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La Voyageuse apathique

Chapter 8: Problème d'adulte

Summary:

« Parfois, ressentir ça peut être compliqué, surtout quand c’est nouveau… ou parce que tu as oublié comment c’était. »

La Voyageuse releva les yeux vers elle.

« C’est humain. »
« Humain… » répéta-t-elle dans un souffle.

Notes:

(See the end of the chapter for notes.)

Chapter Text


CAFÉTÉRIA, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN, 23 AOÛT 

La Voyageuse tapotait nerveusement sa tasse du bout des doigts, observant la surface vibrer. 
Il était tôt. Trop tôt.  
Personne n’était encore levé. 

Elle avait passé la nuit à chercher comment aborder le sujet.  
C’était sensible, sans doute.  
Lettie était médecin, elle ne la jugerait pas… au contraire. 

Elle soupira et s’affala sur la table de la cafétéria, les paupières lourdes. Ses yeux picotaient.  
Elle les ferma un instant. 

« Ça sert à rien de te lever tôt si c’est pour t’endormir sur la table. » 

Elle entrouvrit un œil.  
Quincy s’était installé en face, tasse fumante à la main. 
Elle soupira et le referma aussitôt. 

« J’arrivais pas à dormir de toute façon. » 

Il but une gorgée, posa sa tasse contre le métal de la table.  
Son regard s’arrêta sur les mèches blondes éparpillées près de sa main. 

« Et qu’est-ce qui te travaille ? » 
Ses doigts se glissèrent machinalement dans une mèche, qu’il coinça sans même s’en rendre compte. 

La Voyageuse ouvrit les yeux, sentant sa mèche prisonnière. 
Elle se redressa lentement, posa un coude sur la table pour soutenir son menton.  
Ses yeux lilas se plantèrent dans le regard ambré du sniper. 
Il haussa les sourcils, surpris par leur intensité. 

« T’as des problèmes d’hormones ? » 

Quincy resta figé, la bouche entrouverte. 
Ses doigts lâchèrent la mèche comme s’il s’était brûlé. 
Il se redressa trop vite, manquant de renverser son café. Une chaleur soudaine lui monta aux joues. 
La chaise racla bruyamment le sol. 

« Pff ! N’importe quoi ! C’était… réflexe. » 
Il grommela et sortit précipitamment. 

Un instant plus tard, il revint sur ses pas, attrapa la tasse qu’il avait oubliée, puis disparut pour de bon, ses oreilles bien rouges. 

La Voyageuse resta interdite, fixant la porte close. 

On dirait que lui aussi en avait…  
L’Enfant avait donc peut-être raison. 

 


1IER ÉTAGE, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN, 23 AOÛT 

La Voyageuse avait décidé de partir en mission seule.  
Elle avait besoin de réfléchir à tout ça, et retourner du Scaldra en paix l’aidait toujours. 

Elle avait ignoré les plaintes d’Aoi, qui l’avait menacée d’en parler à Arthur.  
La blonde s’était contentée de soupirer, sachant pertinemment qu’elle n’en ferait rien.  
Et puis, au pire, il le découvrirait seul et aurait droit à un centième sermon. 

Elle sortit de la boutique menant à l’arrière-salle, traînant des pieds jusqu’à l’infirmerie de fortune de Lettie. 

La médecin recousait un civil, concentrée, tandis que la jeune femme s’appuyait contre le mur, bras croisés, attendant patiemment. 
Son regard se posa sur le rat perché sur l’épaule de Lettie. Il observait chaque geste avec une intensité telle qu’on aurait dit qu’il essayait d’apprendre la suture. 

Une fois le patient parti, Lettie se redressa et son regard glissa vers la Voyageuse. 

« Babas, tu es blessée ? » 

« Non. » 

Le ton, un peu trop neutre, alerta aussitôt la médecin. 
La Voyageuse se décolla du mur, soupira et s’approcha, chaque pas semblant peser. Elle se frotta nerveusement la nuque. 

« Ça peut être grave, les problèmes d’hormones ? » 

Lettie s’étouffa dans sa salive. Elle toussa si fort que le rat sur son épaule sursauta, les moustaches hérissées. Elle fixa la blonde, les yeux écarquillés. Elle était sérieuse ? 

La médecin jeta un regard à son compagnon à fourrure, qui le lui rendit, l’air tout aussi troublé. Puis elle reporta ses yeux sur la Voyageuse, qui triturait nerveusement ses doigts. 

Mierda. Elle était sérieuse.  
Lettie se racla la gorge. 

« Hm… tu as— tu ressens des changements ? » 

La Voyageuse haussa les sourcils. « Des changements ? » 

« Oui, vis-à-vis de ton corps… » souffla Lettie. 

« Non. » 
Sa réponse fusa, ses yeux ronds. 

Lettie soupira, posant les mains sur ses hanches. « Alors pourquoi tu me parles de tes hormones ? » 

« L’Enfant m’a dit que c’était compliqué pour les adultes à gérer… » 
Elle finit par baisser les yeux. « …Et que ça expliquerait pourquoi je ne comprends pas tout... émotionnellement. » 

Le regard de Lettie s’adoucit face à cet aveu. 
Elle s’approcha et glissa une main sur son épaule. 

« Parfois, ressentir ça peut être compliqué, surtout quand c’est nouveau… ou parce que tu as oublié comment c’était. » 

La Voyageuse releva les yeux vers elle. 

« C’est humain. » 
« Humain… » répéta-t-elle dans un souffle. 

Ses épaules se relâchèrent, et un faible sourire étira ses lèvres.  
« Je vois. Merci, Lettie. » 

La médecin retira sa main, croisant les bras sur sa poitrine.  
« No hay problema. » 

La Voyageuse finit par la saluer d’un bref geste de la main avant de tourner les talons. 
Lettie la suivit du regard avant de soupirer à nouveau : elle espérait juste qu’elle n’en ait pas parlé à quelqu’un d’autre… 

 


REZ-DE-CHAUSEE, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN, 23 AOÛT 

« Moi ? Des problèmes d’hormones ?! » s’étrangla Quincy en abattant une nouvelle cible d’un tir. 

Il souffla nerveusement, appuyant son arme contre son épaule.  
Merde, elle l’avait piqué juste pour cette foutue mèche de cheveux ? …En vrai, il n’avait pas fait exprès. C’était limite inconscient… Ils avaient l’air si doux 

Il grimaça, secouant la tête.  

« Oula, on dirait que tu vas tuer quelqu’un. » 

Son souffle se coupa net. 
Il glissa son regard sur la Voyageuse, installée nonchalamment contre une des barrières de fortune. 

« À qui la faute ? » grommela-t-il avant de se repositionner. 

La jeune femme haussa un sourcil.  
« À cause de tes hormones ? » 

Il se mordit presque la langue, tapant nerveusement du pied avant de tourner la tête vers elle, les yeux écarquillés. 

« Mais c’quoi ton putain de problème avec mes hormones ?! » 

Il ne savait pas s’il devait l’étrangler sur place ou se servir de son joli minois comme cible. 

Elle le fixa longuement, avant que son regard ne glisse lentement de haut en bas sur lui — ce qui le fit déglutir. Ses doigts se crispèrent sur la crosse. 

« Lettie m’a dit que s’il n’y avait pas de changements physiques, y’avait pas de souci à se faire », conclut-elle avec un petit sourire, le pouce levé vers lui. 

La mine de Quincy s’assombrit tandis que son regard se posait sur ce pouce levé : pourquoi avait-il envie de le tordre ? 
Est-ce que c’était parce qu’elle avait mentionné Lettie ? 
Qu’est-ce qu’elle avait bien pu lui dire ? 

Il soupira nerveusement et déposa son arme sur la table à côté de lui. 

« Allez, t’inquiète ! » 
Elle vint lui tapoter l’épaule avant de s’en aller, un sourire se voulant rassurant aux lèvres. 

Il la suivit du regard, le visage fermé. 
Elle se foutait de sa gueule.  
C’était obligé. 

 


ARRIÈRE-SALLE, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN, 23 AOÛT 

C’était le début de soirée. L’arrière-salle était éclairée par les vieux spots suspendus au plafond.  
Le briefing traînait depuis une bonne heure.  

Kaya exposait ses derniers relevés concernant la boucle, et le groupe était réuni autour de la grande tablée. La Voyageuse, elle, piquait du nez, les nuits trop courtes la rattrapant.  
Elle devait absolument dormir ce soir. 

Son attention glissa malgré elle vers Arthur, à l’autre bout de la table, concentré sur les paroles de l’adolescente. Elle observa, machinalement, chaque cicatrice, chaque ligne de son visage, avant que son regard ne glisse jusqu’aux plaques à son cou. Elle fronça les sourcils, troublée par son propre manque de concentration, et se tapota discrètement les joues pour se ressaisir. 

« Tu devrais essayer de dormir ce soir… » souffla Aoi, penchée vers elle, un petit sourire aux lèvres. 
« Je sais… » murmura-t-elle, la voix à peine audible. 

Elle tenta de se reconcentrer sur Kaya, qui venait de conclure son exposé. 

« Des questions ? » lança la jeune fille. 
« …Dis-moi juste si je dois cramer du Scaldra ou du Techrot » commenta Flare, s'agitant sur sa chaise, ses doigts grattant machinalement les cordes de Lizzie. 

Kaya leva un sourcil, exaspérée par le ricanement de Velimir.  
Minerva se racla la gorge et tapota doucement le dos de l’homme de glace pour le faire taire. 

« Très bien, merci Kaya. » 
Arthur se redressa, attrapant le dossier devant lui. 

Kaya le suivit du regard, un léger sourire aux lèvres, puis s’approcha, prétextant vouloir discuter d’un détail qui la perturbait. 

Mais le brouhaha ambiant fut brisé par le pas lourd de Quincy.  
Il se leva brusquement et s’avança vers la Voyageuse. L’air de la pièce sembla se figer. 

« Toi. » 

Son ton sec la tira instantanément de sa somnolence.  
Il posa sa paume sur la table, son ombre la recouvrant, et se pencha vers elle. 

« Faut qu’on parle », souffla-t-il, chaque mot résonnant comme un ordre. 

La Voyageuse cligna des yeux, surprise, et le suivit du regard alors qu’il sortait de la pièce. 
Elle tourna la tête vers Aoi, qui haussa les épaules, elle aussi perdue. 
Elle se leva lourdement pour le suivre.  
Et dire qu’elle voulait juste dormir… 

Le silence retomba sur la tablée. Même Flare avait cessé de s’agiter, les sourcils haussés. 

« Ça a l’air tendu » murmura Kaya, les yeux rivés sur la sortie. 

Arthur, lui, fixait la chaise vide de la Voyageuse. Son doigt tapotait machinalement le dossier. Il plissa son regard, rejouant la scène dans sa tête, avant de le reporter vers la porte. 

Le souffle lourd de Lettie ramena l’attention sur elle.  
Elle se tenait la tête entre les mains.  

Mierda. 

On dirait qu’elle avait vraiment parlé de ça… et pas à la bonne personne. 

Eleanor la fixa, sourcils haussés, avant de relever les yeux vers son frère, qui l’interrogeait du regard. 
Elle se contenta d’un sourire… amusé. 

 


REZ-DE-CHAUSSEE, CENTRE COMMERCIAL HÖLLVANIEN, 23 AOÛT 

Assise sur une caisse, la Voyageuse balançait distraitement les jambes pendant que Quincy tournait en rond devant elle depuis plusieurs minutes, sans lâcher un mot.  
Un bâillement lui échappa. 

Le bruit fit sursauter le sniper. 
Il s’arrêta net, relevant un regard agacé vers elle. 

« Si tu m’as dit ça à cause de ta mèche... » Il s’interrompit, se massant la tempe. 
« Hein ? » 
«...Les hormones. » 

Elle le fixa, interloquée, avant de croiser les bras. 
« Bah non. Je te posais une question. » 

Quincy resta un instant interdit. Le ton n’avait rien de moqueur, au contraire. 
Il soupira, venant s’appuyer contre le mur à côté d’elle, les bras croisés. 

« Et pourquoi sur ça, spécifiquement ? » 

Elle haussa les épaules, le regard perdu dans le vide, face à elle. 
« Parce que j’essaye de comprendre. » 
Elle marqua une pause. 
« Parfois, je ne sais pas trop ce que je ressens. » 

Le silence tomba. 
Quincy la regarda longuement, les doigts tapotant son avant-bras. 
Il avait peut-être un peu trop surréagi, tout à l’heure. 

« Écoute… » 
Il prit une légère inspiration. 
« Si déjà tu ressens quelque chose, c’est qu’il y a bien un petit cœur qui bat là-dessous. » 

La Voyageuse tourna la tête vers lui, surprise par la douceur de sa voix. 
Son sourire, sincère, l’apaisa instantanément. 
Elle répondit par un faible sourire. 

Oui. Elle n’était plus cette coquille vide. 
Depuis qu’elle avait parlé à cœur ouvert de Duviri, elle ne ressentait plus cette apathie qui la rongeait. 

Elle souffla du nez, un peu gênée par sa propre sensibilité, puis détourna le regard vers l’ouverture du stand. 
Dehors, le groupe traversait la galerie vers le bar. 

« T’as raison. Je me prends trop la tête. » 

Quincy suivit son regard. 
Un rictus amer étira ses lèvres. 
Ils étaient sûrement en train de commenter son “intervention” de tout à l’heure. 

« Juste… » dit-il, le ton plus bas, « Ne parle plus de mes hormones. Et surtout pas devant les autres. » 

« Promis. » répondit-elle dans un sourire amusé. 

Il soupira, exaspéré mais sans vraie colère. 
Puis, machinalement, il leva les yeux — et croisa ceux d’Arthur, posté un peu plus loin. 

Ils se fixèrent un moment. 
Le sourire en coin de Quincy se dessina, lent, presque provocateur. 

De là où il était, le Britannique ne dit rien. 
Mais sa mâchoire, elle, se crispa imperceptiblement. 

Notes:

Ola !

Merci d'avoir lu ce chapitre 8 !
Il est vrai que c'est une publication matinale, mais j'ai eu une fenêtre de tir pour le faire, d'autant plus qu'aujourd'hui sort The Old Peace !\(≧▽≦)/
En tout cas, j'espère que cela vous a plu, j'aime beaucoup ce genre de chapitre, tourné sur l'humour, c'est mon dada.
Je ne suis pas une romantique, vous allez vite le remarquer... (ou pas).

On se dit à mercredi prochain et bon jeu~!