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La Voyageuse apathique

Summary:

Elle s’était échappée d’une boucle de souffrance éternelle, d’apathie…
Elle avait combattu un Tyran, sauvé le système solaire. Sans parler de l’Homme dans le Mur.
Elle n’avait pas eu le temps de digérer tout ça, et la voilà à nouveau en mission, à réparer les conneries d’Entrati.

Arff… Comment devait-elle faire ? En parler à l’Enfant ?
Ses mains glissèrent lentement sur son visage.
Elle était… pathétique.
Et pourtant, c’était encore elle qu’on envoyait sauver le monde.

Chapter 1: La première fissure

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text


ARRIÈRE-SALLE, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN — 5 MAI 1999

« Mmh… »
Les yeux de la Voyageuse étaient posés sur la paume de sa main droite. Elle la frôla du pouce, songeuse. La cicatrice avait beau avoir disparu, le souvenir, lui, restait vif. En vouloir à Arthur ? Peut-être qu’une pointe de rancune l’avait traversée au moment où la lame s’était enfoncée dans sa chair. Mais elle avait mérité ce coup : s’immiscer dans la tête de quelqu’un, via la transférence, n’avait rien d’anodin. Elle avait eu de la chance : en croisant son regard, elle avait compris qu’elle aurait pu perdre bien plus que sa main.

Une mèche blonde lui échappa et vint lui chatouiller la joue. Elle souffla dessus, lasse, puis s’arrêta sur le regard doré de Kyro. Le kubrow noir s’était planté devant elle, assis, la truffe frémissante.

« Quoi ? »

Un aboiement fut la seule réponse qu’eut la Voyageuse avant que l’animal ne renifle sa main.

« Hey, je n’ai pas de... cro-cro… truc… »

Il pencha la tête, les oreilles dressées. Elle soupira.

« Croquettes. »

À ce mot, Kyro bondit, la queue frétillante.
« Ok ok, j’irai en chercher. »

Elle se releva du canapé rouge de l’arrière-salle et tapota la tête du fier canidé, qui aboya à nouveau, satisfait de la décision de sa maîtresse. Puis il se laissa tomber sur le tapis élimé sous ses pattes. Mission accomplie.

« Il est temps de faire un peu de nettoyage… » souffla-t-elle dans un étirement, encore engourdie par sa dernière mission sur Saturne, les muscles lourds et l’esprit en vrac.

La faction de Narmer avait beau être tombée, des traces de son influence persistaient. Avec Kahl, elle faisait le ménage. Elle avait gardé ce réflexe tenace : partir en mission à la place de l’Enfant dès qu’elle le pouvait. Pourquoi ? Elle ne savait pas — pas encore.

Le bruit sourd de ses mains contre ses joues surprit Kyro, qui leva son museau pour l’observer, perplexe. Il finit par pencher la tête, la suivant du regard alors qu’elle sortait de l’arrière-salle.


1ER ÉTAGE, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN — 5 MAI 1999

« Ay babas— »

La médecin s’interrompit, les sourcils froncés, en découvrant le visage rouge de la jeune femme, qui la salua d’un geste maladroit, se dirigeant vers les escaliers.

« Tu es malade ? »

Leticia s’empressa de rejoindre la Voyageuse, qui s’était arrêtée pour l’observer d’un petit air dubitatif. Les voix de ses patients résonnaient dans son dos, couvertes par la musique qui sortait des haut-parleurs du centre commercial.

« Non, juste fatiguée— »

Elle s’interrompit en sentant le doigt de la Protoframe sur sa joue encore brûlante.

« Babas, je ne sais pas ce que tu as fait, mais… »
Un sourire étrange se dessina sur les lèvres de Lettie. Il s’estompa aussitôt, remplacé par un soupir.
« Mierda, trop tôt. »

Elle tapota le haut du crâne de la Voyageuse, qui l’observait, confuse. Leticia conclut d’un petit ricanement :
« Je t’apprendrai, un soir. Hasta luego ! »

Perplexe, la blonde la suivit du regard alors que Lettie repartait vers ses patients, ses talons claquant sur le carrelage. Elle l’interrogerait plus tard sur ces fameuses leçons nocturnes.

Son attention glissa vers la musique en fond. Ce n’était pas la bande habituelle. Il y avait donc autre chose que le groupe d’On-Lyne à écouter dans le passé ?


GARAGE (EX-PARKING), CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN — 5 MAI 1999

« Tu pars faire du ménage ? » lança Aoi, penchée sur l’atomicycle d’Arthur, alors que la vagabonde passait le pas de la porte vitrée. Elle se redressa, essuyant ses doigts tachés de cambouis à l’aide d’un chiffon.

« Oui, ça fait un moment que— Quoi ? » demanda-t-elle alors que son amie la fixait.
« Pourquoi es-tu toute rouge ? Tu as de la fièvre ?! » s’affola Aoi.
« Aoi. »

La Voyageuse sentit la main de cette dernière sur son front. L’odeur d’huile et de métal chaud emplissait l’air, contrastant avec la douceur du geste. Elle attrapa la main de son amie.

« Je vais bien, je me suis juste… frappée les joues. »
« Hein ? Pourquoi ? »
« Mon esprit s’est embrouillé. »

Aoi éclata de rire, imaginant la scène. Elle avait cette manie de gérer ses émotions comme un combat. Elle devait vraiment l’aider sur ce point.

« Quoi ? »
« La prochaine fois, envoie-moi un message au lieu de t’autoflageller, » sourit-elle avant de récupérer sa main.
« …Noté. »

Elle devait admettre que ses échanges avec Aoi, via la messagerie, lui faisaient du bien. C’était doux, léger — surtout après ses missions.

La Voyageuse reporta son attention sur la Protoframe, redevenue sérieuse.

« Je te l’ai préparé au cas où, donc tu peux y aller. »
Inquiète, Aoi la toisa.
« Tu as l’habitude d’y aller seule… mais tu es sûre ? Amir a intercepté des signaux radio indiquant que la Scaldra a renforcé ses escadrons déjà sur place— »
« C’est justement une bonne raison d’y aller. »

Aoi croisa les bras, mais n’insista pas.

« Camarade, tu n’penses pas que t’oublies un truc ? »

La voix de Quincy les interrompit. Le sniper arborait un sourire en coin, adossé au cadre de la porte. Un long silence s’installa, rythmé par le clignotement des néons.

La Voyageuse baissa les yeux.
« Ah. » Elle fixa ses mains. « La Warframe. »

Elle fila sous le nez du soldat, le laissant, un sourcil arqué, amusé.

« Bonne idée d’la laisser y aller seule alors qu’elle zappe son super matos ? » lança-t-il à la mécanicienne, levant le pouce dans la direction empruntée par la blonde.

Celle-ci haussa les épaules. Changer l’avis d’une tête brûlée ? Mission impossible.


1ER ÉTAGE, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN — 5 MAI 1999

« Voyageuse. »

Le ton tranchant d’Arthur stoppa net la jeune femme, juste devant la porte menant à l’arrière-salle.

« Arthur. »

Elle se tourna face à lui. Il toussota, cherchant à retrouver son sérieux, piqué par sa fâcheuse habitude qui l’amusait autant qu’elle l’irritait.

« Tu pars en mission ? Seule ? »
« …Oui. »

Un silence s’abattit, perturbé par le brouhaha des réfugiés et la musique du centre commercial. Le chef de l’Hexagone la détailla, un sourcil arqué.

« Donc, tu comptais partir sans armes et sans— »
Il s’interrompit, son regard glissant de haut en bas.
« Warframe ? »

La Voyageuse resta figée, une lointaine sensation la gagnant. Arff. Qu’est-ce que c’était, ça ? De... la gêne ? Elle finit par se frotter l’arrière de la nuque.

« J’ai... oublié ? »

Elle détourna le regard, agacée par son oubli grotesque.

Exaspéré, le brun soupira, ses traits se durcissant.

« J’ai encore un peu de mal — parfois. Ça… arrive. »

Elle se laissa troubler par ce souvenir lancinant de Duviri, des années passées à se battre à mains nues. Merde ! Son esprit s’embrouillait encore, mais elle devait éviter les gifles cette fois.

Arthur observa son poignet qu’elle maintenait nerveusement, puis s’approcha d’elle, son regard se posant sur son visage. Elle déglutit.

Elle décida d’affronter sa propre bêtise et soutint le sien… mais quelque chose avait changé dans le gris de sa pupille valide.

« …Tu as de la fièvre ? »
« Par le Néant ! » rouspéta-t-elle avant de lui claquer la porte au nez.

Surpris, il resta figé une seconde avant de froncer les sourcils.

« ELEANOR ! » s’écria-t-il alors que le rire cristallin de sa sœur résonnait dans son esprit.


GARAGE (EX-PARKING), CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN — 5 MAI 1999

« Bah alors, plus motivée pour le ménage ? » plaisanta Aoi.

La Warframe de la Voyageuse reposait contre son atomicycle. L’air du garage était lourd de poussière et d’huile rance. La blonde soupira. Aoi n’était pas le problème. Arthur, en revanche… Super, elle qui voulait juste un peu de calme après l’agitation de tout à l’heure.

Elle s’attarda sur la main de Valkyr. Elle s’y sentait presque bien. Comme si elle comprenait son mal-être—

« Marty. »

La voix d’Arthur la ramena sur terre.

La concernée releva la tête, encore un peu confuse.
« Oui, pardon. »
« Tu crois qu'on aura le temps de t’entendre t’excuser quand on passera l’arme à gauche ? » Son ton s’était fait plus dur, ses sourcils froncés.

Un silence pesa entre le trio jusqu’à ce qu’Aoi intervienne.

« Arthur, ça arrive à tout le monde, les mauvais jours ! » Elle posa une main sur l’épaule froide de la Warframe. « Elle n’a jamais failli en mission, au contraire. Elle mérite un peu de— »
« Tu crois que la Scaldra va la ménager ? » coupa-t-il sèchement avant de se diriger vers son atomicycle d’un pas lourd. « Si tu n’es pas capable de te concentrer un minimum pour notre survie, tu peux rester sur ton fichu vaisseau. »

Aoi lâcha un « Arthur ! » couvert par le grondement du moteur.

La vagabonde le suivit du regard avant de s’installer sur son deux-roues, sans un mot.

Tch, qu’est-ce qu’il pouvait être désagréable, parfois, celui-là !
La bleutée soupira, agacée. Entre son chef trop dur et son amie trop fermée, elle ne savait pas lequel des deux elle avait envie de secouer. Arghhh !

Elle finit par agiter la tête, se focalisant sur l’essentiel : la mission. La discussion serait pour plus tard.

« Allons-y, » lança Arthur, prenant la tête de l’escouade.


REZ-DE-CHAUSSÉE, CANAPY, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN - 5 MAI 1999

« Wouaaah. »

Amir s’effondra dans un canapé de l’ancienne boutique de meubles, qui protesta dans un grincement fatigué.
« Heureusement que je n’y étais pas, l’ambiance devait être mortelle. »

Lettie approuva d’un hochement de tête, assise au bord de la table basse où s’entassaient des boîtes de pizza encore tièdes, l’odeur de fromage fondu emplissant la pièce.

« Pas fichu de comprendre que les gens peuvent avoir la tête ailleurs... surtout quand tu es occupée à sauver les fesses de milliers de personnes TOUS LES JOURS, DANS L’ESPACE, DANS LE PASSÉ, DANS LE— » s’emporta Aoi avant qu’Eleanor ne lui glisse une part de pizza entre les lèvres.

« Oui oui, tu as raison, ma petite Aoi, » sourit la journaliste.
« Après— »

Quincy s’interrompit, fusillé du regard par Aoi. Il finit par lever les yeux au plafond, croisant les bras. Aaah, les femmes et leur fichue empathie.

« Il a juste besoin de tirer un co— »

À nouveau coupé, cette fois par une énorme plainte télépathique qui le fit grimacer. Il finit par souffler : « Roh, ça va… », sous la moue approbatrice de la médecin.

« Du coup, je propose qu’on se fasse une partie de— »
« NON ! » répliquèrent en chœur Aoi et Quincy, sous la mine boudeuse d’Amir.

« Je pense qu’il doit déjà se torturer l’esprit, Aoi. »

Eleanor prit appui contre le coin du canapé où ruminait la bleutée, un petit sourire au coin des lèvres, sous l’observation perplexe de Lettie. L’éleveuse de rats ne savait pas si c’était parce que la télépathe s’amusait à lire dans l’esprit de son jumeau ou parce qu’elle le connaissait par cœur.

« Hm. » conclut Aoi.

Après une réflexion silencieuse, elle lâcha un dernier soupir avant de mâchouiller nerveusement la part offerte par Eleanor.
« On verra. »


ARRIÈRE-SALLE, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN — 5 MAI 1999

Au même moment, dans le calme retrouvé de l’arrière-salle, la Voyageuse contemplait Kyro engloutir joyeusement ses croquettes. La gamelle en métal tintait sous ses dents, accompagnant la tranquillité de la pièce, bercée par le ronronnement des machines.

Elle s’affala dans le petit fauteuil, la tête renversée vers le faux plafond qui séparait la mezzanine.

Décrire ce qu’elle ressentait ? Impossible. Tout se brouillait. Une seule certitude demeurait : ce n’était pas agréable.

Elle peinait encore à encaisser cette « nouvelle vie ». Elle redécouvrait tout.

Elle s’était échappée d’une boucle de souffrance éternelle, d’apathie... Elle avait combattu un Tyran et sauvé le système solaire. Sans parler de l’Homme dans le Mur... Elle n’avait pas eu le temps de digérer tout ça, et la voilà à nouveau en mission, à essayer de réparer les conneries d’Entrati.

Arff... Comment devait-elle faire ? En parler à l’Enfant ?

Ses mains glissèrent lentement sur son visage, s’accrochant à son cuir chevelu comme pour retenir ses pensées.

Elle était… pathétique.
Et pourtant, c’était encore elle qu’on envoyait sauver le monde.

Notes:

Hello, merci d’avoir lu ce premier chapitre !
Dans ma tête, il sonne plus comme un prologue que comme un chapitre, je l'avoue. 😅

Je joue à Warframe depuis longtemps, et j’ai toujours adoré son univers — ce lore complètement mind-blowing.
Warframe 1999 m’a fait tomber amoureuse de ses personnages, et encore plus du "Voyageur".

J’ai donc voulu écrire un peu plus sur ce personnage, en me demandant comment il aurait pu se relever après tout ça. Le jeu a donné quelques bribes, et je me suis dit : “Allons-y Francine, écrivons une fanfiction, ça fait longtemps !”

J’ai longtemps hésité avant de me lancer, notamment à cause de la traduction française du jeu.
J’ai essayé de rester aussi fidèle que possible tout en respectant notre belle langue.

Et puis, il faut bien l’avouer, il y a peu — voire pas du tout — de fanfictions francophones ici.

N’hésitez pas à me faire des retours, positifs comme négatifs (les fautes aussi, je ne les vois plus à force de me relire) ! C’est ce qui m’a motivée à enfin publier. 💫