'agent irritable de l'entreprise qui passe son temps à se plaindre pour un rien.

- Tch vous en avez de la chance de pas encore être viré, j'en connais des personnes qui tueraient pour avoir ce poste. D'ailleurs je ne sais même pas comment ça se fait que le boss n'ait toujours rien fait, il doit sûrement manquer de temps... De toute façon ça n'en vaut pas la peine.

Jordan, vexé, ne répondit pas par peur de s'en prendre encore plus à la figure et s'excusa une dernière fois avant de se mettre à sa place.

De son côté l'agent fit un détour au bureau du PDG. Il traversa le hall et en profita pour attraper le café des mains d’une employée, trop occupée à papoter avec sa collègue pour s’en rendre compte. Il le but d'un trait et ouvrit la porte d'un grand coup.

- Combien de fois je t'ai dit de prévenir ou de toquer avant d'entrer comme une furie... soupira le chef, la tête dans ses dossiers.

- Oh, oui, désolé. Enfin bref, vous êtes sûr d'avoir correctement choisi votre assistant ? Je veux dire, ce n’était peut-être pas le bon choix...

- Tu insinues que je fais mal mon job ? plaisanta Xavier en continuant de remplir ses fiches.

- Rah non je n'ai pas dit ça mais je pense vraiment que Greenway n'est pas-

- J'ai tout à fait confiance en lui, je ne vois pas pourquoi je virerai quelqu'un d'aussi sérieux au bureau et aimable à l'administration...

- Il passe son temps à arriver en retard !

- Ah bon ? Parce que tu n’as jamais été en retard peut-être ? lança Xavier en levant un sourcil. Hormis ce détail, je te signale que personne ne s’est jamais plaint de lui. C’est même tout le contraire.

- Mais ce n'est qu'un débutant ! répliqua-t-il en haussant le ton.

- Un débutant qui travaille dur pour garder sa place depuis presque un an, coupa sèchement le directeur, et rappelle-toi qu'on est tous passé par là alors essaie d'être un minimum compréhensif plutôt que de te plaindre. C'est tout ce que tu voulais me dire ? questionna Xavier qui commençait à perdre patience.

L'agent se retînt de lâcher un juron puis sortit. Constatant qu'il avait enfin la paix le roux se décida à quitter la pièce pour passer voir son secrétaire.

En voyant le PDG arriver l'homme au chignon se leva d'un coup, poussant son siège et le faisant cogner maladroitement dans le mur. Malheureusement il était trop tard pour fuir Xavier était déjà là.

- Je... j-j'allais voir à la photocopieuse, tu as besoin de quelque chose ?

- Oh heu, non c'est bon je passais juste comme ça pour te voir, assura le roux en notant la nervosité de son collègue.

- Me... voir ? répéta le secrétaire croyant mal comprendre.

- Oui, histoire de vérifier si tout se passait bien.

Un frisson parcouru Jordan ; était-il en train de douter de ses capacités ?

- Tout va très bien, hum il faut que j'y aille Isabelle m'a réclamé des copies...

- D'accord je viens avec toi.

- Oh non tu ne vas perdre ton temps pour ça j'y vais, assura le secrétaire.

C'est ainsi que Xavier le regarda partir déçu.

En vérité c'était aussi pour essayer de faire la conversation qu'il tenait à l'accompagner et pas juste pour l'aider à ramener des papiers, mais apparemment le vert n'en avait pas très envie. On aurait dit qu'il essayait de l'éviter.

Xavier devait bien l'avouer, sa compagnie et son petit sourire d'ange lui manquaient cruellement. Il ne savait pas non plus s'il s'agissait simplement d'une impression mais, plus les jours passaient plus l'éclat des iris noires de Jordan s'éteignait. Des cernes s'étaient dessinés en dessous de ses yeux et l'expression d'ordinaire dynamique qui ornait son visage était devenu neutre ou passive. Un fait était certain, quelque chose avait changé dans son attitude et ça le préoccupait.

Xavier soupira puis jeta un œil au pc de Jordan. Plusieurs onglets étaient ouverts mais un en particulier attirait son attention :

- Appartements à louer - Offres récentes, prix raisonnables (...)

" Mais pourquoi est-ce que Jordan... "

- Xavier ? Qu'est-ce que tu fais ?

Le roux sursauta en entendant la voix de Jordan puis lui baratina un mensonge quelconque.

- Rien ! J-Je cherchais juste le nom d'une cliente, désolé !

Le secrétaire un peu perdu lui lança un regard interrogateur, mais n'eut pas le temps de répliquer car le roux était déjà parti.

☆☆☆

En fin d'après-midi les deux hommes revenaient d'un déplacement pour une réunion. Xavier conduisait la voiture et Jordan qui était juste à côté rédigeait le compte rendu.

- Tu peux faire une pause jusqu'à ce qu'on arrive là-bas, on aura encore du temps juste après, annonça l'homme aux cheveux rouges.

Jordan ne répondit pas mais s'arrêta tout de même d'écrire et reposa sa pochette sur ses genoux. Le PDG quant à lui garda un œil sur le jeune homme, tentant de tâter le terrain.

- Tout va bien ?

- Oh, oui j'étais juste en train de réfléchir au reste de la journée, répondit le secrétaire passivement.

- Ne te casses pas trop la tête pour ce qui est du déroulement de cette semaine. Tu t'en es bien sorti pour le moment tout est parfait ne te dérange pas pour ça.

L'homme au chignon crû rêver un instant. C’était bien la première fois que Xavier lui disait ce qu’il pensait de son travail.

Il hocha la tête en faisant mine d'être convaincu, même si ce n'était pas tout à fait le cas, et le silence reprit possession de la voiture.

Xavier regardait à la fois la route et jetait des d'œil à Jordan qui, contrairement à lui était beaucoup plus concentré sur la route et restait stoïque. Parfois il lui arrivait de dévier son regard sur son téléphone pour envoyer des messages, le reste du temps il le passait à fermer les yeux.

"Est-ce que je devrais lui demander maintenant ?"

C'est étrange, en temps normal il n'aurait pas hésité un seul instant à lui poser la question. Mais voilà, depuis quelque temps Xavier ressentait un certain éloignement vis à vis du vert. Un éloignement qui l'empêchait d'entraver dans sa vie personnelle et d'essayer de comprendre la cause de ses troubles. Était-ce dû à leur relation au travail ?

- C'est vert.

- Hein ?

Xavier tourna la tête en direction de Jordan qui venait de lui adresser la parole, chose qui se faisait rare depuis le début du trajet en voiture.

- Le feu, il est vert, répéta-t-il.

Un bruit de klaxon se fit entendre par derrière. Xavier sursauta et remarqua une file d'automobiles derrière lui dans son rétroviseur. Il leva la tête et vit que le feu avait effectivement changé de couleur.

- Merde !

Xavier qui reprenait à peine ses esprits appuya sur le champignon, décidément ce n'était ni l'endroit ni le moment pour réfléchir à tout ça. Cependant il était bien déterminé à lui parler un moment donné et il savait exactement quand et comment il allait le faire.

☆☆☆

C'était la fin de la journée, et il restait peu de personnes à l'entreprise qui ne tardaient pas à quitter les lieux. Xavier aussi s'apprêtait à rentrer mais il avait quelque chose d'important à faire juste avant.

Il se posta devant le bureau de son secrétaire qui ne remarqua pas sa présence au début. Il fallut qu'il prononce un mot pour que le vert se décide à lever la tête de son ordinateur.

- Ça te dit de sortir ce soir ?

Jordan cligna des yeux plusieurs fois, assez étonné de ce que son boss venait de lui demander. Pourquoi Xavier voudrait-il soudainement lui demander de sortir ? Sa proposition lui paraissait totalement absurde. Il secoua la tête sur le point de renoncer.

- Mais j'ai encore des choses à faire et...

- Et alors ? Moi aussi, tu peux bien les reporter à plus tard.

- Non je préfère m'y prendre à l'avance en plus si je ne le fais pas tu auras du travail en plus alors...

- Jordan...

- J'veux dire tu es le patron, tu as déjà beaucoup de choses à faire et-

- Je suis le patron et j'estime que tu en as assez fait pour aujourd'hui, interrompit l'homme aux cheveux rouges.

Son collègue ne répondit pas et le regarda soucieux.

- Je te propose juste de faire une pause, reprit Xavier d'une voix plus douce en fermant le clavier de son ordinateur portable.

Tandis que Jordan soufflait et gonflait ses joues le roux se rapprocha, l'obligeant à établir un contact visuel avec lui.

- ... Avec moi, finit-il par dire avec un sourire plus que séduisant auquel Jordan ne pouvait résister. Mais bon si tu préfères ton ordi à la nourriture...

- Bon d'accord ! répliqua soudainement le vert.

Xavier rit face à sa réponse précipitée. Le secrétaire se leva, rangea ses affaires, puis se mit en route en compagnie du roux.

Notes:

Des révélations pourraient bien se faire dans la suite et elle vont peut être faire éclater des émotions du côté de notre petit Jordy...

Chapter Text

- Une crêperie ?

Les deux collègues sur le trottoir se tenaient devant l'enseigne d'un restaurant de crêpes, qui paraissait d'ailleurs plutôt bondé ce soir-là.

- Tu préfères aller autre part ? questionna Xavier.

- Non ! fit le vert en agitant les mains. C'est juste que je n'ai jamais mangé là-bas, c'est la première fois.

- Alors fais-moi confiance.

Les deux hommes entrèrent. Le restaurant semblait accueillant et chaleureux, avec un côté cozy. Des plantes occupaient chaque recoin, et les murs étaient décorés de cadres vintages ainsi que de guirlandes à LED.

Un serveur passa à côté d’eux, tenant un plateau sur lequel était posée une pile de crêpes chaudes, dégageant une odeur délicieusement appétissante. C’est à ce moment précis que le roux remarqua le regard émerveillé de Jordan.

- Rassure-moi, tu aurais quand même accepté de venir si je n'avais pas mentionné la nourriture ?

- Ça on n'en sait rien, répondit le secrétaire d'un air taquin en haussant les épaules.

Xavier sourit. Cela faisait un moment qu’il ne l’avait pas entendu lui répondre comme ça, ni vu cette expression pétillante illuminer son visage.

Ils ne perdirent pas de temps à trouver une place et s'installer.

Peu de temps après s’être assis, l’homme aux yeux sarcelle remarqua que son compagnon, en face, était totalement absorbé par son téléphone. En effet, il ne le quittait pas des yeux, au point que Xavier se demanda pourquoi il avait accepté de faire une pause avec lui.

- Qu'est-ce qu'il y a de si urgent pour que tu restes scotcher à ton portable ?

- Heu... r-rien, bredouilla Jordan en le rangeant aussitôt dans sa poche.

L’homme au chignon prit une inspiration, puis se réfugia derrière la carte du menu, faisant mine de choisir son plat. Xavier l’observait, perplexe. Il pensait que cette soirée l’aiderait à se détendre, mais il ressentait toujours cette tension liée au vert. Il tendit le bras puis baissa lentement la carte que Jordan tenait entre ses mains, espérant, ne serait-ce qu’une fraction de seconde, capter un regard ou une once de contact avec lui.

- C'est moi ou tu es un peu tendu en ce moment...

- Bonsoir ! s’exclama une voix enjouée, coupant le roux dans son élan. Qu’est-ce que je vous sers ?

Jordan leva la tête et tourna son regard vers la serveuse qui se tenait à côté d’eux, un carnet à la main.

Il fronça les yeux, un air de déjà-vu se dessinant, mais il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. La serveuse quant à elle semblait faire de même, mais il y avait une touche de malice et de pression qui s'ajoutait dans son regard. Quand Jordan plissait les yeux, la jeune femme faisait de même, quand il haussait un sourcil, elle l'imitait. On assistait alors à un combat de regard entre ces deux-là. Le suspense était insoutenable. Xavier, spectateur de cette scène, n’avait pas la moindre idée de qui allait céder en premier. Connaissant Jordan, il savait qu’il pouvait être têtu quand il le voulait, mais heureusement ce combat prit fin lorsque l’homme à la chevelure verte s’écria une bonne fois pour toutes :

- Sue !?

- Ah bah c'est pas trop tôt ! J'ai cru que cette andouille n'allait jamais me reconnaitre ! s'indigna la bleue en posant les poings sur les hanches.

Xavier rit face à la remarque de cette dernière.

- Désolé, c'est juste que ça fait un bail qu'on ne s'est pas vu, répondit ladite andouille avec un sourire gêné. Je ne savais même pas que tu travaillais ici.

- En fait, ma mère connaissait bien l’ancien propriétaire du coin. Ils se sont arrangés, et j’ai pu monter ma p’tite affaire ici en transformant l’endroit en crêperie ! Ha, comme quoi c’est utile les bonnes connaissances… Bon, sinon, c’est pas que j’aime pas raconter ma vie, mais je bosse moi !

Après quelques papotages, Xavier donna sa commande. De son côté, Jordan réfléchissait encore à ce qu’il allait choisir.

- C'est quoi celle-ci ? demanda-t-il en pointant du doigts l'image sur la carte.

- Ah une grande nouveauté ! Je vais te chercher ça tout de suite !

Le secrétaire n'eut pas le temps de protester qu'en moins de deux minutes, Sue revenait avec une assiette de crêpe chaude.

- Aller goûte moi ça !

Il regarda Xavier avec une mine incertaine, celui-ci haussa les épaules. Il se résolu à prendre sa fourchette en main et goûter.

- CH'EST CHUPER BON TON TRUC ! Comment cha ch'appelle déjà ?

- Ce "truc" comme tu dis n'a pas encore de nom et tu es la première personne à l'avoir testé. Xavier pourquoi tu ne me l'as pas amené ici plus tôt ? Avoue que ça nous aurait fait un sacré chiffre d’affaires !

Le roux râla. Il savait qu'elle plaisantait mais parfois il en doutait. Une chose était sûre, il n'allait pas se servir de Jordan pour les rendre riches.

La serveuse retourna à ses occupations laissant Xavier et Jordan en tête à tête.

- Tu as l'air d'être un habitué ici, je me trompe ? reprit le secrétaire.

-  Oui, à l’époque ça m’arrivait de venir quand j’avais le temps, après deux ou trois cours dans la journée. J’y étais souvent accompagné de Claude ou Isa, mais Bryce n’était pas trop fan lui. D’ailleurs, il a failli se faire éjecter du resto par Sue quand elle a compris que lui et ses crêpes ne formaient pas le grand amour, dit-il en étouffant un rire.

- T'as déjà pensé à emmener les enfants ?

- Parce qu'il n'y en a pas déjà un ici ?

- Pff...

- Plus sérieusement, je me demande si Sue ne devrait pas venir d'elle-même, comme ça on règle les problèmes de cuisine catastrophique... Non mais sérieusement t'as déjà vu quelqu'un cramer des nuggets ? Des nuggets !? On ne sait plus si l'on doit rire ou pleurer...

Jordan ricana en imaginant la scène des nuggets puis bu une gorgée d'eau.

- Alala si tu savais… T'en as loupé des choses depuis que tu es parti...

Le sourire du jeune homme tomba doucement tandis qu'il reposait son verre.

- Oui... j'aurais bien aimé rentrer plus tôt, dit-il avec une petite voix d'un air pensif.

Xavier eut un pincement au cœur et ressentit un malaise face à sa réponse. Il avait fait une gaffe. Et ça s'entendait dans le ton morose qu'avait pris le plus jeune à son égard, malgré le faible effort qu'il avait fourni pour le cacher.

S'il avait organisé cette sortie pour lui remonter le moral et bien c'était raté d'avance.

- Mais sinon qu'est-ce que tu faisais de beau à part remplir les caisses de Sue ? questionna Jordan qui avait rapidement changé d'humeur.

- C'est à toi qu'on devrait poser la question j'en ai déjà dit pas mal la dernière fois qu'on a mangé tous ensemble. Parle-moi de toi.

- Oh bah tu sais y'a pas grand-chose à raconter...

- Ah oui ? Pourtant ce n'est pas ce que Dave avait l'air de penser...

- Franchement à quoi ça t'avance de savoir toute ma vie, coupa Jordan dans l’indifférence totale, surprenant légèrement le roux.

Il posa alors son regard sur Xavier. L’espace d’un instant il ressentit un malaise en voyant que son visage avait changé d'expression, comme s'il était vexé par sa manière de répondre.

L'ambiance devenait pesante. Non, en fait c’était lui qui la rendait pesante. Le vert prit conscience du ton qu'il avait pris. Il soupira puis essaya de se rattraper.

- Hum... en soit c'était pas si mal là-bas, c'est juste que c'était un peu bizarre comme période, j'étais... disons désorienté ? À chaque fois que Dave m'en reparle j'ai l'impression d'avoir fait n'importe quoi... Et je sais pas trop pour quelle raison au final. C'est pour ça que j'évite d'en parler.

Wow. Xavier avait enfin réussi à décrocher un mot de la part de Jordan, et ce n’était pas pour le moins intéressant. Mais malgré tout, il restait vague dans ses propos. S’il ne voulait pas perdre le fil, le roux savait qu’il devait être tout aussi prudent dans sa réponse.

- Tu sais c'est normal, moi-même j'étais un peu perdu au début. C'était nouveau et on était tous séparés. On a géré à notre manière... alors il n'y a pas de honte à en parler.

- Oui sûrement... Il faut dire que tout était tellement différent là-bas, commença-t-il en posant la tête dans ses mains. Et pourtant j'avais toujours l'impression d'être resté au même point de départ. Alors à un moment j'ai fini par me lancer, j'ai fait des nouvelles rencontres, j'ai testé des nouvelles choses et j'ai dû faire pas mal de bêtises sur le coup. En y repensant parfois c'était drôle et parfois... je crois que je ne me reconnaissais pas trop. Mais je préférais m'amuser plutôt que de penser à...

"Plutôt que de penser à toi" - Non ce n'était pas le moment de ressasser le sentiment de manque du passé.

Jordan s'arrêta soudainement, comme s'il s'apprêtait à dire quelque chose qu'il ne fallait pas. Puis il remarqua que l’air attentif que Xavier portait sur lui et reprit en tentant de se corriger :

- À la maison. Mais finalement je me sentais plus perdu qu'autre chose et aussi... un peu seul... enfin non ! Dave était avec moi et je m'étais fait plein d'amis, pourtant je ressentais toujours comme un... vide ? Ou quelque chose comme ça, dit-il avec un petit rire. Ouais c'était une période un peu bizarre mais c'était sympa, je m'amusais bien.

Le roux, qui jusque-là avait tout compris, n’était plus très sûr de ce que son ami venait de lui expliquer. Mais il fut à peu près rassuré d’apprendre qu’il s’était bien entouré.

Xavier sourit doucement. Il décida finalement de lui poser une dernière question pour détendre l’atmosphère.

- Et tu n'as flirté avec personne là-bas ?

Jordan resta complètement muet tandis que son visage prenait lentement des rougeurs. Il commença à jouer avec des plis de sa serviettes et hésita à répondre.

C’est vrai, on lui avait déjà fait des avances par le passé, mais il les avait toujours refusées. Pourquoi ? Ça, il se le demandait encore. Et même si une part de lui connaissait la réponse, il préférait l’éviter, surtout avant que Xavier ne devienne trop curieux.

De son côté, le roux remarqua l’embarras de son ami et en déduisit que la réponse devait être positive. Il n’en demanda donc pas plus à ce sujet, même s’il faut avouer qu’il aimait bien le taquiner là-dessus.

Il détacha son regard du secrétaire et sourit. Peut-être que ce n’était pas encore le bon moment pour en apprendre davantage sur sa vie personnelle. Et peut-être que Jordan n’était plus aussi à l’aise en sa présence qu’avant.

Cependant, il devait bien admettre qu’il aurait aimé en savoir plus. Qu’importe, ils parlaient d’autre chose que de travail, c’était déjà un bon point.

Honnêtement, Xavier espérait surtout que cette soirée permette de renouer les liens, mais il n’était pas encore prêt pour ce qui allait s’en suivre.

Chapter Text

- Et voilà pour le dessert ! Régalez-vous c'est cadeau de la maison ! 

La jeune femme énergique déposa deux assiettes de crêpes chocolat/banane devant ses clients dont les yeux brillaient.

La soirée s'était bien déroulée jusque-là et Jordan semblait avoir retrouvé le sourire ; Xavier était rassuré.

Mais ce bonheur fut de courte durée.

Deux minutes plus tard, l'homme à la chevelure verte était de retour sur son portable. Il semblait recevoir des notifications en trombe, comme si son téléphone allait exploser, mais il gardait le nez dedans. Il était absorbé par son écran, c’était comme si un mur invisible s’était dressé entre eux, empêchant toute communication. Xavier l’interrogea alors à ce sujet auquel il répondit vaguement.

- Ce sont juste des annonces, des pubs, des messages, rien de spécial...

- Si ce n'est pas important pourquoi tu ne les mets pas en sourdine ?

Jordan souffla, se frotta les yeux avec lassitude, l’air de chercher une excuse ou peut-être simplement de l’énergie. Xavier ne dit rien, mais ses yeux scrutaient chacun de ses gestes avec attention. Jordan releva subitement la tête, comme s’il venait de se rappeler quelque chose.

- J’y ai pensé justement… mais j’ai oublié ! dit-il un peu trop nerveusement.

Xavier fronça légèrement les sourcils.

- Tu ne serais pas un peu fatigué, ces derniers temps ?

- Moi ? N-non… répondit Jordan, la voix hésitante, les mains toujours crispées autour de son téléphone.

Un blanc s'installa.

L’homme aux cheveux verts tapotait son doigt sur la table et donnait des coups d'œil furtifs à son téléphone. Il devait bien admettre qu'il était difficile de garder son calme lorsqu'il sentait le regard pesant de Xavier sur lui.

- J'ai entendu dire que tu arrivais souvent en retard ces derniers temps, et j'ai pensé que c'était dû au manque de sommeil ou...

- En fait, j'ai pas mal de distance entre mon chez moi et le boulot, coupa Jordan qui devenait de plus en plus anxieux. Et il y a souvent des bouchons sur la route alors c'est un peu compliqué quoi...

Dans un certain sens il ne mentait pas puisque c'est ce dont il s'agissait il y a encore quelques semaines... avant qu'il ne perde son appartement. D’ailleurs avait-il pensé et reprendre une réservation à l’hôtel pour cette nuit ? Cette idée ne fit qu’accélérer son rythme cardiaque.

- Oh, je comprends, mais tu habites si loin que ça ?

Ne voulant pas se fatiguer à répondre ou inventer autre chose, Jordan haussa les épaules et reprit une bouchée de son dessert. Bouchée qu’il peinait à avaler en sentant un nœud se former dans sa gorge. Toutes ces questions l’enfonçaient encore plus, il avait besoin d’air et voulait juste sortir.

- En tout cas je ne pense pas que courir partout t'aide beaucoup...

Ok, là il avait failli avaler de travers. L'homme au teint bronzé froissa la serviette en papier qu'il tenait dans sa main droite.

"Oui c'est sûr que tu ne m'aides pas beaucoup non plus..."

- Oh mais ça c'est rien, t’inquiète pas je gère mon temps. Je me lèverai plus tôt la prochaine fois… Ça m'apprendra à vouloir gratter des minutes de sommeil, dit-il d’un ton réservé.

Xavier sentait comme un froid avec lui. Cette soirée ne se passait pas comme il l’avait prévu, lui qui voulait détendre les choses. À vrai dire, il était surtout déconcerté face à son attitude et cherchait ses mots. Le jeune homme mal à l’aise se racla la gorge.

- Tu sais, tu peux me le dire si tu as besoin d'une pause…

"Parce que tu prends ça en compte maintenant ?"  

- Je me doute que ce n'est pas toujours facile et...

"Si c’est pour continuer d’avoir de la pitié pour moi ça ne sert à rien d’en dire plus."  

- Hum, Isabelle m'a raconté ce qu'il s’est passé l'autre jour au bureau avec...

Xavier s'arrêta brusquement en remarquant que Jordan n'avait pas l'air de l'écouter et était de nouveau scotché sur son portable. Ses efforts ne servaient donc à rien.

Il soupira et essaya de reprendre plus calmement :

- J'ai l'impression que quelque chose ne va pas en ce moment...

Il ne termina pas sa phrase, interrompu cette fois par un juron échappé de la bouche de Jordan. Il n’eut pas le temps de réagir : le secrétaire s’était déjà levé brusquement.

C'est alors que Xavier le vit quitter la table, abasourdi, et sortir du restaurant en bousculant plusieurs personnes.

Cette fois s'en était trop, le roux se leva à son tour pour le rejoindre, bien décidé à lui décrocher un mot. Il trouva Jordan derrière le bâtiment et le surpris en train de s'énerver au téléphone :

- Vous êtes sûr qu'il n'y a pas d'autre possibilité ? Mais puisque je vous dis que j'en ai besoin c'est urgent ! Comment ça j'ai répondu trop tard !? Non attendez-

L'appel coupa. Le jeune homme se retourna en entendant des bruits de pas s'approcher vers lui.

- Tout va bien ?

- Il faut que je rentre...

- Mais tu es sûr que ça ira ?

- Oui. Maintenant laisse-moi y aller, répondit Jordan plus fermement.

Ce dernier fronça les sourcils lorsqu’il sentit les doigts de Xavier lui attraper le poignet. Il voulait le retenir, comprendre pourquoi Jordan agissait pareillement, et obtenir la vérité.  

- Depuis le début de la soirée j'essaie de te parler et de faire en sorte de te faire penser à autre chose que le boulot mais tu préfères regarder tes satanés pub et sms !

- Qu'est-ce que ça peut te faire ? Tu t'en fous non !?

- Non je m'en fous pas ! Parce que depuis le début de la soirée j'essaie de passer du bon temps avec toi et que je n’ai pas fait ça depuis presque un an !

- Si t'y tenais tant pourquoi tu ne l’as pas reporté ?

Jordan ne lui laissa pas le temps de répondre ou trouver une excuse, il savait déjà.

- Ah oui c'est vrai, ce n’est pas toi qui gères ton emploi du temps ! Mais comme t'es le patron tu ordonnes tout à tout le monde !

- Ça n'a rien à voir...

- Tu te rends compte qu'à cause de toi j'ai raté un appel important !?

Voyant son insistance, Xavier hésita. Il ne voulait pas causer plus de tort, mais il se rapprocha et posa une main sur son épaule.

- Jordan, reprit-il plus doucement, je sais que t'es stressé en ce moment, je le vois bien que t'es épuisé, alors s'il te plaît dit moi ce qu'il passe...

L'homme à la chevelure verte lui lança un regard glacial. Ses mots n’avaient aucun effet sur lui. Il repoussa sa main puis tourna le dos avant de se diriger vers le parking.

Au bout de quelques mètres il entendit une nouvelle fois la voix de Xavier, qui apparemment continuait de le suivre dans son obstination.

- Et tu vas dormir où cette nuit ?

Jordan s’arrêta brusquement.

Il se figea sur place.

Il avait deviné.

Le jeune homme resta muet un instant.

Il se retourna finalement face au plus grand, les poings serrés et mort de honte.

- Pourquoi tu ne m'en as pas parlé avant ? Je t'aurai hébergé sans problème ! Et les autres ils le savent ? Depuis combien de temps t'es dans cette situation ? On aurait pu t'aider !

- Je suis adulte, je sais trouver des solutions seul et je vais certainement pas vous embêter avec mes problèmes idiots, je vais juste vous faire perdre votre temps. C'est de ma faute, j'ai fait une erreur et je dois assumer mes responsabilités. Alors je vais me débrouiller par mes propres moyens, répliqua-t-il d'un ton sec.

- Être adulte ne se résume à tout gérer seul...

Jordan l'interrompit en poussant un soupir d'exaspération. Et voilà que son patron lui faisait la morale.

Mais il avait bien raison… En vérité il avait juste honte de cette situation. À quel moment ça avait dérapé ? Peut-être qu'il n'en serait pas là s'il avait refusé cette sortie. Peut-être qu'il n'en serait pas là s'il avait refusé sa proposition tout court. De toute manière il était bien entêté à fuir l'homme en question et se retrouver seul.

C'est sur cette décision que le vert reprit son chemin.

- Jordan, je suis pas juste ton boss tu le sais... je suis là pour toi.

Le secrétaire sentit son cœur s’arrêter. Il s'arrêta de marcher, puis se retourna soudainement face à son interlocuteur.

C'était la goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Il finit par exploser.

- Tu es là pour moi, ah bon ? Et comment tu peux dire ça ? C’est toi qui me balances des ordres à la figure, c’est toi qui me parle à travers un téléphone ou un ordi parce que t’es même pas foutu de venir en personne. C’est toi qui me fais courir partout pour, au final, me laisser en plan à chaque fois que tu me demandes un service.

Il avait commencé à parler et avait conscience de ce qu’il disait. Mais c’était trop tard pour s’arrêter, la colère avait pris le dessus.

- C’est toi qui m’as proposé de bosser pour toi juste parce que t’avais besoin d’un assistant, pas parce que tu pensais que j’en avais envie. Tu t’en fiches de savoir si j’ai passé une bonne journée, ou si j’ai une vie à côté ! T’es bien trop occupé pour être là, vraiment là ! Et après tu t’étonnes que je te dise rien !?

Son visage était rouge de colère, ses yeux remplis d'une rage indescriptible, et il pointait son doigt sur la source de son exaspération.

Xavier l'entendait respirer bruyamment. Le doigt qui était pointé sur son torse se replia, et Jordan referma peu à peu sa main en serrant son poing aussi fort que possible. Xavier se demandait s'il n'était pas prêt à le gifler. Mais à la place de cela, le vert se contenta de baisser la tête le temps de reprendre son calme.

Des secondes passèrent.

Doucement et avec incertitude, Xavier prit la main fermée que son ami avait posé sur lui, il la laissa descendre puis s'ouvrir et lâcher prise. Il ne savait pas s’il devait peut-être le faire mais il savait qu’il en avait besoin. Il tira légèrement Jordan contre lui de sorte à ne pas le brusquer et le serra dans ses bras.

Si le plus jeune semblait crispé au début, il ne tarda pas à se laisser faire et finit par reposer sa tête contre l'épaule du roux en poussant un long soupir.

Il avait la gorge nouée, il était tiraillé entre sa nervosité et l'impression de se décomposer face à ses gestes si doux. Comment Xavier pouvait-il trouver le moyen de le calmer alors qu’il venait de lui hurler toutes ces horreurs ? Il pensait qu'à tout moment il allait fondre en larmes devant son collègue. 

- Je suis désolé... déclara enfin Xavier dans un murmure.

Jordan releva la tête puis s'écarta de l'homme aux cheveux rouges. Ils se regardèrent dans les yeux pendant un moment sans pour autant dire quelque chose. Un silence s'était installé entre eux, silence qui apaisait l'atmosphère après que Jordan avait sorti tout ce qu'il avait sur le cœur, mais qui devenait long à durer. Il fut finalement brisé par Xavier au bout de deux bonnes minutes. 

- Viens chez moi.

- M-mais...

- Pas de mais, répliqua-t-il fermement. Il n'est pas question que je te laisse seul cette nuit alors viens.

Pour la première fois depuis le début de la soirée Jordan ne s'imposa pas face aux paroles de Xavier.

Il le suivit jusqu'à sa voiture sans rechigner, le regard au sol, incapable de croiser son visage. Xavier lui ouvrit la portière avant qu'il n'entre et s'installe. Il voulut dire quelque chose au moment où il s'apprêtait à la refermer mais rien ne parvint à sortir de sa bouche. Alors le roux resta immobile quelque secondes, la main sur la vitre. Puis il posa son regard sur le jeune homme qui commençait à greloter face au froid de la nuit qui tombait promptement. En remarquant cela Xavier finit par refermer la portière.

Il s'installa à son tour, mais alors qu'il était sur le point de démarrer, se retira de son siège en se souvenant de quelque chose. Il fit un aller-retour rapide au restaurant puis remonta en voiture et quitta le parking une bonne fois pour toute.

☆☆☆

- Bah, où ils sont passés ? 

Un homme au tablier, venu pour débarrasser, constata qu'une des tables avait encore des assiettes pleines mais qu'elle était désertée. 

- Hé Sue viens voir ! 

La gérante accourue aussitôt. Son collègue lui expliqua le problème mais assura qu'on avait laissé une addition payée sur la table. 

Cette dernière haussa un sourcil puis jeta un œil à leurs assiettes. 

- ET ILS ONT LAISSÉ LEUR CRÊPE EN PLUS ! 

Xavier et Jordan n'étaient pas près de revenir de sitôt... 

Chapter 12

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

Jordan suivait l'homme aux cheveux rouge dans le couloir long et silencieux. C'est sûr qu'à cette heure-là il n'y avait pas grand monde. La lumière blanche était presque éblouissante d'ailleurs ; il faut avouer que le vert avait l'habitude d'une lumière fade et tamisée lorsqu'il se trouvait dans l'immeuble de son ancien appartement.

Ils s'arrêtèrent devant une grande porte. Xavier fouilla dans sa poche et sortit une petite clé qu'il inséra dans le trou de la serrure.

Ils entrèrent, malgré le noir de la pièce Jordan percevait des petites lumières. Lorsque le roux appuya sur l'interrupteur, il comprit qu'il s'agissait en fait de la lueur provenant des autres bâtiments qui reflétait dans la grande baie vitrée. Son appartement était vraiment spacieux, il avait même une vue de haut sur tout le reste de la ville. En même temps il y a de quoi dire, ce n'est pas étonnant d'avoir ce genre de logement quand on est PDG.

- Il vit vraiment dans le luxe... pensa Jordan à voix haute sans s'en rendre compte.

- On peut dire ça comme ça oui, dit le roux gêné, juste à côté de lui.

Jordan sursauta en remarquant sa présence, il était tellement obnubilé par l'éclat des lieux qu'il avait presque oublié que le propriétaire était là.

Xavier lui prit sa veste et la posa sur une chaise pendant que Jordan faisait le tour de la pièce au style minimaliste. Il y avait cependant des cadres photos qui ornaient les étagères et deux ou trois plantes dont Xavier semblait avoir du mal à s'occuper, mais qui donnaient malgré tout un peu de vie dans cet appartement si grand. Jordan s'était accroupi devant ces mêmes plantes pour observer leurs feuilles.

- Tu es sûr de ne pas oublier de les arroser régulièrement ? Vu leur état elles ont l'air d'en avoir sérieusement besoin...

- Ouais... C'est juste que je passe très peu de temps ici, alors je ne pense pas souvent à m'en occuper, avoua le roux en passant une main derrière sa nuque.

- Ça ne m'étonne pas, aujourd'hui tu as quand même mieux à faire que de t'occuper de plantes, ajouta le vert sans même lui adresser un regard.

Xavier plissa ses lèvres. Il avait toujours l’air de lui en vouloir. Cette sortie l’avait refroidi, et voilà que son ami se retrouvait à le sermonner sur des plantes.

- Avant je le faisais, commença Xavier se rapprochant doucement, avant d'hériter de l'entreprise et de la diriger, j'avais le temps pour m'en occuper.

Il regarda les feuilles fanées, puis jeta un coup d'œil furtif à Jordan.

- Et puis, ça donnait un peu de vie à cet appartement.

L'homme aux lunettes s'accroupit à son tour, de sorte à pouvoir être à la hauteur de Jordan et l'observer plus en détail. L'homme au teint bronzé prit enfin conscience de sa proximité et posa son regard sur lui. Il avait l'air d'avoir la tête dans les nuages et semblait réfléchir. Jordan se demandait bien à quoi il pouvait songer en silence. 

- En fait j'adorais faire ça, comme j'étais seul et que je n'avais pas toujours le temps de sortir, ça me faisait passer le temps. Alors disons que... ça comblait... le vide, finit-il par dire l'air pensif en touchant l'une des feuilles encore potables entre ses doigts.

Le ton de sa voix avait changé. Il parlait si doucement que Jordan avait l'impression qu'il chuchotait presque sa dernière phrase, comme s'il était perdu dans ses pensées. C'était la première fois qu'il le voyait ainsi. 

En réalité, Xavier se rappelait les premiers jours passés ici, où une solitude pesante l'avait gagné. Il avait rencontré des difficultés à s'habituer à ce nouveau quotidien qu'était la vie d'adulte. Une fois, il s'était même surpris à appeler un de ses amis dans son appartement, étant accoutumé à vivre sous le même toit qu'eux durant de longues années. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il aimait tant revenir à l'orphelinat pendant son temps libre, histoire de retrouver un peu de compagnie.

Mais maintenant il avait enfin retrouvé quelqu'un avec qui partager son appartement et ça ne pouvait pas tomber mieux. 

- Sinon tu voudrais peut-être que je te fasse visiter non ? questionna soudainement Xavier.

Jordan hocha la tête timidement. Les deux hommes se relevèrent et Xavier lui fit un bref tour du logement. Bref, oui, puisque le vert n'avait pas grand-chose à dire ou penser hormis le fait qu'il enviait tout cet espace rien que pour lui, même si à partir d'aujourd'hui ils allaient le partager. D'ailleurs les deux adultes n'avaient pas encore totalement discuté de la situation, mais Jordan avait l'intention de rester le moins longtemps possible chez lui et s'était donné l'objectif de partir au plus tôt afin de ne pas l'ennuyer. 

Un peu plus tard, Jordan lui demanda s'il pouvait utiliser sa salle de bain, ce à quoi le roux acquiesça. Le plus jeune se dirigea donc vers la pièce mais s'arrêta un instant lorsqu'il se retrouva devant l'entrée, une main posée sur l'encadrement de la porte.

- Il y a un problème ? 

- Hum... c'est juste que je n'ai pas de quoi me changer, dit-il embarrassé.

C'est vrai, il n'avait pas emménagé à proprement parler, donc il n'avait pas ses affaires sur lui. Xavier partit chercher ce dont il avait besoin dans une armoire et lui informa qu'il pouvait se servir si nécessaire. Il les lui passa puis se dirigea vers la porte et lui laissa un peu d'intimité.

☆☆⁠☆⁠

- Comment ça ils n'ont pas reçu la dernière commande ? D'accord je verrai ça demain... maugréa Xavier, une main contre son front. Une fois de plus les soucis causés par l'entreprise le submergeaient.

C'est fou, même lorsqu'il rentrait chez lui il n'avait pas un moment sans recevoir des nouvelles de son travail. 

Il raccrocha au bout d'un bon quart d'heure en soufflant de soulagement.

Après quoi, ce dernier se frotta les yeux de fatigue, restant dans le noir un moment le temps de reprendre ses esprits. Il se laissa plonger dans le silence de son appartement, essayant d’atténuer toute cette pression. C’était beaucoup à digérer pour une seule journée : le travail, le restaurant, les appels incessants et...

Le roux enleva doucement les mains de son visage en entendant une porte grincer puis se refermer attisant sa curiosité. Il laissa ses doigts glisser sur ses joues, le temps de retrouver la vision s’avérant quelque peu floue.

C'est lorsque tout redevint clair qu'il l’aperçut.

Jordan était à deux pas de lui. Ses cheveux attachés en queue de cheval basse, tombant en cascade sur son épaule et légèrement torsadée par l'humidité. Son t-shirt, presque trop large – pour ne pas dire qu’il flottait dedans – lui tombait jusqu’à mi-cuisse, un peu plus haut que les extrémités de son short. Xavier cligna des yeux à plusieurs reprises. C’était absurde, mais le vert était vraiment mignon comme ça.

" Merde, à quoi est-ce que je pense encore "

C’est alors qu’il se figea en prêtant attention au dessin sur son t-shirt.

Oh. Putain.

Il portait un t-shirt noir avec un gros logo « Star Wars » légèrement effacé par le temps et les lavages. Juste au-dessus les principaux protagonistes y trônaient fièrement, tenant leur sabre laser en main avec l’énorme tête de Dark Vador en fond. Et pour couronner le tout, le t-shirt était trop grand.

Quel idiot. Il lui avait littéralement pris le premier truc qui lui était tombé sous la main, sans même regarder de quoi il s’agissait.

- Je me doutais que ça serait un peu grand, tu préfères que je te trouve autre chose ? demanda Xavier plus qu’embarrassé.

- Non c'est bon… C'est déjà gentil de m'avoir prêté des affaires pour cette nuit alors ne te dérange pas.

Il baissa les yeux sur son t-shirt et les releva face à Xavier qui grimaçait légèrement.

- Je savais pas que t’étais retombé dans ton ère Star Wars.

- C’était un cadeau d’un pote, riposta-t-il. C’est juste un vieux t-shirt que je mets pour dormir…  

Un sourire moqueur, presque imperceptible, se dessina sur le visage de Jordan. Xavier l’avait vu. Ok, ce t-shirt lui foutait la honte, mais si rien que l’espace d’une seconde ça lui permettait de retrouver l’ancien Jordan, il avait tout gagné.

- Tu parlais à quelqu'un tout à l'heure ? questionna soudainement le vert, le sortant de ses pensées.

- Ah oui, c'était juste un coup de fil de...

"Arg si c'est pour reparler du travail surtout ce soir je vais plus le stresser qu'autre chose. Je n'ai pas envie de parler de ça avec lui maintenant et puis en soit, ce n'était rien de grave..." 

- De Lina qui me demandait des nouvelles.

Jordan haussa un sourcil.

- À cette heure-ci ?

- Elle aussi elle se couche tard, même après avoir envoyé les enfants au lit.

- Oui, maintenant que tu le dis...

Jordan se rappela du jour où Claude avait eu l'incroyable idée de sortir par la fenêtre en pleine nuit et faire un tour. Depuis ce jour, il arrivait à Lina de faire des rondes durant la nuit pour vérifier qu'aucun pensionnaire n'allait s'échapper. Enfin, particulièrement pour les enfants aussi intelligents que Claude l'était...

Après cette courte interaction Xavier passa lui aussi à la salle de bain.
En ressortant lorsqu'il entra dans sa chambre, il trouva Jordan endormi sur son lit, sans même un drap sur lui.

Il fit demi-tour mais au moment où il allait passer le seuil de la porte, se fit interpeller par une petite voix.

- Où est-ce que tu pars ?

Jordan réveillé, s'était redressé avec un regard inquiet.

- Je ne suis pas loin je vais seulement chercher à boire.

Le jeune homme au teint bronzé se leva et l'accompagna en prenant un oreiller avec lui. Xavier trouva cela étrange mais ne se posa pas plus de questions à ce sujet. Une fois en cuisine, après s'être désaltéré, il se retourna et vit Jordan en train de s'installer dans le canapé.

- Tu ne veux pas dormir dans le lit ? Ça serait bien plus confortable que...

Il s'arrêta. Non.

Peut-être que le problème était qu'il ne voulait simplement pas dormir avec lui. Ça ne l'étonnait pas après tout ce qu'il s'était passé aujourd'hui... Jordan ne devait pas avoir envie de partager la même chambre que son "boss"

- Tu m'héberges déjà je ne veux pas plus t'ennuyer, dit Jordan en détournant le regard.

Il disait ça malgré lui, il en avait passé des nuits dans le petit canapé de Holly, sans parler du matelas grinçant et inconfortable du lit de l'hôtel. La situation était déjà assez embarrassante comme ça, il ne voulait pas en demander trop non plus.

- Il y a de la place pour nous deux tu sais, continua Xavier. Mais si jamais c'est le fait de dormir ensemble qui te dérange… je peux très bien rester dans le canapé. Le plus important c'est que tu te sentes bien et que tu te reposes un peu, conclu-t-il en se levant.

Jordan le regarda se mettre debout puis déglutit difficilement avant de répondre. 

- Merci, et ne t'en fais pas je n'ai rien contre dormir avec toi c'est juste que je ne voulais pas te...

- Jordan tu ne me déranges absolument pas, je suis même heureux de pouvoir d'accueillir. Et puis... on est amis tous les deux, ajouta-t-il d'une voix rassurante en plongeant son regard dans le sien.

L'homme aux cheveux verts céda à sa douceur et lui accorda un sourire tout en hochant la tête, le premier vrai sourire depuis qu'il était rentré chez lui.

Il reprit son oreiller en main et le suivit dans sa chambre. Les deux adultes se mirent au lit cette fois-ci en remontant la couverture jusqu'aux oreilles et se souhaitèrent bonne nuit. 

Pourtant aucun des deux hommes ne parvint à s'endormir tout de suite.

Ils restaient là, allongés sur le dos à fixer le plafond et réfléchir à ce qui les attendrait le lendemain. Du travail c'est certain, mais qu'en était-il de leur relation ? Jusque-là, depuis leurs retrouvailles ils s'étaient toujours traité avec détachement, mais depuis ce soir-là, la glace commençait à fondre doucement entre eux. Cette colocation allait-elle les aider à renouer le lien qu'il les unissait auparavant ? Ou serait-ce une solution éphémère avant de ne redevenir que de simples collègues ? Tout avait tellement changé. 

Jordan frissonna, il avait un peu froid en short même sous les draps. Il se retourna pour faire face au bord du lit en se recroquevillant sur lui-même mais rien à faire, il avait toujours froid. D'ordinaire, il n'aurait pas fait ça, non à la place il se serait accroché à la première chose qui se trouvait près de lui mais...

"On est amis tous les deux... Oh et puis on se fiche des relations au bureau"  

C'était avant tout son ami et il avait toujours pu compter sur lui quand ils étaient plus jeunes… alors pourquoi ne pas compter sur lui aujourd'hui ?  

Instinctivement, le plus jeune se retourna de l'autre côté, celui de Xavier, qui fermait déjà les yeux. Il attendit un moment, hésitant, puis finalement se rapprocha de lui pour essayer de se réchauffer.

Xavier ressentit une petite masse s'accrocher à son bras mais ne bougea pas d'un poil, de peur de l'effrayer. Il sourit intérieurement et sentit son cœur se réchauffer à l’idée que Jordan ne le détestait peut-être pas tant que ça. Le jeune homme finit par s'endormir, le cœur léger.

Notes:

Ok j'en étais au passage où Jordan se ramène en "pyjama" devant Xav et d'un coup je sais pas pourquoi j'ai eu l'idée révolutionnaire (ou pas) de rajouter le fait que c'était un vieux t-shirt Star Wars- genre le truc qui te parait bien geek quand t'as perdu l'habitude de le porter. Et je sais pas en m'imaginant la scène c'était à la fois ringard et adorable ( surtout sur Jordy ) Bon après faut l'avouer Xav aime bien le porter quand il est seul, mais chut.
Mais bref ça rajoute une pointe de légèreté par rapport au comportement froid de Jordan ¯\_(ツ)_/¯

Chapter Text

- C'est pas un peu bizarre qu'un patron dépose ses employés au travail ?

Xavier haussait un sourcil, à première vue plongé dans l'incompréhension.

Le roux lui avait proposé de faire du covoiturage pour que les déplacements soient plus simples, ce à quoi Jordan n'avait pu refuser. Cependant, l'homme au chignon avait laissé passer un léger détail : quelqu'un pourrait les voir.

- Tu pourrais attendre un peu avant de sortir ?

Xavier, qui n'avait toujours pas compris, roula des yeux. Bon, en même temps, c'était le matin et il n'était pas très réveillé.

- Techniquement, je suis censé arriver le premier, mais bon, si tu insistes...

- Dis voir, c'est pas une course non plus !

- J'ai rien dit, pars en avance si ça te fait plaisir, répondit l'homme aux lunettes en lui riant au nez.

Il s'arrêta puis déposa Jordan, qui sortit à toute vitesse et s'empressa d'entrer dans le bâtiment. On aurait cru un collégien qui descendait de la voiture d'un de ses parents et lui demandait de faire comme s'il ne le connaissait pas. Sans oublier la fuite à toute vitesse avant que ses potes ne le remarquent... Xavier songea tout de même à son comportement.

"Il a sûrement raison, je me demande à quoi pourraient ressembler les réactions des autres s'ils apprenaient que je faisais du covoiturage avec mon secrétaire."

Bien qu'en soi c'était aussi son ami, le roux oubliait qu'il s'agissait aussi d'un collègue et qu'il était son supérieur. Va savoir comment les fonctionnaires réagiraient s'ils apprenaient que Xavier entretenait une relation autre que professionnelle avec l'un des leurs. Cela pourrait même tourner au drame si leur relation était plus qu'amicale...

L'homme aux cheveux rouges sortit de ses pensées et freina un grand coup en croisant une voiture sur la place qu'il convoitait tant. Décidément, il n'était vraiment pas réveillé aujourd'hui, et se faire des scénarios n'aidait pas non plus à se garer correctement.

☆☆☆

Pendant sa pause, Jordan était allé faire un tour en ville, histoire d'acheter un encas et de quoi se désaltérer, puisque le distributeur de boissons était en panne. De plus, il fit un rapide détour pour acheter une nouvelle clé USB, car il avait déjà usé toute la mémoire de l'ancienne avec les divers documents enregistrés dedans.

En passant près du comptoir, il croisa un vendeur. Comme ce dernier était de dos, il percevait seulement ses cheveux blonds, d'un blond spécial qu'il avait déjà vu quelque part. Le vendeur en question se retourna et Jordan fit face à son visage. L'homme aux cheveux verts crut faire un arrêt lorsqu'il reconnut les traits du commerçant. Le blond remarqua le regard insistant du jeune homme posé sur lui et s'apprêta à lui adresser la parole. Mais une cliente arriva juste avant, laissant le temps à Jordan de payer rapidement et partir aussi vite que possible du magasin.

"Pitié, faites qu'il ne m'ait pas reconnu..."

Son cœur battait encore et ne semblait pas décidé à vouloir s'arrêter. Jordan reprit son calme et s'empressa de retourner au travail.

Lorsqu'il arriva, il se fit directement accoster par Bryce. Ce dernier venait lui demander le dossier d'un client dans les archives et en profita pour lui faire la conversation.

- Tu es arrivé bien tôt ce matin, tu t'es enfin décidé à changer de réveil ?

- Oh heu, ben j'ai mieux dormi alors hum... ça joue aussi ?

- J'ai vu ça oui, tu as meilleure mine que d'habitude. Une raison particulière ?

L'homme au chignon réfléchit un instant à ce qu'il allait bien pouvoir lui répondre.

C'est vrai que bien qu'il se soit couché à une heure tardive, il avait pu profiter d'une bonne nuit de sommeil sans réveils occasionnels, et en plus de ça, dans un grand lit douillet et bien chaud. Enfin, plutôt froid au début, la couette avait été certes assez grande pour deux, mais elle n'était pas assez épaisse pour lui tenir chaud. Même si la chaleur n'était pas ce qui manquait aux côtés de Xavier...

Jordan secoua la tête et se ressaisit. 

- Bon, sinon, il est où ce dossier ?

Le vert ouvrit un grand tiroir où étaient stockées les archives et tendit le dossier à Bryce. 

- Oh, et j'en ai profité pour te prendre un thé glacé au passage, ajouta-t-il en tendant une boisson, avant que son collègue ne prenne le document.

- Merci, c'est gentil, répondit Bryce avec un sourire en notant le petit geste d'attention du plus jeune.

Il prit la canette fraîche d'une main et le dossier de l'autre, puis retourna à son poste.

Jordan le regarda partir tout content. Il avait eu une bonne intuition pour le choix de sa boisson. Connaissant l'argenté, il savait pertinemment qu'un bon thé glacé ne pouvait que le rendre plus heureux. Et voilà encore une case de cochée sur sa liste de choses à faire. Il sortit la nouvelle clé de son sac et l'inséra dans le port USB pour se remettre au travail. Ce dernier écarquilla les yeux en voyant le peu de mémoire que contenait la clé, puis se rappela qu'il l'avait prise sur un coup de tête, pour échapper à ce fameux vendeur de la dernière fois.

Il jeta alors un œil dans son portefeuille en se rappelant du goût amer qu'avait laissé le prix de cette clé et soupira en voyant la somme d'argent qui lui restait. Jordan se traita mentalement d'imbécile puis rangea son portefeuille. Mais au même moment, quelque chose en glissa et tomba sous son bureau. Il s'empressa de ramasser ce qui venait de lui échapper et le mit dans sa poche.

"Manquerait plus que je la perde..."

☆☆☆

Aujourd'hui, Xavier et Jordan rentraient du travail un peu plus tôt que prévu.

- Oh, j'ai complètement oublié de le dire ce matin, mais ce soir il y a...

- L'anniversaire de l'entreprise pour fêter les 10 ans de collaboration, je sais.

- Comment ça se fait que tu sois déjà informé ?

- N'oublie pas que je suis secrétaire, je sais tout. Sinon les nouvelles vont vite, donc je l'aurais su de toute manière, dit Jordan avec un sourire en coin.

Il enleva sa veste et la posa sur le porte-manteau, au même moment un papier tomba de sa poche intérieure. L'homme aux cheveux verts n'en prit pas conscience et alla aux toilettes.

En ressortant, il remarqua que Xavier était resté à l'entrée, ce dernier était d'ailleurs concentré sur quelque chose. Ses yeux s'orientèrent alors vers la photo qu'il tenait entre ses mains.

- Qu'est-ce que tu fais ? Redonne-moi ça !

Le vert se précipita sur l'homme aux lunettes afin de récupérer son bien. Xavier leva la main de laquelle il tenait sa photo et Jordan se mit sur la pointe des pieds pour la lui reprendre coûte que coûte. Le roux fit chavirer son bras en arrière, obligeant son secrétaire à sautiller et se coller à lui pour la reprendre.

- Wo, je savais pas que tu pouvais te mettre dans des états pareils pour ça, se moqua l'homme aux cheveux rouges.

- Donne-la-moi !

Décidément, qu'est-ce qu'il pouvait être têtu. Mais cela l'amusait tout de même de voir le vert gigoter n'importe comment pour une simple photo. En voyant l'insistance qu'il y mettait, Xavier se décida enfin.

- Seulement si tu me le demandes plus gentiment !

Jordan l'écouta, il arrêta de s'agiter dans tous les sens, repositionna ses talons au sol et reprit son calme. Un petit silence flotta tandis que le vert gardait un regard déterminé sur son compagnon, comme si cette photo comptait vraiment pour lui. Puis, d’une voix calme, presque timide il finit par annoncer :

- Tu peux me la redonner... s'il te plaît, Xavier.

Le vert releva la tête et planta son regard dans le sien en même temps qu'il prononçait son nom.

L'homme aux cheveux rouges crut se perdre un instant dans l'innocence et la profondeur de ses iris noires. Ses sourcils étaient quelque peu froncés, mais rendaient une expression inquiète sur le haut de son visage. Ses lèvres étaient légèrement retroussées comme s'il regrettait ses paroles ou actes précédents. Il était impossible de résister face à une chose aussi tendre et sincère.

Doucement, Xavier baissa la main de laquelle il tenait la photo, tout en gardant son regard dans le sien. Il se mit à sa hauteur et la lui rendit, au plus grand soulagement du vert.

- Pourquoi tu as réagi comme ça ? Ce n'était qu'une photo d'enfance.

En effet, sur cette photographie, on pouvait voir Xavier et Jordan, avec un petit pansement sur la joue, se tenant à l'épaule l'un de l'autre. L'un avec un sourire rayonnant, l'autre en train de rire à cause des oreilles de lapin que Claude avait faites en s'incrustant juste derrière eux.

- Ça te gêne tant que ça ? questionna le roux, taquin.

- Non, bien sûr que non ! C'est juste que... Il posa son regard sur la photo, les yeux brillants. Je la garde près de moi, et je ne veux pas la perdre, c'est tout.

- Donc, tu ne me fais pas assez confiance pour que je la garde entre mes mains pendant même pas dix secondes ? plaisanta-t-il.

Le teint de Jordan vira légèrement au rouge, un peu honteux d'avoir réagi de la sorte, et il s'excusa. Xavier se laissa attendrir par cette petite mine qui lui arracha un sourire.

À vrai dire, pour Jordan, ce n'était pas juste une photo, c'était un souvenir qu'il chérissait. Cette photo, il l'avait gardée sur lui pendant ses années d'études. Il lui arrivait fréquemment de la ressortir et de rester bloqué dessus pendant un moment, en se rappelant les bons souvenirs passés ensemble lorsqu'ils étaient enfants.

En fait, ça lui arrivait surtout lorsque Xavier lui manquait là-bas. Mais depuis son retour, il l'avait délaissée et n'y prêtait plus aucune attention.

- Tiens, c'était pas le jour où on avait fait la chasse au trésor dans le champ de tournesols ? demanda soudainement Xavier en pointant l'arrière-plan de l'image.

- Si, maintenant que tu le dis...

- J'me souviens que tu avais perdu une dent de lait ce jour-là.

- Oh oui ! Mais Claude avait essayé de me la piquer pour "devenir riche avec la p'tite souris", comme si le trésor ne lui avait pas suffi...

- Remarque, entre une vraie pièce et une en chocolat, je crois pas que le choix aurait été compliqué.

Ils ne savaient pas quand ni comment, mais les deux hommes s'étaient rapprochés peu à peu alors qu'ils commentaient la photo en se remémorant leurs souvenirs d'enfance. Leurs épaules se touchaient, et la tête de Jordan s'était penchée du côté de Xavier, renforçant leur proximité. 

- Tu en as gardé d'autres des comme ça ?

- On peut dire ça, oui. Pour être franc, j'avais tout un tas de bricoles rangées dans une boîte à chaussures, enfin, une boîte à souvenirs. C'est Holly qui m'avait donné cette idée.

Quand il parlait de bricoles, il ne s'agissait pas seulement de photos, mais de chaque petite chose qui lui rappelait ses amis : des dessins, des cartes d'anniversaire, des bracelets, des vieux tickets et même des papiers de bonbons.

Il avait jugé bon d'emporter toutes ces petites babioles avec lui au moment de quitter le foyer et entamer une nouvelle vie. Quand les jours semblaient durer une éternité, le vert ouvrait cette boîte et se laissait emporter par une vague de nostalgie. Toutefois, cela le réconfortait, et c'était une manière comme une autre de rester proche de ses amis, malgré la distance qui les séparait. Mais aujourd'hui, il n'avait plus besoin de le faire, pas vrai ?

- Et... tu l'as encore sur toi, cette boîte ?

L'homme aux cheveux verts acquiesça puis regarda un instant dans le vide.

- Ça paraît bête dit comme ça, de vouloir ressasser le passé.

- Au contraire, je trouve que c'est rassurant parfois, de se dire qu'on se souvient de chaque détail du passé. Mais on ne peut pas y vivre pour toujours.

Jordan hocha la tête d'une manière un peu évasive.

Soudain, une sonnerie de téléphone retentit et les interrompit au même moment. Xavier répondit, le vert, quant à lui, jeta un œil à l'aiguille de sa montre qui avançait progressivement vers l'heure du départ. Il soupira. Si le temps pouvait rester figé, rien qu'à ce moment-là, il n'aurait pas été contre. Mais le temps était bien une chose dont il manquait cruellement...

 

Chapter Text

La grande salle de réception était décorée de guirlandes et de ballons argentés, prêts à accueillir les invités pour l'anniversaire d'entreprise. Des employés discutaient en petits groupes autour des tables, tandis que les serveurs passaient avec des plateaux d'amuse-bouche.

Le bruit de la porte qui s'ouvrait fit tourner quelques têtes. 

Xavier venait d'entrer dans la salle, accompagné de Jordan. En sentant les regards braqués sur eux, l'homme aux yeux noirs eut le réflexe de ralentir le pas, de sorte à se trouver un peu plus derrière le PDG. A vrai dire il espérait passer un peu plus inaperçu. Mais cela ne changea pas grand-chose, puisqu'à la seconde où il eut ce mouvement, des flashs d'appareils photo l'aveuglèrent.

- Un p'tit sourire s'il vous plaît, c'est pour mon article !

Jordan se rapprocha doucement de Xavier, ajustant sa posture avec soin. Il se tint bien droit, inspira légèrement, puis accepta l’idée de se faire prendre en photo.

- C'est toujours comme ça à chaque fois que tu entres quelque part ? demanda discrètement le vert à son oreille.

- Non, j'te rassure, c'est seulement pendant les grands événements qui réunissent du monde, un peu comme celui-ci, répondit le roux.

Une fois les photographies terminées, un groupe d'invités s'approcha rapidement, interrompant leur conversation. Xavier, souriant mais visiblement fatigué par l'attention, échangea quelques mots avec eux. Jordan sentit la distance s'installer petit à petit entre eux, il préféra donc se retirer et les laisser.

☆☆☆

Les gens passaient et repassaient, des coupes de champagne s'entrechoquaient, et les gâteaux partaient comme des petits fours.

À l'autre bout de la salle, Jordan tentait de trouver sa place ou de se fondre dans la masse. En fait, lui-même ne savait pas. C'était la première fois qu'il assistait à ce genre de soirée pour son travail, alors il ne savait pas trop où se mettre.

Du moins, jusqu'à ce qu'une dame d'un certain âge vienne l'aborder et entame les présentations...

- Et donc vous, vous devez être l'assistant de M. Schiller, je me trompe ?

- C'est exact, répondit le jeune homme en hochant la tête.

- Eh bien ! Il en faut du courage pour travailler dans une aussi grosse société à un aussi jeune âge ! Enfin, si je ne me trompe pas, vous avez quoi... 26 ans ?

- Presque, je pars sur mes 25 en fait, corrigea Jordan avec un sourire.

- Oh, donc vous êtes du même âge que M. Schiller ! s’égaya-t-elle. Ça doit être agréable pour lui de ne pas travailler qu'avec des anciens.

- Certainement, dit-il avec un petit rire.

- Vous imaginez, passer vos journées au bureau sans le moindre temps pour soi, sans pouvoir faire des rencontres autres que des employés ou des entrepreneurs...

- Et bien, je ne travaille pas ici depuis aussi longtemps que...

- Oh, mais je suis bête, vous travaillez aussi ici ! coupa la vieille dame. C'est que je m'égare à force !

Jordan se demandait bien comment une personne d'allure si âgée pouvait avoir autant d'énergie. Elle parlait plus que tout le monde réuni dans cette salle, c’était impressionnant. Mais d'un autre côté, cette drôle de petite dame l'amusait bien. Elle poursuivit ses bavardages, toujours avec autant d’entrain.

- Je veux dire, j'ai l'habitude de voir le jeune patron à des réunions ou même des congrès. Et vous savez quoi ? Je l'ai déjà vu bailler ! Vous savez ce que ça veut dire ?

Le secrétaire fit non de la tête, à la fois perdu et étonné.

- Il mourrait d'ennui ! À force de faire toujours la même chose, il finit par se lasser ce pauvre enfant ! Quand je pense qu'il a repris l'entreprise de son père il n'y a pas si longtemps, regardez-le à un si jeune âge...

La petite dame soupira à la fin de cette phrase, signalant peut-être le début de la fin de cette conversation.

Jordan dirigea son regard vers le fond de la pièce. Il observa longuement Xavier qui se tenait à présent sur l'estrade et relisait attentivement ses notes. Le roux était concentré, et il y avait intérêt à ce que personne ne le dérange durant sa relecture.

"Ça ne devait pas toujours être facile en fin de compte."

En y repensant, pendant qu'il faisait la fête et terminait ses études, le roux, lui, était déjà à la tête de toute une entreprise. Il avait troqué les insomnies d’examens contre celles des responsabilités.

L'homme aux yeux noirs culpabilisait d'un côté. Mais il était fasciné par la façon dont il excellait aussi rapidement dans son domaine, il s’était accroché et ses efforts avaient payé.

- En tout cas, il peut être fier de lui, reprit soudainement la femme âgée.

Jordan sourit doucement.

- Oui, c'est sûr...

☆☆☆

Le PDG prononça un bref discours relatant le chemin parcouru par leur société, avec les remerciements des personnes ayant contribué à son développement, sans oublier l'énonciation de multiples noms d'anciens collaborateurs, amis avec son père. Père qui avait d'ailleurs tenu à écrire une partie de ce discours...

En somme, pour Xavier, ce n'était qu'une prise de parole longue et lassante devant une centaine de personnes dont la moitié lui était inconnue.

C'était dans ces moments-là qu'il commençait à relâcher mentalement, et se mettait à penser comme un adolescent, cherchant à fuguer ou s'isoler de ce monde oppressant. Mais il était avant tout Xavier Schiller, le PDG et successeur des affaires de son père. Tout ce monde, il devait le porter sur ses épaules, l'accueillir avec enthousiasme et vigueur, et surtout garder l'allure d'un leader confiant et capable.

Ce rôle, il avait pris l'habitude de l'endosser, et il n'était pas question qu'il le laisse tomber.

En toute franchise, l'homme aux cheveux rouges aurait pu se passer de cette soirée. Oui il aurait pu rentrer chez lui pour ne rien faire, juste ne rien faire.

D'un autre côté, le fait que Bryce, Isabelle et Jordan soient présents le soulageait. Même s'il était déjà très occupé à discuter avec les invités, il savait qu'il aurait l'occasion de croiser l'un de ses amis, ne serait-ce qu'une fois.

En parlant d'ami, Jordan, lui, avait retrouvé sa solitude d'il y a quelques minutes. En effet, la drôle de dame avait disparu mystérieusement pendant qu'ils écoutaient le discours, sans que le vert ne s'en rende compte. Il restait donc à l'écart, et faisait tourner le liquide dans sa coupe de champagne de temps à autre.

- Eh bien, pour une surprise, je ne m'y attendais pas à celle-là !

Le secrétaire sursauta et manqua de faire tomber la coupe avec laquelle il jouait. Il se retourna alors face à la personne qui venait de lui adresser la parole. Mais il regretta amèrement ce choix lorsqu’il se rendit compte qu'il s'agissait en réalité du père de Xavier.

- J'étais au courant que deux ou trois anciens camarades de mon fils travaillaient avec lui, mais je ne m'attendais pas à te revoir ici.

- A-Ah oui, c'est si surprenant que ça ? balbutia Jordan, pris au dépourvu.

- Pour être honnête, je ne pensais pas que tu aurais l'audace d'emprunter le même chemin que lui, mais les efforts paient, à ce que je vois… Et tu es là, en face de moi, avec tous ces gens, qui l'aurait cru ! s'esclaffa-t-il en s'adressant à ses associés.

Les invités rirent, Jordan s'efforça de sourire malgré la profonde gêne qu'il ressentait face à leur réaction.

L'attention s'était soudainement braquée sur lui, mais d'une manière étrange, et il n'appréciait pas vraiment cela. Ce qui le dérangeait encore plus, c'était le regard de plus en plus lourd que l'ancien directeur posait sur lui. Le vieil homme avait pris un ton moqueur, qui changeait du passif-agressif qu'il avait l'habitude d'entreprendre parfois. C'était presque pire de cette manière, et le vert se sentait de plus en plus mal à l'aise.

- Père, intervint une voix rauque.

Les rires cessèrent à la vue du PDG.

Jordan se tourna vers Xavier, qui l'observait d'un regard presque soulageant. Un léger sourire s'esquissa sur son visage, avant qu'il ne se tourne vers son père, toujours en train de discuter avec ses associés.

- Ah, Xavier, tu es là, nous n'avons pas encore eu l'occasion de discuter tous ensemble.

Le roux hocha la tête puis serra la main des personnes qui entouraient son père.

- Vous m'excuserez, mais je n'ai pas trop de temps à vous accorder pour le moment. D'ailleurs, il se fait tard, et je crois que nous allons rentrer.

- Bien, reprit l'homme âgé un peu plus durement, je suppose que tu as encore du travail, bonne route alors.

L'homme aux yeux sarcelles acquiesça puis salua les invités. Il posa une main sur l'épaule de son secrétaire et ils se dirigèrent près de la sortie.

Arrivés devant la voiture, Xavier s'apprêta à ouvrir la porte côté conducteur, mais ses doigts frôlèrent ceux de Jordan. Il retira sa main de la poignée en fixant son compagnon, un peu hébété.

- Laisse-moi conduire pour une fois, dit le vert d'une voix douce.

Jordan avait bien remarqué la fatigue qui couvrait son visage. C'est vrai, il avait passé une longue soirée. Le roux tenta de protester, mais ses lèvres se scellèrent immédiatement quand il aperçut les yeux du vert dans le rétroviseur. Finalement, Xavier céda et se laissa conduire jusque chez lui.

En rentrant, les deux hommes se changèrent et s'habillèrent de vêtements plus amples. Tous deux ne semblaient pas encore décidés à se coucher. La lourde atmosphère de la soirée semblait encore planer autour d’eux. Jordan retrouva Xavier dans la cuisine, en train de fouiller dans les placards.

- Tu veux que je te prépare quelque chose, un café ?

- Non, ça ira, j'ai horreur de ça, surtout avant de me coucher.

- Ah oui, j'avais oublié... Un thé alors ?

- Je veux bien, merci.

L'homme aux cheveux verts le regarda sortir les ustensiles du placard de manière pensive. Il se demandait comment il faisait pour rester aussi actif à une heure pareille. Pourquoi n'allait-il pas simplement dormir ?

"Il peut bien parler pour moi, mais lui aussi il a besoin de repos."

Pendant que sa tasse chauffait, le roux se tourna vers Jordan et remarqua l'expression maussade qui couvrait le visage de son ami.

- Je sais que tu n'aimes pas le café, mais au point de faire une tête pareille...

Jordan haussa soudainement les sourcils et ouvrit grand les yeux.

- Très drôle...

Xavier retourna à ses occupations et revint sur le plan de travail. Il ouvrit le tiroir pour prendre une cuillère. Ce n'est que lorsqu'il baissa la tête pour chercher le couvert qu'il remarqua quelque chose d'étrange.

Des bras s'étaient enroulés autour de son corps. Des bras frêles, d'une couleur bronzée, serraient sa taille et une tête reposait contre son dos. Xavier resta immobile, trop surpris par l'embrassade soudaine de l'homme à la chevelure verte. Sur le coup de la fatigue, il ne l'avait même pas entendu se lever de sa chaise, ni même sentit ses bras se faufiler autour de lui.

Il crut rêver un instant, pensant que cela avait l'air trop beau pour être vrai. Et pourtant, c'était bien réel, Jordan le câlinait.

- Tiens, qu'est-ce qu'il t'arrive d'un coup ? demanda-t-il finalement, d'un air amusé.

Le jeune homme desserra sa prise et lâcha son colocataire.

- Rien, rien du tout... Je réfléchissais à un truc, c'est tout.

- Parce que les câlins ça t'aide à réfléchir ? ajouta le roux avec un sourire en coin.

Le teint de Jordan vira quelque peu au rouge et il détourna le regard, gêné.

- Non, c'est juste que je me disais que ça ne devait pas toujours être facile pour toi... d'avoir débuté dans le métier comme ça, d'un coup.

Xavier ne répondit pas tout de suite. Il fut dans un premier temps préoccupé par ses paroles, puis posa la tasse de thé chaud devant l'homme aux yeux onyx, qui le remercia.

- T'en as fait des choses depuis que t'es ici. Mais je sais pas si on aurait été capables de faire pareil avec les autres. Quand je pense qu'on faisait la fête pendant que toi tu entamais déjà des heures interminables...

L'homme aux lunettes tourna passivement la cuillère dans sa tasse de thé qu'il posa finalement de côté.

- T'as pas tort sur un point. C'est vrai que les gens s'attendent souvent à ce que je profite de ma position pour avoir tout ce que je veux, quand je veux. Mais ça se résume pas à ça, en réalité. C'est pas toujours facile, comme tu dis.

Un petit silence s'empara de la pièce, éclairée d'une faible lumière. Plus un mot, plus un bruit. Les deux hommes fixaient simplement leur boisson chaude, pas encore entamée.

- N'empêche, tu t'es bien débrouillé, Xav. Vraiment bien.

Cette dernière phrase fit réagir le roux, qui releva la tête face à la mine attendrie de Jordan. Les mots qui étaient sortis de sa bouche n'étaient ni des éloges superficiels, ni des constatations faites par pure coïncidence. C'était sincère, simple mais sincère, et le fait de savoir que pour une fois quelqu'un se mettait à sa place le touchait. Non, en réalité, ça le touchait encore plus de savoir que ce quelqu'un n'était autre que Jordan.

Le vert, qui venait de finir son thé, remarqua que Xavier le regardait depuis tout ce temps.

- Qu'est-ce qu'il y a ? demanda-t-il, inquiet.

L'homme aux cheveux rouges ne répondit pas tout de suite. D'un geste soudain, il se pencha légèrement en avant et sans un mot, passa ses bras autour de Jordan, l'enlaçant fermement.  C'était un câlin rassurant, presque protecteur, qui contrastait avec la fatigue accumulée de la soirée. Xavier resserra l'étreinte un instant, comme s'il cherchait à se réconforter dans ce contact, avant de relâcher doucement son compagnon et de s'écarter légèrement.

- Pardon, c'est juste que... ça faisait longtemps...

Jordan le fixa longtemps avant de comprendre ce qu'il voulait insinuer. Il finit par sourire et lui rendit son câlin d'il y a quelques secondes en posant sa tête contre son épaule. Xavier ferma les yeux, heureux de pouvoir à nouveau retrouver ce contact d'autrefois. Les deux amis ne s'étaient pas enlacés comme ça depuis un bon bout de temps, et pour tout avouer, ça leur avait manqué.

- On devrait peut-être aller dormir, murmura Jordan d’une petite voix, somnolant.

- Peut-être... Au fait, tu as eu froid cette nuit ?

Chapter Text

Froid.

C'était la température extérieure qui se faisait de plus en plus ressentir depuis quelques jours maintenant. Froid, qui apportait le vent glacial soufflant dans les arbres et emportait leurs dernières feuilles jaunies. Alors en attendant que l'automne passe, les enfants restaient à l'intérieur au chaud la plupart du temps. Enfin c'était surtout Lina qui recommandait ça, elle ne voulait pas se retrouver avec des petits malades en plus.

Cet après-midi, Jordan se trouvait lui aussi à l'orphelinat, les mains pleines de farine et de sucre. Il s'affairait dans la cuisine et avait décidé de faire une petite surprise pour le goûter des enfants.

Les visages des enfants, tous pleins de curiosité, déambulaient autour de lui. Certains se chamaillaient tandis que d'autres se dirigeaient vers la table pour l'aider à disposer les biscuits.

Xavier, qui l'avait rejoint après une matinée de réunions, se tenait dans l'embrasure de la porte, les bras croisés. Il observait Jordan tendrement, le voyant s'impliquer comme si les enfants étaient sa propre famille.

- Besoin d'aide ? demanda-t-il avec un sourire en coin, tout en s'approchant de lui.

Jordan se tourna vers lui, les cheveux légèrement en bataille, un léger rire échappant de ses lèvres.

- Tu veux t'occuper des enfants ou des biscuits ?

Xavier haussa les épaules, comme s'il n'était pas particulièrement tenté par l'une ou l'autre option.

- Si ça peut faire plaisir j'peux toujours jouer au grand frère pendant que tu fais cuire ces petits gâteaux, proposa le roux en piquant un carré de chocolat.

Jordan lui lança un regard amusé.

- Si tu tiens tant à m'aider alors évite de manger mes ingrédients.

- Dit celui qui a de la farine plein les cheveux, répliqua le roux.

Ce dernier resta près de Jordan. Il se pencha légèrement vers lui, un air malicieux dans ses yeux émeraudes. Le coeur du jeune homme ratta un battement face à son regard et sa soudaine proximité. 

- Ferme les yeux.

- Qu-Quoi ?

- Pour que je t'enlève la farine de tes cheveux, tu en as sur les mèches de devant.

"Ah oui, la farine, ça serait bête d'en voir dans les yeux... à quoi est-ce que je pensais encore ?"

Les biscuits prêts, les enfants tout contents se mirent à table impatients de prendre leur goûter. Les deux hommes les rejoignirent pour s'installer à leurs côtés.

- C'est trop bon tu fais tu fais les meilleurs cookies Jordan ! lança une petite fille en se dandinant sur sa chaise.

L'homme aux cheveux verts lui sourit chaleureusement. Certes les enfants pouvaient être embêtants ou bruyants mais qu'est-ce qu'ils étaient mignons lorsqu'ils appréciaient ce genre de petits moments.

À cet instant précis, Jordan comprenait parfaitement ce que Xavier avait voulu dire quelques jours au paravent, lorsqu'il lui avait dit qu'il lui manquait parfois ces instants de réconfort. Et aujourd'hui tout semblait aller bien. Il n'y avait pas de pression, pas de responsabilités accablantes. Juste eux, les enfants et ce petit bonheur partagé.

Du moins jusqu'à ce que le téléphone de Xavier vibre soudainement dans sa poche.

Il attrapa l'appareil, jetant un coup d'œil à l'écran, puis soupira profondément. La notification affichait un message urgent de son équipe au bureau.

- Merde... murmura-t-il.

"Toujours au meilleur moment..."

Jordan, qui était en train de discuter avec une petite fille, se tourna vers lui, voyant son expression changer instantanément. Xavier avait cette lueur dans les yeux qui signifiait qu'il allait devoir partir, encore une fois.

- Ça ne va pas ? demanda le jeune homme en se rapprochant.

Xavier hocha la tête, visiblement désolé.

- J'ai un appel de dernière minute. Il y a une urgence au bureau, je dois y aller.

Jordan le fixa un instant, lisant la fatigue dans ses yeux. Il savait combien le roux détestait devoir quitter ces moments de tranquillité, mais malheureusement cela faisait partie de son quotidien.

- C'est pas grave. Tu veux que je t'aide à préparer un truc avant que tu partes ?

Xavier secoua la tête, un sourire désolé.

- Non restes ici, profites du reste de l'après-midi avec les p'tits. Je vais gérer ça rapidement, j'espère être de retour dans quelques heures.

Jordan acquiesça un peu déçu.

Le roux attrapa ses affaires et se dirigeant vers la porte d'entrée. Juste avant de partir il se retourna et adressa un dernier regard à l'homme au chignon déjà reparti s'occuper des enfants. Il soupira puis ferma la porte.

☆☆☆

- Je suis rentrééée !

- On s'en taaaape ! répondit Claude sous le même ton, à moitié endormi sur le canapé.

Holly, les sacs plein les bras, leva les yeux au ciel et fit mine de n'avoir rien entendu.

- Au lieu de ronfler aide moi à déballer les sacs Claudette.

Ledit "Claudette" grogna puis se leva avec agacement pour aider la jeune femme. Encore heureux que ce ne soit pas Isabelle il se serait fait botter les fesses si elle avait vu avec quel entrain il y allait.

- Ça sent bon ici, vous avez fait des gâteaux ?

- Ouais et ces égoïste m’en ont même pas laissé, rechigna la tulipe.

- Excuse-moi de ne pas vouloir briser ton pauvre sommeil réparateur, répondit Jordan qui écoutait la conversation, tout en faisant la vaisselle.

- Moh pauvre chou, je me demande bien ce que tu fais de tes nuits pour être aussi fatigué...

Claude souffla, trop fatigué pour répondre quelque chose d'intelligent à la châtaine.

- La petite tulipe dormait comme un bébé, on aurait dû le prendre en photo, continua Jordan.

À cet instant précis Holly ouvrit grand les yeux et se mit à réfléchir.

- Photo... Photos... OH PURÉE DE POMME DE TERRE ! Ça me revient, Jordy faut que je te raconte un truc !

- Quoi, tu as trouvé une promo sur des beignets au chocolat en faisant les courses ?

Mais Holly, ignorante de sa plaisanterie, s'approcha de lui, les poings sur les hanches.

- Non, non, non, c'est bien plus IMPORTANT que des beignets au chocolat !

- Mais alors-

Il ne finit pas sa phrase en remarquant son amie regarder autour d'elle et sautiller comme si elle était pressée. Cette dernière l'empêcha de continuer.

- Pas ici ! C'est un truc ultra méga giga important !

Jordan n'eut pas le temps de riposter car la jeune femme l'avait déjà pris par le poignet et l'emmenait dans la buanderie, laissant Claude dans l'incompréhension.

- Cet après-midi, juste après mes courses, je suis allée faire développer des photos à la Fnac...

- D'accord mais y'avait vraiment besoin d'aller jusqu'ici pour me parler de ton truc je cite "ultra méga giga important" ? Parce que j'ai laissé l'eau couler et...

- Mais attends j'ai pas fini !

Le vert se tut instantanément en retenant un petit rire.

- Je disais donc... J'étais allé faire développer des photos et je suis tombée sur un vendeur très sympa. Mais, c'était pas n'importe quel vendeur...

Jordan devint soudainement plus attentif à ce que son amie lui disait. Elle marqua une pause, jetant un regard furtif vers la porte comme si elle craignait que quelqu'un ne les espionne.

- Tu te souviens de ce gars, à l'université, avec qui tu avais flirté un peu avant de disparaître totalement de sa vie, hein ?

Jordan écarquilla les yeux.

- NE ME DIS PAS QUE...

Holly baissa la tête avant de poser ses mains sur les épaules de l'homme au teint bronzé.

- Si Jordan. Ce vendeur, c'était lui. Je l'ai vu. J'ai vu Boucle d'or, reprit-elle dramatiquement.

Le vert la regarda un moment en bug le temps d'assimiler ce qu'elle venait de dire. Il fallait se confronter à la réalité, ce fameux boucle d'or était bel et bien de retour.

- MAIS NAN MAIS HASARD DE DINGUE !

- Quoi !?

- JE L'AI VU AUSSI !

- ORH ! Quand, comment, pourquoi, dans quelles circonstances, il t'a parlé, tu lui as parlé, est-ce-que d'autres personnes le savent !?

- Non non non et non ! Mais il ne faut surtout pas que Dave le sache, il pourrait péter les plombs !

En effet Dave s'était toujours comporté de façon surprotectrice avec Jordan à la fac. Et il n'avait jamais été capable d'apprécier la compagnie de ce "Boucle d'or".

- Ça serait une catastrophe. Il pourrait faire un malaise, ou pire un infarctus !

Les deux adultes se remirent de leurs émotions disons quelque peu exagérées au vu de la situation. Après un moment de silence Jordan reprit :

- Ne paniquons pas chère camarade, pour le moment nous nous devons de faire comme si de rien n'était, dit-il plus calmement, une main tenant son menton. Et surtout, je dis bien surtout, ne plus jamais retourner à la Fnac que ce soit pour des clés USB ou pour des photos !

- Entendu camarade pistache ! répondit Holly en position garde à vous.

- Entendu la pistache !

Soudain, les deux adultes tournèrent lentement la tête à l'entente de cette troisième voix inattendue.

Et bien évidemment, de tous les enfants qui puissent passer inaperçu ici, il fallait que ce soit lui.

- Juste, vous me donnez le temps d'aller chercher un truc à grignoter ? Parce que j'ai hâte de savoir la suite là, demanda Aitor devant la machine à laver, une vieille paire de chaussettes à la main.

Les deux adultes se regardèrent dans le blanc des yeux, la bouche entre-ouverte, comme deux poissons. Jordan s'approcha doucement du petit garçon et se mit à sa hauteur.

- Dis, tu me promets du petit doigt de ne rien raconter ?

Aitor réfléchit un instant, puis afficha un sourire narquois sur son visage.

- Ouais, mais y'a un deal alors.

- Tout ce que tu veux !

- En échange de mon silence, je veux que vous alliez convaincre Lina de lever ma dernière punition, ensuite de ne plus me déléguer de tâches ménagères jusqu'à la fin du mois. Et un dernier truc, qu'on m'achète le dernier jeu qui est sorti sur 3DS édition limitée.

Jordan soupira profondément mais accepta.

- Et tu dis rien, entendu camarade beurre salé ? rappela le jeune homme en tendant le petit doigt.

- Entendu camarade beurre sal- heu pistache ! répéta l'enfant

Aitor le lui tendit à son tour. Cette fois c'était réglé.

Soudain une voix grave retentit à travers la porte, faisant sursauter le garçon et occasionnellement valser les chaussettes qu'il tenait en main.

- EH LE MIOCHE QU'EST CE QUE T'AS ENCORE FAIT AVEC MES AFFAIRES !?

Jordan et Holly regardèrent Aitor en fronçant des sourcils.

- Je cours, je vole, je disparais, au revoir ! Ou adieu, on sait pas !

Ce fut sur ces paroles qu'Aitor prit la fuite sous les éclats de rire des deux adultes.

- On n’aura jamais la paix avec ce gamin, soupira Holly en croisant les bras.

- Tant qu'il tient sa langue je ne vois pas ce qu'il pourrait arriver de pire...

Chapter Text

Aujourd'hui, pour la première fois depuis un moment, Xavier s'était accordé une matinée de repos. Une partie de lui se sentait presque coupable de s'offrir ce moment de répit, mais une autre, sentait qu'il en avait besoin.

La dernière journée de travail l'avait complètement vidé, et il n'y avait qu'aujourd'hui qu'il s'accordait le droit de paraître "vide" ou "bof". Alors ce matin le rouquin avait tenté de récupérer un peu de son sommeil, un peu beaucoup même. C'était d'ailleurs à sa grande surprise qu'il s'était trouvé réveillé après Jordan. Il se frotta les yeux, légèrement désorienté, puis sortit du lit en traînant des pieds pour se diriger dans la salle de bain. Il se gratta la tête puis se rappela soudainement du dernier appel que lui avait passé son père. Ça s'était passé la veille, juste avant de rentrer, et encore une fois son appel n'avait fait qu'accabler Xavier...

Le jeune homme se déshabilla puis ouvrit l'eau. Qu'importe, l'appel était passé et sentir couler l'eau chaude sur sa tête lui permettait d'oublier ce détail. La chaleur le relaxa instantanément, lui qui était tendu. Rien de tel qu'une bonne douche pour reprendre ses esprits. Il y resta pendant une vingtaine de minutes, puis sortit et retrouva Jordan dans cuisine.

- Ah, tu es réveillé, remarqua finalement le vert avec un sourire.

Aujourd'hui, il était peut être "bof". Mais qu'est ce que voir la mine de Jordan lui remontait le moral. Il ne savait même pas pourquoi d'ailleurs. Avant il avait l'habitude de le voir tous les jours avec le travail mais parfois c'était différent. Le simple fait de croiser son regard pétillant quand ils n'étaient que tous les deux et chez lui l'apaisait étrangement. L'homme aux yeux sarcelles avait l'impression d'être le seul à qui il accordait ce privilège.

De son côté Jordan qui fouillait dans les placards à la recherche de quelque chose de potable finit par les fermer.

- Je crois qu'on sera à cours de nourriture pour ce soir, dit-il en soupirant.

- Quoi déjà ? fit le roux en se frottant les cheveux dans sa serviette.

Bien que cela ne faisait que quelques semaines qu'ils cohabitaient ensemble, leur stock avait été consommé bien plus vite que ce qu'il pensait. Jusque là Xavier avait l'habitude de ne faire les courses que pour une seule personne. Cela paraissait donc logique qu'ils soient déjà à cours de nourriture.

- On va devoir faire un tour au supermarché... Tu viens avec moi ou tu préfères te reposer encore un peu ?

Xavier passa une main dans ses cheveux, encore un peu dans sa bulle, mais l'éclat dans les yeux de Jordan lui donna envie de sortir et de prendre un peu l'air.

- Je t'accompagne, ça me changera les idées.

☆☆☆

A cette heure-ci le supermarché était plutôt bondé. Les deux hommes se promenaient avec leur caddie et discutaient des différentes choses à préparer pour le dîner.

- Oh non, ce soir c'est moi qui gère pour une fois !

- Bon si tu veux, répondit passivement le roux en haussant les épaules.

Jordan remarqua son petit air et s'arrêta un instant.

- Tu ne me fais pas confiance ?

- Si, c'est juste que j'ai pas l'habitude qu'on me fasse à manger...

- C'est sûr qu'à force de toujours commander pizza ou sushi tu dois pas avoir l'habitude, répondit le vert en le regardant du coin de l'oeil.

Il faut avouer que Jordan en avait passé des soirées à manger pizza pendant un moment lui aussi, à tel point que ce plat avait fini par le dégouter. C'est pour cette raison qu'il avait prit comme résolution d'essayer de cuisiner pour lui-même dorénavant.

- De toute façon j'ai déjà fait une liste de courses.

Xavier se réveilla soudainement. Une liste de courses ? Quand est-ce que Jordan avait pris le temps de la faire ? Lui-même avait totalement oublié d'en préparer une sur le coup, mais cela paraissait logique. Heureusement que son colocataire était là. Au passage, la liste de course n'était pas la seule chose que Xavier avait oublié.

- Merde j'y repense, j'ai laissé les papiers de promo dans la voiture ! Je vais les chercher, je reviens.

Jordan le regarda partir en courant, puis finit par sourire. Ces derniers temps le roux était souvent étourdi, mais bon ça ne l'étonnait plus tant que ça maintenant.

Le jeune homme continua son tour dans le rayon des produits laitiers en regardant attentivement les prix affichés sur la barre. Il se décida ensuite à prendre une brique de lait mais une main rencontra la sienne au même moment.

Étonné, Jordan la recula puis orienta son regard vers le propriétaire de cette même main. Il écarquilla les yeux en le voyant.

C'était un homme de la même tranche d'âge que lui, un peu plus grand, les cheveux blonds, courts et quelque peu en bataille, couverts à moitié par un bonnet tombant, avec des yeux couleur noisette et un grand sourire plaqué sur son visage.

- Hey, l'interpela-t-il d'une voix enjouée, ça fait longtemps !

- T-Tyler ? balbutia le vert.

- Je me disais bien que je t'avais reconnu l'autre jour au magasin ! il lui donna une petite tape sur l'épaule.

Jordan laissa échapper un petit rire nerveux, ne sachant comment réagir. Pour le coup il ne s'attendait vraiment pas à le recroiser et lui parler dans ces circonstances.

- D'ailleurs, dès que j'ai voulu t'approcher tu as disparu comme par magie, j'espère que j'essayais pas de me fuir, ajouta le blond d'un air taquin. En même temps c'est ta spécialité...

- Oui pardon je... j'étais un peu pressé j-je devais retourner bosser et...

- Oh t'inquiète pas pour ça ! Bon puisqu'on en est là qu'est ce que tu deviens depuis le temps ?

Jordan s'apprêta à lui répondre une bonne fois pour toute, mais se décomposa lorsque le scénario qu'il redoutait le plus arriva.

Xavier qui venait d'arriver avec ses coupons en main, se retrouva face à face avec Tyler. Les deux hommes se regardèrent comme des idiots tandis que Jordan, au centre, espérait disparaître ou au moins trouver une échappatoire.

Xavier ouvrit la bouche mais Tyler le coupa avant qu'il ne dise quoi que ce soit.

- J'ai déjà vu cette tête quelque part...

Il se rapprocha et inspecta chaque petits détails de son visage jusqu'à ce qu'une lueur apparaisse dans ses yeux.

- Ah mais oui, ça serait pas dans une pub sur les assistances de la compagnie Schiller ?

- Et bien... si ? répondit Xavier incertain de ce que le blond voulait insinuer.

Ce dernier le regarda un instant de haut en bas, une main tenant son menton.

- Ah oui, pardon, j'ai hésité, j'avoue que sans le costume ça fait moins professionnel.

- C'est sûr que ça attire moins l'attention pour une fois, et que je passe juste pour un mec normal qui fait ses courses, marmonna Xavier sous le rire de Tyler.

Jordan soupira à la fois de soulagement et de fatigue due aux réflexions du blond. Jusque là tout se passait bien, pas de dérapage comme il dirait. Il appréciait beaucoup Tyler, c'était quelqu'un de drôle, sympa et détendu. Il était assez populaire à l'époque sur le campus. Le vert se demandait même comment il avait pu attirer son attention en si peu de temps. Mais le blond avait comme qui dirait la langue bien pendue et pouvait vite partir en vrille si on le laissait raconter tout ce qui lui passait par la tête.

- J'suis quand même chanceux, j'arrive à croiser l'un des mec les plus riches de cette ville et un ami de la fac le même jour !

- Attendez, vous vous connaissez ? questionna Xavier plus que perdu.

Les deux nouvelles connaissances dirigèrent leur attention vers Jordan.

- Il... C'est... heu-

- Tyler, je m'appelle Tyler, reprit le concerné, j'étudiais dans la même université que Jordan, j'ai même été dans sa classe. Et on a aussi...

Le blond s'arrêta en voyant Jordan le dévisager avec un regard noir.

- Fait plusieurs fêtes ensemble ! Enchanté, dit-il en tendant la main.

Xavier afficha un sourire, le deuxième sans doute depuis le début de la journée. Sa bonne humeur semblait contagieuse. Il lui serra la main en retour.

- Bon j'aimerais rester un peu plus mais j'ai une promo sur des pâtes, je dois me dépêcher d'en prendre avant qu'on me les pique, on se retrouve ici Jordan ?

L'homme aux cheveux verts hocha la tête puis regarda son ami partir à l'opposé.

- Donc si je comprends bien tu travailles pour lui ? reprit soudainement Tyler. Quelle chance...

Jordan ne sut pas si c'était ironique mais laissa échapper un petit rire nerveux.

- Je suppose que si je vous ai croisé tous les deux au même endroit, ce n'était pas un hasard...

Le ton que prenait son ami de la fac commençait à devenir insinuant, mais il n'y prêta pas plus attention.

- Et bien... il se trouve que depuis quelque temps j'habite chez lui suite à des problèmes de loyer...

- Ah, donc vous êtes colocataires ? continua le blond qui semblait soudainement intéressé. Mmh, tu veux dire, tous les deux sous le même toit, la même pièce... dans le même lit, peut-être ? dit-il un sourcil levé l'air taquin.

"Dans le mille malheureusement..."

Jordan qui commençait à voir où il voulait en venir, fit simplement mine de ne pas avoir entendu et de chercher un paquet de gruyère.

Il était trop mal à l'aise pour répondre quoique ce soit ou surtout inventer un mensonge qui irait à l'encontre de son affirmation. Il espérait juste qu'il n'aille pas plus loin dans ses insinuations.

- En y repensant, c'est vrai qu'il est plutôt pas mal pour un boss ça ne serait pas étonnant que...

- Tyler commence pas s'il te plaît ! coupa Jordan qui commençait légèrement à rougir.

- Vous travaillez ensemble, vous habitez ensemble, vous faites vos courses ensemble, ne me fais pas croire qu'il ne se passe rien entre vous...

- Tu vas rire mais c'est justement le cas, répliqua le vert d'un ton sec en fermant la porte du frigo. Il n'y a strictement rien entre nous et je ne vois pas pourquoi ça arriverait.

Jordan avança ensuite avec son caddie pour tenter de s'éloigner de Tyler et de ses questions indiscrètes. Mais décidément le blond avait choisi de le coller éternellement.

- Vous avez quand même l'air proche tout les deux...

- Pourquoi tu t'obstines avec ça, on n'est pas ensemble et je travaille pour lui alors t'imagine le drame si ça se savait !?

Voilà une des raisons pour lesquelles le vert regrettait d'avoir retrouvé Tyler. Ce type était peut être sympa mais en disait toujours trop et avait le don de le faire craquer.

Un blanc prit place dans tout le rayon, et tous les regards s'étaient soudainement braqués sur lui. L'homme au teint bronzé se cacha immédiatement le visage dans ses mains, rouge de honte.

- Le regardez pas comme ça c'est ce moi que vient l'idée !

Les clients retournèrent à leurs occupations et le bruit qui emplissait les rayons reprit.

Jordan, enfin apte à lui donner une vraie réponse releva la tête de ses mains.

- Si on paraît proches c'est juste parce qu'on se connait depuis longtemps, lâcha-t-il finalement dans un soupir d'agacement.

- Je vois... Ça veut dire que tu m'accordes une deuxième chance ?

Jordan pâlit d'un coup.

- Je déconne ! T'as pas changé toi, tu prends toujours tout au pied de lettre.

Xavier arriva soudainement haletant.

- J'ai... J'ai trouvé... ce qu'il me... fallait...

- Il a bon cardio au moins, marmonna le blond qui se fit prendre un énorme coup de coude dans l'épaule de la part de Jordan

- Je... J'ai loupé un truc ?

L'homme aux cheveux verts écarquilla les yeux en voyant l'état du visage de Xavier.

- Qu'est ce qu'il t'est arrivé ? Tes lunettes sont toutes de traviole-

- Pas le temps d'expliquer t'as fini de ton côté ?

Il regarda la bouteille de lait dans la main de Tyler qui n'hésita pas à la lui donner aussi rapidement que possible.

- Je suppose que oui ?

- Ok, on part à la caisse, tout de suite, répondit le roux en le tirant par le poignet.

Jordan n'eut pas le temps d'ajouter quoi que ce soit, il se fit traîner dehors par Xavier et rentra aussi vite que possible.

☆☆☆

Xavier rentra à l'appartement, les bras chargés de courses. Il posa ses sacs sur le plan de travail tandis que Jordan rangeait les produits. L'homme aux lunettes grimaça soudainement. Quelque chose le gênait, une douleur commençait à se faire ressentir et il ne put s'empêcher se frotter la joue.

Jordan leva immédiatement les yeux de ses courses en le remarquant. Il s'arrêta net pour lui demander si tout allait bien.

- C'est rien, juste un petit coup mais ça va passer, dit Xavier de dos en essayant de minimiser la douleur.

L'homme au chignon fronça les sourcils et se rapprocha de lui. Sans un mot, Jordan leva une main et posa délicatement ses doigts sur la joue de Xavier en effleurant sa peau rouge et douloureuse. Ce dernier sursauta quelque peu et ferma les yeux en sentant ce contact soudain. Mais lorsqu'il les rouvrit il fit face à la mine inquiète de son ami.

- Ne me dis me pas que tu t'es fait ça tout l'heure, comment c'est arrivé ? demanda-t-il soucieux.

Xavier hésita un instant puis finit par répondre.

- Et bien...

~ Un peu plus tôt au supermarché ~

Xavier défilait dans les rayons espérant tomber sur au moins un paquet de pâtes. Mais apparemment la promotion indiquée sur ses coupons était tombée sous la main de toute la ville. Il avait bien tenté de demander à un des employés mais on lui avait indiqué qu'ils étaient à  cours  de stock pour ce qui en était des pâtes.

Le jeune homme soupira en se souvenant que c'était l'une des choses inscrites sur la liste de courses. Il se rappela alors que Jordan en avait parlé lorsqu'il étaient entrés au supermarché et qu'il avait prévu de préparer quelque chose spécialement avec ça.

"Je devrais essayer de trouver autre chose pour le repas. En attendant je vais aussi lui acheter un petit quelque chose pour me faire pardonner, j'espère qu'il ne sera pas trop déçu..."

Le roux se dirigea donc dans le rayon épicerie dans lequel on y trouvait pas mal de produits apéritifs dont des pistaches grillées. Ses yeux  s'illuminèrent  en regardant l'étagère.

- Bingo le dernier paquet !

- Hé toi rends moi ça !

Xavier se retourna lentement, baissa légèrement la tête et fit face à une dame d'un certain âge, assez forte et imposante.

- Je vous demande pardon ?

- T'as très bien  entendu rends  moi ce paquet.

Xavier haussa un sourcil, pris au dépourvu.

- Mais je l'ai pris en premier, il regarda derrière l'épaule de la mégère et vit que son caddie était rempli de paquets de pistaches et autres gâteaux apéro. Et en plus vous avez dévalisé le stock des rayons !

- C'est justement pour ça que j'ai besoin du dernier paquet imbécile !

- Mais j'aimerais vraiment le prendre, je voudrais faire plaisir à quelqu'un et...

- Bah t'as qu'à attendre la semaine prochaine ou alors dégage d'ici et va voir dans un autre supermarché, répliqua  t-elle  en lui arrachant le paquet des mains.

J'vous  demande pardon !?

- Hé oh c'est quoi ce ton que tu prends avec moi !? Les jeunes toujours aussi insolents...

" Moi, insolent ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité là ! "

- Surtout quand on s'habille comme un clochard...

" Mais qu'ils ont tous aujourd'hui avec ma  tenu  j'ai pas le droit d'être habillé décontracté !? "

Avant que la vieille mégère ne puisse avancer avec son caddie, Xavier lui bloqua le passage en  l'empoignant  d'une main ferme.

- Écoutez madame, sauf votre respect j'ai pris ce paquet avant vous, et je ne  vois  pas pourquoi je vous adresserai une faveur si vous me le demandez sur ce ton ! Je veux bien garder mon calme mais je ne trouve pas que ce soit très équitable si en retour vous me parlez comme vous le faites. Alors que ce soit clair,  je-garderai-ce-paquet .

Au même moment il lui chipa un des nombreux paquets de pistaches présents dans son caddie. Il le brandit fièrement jusqu'à ce qu'il  reçoit  un énorme coup de sac à main dans la figure, faisant presque tomber ses lunettes.

Le roux fut sonné quelques secondes puis partit en courant heureux de sa "presque victoire" et laissa la vieille dame se faire sermonner par un gérant.

- Elle t'a frappé pour ça !? s'étonna Jordan presque énervé.

- Ouais aussi fou que ça puisse paraître, je sais pas ce qu'il y avait dans son sac mais on aurait dit un parpaing, ajouta Xavier d'un ton risible.

Jordan ne répondit pas tout de suite. Il resta là, la main toujours posée sur la joue de Xavier comme s'il n'arrivait pas à comprendre qu'une telle chose ait pu se produire. Il l'examina ensuite de plus près, vérifiant si ce n'était pas trop grave, puis s'arrêta en sentant le regard profond que Xavier posait sur lui. Après un moment il fit glisser ses doigts doucement sur sa peau avec une douceur presque apaisante et retira sa main.

- Heu... Ça doit faire mal, dit-il simplement ses yeux toujours ancrés dans ceux de Xavier.

- U-Un peu, mais ça va c'est trois fois rien, assura le roux d'une voix tremblante.

- Je peux te mettre un peu de crème si tu veux, ça apaisera la douleur.

Xavier, qui commençait à oublier la douleur laissa échapper un léger rire, appréciant la douceur de Jordan.

- Non c'est bon ça ira.

L'homme aux yeux onyx esquissa un sourire, un peu plus rassuré, et s'apprêta à retourner à son rangement lorsqu'il se rappela d'un détail.

- Et merci pour les pistaches, mais la prochaine fois évite de te prendre un sac juste pour ça, ajouta le vert d'un ton reconnaissant.

Xavier lui sourit en retour, heureux d'avoir pu lui faire plaisir.

Mais si seulement Jordan savait combien de sacs il serait prêt à se prendre juste pour lui...

Chapter Text

Xavier était assis à son bureau, concentré sur un rapport trimestriel lorsqu'un claquement sec fit vibrer la porte de son bureau. Il n'eut même pas besoin de lever les yeux ; il savait. Cette manière de faire irruption sans frapper, ça n'appartenait qu'à un seul homme.

Il n'eut pas besoin de lui accorder la permission d'entrer, ce dernier avait déjà pris l'initiative.

- Bonjour père, lâcha passivement Xavier, la tête toujours cachée devant son PC.

- Oh allons, j'ai connu meilleur comme accueil.

Le PDG ignora son commentaire et continua ses occupations. Il savait pourquoi son père venait le voir au bureau, et ce n'était certainement pas pour prendre de ses nouvelles... Non, à la place il s'agissait d'une visite. Vous savez, ce genre de visite qu'on reçoit de la part d'inspecteur, pour vérifier que « tout se passe bien », mais Xavier portait à croire c'était plutôt pour vérifier que « l'entreprise ne coulait pas entre ses mains ». C'était pour cette raison qu'il détestait chacun de ses allers et venues en ces lieux.

Le vieil homme se tenait ici, les mains derrière le dos, à observer chaque recoin de son bureau. Son bureau. A croire que c'était encore le sien... Il se permettait de toucher les moindres livres, cadres ou dossiers qui y trainaient. En bref, il inspectait le moindre petit changement que Xavier lui apportait, ce qui pourtant était légitime puisqu'il s'agissait de son bureau.

Il passa un doigt sur l'une de ses étagères et nota l'état poussiéreux de celle-ci. Bien qu'il ait le sens de l'organisation son fils semblait laisser de côté le ménage... Il fit claquer sa langue contre son palais avant d'adresser la parole à ce dernier.

- Depuis quand tu fais tes courses avec ton assistant ?

L'homme aux lunettes releva soudainement la tête à l'entente de cette question.

- Pardon ?

- Je t'ai demandé depuis combien de temps tu avais des activités avec ton assistant en dehors du travail.

Cette remarque eut l'effet d'une gifle mentale pour le roux.

Comment avait-il été mis au courant ? L'espionnait-il ? Avait-il engagé quelqu'un pour épier ses moindres faits et gestes ? Oh ça, il en était bien capable, et le simple fait d'y songer lui donnait des sueurs froides.

- En quoi cela dérange ? se risqua-t-il à demander, une voix ferme.

- Je te rappelle que tu as une position à tenir, tu es l'image du groupe Schiller. Tes relations ont des limites, elles doivent rester à leur place.

Un sourire se dessina sur les lèvres de Xavier. Un sourire confiant, pour ne pas dire arrogant. En vérité, il ne s'agissait que d'une carapace, il était juste pétrifié. La moindre erreur et tout partait en vrille. Il ne suffisait que d'une petite faille pour que son père brise tout. Il bouillonnait de l'intérieur à chaque fois que son père le reprenait sur ses actes et décisions.

- Père, vous savez très bien que je ne ferai jamais ça. C'est bien pour ça que vous m'avez choisi non ?

Le vieil homme se montra soudainement plus attentif, mais le regarda étrangement.

- Douter de moi ce serait douter de votre choix, continua Xavier, toujours aussi sûr de lui. N'ayez aucune crainte, je ferai en sorte de faire plus attention dorénavant.

- Bien, dit-il satisfait de la reprise en main de son fils. Oh d'ailleurs en parlant de choix, celui de ton assistant est peut-être à remettre en question.

Xavier garda ses yeux encrés sur lui, fronçant des sourcils.

- Choisir une personne dotée d'un simple diplôme en gestion et informatique, sans expérience professionnelle concrète et-

- C'est vrai, interrompit Xavier sans hésitation. Ça paraît être le minimum, mais c'est largement suffisant pour travailler à mes côtés. Et à ce que je sache c'est moi le directeur. J'ai fait mon choix, et je considère qu'il est bon.

- J'ai dit peut-être, rectifia son père avec un sourire. Xavier, je te dis simplement ce que je pense, ce n'est pas une réprimande mais un conseil...

- Ne t'en fait pas, j'en suis conscient. Et je les écouterai quand il me semblera bon de le faire. Mais je sais ce que je fais, tu n'as pas à douter de ça.

Un silence prit place dans la pièce. Puis, le père rompit le lourd contact visuel qu'il entreprenait avec son fils. Il se dirigea vers la porte, l'ouvrit et s'arrêta.

- Tu as certainement raison... mais bon, le temps nous le dira...

Ce « mais bon » donnait pourtant un arrière-goût de contradiction.

Il toussa un peu à la fin de sa phrase, en s'appuyant sur l'encadrement de la porte. Xavier réagit instinctivement et se rapprocha rapidement, prêt à le soutenir si besoin. Ces derniers temps ses toussements incontrôlés étaient de plus en plus sourds et fréquents...

- Tout va bien ?

L'homme âgé fit un geste de la main pour balayer l'inquiétude, déniant toute aide extérieure.

- Ne t'occupe pas de ça, c'est bon... Quoiqu'il en soit j'attends de tes nouvelles.

Il quitta la pièce sans en dire le plus sous le regard inquiet de Xavier.

Ce dernier resta debout un instant, figé devant la porte. Il était à deux doigts de s'asseoir à nouveau quand un léger grincement attira son attention. Il se retourna.

Jordan était là, dans l'embrasure, tenant une pochette contre sa poitrine. Visiblement, il avait tout entendu.

Il hésita, le regard un peu fuyant, puis dit simplement :

- Je... J'avais des trucs à t'apporter...

Xavier le fixa, la bouche légèrement entre-ouverte. Il baissa les yeux sur la pochette entre ses mains, et les releva rapidement sur son secrétaire, incapable de lui répondre quoique ce soit.

- J'allais chercher un café. Tu veux que je t'en ramène un ?

- Ouais... Ouais je veux bien.

Le vert esquissa un petit sourire, juste avant de partir. Ce n'était pas grand-chose mais c'était déjà mieux que ce que son père avait eu à lui offrir pour aujourd'hui.

Quelques minutes plus tard, il revint avec deux tasses en mains. Il les posa avec soin sur le bureau, jetant un œil à Xavier qui n'avait toujours pas bougé.

-Tu... Tu étais là depuis le début ?

Un seul regard de sa part suffit à Xavier pour qu'il comprenne.

Il se sentait mal. La dernière chose qu'il voulait était que Jordan entende les critiques de son père. Il soupira, passant une main derrière sa nuque.

- Désolé pour ça... Il est toujours sur mon dos et...

- N-non pas besoin à t'excuser pour ça. J'aurais dû arriver plus tard ce coup-ci, plaisanta-t-il avec un léger sourire. Et... je me doute que c'est compliqué...

Honnêtement, lui-même ne savait pas comment réagir, si ce n'était que son père n'avait pas changé et que c'était toujours le même sale type...

Tout à coup, une sonnerie de rappel retentit sur le téléphone de Jordan.

- Oh merde, la réunion.

Il attrapa son téléphone, parcourut l'écran des yeux.

- Elle est à l'autre bout de la ville et... notre chauffeur est déjà parti pour un autre rendez-vous. Super.

Xavier fronça les sourcils, l'air à peine surpris.

- Pas de voiture dispo à l'accueil ?

- Non. Je viens de vérifier avec la réception, tout est pris...

Le roux s'appuya contre le bord de son bureau et soupira. C'est alors qu'il vit un éclat briller dans les yeux de son secrétaire, qui sembla trouver une idée.

- Prend ton manteau et viens avec moi !

Le PDG se fit entraîner dehors en vitesse.

Jordan marchait devant d'un pas accéléré. Il allait lui demander des explications, jusqu'à ce qu'ils arrivent sur le parking, devant une moto. Xavier la reconnut immédiatement, par sa couleur rouge flamboyante.

- Je suis quasi sûr qu'il laisse toujours ses clés sous le siège, ce mec est complètement inconscient... marmonna Jordan en inspectant le véhicule.

- Mais c'est la moto de Claude ? Qu'est-ce que tu veux faire avec ? demanda Xavier tout hébété.

Jordan soupira bruyamment, comme si la réponse lui paraissait évidente.

- La conduire bien sûr ! Que veux-tu que ce soit d'autre ?

- Tu sais conduire une moto !? s'interloqua le roux.

L'homme au chignon se retourna face à la lui avec un sourire en coin.

- Tu crois que je suis bon qu'à gérer ton agenda ?

Xavier continuait de le regarder de manière sceptique. Jordan leva les yeux au ciel, puis fit l'inventaire des protections pour pouvoir s'équiper.

Par chance, Claude n'avait pas seulement laissé ses clés sous le siège. Son blouson traînait aussi sans surveillance, en plein soleil. Il devait vraiment être impatient de revoir Bryce... au point d'abandonner la moitié de ses affaires ici.

- Qu'est-ce que tu attends ? Enfile-moi ça, dit-il en lui tendant des gants et un casque. La sécurité c'est le plus important quand on est sur ce genre d'engin.

- Parce qu'il faut que je monte !?

- Si on s'amuse à faire des allers-retours, on va finir par être en retard pour la réunion... qui commence dans même pas 15 minutes !

- Bon ok...

- Chochotte va, ricana Jordan.

- Qui t'as dit que j'avais peur ? C'est juste que je n'ai jamais fait de moto avant...

- Il faut bien une première fois à tout ! conclut le secrétaire en se préparant.

Xavier soupira puis commença à enfiler ses gants.

Jordan, de son côté, se décoiffa, laissant tomber ses longs cheveux verts presque ondulés sur ses épaules. Leur éclat contrastait vivement avec le cuir sombre de son blouson. Il retroussa sa manche pour attraper l'élastique autour de son poignet et se fit une queue de cheval basse, histoire d'être à l'aise avec son casque. Mais alors qu'il allait l'enfiler, il s'arrêta un instant, fixant son compagnon d'un air perplexe.

Le cœur de Xavier s'emballa un instant.

- Fais attention, tu ne les as pas accrochés.

Le roux, qui n'avait pas la moindre idée de ce dont Jordan parlait, se rendit compte qu'il le regardait depuis le début. Il se sentit bête soudainement et paniqua intérieurement. Jordan fit alors deux pas vers lui et s'approcha sans un mot. Il attrapa son poignet d'un geste sec, ce qui le surprit. Le secrétaire lui montra la petite sangle en scratch du gant, puis la resserra correctement, prenant soin de bien ajuster l'attache pour qu'elle tienne. Le jeune homme ne voulait pas qu'il lui arrive quoi que ce soit.

- On n'est jamais trop prudent... Ça va comme ça ? demanda-t-il sérieusement.

- Heu, je crois, répondit Xavier toujours dans la lune.

- Monte, fit Jordan sans se retourner. Et tiens-toi bien, je freine sec.

Xavier grimpa à l'arrière, les mains un peu hésitantes au début, puis posées sur les hanches de son compagnon. Le roux s'était accroché un peu précipitamment au départ, sans avoir anticipé l'accélération brusque du véhicule. Ses mains, d'abord posées sur les hanches de Jordan, glissèrent le long de sa taille jusqu'à se coller contre lui et le tenir fermement.

Pas une minute à perdre, ils avaient déjà du retard. Ils prirent de la vitesse en un éclair, le vent fouettant leur visage derrière les bruits du moteur. Jordan conduisait avec assurance. Il savait ce qu'il faisait. Et c'était ça aussi, qui surprenait Xavier. Quoique cela l'étonnait, il lui faisait entièrement confiance et savait qu'ils arriveraient à temps.

Arrivé au feu rouge, le conducteur tourna légèrement la tête de sorte à rester tout de même attentif au trafic sur la route.

- Alors monsieur le PDG, pas trop traumatisé pour ce premier tour ?

- Non, mais si on arrive au bout j'te fais une promotion pour m'avoir sauvé sur ce coup-là.

Jordan ricana derrière son casque.

- Parce que je mérite une augmentation ?

- Pour mon meilleur employé oui. Mais attention elle n'est valable qu'aujourd'hui.

- Si c'est ça je veux bien t'emmener tous les matins alors.

Le feu passa au vert et la moto repartit. Xavier s'autorisa à le serrer un peu plus fort. Juste un peu.

Lorsqu'ils arrivèrent à destination, ils s'empressèrent de se débarrasser de leur équipement et de courir jusqu'au bâtiment. Ils atteignirent la porte, mais avant que Xavier puisse faire un pas, Jordan le retint.

- Attends !

Le directeur se retourna précipitamment, manquant de perdre l'équilibre. Jordan saisit le bout de sa veste grise et le tira vers lui. Il frotta légèrement le tissu, de sorte à effacer les plis qui s'étaient créés durant le voyage. Il ajusta aussi son col et replaça une de ses mèches de cheveux sur son front.

- Voilà, là tu peux y aller, dit le vert avec un petit sourire satisfait.

Xavier, un peu pris au dépourvu, n'eut pas le temps de lui répondre. Les portes de la salle de réunion s'étaient déjà ouvertes devant eux. Avant de s'installer il lui souffla un rapide "merci" et se retourna face à la salle pour saluer les intervenants.

Pourtant, bien après que la réunion ait débuté, le PDG semblait ailleurs, dans ses pensées.

Ça avait été rapide. Simple. Évident.

C'était tout ce qui pouvait définir l'attitude de Jordan tout au long de la journée. Et bien que ces petits gestes fussent machinaux, ils avaient déjà suffi à faire leurs preuves auprès de Xavier.

Il avait réveillé quelque chose en lui, et il était décidé à ne pas l'abandonner. Oui, il était engagé à le garder près de lui, le plus longtemps possible. Parce qu'il n'y avait que lui qui le faisait se sentir comme ça.

Parce que oui, Jordan était définitivement fait pour ce travail, et quiconque oserait dire le contraire aurait affaire à lui. Et peut-être que ce travail n'était pas la seule chose pour laquelle il était fait...

Chapter 18

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

"Deux mois... ça fait deux mois que je squatte son appartement... Pourquoi c'est si difficile de se trouver un logement ?" 

Jordan s'affala au fond de son siège, presque désespéré. Xavier le logeait depuis des semaines, sans jamais rien demander en retour. Chaque jour, il se sentait un peu plus coupable de profiter de cette situation. Il ne savait même pas comment le remercier, ni s'il le méritait vraiment. C'était trop facile, et ça le rongeait.

- La terre appelle Jordan ?

- Mmh ? 

Le vert leva soudainement la tête en revenant à la réalité. 

- Tu n'étais pas concentré au dernier rendez-vous.

- Je sais, j'étais ailleurs. Désolé.

Xavier ne dit rien et observa simplement son secrétaire toujours dans la lune. Il tapotait son doigt sur son bureau, le regard vide, semblant réfléchir. 

- Ecoute, si tu continues à avoir la tête ailleurs je ne crois pas que tu seras capable de remplir la suite du rapport budgétaire pour jeudi...

Silence. Habituellement Jordan lui aurait répondu au tac-au-tac en lui trouvant une excuse quelconque. Mais aujourd'hui il était vraiment ailleurs. Xavier soupira. 

- Quelque chose ne va pas ?

Jordan sursauta en entendant la voix de son patron juste derrière lui. Il tourna la tête en sa direction, et effectivement, il se tenait à quelques centimètres de lui, debout, les mains dans les poches.

L'homme bronzé inspira profondément, avant de déclarer :

- C'est juste que... tu me loges chez toi depuis un moment déjà et moi je ne t'ai rien offert en retour...

- Tu rigoles j'espère ? coupa l'homme aux lunettes. Jordan je pensais que c'était clair, tu n'as rien à me donner en retour !

- Je sais mais j'aimerais te rendre un service ! Laisse-moi faire quelque chose pour toi !

- Tu en fait déjà assez ici, il n'y a pas besoin de plus...

- Je ne te parle pas forcément de travail. Demande-moi tout ce que tu veux et je le ferai !

Le secrétaire était à présent totalement retourné vers Xavier. Ce dernier haussa un sourcil, l'air intrigué. Voir le plus jeune aussi entêté le faisait sourire intérieurement. Il se demandait bien jusqu'où il était prêt à aller pour parvenir à ses fins.

C'est alors qu'il se rapprocha de Jordan, se penchant légèrement près de son visage.

- Tout ce que je veux ? répéta-t-il.

Le vert fronça son regard, perturbé par la proximité soudaine du l'homme aux yeux sarcelles. Il détestait quand il faisait cela, parce qu'à chaque fois que ça arrivait, il avait toujours une mauvaise idée derrière la tête. Mais peut-être aussi parce que ça avait le don de faire s'emballer son cœur sans raison... Le stress sûrement ? Où l'idée de se dire que Xavier était beaucoup trop imprévisible pour découvrir ce à quoi il pensait. Après une dizaine de secondes, le PDG rompit le silence :

- On sèche le travail.

- Quoi !? lâcha Jordan en s'écartant d'un coup.

- Je croyais que tu avais dit tout ce que je voulais.

- Oui mais... Xavier tu peux pas sécher comme ça...

- J'ai un rendez-vous aujourd'hui ? demanda-t-il en lui tournant le dos pour déposer sa veste sur son siège.

Le secrétaire jeta un œil à son agenda, incertain.

- Heu... non ?

- Donc je suppose que mon emploi du temps est incomplet ?

- On peut dire ça...

- Tu sais s'il me reste encore beaucoup de choses à faire ?

- Les comptes de cette semaine ont été classés, le conseil a fait son choix sur les dernières offres proposées, tu n'as aucun déplacement en vue pour aujourd'hui et...

Il s'arrêta soudainement en voyant le sourire narquois de son patron. Le genre de sourire triomphant qui voulait dire "j'ai raison".

- Je n'ai rien à faire, tu n'as rien à faire, on sort tous les deux et on sèche ces heures de bureau inutiles et interminables pour le reste de notre après-midi ! Et cette proposition n'est pas refusable, rappela Xavier.

Les deux hommes étaient sortis et avaient quitté le travail en douce. Ils traînaient tous les deux en ville sans objectif précis. Jordan regarda sa montre. Il était clair que Xavier avait pris cette décision à l'improviste, sans même réfléchir aux activités qu'ils pourraient faire un fois dehors. En fait, lui-même avait oublié ce que c'était que de sortir quotidiennement. Se promener, visiter des endroits... et surtout s'amuser. Jordan, lui, attendait que quelque chose se passe, sans savoir où cette sortie les mènerait. Alors les deux hommes laissaient planer le silence autour d'eux.

Une fois de plus, c'était calme. Pas grand-chose à se raconter, hormis la routine du quotidien... Avant, ils pouvaient passer des heures à discuter ensemble et quand le silence prenait place, tout semblait léger, il n'y avait aucune gêne.

Pourtant, malgré les apparences sereines des deux collègues, aucun d'eux ne semblaient réellement à l'aise. Ils n'étaient plus des enfants et tout ce qui semblait naturel des années au paravent était devenu compliqué pour eux. Xavier regrettait ce temps-là. Le temps où ils se considéraient comme des amis... non, meilleurs amis. Tout était tellement plus simple à cette époque...

Soudain, Jordan le sortit de ses pensées, en attirant son attention sur une affiche collée à un poteau.

"Fête Foraine du 26 septembre au 16 octobre"

- Tu penses à ce que je pense ?

Xavier le regarda peu sûr mais la teinte de joie qu'avait prit la voix de Jordan l'influença. Il haussa les épaules.

- Tant qu'à faire autant en profiter.

☆☆☆

Ce parc d'attractions n'était qu'à quelques mètres, alors ils continuèrent à pied. Arrivés sur place, Jordan ne perdit pas de temps et entraîna Xavier devant les stands. Ce dernier ralentit le pas, le regardant, perplexe.

- Quoi ? 

- Il y a vraiment beaucoup de monde ici... 

- Tu m'as suivi jusque-là, tu ne vas pas me dire qu'on va rester ici à regarder les manèges d'en bas ! répliqua-t-il déçu.

-  Très bien... On commence par quoi ?

Un sourire se dessina sur les lèvres de l'homme bronzé. Il traina Xavier devant les montagnes russes. Le roux déglutit difficilement. La simple vue des loopings et de la grande descente suffisait à le terrifier. Mais bon, c'était déjà mieux que de rester devant son pc à régler des fiches de comptabilité.

- Aller Xav' ça va être fun... Le meilleur truc c'est quand ça te fait des guilis dans le ventre !

- J'ai dit que j'étais contre ?

- Non, mais tu l'as laissé paraître.

- Mais bien sûr... Attends comment tu m'as appelé ?

- Quoi, tu préfères que je continue de t'appeler monsieur Schiller en dehors de nos heures de travail ?

Xavier esquissa un sourire. Il ne faisait pas référence à ça, mais plutôt au fait qu'il ne l'avait pas appelé par son surnom depuis longtemps. Le roux sentit son cœur se réchauffer à l'idée que Jordan se réapproprie cette habitude aujourd'hui.

Ils entrèrent dans la queue, un ticket en main. Mais à peine faisaient-ils un pas dans la file qu'un groupe de jeunes passa précipitamment et bouscula Jordan contre les barrières. Avec le peu de place qu'il restait ce dernier perdit l'équilibre et se fit rattraper par Xavier.

- Vous pouvez pas faire attention !? lâcha directement l'homme aux cheveux rouges, énervé.

Les jeunes continuèrent de rigoler. Jordan fut surpris par ce changement d'attitude soudain, presque protecteur. Il tourna la tête vers Xavier. Sa main était toujours posée sur son épaule, comme pour s'assurer qu'il ne retombe pas. Ils étaient proches.

- Ç-ça va merci, fit le vert gêné, avant de s'en détacher.

Les yeux de Xavier s'apaisèrent.

Ils montèrent ensuite dans le manège côte à côte. Le wagon avança, s'apprêtant à entamer la première montée. Il se rapprochait dangereusement du vide. Xavier serra fermement le harnais de sécurité.

- Tu flippes un peu là, nota le plus jeune.

- O-ouais... à-à peine.

Le wagon ralentit, et le vert constata enfin la hauteur à laquelle ils étaient. Ce n'était pas si haut vu de loin...

- Bah... j'crois que je flippe un peu aussi...

Xavier tourna lentement la tête vers Jordan qui semblait le regarder depuis le début. Il lui sourit timidement et tendit alors sa main, ouverte, pour qu'il la sert en retour. C'est alors qu'un sourire apparut sur son visage lorsqu'ils sentirent le wagon pencher en avant.

"Et merde"

...

- Est-ce que ça va ?

Les deux hommes s'étaient posés sur un banc, le temps que de se remettre de leur manège. Jordan tendit une bouteille d'eau à Xavier, les jambes encore tremblantes. Ce dernier s'estimait heureux de ne pas avoir perdu sa voix tant il avait crié.

- Je crois que c'était un peu trop pour un premier tour...

- Tu crois ? répéta le roux avec ironie.

Jordan baissa les yeux au sol. Il se sentait un peu coupable.

Soudain, il sentit la main de Xavier se poser sur son épaule.

- Hé, on peut toujours continuer notre aprèm « je sèche le travail » Il y a un tas d'autres choses à faire ici, dit-il avec un sourire.

L'homme bronzé releva la tête.

- Tu es sûr ?

- Oui, et je sais déjà par quoi commencer, ajouta-t-il en se levant du banc.

Jordan, un peu méfiant mais intrigué, le suivit à travers l'allée animée par les cris des manèges et les odeurs sucrées de caramel et de friture. Ils s'arrêtèrent finalement devant un stand de tir à la carabine.

- Tu veux que je joue à ça ? demanda Jordan, sceptique.

- Tu as dit que tu voulais m'offrir quelque chose, alors gagne ça pour moi, répondit Xavier en pointant du doigt les peluches suspendues. Mais si tu le sens pas...

- C'est bon je le fais, répliqua aussitôt le vert plus qu'assuré.

Jordan s'avança et attrapa les balles proposées sur le stand. Le but : faire tomber trois boîtes métalliques. Facile, non ?

Le premier tir frôla à peine le haut de la pile. Le deuxième partit en cloche sur le côté. Le troisième... rebondit simplement sans rien faire tomber.

- C'est une blague !? C'est plus compliqué que ce que je pensais...

Xavier qui l'observait avec un petit sourire en coin se rapprocha.

- Tu te serais pas un peu surestimé ?

- Si ça te paraît si facile t'as qu'à le faire toi !

Le roux rit face à sa mine boudeuse. Il prit la relève et toucha la cible trois fois, presque sans effort, sous le regard ébahi de son compagnon. Xavier se retourna, un sourire moqueur affiché sur son visage. Jordan, les bras croisés, leva les yeux au ciel. Il revint vers lui, et lui tendit une peluche extraterrestre.

- Mais elle est à toi, répliqua le vert.

- Disons que j'ai changé d'avis. Je te l'offre comme lot de consolation pour avoir un peu galéré.

Ils reprirent leur marche, Jordan tenant la peluche alien contre son torse.

Un peu plus loin, une façade sombre attira leur attention : vitraux sales, gargouilles en plastique, masques gores accrochés et au-dessus de l'entrée, un écriteau clignotait « Monster House ».

- Hé, ça te dit la maison hantée ? C'est bientôt Halloween, c'est de saison, non ? lança Xavier d'un air amusé.

Jordan resta figé devant l'attraction, un frisson parcourant ses épaules.

- Heu... je sais pas trop...

La dernière fois qu'il l'avait fait c'était quand il avait 15 ans : Claude l'avait entrainé de force et ils s'étaient fait poursuivre par un fou avec un masque de hockey et une tronçonneuse. En bref il avait été traumatisé. Et ça Xavier l'avait bien compris en voyant le manque d'engouement du plus jeune.

"Ok pas de sensations fortes ni d'émotions extrêmes"

- Tu sais quoi on verra plus tard, si on se faisait le palais du rire ?

- Oh oui !!!

Le reste de l'après-midi fut chargé de rires et de sucreries. En passant de la chenille aux auto-tamponneuses, pour aller ensuite tenter leur chance au chamboule-tout, s'acharner sur la machine à pinces et viser juste au lancer d'anneaux, Jordan et Xavier ne s'arrêtèrent presque jamais. Ils ne manquèrent pas non plus les manèges lumineux et le palais des glaces.

Plus tard, ils firent une pause devant un stand de churros. Jordan, plus gourmand, avait choisi une gaufre au chocolat.

Xavier pouffa de rire en voyant le plus jeune le rejoindre sur un banc.

- Qu'est-ce qu'il y a de drôle ?

- Rien, je me rappelais juste la tête que t'as fait quand tu t'es pris la vitre dans le palais des glaces tout à l'heure.

- Hé ça fait super mal j'te signale ! Et puis lequel de nous est myope déjà ? T'aurais fait moins le malin sans lunettes !

- En attendant c'est pas moi qui me suis retrouvé avec un petit nez rouge...

- Sérieux il est devenu rouge ? demanda Jordan en se couvrant immédiatement le nez d'une main. Tu me l'as même pas dit !

Xavier explosa de rire en voyant son ami aussi paniqué pour un rien.

- Relax, c'est quasiment parti... Et puis c'était mignon sur toi.

La rougeur sur le nez de Jordan se propagea rapidement jusqu'à ses oreilles. Cette fois-ci, il enfouit son visage dans ses mains, sous les éclats de rire du plus grand.

"Raté, il est encore plus mignon comme ça"

- On devrait passer plus de temps comme ça, je veux dire ensemble, lâcha soudainement Xavier, après s'être calmé.

Jordan regarda entre ses doigts et posa ses yeux sur le jeune homme. Il semblait détendu, un sourire radieux affiché sur ses lèvres.

Wow il ne l'avait pas vu aussi heureux depuis... depuis qu'il était devenu adulte. Ou depuis que son ami était devenu chef d'entreprise sûrement. C'est vrai qu'il n'y avait jamais fait attention jusque-là mais, avant aujourd'hui il n'avait jamais revu cet éclat dans ses yeux, ou même cette sérénité planer sur son visage. Pendant un instant, il crut retrouver le Xavier qu'il avait connu quand il était enfantEt il n'y avait pas de moment plus magique que de retrouver ce Xavier-là.

Jordan sourit simplement.

- T'as raison.

Un petit silence prit place entre eux, et cette fois-ci il n'y avait plus de gêne.

- Sinon, t'es sûr de vouloir finir cette gaufre ?

- Pas touche c'est à moi ! Toi t'as déjà tes churros... Il fixa un instant son paquet. D'ailleurs tu m'en passeras un ?

- T'es pas croyable...

Xavier lui en tendit un sans protester, l'air amusé. Ils mangèrent en silence, en regardant le ciel qui commençait doucement à virer à l'orange.

☆☆☆

Après cette journée à la fête foraine, les deux collègues avaient repris la route à pieds. Il étaient fatigués, mais heureux d'avoir passé d'aussi bon moments dans les manèges. Tout à coup Jordan remarqua qu'ils avaient loupé une intersection. 

- Heu... Xavier c'est pas le chemin pour rentrer.

- Mais qui t'a dit que la journée était finie ?

Jordan haussa un sourcil, se demandant bien où Xavier allait l'emmener, mais le suivit.

Une dizaine de minutes plus tard, ils s'arrêtèrent devant un petit cinéma de quartier. L'enseigne clignotait faiblement au-dessus de l'entrée, et une rangée d'affiches colorées s'alignait sur la façade.

Le secrétaire fronça les sourcils en observant les titres. Xavier, les mains dans les poches, fit mine de réfléchir et attira son attention sur un des films exposés au mur.

- Hmm... tiens, regarde celui-là, "28 jours plus tard". L'affiche est pas mal.

Le vert jeta y un œil, on pouvait voir l'hombre d'un homme sur fond rouge et des yeux transcendants juste en haut.

- T'es sûr de ton coup ? Ça ne me dit rien de bon...

Oh aller c'est sûrement mieux que "Un dernier été avant toi".

Jordan réfléchit, c'est vrai que ce titre sonnait horriblement niais et le reste ne paraissait pas mieux.

- Bon, qui ne tente rien à rien, ça peut être sympa.

Xavier cacha à peine son petit sourire alors qu'il s'approchait de la billetterie. Il savait très bien à quel genre de film ils avaient à faire. Et « 28 jours plus tard » était loin d'être un film tranquille... Mais Jordan n'en avait visiblement aucune idée, et il n'allait pas le contredire.

Les deux hommes s'installèrent en salle. Après de courtes bandes-annonces, le film démarra rapidement. L'atmosphère était étrange ; un homme dans un hôpital vide, une ville déserte, un virus mortel et... des zombies.

Jordan comprit qu'il s'était fait avoir. Il tourna lentement la tête vers Xavier, qui restait innocent.

- Tu savais.

- Moi ? Savais quoi ? répondit doucement le roux d'un air naïf.

- T'es vraiment-

L'image d'un infecté s'afficha à l'écran, suivie d'un hurlement strident qui fit sursauter Jordan. Il se rapprocha instinctivement de Xavier, comme s'il craignait qu'une de ces atrocités viennent s'attaquer à lui.

- Tu flippes un peu non ? souffla l'homme aux lunettes à son oreille. Heureusement qu'on n'est pas au premier rang, la vue aurait été encore plus belle...

- Je te déteste.

Jordan essayait de garder contenance. Mais plus le film avançait, plus la panique montait. Et rester au fond de son siège en gardant les ongles enfoncés sur les accoudoirs ne l'aidait pas vraiment. Il pouvait être prêt à bondir du fauteuil au moindre bruit. À l'écran, la tension montait d'un cran. Les survivants étaient piégés dans un tunnel étroit, poursuivis par une horde d'infectés qui fonçaient sur eux. Et vînt la scène de trop : un bras arraché, du sang et des cris.

C'était trop, il ne pouvait plus faire semblant, son cœur allait lâcher. La vue de l'écran lui était devenu presque impossible. Sans même réfléchir, il se pencha rapidement sur le côté et enfouit son visage dans la veste de Xavier.

Le roux baissa aussitôt les yeux en sentant la tête de Jordan collée à son torse. Les doigts du plus jeune agrippaient sa veste, tremblant. Il ne disait rien, il avait juste besoin d'un endroit où se cacher, le temps que la scène passe. Doucement, Xavier passa son bras autour de lui, pour le rassurer :

- T'inquiète, c'est presque fini...murmura-t-il. Tu veux qu'on sorte ?

Jordan, toujours caché dans sa veste, fit non de la tête. Xavier, lui, ne se moqua pas, à la place il garda cette position et caressa l'épaule du vert. Ce dernier se sentait en sécurité dans ses bras, à l'abris des bruits et des zombies. Il resta recroquevillé dans cette position jusqu'à la fin du film.

Les lumières tamisées se rallumèrent. Jordan reprit conscience de là où il était et s'écarta de Xavier.

- D-Désolé.

L'homme aux yeux sarcelles se contenta de sourire. La salle s'était vidée et il ne restait plus qu'eux. 

- Bon, je te propose qu'on rentre cette fois-ci.

- Oui, il doit déjà faire nuit dehors. 

Tout deux se levèrent pour emprunter la sortie. Bizarrement, Jordan accélérait l'allure.  

- C'était quoi ton moment préféré du film ? questionna Xavier un peu plus loin. 

-  Aucun, ne m'en reparle pas c'était horrible ! riposta le vert. 

- Même pas le moment où tu t'es blotti contre moi ? 

Jordan s'arrêta en sentant le rouge lui monter aux joues. Il se demandait bien ce qui lui prenait tout d'un coup.

 Xavier le rattrapa et arriva à ses côtés. 

- Je te taquine, dit-il avec un regard malicieux. Aller viens, il faut encore préparer le dîner. 

 

Notes:

Funfact, pour le délire du ciné je me suis inspiré de mes parents : quand ils étaient jeunes ils sont allés voir le même film sans savoir de quoi il parlait ( c'est mon père qui a choisi ) ma mère est sortie trauma-

Non Jordan ne connaît pas 28 jours plus tard et oui on lui a interdit de regarder n'importe quel film d'horreur quelqu'il soit 😔

Notre pistache et notre tête de fraise commencent à se relâcher, ils se rappellent qu'ils sont quand même copains et se rapprochent... maaaaiiis ils vont se rendre compte que ce n'est plus pareil et les choses vont légèrement se corser pour la suite avec tout ce brouillon de sentiments. La suite au prochain épisode (o゜▽゜)o☆

Chapter 19

Notes:

Chapitre un peu spécial : je l'ai mis sur le point de vue d'Aitor, j'espère que ça casse pas trop avec le précédent... Bonne lecture <3

(See the end of the chapter for more notes.)

Chapter Text

Aitor n'aimait pas les grandes personnes. Il ne supportait pas la façon dont on le regardait. Ce regard qui pouvait passer de méprisant à compatissant. Pour lui, qui vivait à l'orphelinat depuis bientôt un an, c'était trop dur à supporter et surtout, ça sentait l'hypocrisie à plein nez. C'était pour cette raison qu'il ne s'approchait jamais complètement d'eux. 

À seulement dix ans, il pensait déjà avoir compris comment fonctionnait le monde des adultes : tous portaient un masque. Ses parents eux même en portait un. Et ce sont eux qui lui avaient fait découvrir cette facette du monde. 

Alors il n'y avait pas moyen qu'il s'attache à l'un d'entre eux. Même si la directrice de l'orphelinat avait toujours été clémente avec lui. Même si les adultes qui s'occupaient de lui là-bas faisaient tout ce qui leur semblait juste. 

Et pourtant...

Pourtant il y avait ce monsieur. 

Ce monsieur qui venait souvent rendre visite aux enfants ici, et donnait un coup de main. 

C'était étrange, parce qu'à chaque fois qu'il revenait il avait toujours ces cernes sous les yeux. Oui, malgré le fait qu'il portait des lunettes rien ne le cachait. Surtout pas quand celles-ci glissaient de son nez. Et cette peau blanche n'arrangeait rien. Chaque infime trait de fatigue qui se dessinait sur sa figure y était visible. 

Cependant, même si son visage paraissait exténué, son attitude elle, en était d'autre. C'était un peu comme un roc solide qu'il semblait impossible de détruire, peu importe la pression. Même en faisant face à la tempête d'enfants du Sun Garden, ce monsieur gardait le sourire. Il se tenait droit, et restait debout sans broncher. 

Et parfois Aitor se demandait comment une telle chose était possible. Il n'avait jamais vu un adulte pleurer. Il n'avait jamais vu ce roc s'affaisser. Alors si sa théorie sur les adultes s'avérait vraie... tout ceci n'était qu'un masque. Les adultes étaient faux. Et c'était un fait scientifiquement prouvé par le petit garçon. 

Pourtant ce monsieur-là, il avait quelque chose de différent.

C'est vrai, il était faux dans son attitude, comme tout le monde. 

Mais le ton de sa voix et les rares interactions qu'ils avaient partagées ensemble portaient à croire le contraire. 

Chaque mot qui sortait de bouche était sincère. Son implication au sein de l'orphelinat et son sourire aussi l'étaient. Sans qu'il ne sache pourquoi, le petit garçon aux cheveux bleus était attiré par ça. Il avait envie de se rapprocher, d'établir un lien avec lui. Mais ça, Xavier l'avait déjà fait. 

- Aitor, ça te dirait de faire des citrouilles pendant que je prépare le gratin de courges ? demanda le jeune homme. 

L'enfant, assit sur une chaise avec un boîte de mouchoirs et un verre de sirop à la main acquiesça. 

Aujourd'hui il n'était pas à l'école. En effet il avait attrapé un bon gros rhume – intentionnellement – résultat il passait la journée à l’orphelinat.

Aitor descendit de sa chaise. Il aimait peu de chose, mais s'il y avait bien une période de l'année qu'il appréciait c'était certainement celle d'Halloween. L'odeur des potirons et des bonbons caramélisés était sans doute sa préférée. Sans oublier que c'était le seul moment de l'année où il pouvait faire des farces à gogo. 

Lorsqu'il arriva en cuisine et vit tous ces légumes, il tira la langue, comme dégoûté. 

- Hé c'est quoi cette tête ? Tu juges mon plat là ?

Aitor se contenta de lever les yeux au ciel. 

- Tu n'as même pas goûté. 

- Et j'y compte pas. 

- Dis voir, ton rhume excuse pas tout, tu pourrais faire un minimum d'effort. 

Le petit garçon allait riposter quand soudain, quelqu'un toqua à la porte. Lorsque celle-ci s'ouvrit, elle donna vu sur un jeune homme avec des yeux olive et une frange en forme de M retombant sur son front. Il portait plusieurs sacs sous les bras et avait l'oreille collée au téléphone sur son épaule. 

- Oui, je lui ferai savoir... Au revoir. 

Il soupira un grand coup, après que son interlocuteur eut raccroché. Il n'était pas vraiment disposé à le faire de lui-même avec tout ce qu'il portait.

- Désolé d'arriver à l'improviste. J'ai eu ton manager au téléphone... Il m'a signalé qu'il y avait un dysfonctionnement du logiciel de facturation et... 

- C'est la troisième fois ce mois-ci, coupa Xavier peu étonné de cette nouvelle. 

- Justement. Tout ça devient récurrent c'est pour ça que j'ai voulu vérifier quelque chose dans les archives... 

"Manager ? Logiciel de facturation ? Archives ?" Ces termes sonnaient bien trop compliqués pour Aitor qui peinait à suivre leur discussion. D'autant plus qu'ils avaient pris un ton professionnel, on se croyait en plein bureau. 

Et puis les conversations d'adultes c'est toujours ennuyant, surtout quand ça parle de travail. 

Jordan éparpilla ses affaires à l'entrée et s'empressa de sortir les documents de sa veste. 

- J'aurais besoin que tu jettes un œil à ça, dit-il en posant les papiers sur la table.

Xavier s'approcha et son regard devint soudainement sérieux. 

- Les revenus des trois dernières années ? 

- Et bien j'ai pensé que ça avait peut-être un lien avec les derniers problèmes financiers qu'on a encouru... 

Le roux ré ajusta ses lunettes et analysa les chiffres. Il resta silencieux un moment, le temps de comprendre la situation. 

- Les revenus n'ont quasiment pas bougé en trois ans, déclara-t-il d'une voix rauque. Mais c'est presque trop parfait...  

"Revenus ? Problèmes financiers ?" Si ça continuait comme ça le pauvre Aitor allait avoir mal au crâne avec tous ces mots. Jordan avait repris la parole mais le petit garçon n'écoutait plus. D'autant plus que Xavier avait totalement oublié sa présence apparemment. 

- Il y a encore quelque chose ?

Un petit silence s'empara de la pièce, tandis que Jordan, hésitant, rangeait ses affaires. Ce dernier établit un bref contact visuel avec l'homme aux lunettes avant de se lancer. 

- J'ai aussi vu ton père tout à l'heure... 

Xavier le regarda pâlement. 

- Qu'est-ce qu'il t'a dit ? demanda-t-il aussitôt sur la défensive. 

- Oh rien de spécial... il m'a seulement demandé si tout marchait bien en ce moment. 

- Si tout marchait bien ?

Jordan semblait perplexe, lui non plus n'avait aucune idée de ce que son père voulait dire. Mais une chose était certaine, un sous-entendu s'y glissait... Soudain, ses yeux se posèrent sur la petite tête cachée derrière Xavier.

- Aitor tu pourrais dire bonjour, dit le roux en le poussant légèrement de sa jambe. 

Ah, Xavier n'avait pas oublié qu'il était là. Bon point. Maintenant il devait faire l'effort d'être poli. Mauvais point. 

- Camarade Pistache... marmonna-t-il dans sa barbe. 

- Camarade Beurre salé ? Répondit Jordan incertain. 

- Camarade quoi- vous vous connaissez ?

- Mmh. Je l'ai vu raconter des secrets à Holly dans la buanderie.

- C'est pas vrai ! contra le vert, sentant qu'il était sur le point de trahir leur promesse. 

- Des secrets ? répéta le roux, intrigué.

- Laisse tomber, il s'est juste inventé des histoires, fit le vert en riant nerveusement. 

Il mentait. Dieu, qu'est-ce qu’Aitor détestait quand les adultes ne le prenaient pas au sérieux. En l'occurrence ici, ce n'était pas si grave, il voulait juste cacher la vérité à Xavier. Mais cacher quelle vérité au juste ? 

Le téléphone du roux bipa au même moment. 

- J'ai des choses à gérer, Jordan tu peux surveiller ? demanda-t-il en désignant la poêle. J'aurais aussi besoin qu'on rajoute de l'ail. 

Le jeune homme hocha la tête. 

Aitor se retrouva donc seul avec la pistache

- Alors comme ça tu es malade ?

L'enfant haussa les épaules, indifférent à sa remarque, et lui tourna le dos. 

- Alors... Tu l'as recontacté ce Boucle d'or ?

- Tu en es encore avec cette histoire... soupira Jordan. Pourquoi je ferais ça, je n'en ai pas envie. Tout comme toi tu n'as pas envie d'aller à l'école, ajouta-t-il avec un sourire moqueur. 

Aitor gonfla ses joues et fit la moue. Il jeta un œil au plat sur le gaz. 

- Ouais, bah en attendant Xavier a dit qu'il lui manquait des oignons. 

- Je vois... 

Le jeune homme ne dit rien de plus. Il se retourna et se dirigea vers la porte menant à la cave. Jordan l’ouvrit dans un grincement assourdissant. 

- Il fait tout noir, constata l'enfant. 

- Attends je cherche l'interrupteur, j'y suis jamais allé alors le temps que je le retrouve... 

Alors là c'était la meilleure, Jordan connaissait cet endroit mieux que lui et il n'avait jamais mis un pied dans la cave. Le plus jeune se demandait bien ce qu'il faisait là. 

- Bon ok je vais éclairer avec la lampe.

Ils entrèrent dans la cave froide et sombre et descendirent les marches d'un pas hésitant. Chaque pied posé sur ces dernières faisait grincer le bois abîmé par le temps. 

- Ça va, pas trop peur ? 

- J'ai 10 ans j'te signale j'suis pas une poule mouillée !

- Et moi j'en ai 24 alors encore moins !

- Pff c'est ce qu'ils disent tous... 

Jordan roula des yeux face à la répartie de l'enfant. Soudain un bruit sourd retentit et ils entendirent quelque chose tomber et s'éclater au sol. Il sentit immédiatement une petite main s'accrocher à son bras. 

- C'était quoi ça ? demanda Aitor inquiet. 

Le vert dirigea sa lampe vers l'endroit d'où provenait le bruit étrange, puis distingua un bocal en verre cassé. 

Le jeune homme chercha la cause de ce fracas à travers les étagères. C'est alors que la lumière de la lampe torche fit apparaître l'ombre d'un individu au dos bossu, la tête repliée tendant une main aux longs ongles crochus. 

- J-Jordan... q-qu'est-ce que c-c'est !?

- J-Je j'en sais rien moi ! répliqua le vert qui tremblait tout autant que le petit garçon aux cheveux bleus.

Tout à coup, la lampe torche grésilla puis s'éteignit soudainement, les plongeant dans une obscurité totale. 

L'adulte et le petit garçon entendirent alors un claquement de la deuxième porte provenant du bas de la cave. Aitor laissa échapper un cri de terreur, et Jordan s'empressa de remonter l'escalier. 

- Hé !

- T'es où !? 

Le vert se retourna directement et, une fois après avoir distingué le corps du petit garçon totalement perdu, le prit dans ses bras et le porta en courant rapidement jusqu'à la sortie.

Xavier qui venait de terminer son appel, retrouva un Aitor tremblant, se cramponnant au cou de Jordan de toute ses forces, à la limite de l'étrangler. 

- Bah alors qu'est-ce qu'il s’est passé là-bas ? Et où sont mes oignons ?

- On... on a essayé de les trouver... m-mais... 

- MAIS Y'AVAIT UN HORRIBLE MONSTRE ! coupa Aitor. 

Le jeune homme au teint pâle les fixa avec un air hébété. Il posa son téléphone sur le plan de travail et se risqua à descendre dans la cave. Il y resta quelques minutes paressant bien trop longues aux yeux de Jordan et Aitor. Qui sait, il risquait peut-être sa vie là-bas. 

Lorsque le roux refit son apparition – au plus grand soulagement des deux plus jeunes – il prit un air sérieux en gardant les mains dans le dos. 

- Bien. J'ai trouvé la chose monstrueuse dont vous me parliez à l'instant. 

Lentement, Xavier défit les mains de son dos. Il les tendit, totalement scellées de sorte à ce que la monstruosité ne puisse pas s'en échapper. Puis il les ouvrit doucement, laissant paraître un petit être en boule, au poil blanc et aux tâches brunes. Jordan plissa les yeux. 

- Mais c'est... 

- Le hamster de l'école !! s'écria Aitor par surprise. 

- Le hamster de l'école ? Celui dont tu étais censé t'occuper le temps d'une semaine et le ramener je suppose ? corrigea Xavier d'une voix rauque. Le petit garçon fit mine de rien et regarda en l’air.

- Oh il est trop mignon ! Pourquoi on n’a jamais eu de p’tit hamster à l’époque ?

- Parce que tu l’aurais dévoré tout cru tellement il est adorable.

Aitor, lui, dévisagea les deux hommes complètement gagas s’extasier devant l’animal.

- C’est bon rendez-le moi ! Vous allez l’étouffer à force…

Après cet incident, Xavier proposa de se mettre à préparer les citrouilles pour décorer l’orphelinat. Chacun se retroussa les manches et s’appliqua à tracer eu feutre de drôles de visage sur celles-ci. Aitor avait insisté à ce que personne ne voit son « œuvre d’art » avant qu’il n’ait fini. Jordan et Xavier l’observaient d’un air amusé.

Mais alors que le plus jeune dessinait sur sa citrouille difforme, celle-ci tournait, l’empêchant de plus s’appliquer. Jordan vint à sa rescousse et mit les mains de chaque côté de sorte à la tenir en équilibre.

- C’est mieux comme ça non ? dit-il d’une voix douce.

Bon, il n’était jamais entré dans une cave jusqu’à aujourd’hui, mais il n’hésitait pas à donner un coup de main. Et Aitor trouvait ça bien.

- D’accord mais tu fermes les yeux. Je veux pas que tu vois le résultat avant. 

- Ok chef !

Xavier les regarda, le sourire aux lèvres.

« Ces deux-là s’entendent bien mieux que ce que je pensais »

Il tourna le dos et vérifia la cuisson de son plat avant d’ajouter des épices.

Mais alors que l’un avait les yeux fermés et l’autre avait le dos tourné, l’enfant, sûr de lui et de son travail, prit le couteau qui traînait à proximité sur le plan de travail.

Dix ans, ce n’est pas trop jeune pour utiliser un couteau, n’est-ce pas ? Il savait s’en servir, il n’y avait aucune crainte pour cela. Alors il pouvait commencer à couper des bouts de la citrouille pour faire les yeux en triangle…

Cependant, couper une citrouille s’avéra bien plus difficile qu’il ne l’avait imaginé… Et Aitor avait sans doute surestimé sa force. Il appuya un peu plus, ou peut-être beaucoup trop, sans vraiment s’en rendre compte. Car au moment où le couteau transperça enfin la citrouille, un cri retentit dans la pièce.

Terrifié, Aitor lâcha le couvert et vit du sang couler sur la lame. Jordan lui, s’était vivement écarté. Il se tenait la main, ensanglantée, dont le doigt était marqué d’une entaille profonde.

- Aitor va vite me chercher la trousse de secours dans le bureau !

Le roux s’empressa de prendre un torchon et le serra autour de sa main pour compresser la plaie.

- Ça va comme ça ?

- Oui t’inquiète pas…

- Disons que ça serait dommage que tu perdes un doigt. Qui va m’écrire mes rapports ?

- Haha très drôle…

- Non plus sérieusement ça va ?

Jordan leva les yeux et vit le visage de Xavier, tout près du sien. Il était plus alarmé que ce qu’il ne le pensait. Se cacher derrière des blagues ne suffisaient pas à effacer sa nervosité. Ses lèvres étaient plissées, son regard soucieux. Ses lunettes tombaient de son nez et il avait le souffle court. Pendant un instant, Jordan hésita entre les lui remettre correctement ou lui répondre en bégayant. Mais sa main était bloquée dans la sienne et il sentait une chaleur se propager en lui.

Heureusement il pas besoin de répondre puisque Aitor arriva en trombe avec les bandages et compresses. Xavier s’empressa de soigner son ami, au mieux possible.

Le bleu le regarda faire, sentant la culpabilité s’accumuler. Il avait blessé Jordan. Tout ça parce qu’il se croyait trop malin pour tout faire seul. Il s’en voulait tant. A quoi bon juger les adultes si on ne pouvait pas lui faire confiance. Lorsque le roux eut fini, Aitor s’approcha d’un pas hésitant. Il baissa la tête, de peur qu’on n’aperçoit ses yeux embués de larmes. Puis il prit la parole, d’une voix faible, presque inaudible.

- D-Désolé, j-j’aurais pas dû me servir d-du couteau t-tout seul, j-je croyais que j’étais assez grand, j-je voulais pas…

L’homme aux yeux sarcelles s’avança, puis posa une main sur la tête du petit garçon.

- C’est pas grave, ça arrive de faire des bêtises… Mais je ne veux plus te voir utiliser un couteau sans demander l’autorisation.

Jordan se rapprocha à son tour et s’abaissa légèrement.

- Hé, j’te pardonne, regarde maintenant j’ai un super pansement. Mais la prochaine fois on ne ferme plus les yeux. C’est d’accord ?

L’enfant hocha la tête en reniflant. Et le jeune homme lui offrit un de ses câlins réconfortants ; les meilleurs câlins qui puissent exister.

Il n’était pas habitué à montrer ses émotions, encore moins à partager ce genre d’étreinte avec le premier venu. Mais là, avec toute la peur accumulée en une après-midi, il s’accordait le droit de laisser couler.

Aitor serra un peu plus fort Jordan, le nez contre son épaule.
Peut-être que les adultes ne portaient pas tous des masques.
Peut-être que certains, comme lui ou Xavier laissaient voir un peu ce qu’il y avait en dessous.

☆☆☆

Finalement la citrouille avait été laissée de côté. Le calme était revenu et il y eut plus de peur que de mal. Xavier et Jordan faisaient un peu de rangement, et Aitor de son côté, s’occupait en fabricant une guirlande de fantômes en papier.

Mais, alors qu'il s'appliquait à découper les bonnes formes, il s’était surpris à les observer.

Les deux adultes, de dos, lavaient la vaisselle côte à côte. Pas de discussion particulière, juste le bruit du robinet qui coulait et des assiettes qui s’empilaient.

Et puis, à un moment, les deux hommes s’étaient rapprochés. Quand, il ne le savait pas.

Mais voilà que l’un deux donna un coup de coude par mégarde, tentant l’autre à faire de même. Ces taquineries continuèrent jusqu’à ce qu’un petit rire de la part de Xavier fasse surface dans la pièce, attisant encore plus la curiosité de l’enfant. Le roux avait légèrement tourné la tête vers Jordan. Cependant, ce dernier ne semblait pas l’avoir remarqué et faisait mine de rester concentré sur sa vaisselle.

Et là, Aitor vit quelque chose de nouveau chez lui : cette expression sur son visage.

C’était bizarre, d’habitude Xavier ne souriait pas autant. Enfin, il ne souriait pas constamment comme un idiot.

Il faisait juste la vaisselle avec Jordan. Que pouvait-il y’avoir de si amusent à laver des couverts et des assiettes ? Pourquoi ce sourire idiot était-il planté sur son visage ? Pourquoi son regard brillait-il autant ?

L’adulte aux cheveux rouges était toujours réglo, neutre, et là, il était… bizarre. Mais Aitor n’arrivait à en déceler la cause.

Quelque chose était en train de changer.


Notes:

Oui j'ai refait une mise à jour de ce chapitre parce qu'au final je voulais vraiment rajouter ce p'tit détail et que je trouvais que sans ça il manquait un truc.

Je sais pas pourquoi j'me suis dit vas-y on va faire ce chap du point de vue d'Aitor ça peut être marrant. J'avais deux raisons particulières pour le coup :
1) Because on aime ce gosse et Hiromido family
2) Voyez nos deux chouchous à travers ses yeux
Je sais pas, le point de vue d'un enfant c'est drôle parfois et je suis sûre qu'il a remarqué plein de choses intéressantes sans même savoir à quel point ça aurait un impact pour la suite de l'histoire...

Sur ce je vous laisse j'ai un oral de français à réviser ~_~ ( WE LOVE THIS FVCKING FRENCH BACCALAUREATE )

Chapter 20

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

C'était un samedi matin, habituellement le moment le plus reposant de la semaine. Pourtant, ce jour-là, Xavier s'était réveillé bien plus tôt que d'habitude.

En se redressant, il jeta un œil à son colocataire, uniquement visible par une petite touffe verte qui dépassait de la couette. Il était de dos, un bras sous l'oreiller, l'autre étendu à l'opposé. À en juger par sa respiration lourde et régulière, il dormait à poings fermés.

Ils s'étaient encore couchés tard à cause de la paperasse, et le plus jeune avait insisté pour l'aider jusqu'au bout. Ce n'était donc pas étonnant qu'il soit encore blotti dans les draps. Le roux l'enviait dans ces moments-là ; avoir gardé la capacité de dormir aussi paisiblement. À titre personnel, il avait le sommeil bien plus léger, et la moindre pensée parasite l'empêchait de fermer l'œil plus longtemps.

Le jeune homme se leva du lit en prenant soin de ne pas trop tirer la couverture du côté de son ami. Il ouvrit silencieusement le tiroir de sa table de chevet et en ressortit une petite boîte de comprimés. Puis il quitta sa chambre, prépara un verre d'eau et avala un cachet, comme il le faisait chaque matin.

Il resta là, un instant, à fixer sa plaquette presque terminée.

"Peut-être que j'en ai bientôt fini avec toi"

Il avait le sentiment que ça s'améliorait, que ça commençait à devenir plus simple. Il l'espérait en tout cas ; ça lui paraissait accessible, au vu de comment il se sentait ces derniers mois. Mais mieux ne valait pas tirer de conclusion hâtive pour le moment.

Xavier soupira doucement, avant de ranger ses médicaments à l'endroit initial.

L'aube s'était levé, une lueur orangée imprégnait le ciel, qui semblait s'être découvert de la brume automnale. Une légère buée avait recouvert les carreaux de la baie vitrée, et l'appartement baignait dans le silence troublé par le crépitement du beurre sur la poêle.

Une douce odeur émanait de la cuisine. Xavier, qui préparait le petit déjeuner, se fit surprendre lorsqu'il sentit le poids de Jordan s'écraser sur son dos.

- Tiens, enfin réveillé la marmotte ?

- Levé, c'est pas la même chose, rectifia-t-il d'une petite voix ensommeillée. Je suis juste venu voir d'où venait cette odeur.

- Et tu comptes te rendormir juste après ?

- Mhmh...

Le roux avait cru entendre le plus jeune marmonner quelque chose, mais il n'y preta plus attention lorsqu'il le sentit se rendormir sur lui.

Jordan avait laissé tomber sa tête sur l'épaule du plus grand, accrochant ses bras autour de sa taille pour garder l'équilibre et ne pas tomber de sommeil. En vivant avec son ami d'enfance, il ne lui avait pas fallu longtemps pour retrouver sa tactilité d'autrefois. Et cela ne déplaisait pas non plus au rouquin. Jordan était bien là, à sentir l'odeur des pancakes mélangée au parfum de Xavier. Mais ce n'était pas vraiment du parfum, du moins, pas cet arôme de menthe qui flottait dans l'air à chaque fois qu'il rentrait dans son bureau. C'était plutôt un effluve de cannelle et de vanille, un parfum caramélisé, légèrement brûlé, qui enveloppait Xavier d'une odeur réconfortante capable d'envoûter n'importe qui.

En même temps qu'il rêvassait, les paupières de Jordan s'alourdissaient. S'il le pouvait, il n'hésiterait pas à se hisser sur la pointe des pieds pour atteindre son cou, et y nicher son petit nez. Rien que pour sentir ce doux parfum et plonger dans un sommeil éternel.

Lorsqu'il sentit le poids de Jordan s'alourdir sur son dos, l'homme aux cheveux rouges tourna légèrement la tête.

- Je fais office de doudou maintenant ?

Le jeune homme ouvrit soudainement ses yeux en ressentant le souffle chaud de Xavier sur sa tête. Il le relâcha aussitôt.

- N-n' importe quoi !

Le roux sourit malgré lui. Jordan avait simplement profité de sa présence pour s'appuyer contre lui, mais il avait été attendri par ce geste.

- Bien sûr... ironisa-t-il en faisant un quart de tour. Dis-moi plutôt si tu veux du sucre ou du sirop avec...

Il s'arrêta net, les mots encore coincés dans sa gorge, et se figea complètement lorsqu'il le vit.

Jordan se tenait debout avec une mine somnolente. Ses beaux yeux sombres et innocents étaient plantés sur lui. Ses cheveux étaient en vrac, avec une ou deux mèches coincées derrière son oreille. Son regard s'abaissa sur le col de son t-shirt trop grand, presque de travers, qui dévoilait la naissance de son cou. Et c'est alors qu'il vit le logo de son haut.

" C'est une blague..."

Jordan avait remis la main sur ce foutu t-shirt Star Wars qui le rendait atrocement mignon. À quoi bon le nier, il flottait littéralement dedans et l'ourlet du t-shirt retombait bas, trop bas, le long de ses cuisses, à tel point qu'il se demandait s'il portait quelque chose en dessous.

Le crépitement des pancakes le ramena à la réalité, et Xavier reporta son attention sur sa cuisine.

- Tu reportes ce haut ? lança-t-il de dos, sans réfléchir.

- Je croyais que tu ne l'utilisais plus... marmonna Jordan en s'approchant.

Alors que le vert s'appuyait sur le comptoir juste à côté de lui, Xavier ne lui adressa pas un seul regard. Il essayait de rester concentré sur son petit déjeuner.

- Sinon je veux bien du sirop, proposa le plus jeune.

Xavier se retourna, les lunettes glissant sur son nez.

- Quoi ?

- Sur mes pancakes, rappela-t-il avec un petit sourire en coin, tandis que ses yeux prenaient une teinte amusée. Au fait... tu as vu l'invitation pour la soirée halloween avec les anciens du lycée ?

- Ouais... tu veux vraiment y aller ?

- Pourquoi ? Tu ne vas pas me dire que tu préfères encore passer une nuit blanche à bosser plutôt que de retrouver des amis... souffla le vert d'un air déçu.

- Parce que t'es ami avec tout le monde toi ?

- Non... Mais ça me fait quand même plaisir de revoir certaines personnes... pas toi ? demanda-t-il l'air passif, en observant la poêle.

Xavier aurait pu répondre. Cependant, il continuait de fixer Jordan sans vraiment avoir pris en compte sa question. Son cerveau s'était mis en pause l'espace d'un instant. Le plus jeune, lui, semblait encore plus absorbé par ses pancakes que lui par ses pensées. Il avait la tête nonchalamment penchée sur le côté. Et le col de son t-shirt, tiré, dévoilait une épaule nue, à la peau lisse et brunie. Le roux resserra sa mâchoire. Ce simple détail le déstabilisait plus qu'il ne voulait l'admettre.

Jordan releva les yeux vers lui.

- Tu devrais surveiller tes pancakes.

Merde.

Xavier, comme pris sur le fait, reposa rapidement son attention sur son déjeuner qui était plus que cuit.

Jordan, de son côté s'écarta, et sortit deux assiettes qu'il posa sur la table.

Pourquoi paniquer d'un coup ? C'était juste un t-shirt... un stupide t-shirt qui rendait son colocataire beaucoup trop séduisant. Plus le temps passait, plus il avait l'impression de flancher en sa compagnie. Le pire dans cette histoire, c'était que Jordan ne s'en rendait même pas compte.

Ou peut-être que si...

Non, impossible, c'était le garçon le plus innocent de cette terre.

Alors pourquoi cet air assuré planait sur son visage en même temps qu'il le regardait faire ses crêpes ?

L'homme aux yeux sarcelles resserra sa prise sur la poignée de la poêle.

" Arrête de t'imaginer des trucs, rappelle-toi : tu l'héberges pour lui rendre service, pas pour que tu déconnes et que ça finisse comme une de ces RomComs... "

À force de se poser mille et une questions sur le pourquoi du comment, Xavier renversa maladroitement de la pâte à côté.

- À quoi tu penses ?

L'homme aux lunettes soupira profondément, comme s'il s'autorisait enfin à relâcher tout l'air qu'il contenait en lui depuis le début de leur conversation.

- Rien... Je réfléchissais juste à ce que j'allais dire à la réunion de direction cet aprèm, lâcha-t-il un peu trop directement, en essayant de rester le plus naturel possible.

Jordan arqua un sourcil.

- Il est 8:00 du matin et tu penses déjà à ça ?

Le roux haussa les épaules en signe de réponse, muet.

- Tu devrais manger avant. Tes pancakes sont super bons ! Faudrait pas que tu rates ça, vu la concentration que t'as pris pour les faire, insinua Jordan, tentant de faire rire son ami.

Xavier lui offrit un petit sourire forcé, mais ne dit rien de plus. Le vert continua de le fixer, cette fois-ci avec un air plus sérieux. Il était vrai que ces derniers jours n'avaient pas été de tout repos pour son patron. Il était peut-être plus préoccupé qu'il ne le pensait. Ce dernier se contenta de prendre son petit déjeuner avec lui, silencieusement avant de se préparer.

☆☆☆

Les portes de la salle s'ouvrirent, d'un faible grincement. Ce bruit suffit à annoncer l'arrivée du PDG et le silence immédiat des employés. Lorsqu'il fit irruption dans la salle, les cadres se levèrent respectueusement avant de s'installer. Xavier appuya alors ses mains en bout de table, face à plusieurs dossiers.

- Je vais être direct : si on continue comme ça on touche le fond.

Un tableau de données s'afficha sur la toile de projection.

- Suivez cette colonne. Les dépenses ont augmenté de 22 % en six mois. Quelqu'un peut m'expliquer comment on peut justifier une telle hausse alors que nos revenus stagnent ?

- Si je peux me permettre, certaines dépenses prévues au trimestre dernier ont été repoussées, ce qui fausse la lecture des chiffres, intervint le directeur financier. Et une partie des hausses s'explique par les ajustements récents en RH.

- Ces augmentations de coûts sont en grande partie liées aux recrutements nécessaires, s'interposa l'un des représentant. En réduisant ces effectifs on risquerait d'aggraver la situation opérationnelle et économique.

- Je le sais bien, mais vous pensez sérieusement qu'en gardant ce rythme on va s'en sortir ? Dois-je vous rappeler que nos coûts sont trop élevés par rapport à notre rentabilité ? On brûle du cash plus vite qu'on ne peut en produire, répliqua-t-il sèchement.

La salle resta silencieuse face à l'ambiance pesante qui régnait autour de la table. Le manager, qui tapotait nerveusement son stylo contre le bois, leva les yeux au ciel avant de se risquer à prendre la parole.

- Vous ne pensez pas être un peu alarmiste ? Je veux dire, c'est déjà arrivé quand votre père était aux rennes de l'entreprise, mais rien ne s'est perdu-

- Je me fiche que vous me fassiez confiance ou non, trancha Xavier d'une voix grave. À partir de maintenant, tout devient mesurable et utile. Sinon ça disparaît. C'est clair ?

Une minute s'écoula avant qu'un employé plus jeune, en bout de table, ose lever la main timidement.

- Récemment j'ai parlé à votre adjoint, Whitingale. On pensait discuter avec une autre boîte pour un partenariat. Ça pourrait une solution pour répartir l'argent et économiser ?

- De qui s'agit-il ?

- Le Groupe Kahī, reprit-il avec confiance. Ils avaient l'air intéressés par notre proposition.

- Très bien. Vous remontrez un plan clair pour demain, pas plus tard, répondit le patron d'une voix plus posé.

La réunion prit fin dans un cadre tendu. Les discussions entre collègues mêlées aux critiques fusèrent immédiatement en sortant de la salle.

- Qu'est-ce qu'il avait aujourd'hui ? Il s'énerve vraiment pour rien, s'étonna l'un deux.

- Laisse, il est juste parano...

- Un vrai tyran, j'te jure. C'était mieux avec son père, pesta un autre à voix basse.

- C'est pas un p'tit jeune qui va me dicter ce que je dois faire. Pff... quelle idée de nous refourguer son fils...

Chacun repartit à son poste, clôturant leur fin de journée.

Le silence lourd des réunions n'avait pas toujours la capacité d'étouffer les critiques que Xavier subissait dans son dos. Mais ce que ses employés pouvaient penser de lui était bien le dernier de ses soucis. Si au début de sa carrière, elles avaient eu le don de le faire vaciller, aujourd'hui cela n'avait plus d'importance. Il ne pouvait pas se permettre de douter ou de décevoir qui que ce soit. Et par qui que ce soit il pensait à son père. Il devait être aussi rationnel et rigoureux que lui.

Le roux prit l'ascenseur, vidé de cette journée, en espérant que la pression redescendrait aussi vite qu'il rentrerait chez lui. Lorsqu'il vit ses yeux dans le rétroviseur, il faillit ne pas se reconnaître. Ils étaient cernés, éteints et le vert-bleu qui colorait autrefois ses iris tournait fade depuis un moment. Xavier secoua la tête puis regarda à travers le parebrise.

" Le ciel commence à s'assombrir "

Il posa ses mains sur le volant et se mit en route.

Notes:

Purée de patates ça fait un bout de temps que j'ai rien posté - sorry j'avais le bac de français à mes trousses - Et j'vous assure que j'ai pas arrêté de bosser sur ce chapitre qui traîne dans mes notes/brouillons depuis bcp trop longtemps, même moi j'en peux plus ToT Le problème étant qu'il devait être bien plus long mais que j'ai eu l'incroyable idée de vous poster la suite dans un autre chapitre... Promis il arrivera tôt.

DONC. Comment va Xavier. Bonne question. Mais y'a pas besoin de s'inquiéter :) Tant qu'il a la possibilité de tomber sur cette vision divine de Jordan le matin, je pense qu'il peut très bien aller.....

Chapter 21

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text

De retour à l'appartement, il trouva Jordan, déjà installé en cuisine, en train de couper des poivrons. Un moule à tarte et d'autres ingrédients étaient disposés sur le plan de travail.

Le jeune homme voulu lui demander comment la réunion s'était passée, mais il devina la réponse en voyant la mine de son patron. Ce dernier plaça ses affaires sur le porte manteau, avant de se rapprocher de lui, l'air intrigué.

- Je rêve ou t'es en train de faire une pizza ?

Le secrétaire se contenta d'affirmer en chantonnant. Xavier le fixa, suspicieux.

- Tu m'as interdit d'en prendre au supermarché.

- Ben, j'ai rien contre les pizzas maison, répliqua Jordan en déposant ses tranches de poivrons dans un petit bol. C'est quand même mieux que tes trucs préparés à la va vite.

Xavier esquissa un petit sourire sarcastique. L'homme au chignon avait de plus en plus tendance à gérer les dîners seul, au point qu'il se demandait s'il ne le sous-estimait pas un peu.

- Dis voir, je sais me débrouiller aussi ! Si tu me laissais faire plus souvent... marmonna-t-il.

- T'es déjà assez occupé comme ça ! Alors si je peux t'alléger rien qu'un peu tous les soirs ça me va. Après tout on vit ensemble, un peu comme à l'orphelinat... Sauf qu'il ne reste plus que nous deux, nuança le plus jeune en haussant les épaules.

- Tu sais, t'es pas obligé de...

Xavier se contra dans son élan lorsque son ami lui offrit ce regard.

Ces yeux. Ces yeux d'un noir profond mêlés à de l'inquiétude. Cette expression sur le haut de son visage, il la connaissait bien. Jordan avait peur d'en faire trop, mais il ne pouvait pas s'en empêcher. Pourtant ce regard avait le don de faire fondre n'importe qui, et il le savait. Le roux soupira doucement avec un léger rire avant de déclarer :

- Merci. Mais si tu tiens tant à m'aider, laisse-moi m'amuser un peu.

Il releva ses manches et ouvrit le réfrigérateur.

- Un conseil, c'est meilleur avec de la viande hachée qu'avec du jambon.

Le visage de Jordan s'éclaira d'un sourire.

C'est ainsi que les deux hommes se préparèrent une pizza, au milieu de la farine envolée et de quelques taches de sauce tomates par-ci, par-là. Elle n'était pas parfaite, plutôt difforme même, mais elle avait été faite avec amour, et peu de sérieux pour être honnête... Une fois de plus, Xavier sentit un petit quelque chose se réchauffer en lui, comme il ne l'avait pas ressenti depuis longtemps – et ça lui faisait du bien.

Une pensée parcourut son esprit. Comment aurait-il passé cette soirée s'il était encore seul, dans cet appartement, à déprimer devant ses plantes, et attendre de revivre la même journée de travail inlassablement ? Il aurait commandé une pizza, pour sûr avec la même saveur, et une heure plus tard, il se serait enfilé une dose de café pour repartir devant son ordinateur. Puis il se serait endormi, en toute solitude dans le canapé, complètement vide. Pas très extravagante comme soirée...

C'est là qu'il comprit. Il comprit à quel point il était chanceux de l'avoir à ses côtés. C'était bel et bien la présence de Jordan qui lui donnait cette douce sensation de bonheur. Et pour rien au monde il n'aimerait s'en débarrasser. Avec lui il avait l'impression d'être plus. Plus que ce patron overbooké qui passait jour et nuit vidé, plus que cet homme qui devait avoir l'allure parfaite, plus qu'un tyran aux yeux de ses employés. Avec lui, il était quelqu'un.

- Hé...

Son ami, qui rajoutait une énième pincée de fromage sur sa pizza, s'arrêta presque comme prit en flagrant délit.

- Si on vivait pas ensemble, ou qu'on se connaissait pas depuis tout ce temps, tu me verrais de la même façon ? demanda Xavier, hésitant.

Le vert fit mine de réfléchir un instant. Un court silence s'empara de la pièce.

Xavier déglutit. Les battements de son cœur s'accélérèrent sans qu'il ne puisse le contrôler. Il ignorait pourquoi, mais il craignait sa réponse, peut-être même plus encore ce qu'il pensait réellement de lui. C'est alors que le son de sa voix fit taire ses doutes.

- Peut-être pas, répondit doucement Jordan. Mais j'aurais fait l'effort d'apprendre à te découvrir.

- T'as l'air bien sûr de toi, dit l'homme aux yeux émeraudes. Et pourquoi t'aurais fait ça ? demanda-t-il toujours plus curieux.

- C'est une question piège ? fit le vert sur le point de remettre du fromage.

Xavier, qui avait bien vu dans son jeu, referma le paquet de gruyère.

- On ne répond pas aux questions par des questions, répliqua-t-il en prenant le plat en mains.

Et Jordan le regarda enfourner leur pizza avec une mine boudeuse.

- Bon, si tu veux savoir la vérité, je crois que c'est de nature chez moi. J'observe beaucoup les gens en général donc...

- Donc tu m'observes ? continua le roux, toujours plus taquin, en accrochant un torchon.

Le secrétaire cligna des yeux et garda la bouche mi-ouverte, un peu pris de surprise. Est- ce que ça crevait les yeux ? Peut-être. Allait-il rester sur ce point ? Non.

- Pas plus que toi, murmura-t-il le teint rouge.

"Touché" pensa Xavier en le dévisageant, incapable de retenir un petit sourire en coin.

Le bip du four les rappela à l'ordre, les amenant à jeter un coup d'œil au plat à l'intérieur et peut-être même les empêcher d'aller plus loin.

Pendant ce bref moment d'attente, Jordan avait sorti deux verres et versé un fond de vin rouge dans chacun, venant d'une bouteille entamée qui traînait dans le placard. Le tout avait été posé négligemment sur la table.

- Sérieux, t'étais pas obligé de mettre autant de fromage par-dessus, pointa le roux en faisant la moue.

- Tu ne vas pas continuer de me rappeler à l'ordre même en cuisine... N'est-ce pas monsieur le PDG ?

- Si tu pouvais arrêter de m'appeler comme ça en dehors du boulot, ça craint...

L'homme à la peau mate haussa un sourcil, un air de malice accroché à son regard.

- Oh excusez-moi, cela vous dérange tant que ça ? Vous préférez peut-être président ? demanda-t-il d'un ton faussement innocent.

- Ça dépend de toi Greenway. Mais à ta place je ne continuerais pas, répondit Xavier, en s'avançant d'un pas vers lui.

- D'accord monsieur le PDG, souffla Jordan, une teinte de provocation dans les yeux, tandis qu'il trempait ses lèvres dans son verre.

L'air se réchauffait. Ce jeu commençait à prendre une tournure électrique. Pourtant, chacun avait l'air de savoir dans quoi il s'embarquait. Cette fois-ci Xavier sourit, l'air assuré.

- Je vois que t'aimes bien faire exprès la pistache, mais ça va te retomber dessus si tu continue dans cette voie.

- Peut être, et alors ?

- Alors je suppose que ce n'est pas la seule chose que tu fais exprès ? continua l'homme aux yeux sarcelles, se rapprochant un peu plus du vert.

- Tout juste.

Si un seul verre de vin pouvait rendre toute sa franchise à Jordan, Xavier n'allait certainement pas s'en priver.

- Donc tu fais aussi exprès de te tromper de t-shirt le matin ?

Le sourire provocateur de Jordan tomba doucement, presque tremblant alors qu'il sentit un courant électrique parcourir son échine.

"Gagné" pensa le boss avec un sourire subtil sur son visage.

- Bon, j'arrête de dire des conneries, souffla-t-il en posant la main sur la table, rompant soudainement le jeu.

☆☆☆

Quelques minutes plus tard, la pizza trônait désormais entre eux, encore fumante, entourée d'assiettes et de couverts posés à la va-vite. Jordan s'était déjà servi une part trop grande pour être raisonnable.

Ils parlaient depuis un moment déjà, entre deux bouchées, passant d'un sujet à l'autre sans y penser.

- Au fait, depuis combien de temps tu sais conduire une moto ?

- Claude m'avait donné quelques tuyaux, mais j'ai essentiellement appris à la fac avec des potes.

- Ah je vois... Des potes comme Tyler par exemple ?

- Heu... ouais... Enfin, ce n'est pas vraiment important de savoir qui m'a appris à conduire, fit Jordan, tentant de détourner le sujet.

Xavier haussa un sourcil.

- Tant que tu ne nous fait pas d'accident...

- Si tu veux tout savoir on n'était pas à l'abris des catastrophes au début... Lors de mon premier essai, j'ai failli écraser mon prof d'éco sur le parking. Je crois que je n'ai jamais eu aussi honte de ma vie !

- Quoi !? Tu ne m'en avais jamais parlé ! s'interloqua le roux. 

- Je ne pense pas que tu avais vraiment le temps d'écouter toutes mes mésaventures au téléphone... avoua Jordan, un peu gêné.

- Dis voir, il y a d'autres choses que tu me caches encore ?

- Ah non, maintenant c'est à ton tour ! Y'a pas des trucs honteux dont tu ne m'as jamais parlé ?

Il était vrai que Xavier rapportait peu d'anecdotes de la fac ou de ses débuts dans le monde du travail. Après tout ce n'était pas très passionnant. Mais il y a bien eu une fois où... L'homme au teint pâle reposa sa fourchette en soupirant.

- Ok, c'était à ma toute première fête d'entreprise. La DRH m'avait traîné sur la piste, et comme je savais pas danser, je lui ai écrasé le pied. Elle s'était retenue d'hurler dans la salle mais je crois qu'elle avait failli m'en coller une...

Un rire cristallin s'échappa des lèvres de Jordan. Il n'essaya même pas de le cacher, le fait que son ami ait eu la chance d'exhiber ses « exploits » en danse le pliait en deux.

- Tu sais quoi ? J'ai qu'à t'apprendre. Au moins on évitera un autre massacre, dit-il en se levant de sa chaise.

Le plus grand lui lança un regard du style « tu déconnes là », ce à quoi il lui répondit « je suis sérieux, aller tu vas pas de dégonfler pour si peu.» Xavier se résigna à rejoindre son ami.

Il s'apprêta à poser ses mains sur ses hanches, pensant prendre une bonne initiative, mais celui-ci l'arrêta aussitôt en saisissant ses poignets.

- Pas d'impro : c'est moi le prof, c'est moi qui guide.

- D-Désolé, répondit-il, à la fois surpris et amusé par l'autorité soudaine de son partenaire.

Jordan leva les yeux au ciel, un sourire sur le coin des lèvres. Sa tendance à vouloir tout contrôler prenait souvent le dessus. Il lança une musique de fond sur son téléphone qu'il posa sur la table.

- La base c'est ça : un, deux, trois, pause. Cinq, six, sept, pause. Et détend un peu tes épaules, je ne danse pas avec un piquet.

Xavier rit nerveusement. Il était certainement plus stressé qu'il ne voulait l'admettre. Il laissa l'homme au chignon poser une main sur son épaule et entrelacer ses doigts dans sa main libre. Celui ci l'entraîna, d'abord lentement, tout en comptant. Il répéta ses instructions en prenant soin de ne pas se tromper, scrutant d'une part ses pieds, de l'autre son professeur, de manière successive. Puis il commença à focaliser son attention sur Jordan. Il l'observa, lui, et la façon dont son regard restait ancré dans le sien, comme un repère. La façon dont ses lèvres s'entre-ouvraient lorsqu'il comptait, sans pour autant réellement bouger. Écoutait-il vraiment le rythme imposé depuis tout à l'heure ?

- Tu peux y aller, je ne t'en voudrai pas si tu trébuches, dit alors Jordan d'une voix plus douce.

Le rouquin cligna des yeux. Il devait se reprendre.

- D'accord, mais ça va ? Je veux dire j'ai l'air de gérer ? questionna-t-il sous un ton blagueur.

- Tu te débrouilles, répondit son partenaire avec un petit rire. Mais il manque un truc... Le problème c'est que t'es trop tendu.

Ils ralentirent le pas. Son rythme n'était pas mauvais, mais il ne s'abandonnait pas encore à la musique. Ses mouvements étaient encore trop calculés, et pour ne pas mentir, il était un peu coincé.

- Tu cherches trop à suivre les règles qu'on t'a indiqué. C'est un peu comme un blocage que tu t'imposes à toi même, juste pour être sûr d'être parfait, expliqua le vert.

- Tu crois ?

Jordan acquiesça.

Tous ces petits gestes, ces regards impartiaux, ces façons d'agir ou de parler devant les gens, le jeune homme les avait bien notés. Xavier semblait avoir toujours été comme cela. Mais récemment, cette façade qu'il s'efforçait de garder intacte commençait à peser lourd et l'empêchait d'avancer. Et ça se voyait dans sa posture en danse : trop droite, trop raide.

- Il te suffit de lâcher prise, de te le laisser guider par la musique.

- Je sais pas trop si je suis prêt à lâcher prise, admit Xavier, confus.

Son partenaire esquissa un sourire compatissant.

- Xav' on est entre nous. Tu n'as pas besoin de plaire à qui que ce soit ici.

Xavier sentit sa gorge se nouer. Inconsciemment, il resserra un peu plus la prise sur sa main. Sa paume était chaude, et elle réchauffait de plus en plus le reste de son être. Si bien que cette fois-ci un trop plein l'avait envahi. C'était trop grand pour pouvoir le dissimuler sous l'humour. Trop grand pour le cacher. 

Il tombait amoureux. 

Le silence était retombé depuis quelque secondes. L'homme aux lunettes donna alors une réponse à ce qui semblait être une évidence aux yeux de Jordan. 

"Tu n'as pas besoin de plaire à qui que ce soit ici"

- Si, toi.

Notes:

J'ose finir la dessus je sais je suis horrible- ça commence à fortement vaciller entre nos deux bebous mais croyez pas qu'ils vont se marier juste après cette pizza au contraire... Alors qui craquera le premier ?